Campagnes solidaires Mensuel de la Confédération paysanne
N° 286 juillet-août 2013 5,50 € – ISSN 945863
C’est parti pour un an de campagne ! Dossier
Un regard sur la précarité agricole
Sommaire Dossier
Un regard sur la précarité agricole 4 5 6 8 9 10 11 12 13 14 16
Tous à NDDL les 3 et 4 août ! Nous constatons qu’un coup d’arrêt à l’avancée d’AGO/Vinci et de l’État est bien réel sur le terrain, depuis quelques semaines déjà. Pour autant, le projet d’aéroport est loin d’être définitivement stoppé ! La victoire, c'est maintenant… qu'il faut l'arracher ! Le week-end des 3 et 4 août sera donc festif et militant.
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Mines de plombs
Toutes les infos sur : http://notredamedeslandes2013.blogspot.fr
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Actualité « Envie de paysans ! » C’est (bien) parti ! Pac Évitons la pac’astrophe ! Semences et plants Ne touchez pas à nos semences paysannes ! Pesticides Aller au bout, sans tergiverser OGM Pas de plantes mutées dans nos champs ! Commerce international La boite de pandore Sauvons l’élevage Lettre ouverte à Xavier Beulin Vie syndicale Point de vue Petits ruminants Pour des puces plus sélectives Internationales Indonésie Luttes foncières et conférence de Via campesina Grèce Le gouvernement attaque aussi son agriculture Agriculture paysanne Seine-Maritime Paysanne-fromagère et militante Terrain Seine-Maritime Aux Bouillons, on reste ferme ! Alpes-de-Haute-Provence RésisTranshumance pour la liberté de l’élevage Canards de terrain : les journaux locaux de la Conf’ Courrier Transmettre nos idées, faire vivre notre journal Annonces Culture Innovations potagères et sociales À demain, sous l’arc-en-ciel ! Dans le silence des campagnes
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Les textes publiés dans Campagnes solidaires peuvent être reproduits avec indication d’origine à l’exception de ceux de la rubrique Point de vue qui sont de la responsabilité de leurs auteurs et pour lesquels un accord préalable est requis. Campagnes solidaires est imprimé sur du papier recyclé
On l’ouvre « Sauvons l’élevage ! »… ou les meubles ? Décidément, le culot des destructeurs de l’agriculture paysanne n’a d’égal que leur asservissement aux chimères de la compétitivité ! Au siècle dernier, ils mettaient dix ans à comprendre nos propositions, puis à reprendre nos slogans. Ils doivent maintenant avoir des consultants en stratégie, car moins d’un an après les manifs de la Conf’ intitulées « Sauvons l’élevage », les Jean Vulliet, paysan en Haute-Savoie
voilà qui organisaient une manifestation à Paris, le 23 juin, avec le même mot d’ordre ! On pourrait se réjouir de cette convergence inattendue, mais elle cache des faits bien
Mensuel édité par: l’association Média Pays 104, rue Robespierre – 93170 Bagnolet Tél.: 0143628282 – fax: 0143628003 campsol@confederationpaysanne.fr www.confederationpaysanne.fr Abonnements: 0143628282 abocs@confederationpaysanne.fr Directeur de la publication: Laurent Pinatel Directeur de la rédaction: Christian Boisgontier Rédactrice en chef: Cécile Koehler Rédaction, secrétariat de rédaction: Benoît Ducasse
contradictoires. Ce sont eux qui voulaient que la prime « jeune bovin » ne concerne que ceux qui engraissent plus de 50 de ces animaux ; ce sont eux qui ont mis en place le puçage anticipé des ovins-caprins ; ce sont eux qui ont combattu les attributions laitières pour les petits éleveurs ; et ce sont encore eux qui veulent affaiblir les cahiers des charges des AOC/IGP. Une fois de plus, la duplicité des (ir)responsables de l’ancien syndicat unique fait croire aux éleveurs désemparés qu’ils sont leur planche de salut. Mais la planche est
Maquette: Pierre Rauzy (Fascicule)
plutôt pourrie ; et la manœuvre, plutôt grossière, s’apparente plus à un sauvetage de
Dessins: Samson
meubles. Sauf que les meubles sont des coffres-forts, remplis par des céréales
Diffusion: Anne Burth et Jean-Pierre Edin Comité de publication: Jo Bourgeais, Michel Curade, Véronique Daniel, Jean-Claude Moreau, Josie Riffaud, Geneviève Savigny, Véronique Léon Impression: Chevillon 26, boulevard Kennedy BP 136 – 89101 Sens Cedex CPPAP n° 1116 G 88580 N° 286 juillet-août 2013 Dépôt légal: à parution Bouclage: 26 juin 2013
SURprimées, et que les plus gavés de la Pac ne veulent surtout pas modifier la répartition des aides publiques. Tout au plus, leur mauvaise conscience les pousse à envisager un fonds de modernisation de l’élevage. Mais attention, le déblocage des aides serait conditionné à de nouveaux investissements et ils veulent en contrepartie une refonte du mécanisme de déduction pour aléas, qui a pour but de réduire les impôts de ceux qui gagnent le plus ! Décidément, la solidarité n’habite pas la planète Fnsea…
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Le monitoringue (1) ! Trouvez-moi « tous les leviers de développement de nouveaux modèles agricoles », telle a été la consigne donnée par le ministre de l’Agriculture à l’ancienne directrice de l’Inra, Marion Guillou, et à Bertrand Hervieu, vice-président du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux. En attendant les avis du second, la première a rendu son rapport sur l’agro-écologie. Il faut viser les « agricultures doublement performantes », entendons, encore plus compétitives et encore plus respectueuses de l’environnement ! Comment ? Prenons l’exemple de l’élevage. L’œil de l’éleveur et son repérage empirique de la bonne santé de l’animal ne sont plus de mise pour « l’élevage de précision ». Car, comme de bien entendu, si on a l’agriculture de précision et ses GPS miracles, pourquoi ne pas avoir l’élevage de précision et une technologie de pointe? Et c’est là qu’entre le « monitoring », mot franglais qui donne à lui seul un gage de progrès, de modernisme, de compétitivité: implantez une puce électronique près de la panse de votre vache et tout temps de suspension de la rumination de chacune de vos vaches sera le diagnostic d’un correctif alimentaire ou médicamenteux à apporter… Le monitoring permet à l’éleveur de gérer « avec plus de compétitivité » encore plus de vaches. Comme certains nouveaux médecins qui ne savent plus regarder et palper leurs patients, l’éleveur pourra moins faire confiance à son sens de l’observation qu’aux « bips » de la machine. Et notons que le bienêtre animal n’est pas la moindre des qualités attribuées à cette technique de « monitoring ». Il est hélas peu probable qu’à la différence du marchand de monitoringues, la société, aussi éclairée soit-elle des lumières du progrès, se saisisse des subtilités de ce nouveau bien-être animal. Magie du monitoringue et mystère des doubles performances nous rapprocherontils de l’animal ? En attendant, on a au moins la preuve que notre ministre est bien un être animal de type humain, car quel autre être animal ne pourrait pas rêver, comme chacun d’entre nous parfois, d’avoir en même temps le beurre et l’argent du beurre ? (1) Prononciation française du mot anglais « monitoring ». 9 mai 2013
Le ruraleur
Le ruraleur
Actualité
C’est (bien) parti ! La campagne « Envie de paysans ! » a été lancée avec succès les 31 mai et 1er juin à Paris (cf.p.24). Portée par la Confédération paysanne, elle durera un an, avec pour objectif d’orienter au maximum l’application de la prochaine Pac dans l’intérêt des citoyens, paysans et consommateurs.
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e succès de la ferme à Paris est de bon augure pour une campagne d’un an qui permettra à la société civile de peser de tout son poids dans l’application de la réforme de la Pac. Les enjeux sont de taille : la répartition, la convergence et le recouplage partiel des aides publiques, la gouvernance du développement rural et son renforcement, avec la possibilité d’y transférer une partie des fonds du premier pilier. Notre objectif est d’être omniprésents aux yeux du ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll. Autant le dire, ce n’est pas bien parti avec son refus au dernier moment de participer le 31 mai à la conférence sur l’avenir de l’agriculture et de l’alimentation, événement phare de la ferme à Paris. Mais qu’importe ses caprices, l’anguille Le Foll ne nous a pas échappé. Nous l’avons interpellé sur les allées du marché paysan et aucun sujet que nous voulions aborder n’a été omis. Le ministre devra clairement se positionner entre les intérêts de l’agro-industrie et ceux des citoyens. Tout est contenu dans le titre de la campagne : nous exigeons des politiques qui permettent l’installation et le maintien de paysans nombreux, dans un objectif de souveraineté alimentaire et une démarche d’agriculture paysanne. Au-delà des mots, nous défendrons la soutenabilité économique de cette orientation et nous nous battrons contre toutes les idées reçues et mythes
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Une conférence de presse durant « la Ferme à Paris », lancement de la campagne « Envie de paysans ! »
inoculés depuis trop longtemps dans l’opinion publique. Pour ce faire, le programme ambitieux agrégera l’ensemble des forces de la Confédération paysanne et de ses partenaires autour de la défense de toutes les thématiques sociétales impactées par la Pac, à savoir : l’emploi, l’alimentation et la santé, les ressources naturelles et la biodiversité, les territoires et les solidarités internationales.
Rassembler, informer et mettre en action paysans et consommateurs Le temps de la transition est venu, soutenu par la société, qui n’attend plus que la volonté politique pour devenir réalité. C’est tout l’objectif de la campagne « Envie de paysans! »: rassembler, informer et mettre en action paysans et consommateurs pour convaincre et construire l’agriculture de demain. Au programme et à partir du mois de septembre : • Des actions médiatiques pour cristalliser la contestation et l’envie de changements. • 60 dates dans toute la France autour de conférences, projections de films et interventions dans les écoles, pour sensibiliser
un maximum de personnes aux enjeux de la Pac. • 2 mois de temps forts à la rentrée, sur la mise en avant de l’agriculture paysanne et la consom’action. Nous organiserons le mois de la consom’action où nous appellerons à se rendre dans les fermes (fêtes paysannes, fermes ouvertes, marchés paysans…) pour changer les habitudes de consommation et renforcer le lien paysans/consommateurs. • Fin novembre des « Pain perdu parties » seront organisées un peu partout pour sensibiliser au gaspillage alimentaire afin de le combattre. • Une campagne de lobbying civil à la fin de l’automne sera plus particulièrement menée auprès des élus. Tous ces événements permettront une diffusion dynamique via Internet et les réseaux sociaux des positions de la Confédération paysanne sur l’ensemble des thèmes concernés. S’il y a un moment pour retrousser ses manches, c’est bien maintenant. Car c’est en ce moment que se dessine le visage de l’agriculture et de l’alimentation pour les années à venir. En avant ! n Pierre-Alain Prévost, coordinateur de la campagne « Envie de paysans ! »
Pac Évitons la pac’astrophe ! Les 31 mai et 1er juin à Paris, le temps fort du lancement de la campagne « Envie de paysans ! » était une conférence-débat sur les dernières discussions de la Pac et sa prochaine application en France.
Loin des demandes de la société Mais on le sait déjà : le texte aujourd’hui est très loin de la demande exprimée à Bruxelles lors d’une consultation, puis d’une conférence citoyenne en 2010. Des intentions de départ, formulées par le commissaire suite à la consultation de la société civile, il ne reste que fort peu de choses, pour ne pas dire rien. L’intense travail des lobbies agissant pour les grands bénéficiaires de la Pac actuelle a porté ses fruits. Il faut
dire que l’enjeu est énorme : la Pac, c’est aujourd’hui 55 milliards d’euros par an, soit 40 % du budget européen, et les représentants à Bruxelles des céréaliers, des sucriers, des riziculteurs et des industries agroalimentaires – les plus gros bénéficiaires – n’ont pas l’intention de lâcher leur emprise sur le pactole.
Photo : F. Demichelis
«
Envie de paysans ! », campagne portée par la Confédération paysanne, est lancée. Elle devrait durer près d’un an, sur le thème de la Pac, et plus particulièrement dans le but d’obtenir de vraies améliorations dans l’application au niveau français de la nouvelle politique agricole européenne qui devrait être opérationnelle au 1er janvier 2015. Meilleure répartition des aides entre paysans et régions, soutien plus affirmé aux petites fermes, incitation et accompagnement vers des pratiques plus respectueuses des hommes et des ressources naturelles, revenu des paysans: les enjeux et objectifs sont posés dans le débat qui débute à l’échelle nationale. Ce 31 mai, la Pac est encore dans le tunnel du trilogue. Le terme désigne le nouveau mode de décision des instances européennes depuis l’application du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009. Commission européenne, Conseil (les gouvernements) et Parlement européens doivent se mettre d’accord sur un même texte. Ce sera l’aboutissement d’un long processus de trois ans, à partir de la proposition initiale du commissaire européen à l’Agriculture, Dacian Ciolos. Celui-ci espère que le texte final qui encadrera la prochaine Pac sera adopté d’ici l’été ou durant celui-ci.
Un grand absent du grand débat de « la ferme à Paris », resté sur le pas de la porte : le ministre de l’Agriculture.
À Paris, le 31 mai, la Confédération paysanne lançait sa campagne avec un populaire marché fermier, accompagné de diverses animations (cf. p.24). Dans la tente centrale, un débat promettait aux participants d’interpeller le ministre de l’Agriculture sur ces intentions quant à l’application en France de la prochaine Pac. À la tribune, aux côtés de Mikel Hiribarren, co-secrétaire général de la Confédération paysanne et animateur du débat, l’attendaient entre autres Laurent Pinatel, le nouveau porte-parole national du syndicat, José Bové et Samuel Féret, animateur du groupe Pac 2013 qui rassemble 25 organisations françaises paysannes, rurales et de défense de l’environnement. Un passage difficile pour Stéphane Le Foll qui l’a esquivé avec beau-
coup de métier, visitant le site, serrant des mains, discutant ça et là, mais refusant d’entrer débattre dans la tente malgré son engagement jusque-là à le faire… Pour autant, la discussion n’a pas manqué d’intérêt. Le public a apprécié la pédagogie de José Bové expliquant les rouages et l’actualité des négociations, les points clés, les enjeux à venir et la menace qui pointe de l’ouverture de discussions pour un accord de libreéchange entre Europe et ÉtatsUnis d’Amérique, accord qui remettrait bien des choses en cause et ouvrirait les portes européennes aux OGM et à la viande hormonée, par exemple (cf. p.10). Le public a apprécié aussi la pugnacité de Laurent Pinatel : « La Pac ne vient pas de nulle part. Elle est le résultat de décisions politiques que les politiques doivent assumer. Si la Pac n’est pas bonne, c’est parce que les décisions politiques qui ont été prises ne le sont pas. » Et l’eurodéputé José Bové d’enfoncer le clou en fustigeant « l’égoïsme des États et le conservatisme des responsables agricoles nationaux et européens qui conduisent la Pac dans une impasse ». Corinne Rufet, vice-présidente EELV du conseil régional d’Ile-deFrance, en charge de l’agriculture, de l’environnement et de l’énergie (1), rappellera l’opposition des caciques locaux agricoles lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre des politiques locales en faveur de l’installation, du développement de la bio ou de la protection de l’eau. C’est toute la portée d’une campagne comme « Envie de paysans! »: mobiliser la société pour imposer la Pac qu’elle demande, demande jusqu’ici trop longtemps bafouée. n Benoît Ducasse (1) De la tribune sont intervenus également Jean-Claude Bevillard, vice-président de la fédération France Nature Environnement, et Jacques Caplat, administrateur de l’association de mobilisation citoyenne Agir pour l’Environnement.
Écobrèves
Actualité
Écobrèves Catastrophes climatiques à répétition Nous avions été impressionnés par les images des inondations début juin en Europe centrale qui ont provoqué des dégâts considérables : en agriculture, près de 400 000 hectares sous l’eau. Puis les intempéries se sont acharnées sur la France la deuxième quinzaine de juin, avec de la grêle ça et là hachant menu vignes, cultures maraîchères, voire céréales. Mais ce sont surtout les inondations dans les Pyrénées qui ont fourni à la télé des images bouleversantes. Certains experts parlent d’un milliard d’euros de dégâts. Sur le plan agricole, 300 000 hectares auraient été inondés: des cultures détruites, des herbages compromis, des paysans ne s’en remettront pas. Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, a annoncé la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et « des financements exceptionnels ». Le fonds national des calamités agricoles s’est de plus en plus désengagé, au bénéfice des assurances privées. Quelle part va-t-il prendre pour les pertes de la majorité des paysans non assurés ?
Loi d’avenir reportée Le projet de loi pour l’agriculture, dit « loi d’avenir » est reporté. Il sera discuté début 2014 par les parlementaires français, au lieu de septembre 2013 comme initialement annoncé. Le ministre de l’Agriculture cède ainsi aux injonctions de Xavier Beulin : « Nous avons dit au ministre qu’il était prématuré de vouloir aller au pas de charge sur la loi d’avenir », déclarait le président de la Fnsea la veille de l’annonce du report, le 11 juin. Dommage ! Le projet prévoit entre autres la suppression de la SMI (surface minimum d’installation) qui bloque l’accès au statut d’exploitant pour de nombreux jeunes installés, au profit d’une AMI (activité minimum d’installation), moins discriminatoire. Les cotisants de solidarité attendront encore pour avoir un vrai statut.
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Alors que la France est condamnée par la Cour de Justice de l'UE pour non respect de la directive « nitrates » et risque une lourde amende, le ministre de l'Agriculture annonce un assouplissement des règles pour passer de 450 à 2000 porcs par an dans les élevages, précisant : « JeanMarc Ayrault a accepté dans les mesures de simplification administrative le régime d'enregistrement pour les installations classées ». Cela signifie que pour passer de 450 à 2000 porcs, les enquêtes d'utilité publique ne seraient pas obligatoires. L'association Eaux et rivières de Bretagne s'insurge et demande au Premier Ministre de « trancher en faveur de l'intérêt général ». Les pressions exercées par le lobby porcin et la Fnsea contre « les contraintes excessives » auront-elles raison de l'intérêt général ?
Stéphane Le Foll veut développer la production bio Le ministre de l'Agriculture veut doubler la surface en bio d'ici 2017 et passer à 8 % des surfaces. Pour cela, il a annoncé le 31 mai un plan « Ambition bio 2017 » doté d'une enveloppe de 160 millions d'euros, dont la moitié sur fonds européens. Il était temps de joindre les moyens au discours : les plans de conversion ont chuté de plus de moitié depuis début 2012. La fédération des agriculteurs bio (Fnab) se félicite de l'augmentation significative des aides (conversion et maintien). Toutefois, elle émet un bémol : «Aucune annonce n'a été faite sur des crédits d'animation ». C'est une réserve pour le moins fondée, car l'Assemblée des chambres d'agriculture (Apca) n'a pas manqué de proposer de s'appuyer sur son réseau pour « organiser les filières, dynamiser la consommation, conquérir de nouveaux marchés… ». Fini le bricolage artisanal ! On passe au stade de la conquête des marchés et de l'assouplissement des règles, au nom de la concurrence internationale. La Fnab a de bonnes raisons de se dire vigilante !
Écobrèves
Écobrèves Une annonce incompréhensible
Actualité
Semences et plants Ne touchez pas à nos semences paysannes ! Le 17 mai sur le marché de Lavelanet, en Ariège, un agent de la répression des fraudes a pris cinq petits maraîchers en flagrant délit : comme à chaque printemps, ils vendaient aux jardiniers locaux quelques plants de légumes non enregistrés au catalogue officiel.
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es maraîchers contrôlés à Lavelanet le 17 mai vendaient des plants de tomates, poivrons, aubergines et autres, non enregistrés au catalogue officiel : c’est un flagrant délit de lèse-GNIS, la puissante interprofession des semenciers français. Tarif : 450 euros d’amende s’ils ne régularisent pas incessamment leur situation. Le 4 juin, le collectif OGM-31, la Confédération paysanne de l’Ariège et le Réseau Semences Paysannes ont organisé un rassemblement de soutien devant la « répression des fraudes » de Toulouse. Plus de 200 personnes sont venues rempoter des plants de légumes interdits sous le nez des quelques CRS chargés de garder l’entrée de l’immeuble abritant la direction régionale de la concurrence et de la consommation (DGCCRF). Une délégation a été reçue par la directrice des lieux et son adjoint. La délégation a rappelé les raisons du rassemblement, et notamment qu’il n’est pas acceptable : • d’obliger des petits paysans qui ne vendent que leurs propres produits à adhérer à une organisation de semenciers professionnels, qui de plus s’oppose à leurs droits élémentaires de reproduire, d’échanger et de vendre les semences et les plants issus de leurs propres récoltes ; • d’interdire à ces paysans de répondre à la forte demande des jardiniers qui veulent trouver sur le marché des plants leur permettant de cultiver toute la diversité des variétés paysannes, locales ou exotiques, qui ne pourront jamais être toutes inscrites au catalogue ; • que ce soit des salariés de l’interprofession semencière qui
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effectuent la plupart des contrôles des semences pour le compte de l’État ; • d’augmenter sans cesse la pression des contrôles sur les petits paysans qui ne font de mal à personne alors que dans la région, juste à côté, Spanghero a pu frauder pendant des années en échappant à tout contrôle et que Monsanto n’est toujours pas poursuivi, bien qu’il ait été pris, il y a un an dans ses locaux à Trèbes (Aude), en flagrant délit de détention d’OGM prêts à être distribués malgré leur interdiction (1). Pour terminer, la délégation a exprimé très clairement que si des petits maraîchers se trouvent verbalisés, elle est très déterminée à les soutenir par des actions de désobéissance civique.
Vers une réforme européenne du contrôle des producteurs Les responsables de la DGCCRF ont indiqué aux manifestants que le contrôle sur le marché de Lavelanet a été ordonné par sa direction parisienne. Cette nouvelle n’a rassuré personne. En effet, la Commission européenne a rendu publique le 6 mai une proposition de nouveau règlement sur les semences. Pour répondre aux besoins des petits paysans de l’Est européen qui préfèrent leurs variétés locales aux semences industrielles imposées par le catalogue officiel, tout en faisant un geste en direction des défenseurs des « semences anciennes », la Commission souhaite autoriser les petits paysans à échanger leurs propres semences et les petites entreprises à vendre des semences et plants de variétés « de niche » non enregistrées au catalogue.
Que l’industrie semencière proteste contre cette atteinte au monopole exclusif que lui offre le catalogue peut s’entendre, mais que l’État français réagisse en s’en prenant aux petits paysans pour manifester son opposition à la proposition des institutions européennes est pour le moins choquant. Pour compenser cet assouplissement du contrôle du marché, la Commission européenne propose une réforme du contrôle des producteurs qui donne un tout autre sens au contrôle de Lavelanet. La réforme vise en effet à plonger discrètement l’ensemble des productions végétales et de semences dans la marmite des « autocontrôles sous contrôle officiel ». Les petits ateliers de transformation de produits animaux à la ferme ont bien connu cette marmite : au début, l’eau est tiède, on rédige des guides de bonnes pratiques apparemment peu contraignants, on est même parfois subventionné pour les appliquer ; le contrôle étant annoncé gratuit, tout le monde s’enregistre et c’est alors que l’eau de la marmite est mise à chauffer. En vingt ans, les trois quarts des producteurs fermiers ont dû cesser leur activité par impossibilité de répondre aux nouvelles normes industrielles qui s’ajoutaient chaque année à celles de l’année précédente, toujours plus coûteuses en équipement, en analyses et en bureaucratie, et toujours inadaptées aux pratiques paysannes ou biologiques. Les mêmes « autocontrôles sous contrôles officiels » auxquels seront soumis les paysans qui ne voudront pas acheter de semences industrielles les obli-
Écobrèves
Actualité
Écobrèves Des Indiens tués pour la terre Avant que la révolte ne gronde au Brésil – mais y a-t-il un rapport? –, la police de l’État du Mato Grosso do Sul (proche du Paraguay) réitérait sa sale besogne le 30 mai en chassant les Indiens qui occupaient des terres ancestrales accaparées par un gros éleveur. Bilan : un mort par balle et 28 blessés. Les Indiens rappellent que 503 d’entre eux ont été assassinés depuis 2003, et que 555 se sont suicidés. Le Conseil indigéniste missionnaire (Cimi) qui se fait leur défenseur, dénonce le fait que la présidente Dilma Roussef n’a jamais reçu de délégations d’Indiens, alors qu’elle reçoit régulièrement les représentants des grands propriétaires terriens. L’appel au changement en cours dans ce pays ira-t-il jusqu’à dénoncer cette situation?
Le prix des terres régresse er
Manifestation à Toulouse, le 1 juin, devant la direction régionale de la concurrence et de la consommation. Des 876 variétés potagères inscrites en 1954, il n’en restait plus que 182 au catalogue officiel français en 2002. La raison de ces radiations ? Le poids de l’industrie semencière, qui, depuis cinquante ans, cherche « à standardiser les semences pour les adapter partout aux mêmes engrais et pesticides chimiques », estime le Réseau semences paysannes.
Les variétés homogènes et stables du catalogue sont sélectionnées pour les engrais et les pesticides chimiques, l’irrigation débridée et les grosses machines. geront à s’enregistrer eux-mêmes et à mettre à disposition de l’administration les noms de toutes les personnes avec lesquelles ils ont échangé des semences. Les semenciers n’auront plus qu’à réclamer ces informations accessibles à tout professionnel. Ils pourront alors réclamer des royalties à tout paysan qui ne pourra pas prouver qu’il n’a pas utilisé de semences de ferme d’une variété protégée par leurs certificats d’obtention végétale (COV) ou leurs brevets. Les autocontrôles obligeront aussi les paysans à analyser chaque lot de leurs propres semences pour vérifier l’absence d’OGM, de microbes ou de champignons dits pathogènes, à les
traiter avec les pesticides tueurs d’abeilles mais autorisés et leur interdiront les préparations naturelles à base de plantes non autorisées… La censure du catalogue ne sera plus nécessaire pour interdire les semences paysannes, l’autocensure obligatoire des autocontrôles suffira ! Les variétés homogènes et stables du catalogue sont sélectionnées pour les engrais et les pesticides chimiques, l’irrigation débridée et les grosses machines chargés d’homogénéiser les terroirs et de stabiliser les climats. C’est pourquoi les agricultures paysannes et biologiques utilisent des variétés hétérogènes et variables, capables de s’adapter par elles-
mêmes à la diversité des terroirs et des climats. La Commission européenne annonce vouloir autoriser la commercialisation de semences hétérogènes. Au vu des contraintes des autocontrôles, il n’est pas certain que cette ouverture soit accessible aux paysans. Il est par contre certain qu’elle permettra à l’industrie de contourner l’actuelle interdiction européenne de breveter des variétés, interdiction qui ne concerne que les variétés homogènes et stables mais ignore les variétés hétérogènes. Face à de telles menaces, la désobéissance civile initiée à Lavelanet et poursuivie à Toulouse a un bel avenir : plus que jamais, elle est nécessaire pour notre bien et celui des générations futures ! n Guy Kastler, Confédération paysanne et Michel Metz, collectif anti-OGM 31 et Réseau Semences Paysannes
(1) Action de contrôle citoyen menée par les faucheurs d’OGM et la Confédération paysanne.
Selon le rapport annuel de la FNSafer, le marché foncier s’est replié de 5 % en surface et de 9 % en valeur en 2012. Pour les terres libres, le prix moyen augmente de 1,1 % et s’établit à 5 420 €/ha. Cette moyenne cache de grosses disparités, et l’écart entre terres d’élevage à 4220 €/ha (-1,5 %) et zones de grandes cultures à 6 500 €/ha (+ 1,5 %) s’accentue. Enfin, les prix sont très différents selon les régions, sans que cela s’explique par leur valeur de production. En tout cas, le repli sur les placements fonciers qu’on nous annonçait en raison de l’instabilité monétaire ne s’est pas manifesté.
Une journée anti-gaspi ? Guillaume Garot, ministre de l’Agroalimentaire, a présenté le 14 juin un plan anti-gaspi alimentaire. Les agriculteurs, industriels de l’alimentation et grandes surfaces sont invités à mettre en place des filières de récupération des invendus et à adapter en amont la taille des portions. L’État va inclure des clauses antigaspi dans les marchés publics de la restauration collective. Chaque Français jette en moyenne 20 kg de nourriture par an. Pour sensibiliser le consommateur contre le gaspillage, Guillaume Garot a annoncé que « le 16 octobre deviendra une journée nationale contre le gaspillage ». Une manière de laisser son nom dans l’Histoire ? Jo Bourgeais
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Pesticides Aller au bout, sans tergiverser L’interdiction partielle et d’une durée trop courte de trois molécules insecticides risque de ne pas avoir l’effet escompté : l’agrochimie aura beau jeu de réclamer leur nouvelle autorisation.
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rois insecticides néonicotinoïdes viennent d’être suspendus par la Commission européenne par publication d’un règlement au journal officiel du 25 mai. Sous son apparence positive, cette interdiction permet en fait l’usage de ces pesticides pour le traitement de sol ou de semences des céréales d’automne et de betteraves (plusieurs millions d’hectares traités en France), ainsi que les pulvérisations foliaires après floraison pour la quasi totalité des autres cultures. Pourtant, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a reconnu en janvier 2013 le risque présenté par ces produits pour abeilles et pollinisateurs, et l’insuffisance de leur évaluation. Par ailleurs, cette décision ne prend pas en compte les effets de la dissémination dans l’environnement par les poussières de semis et par pulvérisations, ni ceux dus à la persistance dans les sols et les eaux. En enrobage de semences, 80 à 98 % du pesticide ne sont pas absorbés par la plante et polluent l’environnement. En moins de vingt ans, les néonicotinoïdes sont devenus la classe la plus largement utilisée d’insecticides : plus de 1 000 cultures et applications différentes dans plus de 120 pays. Ils représentent désormais plus du quart du marché de l’insecticide dans le monde, pour une valeur de 26 milliards de dollars. L’imidaclopride seul représente 41 % de ce marché (1). L’industrie s’est donc fortement mobilisée pour empêcher cette suspension, mais n’a obtenu que partiellement gain de cause. L’utilisation de pesticides systémiques à large spectre va à l’encontre des principes de la lutte antiparasitaire intégrée et conduit à des problèmes environnementaux graves. Ce sont des insecticides très toxiques pour les insectes utiles, les organismes du sol et aquatiques, mais aussi les oiseaux. Leur application à grande échelle, la persistance dans la terre et l’eau, le potentiel d’absorption par les cultures et les plantes sauvages, font que les néonicotinoïdes sont biodisponibles pour les pollinisateurs à des concentrations sublétales (2) la plupart de l’année. D’où la présence fréquente de néo-
Semences de maïs enrobées d’insecticides néonicotonoïdes.
nicotinoïdes dans les La Confédération En moins de vingt ans, paysanne demande au ruches. ministre de l’AgriculLes néonicotinoïdes les néonicotinoïdes sont ture de ne pas céder provoquent un large devenus la classe la plus aux lobbies qui exeréventail d’effets sublélargement utilisée cent leur influence taux défavorables d’insecticides : jusque dans son admipour les abeilles et les nistration, et d’aller aubourdons, présentant plus de 1 000 cultures delà de la position de des synergies avec et applications différentes la Commission eurod’autres pesticides et dans plus de 120 pays. péenne en interdisant agents infectieux tels les traitements pour les que nosema ceranae (3) qui, ensemble, peuvent produire l’effon- céréales d’automne et pulvérisations après drement des colonies. Ils peuvent aussi floraison, comme le permet la réglemenprovoquer la mortalité des colonies par tation. Discourir sur les pesticides et la santé au intoxication chronique, par consommation hivernale de provisions contaminées. Sénat et vouloir promouvoir l’agroécologie Toutes ces données scientifiques sont évi- n’ont de sincérité que si des actes concrets demment contestées par l’industrie des sont posés. La Confédération paysanne pesticides qui, toujours dans le mensonge, demande donc au ministre de ne pas terdéclarait fin mai : « Les pesticides sont des giverser et de passer à l’acte. n produits utiles aux agriculteurs mais égaleJean Sabench, ment aux apiculteurs qui utilisent ces culapiculteur dans l’Hérault tures pour faire butiner leurs abeilles. Nous recommandons toujours leur utilisation dans (1) C’est la matière active du Gaucho, l’un des le respect des conditions d’emploi, garantisinsecticides les plus connus, mais aussi d’autres formulations du marché, tels que le Coboy 350, sant leur innocuité » (4). Confidor, Provado, etc. L’interdiction partielle et d’une durée trop (2) Quantité toxique inférieure à celle qui produicourte de ces trois pesticides risque donc rait la mort. (3) Champignon microscopique unicellulaire parade ne pas avoir d’effet suffisant sur les site provoquant des infections chez certaines espèces ruches, et l’agrochimie aura beau jeu de d’insectes, dont l’abeille. réclamer leur autorisation. (4) Jean-Charles Bocquet directeur général de l’UIPP.
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Actualité
OGM Pas de plantes mutées dans nos champs ! Le comité de pilotage de l’Appel de Poitiers tire la sonnette d’alarme face aux plantes mutées, des OGM qui cachent leur nom. Priorité absolue à court terme : pas de colza muté dans les campagnes pour les prochains semis !
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l y a déjà un an, le 24 juin 2012, les États généraux « Abeilles, semences et biodiversité » rassemblés à Poitiers à l’initiative de plus 15 organisations (1) lançaient un Appel solennel pour « sauver l’abeille, les autres pollinisateurs et la biodiversité, pour la reconnaissance des droits des paysans, pour un changement des pratiques agricoles ». Des paysans, des apiculteurs, des consommateurs, des environnementalistes, des citoyens de divers horizons demandaient à l’ensemble de la société de s’engager de toute urgence pour sauver la biodiversité. En juin 2013, le comité de pilotage de l’Appel de Poitiers tire la sonnette d’alarme afin d’amplifier la portée de cet appel, décriant la mutagénèse dirigée, des OGM qui cachent leur nom. Chaque année les surfaces cultivées avec des variétés de tournesols mutées augmentent, cependant qu’arrivent sur le marché des variétés de colza issues des mêmes technologies pour résister à des désherbants chimiques : on n’est pas donc pas surpris de constater que les volumes de pesticides utilisés en agriculture ne diminuent pas. Le plan Ecophyto annoncé avec une communica-
tion hors-norme devait pourtant enclencher cette évolution (2) ! Après des années de lutte des apiculteurs, trois insecticides néonicotinoïdes sont enfin interdits, mais uniquement sur certaines cultures et pour une durée limitée alors que de nombreuses études et les interdictions en vigueur dans d’autres pays montrent bien que l’absence d’utilisation de ces produits a un impact bien positif sur les abeilles (cf. p.8). Avec les projets de nouvelles réglementations françaises et européennes sur les semences, les droits des agriculteurs risquent d’être encore plus restreints, au profit des toujours plus puissantes multinationales, grâce à leurs importants portefeuilles de brevets qui leur donnent des moyens démesurés.
L’impasse des plantes pesticides Conformément aux engagements pris il y a un an, les signataires de l’Appel de Poitiers veulent faire valoir leurs droits dans l’orientation des choix politiques en veillant à un juste équilibre entre la ressource semencière en qualité de bien commun, les ques-
tions environnementales, sociales et économiques. Celles et ceux qui veulent s’investir dans une mutation agroécologique, du ministre au paysan avec tous les intermédiaires et partenaires (chercheurs, commerciaux…), ne doivent pas oublier l’impérieuse nécessité de respecter l’objectif de tendre vers cet équilibre. C’est fondamental pour la durabilité de notre agriculture. Priorité absolue à court terme pour répondre à cet objectif : pas de colza muté tolérant aux herbicides dans les campagnes pour les prochains semis ! n Jean-Pierre Lebrun, paysan dans le Maine-et-Loire et William Élie, Les Amis de la Confédération paysanne
(1) Agir pour l’environnement, Amis de la Terre, ASPRO PNPP, Attac, Combat Monsanto, Confédération paysanne, Demeter, Faucheurs Volontaires, Fédération Française des Apiculteurs Professionnels, Générations futures, LPO, Les Amis de la Confédération Paysanne, Nature et Progrès, Réseau Semences Paysannes, Sciences citoyennes, UNAF, Greenpeace, Fnab. (2) L’objectif du plan Ecophyto est une diminution de 50 % de l’utilisation des pesticides dans l’agriculture d’ici 2018.
Définitions
Le 30 juillet 2011, 250 militants venus de toute la France ont participé au fauchage symbolique d’une parcelle de 100 m2 de tournesol muté, à Feyzin, près de Lyon. Selon Jean-Luc Juthier, paysan dans la Loire, « 30 à 50 % des surfaces de tournesol en Rhône-Alpes étaient en 2012 des variétés de tournesol mutées, issues de technologies brevetées ».
La mutagenèse consiste en l’introduction volontaire de mutations par l’action d’agents mutagènes chimiques ou physiques dans une séquence ADN. Les mutagènes induisent l’apparition de mutations par 3 mécanismes différents au moins : ils peuvent remplacer, modifier ou endommager des parties de la séquence d’ADN. Les plantes issues de mutagénèse sont donc des organismes génétiquement modifiés. Mais bien que conformes à la définition européenne des OGM, elles ne sont pas actuellement soumises à la réglementation sur les OGM.
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Actualité
Commerce international La boite de pandore Un projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les ÉtatsUnis devrait bientôt entrer dans une phase de négociations concrètes. Parmi les enjeux : l’ouverture sans contraintes des fermes et des assiettes européennes aux OGM, à l’hormone laitière, aux viandes hormonées ou clonées…
L
e 23 mai à Strasbourg, les eurodéputés ont approuvé l’ouverture de « discussions » entre l’Union européenne et les États-Unis, appelées « partenariat transatlantique de commerce et d’investissement ». Officiellement, chacun des 27 États membres pouvait refuser de donner mandat de négociation à la Commission européenne et au Conseil, ce qui aurait arrêté le processus. Mais les gouvernements ne veulent pas froisser Washington, et le feu vert a été donné le 14 juin. L’objectif est de créer la plus vaste zone de libre-échange mondiale. L’UE et les États-Unis représentent la moitié du PIB mondial. José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, affirme qu’un accord apporterait un demi point de croissance, ce qui aiderait l’Europe à sortir de la crise… Le périmètre des négociations ne vise pas seulement à faire tomber les derniers droits de douanes. Il s’agit surtout d’harmoniser les normes et réglementations, et de protéger les investissements. Barack Obama l’a avoué publiquement : « Cet accord possible renforcera le pouvoir de nos multinationales. » L’objectif est donc clair : permettre aux entreprises transnationales de pouvoir attaquer directement et ainsi faire condamner les gouvernements qui par la loi protégerait les entreprises locales, leurs services publics ou leurs ressources mutuelles, entravant le sacro-saint libre marché mondial. Un exemple ? L’entreprise américaine pétrolière Lone Pine poursuit actuellement le Canada et lui demande une compensation de 250 millions de dollars en vertu de l’Alena (accord de libre-échange entre Canada, États-Unis et Mexique), suite au moratoire adopté en 2011 par le Québec sur l’exploitation des gaz de schiste par fracturation hydraulique. La demande des grands acteurs transnationaux est limpide : faire des affaires et protéger les investissements par la mise en place de mécanismes contraignants pour régler les différents. Sur les questions agricoles, les
contentieux avec les USA, patrie des multinationales de l’agroalimentaire, de la semence et de la chimie, se sont accumulés depuis vingt ans. Citons les refus de l’Europe d’importer ou d’utiliser la somatotropine (hormone laitière), la viande bovine hormonée, les poulets désinfectés au chlore pour raisons d’hygiène déficiente dans les abattoirs… Même chose pour les carcasses de viande bovine trempées dans l’acide lactique. Cependant que des animaux clonés seraient entrés dans la chaîne alimentaire, et plus récemment du blé transgénique aurait été découvert dans des silos, bien que non autorisé à la commercialisation en Europe.
Le rouleau compresseur libéral remis en marche Les OGM sont bien sûr en point de mire : les moratoires arrachés à force de faucilles, de procès et de conquête de l’opinion publique, les révélations sur leurs conséquences, sont insupportables pour le monstre semencier Monsanto. Pour « fluidifier » le commerce des semences et produits transgéniques, les États-Unis plaideraient pour la définition d’un seuil minimal de présence d’OGM d’importation en dessous duquel l’UE devrait fermer les yeux… Et la question de l’homologation des 100 000 molécules chimiques utilisées en agriculture, dans les industries agroalimentaires, celles du conditionnement ou de la conservation, ne pose pas les mêmes inquiétudes des deux côtés de l’Atlantique. L’UE a tenté dans le cadre de la directive Reach (registre européen des substances chimiques autorisées) d’im-
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poser des tests de toxicité pour une confirmation de leur mise en marché, pourtant réduits aux molécules les plus utilisées. Mais les firmes US souhaitent réduire à néant ces réglementations. La malbouffe US n’arrive pas à terrasser des décennies de résistances paysannes et citoyennes refusant la mainmise des empires financiers sur notre alimentation, le nivellement de la qualité alimentaire par le bas, défendant aussi des décennies de savoirfaire paysans qui ont permis d’élaborer des semences, des AOC viticoles et fromagères, des savoir-faire régionaux, et qui ont identifié des hommes et des femmes, des paysages et des territoires. Mais les acteurs néolibéraux ne désarment pas. Ils ont trouvé des collaborateurs au sein de la Commission européenne, comme Karel De Gucht, le très libéral commissaire européen au Commerce. Stéphane Le Foll se veut rassurant, déclarant le 15 juin que les « lignes rouges » françaises en matière d’agriculture et d’alimentation ont été prises en compte dans l’accord conclu entre les Vingt-Sept sur le mandat des négociations de libre-échange avec les États-Unis. Mais le rouleau compresseur libéral a bel et bien été remis en marche. À moins d’un an du renouvellement du Parlement européen (1), le débat sur le devenir de l’Europe sera chaud. n Christian Boisgontier (1) Les prochaines élections du Parlement européen auront lieu dans tous les États membres de l’Union européenne entre le 22 et le 25 mai 2014, pour élire 751 députés européens. Fils d’agriculteur flamand, le libéral belge Karel de Gucht est commissaire européen au Commerce. C’est lui qui serait en charge pour l’Europe des négociations avec les États-Unis d’un « partenariat transatlantique de commerce et d’investissement ».
Actualité
Sauvons les éleveurs ! Lettre ouverte adressée le 20 juin à Xavier Beulin, président de la Fnsea, à l’avant-veille d’une manifestation de ses troupes à Paris. Cher Xavier, Tu as donc décidé de venir passer un dimanche à Paris, dans les quartiers chics, pour parler d’élevage. Puisque nous sommes allés dans les quartiers populaires avec la Ferme à Paris, il fallait bien équilibrer la balance. Nous avons pourtant de la difficulté à saisir ton intention. En effet, tu dis vouloir sauver l’élevage et nous sommes satisfaits que tu relayes, de fait, « Sauvons l’élevage », la campagne que nous menons depuis près d’un an. Néanmoins, nous aimerions aussi que les revendications que tu portes habituellement aillent dans ce sens. Tu soutiens les choix politiques qui favorisent la disparition des paysans, et en premier lieu des
ils refusent soudain de prendre en compte les coûts de production, sous prétexte de conquête des marchés mondiaux. De la même manière, tu demandes une simplification des normes. Pourtant, ce sont les excès des uns, ceux qui suivent le modèle que tu défends, qui ont entraîné la multiplication de normes contraignantes pour tous. On le sait, le poids sur les éleveurs est énorme, et tu y as bien contribué en aggravant par exemple la conditionnalité de l’accès aux aides pour les petits ruminants, via la Fédération nationale ovine. Tu as aussi validé, dans le cadre de la directive nitrates, les normes vaches laitières qui pénalisent les systèmes herbagers, pourtant plus vertueux.
va être mise en place. L’écart de revenus entre grandes cultures et élevage ne cesse de s’accroître. Un rééquilibrage des aides est donc indispensable. Mais ton syndicat s’y oppose, et tu refuses même le plafonnement à 300000 euros proposé par la Commission européenne, ainsi que la surprime aux premiers hectares. Ils sont pourtant nécessaires, avec le couplage maximum des aides sur les troupeaux ruminants, pour mettre fin à une rente de situation intolérable des grandes exploitations. De la même manière, tu veux ponctionner le second pilier pour alimenter le premier alors qu’il faut faire l’inverse ! Le second pilier est indispensable pour soutenir l’élevage dans les zones difficiles. Il faut se rendre à l’évidence : tu dis vouloir faire de l’élevage une cause nationale, mais tu défends un modèle qui élimine les éleveurs. C’est d’ailleurs bien ce qui est apparu quand tu as soutenu l’exclusion d’une majorité d’entre eux de l’aide à l’engraissement des jeunes bovins. Ce modèle ne peut pas faire de l’agriculture « une chance pour la France », comme tu le revendiques. La chance pour la France, confrontée à de graves problèmes d’emplois, serait de contribuer à l’installation de paysans nombreux, là où tu pousses vers toujours plus d’agrandissement et de Dix mois avant la manif de la Fnsea à Paris, la Confédération paysanne lançait la campagne « Sauvons l’élevage ». Ici, mani- concentration qui créent des festation à Nantes, en janvier 2013. exploitations très difficiles à reprendre. éleveurs. Il faut d’ailleurs rendre hommage Tu as fait de l’environnement un proNous n’en pouvons plus de ton double à ton efficacité dans la défense de ce sys- blème alors qu’il s’agit d’un défi à relever. discours. Tu auras beau nous parler d’une tème d’agriculture productiviste, qui pousse Aujourd’hui les études montrent bien que « agriculture vraie, qui nourrit et fait vivre », à l’agrandissement des exploitations au les fermes laitières les plus exemplaires, nous savons qu’il n’en est rien. Tu dis que détriment des plus petites, sources d’emploi par exemple dans la gestion des nitrates « ce n’est pas un jeu », et bien on ne joue et de vie des territoires. grâce à la valorisation de l’herbe, ont des pas, justement. Face à ton personnage fabriMais ce double langage doit être fatiguant revenus supérieurs parce qu’elles sont plus qué de défenseur de l’élevage, nous contià la longue : un discours dans les salons des économes en intrants. Les questions envi- nuerons de défendre tous les éleveurs, en ministères, et un autre devant les paysans. ronnementales ne sont donc pas inconci- portant des revendications qui leur donTu nous dis, par exemple, qu’il faut immé- liables avec le travail d’éleveur, au contraire. nent un avenir à tous. diatement revaloriser les prix du lait et de Il faut seulement que les moyens leur soient Sur ce, nous te souhaitons un bon la viande. Nous sommes d’accord avec toi ! donnés de vivre de leur travail, en cohé- dimanche. Fais attention, il semble que la Mais dans les faits, quand les représentants rence avec leur milieu. météo soit capricieuse en ce moment. n Laurent Pinatel, de ton syndicat se retrouvent dans les De plus, tu n’es pas sans savoir que l’avePorte-parole de la Confédération paysanne conseils d’administration des coopératives, nir de l’élevage dépend aussi de la Pac qui Campagnes solidaires • N° 286 juillet-août 2013
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Vie syndicale La valse des rapports montre le manque d’ambition du ministère de l’Agriculture Rapports sur l’eau, sur l’agroécologie, Plan bio… Les présentations avec petits fours se succèdent rue de Varennes. La Confédération paysanne porte des revendications fortes, depuis longtemps, sur ces questions qui soudain semblent prendre une importance capitale… en tout cas si l’importance se calcule en nombre de réceptions. Car dans les dizaines de pages de ces rapports, la réponse n’y est pas, ou peu. Il serait temps de prendre vraiment la question agricole à bras-le-corps, d’avoir une vraie ambition à l’heure où la Pac et la loi d’avenir vont poser des marqueurs forts sur l’agriculture de demain. L’agroécologie, c’est le leitmotiv du ministre de l’Agriculture. Logiquement, un rapport a donc
Installation : le ministre maintient l’inéquité du système Le ministre de l’Agriculture, en visite au congrès des Jeunes Agriculteurs à Metz, vient d’annoncer sa volonté de maintenir ce syndicat comme « partenaire » pour coordonner les politiques d’installation régionales. Stéphane Le Foll officialise donc l’inéquité dans le soutien aux futurs paysans en optant pour une gestion partiale de cette mission de service public. La Confédération paysanne a affirmé son intérêt pour un point d’entrée unique dans l’installation au travers des Point info installation (PII)… à la condition que le pluralisme y soit respecté ! Aujourd’hui, tous les porteurs de projet ne sont pas accueillis de la même manière selon leur projet, au contraire de ce que prévoit le cahier des charges des PII. Leur fonctionnement doit correspondre à ce que le ministère de l’Agriculture envisage dans la Loi d’avenir : encourager des installations plus durables et plus diverses. Cela passe par un accueil et une information des candidats à l’installation neutres, et par une gouvernance des politiques d’installation pluraliste. C’est l’une des conditions majeures pour favoriser l’emploi de paysans nombreux dans des territoires vivants. Toutes les propositions de la Confédération paysanne pour favoriser l’installation dans le Livre noir, Livre blanc de l’installation sur : www.confederationpaysanne.fr (communiqué du 6/6)
été commandé sur le sujet. Pleine de bonnes intentions, Marion Guillou, son auteure, va même jusqu’à proposer des ajustements sur la Pac qui vont dans un sens positif. Mais problème, cela ne correspond pas vraiment aux options prises par le ministre sur la question. Le rapport de la semaine dernière, c’était sur la gestion quantitative de l’eau. Là aussi, un beau départ avec la prise en compte du changement climatique. Mais derrière plus rien, puisque la simple idée de réduire la consommation d’eau n’est même pas envisagée. Enfin, le plan bio annoncé il y a 15 jours en grande pompe comprend quantité de bonnes intentions. Cependant, il nous paraît légitime
de douter de la volonté d’en faire profiter l’ensemble des paysans du secteur qui travaillent selon des réalités très différentes les uns des autres. La question se pose donc de l’utilité de tant de rapports s’ils ne regardent pas objectivement les difficultés de l’agriculture et/ou s’ils sont voués à être oubliés puisqu’en désaccord avec la ligne fixée par le ministre de l’Agriculture. Toute cette agitation devrait être la source d’une vraie ambition pour l’agriculture. L’objectif doit être de contribuer à l’existence de paysans nombreux, répartis sur le territoire. Assez des mots, place à l’action ! (communiqué du 12/6)
Refuser un impôt déguisé Dans son arrêt rendu le 30 mai, la Cour de Justice de l’Union européenne a acté que les cotisations volontaires obligatoires (CVO) n’étaient pas des ressources d’État et que les actions de l’interprofession de la dinde (seule en cause dans ces décisions) ne sont pas des aides d’État. La Confédération paysanne prend acte de ces décisions, mais assure qu’elle continuera à s’opposer à ce système d’impôts déguisés au profit d’organismes privés. Il nous semble toujours incohérent qu’une cotisation soit à la fois volontaire et obligatoire. Par ailleurs, dans le cadre des poursuites engagées à l’encontre de paysans qui ont refusé de payer leurs cotisations, la Confédération paysanne attend de la Justice qu’elle prenne en compte l’incohérence de cette situation. La décision de la Cour de Justice européenne ne peut exonérer les interprofessions, organismes de droit privé, de l’application du pluralisme en leur sein pour la représentation des producteurs. La Confédération paysanne attend du ministère de l’Agriculture et du Parlement au travers de la future Loi d’Avenir Agricole et Forestière qu’ils imposent enfin le pluralisme à ces organismes qui prélèvent des cotisations à tous les paysans. La future loi doit prendre en compte les promesses du candidat Hollande d’ouvrir enfin les interprofessions à tous les syndicats. Tous cotisants, tous représentés ! (communiqué du 6/6)
Nitrates : et si on arrêtait de faire semblant ? Cela fait maintenant 22 ans que les responsables politiques et agricoles successifs tergiversent ! Cette condamnation concernant la directive nitrates sur les zones vulnérables était donc inévitable. Et la Cour de Justice de l’Union européenne doit encore rendre des décisions sur la faiblesse des programmes d’action mis en œuvre jusqu’à présent par la France. Il faut arrêter d’empiler les réglementations et enfin penser une politique agricole qui tienne compte des défis environnementaux à relever et se soucie de l’intérêt des paysans. La qualité de l’eau est un enjeu essentiel pour la préservation des ressources naturelles et il est temps de se poser la question des systèmes agricoles. Pourtant, après tant d’inaction, les propositions du gouvernement actuel ne montrent pas d’objectif de changement. Elles ne remettent pas en cause les modes de production intensifs. Depuis des décennies, l’État et la Fnsea ont mis en place une politique de compétitivité à courte vue plutôt que de défendre le revenu des paysans par des prix rémunérateurs, et des aides mieux réparties qui permettent de vivre décemment tout en préservant l’environnement. Ces politiques fondées sur l’augmentation incessante des volumes et les prix les plus bas pour accéder aux marchés mondiaux, ont fait l’impasse sur la préservation des ressources naturelles, ont fait disparaître en masse les paysans et en ont plongé beaucoup d’autres dans la précarité. Quand à l’Europe, cédant au poids des lobbys, elle ne donne pas à la France les moyens nécessaires pour atteindre l’objectif qu’elle lui fixe. Ce ne sont pas le simulacre de verdissement de la Pac et un 2ème pilier insignifiant qui permettront d’engager la nécessaire évolution de notre système agricole. Aujourd’hui, il est temps de changer de politique agricole pour permettre aux paysans d’anticiper plutôt que de subir ! (communiqué du 14/6)
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Dossier
Un regard sur la précarité agricole
L
ors des Rencontres nationales des agricultures, organisées en août 2012 à Laval par la Confédération paysanne, une haute responsable de l’aide alimentaire en France a fait part de sa stupéfaction quand elle a pris conscience que des paysans avaient besoin d’aide alimentaire. Il lui a semblé que le monde marchait sur la tête. Témoin par écrit et par photo dans ce dossier, le photojournaliste Jean-Charles Gutner a la même réaction quand il découvre que les paysans sont concernés par le RSA, et que nombre d’entre eux ne tirent pas un revenu décent de leur activité. Cette stupéfaction est d’autant plus grande que l’agriculture est une activité vitale pour la société. Un grand nombre de paysans sont confrontés à la faiblesse des revenus, tant pendant leur activité qu’à la retraite, mais la précarité dans le milieu agricole est souvent peu perceptible. Est-ce parce que la précarité serait moins terrible en milieu rural ? Elle n’est pourtant pas naturelle. C’est souvent le fruit d’un système, qui l’a créée et l’entretient ; et dont Solidarité Paysans est témoin au quotidien. Ce ne sont pas seulement les agriculteurs les plus âgés, ni les moins bien équipés, ni ceux qui cultivent les terres les plus ingrates qui rencontrent aujourd’hui de graves difficultés. Ces dernières touchent quasiment toutes les productions, quels que soient la taille de l’exploitation, la date d’installation, le système de production et de commercialisation. Ce phénomène demeure à peine perceptible par l’ensemble de la société française, si ce n’est à travers quelques « faits divers » rapportant des suicides de paysans. À partir d’une situation de fragilité, il faut peu de chose pour basculer dans l’engrenage des difficultés. Il suffit d’une chute brutale des prix, d’un financement inadapté, d’un problème familial ou de santé. Viennent ensuite l’isolement, le sentiment d’échec personnel, le risque de perdre un outil de
travail auquel on est affectivement attaché, l’impossibilité de trouver seul une issue. Vous n’entendrez pas la profession agricole parler de pauvreté. Elle préfère tenir un discours stigmatisant envers les agriculteurs en difficulté et ignorer l’ampleur des dégâts. À travers son action, Solidarité Paysans réintroduit de l’entraide entre paysans pour lutter contre l’isolement et sortir du piège de l’endettement en réfléchissant avec eux à leurs choix. Jean-Charles Gutner, par la relation qu’il a établie avec des paysans et paysannes de Bretagne et de Picardie, témoigne de leur combat pour poursuivre leur activité et rester debout. n Pierre Chevrier et Gérard Fiquet, administrateurs de Solidarité Paysans
Campagnes solidaires • N° 286 juillet-août 2013
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Dossier
Toute une histoire Les paysans en difficulté organisent leur défense par eux-mêmes depuis plus de vingt ans avec Solidarité Paysans.
L
e terme « agriculteurs en difficulté » est apparu en France dans les années quatre-vingt, signe de modifications importantes du contexte économique agricole. Alors que l’on assiste à une paupérisation de bon nombre d’agriculteurs, certains s’organisent et créent les premières associations de défense des agriculteurs en difficulté. Dynamisé par l’extension des procédures collectives à l’agriculture en 1988, ce mouvement de création associative s’étend progressivement à l’initiative de membres de la Confédération paysanne et de Chrétiens en Monde Rural. En 1992, ces associations constituent le réseau national Solidarité Paysans. La légitimité de l’association s’est construite sur le traitement de la dette, mais ce qui la caractérise est son approche globale (prise en compte de tous les aspects des problèmes des personnes). Sa seconde caractéristique est sa capacité à mobiliser conjointement les différents dispositifs – sociaux, réglementaires et judiciaires – ainsi que les acteurs compétents susceptibles de contribuer au règlement des difficultés. Dans la recherche de solutions, Solidarité Paysans prend le parti des agriculteurs face aux différents créanciers et organismes publics ou privés. Enfin, et surtout, l’association se fixe pour objectif de permettre
à l’agriculteur d’être le premier acteur de son redressement et de retrouver pleinement sa place dans la société. Soucieuse d’allier défense individuelle et collective, l’association ancre son projet dans les valeurs républicaines. À partir d’une réflexion et d’une analyse collective des situations accompagnées, Solidarité Paysans contribue depuis sa création à la production de droits communs et à l’évolution du Droit. Solidarité Paysans couvre 50 départements. n www.solidaritepaysans.org
… et une actualité La Fnsea et l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) ont signé le 10 avril 2013 une convention de partenariat sur l’accompagnement des exploitations fragilisées ou en reconversion professionnelle. Pourquoi annoncer la création d’associations alors que les outils existent déjà sur le terrain ? Les chambres d’agriculture et la Fnsea préféreraient-elles agir sans contradicteur ? Les associations Solidarité Paysans permettent à l’agriculteur d’être acteur de son redressement économique et personnel. Aujourd’hui, ces associations accompagnent chaque année près de 3 000 familles d’agriculteurs confrontées à des difficultés financières, et ce quels que soient leurs choix professionnels et syndicaux. Les accompagnateurs agissent dans la discrétion et le respect de la personne qui fait appel. Ensemble, ils étudient sa situation réelle, analysent les causes des difficultés, mettent en lumière les atouts et faiblesses de l’exploitation et de la famille pour leur permettre de prendre des décisions et de trouver des solutions adaptées pour faire face aux dettes. Les associations Solidarité Paysans, reconnues pour leur travail de proximité et de suivi de terrain, ont acquis la capacité de coordonner l’intervention des différents acteurs du monde agricole. 60 % des suivis engagés aboutissent au maintien des emplois et de l’outil de travail. Solidarité Paysans continuera de pratiquer une défense indépendante de tous les lobbies créanciers, une défense au service des agriculteurs qui choisissent de faire appel à elle. (Communiqué de presse de Solidarité Paysans – extraits, 11/4/2013)
II \ Campagnes solidaires • N° 286 juillet-août 2013
Des chiffres clés • En 2010, le taux de pauvreté monétaire des agriculteurs reste très supérieur à la moyenne de la population (24 % en 2010 contre 13 % en 2006). (Sources : Centre d’étude et de prospective, avril 2010) NB : le calcul de la pauvreté, basé sur les flux de revenus, ne tient pas compte du patrimoine
• 11 500 foyers non salariés agricoles perçoivent le RSA au 31/12/2011. (Source : MSA) • 98 214 non salariés agricoles perçoivent une allocation logement au 31/12/2011 (id). NB : Chiffres certainement largement inférieurs aux nombres de personnes susceptibles de pouvoir en bénéficier, du fait des difficultés d’ouverture des droits en agriculture.
• Ces trente dernières années, l’endettement moyen des agriculteurs n’a cessé d’augmenter, passant d’environ 50000 euros en 1980 à plus de 163 700 euros en 2011. Le montant de l’endettement est bien sûr lié à la taille économique de l’exploitation. • Quant au taux d’endettement (rapport du total des dettes à l’ensemble de l’actif), il est en moyenne en 2011 de 40 % alors qu’il était en 1995 de 35 %. Il dépasse toutefois les 60 % en moyenne en maraîchage, porcins et volailles. (source : Agreste, Rica 2011)
Dossier
« Comment celui qui nourrit l’humanité ne peut-il vivre dignement de son travail ? » Un regard et des mots sur la précarité en agriculture : ceux du photojournaliste Jean-Charles Gutner.
C’
est une pauvreté invisible, pudique et fière. La misère qui se cache au fond de nos campagnes n’épargne pas ceux qui, depuis des générations, exploitent la terre ou élèvent leurs bétails. Au-delà de tout débat politique, syndical ou partisan, l’agriculteur est celui qui nourrit l’humanité.
tion de la population, la disparition des commerces et du tissu rural. Travaillant autour du monde agricole depuis quelques années, je fus choqué, lors de la parution en 2010 dans un magazine de la presse professionnelle agricole, d’un dossier spécial qui expliquait aux paysans, sur plusieurs pages, comment toucher le RSA. Ils sont aujourd’hui plusieurs
« Au départ, les agriculteurs sont dans un schéma de production maximale alors que leur situation financière est tendue. Puis un grain de sable vient tout perturber : un problème de santé, une maladie du troupeau, un endettement excessif sur le matériel ou en raison de la mise aux normes des bâtiments, mais aussi la chute des prix de vente. Et c’est l’engrenage avec souvent des problèmes familiaux, voire un divorce. » Comment celui qui travaille dur pour cela ne peut-il vivre dignement de son travail ? L’agriculture française reste la plus performante d’Europe, mais la France compte deux fois moins de paysans depuis vingt ans, les jeunes générations n’assurent plus la relève de ceux partant à la retraite; précarité, faibles revenus, charges et horaires de travail élevés, endettement important à l’installation, telles sont les causes de ce désengagement. En 2000, d’après des chiffres officiels, il y avait 1,3 million d’agriculteurs en France, en 2010, ils sont 966 000. Le nombre d’exploitations est lui passé de 663 800 en 2000 à 490 000 pour 2010. Ce phénomène entraîne également l’amplification des grosses structures de production, une migra-
milliers en France à percevoir cette prestation de l’État, tout en continuant à travailler au quotidien sur leurs fermes. Le produit du terroir a fait place depuis longtemps à celui de la machine industrielle et du rendement à faible coût. La misère aussi en a un, il est humain en premier lieu. J’ai commencé ce travail photographique en avril 2011, après avoir pris plusieurs contacts avec certains paysans fin 2010. Je les ai convaincus, au fil des rendez-vous et avant de sortir mes boîtiers, de la nécessité de témoigner de leur réalité économique, en leur garantissant que je ne chercherai pas à faire des gros plans
de leurs poubelles, mais à témoigner simplement de leur vie. Sept mois après le premier contact, je commençais les prises de vue. J’ai photographié également pour ce reportage, les mains de chaque paysan comme un fil commun. Solidarité Paysans Picardie m’a aidé dans cette démarche. Cette association présente dans plusieurs régions de France, m’a permis de continuer ce travail, en janvier 2012 en Bretagne, avec d’autres paysans et l’aide du conseil régional. Ils ont tous fait appel au service de Solidarité Paysans, éleveur laitier, éleveur de bovins viande, céréalier, éleveur de volailles, de porcs ou d’ovins : toute la filière agricole est représentée. Endettement élevé (pour les mises aux normes, modification des bâtiments, achat de matériels), prix de vente de leurs produits en baisse, augmentation du prix d’achat des matières premières (aliments pour animaux, engrais, semences), problèmes de santé, accident du travail, sont les principales causes qui font basculer ces paysans dans la précarité en quelques mois. Je suis actuellement à la recherche de financements pour continuer ce reportage photographique dans la région Paca, avec des arboriculteurs, des maraîchers et des éleveurs de montagne, afin de mettre en évidence que tous les secteurs d’activités agricoles sont touchés. n Jean-Charles Gutner
Un regard sur le monde Dans les années quatre-vingt-dix, Jean-Charles Gutner a beaucoup voyagé, réalisant des reportages photographiques durant la première guerre du Golfe, en Irak, mais aussi en Roumanie, Turquie, Algérie. couvrant la guerre civile en Angola pour l’Agence France Presse (AFP) et Associated Press (AP), collaborant avec l’agence Sipa, la BBC, Reuters, RFI et de nombreux magazines et journaux à l’international (Time, Newsweek, El Pais…) avant de séjourner quelques années en Afrique. Installé en Champagne depuis son retour en France en 2007, il a participé à la création en juin 2010 de la première photothèque dédiée uniquement au monde agricole et viticole accessible via internet (www.photoagricole.net) avant de débuter sont reportage sur la précarité dans le monde agricole, distribué par l’agence Sipa press. Courriel : jcgutner@orange.fr Sites : www.jeancharlesgutner.com www.photoagricole.net Campagnes solidaires • N° 286 juillet-août 2013
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Dossier
M. Martin est éleveur de vaches de race limousine, il a décidé de se convertir en bio, et de travailler comme il le souhaite. Il est propriétaire d’un troupeau de 140 vaches et de 80 hectares de terre, dans le département de l’Oise, près de Compiègne, en Picardie. Son dossier suivi par l’association régionale
Solidarité Paysans concerne sa demande de RSA qui a été refusée car il gagnait… 70 euros de plus que le minimum requis pour bénéficier de cette prestation. Il a construit de ses mains la maison familiale en deux ans, mais a dû arrêter les travaux, situation financière oblige. Il doit privilégier
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les investissements sur son exploitation afin qu’elle devienne rentable. Il vit en couple avec ses 3 enfants âgés de 4 à 12 ans, dans un mobile-home depuis plusieurs années. En plus du travail de la ferme, il se loue comme prestataire agricole afin de faire rentrer un peu d’argent.
Dossier
s M. Guyon est éleveur de vaches laitières et cultivateur en Picardie. Il a perdu une partie de son troupeau suite à une maladie. En perte de revenus, impossible d’honorer les cotisations de la MSA qui l’assigne devant le tribunal de grande instance d’Amiens pour un arriéré de 6 000 euros. À 54 ans, si son redressement judiciaire n’est pas accepté, il devra vendre l’exploitation familiale. Photo prise en 2011 au tribunal, à Amiens.
s
M. et Mme Corbeau élevaient des porcs. Ils ont dû arrêter leur exploitation et vendre toutes leurs bêtes, suite à la baisse du prix de vente du cochon, qui se négociait à un euro du kilo. Premier règlement amiable judiciaire en 1995, réglé en 2006. Mises aux normes des bâtiments en 2007, nouveau prêt et nouvelle chute du prix du porc en 2009, avec flambée des céréales pour l’alimentation des animaux. En 2011, sous la pression de leur banque et de la coopérative, ils sont contraints de vendre une grosse partie de leur cheptel, mais ils négocient une diminution de leur dette. Celle-ci devait être soldée en juin 2013. M. Corbeau est aujourd’hui à la retraite mais continue d’aider son épouse sur l’exploitation. Madame Corbeau a dû prendre un travail à mi-temps. Elle continue néanmoins à engraisser des bêtes pour le compte d’une coopérative, en plus de son activité de salariée, afin de pouvoir solder les dettes accumulées. Native de Plerguer, elle a 58 ans, siège au conseil municipal depuis plusieurs années et s’investit également dans diverses associations sociales, comme le service local de maintien à domicile dont elle est présidente. Elle a commencé le 14 mars 2013 une formation d’aide ambulancière. Campagnes solidaires • N° 286 juillet-août 2013
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Dossier
M. Huguet est éleveur laitier en Bretagne. Avec sa femme et leurs deux enfants, il vit sur l’exploitation qu’il a acquise il y a cinq ans. La chute du prix du lait en 2008 le conduit à cumuler 120 000 euros de dette en quelques mois. Malgré ses difficultés financières, il a voulu participer à la grève du lait menée dans sa région au plus fort de la crise laitière. Il a déversé lors d’une manifestation quelques milliers de litres de sa production, afin de soutenir le mouvement revendiquant l’augmentation du prix d’achat du lait. Il travaille avec sa mère, élevant 90 vaches laitières sur sa ferme de 150 hectares de terre et de prairies. Aujourd’hui, ses dettes sont en partie payées. Il lui reste 60 000 euros à régler, mais il fait toujours face à une gestion très rigoureuse de son exploitation. Il vit avec le RSA depuis 2010. Il traite ses vaches 2 fois par jour, 7/7, et n’arrive toujours pas à prélever de salaire pour son travail.
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Dossier
M. Leroux était éleveur porcin à Guiscriff, en Bretagne. Installé en 2000, les premiers problèmes de trésorerie apparaissent en 2003 avec la crise du porc (une des crises du porc). 2004 : obligation de mise aux normes, emprunt à la banque pour la construction d’une fosse à lisier. Ce projet est viable à condition d’agrandir un bâtiment pour produire plus, le Crédit agricole donne son
accord de principe sur ce projet. La fosse se construit mais pas le nouveau bâtiment: refus de la banque. Les charges d’exploitation augmentent. 2006/2007: nouveau problème de trésorerie, l’éleveur doit vendre une maison de famille pour combler les intérêts des prêts bancaires. Il rencontre alors une association d’aide contre les abus bancaires (AACAB) qui, via une coopé-
rative dirigée par le même président que cette association, lui octroie un prêt de 250 000 euros pour faire de la vente directe. 2009 : la coopérative – pour des raisons extérieures au bon fonctionnement de cette nouvelle activité – arrête la collaboration et reprend tout le matériel mis à disposition. Le dirigeant de l’association et de la coopérative est actuellement en prison pour plusieurs années, suite à des histoires d’escroqueries, et laisse les dettes à M. Leroux. 2010 : il doit vendre son bétail pour payer les frais administratifs des procédures engagées, sa compagne part avec leurs quatre enfants. 2011 : son exploitation est mise en liquidation judiciaire pour 330 000 euros de dettes accumulées, sa maison et tous ses biens seront mis aux enchères publiques en 2012. Il a mené une procédure pour obtenir la garde de ses enfants, qu’il a obtenue. Il est actuellement salarié sur une grosse exploitation porcine près de chez lui.
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Dossier
Complémentaires Ancienne secrétaire générale de la Confédération paysanne, depuis dix ans bénévole à Solidarité Paysans, Marjolaine Maurette intervenait avec ces mots, le 23 avril à Nevers, au congrès de la Confédération paysanne.
«
… Solidarité Paysans, c’est un millier de bénévoles sur le terrain, dans 35 structures qui emploient 80 salariés; soit en moyenne 30 militants actifs dans chaque structure! Notre petit monde accompagne environ 3000 familles annuellement. Soit dit en passant, en agriculture, il y aurait environ 1 200 dépôts de bilan chaque année, donc Solidarité Paysans en suit probablement la plus grande partie. La Confédération paysanne a donné la parole à Solidarité Paysans, à travers la mienne, en ce mois d’avril 2013 à son congrès. Sans doute parce que le syndicat sait bien que nous avons des tas de choses à nous dire et à faire ensemble, même si la Conf’ ne sait pas trop par quel bout prendre les choses… tout comme nous, d’ailleurs. Alors je vais essayer d’éclairer la situation. J’ai fait du syndicalisme à la Confédération paysanne pendant toute ma vie active de paysanne ; j’ai exercé des responsabilités nationales pendant presque quinze ans, jusqu’au secrétariat général. Je croyais que j’avais tout vu et tout compris, de l’agriculture, des gros agriculteurs, des petits paysans, du syndicalisme… Et puis, il y a dix ans, je me suis mise, avec d’autres militants de la Confédération paysanne de la Creuse, à regarder de près qui sont ces agriculteurs qualifiés « en difficulté », et ce qui leur arrive une fois qu’ils sont rangés dans cette case. J’ai découvert un monde que nous ne voyons pas dans le syndicalisme, à aucun moment. Le syndicalisme parle des politiques agricoles à destination des paysans bien portants. Il a besoin de recruter des militants bien portants, de se barder dans une armure de conquérant. Parce que c’est difficile d’affronter la puissance et les certitudes idéologiques des autres et de décrire comment cela pourrait aller mieux. Quand on accompagne des paysans qui ont appelé Solidarité Paysans parce qu’ils n’en pouvaient plus d’angoisser sur leur avenir, mais aussi de se demander quelle est leur place dans la société, on prend la détresse humaine en pleine face. On est en face de gens qui croient qu’ils ont perdu, à qui la Chambre, la Banque, la Coop font croire qu’ils ont perdu, qu’ils ne sont plus dignes de considération, que la société n’a plus besoin d’eux. Nos certitudes
Patrick Bougeard, salarié de Solidarité Paysans Bretagne, lors de l’accompagnement d’un éleveur porcin en difficulté.
de syndicalistes sur la justesse de nos projets politiques paraissent dérisoires en face des gens qui souffrent d’être jetés comme des malpropres de ce métier qu’ils aiment. On se rend compte qu’on a très peu d’outils pour soulager ces collègues. Chaque accompagnateur est seul en face de cette famille de paysans qui compte sur lui. Il n’a que ses propres ressources morales pour communiquer un peu de chaleur à celui qui a appelé parce qu’il était gelé de peur.
Humble pour comprendre Alors on devient très humble et on se met à faire du concret avec les moyens du bord. Avec les personnes telles qu’elles sont, avec leur ferme telle qu’ils l’ont faite, souvent fragile, mais c’est leur affaire. Parce qu’on comprend tout de suite que la seule façon de s’en sortir, c’est de leur ménager le temps de trouver en eux-mêmes les ressources pour vivre leur réalité. Et quand cette mutation se produit, on voit qu’ils sont riches, humainement très riches ! Cette action ne peut pas se dérouler dans un discours de politique agricole, ce serait incongru. Mais pourtant, ce ne sont pas non plus des choses différentes. Je me rends compte maintenant que c’est ce que j’ai rencontré à Solidarité Paysans qui enrichit mes certitudes de syndicaliste confédérée. Ce sont des choses complémentaires.
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Sans le dire vraiment, Solidarité Paysans défend des paysans condamnés par le système libéral et répond à tous ceux qui l’appellent, quelle que soit l’agriculture qu’ils pratiquent. Donc elle participe à la lutte contre ce système. Mais ses compétences sont d’autant mieux utilisées quand la Confédération paysanne est assez forte pour faire entendre à voix haute l’idée que l’agriculture pourrait licencier moins de paysans, si on le voulait! Quand la Confédération paysanne ne fait pas taire un peu les productivistes, Solidarité Paysans peut bien réclamer des abandons de créance à la Coop ou à la Banque, elle paraît un peu irréaliste! Dans l’autre sens, la justesse des revendications de la Confédération paysanne est moins convaincante si Solidarité Paysans n’est pas là pour dénoncer le comportement indigne des grandes organisations professionnelles agricoles, la tactique mortelle des banques qui pousse le paysan manquant de trésorerie vers des emprunts à court terme pour ensuite le contraindre à vendre ses moyens de production. La dénonciation de Solidarité Paysans a une portée d’autant plus grande qu’elle n’émane pas de la sphère syndicale. Continuons à agir ensemble pour gagner des paysans nombreux et heureux ! » n Marjolaine Maurette, ancienne paysanne dans la Creuse
Point de vue
Pour des puces plus sélectives Michel Meuret (1), directeur de recherche à l’Inra, travaille sur les systèmes d’élevage pastoraux, les savoirs et pratiques en élevage. Il valide les inquiétudes des éleveurs : les élevages sont menacés d’industrialisation, notamment avec l’identification électronique des animaux, dont l’obligation réglementaire a été reportée à la fin 2014.
P
poser problème. Dans ce cas, c’est assez logique d’adopter une technologie d’identification électronique. Il s’agirait toutefois de ne pas confondre : élevages industriels avec élevages paysans ; très gros troupeaux avec petits troupeaux ; éleveurs qui envoient et reçoivent des animaux par camions dans toute l’Europe avec éleveurs qui transhument, eux aussi par camions mais uniquement d’un massif à l’autre ; éleveurs qui n’ont plus trop de contacts avec leurs animaux avec éleveurs dont la relation quotidienne de travail avec l’animal, et plus généralement avec le vivant, est l’essence même du métier. Pourquoi confondrait-on ? N’aurait-on pas pris le temps de mieux discriminer, de clarifier le fait que, lorsqu’on dit aujourd’hui « élevage » et « mouvements d’animaux » en Europe, on s’adresse à des situations et à des pratiques de travail en réalité fort distinctes ?
Ne pas confondre élevages industriels avec élevages paysans !
Photo : Michel Meuret
ourquoi vouloir renforcer l’identification du bétail ? En Europe, les moyens de transport sont devenus l’outil principal des éleveurs. Les animaux voyagent de plus en plus, et aussi de plus en plus loin, pour l’achat et la vente mais aussi au cours de leur vie. Or, les circuits ne sont pas toujours bien transparents. La première raison est donc de mieux prévenir le risque sanitaire en repérant fréquemment « qui est où et quand ? ». Avec de gros effectifs animaux, et surtout lorsque ceux qui organisent le transport ne sont pas les éleveurs, il faut réussir à identifier chaque animal à la vitesse de sa montée ou descente des camions et des bateaux. Seconde raison: en Europe, il y a de moins en moins d’éleveurs mais il y a toujours presque autant d’animaux. Les élevages sont donc devenus plus gros. Plus d’animaux, moins d’éleveurs : beaucoup d’éleveurs ont, de fait, changé de métier. À la tête de leur entreprise, ayant recours à des ouvriers et à une série de machines automatiques, ils n’ont plus trop de contacts avec leurs animaux. Leur production se déroule dans des conditions très simplifiées et artificialisées, où un animal n’est repéré, par son numéro, que lorsqu’il commence à
L’essence même du métier du berger ou de l’éleveur pastoral est d’observer régulièrement ses animaux et donc de savoir « qui est où et quand ? »
Comment inciter les puces à devenir plus sélectives ? Je conseillerais aux éleveurs et bergers de mieux faire reconnaître leurs spécificités, leurs pratiques de travail et leurs savoir-faire. Ils ne sont pas des clandestins, ni revendiquent à le devenir, dissimulés dans leurs vallées et leurs montagnes avec des animaux de provenances incertaines. Ils sont déjà bien en vue dans l’espace public, avec leurs divers contrats, conventions de pâturage, cahiers des charges de produits locaux, etc. Ils ont conservé l’œil pour repérer la boiteuse où celle qui va bientôt mettre bas. Ils sont déjà munis de leurs boucles de numérotations auriculaires, ainsi que de leurs carnets d’élevage tenus à jour. Ils ont surtout la connaissance de « qui est dans le troupeau », ou qui n’y est plus depuis telle date et pour quelle raison. Cela fait partie de leur métier et même de leur identité professionnelle. Éleveurs et bergers n’auront aucun gain de temps, ni travail facilité, à devoir circuler dans leurs bergeries ou sur leurs alpages avec des scanners à main et des ordinateurs portables pour identifier leurs bêtes. Les élevages pastoraux, pour rester « robustes » et « performants », doivent être fondés sur de la souplesse, de l’ajustement et de la mobilité. Mais ici, il ne s’agit pas de mobilité à travers plusieurs frontières et océans. Il s’agit de mobilité locale et d’une logique de calendrier de pâturage sur des territoires qui ne fluctuent pas constamment. De plus, ces éleveurs ne cherchent généralement pas à stabiliser et sécuriser leur production avec des achats et des déstockages rapides d’animaux. L’identification électronique ne devrait pas s’imposer à tous sans plus de discernement. Au départ, elle s’adressait à des systèmes d’élevage d’un type bien différent de ceux des éleveurs pastoraux. Et puis, pour raison de commodité, d’homogénéité des règlements et des moyens de contrôles, et probablement aussi par manque de temps de réflexion et de discrimination, il serait à présent question de l’imposer à tous. C’est donc bienvenu que des éleveurs et bergers tentent de provoquer un débat public. n (1) Coordinateur de l’ouvrage Un Savoir-Faire de Bergers, Eds Educagri et Quæ, 2010, 25 euros.
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Internationales
Luttes foncières en Indonésie Tout comme la Confédération paysanne le fait en France, des organisations défendent les intérêts des petits paysans en Indonésie. Dans ce pays qui accueillait en juin la 6ème conférence internationale de la Via campesina, l’enjeu majeur est l’accès au foncier.
E
n Indonésie, les paysans sont régulièrement expropriés de leurs terres. Depuis 1965, l’État distribue le foncier à des compagnies publiques ou privées, via des permis d’utilisation des terres ou des concessions. Les expulsions sont généralement réalisées avec l’aide de la police ou par des hommes de main payés par les compagnies. Les paysans doivent ensuite se débrouiller pour trouver un autre lieu pour vivre et cultiver. Pour autant, ils ne se laissent pas faire. Certains retournent sur leurs terres et réclament leur bien. C’est là qu’explosent les conflits agraires. En 2010, 87125 ménages agricoles étaient victimes d’un de ces conflits, sur 114 sites dans le pays. Leur nombre augmente régulièrement chaque année.
Ces paysans sont aidés dans leur combat par des organisations paysannes (OP), à tous les niveaux. Dans le paysage agricole indonésien, on trouve des structures locales (organisations communautaires de paysans à l’échelle d’un village), des structures régionales et nationales (syndicats paysans nationaux ou ONG). Les leaders des organisations paysannes s’opposant aux expropriations sont souvent eux-mêmes arrêtés et emprisonnés, voire torturés par des milices privées. Victimes de diffamation par les entreprises, ils sont taxés de criminels, d’occupants illégaux ou de braconniers. On parle alors de criminalisation des conflits. Sous l’impulsion des organisations concernées, les paysans sont informés sur leurs
Action foncière du SPI sur l’île de Sumatra, à l’occasion de la journée mondiale des luttes paysannes organisée par la Via campesina chaque année le 17 avril.
Comprendre l’agriculture indonésienne La majorité des paysans indonésiens pratiquent une agriculture vivrière, essentiellement tournée vers l’autoconsommation, où les éventuels surplus sont revendus. D’autres paysans pratiquent une agriculture commerciale dans laquelle le café, le cacao ou le sucre de cocotier sont destinés à la vente. En agroforesterie, toutes ces cultures sont associées dans une même parcelle. Dans ce système agricole, sur de bonnes terres, un hectare suffit en théorie à nourrir une famille. En Indonésie, la terre est passée des mains des colons hollandais à celle de l’État en 1949, date de l’indépendance. La redistribution au peuple se fait toujours attendre. Les paysans indonésiens cultivent généralement leur terre sans titre officiel de propriété. Le terme de paysans sans terre désigne une personne de profession agricole qui ne possède pas de terre. Ils sont 13 millions en Indonésie. À Java, où vit un Indonésien sur deux, la SAU moyenne est de 0,5 ha. Il y a aussi 10 millions de « travailleurs » qui exercent de multiples professions dont le salariat agricole. Leur salaire moyen est de 2,50 euros par jour.
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droits, encouragés à s’unir et poussés à réclamer leurs terres. Ils retournent « occuper » les fermes, demandent le droit de rester aux autorités, manifestent et font parler d’eux dans les journaux. Ainsi aujourd’hui, de nombreux conflits agraires sont stabilisés : les paysans peuvent cultiver leur terre sans craindre l’expropriation.
Stabiliser les conflits Dans certaines îles où intervient le SPP (lire encadré), les conflits sont globalement stabilisés, mais malheureusement dans le reste de l’Indonésie de nombreux paysans subissent encore la répression. Selon le Consortium pour la réforme agraire (KPA), il y avait près de 7 500 cas de conflits actifs en Indonésie en 2008. Le processus de résolution des conflits passe toujours par une demande de titre de propriété aux institutions locales. Mais le BNP, l’agence foncière nationale, ne distribue pas des titres au cas par cas, il le fait uniquement dans le cadre de programmes nationaux. En 2005, le BPN lançait le Nouveau programme national pour une réforme agraire. Fruit d’un travail en collaboration entre l’État et les organisations de la société civile, cette réforme était alors qualifiée de sociale. Elle devait redistribuer 9,25 millions d’hectares et visait toutes les classes agricoles. Malheureusement, elle n’a jamais vu le jour, car les ministères concernés n’ont pas tous accepté de se séparer de leurs réserves foncières ou de financer les pro-
Organisations • Consortium pour une réforme agraire (KPA): créé en 1994. Regroupe 173 membres (organisations paysannes et ONG). Toutes ces organisations sont engagées dans la résolution des conflits agraires. • Union paysanne sudannaise (SPP) : créée en 2000. Solidement implanté dans 3 districts (départements). • Union paysanne indonésienne (SPI), présente dans la presque totalité des 36 régions indonésiennes, est en passe de devenir le premier syndicat paysan d’Indonésie. Son dirigeant, Henry Saragih, est depuis 2004 secrétaire général de la Via campesina, mouvement mondial dont est membre la Confédération paysanne.
Photo : Nicolas Pons
Internationales
Paysage agricole traditionnel en Indonésie : les rizières et leur travail manuel.
grammes nécessaires à sa mise en œuvre. Et le président du pays, Susilo Bambang Yudhoyono, n’a pas fait jouer son autorité pour y parvenir. Le BPN affirme que 13 millions de titres ont été redistribués par ce programme. Les ONG indonésiennes, regroupées sous la bannière de l’ONU, s’accordent à dire que le chiffre réel serait de 1,15 million, un
nombre dérisoire face à celui des paysans sans terre. En parallèle de la distribution de titres, il n’y a pas de programme permettant d’améliorer la gestion foncière et d’assurer des débouchés aux agriculteurs. C’est pourquoi certains paysans, les plus démunis et ceux qui ne voient pas d’avenir dans l’agriculture, préfèrent revendre leur titre de propriété…
La Via campesina fête ses vingt ans à Jakarta Du 6 au 13 juin 2013, des paysans du monde entier se sont rassemblés à Jakarta afin de célébrer le 20ème anniversaire de la Via campesina. En cette occasion s’est tenue la 6ème Conférence internationale du mouvement paysan mondial, une rencontre qui a lieu tous les quatre ans. C’est à Jakarta que se trouvait depuis 2004 le secrétariat opérationnel international (SOI) de la Via. 500 délégués représentant plus de 70 pays se sont réunis pour cette conférence, donnant un aperçu de l’immense diversité de luttes, cultures et organisations à l’intérieur du mouvement. Du 6 au 9 juin se sont tenues l’Assemblée des jeunes et celle des femmes, avant que, du 9 au 13, se déroule la Conférence proprement dite. Pendant la rencontre ont été renouvelés les représentants au sein du Comité de coordination international, organe dirigeant de la Via, composé par un binôme homme-femme pour chacune des neuf régions mondiales représentées. Les deux délégués européens pour la prochaine mandature seront Maria Carmen García, du Syndicat andalou des ouvriers agricoles (SOC), et Unai Aranguren, paysan au Pays Basque (EHNE). Maria Carmen succède à ce poste à Josie Riffaud, membre de la Confédération paysanne. Ancien secrétaire national de la Conf’, Christian Roqueirol sera le suppléant d’Unai. Quant au SOI, il s’installera à la fin de l’année et pour la première fois en Afrique. Il sera hébergé pour les quatre prochaines années au Zimbabwe par le Forum des petits paysans agroécologiques (Zimsoff) qui fédère 19 000 familles, organisées en quatre régions principales dans le pays. À ce jour, la Via campesina rassemble 183 organisations provenant de 88 pays. www.viacampesina.org/fr
Cérémonie d’ouverture de la 6ème conférence internationale de la Via campesina, à Jakarta.
Cette politique agraire est donc libérale car elle participe à la création d’un marché de la terre. Dans ce marché, les transactions foncières ne sont pas encadrées par des lois. Dans un tel système, les petits paysans sans capitaux ni protection juridique sont très vulnérables. Le BPN a l’autorité foncière sur les terres agricoles uniquement. De son côté le ministère de la Forêt contrôle 70 % du territoire. C’est lui qui définit le statut de la propriété foncière dans cette zone. Actuellement, les habitants des 33000 villages de forêt ne sont pas maîtres chez eux car la terre ne leur appartient pas. Le ministère, en collaboration avec les organisations paysannes, travaille à la définition d’un type de gestion foncière adapté à leur situation, prêt à donner plus de libertés aux communautés locales en matière de gestion des terres, tout en restant propriétaire du sol.
Des paysans sans terre de plus en plus nombreux Aujourd’hui encore, le nombre de paysans sans terre augmente régulièrement : il était déjà passé de 10,8 millions en 1993 à 13,7 millions en 2003. Pour se faire entendre, les organisations paysannes de tous les niveaux organisent des manifestations. Relayés par la presse, ces rassemblements montrent que le peuple indonésien s’oppose à des politiques privilégiant les grands domaines agricoles à la petite propriété foncière paysanne. n Charlotte Bellec et Nicolas Pons Passionnés par le milieu paysan, nous avons tous les deux travaillé en France dans le développement rural. Nous avons voulu découvrir et comprendre les enjeux du monde paysan dans les pays du Sud. Un organisme qui défend les paysans en Indonésie nous a ouvert ses portes.
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Internationales
Grèce Le gouvernement attaque aussi son agriculture Le gouvernement grec ne décrète pas seulement la fermeture de l’audiovisuel public, il brade aussi la sécurité alimentaire et la biodiversité.
L
e 11 juin, c’est par le biais d’un décret ministériel que le gouvernement grec, en suivant les recommandations de la Troïka (FMI, Banque centrale européenne et Commission européenne), a décidé de mettre fin à la télévision publique grecque, mais aussi aux radios qui reliaient les territoires, les orchestres symphoniques, la production cinématographique et les archives audiovisuelles, véritable trésor culturel de la Grèce contemporaine. La décision temporaire du Conseil d’État, le 17 juin, de remettre en service des émetteurs n’empêche pas l’application de ce décret brutal et antidémocratique, toujours en vigueur. Et loin de concerner uniquement la télévision et la radiophonie publique, le décret organise également la destruction de l’intervention publique dans l’agriculture et l’agronomie (1). Le décret prévoit de fusionner dans un seul organisme, nommé Dimitra, la recherche agronomique, la formation agricole (initiale et continue), l’organisme certificateur Agrocert, l’office du lait et de la viande. Selon l’ONG Helession (2), la création de cet organisme agricole permettra de restructurer l’ensemble du secteur : concentration des services agricoles et agronomiques à Athènes et Thessalonique, licenciement massif des personnels et embauche de consultants extérieurs, mais également vente du patrimoine de ces institutions. Cet organisme réussira-t-il à mener à bien ses fonctions ? On peut en douter !
La certification de l’agriculture biologique et des signes de qualité, ainsi que la gestion de la production laitière et de viande ne pourront pas se faire dans ces conditions et seront cédées aux mains du privé. Ce qui signifie encore moins de transparence, et un pas de plus vers l’industrialisation de l’agriculture. De la même manière la recherche, la formation et le conseil agricole, dépourvus de fonds propres, suivront les recettes de l’industrie agroalimentaire.
Une banque de semences inestimable menacée Mais, en contournant le parlement et sa propre majorité, la droite grecque met aussi dans les mains de l’industrie biotechnologique et des promoteurs immobiliers la banque de semences de Thessalonique. Créée en 1981 et versée dans le réseau multilatéral de la FAO, cette banque de ressources génétiques compte 10 500 variétés anciennes et locales, ainsi que 300 anciens cépages ; elle réalise également des missions de recherche agronomique et de sélection variétale. C’est ce trésor de biodiversité méditerranéenne géré jusqu’à présent par l’agence de recherche agronomique grecque (Ethiage) que le gouvernement s’apprête à vendre. Rappelons que la banque de semences était déjà mise en danger par les cures d’austérité appliquées depuis trois ans. La réduction des effectifs, mais aussi la chute vertigineuse des budgets ne permettaient plus un fonctionnement normal. L’électricité était souvent coupée, les graines étaient donc laissées sans réfrigération !
Manifestation nationale de paysans à Athènes, en mars 2013.
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Ce n’est pas seulement la population grecque qui est ainsi dépossédée des ressources phytogénétiques, fruit du travail des agriculteurs et des jardiniers méditerranéens depuis des millénaires, mais l’humanité dans son ensemble puisque la banque de semences ne fera plus partie du réseau de la FAO. Le gouvernement grec en prenant ce décret ministériel a une lourde responsabilité : il compromet la sécurité alimentaire et brade la biodiversité. Il est temps de l’arrêter. n Roxanne Mitralias, animatrice nationale, en charge des dossiers semences et biodiversité, militante du Comité grec pour l’annulation de la dette (1) Mais ce n’est pas tout : l’organisme qui gère les bâtiments scolaires, la construction des hôpitaux, les petites et moyennes entreprises et l’artisanat, tourisme, etc. sont aussi concernés par ce décret… (2) Surtout spécialisée dans la sauvegarde des cépages anciens.
Les paysans grecs subissent la crise de plein fouet Dès les années 1980, l’application de la Pac a provoqué en Grèce les mêmes effets qu'ailleurs en Europe, avec la disparition de la petite paysannerie au profit des grandes exploitations qui ont progressivement vu leurs subventions croître et leur propriété foncière se développer. Aujourd’hui, si la Grèce garde une population agricole importante en comparaison à d’autres pays européens (environ 12 % contre 3 % pour la France), elle a vu ses importations agroalimentaires tripler depuis le début de l’intégration européenne, phénomène qui s’est accentué avec l’entrée dans la zone euro. Dans un pays où les souvenirs de l’agriculture familiale restent vifs, les paysans subissent la crise de plein fouet. Les impôts fonciers, les taxes spéciales, les prix des intrants (surtout pour l’alimentation animale), ceux de l’énergie, augmentent considérablement (+ 100 % pour l'énergie, y compris pour l’usage agricole). Les menaces pèsent sur les possessions hypothéquées (terres, bâtiments, matériels), récemment passées de la banque agricole publique aux mains d’une banque privée. Les toutes petites retraites agricoles sont désormais en dessous du seuil de la dignité. Le cartel des intermédiaires et des coopératives fait du profit sur le dos des producteurs en pratiquant l’entente illicite. Des coopératives sont vendues à prix cassé, comme celle de Dodoni (produits laitiers dont la feta), pourtant très profitable et à laquelle livraient leur lait près de 7000 éleveurs de l’Epire. C’est pour ces raisons que les agriculteurs bloquent régulièrement les axes routiers et, depuis peu manifestent aux côtés des artisans, des salariés et des chômeurs.
Agriculture paysanne
Seine-Maritime Paysanne-fromagère et militante Sophie Grenier s’est installée en 2006 avec ses parents sur la ferme familiale, en Pays de Caux. Depuis, elle transforme et vend en direct une partie de la production de lait. Cinq personnes travaillent aujourd’hui sur cette ferme.
S
ophie Grenier est paysanne et fromagère à Saint-Vaast-Dieppedalle, au lieudit Artemare, dans le Pays de Caux. La région bénéficie de terres riches et les fermes y sont grandes, souvent plus de 200 hectares. Sophie a 38 ans, elle est mariée, mère de trois enfants âgés de 13 à 8 ans. Elle est ingénieure agronome, après avoir effectué des études d’environnement et d’écologie. Elle a été animatrice dans les Pyrénées d’une association pour le développement de l’emploi agricole et rural (Adear), proche de la Confédération paysanne, puis y a appris le métier de fromagère. Ses parents sont aussi agriculteurs à Artemare, sa grand-mère l’était aussi. En 1987, son père, Jacques Follet, participait à la fondation de la Confédération paysanne ; sa mère, Marie-Odile, en est aussi une militante active. Pendant trente ans, Jacques et Marie-Odile ont amélioré les conditions d’élevage, pour maintenir le plus de pâturages et ainsi concilier rentabilité, préservation de la biodiversité, limitation des pollutions, et surtout la qualité du lait. En 2006, Sophie s’installe avec ses parents sur la ferme familiale, avant d’être rejointe en 2010 par son mari, Mathieu, également ingénieur agronome de formation. Les deux familles travaillent en gaec (1) sur cette ferme de 104 hectares. Avec 60 vaches élevées sur 40 hectares de prairies, elles produisent 300 000 litres de lait bio, désormais labellisé AB. Dans sa fromagerie, cinq jours sur sept, Sophie transforme un quart de la production en beurre, crème, fromages frais et tommes des Prés d’Artemare (l’autre partie est vendue à la laiterie Danone). Aidée par Mathieu, elle vend ses produits sur les marchés. Le samedi matin, c’est à Yvetot, la ville proche, que ça se passe. Mais tous les vendredis, de 16 heures à 19 heures, le marché est organisé sur la ferme même, où d’autres producteurs approvisionnent les clients en légumes, viande, huile ou pâtisseries… Ce marché est fort apprécié par les habitants des villes et villages voisins. Sophie vend aussi ses pro-
Tous les vendredis après-midi, au petit marché organisé sur la ferme même, Sophie Grenier vend sa production : beurre, crème fraîche, fromage blanc, délices de lait (dessert à base de fromage blanc, de confiture de lait et nappé de crème fouettée) et deux fromages : le « palet », petit fromage crémeux, et la « tomme des prés ».
duits à la ferme le samedi après-midi, dans le même créneau horaire, fournit régulièrement deux amaps dans la région, et chaque mois en livre une troisième… à Bagnolet, au siège national de la Confédération paysanne.
Un métier de service public Sophie partage le travail de la fromagerie avec une salariée. Très absorbée par son activité professionnelle, elle libère quand même du temps pour le consacrer à sa famille, à ses enfants et partager avec eux des activités culturelles, des rencontres… Travaillant avec ses parents, elle réussit à partir en vacances deux semaines l’été. Même si leur décision de quitter leur activité salariée a entraîné pour eux une baisse de revenu, Sophie et Mathieu ne regrettent pas leur choix ; il leur apporte une meilleure qualité de vie. De plus, leur installation a bien sûr été facilitée par l’existence de la ferme familiale. Sophie estime qu’elle exerce un métier de service public en produisant des aliments sains et de proximité, mais aussi en aménageant les paysages et en participant à l’animation de son pays. Ainsi, elle est très sollicitée par les lycées ou les communes pour des marchés, des animations…
La jeune femme sait que le milieu agricole est plutôt masculin, mais elle exerce le métier qu’elle a choisi, avec un statut de paysanne à part entière. Elle participe activement à la vie de plusieurs structures: la Confédération paysanne, mais aussi les Défis ruraux (association de Seine-Maritime, membre du réseau des Civam) et le Groupement des agriculteurs bio de Haute-Normandie. Elle souhaiterait trouver plus de temps pour développer l’accueil et l’animation à la ferme, afin de la rendre encore plus vivante. Elle aimerait intensifier sa vie militante et associative au sein de la Confédération et autres associations, où elle rencontre déjà des jeunes avec des parcours différents, des projets innovants et créatifs. n Yves Certain, Léo Glangetas, Michèle et Jean-Paul Desjardins, adhérents en SeineMaritime des Amis de la Confédération paysanne www.lesamisdelaconf.org (1) Groupement agricole en commun.
GAEC Les prés d’Artemare 308 Impasse d’Artemare 76450 Saint-Vaast-Dieppedalle 02 35 96 57 41 presdartemare@nordnet.fr facebook/lespresdartemare
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Terrain
Seine-Maritime Aux Bouillons, on reste ferme ! En Seine-Maritime, depuis fin 2012, des citoyens indignés occupent la dernière ferme de la commune de Mont-Saint-Aignan, dans l’agglomération de Rouen, promise à la démolition après son rachat par le groupe Immochan.
L’
occupation de la ferme des Bouillons est un acte de résistance porté par plus de 400 adhérents membres de l’association pour la protection du site, auquel la Confédération paysanne de SeineMaritime s’associe pleinement… Exprimant sa solidarité avec les occupants de la ferme, menacés d’expulsion suite à une décision du tribunal de grande instance de Rouen en date du 17 avril 2013, le syndicat a participé à la remise en culture des terres des Bouillons, initiée le 20 avril. Le 8 juin, pour marquer les six mois d’occupation du site, un Forum paysans – citoyens organisé par la Confédération et l’association des Amis de la Conf’ a rassemblé près de 200 participants autour de la question foncière et des mécanismes de spoliation, chez nous et ailleurs.
Ainsi, à l’heure d’une nouvelle réforme de la Pac venant entériner une évolution libérale « vieille » de plus de vingt ans, le partage de la terre se pose avec acuité, en Europe comme dans les restes du monde. Les mécanismes de spoliation directs et indirects en œuvre, par la seule force d’une soif de profit débridée, conduisent inéluctablement à réserver l’accès au foncier à une minorité toujours plus réduite d’exploitants agricoles.
Une lutte contre un urbanisme effréné Or, à ce mécanisme de confiscation des terres par une minorité vient s’ajouter une disparition accélérée du capital foncier sous les coups de butoir d’un urbanisme lui aussi effréné… À l’échelon français, c’est
Remise en culture des terres de la ferme des Bouillons. La ferme a été achetée en janvier 2012 par la société Immochan, filiale du groupe Auchan. En juillet 2012, Immochan a obtenu un permis de démolition pour la maison d’habitation et les bâtiments agricoles. Rapidement, une association s’est constituée et occupe les lieux afin d’éviter la démolition des bâtiments et sauver les quatre hectares de terres cultivables.
Immochan, un groupe dans l’air du temps Immochan, filiale immobilière du Groupe Auchan, propriétaire de la richissime famille Mulliez, c’est plus de deux millions de mètres carrés de surfaces commerciales dans le monde. Deuxième fortune de France, les Mulliez possèdent plus de 90 enseignes commerciales dont Décathlon, Leroy Merlin, Flunch, Kiabi, Norauto, Cofidis, Pizza Paï, Jules, Phildar, Midas, Saint Maclou, Kiloutou… mais aussi la marque de vêtements Camaïeu dont la fabrication était notamment sous traitée dans l’usine qui s’est effondrée du Rana Plazza, au Bangladesh, faisant près de 1 100 morts parmi les ouvriers et ouvrières… Avec son siège social en Belgique, la holding familiale Mulliez a déclaré en 2011 un bénéfice de 114,7 millions d’euros, mais ne s’est acquittée que de 11 967 euros au titre de l’impôt sur les sociétés… Des pros de l’évasion fiscale !
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ainsi la surface agricole utile d’un département que nous perdons tous les sept ans (1), sous couvert d’urbanisation diffuse et de développement des infrastructures. Dans le seul département de Seine-Maritime, avec deux grandes agglomérations (Rouen et Le Havre) et un pôle industriel et portuaire d’envergure internationale, l’artificialisation des terres agricoles pour raison d’urbanisme est à l’origine de la disparition de 1 300 hectares de terres chaque année. La CREA (Communauté urbaine Rouen Elbeuf Austreberthe), dans sa charte « Agriculture et Urbanisme » signée le 13 février 2011 avec le conseil général, l’association des maires de France et la chambre d’agriculture, affiche sa volonté de voir les espaces agricoles périurbains sauvegardés pour encourager le développement d’une agriculture axée sur la valorisation de produits transformés et commercialisés en circuit court, selon des techniques d’agriculture durable… Pourtant, jamais il n’a été aussi difficile pour un jeune agriculteur de pouvoir accéder à du foncier, même sur des structures de taille modeste, pour y développer des formes d’agriculture « alternatives » à un modèle dominant de céréaliculture intensive pratiquée sur des échelles de surface toujours plus grandes. La pression foncière y est trop forte. La ferme des Bouillons, avec ses quatre hectares de terre et bâti, présente toutes les caractéristiques voulues pour être réorientée vers une production maraîchère valorisant sur un marché local les légumes qui pourraient y être produits : bon parcellaire, bonne qualité agronomique, proximité de la ville… Son occupation insiste sur l’intérêt et la nécessité de relocaliser productions et consommation alimentaires. Par cette action, la Confédération paysanne de SeineMaritime rappelle également l’urgente nécessité de redéfinir au plus vite une véritable politique des structures permettant l’accès au foncier au plus grand nombre. Six mois d’occupation aux Bouillons, six mois de lutte pour la défense des terres agricoles, et l’avenir devant nous pour construire d’autres mondes possibles… n Philippe Airaud, paysan, et Sacha Vue, occupant des Bouillons (1) Source : Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (FNSafer).
Terrain
Alpes-de-Haute-Provence RésisTranshumance… pour la liberté de l’élevage Du 24 au 29 mai, pour manifester leur opposition à des mesures réglementaires qui leur sont imposées, le collectif « Éleveurs solidaires Paca » a entrepris une transhumance de résistance contre l’identification électronique de tous les ruminants et l’obligation d’acheter des mâles reproducteurs certifiés.
Photo : Michel Meuret
A
vant l’estive, plus de 300 moutons et de nombreux éleveurs, bergers, paysans et autres citoyens ont traversé les Alpes-de-Haute-Provence en cinq jours, de Forcalquier à Digne-les-Bains. Au cœur des préoccupations des éleveurs d’ovins et de caprins, deux mesures : l’identification électronique individuelle et systématique des bêtes par puce RFID et l’obligation pour 2015 d’acheter des mâles reproducteurs « certifiés ». « L’électronisation de nos bêtes a une forte valeur symbolique parce qu’on ressent le passage vers l’industrialisation de notre métier. Nous refusons l’obligation systématique de mettre cette puce. Chacun doit pouvoir faire comme il veut. Quant à la deuxième mesure, elle veut prendre les semences de reproducteurs en nous obligeant à faire passer nos béliers par des centres de sélection qui choisiraient, sur la base de critères purement techniques, quels sont les animaux aptes à la reproduction. Nous souhaitons faire comme on l’a toujours fait, à savoir échanger des béliers entre voisins », déclare Mathias Guibert, un jeune éleveur membre du collectif « Éleveur solidaires Paca ». Des collectifs se sont montés dans différents départements, regroupant essentiellement des éleveurs mais aussi des non-agriculteurs. Avec la même démarche: organiser des transhumances contestataires et festives avec des troupeaux, pour attirer l’attention de la population et des pouvoirs publics sur les contraintes de plus en plus fortes qui obligent les éleveurs à accepter les normes de l’élevage industriel. L’enjeu est de faire prendre conscience de ce que signifierait la disparition totale des élevages
Le 29 mai, passage très symbolique et historique du fleuve Durance, avec blocage d’environ 400 véhicules allant faire les courses du samedi.
non industriels pour l’environnement, le bien être animal et la santé humaine. Des slogans comme « Stop aux obligations inutiles ! », « Ni pucés, ni soumis ! », ont traversé de nombreux villages drômois en janvier dernier. Même topo dans le Cher, au printemps. « Notre “RésisTranshumance” du mois de mai, comme les autres, fut bien relayée dans la presse régionale et a abouti à Digne avec une forte représentation d’éleveurs et d’amis », souligne Antoine de Ruffray, éleveur de la Confédération paysanne dans les Alpes-deHaute-Provence, faisant partie de la délégation reçue par la préfecture. « La préfète et ses chefs de services nous ont écoutés patiemment, et nous ont assuré que le “puçage électronique” des brebis… n’était pas négociable. » La colère de ces paysans, de plus en plus forte, renforce leur détermination.
Contre l’obligation systématique Le communiqué de presse, de janvier, du Collectif des éleveurs drômois « Faut pas la boucler » rappelle bien les faits et leurs revendications : « Hier, l’État français nous imposait de vacciner nos bovins et ovins pour lutter contre
la Fièvre catarrhale ovine, maladie non transmissible à l’homme et pour laquelle d’autres alternatives existent. Aujourd’hui, il nous impose la pose de boucles électroniques aux oreilles de nos moutons et chèvres, alors que le système d’identification actuel est suffisant et permet la traçabilité. Ce nouveau gadget, imposé à tous et subventionné par les citoyens, est peutêtre utile aux élevages à caractère industriel, mais sans intérêt pour les autres. Cette réglementation, en vigueur depuis juillet 2010, nous rend passibles de lourdes sanctions financières (…). Toutes ces réformes nous privent de nos libertés d’éleveurs. Elles font de nous de simples opérateurs au service d’un élevage de plus en plus industrialisé. Nous ne sommes pas contre l’utilisation de ces techniques, nous sommes contre leur caractère obligatoire. Toutes ces mesures s’opposent à notre vision de l’élevage, dépossèdent les paysans de leurs savoir-faire et fragilisent encore plus les fermes. » Des éleveurs en colère, mais aussi inquiets sur l’avenir d’une société qui puce et qui surveille de plus en plus étroitement les êtres vivants de tous poils, ne voyant de salut que dans toujours plus de technologie. n Cécile Koehler
Pour en savoir plus : resistranshumance04.over-blog. com
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Terrain
Canards de terrain Si Campagnes solidaires est le mensuel national de la Confédération paysanne, de nombreux journaux départementaux et régionaux sont publiés par les structures syndicales locales. Petit tour d’horizon du moment.
L
es canards du terrain confédérés sont de toutes tailles, de toutes périodicités, de tous styles… Une bonne trentaine paraît régulièrement, diffusée au-delà du simple cercle des adhérents. Certains ont une vocation régionale : c’est le cas dans le Nord-Pas-de-Calais, en Poitou-Charentes ou dans le Limousin. D’autres sont interrégionaux (Lorraine-Alsace), couvrent partiellement une région administrative (les Savoies), ou mutualisent au niveau régional un certain nombre d’articles, complétés départementalement par des papiers plus locaux (BasseNormandie). La plupart sont mensuels, certains ont des parutions à fréquence aléatoire. Laborari, journal du syndicat basque ELB, paraît chaque semaine, coordonné par une journaliste professionnelle. Difficile donc d’être exhaustif dans cette première revue de presse des canards de terrain reçus à Bagnolet. Retenons néanmoins parmi les parutions de mai-juin : n Le Paysan nantais, mensuel de la Confédération paysanne de Loire-Atlantique qui dans son numéro 1263 (eh oui !) consacre un dossier de quatre pages à la loi d’avenir agricole actuellement en gestation (« Loi
d’avenir agricole : transformer les intentions en actes ? »). n L’Agulhada, mensuel du Béarn, propose sur une double page une « présentation du système des cotisations sociales (qui) va nous permettre ensemble de comprendre le principe de la solidarité selon la MSA ». n La Mauvaise Herbe, très fourni (28 pages) journal de la Drôme, traite nombre de thèmes, des plantes mutées à l’assem-
blée générale du Comité d’action juridique (CAJ) local, réservant huit pages aux sujets relatifs à « La vie des éleveurs » (biodiversité animale, loup, abattoirs de proximité…) n Laborari, hebdo du Pays Basque, rend compte dans son numéro 1027 (eh oui !)
Annuaire • Le Paysan nantais – 31, bd Einstein – CS 12316 – 44323 Nantes – paysannantais@wanadoo.fr • L’Agulhada – 124, bd Tourasse – 64078 Pau Cedex – 05 59 30 28 36 • La Mauvaise Herbe – 60, avenue Jean Rabot – 26400 Crest – drome@confederationpaysanne.fr • Laborari – « Zuentzat » – 64220 Ainhice-Mongelos – laborari@gmail.com • Solidarité paysanne – 4 bis, rue Philibert Mottin – 42110 Feurs – sp42@wanadoo.fr • Le Réveil paysan – 58, rue Raulin – 69007 Lyon – 69@confederationpaysanne.fr • Parole paysanne 32 – 1, rue Dupont de l’Eure – 32000 Auch – 32@confederationpaysanne.fr • L’Info paysanne – Aspic – La Mouline – 12510 Olemps – confaveyron@wanadoo.fr • Paysans des Savoies – 04 79 60 49 14 ou 04 50 88 18 47 20 \ Campagnes solidaires • N° 286 juillet-août 2013
daté du 13 juin, du déplacement des salariés de Spanghero à Lur Berri, la « coopérative » basque propriétaire de la marque et de l’usine de Castelnaudary menacée de fermeture, 240 emplois étant en jeu (« Spanghero : les salariés se sentent trahis par Lur Berri »). n Solidarité paysanne, mensuel de la Loire, développe dans son numéro de juin un dossier de quatre pages sur l’installation (« De l’idée au projet : creuser et interroger son projet d’installation pour être maître de ses choix »). n Son voisin, Le Réveil paysan, trimestriel du Rhône, publie lui dans son numéro d’été un dossier sur une double page : « Identification électronique et certification de la voie mâle : deux obstacles au libre choix des pratiques d’élevage ». n Un peu plus tôt au printemps, Parole paysanne 32, bimestriel du Gers, avait présenté dans son numéro 74 de mars-avril une double page sur le thème : « Être acteur du développement des semences paysannes ». Le journal se présente en sous-titre avec beaucoup d’humour : « La feuille de chou gasconne, une feuille qui ne frise pas le ridicule, un chou qui ne pomme pas son objectif : des paysans nombreux et un Gers vivant ». n Quant à l’Info paysanne, mensuel de l’Aveyron, et Paysans des Savoies, au titre explicite, ils se penchent sur les relations de proximité entre producteurs et consommateurs (« Circuits courts collectifs » et « Les fermes ouvertes ») Ce petit aperçu permet de constater la diversité des thèmes traités, tous au cœur des préoccupations des paysans, au plus près du terrain.n Benoît Ducasse
Courrier
Transmettre nos idées, faire vivre notre journal Paysans – installés, anciens ou en devenir – techniciens, enseignants, élus locaux, acteurs de la vie rurale, médiathèques… : les lecteurs de Campagnes solidaires se mobilisent pour diffuser et faire vivre leur journal. Un grand merci à vous tous ! Quelques idées pour celles et ceux qui le peuvent : Air frais « Je vous transmets le règlement d’un abonnement que j’offre à une jeune stagiaire en cours d’installation, que j’ai particulièrement appréciée et à qui j’ai essayé de transmettre nos idées et nos valeurs. Par ailleurs, je vous félicite pour la qualité du mensuel qui, malgré la situation politico-agricole actuelle un peu déprimante, constitue un soutien moral, un bol d’air frais et un guide dans ma réflexion sur la mise en avant de l’agriculture paysanne à l’échelle de mon petit territoire de 34 hectares. » CC (Gers)
exemplaires à mon gendre, enseignant dans un lycée agricole de Rhône-Alpes. Vous devriez bientôt recevoir son bulletin d’abonnement. Tenez bon, l’avenir de l’agriculture, c’est vous, et vous verrez, nous serons nombreux à vous soutenir ! » Paul D (Paris)
Manger est un acte politique
« Un ami paysan m’a fait connaître votre mensuel et j’ai décidé de m’y abonner car je partage votre vue et votre travail sur l’agriculture paysanne. Je suis commerçant, j’affine et je vends une cinquantaine de fromages. Comme heureusement tant Un nouveau fermier abonné ! d’autres, je pense que manger est « Vous trouverez ci-joint le règlement un acte politique. Merci, et de tout JG (Rhône) pour deux abonnements : notre cœur avec vous ! » réabonnement au tarif de soutien, et l’abonnement de notre nouveau fer- En salle d’attente mier, bien motivé! (…) » GH (Tarn) « Mon toubib est un voisin et ami. L’été dernier, je lui ai proposé de laisNombreux à vous soutenir ser d’anciens numéros de Campagnes « Je vous prie de trouver ci-joint mon solidaires à disposition de ses patients réabonnement, cette fois au tarif de dans la salle d’attente et il a accepté. soutien. J’ai fait passer quelques Ça change de la lecture du Point ou
du Figaro magazine qu’on trouve chez passé, j’offre un an d’abonnement la plupart des autres médecins… » à Campagnes solidaires. Au moins AL (Bretagne) pendant cette année qui suit leur stage en agriculture paysanne, ils restent connectés, se nourrissent Un bon départ dans la vie des idées, analyses, actus et initiapaysanne tives de la Conf’ ! » MR (Lorraine) « Je vous prie de trouver un bulletin d’abonnement au nom de ma fille. Elle s’installe paysanne au printemps Pas que la France Agricole ! prochain et je lui offre cet abonne- « À la doc de mon lycée agricole, ment pour la Noël. Pour prendre un j’avais remarqué qu’étaient prébon départ dans sa vie profession- sentés à la lecture la France agricole, nelle ! » GT (Rhône-Alpes) le journal national des JA et tous les titres du groupe Réussir. J’ai donc Les élus ruraux avec nous ! demandé qu’il y ait aussi à dispo « Voici mon bulletin de nouvel Campagnes solidaires, pluralisme de abonné. J’ai fait votre connaissance l’info oblige ! Première réponse : on il y a quelques semaines par l’inter- ne propose pas de journaux syndimédiaire d’un ami paysan que j’avais caux. Réplique : et le journal des JA, consulté pour avoir ses conseils. Je c’est quoi ? Et le groupe Réussir, qui suis conseiller municipal d’un petit y a-t-il derrière? Deuxième réponse: village qui travaille à installer un oui, mais on les reçoit gratos ! Rejeune paysan sur des terres com- réplique: vous ne payez aucun abonmunales (…) » VG (Auvergne) nement pour aucun journal ? Réponse : si, si, bien sûr… Avec un Nourrir pote, on va relancer jusqu’à ce que « Nous accueillons régulièrement le lycée s’abonne à Campagnes solides stagiaires sur notre ferme. À la daires, on est motivé ! » fin de leur stage, si tout s’est bien FD (Pays-de-Loire)
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N° 286
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Emploi - stages - formation Offres • Haute-Loire - La Confédération paysanne de Haute-Loire recrute un-e secrétaire-animateur (trice) Temps plein 35 h, éligible aux contrats d’avenir - secrétariat, animation en réunion, recherche de financement, édition d’un journal - Demandé : connaissance du monde agricole et rural, mobilité (voiture) - 06 80 23 35 80 ou 06 66 91 23 36 Demandes • Toutes régions (si possible Savoies, Ain ou Isère) - Fils de paysan en polyculture-élevage en Savoie, je veux préparer un Bac Pro production végétale en contrat d’apprentissage sur deux ans. Je cherche un maître d’apprentissage en lien avec ma formation mais n’exclus pas l’élevage. Le contrat débuterait le 2 septembre 2013 avec 19 semaines de formation d’ici à juillet 2014 et 28 semaines de présence en entreprise pendant la première année - Abel Chaumon : 04 79 36 99 37 ou colette.chaumon@orange.fr • Sud-Est ou Sud-Ouest - Étudiant en Master d’agro-écologie, je suis vivement intéressé par les techniques de l’agriculture de conservation, mais aussi par l’agriculture bio, la biodynamie et la permaculture. Libre en janvier et février 2014, je cherche une structure qui me permettrait d’avoir une expérience dans ce domaine, par exemple suivre un projet d’expérimentation en semences ou bien sur des itinéraires culturaux au sein d’une ferme, d’un groupement de producteurs ou encore d’une coopérative paysanne. Je ne souhaite pas forcément être rémunéré, et ce n’est pas dans le cadre d’un stage d’étude puisque c’est à titre personnel que je fais cette démarche - laurent. moussier38@laposte.net • Bourgogne ou autres régions JH 25 ans en formation CS Agriculture bio, vente et transformation de produits fermiers à Château-Chinon (58) à partir de novembre 2013 recherche un maître de stage pour plusieurs périodes en 2014 - Exp. en ovins lait, ovin viande, ainsi que wwoofing en plusieurs productions + emplois saisonniers agricoles - Préf. pour formation fromagère mais étudie toute proposition - Secteur Bourgogne serait un plus, mais non indispensable - Possède une caravane si besoin pour logement 06 22 29 93 65 louismerck@orange.fr • Toutes régions - Agriculteur de l’Yonne 59 ans motivé dispo de suite pour aider agricultrice, production laitière, région et situation indifférentes - 03 86 47 12 81 • Sud-Ouest- 53 ans, paysan puis salarié, exp. animaux et cultures, compétent, inventif en atelier méca
et bricolage, autonome, ch. travail agricole ou nature - Motivations : ambiance, éthique professionnelle - Logement éventuel 06 77 93 12 96
Association - installation transmission Offres • Orne - Cherche associé(e) pour reprise collective d’une ferme Terre de Liens de 45 ha en polyculture élevage, nous cherchons un(e) maraîcher(e) pour cogérer l’atelier et un éleveur ou une éleveuse pour début 2014 - alice.fumagalli@hotmail.fr - 06 80 36 50 80 • Lot - La Ferme en Paille, près de Gramat, recherche, en vue d’une association, couple ou personne seule, motivé(e), désirant s’installer en tant qu’éleveur - Merci de nous contacter au 06 84 48 67 99 pour de plus amples renseignements. • Rhône - Ferme caprine cherche associé(e), ouvert à nouvel atelier - Exploitation individuelle en location, située en zone de plaine et périurbaine - SAU : 13,20 ha dont 10,60 ha autour des bâtiments, 45 chèvres/transformation fromagère/vente directe, autonomie fourragère, orientation agriculture paysanne - Recherche personne pour travailler en équipe - Possibilité de développer un atelier de diversification nécessitant peu de foncier et à forte valeur ajouté 06 18 04 63 56 - 09 73 86 79 21 • Morbihan (sud) - En prévision d’un départ en retraite, à céder ferme de 70 ha en bio depuis 20 ans - Actuellement en production de viande bovine, avec vente directe pour moitié et possibilité de développement dans des magasins de producteurs, le reste est commercialisé dans une structure de producteurs en bio - Il y aussi une vingtaine d’ha en culture de vente Proposition de reprise du foncier et bâtiments (stabulation et hangars à fourrage) en location, reprise possible du cheptel bovin, possibilité d’irrigation, possibilité de travailler en Cuma - 06 13 82 37 51 • Indre-et-Loire - L’EARL l’œuf bio de Touraine recherche associé(e) Suite à un problème de santé, l’un des gérants souhaite cesser son activité de gestion et de responsabilité de l’atelier « poules pondeuses ». Les associés souhaitent un collaborateur opérationnel et autonome (assez rapidement) motivé pour l’élevage bio et sa filière avec de l’expérience, de la polyvalence, et de l’intérêt pour les fonctions gestion, administrative, commerciale, employeur - Formation minimum de niveau Bac (en agriculture ou aviculture souhaitable) - Poste à pourvoir dès que possible, sur du long terme, le but étant la reprise totale en associé ou seul - Chiffre
d’affaire entre 15000 €et 25000 € par mois - Lieu: à 35 km au sud de Tours, possibilité de logement sur place dans une ancienne maison, au moins sur du court terme - Permis B indispensable: déplacement pour livraison en Touraine et départements limitrophes - 0247928045 - lachauv@wanadoo.fr • Cantal - Vend propriété bâtie et propriété rurale à Chaussenac - une maison d’habitation de 120 m² entièrement rénovée et aux normes (électricité, assainissement, chauffage central bois/fuel, double vitrage, véranda, toiture neuve…), habitable de suite - et une propriété attenante de 4 ha 85 avec une grange de 12x8 (4 ha 5 de terre mécanisable et 3 500 m² de jardin et potager) - terres et maison non dissociables - 220 000 € 06 85 49 95 60 • Dordogne - Élevage caprin de 80 chèvres laitières à reprendre. 10 ha pâturage avec rotation de clôtures électriques et 3 ha bois et lande, une chèvrerie (400 m2) avec salle de traite et laiterie, un corps de ferme en pierre avec fromagerie, chambres froides, dépendances et maison d’habitation (f5). Ration : pâturage principalement, achat luzerne et céréales. 1/3 du lait produit (quota 15000 l) livré à la laiterie, 2/3 transformés et vendus en circuit court : 2 marchés, 4 restaurants. Les cédants arrêtent leur activité fin 2013.Ils souhaitent accompagner les repreneurs au début de l’installation. Possibilité de mettre en place d’autres ateliers ou productions - 05 53 57 47 26 • Dordogne - Agriculteurs installés en polyculture-élevage proposent de louer 5 ha de landes et un abattoir pour l’installation d’un paysan qui mettrait en place une activité d’élevage de volaille (poulets de chair, pintades, dindes…) - La mise en place des clôtures et la construction des poulaillers (qui devront être intégrés dans le paysage) sont à réaliser - L’alimentation de l’élevage peut-être trouvée sur place La ferme est bien placée pour développer la vente directe (zone touristique, trois marchés importants à proximité, des cantines scolaires et des restaurants) - Le nouvel installé s’insérera dans l’organisation globale de la ferme (AB, recherche d’autonomie pour l’alimentation des élevages, la fertilisation, les semences…), sans pour autant être associé - 05 53 57 47 26 • Dordogne - Suite à prochaine liquidation, ferme caprine de 7 ha de SAU et 11 ha de parcours en sous-bois à louer - Possibilité de racheter la chèvrerie au tribunal ainsi qu’un petit cheptel (22 chèvres) - Conviendrait à deux paysans en couple ou associés pour une production laitière de 60 70 chèvres, à condition d’effectuer une transformation fromagère dès la première année et de développer un circuit de vente (région touristique) - Possibilité d’installer une fromagerie d’occasion en kit (20 000 €environ) - 05 53 57 47 26 • Dordogne - Ferme à vendre - Apiculture et production de pains bio traditionnels - SAU 6,22 ha (dont
22 \ Campagnes solidaires • N° 286 juillet-août 2013
3 ha cultivables). Maison d’habitation (189 m2, et 2 studios, un appartement), grange en pierre, étable, hangar en bois, miellerie, boulangerie (fournil avec four à pain et une pièce de préparation de la pâte) -Les différentes productions (miel avec 70 ruches en moyenne et 350 kg/pain/semaine) sont vendues en circuit court (marché, magasins spécialisés…) - Possible de développer davantage la production de pain (demande existante) - 05 53 57 47 26 • Loire - A céder exploitation de 40 ha en zone de montagne, 650 m d’alt. (Monts du Lyonnais) - Ovins lait avec transfo fromagère (vente en circuits courts) - 2 UTH, possibilité de développer l’activité (débouchés présents) - 140 brebis Lacaune et 150 brebis viande, fromagerie et traite récentes aux normes - Autonome en foin (luzerne irriguée) et céréales - stage reprise à envisager - 06 80 00 76 97 • Vosges - Recherche associé - Vous aimez avoir les mains sales ? Vous aimez les enfants avec un parcours difficile (agrément ASE et PJJ), la ferme de Capucine située au cœur de la nature est un lieu où nous vivons notre passion de l’élevage (race rustique et locale) et profitons de l’instant présent dans la convivialité d’un bon repas. Pour partager des journées qui ne se ressemblent jamais, nous recherchons associé. Nous sommes adhérents à Accueil Paysans et à Nature et Progrès - 03 29 57 81 86 • Côtes-d’Armor - Location de foncier agricole - 30 - 100 ha de terre à dominante herbagère - Foncier adapté à de l’élevage de ruminants (actuellement gros bovins) - Possibilité de plusieurs projets agricoles à construire en fonction des caractéristiques et contraintes du lieu Bâtiments possibles en fonction des modalités de mise en œuvre du projet - Le propriétaire souhaite production en agriculture biologique - Guillaume Michel, GAB 22, 02 96 74 75 65 • Rhône - Ferme à reprendre - A transmettre en location ferme de 17 ha en zone de montagne (Canton de Gleizé) - Actuellement vaches laitières et chèvres avec transformation et vente directe (60000 litres) - Possibilité de logement sur la ferme - addear.69@wanadoo.fr ou 0478382920 • Aveyron - Nous recherchons urgemment un repreneur pour éviter que la ferme parte à l’agrandissement - Sur le plateau de Villefranche Panat, 80 ha labourables, d’un seul tenant, à louer ou à acheter (pour une partie), 650 hectolitres de référence laitière à Roquefort, un bâtiment à acheter, de 2 000 m2, dont 800 m2 de bergerie tout équipée (tapis, salle de traite…) Addear 12 : 05 65 67 44 98 ou infopaysanne12@wanadoo.fr • Aveyron - Cherche associé au gaec de Salelles pour reprise avant départ en retraite fin 2013 - Ovin lait bio - 300 brebis - 87 ha SAU 06 03 21 33 97 • Deux-Sèvres - Ferme AB, 90 chèvres en transformation (50000 l),
3 associés. 28 ha dont 5 ha de céréales et 23 ha en prairies, recherche un nouvel associé cause départ en retraite - Objectif du gaec: optimiser le travail, troupeau, transformation, afin de se dégager du temps libre - Parrainage possible dés septembre 2013 - 0686939882 - pousset.francois@gmail.com • Finistère - Gaec à 3 recherche remplaçant(e) en prévision du départ d’un des associés -Ferme en bio et vente directe depuis 30 ans, 80 ha de SAU: 30 vaches laitières, 30000 litres vendus à Biolait et 90000 litres transformés sur place, 900 Poules pondeuses - Marchés (jeudi, samedi), vente à la ferme (vendredi), livraisons en magasins bio… - Système herbagé intégral avec 7 ha de céréales dans la rotation - Autonomie pour l’élevage bovin : herbe pâturée, foin, céréales de la ferme Le projet du gaec: valoriser l’existant pour poursuivre la transformation et la vente directe, tout en optimisant notre travail en vu de dégager plus de temps disponible - Prévoir l’achat de 20 ha de terre. Une maison est disponible à la vente si souhaitée - Nécessité d’avoir moins de 40 ans pour réaliser une période d’essais dans le cadre d’un contrat de pré-Installation - 0298269850 (HR) - pennarmenez@neuf.fr • Morbihan - Nous recherchons un(e) 3e associé(e) souhaitant partager l’investissement humain dans un projet collectif cohérent et participant au développement local Nous sommes installés depuis deux ans, en production laitière bio, transformation et ventes locales. À trois associés, nous augmenterons la part de lait transformé à la ferme - Système actuel : 35 vaches laitières sur 42 ha groupés. Transformation de 20 % du lait, activité démarrée début 2012 0672611497 - b.colleaux@voila.fr • Côtes-d’Armor - Ferme à transmettre courant 2014 : exploitation bio, actuellement en production laitière bovine - Production de 220 000 l, 33 ha, terres très groupées en location - Très bon potentiel agronomique, système tout herbe - Bâtiments fonctionnels en bon état - Très peu de matériel, cuma intégrale à proximité - Réseau alternatif dynamique dans le secteur - Proposition de parrainage Possibilité d’habitation à rénover sur
place - Ouvert à toute proposition - 02 96 26 16 37/06 62 84 46 98 p.yvesaignel@wanadoo.fr • Mayenne (Sud) - Vends ferme de 13 ha groupés (5 ha de verger pommes à couteaux + poires en production et 7 ha de prairie) - En bio depuis 21 ans - Dépendances et maison compris - 02 43 70 69 16 - marie.beaulieu@wanadoo.fr
Animaux - Végétaux Matériel • Haute-Marne - Vends monte-balle ronde, arrière, Suire, très bon état - 06 32 35 67 51
Divers • Haute-Savoie - Havre de paix au cœur du PNR du massif des Bauges, entre Annecy et Aix-les-Bains - Maison Baujue - Situation rare et privilégiée, avec 28 000 m2 de terrain attenant, exposition plein sud, dépendances, autonomie en eau, chauffage bois et solaire, 2 habitations de 120 m2 chacune - Idéal pour habitat privé et accueil touristique - 495 000 euros crh73@orange.fr - 06 43 64 22 97 • Alsace - Paysan- formateur propose trois formations cet été: Changer de vie - 1) Du fantasme à la concrétisation (5 au 18 juillet 2013): Changer de vie, mettre en place des alternatives demande une réflexion sérieuse et la mise en place d’outils opérationnels incontournables pour réussir la création d’une « entreprise naturelle » - 2) Prendre la nature pour guide (19 au 22 août): Une invitation à travailler autrement, à vivre autrement, à vivre tout simplement… 3) Cuisine sauvage et transformations agroalimentaires (2 au 5 septembre) : Une approche générale de la gastronomie sauvage indispensable pour affiner un projet professionnel ou tout simplement pour vivre le plus en harmonie possible avec la nature - Gérard Verret - Jardin Gourmand - 03 88 58 91 44 gerard@jardingourmand.com www.jardingourmand.com • Cantal - Loge gratuitement personne ou couple avec petite retraite, pour jardinage, cuisine, ménage, soins personne âgée - Grand jardin, serre - 04 71 49 06 49 • Haute-Loire - Paysan en bio, 66 ans, petite exploitation, accueille compagne pour vivre dans la simplicité - 04 77 35 29 17 (après 20 heures)
Souvenir Dans ce monde amputé de la raison, Françoise, la compagne de René Riesel, avait mis ses gestes dans leurs rêves d’autres valeurs, loin du fric et des compromissions. Le crabe a grignoté ses espoirs jusqu’à détruire sa vie et l'emporter ce printemps. René fut secrétaire national de la Conf’, de 1995 à 1999, et directeur de Campagnes solidaires lors des premiers combats contre les chimères OGM de la pseudo science, mais puissants accumulateurs de profits. Notre amitié accompagne sa peine. Michel Curade
Culture Innovations potagères et sociales
B
ien sûr, les jardins collectifs urbains ne peuvent pas nourrir toute la ville, encore moins dans la petite couronne parisienne. Il s’en faut. Mais les espaces disponibles pour les installer, la somme des petites parcelles mises bout à bout, en font quand même des sites à investir à l’heure où la lutte contre le dérèglement climatique l’impose : îlots verts pour le rafraîchissement urbain, réservoirs de biodiversité pour peu que l’on y adopte des pratiques idoines, outils de relocalisation économique, et ainsi de production alimentaire.
On aurait tort de cantonner ces jardins au seul rôle de lieux de rencontres: ils le sont, mais pas seulement. Leur potentiel productif est là. Si on ne peut pas tout faire, il faut quand même faire tout ce qu’on peut, et la valeur de cette production agricole urbaine est multiple. C’est une petite ficelle que l’on tire entraînant toute une pelote, de la compréhension par les enfants et les parents des mécanismes naturels de production, à l’envie de cuisiner, de partager, d’échanger plants, plats et recettes… Engagée au sein d’une très dynamique association montreuilloise, le Sens de l’Humus, Cyrielle Denhartigh relate la renais-
À demain sous l’arc-en-ciel
L’
auteur est prof de biologie. Il n’en est pas à son premier essai en littérature, mais avec celui-ci, il s’attaque par le biais du roman à ces pratiques agricoles, sous pression de l’industrie, qui mettent en péril nos vies. Il conte quelques existences qui croisent l’infernal de la modernité. Il nous sensibilise à travers des émotions à ce que nous risquons de perdre et que certains ont déjà perdu. Tel Khaled, l’ouvrier agricole à son fils avant qu’il disparaisse « J’irai toujours où tu iras. Promis ? Promis… » Quelques lignes sont un peu convenues sur les édiles et les manipulations des industriels. Les
sance des jardins collectifs urbains, descendant entre autres des jardins ouvriers, leurs nouvelles donnes et approches… Cette histoire est mise en perspective, en analyse, en interprétation. Des exemples sont donnés, notamment à partir de ce qui se passe à Montreuil, dans la banlieue historique maraîchère de Paris, ville porteuse aujourd’hui d’écologie politique. Mais le livre ne se limite pas aux frontières de la commune francilienne : il va étayer ses propos dans la France entière, à Nantes, Montpellier, Nîmes… Instructif et constructif. n Benoît Ducasse
« Jardins collectifs urbains », par Cyrielle Denhartigh, éditions Educagri, 2012, 167 pages, 25 euros.
effets sur la fécondité des hommes permettent de tracer avec humour certaines conséquences des « phytosanitaires ». Deux journalistes vont enquêter sur l’affaire, où pesticides et perturbateurs endocriniens jouent à cache-bénéfices. L’ouvrage est en fait, sous couvert d’une belle histoire, une dénonciation des aberrations de la mondialisation en folie. Le livre se ferme sur des notes d’espoir retenues : « Pour que l’on puisse écrire à la fin de la fête : quelque chose a changé pendant que nous passions ». n Michel Curade
« À demain sous l’arc-en-ciel », Bruno Riondet, Société des écrivains, 376 pages, 20 euros
Dans le silence des campagnes
L
a précarité peut-elle conduire au pire ? Lorsque l’amoncellement des difficultés, des angoisses, a écrasé l’espérance, la tentation du fusil ou de la corde bouscule la raison. Ils sont plus de 400 chaque année – certains disent qu'il y en a plus – à trouver le chemin sans retour. Jean Louis Saporito a cherché à comprendre et à décrire l’indicible. Sa caméra est sensible, jamais voyeuse. Dans les familles et l’environnement proches de cet enfer, ils sont peu nombreux à vouloir raconter leur détresse. Les éleveurs, même s’ils ne sont pas les seuls, tiennent le haut du pavé dans ce dramatique palmarès. Ils sont malgré eux en vedette dans ce documentaire qui, bien mieux qu’une analyse sociologique, donne la profondeur du désarroi chez ces paysans. L’absence relationnelle vient renforcer l’impression de l’impossible. La solitude qui mouline incessamment la noirceur des temps pousse la porte de l’inacceptable. La MSA consciente du problème tente des démarches que beaucoup trouveront dérisoires, comparées à l’épouvante de la réalité. Modestement, Solidarité paysans, fille de notre syndicat, tente l’écoute dans une relation où l’entraide et l’humanité sont les ressorts pour émerger du tréfonds de l’accablement.
52 minutes pour nous encourager dans les luttes, afin que personne ne désespère du lendemain. À voir sans tarder, si vous ne l'avez pas vu lors de sa diffusion télévisée en mars 2013. n Michel Curade, paysan dans l'Aude
Dans le silence des campagnes. 52 minutes. Documentaire de Jean Louis Saporito. Coproduction TGA production/France télévisions. Téléchargeable gratuitement sur : www.free-telechargement.org/fiche-10635/DansLeSilenceDesCampagnes.html Contacter l'auteur : jeanlouis.saporito@gmail.com Campagnes solidaires • N° 286 juillet-août 2013
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Envie de paysans !
L’
envie est là, ce n’est pas qu’un slogan. Ces 31 mai et 1er juin 2013, près de 15 000 Parisiens se sont rendus sur la Ferme à Paris, événement organisé par la Confédération paysanne qui lançait là sa campagne « Envie de paysans ! » (cf. p.4-5). Entre quartier bobo et quartier prolo, au pied du métro, la place Stalingrad n’a guère désempli durant deux jours. Les enfants se pressaient autour des animaux de la ferme, attentifs pour appendre à traire la vache, rieurs et émus pour caresser brebis, chevreaux ou petits cochons… Les adultes, eux, se partageaient entre marché, projections de documentaires et débats, qui sur la cinquantaine de stands fermiers pour faire le plein de bons produits, qui sous la tente ou sous les arbres pour participer aux discussions sur l’agriculture paysanne, ses initiatives, ses diverses facettes, et les moyens à mettre en œuvre pour la généraliser partout, sur tous les territoires. Le vendredi soir, le seul couac viendra du ministre de l’Agriculture. Sil est bien venu sur place, il esquivera tout débat, en premier lieu celui pour lequel il était attendu en compagnie, notamment, de Laurent Pinatel, le porte-parole national de la Conf’, et de José Bové, un de ses prédécesseurs aujourd’hui eurodéputé. Ce n’est sans doute que partie remise: « Envie de paysans! » est partie pour durer toute une année, avec l’objectif d’obtenir de réels résultats en faveur d’une agriculture paysanne et citoyenne, tant dans l’application en France de la prochaine politique agricole européenne (Pac) que dans la loi d’avenir de l’agriculture qui devrait être présentée au ParleBD ment français début 2014 n
À noter : un dossier spécial Pac dans le prochain numéro (septembre)