Mémoire vive

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3.LA PROPAGATION DE LA RÉFÉRENCE La médiatisation

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Aujourd’hui, l’universalité d’un phénomène ou d’une oeuvre peut être facilitée par la médiatisation de ceux-ci. Les différents médias (presse, radio, télévision) choisissent de mettre en avant certains projets plutôt que d’autres. Ils induisent, de fait, une forme référencement des projets qui méritent qu’on leur porte attention. Ces choix, selon l’orientation du média, se basent sur des critères variables. Certains projets, parce qu’ils sont publics et parce que leur programme est marquant, sont davantage mis en avant par l’ensemble des médias. On a ainsi récemment beaucoup médiatisé le Louvre-Lens et le Centre Pompidou de Metz. Les enjeux financiers, patrimoniaux et culturels, mais aussi le choix des architectes, en font des projets phares, qui apportent une nouvelle identité à ces villes et relèvent des paris audacieux. Les architectes, reconnus dans la profession, doivent alors faire également preuve d’audace pour être à la hauteur de ces projets. Les projets profitent ainsi de la renommée des architectes choisis, et inversement. Cette forte médiatisation en font des projets de référence par défaut,

Jusqu’au formatage ? car ils entrent dans notre répertoire de manière presque inconsciente. Reste ensuite à chacun de s’approprier ces projets, d’en faire une critique pour pouvoir mieux les réinterpréter. Les médias spécialisés opèrent quant à eux, des choix beaucoup plus spécifiques. Les projets choisis peuvent être de toute échelle et surtout concernent tous types de programmes. Ils ne sont pas choisis pour l’image ou le symbole qu’ils représentent, mais bien pour leur qualités architecturales, constructives, techniques ou esthétiques. Ils peuvent alors faire l’unanimité au sein de la profession et des spécialistes. La référence peut alors devenir universelle, mais uniquement dans un cercle de connaisseurs et d’intéressés. Christian de Montilbert met d’ailleurs en garde les constructeurs, sur le rôle que jouent les revues d’art et d’architecture. Ainsi, selon lui, prennent forme des modes qui influencent considérablement les constructeurs.

Ainsi, les médias donnent un accès en masse au domaine de l’architecture. Monique Eleb constate, dans son étude, l’influence de ces magazines sur la manière dont le grand public comprend et s’approprie l’architecture. Elle évoque un formatage du goût, construit par les lectures ou par l’exposition à la publicité, qui apparaît comme une réserve commune de savoir, dans laquelle les interviewés piochent à leur insu, comme s’il s’agissait d’un fond commun unanimement partagé et légitime, sur lequel ils n’ont pas à s’expliquer. La médiatisation en masse d’un projet lui donne donc une légitimité et une universalité aux yeux du grand public. La référence qui semble universelle à un public nonsavant ne le serait donc pas forcément pour un public averti. Malgré les connaissances acquises par les architectes, Philippe Trétiack nous met pourtant en garde contre un phénomène de standardisation planétaire de reproduction à l’identique. Il suggère de réinterpréter partout ce qui voudrait s’imposer comme un crédo unique, éviter le pastiche de ce qui fût et ne pas adhérer au nivellement mondial. C’est bien cette volonté qui demande de la créativité et du recul au concepteur.


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