DESSINER L’ESPRIT DESSINANT. These Doctoral Camila Eslava

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Formulation plastique de la question : Qu’est-ce que l’Esprit ? Parler de l’Esprit équivaut-il à parler de la pensée ? Et est-ce que parler de la pensée et de l’Esprit équivaut à parler d’une activité intérieure ? Ne serait-ce pas un manque de rigueur que de ne pas chercher à définir et à rendre ces termes plus clairs ? Il paraît que cette recherche est entre autres issue d’une confusion ou de la difficulté de trouver une claire différenciation entre ces termes, mais cette confusion n’est pas sans importance, car c’est dans les limites qui rendent ces termes diffus que je peux dessiner mon esprit. Dans l’expérience de ce qui était vécu comme une activité intérieure dans mon processus de création, je me suis retrouvée face à la manifestation de mon esprit. Cependant, il était impossible de porter une réponse exclusive et localisable à la question « qu’est-ce que l’Esprit ? » sans risquer de réduire ce processus à une définition, alors que c’est en fait lui – l’Esprit – qui définit. Le mot Esprit étant un mot que nous employons souvent et qui, dans notre expérience, reste très concret, devient soudain flou lorsque nous essayons de le définir.6 Cette situation paradoxale, mais heureusement plastique de l’Esprit, est l’outil principal de cette expérience qui, dans une direction différente de celle qui essaie de préciser et de définir exactement ce qu’il est, le reconnaît comme une ouverture qui indique que ses dimensions son plus vastes que ce que l’on pourrait en dire et que l’opération même de « dire ». Dans cette thèse, je n’essaye donc pas de résoudre ce paradoxe ni non plus de dresser un inventaire historique de cette problématique issue de la dichotomie esprit/ corps. Ici, la dichotomie se résout tout simplement en montrant l’esprit dans l’acte plastique par lequel j’opère au quotidien, assistant en direct à sa métamorphose constante, donnant ainsi lieu à une production abondante et diverse d’ambiances plastiques que nous allons parcourir dans la deuxième partie de cette thèse. Dessiner L’Esprit Dessinant, du fait qu’il valorise l’acte créatif et la plasticité même de l’esprit, participe assez bien de la conception d’un centre de création permanent, tel qu’il a été conçu par l’artiste Fluxus Robert Filliou quand il dit : « Je me suis intéressé à la création permanente et j’ai alors davantage utilisé ce mot que le mot ‘art’ parce que c’est la créativité qui m’intéresse. »7 Nous retrouvons ainsi Dessiner L’Esprit Dessinant comme un centre de création permanent qui, par l’acte contemplatif, se nourrit de mon propre processus créatif et s’installe là où la vie le porte, puisque chaque instant de ma vie fait partie de ce même processus : respirer, méditer, marcher, lire, danser, réfléchir, manger, dormir, écrire, nourrissent la plasticité de mon esprit dessinant. Cet esprit qui contemple sa propre contemplation est mon champ de jeu, un champ grand ouvert qui, d’une part, échappe à toute réponse à une question sur sa nature, et

6  L’indicible ou l’ineffable complexité par Edgar Morin, Colloque autour d’Edgar Morin et Jean-Claude Risset, 2008. http://www.cdmc.asso.fr/fr/ressources/conferences/enregistrements/musique_complexite. [consulté le 16-08-2012] 7  Robert Filliou, Charles Dreyfus, Alain Gibertie et Ann Noël, Robert Filliou, art actuel, Numéro 38, hiver 1988, p. 4-15, url : http://id.erudit.org/iderudit/46975ac [consulté le 20-03-2013] 11


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