Cambrousse

CAMBROUSSE Parole à la jeunesse rurale bretonne

CUPIDON

Où trouver du love ?

DÖNER

kebabs du centre-bretagne Juin 2017

GAGNE-PAIN DU GOGO AU THANATO

CAMBROUSSE Rédacteur en chef - Victor Lannurien Rédacteur en chef adjoint - François Brulé Journalistes - Alexandre Bergalasse, Marion Boisjot, François Brulé, Valentin Drault, Lise Froger, Mathilde Garnier, Donovan Gougeon, Victor Lannurien Responsables photo - Alexandre Bergalasse, Marion Boisjot Maquettistes - Lise Froger, Donovan Gougeon Secrétaires de rédaction - Salammbô Marie, Mathilde Sire Responsable distribution - Mathilde Garnier Directeur de la publication - Olivier Tredan Équipe pédagogique - Amélie Cano, David Even, Franck Chambrun, Philippe Gestin Remerciements - Rose, Quentin et Pierre pour la photo de Une © Alexandre Bergalasse Édité chez Cloître Imprimeur. Magazine financé avec le concours de la Région Bretagne.

Magazine réalisé par les étudiants de la licence professionnelle de journalisme de l’IUT de Lannion 2016-2017

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« Ah, les jeunes ! » Ce serait mentir que de dire que cette vieille maxime ne nous a pas influencés au moment d’axer notre magazine sur la ruralité que même l’Insee peine à définir. Autant dire que, pour nous, le challenge s’annonçait coton.

En choisissant de se focaliser sur la jeunesse afin de changer la manière d’aborder le sujet de la campagne, nous n’avons pas l’ambition d’avancer un postulat mais plutôt de donner la parole à de jeunes ruraux trop souvent oubliés. À l’inverse du rapport du Conseil économique social et environnemental dressant un triste bilan, l’équipe de Cambrousse est allée à la rencontre d’une jeunesse volontaire, solidaire, hédoniste et fière de son patrimoine.

Attachés à la volonté de sortir des sentiers battus, nous avons crapahuté à la recherche de cambroussards aussi consciencieux que surprenants. Des personnalités fortes qui, gardant les pieds sur terre, revendiquent leurs origines rurales et en font une force.

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Cambrousse - Juin 2017

EDITO

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HEIN ?! 8-11

12 - 17 CUPIDON GAGNE-PAIN 18 - 25

26 - 31 SOINS BIO 32 - 37

38 - 45 ACTION 6

Cambrousse - Juin 2017

46 - 53 DÖNER PAN ! 54 - 61

62 - 67 RIBOUL CAILLOU 68 - 73

74 KIT ETC. 75 SOMMAIRE

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VOYAGE EN TERRE MAL CONNUE Vous avez dit ruralité ?

25 %

LÉGENDE

de la population rurale bretonne a entre 18 et 35 ans.

Lieux de reportages

(Substantif féminin) Au sens élargi, regroupe les bourgades qui jalonnent les verts pâturages bretons et les communes de quelques milliers d’habitants. Ces derniers partagent un même sentiment de vivre à la campagne, dans des paysages peu denses marqués par les espaces naturels et agricoles.

Préfectures

Source : Insee

Saint-Pol-de-Léon

Ploubezre

Landivisiau Saint-Brieuc Calanhel

Commana

Saint-Cadou Saint-Rivoal

Le Vieux-Bourg

Plouyé

Moncontour

Pont-de-Buis-lès-Quimerch

Plouguenast

Châteauneuf-du-Faou

Merdrignac Gomené

Laz Gourin Le Faouët

Ile de Sein

Rennes Pontivy

Quimper

‘

BRETAGNE : REGION DE NOSTALGIQUES ?

Une région vous manque et tout est dépeuplé ? Vous avez quitté la Bretagne pour votre travail ou vos études et son absence vous chagrine ? Rassurez-vous, vous n’êtes pas tout seuls ! D’après un rapport de l’INSEE de 2012, les Bretons ont une propension plus forte que la moyenne à vivre dans leur région natale. Quittant leur territoire vers l’âge de 20 ans, au moment des études ou du premier emploi, les Bretons font partie des premiers habitants à revenir dans leur région. Une partie importante des arrivées en Bretagne est le fait des retours vers la région natale. C’est le cas de 22,8 % des nouveaux arrivants (59 000 personnes), ce qui place la Bretagne en quatrième position des régions françaises. Toutefois, cette proportion est particulièrement élevée pour une région attractive qui, par définition, n’accueille pas seulement des populations ayant un lien avec elle.

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Vannes

3 827 chefs d’exploitation agricole bretons sont âgés de 18 à 34 ans, soit 10 % des effectifs de la profession.

Source : Chambre d’agriculture de Bretagne

Hein ?!

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C’est la lutte rurale À brûle-pourpoint, éduquer ses enfants à la campagne paraît bien salutaire. Pourtant, la mise en place d’un système éducatif viable se montre compliquée dans certaines zones rurales où les infrastructures ne répondent pas aux besoins quotidiens des enfants. En 1992, la Bretagne voit naître un de ces premiers regroupement pédagogique Intercommunal (RPI). Même si ce dispositif n’a pas de définition juridique, il est reconnu en tant que structure pédagogique et chaque école du groupement conserve une existence légale propre. Réunissant plusieurs établissements à faibles effectifs, les RPI ont préservé de nombreux services publics. Collèges, écoles primaires, classes, filières, etc. À l’image de nombreuses communes bretonnes, il arrive que ces institutions soient sauvées grâce à la mobilisation des parents d’élèves et des équipes pédagogiques. Une belle leçon !

Au comptoir du plus petit village « Deux ans de bistrot. Cela ne fait que commencer ! », postait Cindy Le Lay sur Facebook, le 2 avril 2017. Cette jeune de 24 ans a tout quitté pour ouvrir le Ty-Coat Café, à Loc-Envel, le plus petit village de Bretagne. À quelques encablures de Guingamp, l’unique commerce détonne dans ce bourg de 70 habitants. Bal disco, soirées déguisées, concours de boules, soupe à l’oignon et bière bretonne, Cindy ne manque pas d’initiatives pour faire vivre cet espace cosy. « Longue vie au Ty-Coat », lui scandait une cliente.

Les bronzés en bretagne Menez Are 400, une station de ski, aurait vu le jour dans les Monts d’Arrée, cet hiver, à 400 mètres d’altitude. C’est du moins ce que le jeune collectif de La Mauvaise Graine a tenté de faire croire aux internautes en publiant un faux reportage sur Youtube. Durant ce court extrait, des amis du collectif dévalent les pistes de bruyères... munis de leurs skis.

Moonboots, combinaisons, paires de gants et de lunettes, tout l’attirail est au rendez-vous.

L’illusion est parfaite, il ne manque plus que la neige. Ne sachant que faire de leur cambrousse, les membres du collectif ont su donner un coup de projecteur sur leur territoire avec ce canular qui en a berné plus d’un !

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TCHOU TCHOU !

La ligne grande vitesse (LGV), rapprochant Paris à moins de quatre heures de Brest et une heure et demie de Rennes, ouvre cet été. Malgré cette avancée technologique notable, des problèmes horaires sont à déplorer. Éternel enjeu des élections régionales, la fracture territoriale entre le littoral et le Centre-Bretagne persiste encore et toujours. Pour y faire face, des solutions locales voient le jour, comme à Loudéac où la mission locale propose aux jeunes en difficulté de passer le permis à partir de 300 €. Mais cela ne suffit pas. Avec une nationale 164, qui relie Montaubande-Bretagne à Châteaulin, toujours en travaux et des axes routiers en attente de rénovation, les inégalités se renforcent au sein de la Bretagne.

VU ET ENTENDU LA RÉDACTION VOUS A SÉLECTIONNÉ QUELQUES PERLES GRATINÉES DES MEILLEURS MOMENTS VÉCUS SUR LE TERRAIN ! BON AP’

VU

« - J’vais lui faire faire une portée en mai, j’ai trouvé un champion. Mille euros la saillie !

- Ça fait cher le coup de kekette ! » Deux chasseurs des Côtes-d’Armor à propos de leur chienne.

« Ce chat represente un peu l’ame de l’ancien proprio.

Elle s’appelait Mimi je crois.

On l’a renommee Chipala : quand elle restait enfermee dans le hangar, elle lachait un peu partout ! » Biquette en vadrouille sur les routes de Quintin.

Ronan d’Assomniak à propos du chat de l’ex-propriétaire de leur QG à Saint-Cadou

« Je me suis retrouvé une fois à remplacer une fille qui devait danser pour des mecs.

J’ai commencé à danser sans qu’on me prévienne de la situation, devant des lascards plutôt énervés !

Je me suis mangé des rafales de glaçons !

J’ai vite fait arrêté. »

2%

du territoire national vit encore en zone blanche. C’est le cas de quatre communes bretonnes concernées par cette absence de réseau. D’ici mi-2017, les opérateurs doivent permettre aux habitants de recevoir leurs SMS ! En attendant, ça passe ou ça casse à Lanloup (Côtesd’Armor), Molac (Morbihan) Saint-Cadou et Trégarvan (Finistère).

ENTENDU

Fabrice, gogodancer professionnel

« L’avantage ici, c’est qu’il n’y a pas besoin de compter les verres, personne ne prend le volant ! » Au comptoir de Chez Brigitte, sur de l’île de Sein.

« - Un p’tit Flanchec ? » L’ancien maire de Douarnenez, Le Flanchec, avait pour habitude d’ajouter une rondelle de citron au fond du verre de vin distribué par les vieux du village... pour faire passer le goût. Son nom est devenu un cocktail.

Anecdote racontée par les membres d’Assomniak

« Tu me fais tourner la tête ! »

Hein ?!

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Champs d’amour ENQUÊTE. HAUT LES CŒURS !

DES TOURTEREAUX EN COUPLE DEPUIS L’ENFANCE AU CÉLIBATAIRE ENDURCI ISOLÉ DANS SON VILLAGE, LES CLICHÉS ONT LA VIE DURE CONCERNANT L’AMOUR À LA CAMPAGNE. LE PASSÉ S’IMPOSE POUR PARLER DU CENTRE-BRETAGNE, ALORS QUE CES JEUNES ROUCOULENT AU PRÉSENT. texte : mathilde garnier - images : alexandre bergalasse

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Cupidon 13

de la soif à Rennes » ou les boîtes sur la côte.

Autrement dit, pas à Merdrignac, pourtant pas en reste pour un village de moins de 3 000 habitants avec une médiathèque, quelques commerces, un cinéma…

Parfois, ils rencontrent quelqu’un en boîte.

Comme cela est arrivé à Gueven, un soir à Rennes : « Je t’ai déposé et attendu. Du moins, au départ ! », se moque Simon. Comble du hasard, la demoiselle habite tout près d’ici et « elle va se marier », révèle Gueven. « Chut ! Ses parents sont au bar ! », lance Damien.

Un an avec la copine de la sœur d’un copain

Orange et noir.

Audrey et Théo vivent ensemble à Coatibilic, un petit bourg de quelques toits, près de Châteauneuf-du-Faou.

« On se connaissait de vue et de nom. Nos mères étaient à l’école ensemble, elles ont le même âge. » Audrey, 30 ans, et Théo, 26 ans, sont nés dans la même campagne, ou presque. Lui, à Saint-Ségal, elle, 3,5 km plus loin, à Pont-de-Buis, dans le Finistère. C’est finalement une vingtaine d’années plus tard que leurs chemins se sont croisés, dans l’usine de saumon de Châteaulin, dans laquelle ils ont travaillé tout les deux. « C’est un peu mon agence matrimoniale », plaisante Audrey, qui avait déjà rencontré son ex-copain là-bas. Après plusieurs échanges sur Facebook, ils finissent par passer une soirée ensemble. « Moi, j’avais proposé qu’on aille boire un verre dans un bar », se rappelle Théo. « Moi, je t’ai dit de venir chez moi », réplique Audrey avec malice. « C’est rare qu’une fille que je ne connais pas m’invite chez elle directement. D’habitude, on boit au moins un ou deux verres avant », renchérit Théo.

Il faut dire que le bar, ça aurait sans doute cassé l’ambiance. « C’est compliqué dans un petit bled, c’est un peu plus PMU, bureau de tabac. » En effet, pas très sexy.

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Alors que la maison d’Audrey envoie du rêve. « J’ai vite eu envie d’investir dans quelque chose.

Du coup, j’ai acheté ici. Je voulais absolument une maison à la campagne. » Un cocon qu’elle s’est construit, dans cette petite bâtisse en pierre dressée au bout d’un chemin vert, à Coatibilic, près de Chateauneuf-du-Faou.

Problème, ses voisins sont les parents de son dernier prétendant. « Le premier soir où Théo est venu, mon ex est arrivé chez ses parents. Il a vu une voiture devant chez moi, donc il est venu taper comme un bourrin à la porte », se souvient-elle. Difficile d’échapper à son passé dans un périmètre aussi restreint.

ET TA SŒUR, ELLE A QUEL ÂGE ?

À une heure de route, Jeanne, Simon, Mathieu, Gueven et Damien ne jurent que par le Central bar, leur QG à Merdrignac. La fine équipe, rencontrée à l’école primaire, se connaît depuis onze ans. Mathieu est le seul de la bande à être en couple. « Nous, c’est du passage », lancent les autres. Leurs lieux de rencontre sont « La Fête de la bière à Malestroit », « la rue

Gueven, célibataire, au Central bar de Merdrignac

Parce qu’ici, « c’est toujours les mêmes personnes », souffle la bande d’un commun accord.

Si leurs relations semblent s’épanouir surtout en ville, leurs histoires d’amour, elles, naissent à la campagne, à côté de chez eux. Simon est resté six mois avec « la sœur d’un copain qui habitait juste à côté », et Gueven « un an avec la copine de la sœur d’un copain », qui habite elle aussi Merdrignac.

Virginie, une serveuse de 22 ans qui vient de Plonévez-du-Faou, près de Gourin, connaissait son ex « de nom. C’était un pote à mon cousin, il habitait Plonévez. Chez nous, on se connait tous ». La sœur, la cousine ou le risque de sortir avec l’ex d’un copain : « Le fait d’être en campagne, peut-être que ça aide, l’histoire des frères et sœurs… », assume Gueven sans remords. Mais pour Jeanne, « en ville ou en campagne, dès que ça touche la famille, ça fait bizarre ».

Isabelle Clair, sociologue du genre, a mené une étude sur l’entrée dans la sexualité des jeunes issus des classes populaires en milieu rural.

Elle détaille ce phénomène : « C’est l’interconnaissance, le fait que tout le monde se connaît.

Les rumeurs, les réputations, le contrôle permanent dans la vie quotidienne ont des effets très forts sur la façon dont on vit. Surtout quand on est jeune et particulièrement quand on est une fille parce qu’elles sont sous l’œil du radar. » La cousine de Virginie, Kelly, habite à Collorec. Célibataire depuis quatre ans, La mauvaise réputation, comme le chantait Georges Brassens, ou la réputation tout court, elle en souffre au quotidien. « Ça peut te pourrir la vie ! Tu as vite fait d’avoir une réputation. À 24 ans, c’est encore pire. Tu vas plusieurs fois avec un mec dans un bar et ça y est ! Tu vas chercher le pain, ils sont tous là. Ceci dit, je ne partirai pas pour autant. Les gens parlent sur la gueule mais au moins, on sait qui c’est. »

FACEBOOK OUI, TINDER NON MERCI Pour Isabelle Clair, « la coupure entre rural et urbain n’est pas vraie partout. L’interconnaissance se reconstitue en ville, parce que le monde des jeunes, en général, est lié à l’école et, en plus, aux réseaux sociaux qui sont maintenant une sphère de déploiement ». À la campagne, pour ces jeunes ce sera sans l’aide des sites ou applications en tout genre.

Et, sur ce point, ils sont quasiment tous d’accord. Les citadins qui reviennent dans leur campagne deux fois par mois le confirment.

Lucas, 23 ans, originaire de Gourin et étudiant à Paris, est inscrit sur Tinder, Lovoo, Happn, mais « ici, ça ne marche pas. Il faut mettre au moins un périmètre de 80 kilomètres ». À Gourin, l’application Tinder ne permettrait pas de « matcher » avec une personne inconnue sur les quelque 4 000 habitants. « On connaît tout le monde, soit les filles sont en couple avec un pote à nous ou l’ont été », confirme son copain Yanis, Gourinois étudiant à Brest.

Au Central bar de Merdrignac, Tinder et Lovoo, qui requierent le même principe de radar géographique, ne font pas rêver non plus. C’est « vachement fictif. Les vraies rencontres, c’est plus beau, assure Gueven.

Cupidon 15

À 18 ans, il a décidé d’emménager avec son Sur ces sites, on tombe souvent sur des gens premier amour. Quatre ans plus tard, il vit avec qu’on connaît. » Pourtant, ils n’hésitent pas sa nouvelle copine, rencontrée au feu d’artifice à flirter par le biais de Facebook. La veille, du village.

Damien était chez une copine de Simon, Un engagement rapide et a priori sur le long rencontrée sur ce réseau social. « Je suis terme qui peut s’expliquer par « l’accès au resté huit minutes. » Rires étouffés autour de logement, moins difficile en milieu rural que la table. Il ajoute : « J’ai mis 10 € d’essence. » pour les jeunes de banlieues, développe Mais ils ne sont jamais passés par Rencontres Isabelle Clair. Il y a donc beaucoup de jeunes bretonnes, une communauté Facebook de couples qui s’installent en milieu rural ».

25 000 personnes, où les posts sont aussi explicites que naturels. Ces témoignages transpirent la solitude, notamment via les photos ou les vidéos en direct. Les internautes n’hésitent pas à afficher leur quotidien et à s’exprimer sans Orange et noir. filtre : « Là, j’dirais pas non à un câlin et des papouilles », poste une abonnée.

Plusieurs d’entre eux se sont rencontrés après quelques échanges virtuels, « à la gare », « chez lui », « à la plage ». « On est plus isolé dans nos Charlène, en couple, à Plonéis campagnes. Avec Facebook, on arrive à voir ce qu’il se passe », conclut Damien.

Pour Jeanne, c’est la même histoire, ou presque.

ON ÉTAIT DANS LA MÊME ÉCOLE « Elle est restée trois ans avec le même ! », Nombreux sont ces jeunes à connaître leur taquinent les garçons. « Je l’ai rencontré futur partenaire au moins de vue ou de nom. dans un poulailler, poursuit-elle, gênée. On Dans la bande de copains des merdrignaciens, travaillait ensemble un été, on faisait le Mathieu connaissait déjà sa chère et tendre chaponnage des coqs. Moi aussi je voyais sur depuis l’école primaire. Cet agent de sécurité le long terme. À la fin de mes études, on dedans la grande distribution a eu une première vait emménager ensemble. On était content, relation qui a duré quatre ans. on avait 17 ans. » Son premier copain a décidé

Quand tu es née dans une petite ville, tu es bien dans ton petit monde

Mathieu, Damien, Simon, Jeanne et Gueven se retrouvent tous les vendredis soirs au Central bar, à Merdrignac.

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d’aller papillonner ailleurs...

Valentin, 29 ans, originaire de Gourin et voyageur, avait lui aussi passé le cap avec une fille qu’il avait rencontrée aux Vieilles Charrues. Quand ils se sont séparés, « j’ai lâché la maison et je suis retourné chez ma maman. Je n’ai jamais voulu habiter ici, mais cette fille-là a failli me faire renoncer à mes envies ».

En ville ou à la campagne, tous égaux devant les peines de cœur.

JAMAIS SANS MES POTES !

Pour ces jeunes, les relations sociales et le mode de vie sont les principales raisons de rester à la campagne. Certains s’imaginent voyager ou partir travailler en ville « mais pour l’instant, on est bien ici. On a des potes, confie Gueven, un brin nostalgique de ce que ce chauffeur routier pourrait laisser derrière lui. Moi personnellement, je suis comblé au niveau amitié ». Jeanne, en études d’infirmière à Fougères, loue un appartement là-bas, mais dès le vendredi, « on rentre et on se voit direct ».

La jeune ouvrière agroalimentaire, Kelly, quant à elle, reste pour sa famille : « J’aimerais vivre près de chez ma mère. Et partir en tant que célibataire, ça ne me dit pas non plus. Non pas que je ne rencontre personne. C’est juste que ce n’est pas sérieux. Surtout en boîte ! » Charlène, 19 ans, en couple à Plonéis, confie : « Quand tu es née dans une petite ville, tu es bien dans ton petit monde. Ça ne sert à rien de rencontrer plein de personnes si c’est pour, au final, qu’on soit déçu. Les amis ne se comptent que sur une main. » Emma*, 25 ans, habite chez ses parents à Gourin mais a déjà vécu en ville : « À Nantes, c’est pas pareil. Quand tu ne connais pas, tu fais moins confiance. » Lucas et Yanis, les étudiants devenus citadins, reviennent régulièrement à Gourin : « Ici, on a une bande de potes, dit Yanis. C’est trop dur d’en trouver ailleurs.

On connaît la plupart des gens depuis la maternelle. » Et si l’amour n’est pas ici, les relations amicales et familiales sont si fortes qu’elles prennent le dessus sur l’envie d’ailleurs *nom d’emprunt

Homosexualité à la campagne, le mariage impossible ? « Vivre son homosexualité, on le fait plus facilement en ville. Certains jeunes y vivent plus librement mais, quand ils rentrent, ils ne disent rien à leurs parents. » Fanch Vignault est président de l’association LGBT Divers Genres, basée à Brest. S’il se réjouit de constater que les mentalités « ont beaucoup évolué », les espaces ruraux conservent toutefois les stigmates d’une société fortement hétéronormée.

Un avis que partage Youna, 20 ans, originaire de Saint-Rivoal, une bourgade de 175 âmes nichée dans les Monts d’Arrée. « Je suis bisexuelle, c’est clair dans ma tête depuis la seconde, je n’ai pas eu de problème avec ma famille. Mais au lycée, à Quimperlé, je me suis confrontée à un mur, ma bisexualité était un tabou. » Elle encaisse les moqueries, fait face aux regards des jeunes filles avec qui elle partage sa chambre d’internat. « Elles étaient heurtées. » Aujourd’hui étudiante à Toulouse, elle voit en la ville un halo d’anonymat lui permettant de vivre apaisée sa sexualité, à l’instar de nombreux jeunes. « Bien sûr, je suis partie pour mes études, mais je me suis dit que c’était plus facile de vivre en ville, il y a des associations spécialisées, des bars plus sûrs... C’est aller au bout du processus d’intégration. » Parmi les images d’Épinal qui structurent encore les territoires ruraux, celle du couple. « En campagne, il est plus simple de vivre en couple gay que de vivre son homosexualité seul... On n’a pas le défilé des mecs aux yeux des autres », relève Fanch Vignault. Et Youna d’appuyer : « Ça rassure les gens, certains se disent qu’ils sont ‘un peu normaux.’ »

DU SOUS-BOIS À LA TABLETTE

À défaut d’une révolution des mœurs, celle du numérique rend bien service aux jeunes gays. Feu les entrevues en catimini dans de sombres bosquets – quoi que...

Aujourd’hui, les applications, tel Grindr ou Bears, facilitent les rencontres. « C’est géolocalisé, ça révolutionne la vie des homosexuels ruraux. Avant, c’était l’obligation des rencontres sur les aires d’autoroutes, d’aller en ville, poursuit Fanch Vignault. Là c’est une grande liberté ».

D’aucuns préfèrent néanmoins l’accroche physique. « Je fonctionne au coup de foudre », confie Florent, 27 ans, originaire de Saint-Servais, au nord du Finistère. « C’est trop virtuel pour moi, ça fait un peu voyeuriste ! » À chacun son outil...

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Les têtes de l'emploi

PORTRAITS. ILS SONT JEUNES ET SE SONT DÉBROUILLÉS POUR VIVRE ET TRAVAILLER DANS LA CAMPAGNE BRETONNE. LE MUST ? ILS EXERCENT UN JOB SURPRENANT EN MILIEU RURAL. PORTRAIT DE TROIS CAMBROUSSARDS AUX MÉTIERS SINGULIERS.

Textes et images : alexandre bergalasse

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Cambrousse - Juin 2017

Cambroussards Gagne-pain PORTRAITS Rubrique 19

Aymeric Sendra, 23 ans, thanatopracteur

La mort lui va si bien AYMERIC EXERCE UNE PROFESSION AURÉOLÉE DE MYSTÈRES ET DE SECRETS : LA THANATOPRAXIE. DEPUIS TROIS ANS, IL « SOIGNE » ET EMBELLIT LES MORTS À SAINT-POL-DE-LÉON, DANS LE FINISTÈRE. Généralement, on évite de penser à la mort ou pire, de la voir tout court. Aymeric Sendra, lui, la côtoie tous les jours. À 23 balais, look d’intello et poigne énergique, Aymeric est rompu au métier de thanatopracteur. Depuis trois ans, il intervient sur des cadavres et les embellit avant la mise en bière. « J’ai toujours voulu être dans le médical. Mais moi, je ne redonne pas vie à mes patients ! », se marre l’intéressé, en sirotant son café noir.

N’allez surtout pas lui parler de Ducky dans NCIS ou des Experts. Il en a horreur. « Je ne suis pas médecin légiste. Ça n’a rien à voir. C’est pour ça qu’il ne faut pas regarder les séries ! » Après des débuts en tant qu’assistant funéraire, il se passionne pour la thanatopraxie qu’il étudie pendant un an à la fac d’Angers. « On fait pas mal de médecine légale, on découvre l’anatomie du corps humain, on apprend l’histoire de l’embaumement... » La pilule a du mal à passer auprès de son père, qui « ne supporte pas tout ce qui est lié à la mort », au contraire de sa mère, « qui [m’a] toujours soutenu ». Déterminé et érudit, il obtient le sésame qui va le lancer dans la profession, à seulement 21 ans. « Au début, j’étais un peu mal à l’aise quand j’étais

tout seul dans une pièce avec un défunt, c’est un peu particulier quand même. » Aymeric quitte Oyonnax et ses collines pour débarquer en 2015 en Armorique, à Saint-Pol-deLéon. Non par idolâtrie pour la Bretagne mais au gré des opportunités et des relations nouées dans le milieu. Le tout avec l’étiquette de thanato et de « pomp » - comprendre pompes funèbres.

Entre un mort et un vivant, je ne vois plus la différence

Chaque jour, le jeune homme se retrouve nez à nez avec plusieurs cadavres et leurs cyanoses, tranquillement allongés sur sa table de travail. « Pour moi, c’est normal, c’est mon boulot. Entre un mort et un vivant, je ne vois plus la différence. Il suffit d’être costaud dans sa tête. » Parfois, selon les périodes, Aymeric peut « ne pas voir la lumière du jour. Je suis dans le labo toute la journée, à faire des soins à la chaîne. » Et contrairement au cliché qu’on se

fait d’un thanatopracteur, ce Breton d’adoption ne passe pas ses journées à fouiner dans sa trousse de maquillage pour étaler du fond de teint sur des visages sans vie. « Ce n’est qu’une infime partie de mon travail. »

UN TRAVAIL DE PRÉCISION

Méticuleux, au point d’être « maniaque », il passe entre une heure et quart et deux heures à rendre le corps « présentable » à la famille du défunt. « C’est très important pour se faire une dernière image.

C’est une question de respect. Je vois ça plus comme un service. » Pour ce faire, toilette, désinfection des orifices. Ensuite, le but est de remplacer tous les gaz et liquides corporels par un fluide de conservation, à base de formol, injecté par voie artérielle. De l’autre côté, on vide le sang du corps. Et après, on tourne la page comme si de rien n’était ? « Oui, toujours. Ça peut choquer les gens mais on essaye et on arrive à beaucoup plaisanter.

On passe notre temps à déconner. Ça nous permet de penser à autre chose. » Comme aux avions par exemple, dont il est un véritable fada. « Dès que j’ai un moment de répit, je me rends sur des aérodromes du coin pour les observer s’envoler dans le ciel... » Le ciel, la mort... Un coin de paradis ?

Gagne-pain 21

Aline Ossieux, 25 ans, Dentiste equin

à cheval sur les dents DEPUIS QUATRE ANS, ALINE OSSIEUX NAVIGUE AU FIN FOND DE LA BRETAGNE POUR S’OCCUPER DES BOUCHES EN SOUFFRANCE DE CHEVAUX. « Allez, ne bouge pas mon bonhomme, je veux juste nettoyer cette partie-là de ta dentition. Ça va bien se passer. » D’instinct, on pourrait penser à un dentiste rassurant un enfant qui a une carie.

Sauf qu’ici, Aline Ossieux, blouse verte de chirurgien et énorme roulette attachée à la taille, se démène comme elle peut pour stabiliser Nono, 1,65 m au garrot et frileux à l’idée de se faire soigner. « Ce sont de véritables éponges émotionnelles, révèle l’intéressée.

Il faut mettre sa mauvaise humeur de côté, sinon ce n’est même pas la peine d’essayer. » Il faut dire qu’Aline s’y connaît.

Baignée depuis son enfance dans le monde équestre, elle exerce le métier de dentiste équin depuis quatre ans. « Chaque cheval est différent, mais tous ont besoin d’un suivi régulier et adapté, pour leur confort dans l’alimentation. »

CINQ DENTISTES BRETONS

La jeune femme, âgée de 25 ans, originaire de Servon-sur-Vilaine, a dû galoper jusqu’en Belgique, à l’École Européenne de Dentisterie Équine, unique formation reconnue par la profession. Avant d’aller en Allemagne, au sein de grands élevages, « pour être confrontée à toutes les pathologies possibles ».

Aline débarque dans le gotha

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des dentistes équins. Ils sont 120 en France et seulement cinq en Bretagne, dont trois femmes, selon la toute nouvelle Fédération française des techniciens dentaires équins.

Il y a énormément de chevaux à traiter en Bretagne

Pourtant, sa carrière pro démarre au trot au début de l’été 2013. « Je me suis lancée comme ça, sans faire d’étude de marché. » Basée en Bretagne, car « contrairement à ce que l’on pourrait croire, il y a énormément de chevaux à suivre », elle se casse les dents auprès des vétérinaires, condition sine qua none pour travailler. Ils voient la « rookie » comme une concurrente. « C’était la galère. J’ai été obligée de travailler comme serveuse dans un bar à Roscoff pour manger à la fin du mois. Je me suis remise en question. » Déterminée à ne pas lâcher son destin, Aline, cheveux châtains et yeux noisette, s’accroche. Se remet en selle. Obtient des accords

de plusieurs vétos en allant les rencontrer les yeux dans les yeux.

Et peut enfin avoir les dents longues. « Je me rends dans toute la Bretagne, sauf en Ille-et-Vilaine, chez des particuliers comme des centres équestres, et quatre fois par an en Vendée. Je me suis fait un bon carnet d’adresses. » Alors, dentiste équin, métier rural ? « Si ça veut dire aller dans des zones perdues à la campagne, finir avec de la boue sur le pantalon et les chaussures à la fin de la journée, alors oui. » Depuis, elle se lève tous les matins, et avale son café – « sinon, on ne tire rien de moi » –, touours prête à plonger sa main dans la bouche des chevaux pour corriger des surdents ou extraire des dents de loup, de petites prémolaires irrégulières.

Et d’ailleurs, un cheval, ça pue de la gueule ? « Absolument pas ! dit-elle, incisive. Sauf en cas d’infection. » Bosseuse acharnée, Aline travaille six jours sur sept. Se repose très peu. Ne sort pas de sa bulle. « Je n’en ressens pas le besoin. Je monte ma jument le jeudi matin.

J’ai toujours hâte de retrouver cette sensation qu’on va aider les chevaux à apaiser leur souffrance. » Au passage, Nono va mieux et broute tranquillement dans les prés. À pleines dents.

gagne-pain 23

Fabrice Rinto, 36 ans, gogo dancer

Le chippen’Breizh DÉBARQUÉ PAR LE PLUS GRAND DES HASARDS DANS LE MILIEU DU STRIP-TEASE À PARIS, FABRICE RINTO EN A FAIT SON MÉTIER DANS LES COINS RECULÉS D’ARMORIQUE. À 36 PIGES, LE LEADER DES CHIPPEN’BREIZH CIRCUS CONTINUE DE FAIRE FANTASMER. 1,85 m, 92 kilos de muscles, un corps de dieu grec et un sourire ravageur. Non, Fabrice Rinto n’est ni culturiste, ni catcheur, mais strip-teaseur. À 36 ans, ce gogo dancer fait se trémousser pendant une heure et demie des filles « entre 30 et 50 ans », venues « se lâcher, rigoler » et « chercher du plaisir ». Le tout exclusivement dans des coins paumés de la Bretagne et du grand Ouest, comme au Faouët, dans le Morbihan. Lumière tamisée, fond de musique enivrante, le gaillard

débarque sur scène.

La Bretagne, c’est un peu fermé pour ce type d’événements

En militaire d’abord. Il se frotte, joue de ses fesses sur les cuisses de ces mesdames. En pompier ensuite. Plus hot, l’eau ruisselle sur ses pecs. Ses dents blanches scintillent dans la salle des fêtes.

Il se balade autour des tables, où ses « proies » du soir gloussent

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d’excitation. Puis choisit la plus demandée. Tout est dans le regard.

Il y a dix ans, ce parigot de CergyPontoise, à moitié breton par sa grand-mère, était pourtant très loin de se voir « en string et se désaper pour chauffer des nanas ».

Il dansait avant tout, bercé par le Moonwalk de Michael Jackson. « Au début, tu danses chez toi devant le miroir. Puis tu finis par danser en public quand tu es prêt. »

DES COURS DE STRIP-TEASE

Ready for the show, Fabrice tape par hasard dans l’œil d’une troupe de chippendales, alors qu’il est prof de fitness et commercial dans une salle de sport. « Je me suis dit : jamais de la vie ! » Le beau gosse se laisse convaincre par les arguments. « Il y a du travail derrière, entre le physique, apprendre les chorégraphies... » Il enchaîne les passages sur le petit écran : à la Star’Academy. aux Galeries Lafayette, jusqu’à la Réunion et la Guadeloupe !

Lassé de la Ville Lumière, voulant devenir « son propre patron », le trentenaire pose l’encre à SaintThégonnec il y a un an. Pour « se rapprocher de ses origines de Locquirec » mais, surtout, pour monter les « Chippen’Breizh Circus ». « Je n’aime pas les centres-villes, ils ont déjà pas mal

de choix en termes d’événements.

Je privilégie ce côté rural. Les salles sont plus accessibles. En plus, les filles ont l’esprit "bonne fête". » La troupe rameute « entre 100 et 200 filles » à chaque spectacle. « On ne veut pas que ça fasse usine.

Je veux garder le côté convivial. » Il fait d’ailleurs monter trois élues pour leur apprendre le strip. « Il y a une soirée dansante derrière.

Les mecs restent deux heures à faire la fête avec les filles. On est accessible, elles peuvent discuter avec nous, faire des photos. » En leader, Fabrice organise, gère le traiteur, ramène les danseurs — « le plus compliqué, car ils appréhendent un peu. La Bretagne, c’est un peu plus fermé pour ce type d’événements. Ce n’est pas la même mentalité » —, anime, danse. « J’ai l’expérience pour.

Le moindre truc peut tout faire capoter. Mais ce n’est pas le même stress que lorsque tu montes sur scène », dit-il, verre de Ti-punch en main.

Malgré ses dix années de danse, l’inventeur du « retourné de crêpes » garde toujours « une boule au ventre. Tu dois retenir l’attention tout seul des 200 nanas qui te matent pendant au moins quinze minutes ! Il faut avoir le bon état esprit, ne pas tomber dans la drague, le vulgaire »

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MÉDICALE TROTTEUSE REPORTAGE. LES INFIRMIÈRES LIBÉRALES SONT PARFOIS LES DERNIÈRES PERSONNES DU CORPS MÉDICAL ENCORE PRÉSENTES EN MILIEU RURAL. UNE MATINÉE AVEC PAULINE, 33 ANS, INFIRMIÈRE LIBÉRALE À COMMANA, MONTRE QUE SON ACTIVITÉ EST ESSENTIELLE POUR LE MAINTIEN À DOMICILE DES PERSONNES ÂGÉES DANS CES ESPACES ISOLÉS. Texte et images : victor lannurien

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Soins

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Contre vents et vallées.

Orange et noir.

La tension est à son comble...

Pauline Le Goff est infirmière libérale. Pourtant, avec une mère dans la profession, elle avait décidé qu’elle ne le serait jamais. Mais en deuxième année de faculté de Lettres, elle change d’avis. « J’ai passé trois concours, j’ai eu les trois. Allez, c’était parti et c’est sans regret. » Originaire de Guiclan et mariée à un gars du coin, elle s’est installée dans la petite commune voisine de Commana, où, depuis plus d’un an, la pharmacie a fermé boutique. Dans le bourg, il ne reste qu’un coiffeur, une crêperie, une alimentation et deux bars. Un médecin généraliste est également toujours présent, ce qui est loin d’être une règle en Centre-Bretagne. À l’image de Brasparts, non loin de là, où le premier praticien est à plus de dix kilomètres. Par chance, comme le souligne le fils d’une patiente, celui de Commana « n’est pas vieux » donc il devrait « rester un moment ».

MÊME PAS PEUR !

Comme toutes les infirmières, elle a commencé à l’hôpital. « Je suis sortie de mon DE (Diplôme d’État, ndlr) et je commençais au centre hospitalier des pays de Morlaix en réanimation le

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lendemain. » Elle passe également par les urgences, mais bosser la nuit ne lui convient pas. « Je ne dormais plus du tout, avec l’humeur qui va avec… ça devenait juste horrible ! Avec du recul, je me dis qu’il était temps que je bouge ».

On est à la campagne dans un cadre génial.

Il y a une superbe vue sur les montagnes Pauline, infirmière en milieu rural

C’est ce que la jeune femme finira par faire. « Le libéral me trottait dans la tête depuis un moment », raconte l’infirmière, qui s’est installée dans un cabinet infirmier libéral composé de trois personnes, lorsque l’opportunité s’est présentée. « J’ai quitté une grosse équipe, on était 40, pour être toute seule dans ma voiture.

Mais ça ne me faisait pas peur ». En libéral, elle

trouve l’autonomie nécessaire à son caractère assez solitaire et la reconnaissance salariale de son travail. « L’hôpital c’est juste décourageant, explique-t-elle. Parce qu’on a quand même des "putains" de responsabilités ! Quand tu es toute seule la nuit, il y a des décisions compliquées à prendre... Pour gagner 1 600 € par mois après trois ans d’études, c’est dur ! », dépeint-elle, désabusée. Le salaire, en libéral, peut passer du simple au double. « Tu es payée à l’acte donc plus tu bosses, plus tu gagnes, c’est comme ça. Mais ce n’est pas en libéral que les infirmières sont trop payées, c’est en milieu hospitalier qu’elles sont-sous payées », lancet-elle.

Installée en décembre dernier, Pauline prend du plaisir dans cette nouvelle fonction. « On est à la campagne dans un cadre génial. Il y a une superbe vue sur les montagnes ». Elle a pourtant dû apprendre à se repérer sur les chemins isolés de la commune, où les portables ont bien du mal à trouver du réseau. « La première tournée, avec ma collègue, j’étais paumée de chez paumée, se souvient l’infirmière.

Ensuite, j’ai appris le parcours et mon GPS m’a bien aidé », s’amuse-t-elle aujourd’hui.

Une fois sortie du petit bourg de Commana, c’est entre les champs et les petits hameaux que l’infirmière navigue. Maintenant, elle connaît les routes par cœur. Elle les arpente huit jours par mois, par tranches consécutives de deux ou trois jours. Ses tournées commencent à 6 h le matin, jusqu’à 14 h. Puis de 16 h jusqu’à 20 h 30, le soir. Ce qui équivaut à un temps plein hospitalier. « Quand je bosse, je bosse. C’est sûr que je ne vois pas mes filles pendant deux jours. Mais à côté de ça, je ne suis au travail que huit jours dans le mois. Bon, après, il y a tout le temps de la paperasse aussi, mais c’est du travail à la maison. Donc oui, je m’y retrouve bien », explique la jeune femme, maman de deux petites filles.

Rapidement, elle apprend également à connaître ses patients, dont la grande majorité a passé l’âge de la retraite. « Au début, tu marches sur des œufs mais, de toute façon, on est vite adopté parce qu’on rentre dans leur

16 LE NOMBRE MOYEN D’INFIRMIERS LIBÉRAUX POUR 10 000 HABITANTS EN CENTRE-BRETAGNE. Pauline Le Goff est loin d’être la seule infirmière libérale en Centre-Bretagne, avec une présence bien audessus des moyennes régionale et nationale. En effet, on compte en moyenne 12,5 infirmières libérales pour 10 000 habitants en France. Mais ce chiffre cache une réalité moins heureuse. Si la Bretagne est plutôt bien dotée en personnel médical, avec des densités de médecins généralistes, de chirurgiens-dentistes et de masseurs-kinésithérapeutes légèrement supérieures aux moyennes nationales, le constat n’est pas le même en Centre-Bretagne. Et le manque se fait sentir. Pour preuve, il y a, en moyenne, deux médecins généralistes et deux chirurgiens-dentistes de moins qu’en France. Ils ne sont que 7,6 généralistes et 3,9 dentistes pour 10 000 habitants sur ce territoire. Et l’écart est encore plus édifiant lorsqu’il s’agit des masseurs-kinésithérapeutes, qui sont 5,6 en moyenne pour 10 000 habitants dans le CentreBretagne alors qu’ils ne sont pas loin du double en France. La présence des infirmières libérales sur des territoires isolés comme Commana, est donc essentielle. Dans beaucoup de situations, leur activité permet le maintien à domicile des personnes âgées, qui composent une très large partie de leur clientèle.

Sources : SNIIRAM, ARS.

intimité. Les gens sont sympas, les liens sont forts et c’est aussi ça la spécificité des libérales ». Une spécificité qui lui convient, tout comme à ses patients. « Avec Pauline c’est très bien, on a fait connaissance et je me suis mise à l’aise assez vite, oui, oui ! », raconte l’une d’elles. Les week-ends et les jours fériés n’existent pas lorsqu’elle est au boulot, ses

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patients l’attendent. Ce dimanche 30 avril, ils sont 42, rien que le matin. « Je fais environ 200 kilomètres par jour », dit l’infirmière au volant d’un C4 Picasso gris, son cabinet mobile rempli de matériel médical.

ENCORE CHEZ MAMAN

Pour beaucoup, le passage de Pauline est essentiel. « Quand le moral n’est pas bon, elle sait comment s’y prendre, elle est formidable », confie une patiente d’un certain âge. « C’est un passage très important, avec les infirmières, ça a sauvé ma femme. Elle a pu rester à la maison », raconte le mari d’une autre.

La jeune femme change sa paire de gants en latex et se passe un coup de gel antibactérien sur les mains entre les visites qui s’enchaînent.

Sur les pas de porte, elle n’attend pas qu’on vienne lui ouvrir, elle donne tout juste un coup de sonnette pour prévenir de son arrivée, puis entre. « On est attendu, il y a des gens qui sont parfois isolés et qui apprécient de voir l’infirmière. On peut être la seule personne qu’ils voient dans la journée, c’est sécurisant. » Lorsque c’est fermé à clé, Pauline fouille dans sa pochette pour trouver le bon trousseau, « ici c’est le porte-clés cochon ! », s’exclame-t-elle avant l’une de ses visites.

Chaque maison a son caractère, son odeur, ses

meubles. Il y a de vieux corps de ferme en décrépitude, des maisons modernes de quartier et de grosses exploitations agricoles.

Chez certains de ses patients, le sol est en béton brut, loin de l’univers aseptisé de l’hôpital. « Ici, l’eau chaude est longue à arriver, elle fait trois fois le tour de la maison avant de se mettre à couler », rigole Pauline en préparant une bassine pour une toilette.

Il y a pas mal de gens qui ont leurs enfants avec eux. Le maintien à domicile est aussi dépendant de ça Pauline, infirmière en milieu rural

Il y a également les habitants qui ont chacun leur vécu, leur identité. « On a des personnes âgées isolées, des gens très en forme et des cas socialement un peu compliqués, tu vois de tout ». Dans beaucoup de situations, plusieurs générations habitent sous le même

Pilule verte le midi, cachet rouge, le soir...

Contre vents et vallées.

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toit. « C’est quelque chose qui était dans les mœurs sur les générations d’avant, maintenant beaucoup moins. Mais ici on le retrouve, il y a pas mal de gens qui ont leurs enfants avec eux. Le maintien à domicile est aussi dépendant de ça », explique l’infirmière. D’ailleurs, pendant les soins, les conjoints ou les enfants sont souvent présents pour donner un coup de main à la jeune femme. Des situations pas toujours faciles à vivre pour les enfants. « Ce n’est pas évident de s’occuper de quelqu’un qui est dépendant, c’est beaucoup d’investissement personnel », raconte le fils d’une patiente, qui passe trois fois par jour chez sa mère. « Ce n’est pas facile. Là, elle va aller en institution pour 15 jours, autrement je ne peux pas partir en vacances. Ça ne lui plaît pas mais bon… », soupire le quinquagénaire. « Des fois quand je sors le soir, je dis à Pauline de fermer les volets, la soupe est sur la table et puis c’est bon… Ça soulage aussi ! ».

LA PLUIE ET LE BEAU TEMPS

La matinée passe vite et sans accroc. « Là, tout va bien. Mais dès que tu as un petit grain de sable qui vient se rajouter dans les rouages, tu es vite dans la panade. » La veille, elle a été appelée en toute fin de journée. « À l’hôpital, tu as une relève mais ici ce n’est pas la même chose. » Depuis qu’elle est passée en libéral, la jeune femme à l’habitude de faire du sport pour protéger son dos. « Il est lourd le monsieur ici, il ne doit pas être loin des 100 kilos. Il ne bouge plus du tout, il est gentil, il fait ce qu’il peut mais t’as intérêt d’être parée. C’est actif comme boulot. Physiquement c’est speed ». Puis, elle se remémore les élèves infirmiers « qui ont flanché en stage » avec elle. « Je mange bien au petit déj’ mais même, arrivé à neuf heures, j’ai trop la dalle ».

Toujours au pas de course, ses gestes sont rapides, efficaces et assurés. « Le bagage technique et le regard clinique, tu ne les apprends pas à l’école, mais avec l’expérience ». De la technique, pendant ses années à l’hôpital, elle en a fait énormément, dit-elle. J’ai aimé

ça, mais je ne suis plus là-dedans. J’ai fait une croix sur les gros soins techniques. »

« Je discute avec les gens et ça, ça me sauve la vie » Pauline, infirmière en milieu rural

En effet, maintenant, elle prépare les piluliers de ses patients et beaucoup des soins qu’elle réalise sont des toilettes, des piqûres et des pansements. Les sujets de discussion sont régulièrement les mêmes. « On parle beaucoup de la pluie et du beau temps, ça fait partie des sujets qui lancent la discussion. L’indicateur principal étant le niveau du lac du Drennec », sourit-elle. Et, ce dimanche 30 avril, il pleut à torrent. Une pluie tant attendue par beaucoup de ses patients après l’hiver sec qui vient de se terminer. « Ce n’est pas juste la pluie et le beau temps, c’est un indicateur pour les nombreux agriculteurs ici. La pluie a une vraie importance ».

Le contact régulier avec les patients et la relation créée sur le long terme plaît à la jeune infirmière. « Je discute avec les gens et ça, ça me sauve la vie ! Ce sont des bribes de conversation : quand ils vont bien, je ne vais pas m’éterniser... Mais le jour où ça ne va pas, je peux me permettre de rester plus. » La plupart des personnes qu’elle suit, elle les connaît depuis son installation et elle les suivra probablement jusqu’à ce qu’ils passent l’arme à gauche. « Quand tu as des patients qui ont plus de 90 ans, tu sais qu’ils peuvent mourir demain et bah, ils auront eu une super longue vie ! Forcément, on est triste mais quand tu meurs dans des conditions comme ça, à la maison, ce n’est pas trop mal », admet avec pragmatisme la jeune infirmière

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Terres de jeunes ENQUÊTE. ENTRE AGRICULTURE PRODUCTIVISTE ET BIOLOGIQUE, LEURS AVIS DIVERGENT. QU’ILS SOIENT ÉTUDIANTS EN LYCÉE AGRICOLE OU JEUNES DÉBUTANT LEUR ACTIVITÉ, ILS ONT DES CONVICTIONS ET UN FORT ATTACHEMENT À LEUR TERRE. CETTE JEUNESSE DES CHAMPS CONSTRUIT DOUCEMENT LE MONDE AGRICOLE DE DEMAIN. Texte et images : marion boisjot

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Aujourd’hui avec 15 mères, un taureau et des veaux, l’éleveur bio possède un cheptel d’environ 50 bêtes.

choc est brutal. « J’ai très mal vécu mes études au lycée agricole, livre Ronan en carressant Thor, un de ses jeunes bovins qu’il appelle ses "zigotos". On nous lavait le cerveau avec l’agriculture conventionnelle et productiviste. » L’ancien Brestois se sentait systématiquement mis à l’écart en raison de ses idées et de ses projets professionnels. Pourtant, ce mal-être ne l’a pas empêché de continuer ses études jusqu’à l’obtention de deux BTS axés sur l’agriculture biologique et la protection de la nature.

Ces formations lui ont permis de « révolutionner » sa vision de l’élevage et de s’inspirer de modèles alternatifs découverts lors de visites d’exploitations en France et en Irlande.

Kerbongout : une utopie bio en Bretagne Peu de ses camarades, au lycée agricole, auraient parié sur lui. Citadin et adepte du bio, Ronan Caraës, 34 ans, faisait figure d’Ovni parmi les partisans de l’agriculture conventionnelle. Mais le Brestois s’est entêté et il a fondé son « ranch », baptisé Kerbongout, il y a trois ans. Installé à Saint-Rivoal, au cœur du parc naturel d’Armorique, il a choisi de créer un élevage comme il l’entendait. Dans son pré verdoyant bordé de ronces et de mûriers, ses vaches Highland Cattle aux longs poils roux paissent paisiblement.

Le ranch s’étale sur 29 hectares, « de quoi donner de l’espace à nos vaches pour qu’elles puissent jouer et courir. J’ai choisi la race Highland parce que c’est une espèce rustique. Elles tombent rarement malades ! », s’exclame-t-il, en tapotant vigoureusement l’encolure de l’une d’elles. L’éleveur utilise peu d’antibiotiques et de soins médicaux. Sa viande, Ronan a décidé de la vendre en circuit court pour une rémunération plus juste. Pour cela, il a créé un site Internet et peut livrer luimême les commandes avec sa compagne Wendy. Ils suppriment ainsi tous les intermédiaires et les viandes cartonnent ! Avec des carcasses moins lourdes que les races traditionnelles, il est payé pourtant plus que les autres éleveurs :

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« Je gagne presque cinq fois plus que pour des viandes conventionnelles. » Les clients sont invités à découvrir l’élevage. « Ils peuvent être sûrs de la qualité de notre viande et on peut leur transmettre nos valeurs à travers le produit. »

LA RURALITÉ, UN CHOIX

Ce projet d’un élevage à l’opposé des pratiques de l’agriculture conventionnelle, Ronan l’a imaginé dès 2004, pendant ses études supérieures.

Il définit alors dans un cahier ce qui, pour lui, constitue un « élevage parfait », avec « peu de bêtes, pas de médicament et des grands espaces en pleine nature ». Après avoir grandi à Brest, Ronan rêve de faire sa vie dans le milieu agricole. Amoureux des bêtes, il se dirige naturellement vers l’élevage. « J’ai passé une partie de ma vie dans une résidence HLM en pleine ville avec du bruit, ça ne me convenait pas du tout », confie le jeune Breton. Dès lors, son but est de quitter la jungle urbaine pour la quiétude de la campagne, où il passe régulièrement ses vacances chez ses grands-parents, agriculteurs dans le Finistère. Un retour aux sources à sa manière, avec une éthique bio et une indépendance économique. Mais, entre ses aspirations et les réalités de l’agriculture, le

Elles sont nourries aux câlins, ces vaches !

Wendy, compagne de Ronan, éleveuse à Saint-Rivoal

En 2010, il rencontre Wendy et le couple devient vite inséparable : « Je lui ai tout de suite parlé de mon projet de vie et surtout de l’élevage que je rêvais d’ouvrir », explique-t-il en regardant sa compagne. Après de longues recherches, le duo trouve les terres qu’il occupe aujourd’hui, à Saint-Rivoal. Néanmoins, le succès n’a pas été immédiat. Au démarrage, Kerbongout rassemblait bovins et ovins. Les moutons étant moins résistants et ayant une alimentation plus complexe, les bovins ont fini par être la seule source de revenu. Aujourd’hui les bénéfices annuels s’élèvent à 30 000 euros pour le ranch, indépendamment du gîte que tient Wendy.

Ronan a également réussi pour la première fois à dégager un salaire cette année.

En France, la viande Highland Cattle reste rare et peu répandue en boucherie. Ingrédient essentiel du « Yorkshire pudding », l’équivalent anglo-saxon du bœuf bourguignon, elle

connaît un succès colossal outre-Manche. « Il n’y a que 2 500 bovins Highland Cattle sur le territoire français. Nos clients reviennent et nous disent qu’ils n’avaient jamais goûté une viande aussi tendre et avec un goût aussi particulier », se félicite le couple breton. « Elles sont nourries aux câlins, ces vaches », ajoute Wendy, le sourire aux lèvres. À l’abattoir de Chateauneuf-du-Faou, la tendresse du bétail de Kerbongout continue d’étonner. « Ce sont des bêtes énormes et rustiques, pas comparables à de la Limousine. Mais Ronan va toujours dans la bétaillère avec elles », s’exclame Lucien Corre, responsable de l’abattoir.

BÊTES CURIEUSES

L’arrivée de ces vaches aux longs poils roux attire les curieux à l’élevage de Saint-Rivoal. La vision et les pratiques peu communes du ranch n’ont pas manqué de faire jaser le village : « À chaque fois que j’allais voir les bêtes, il y avait une dizaine de personnes qui les observaient », raconte Ronan. L’éthique bio de l’élevage de Kerbongout interroge encore beaucoup de voisins. « Certains disent que nous sommes payés par le conseil général, parce que nous occupons leurs terrains, sauf que nous payons un loyer », affirme Wendy. Pour répondre aux rumeurs, le couple a décidé de jouer la transparence. « Les visiteurs dubitatifs sortent souvent leur calculatrice pour vérifier si les comptes sont bons », s’amuse l’éleveur, pas lassé pour un sou de devoir convaincre sur la viabilité de son rêve.

En mars 2018, Ronan et Wendy se marieront sous le signe du bio.

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L’agrobiologie sur les Bancs de l’ecole sive, ce n’est pas mal », dit Mathieu en classe de BTS. Aujourd’hui, ce système est souvent promu par les chambres d’agriculture.

Steven reprendra bientôt la ferme familiale. Pour lui, il faut impérativement « garder un aspect productiviste parce que, dans l’élevage, on n’a pas le choix. Il faut pouvoir répondre à la demande ».

SENSIBILISATION AU BIO

Au milieu des champs qui entourent le lycée agricole du Gros Chêne de Pontivy, Mathieu, Audrey, Damien, Steven et William préparent leur carrière de chef d’exploitation. Il y a une quinzaine d’années, Ronan Caraës, éleveur bio à Saint-Rivoal, était luimême étudiant en lycée agricole. Moqué par ses camarades pour ses idées en dehors des systèmes productivistes, il espèrait voir un jour une évolution des programmes.

L’agriculture biologique est un concept vague pour eux Christine Moëlo, professeure d’agro-écologie

Ce fut en partie le cas en 2008 lorsque l’État a rendu obligatoire la sensibilisation à l’agriculture biologique. Pourtant, la promotion 2017 n’a pas l’air convaincu et considère le bio comme une « mode de passage ». Son idéal serait un modèle agricole qui couperait la poire en deux. « L’agro-écologie inten-

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Christine Moëlo est professeure d’agro-écologie au lycée du Gros Chêne. Grâce à des visites d’exploitations biologiques et au travers d’un cours sur l’histoire de l’agriculture, elle tente de sensibiliser ses étudiants au bien-être du sol. Dans son discours, les pratiques agricoles doivent « s’adapter à l’état de la terre et contribuer au soin de celle-ci sans la chimie de synthèse ». Or, « pour la majeure partie des élèves, les nouvelles technologies, comme les robots de traite ou les drones, sont l’avenir. Et non le bio ». L’espoir d’un travail moins pénible physiquement fait rêver ces futurs chefs d’exploitation. « L’agriculture biologique est un concept vague pour eux. C’est bien plus facile de produire avec de la chimie. Le bio demande beaucoup de savoirs et de techniques », explique Christine Moëlo. Pour les convaincre de la viabilité du modèle bio, l’enseignante de Pontivy doit faire appel à des arguments économiques concrets.

Même si la sensibilisation au bio a été rendue obligatoire, ses contours restent flous. Jean-Marie Morin, animateur du réseau Farmabio, insiste sur le fait que la « forme de sensibilisation reste libre ». Aucun cours sur le bio n’étant obligatoire, le risque est de proposer un enseignement à la carte. Un tiers des lycées agricoles publics possède une partie de son exploitation en bio. Cependant, seulement 6 % des surfaces françaises sont en agriculture biologique.

Les DRAAF (Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt) organisent des journées auprès du professorat. Le but est de trouver des outils pédagogiques innovants pour apprendre à produire autrement.

Les micro-brasseries, ambassadrices du nouveau monde agricole Depuis une dizaine d’années, la bière artisanale connaît un véritable boom en Bretagne. Elle comptait 92 brasseurs en 2016, contre 60 un an plus tôt.

Il y a eu du chemin de parcouru depuis que Coreff, l’une des brasseries pionnières, a vu le jour dans les années 1980. Pour Jérôme Kuntz, brasseur installé dans le Morbihan, cet engouement s’explique par le fait que le public est à la recherche « de goût et de produits conçus hors du circuit industriel ».

J’étais la seule femme dans la formation Cécile Dutray, fondatrice de la micro-brasserie Follette

Fondée en 2011, sa brasserie Saint-Georges produit aujourd’hui 14 000 litres de bière par an. Il ne voit pas cette concurrence d’un mauvais œil. « La diversité des bières proposées augmente et gagne en qualité », assure-t-il. Tant mieux, car une nouvelle venue débarque dans ce microcosme. Cécile Dutray vient juste de plonger dans le grand brassin. Jeune femme de 25 ans au sourire pétillant, elle fabrique sa bière, la Follette, avec passion depuis septembre 2016. Sa cuvée venue tout droit du village de Goméné enivre déjà les marchés locaux.

L’AVENTURE FOLLETTE

Originaire du Mans, Cécile se forme en lycée agricole.

C’est lors d’un voyage à Prague, qu’elle redécouvre avec amour et « sans aucune modération » le goût de la bière ! « Je traversais une période professionnelle assez floue… donc je me suis lancée », racontet-elle. Pendant une semaine en Picardie, l’ancienne mancelle entame une formation pour faire sa propre bière. « J’étais la seule femme dans la formation et la seule qui avait déjà fait sa bière. » En décembre dernier, elle lance une cagnotte en

ligne sur gwenneg.bzh, du financement participatif local, pour créer sa micro-brasserie. Avec l’aide de sa famille, de ses amis et des habitants de Goméné, elle atteint son objectif : récolter 3 500 euros. Avec cette somme, elle investit dans du matériel afin d’accroître sa production.

Pour le moment, la Follette est « concoctée » dans la grange de sa longère cachée au milieu de nulle part. Pour son inauguration, elle espère écouler 300 litres de boisson, un bon indicateur en vue d’établir sa production annuelle. La prochaine étape pour Cécile sera de cultiver son propre houblon. En effet, les productions de houblon, d’orge et de malt se font principalement en Belgique et en République Tchèque, à défaut, pour le moment, de céréales locales. Cécile a choisi le nom de sa bière en hommage aux mythes du coin. « J’ai voulu reprendre une histoire de la commune pour mettre en valeur le patrimoine. » Selon la légende, Follette est une femme qui attirait les hommes du village de Goméné dans les bois, dont ils revenaient amnésiques le lendemain. Une belle excuse quand on a un peu trop tiré sur la bouteille !

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Les baroudeurs

EN QUÊTE D’ACTION

INTERVIEWS. IL EST MAIRE DE SA COMMUNE À 31 ANS. ILS VIENNENT DE RECRÉER UN CLUB DE FOOT EN PLEIN CŒUR DU FINISTÈRE. ELLE EST SAPEUR-POMPIER VOLONTAIRE DEPUIS SES 18 ANS. CES JEUNES S’ENGAGENT POUR LEUR TERRITOIRE ET EN SONT FIERS. Textes : Donovan gougeon - Images : Marion Boisjot et alexandre Bergalasse

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« Un attachement au centre-Bretagne » Emeric Corvest, 25 ans, Président du Plouyé Magic United

EMERIC CORVEST, 25 ANS, PROFESSEUR DES ÉCOLES, EST LE PRÉSIDENT DU PLOUYÉ MAGIC UNITED, UN CLUB DE FOOT CRÉÉ PAR UNE BANDE DE POTES DE LA COMMUNE, EN PLEIN CŒUR DU FINISTÈRE Créer un club de foot à Plouyé alors qu’il n’y en avait plus depuis vingt ans. Quelle idée !

Avec une bande de potes, nous avions l’envie depuis longtemps de tous nous retrouver pour jouer au foot. Nous sommes tous originaires de communes à côté mais nous n’avions jamais franchi le pas. Nous aurions pu tous signer dans un même club mais sans avoir l’assurance de jouer dans la même équipe. Alors, on s’est dit, pourquoi pas créer un nouveau club ?

Comment est né le Plouyé Magic United alors ?

Lors d’une soirée d’anniversaire fin 2016 dans la salle des fêtes de Plouyé. Après quelques verres, nous avons commencé à faire l’effectif sur un bout de nappe, nous avons imaginé le bureau du nouveau club. Nous voulions un nom qui sorte de l’ordinaire. Puis pour le lieu, nous avions le terrain de football de Plouyé juste devant nous. Alors on s’est dit « allons-y, il faut qu’on joue ensemble ! ».

Cela montre un réel attachement au Centre-Bretagne...

Je suis originaire de Poullaouen et je joue au football là-bas

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depuis quinze ans. Je travaille à Treglamus, près de Guingamp, mais je rentre tous les week-ends pour voir mes amis et aider mes parents à la ferme. Ce projet montre l’attachement de tout le monde au Centre-Bretagne. Ceux qui habitent désormais Lyon ou Lille ont déjà dit qu’ils prendraient leurs billets de train une à deux fois par mois pour venir jouer. Le plus gros des joueurs a entre 25 et 30 ans.

Les démarches sont faites.

Maintenant, comment allez-vous fonctionner ?

Nous sommes partis de douze joueurs et sommes aujourd’hui 25 dont certains expatriés pour le boulot à Lille, Lyon, Rennes ou Saint-Nazaire. Nous ne recrutons plus. Le but est que chacun s’entraîne de son côté et fasse deux ou trois matchs tous les deux mois au minimum. De toute façon, nous n’avons pas de lampadaire sur le terrain donc ce n’est pas possible de s’entraîner ensemble le soir à Plouyé.

Votre engagement, à la fois sérieux et décalé, est bien perçu dans les alentours ?

Oui et ça fait du bruit. On se fait beaucoup charrier. On me dit,

« le turfi, ça avance ton club ? » (en référence aux chevaux, le logo du club). Mais au fond, il y a un peu de jalousie et de peur des clubs voisins car on ne les a pas dévalisés mais on est retourné chercher des joueurs qui avaient arrêté le foot et auxquels ils n’avaient pas pensé. Aussi, on va s’engager en D4 en ayant sûrement un niveau D2.

Le tout sur un terrain en pente où on a du remettre au même niveau les deux buts ! On veut rester un club sérieux mais utopique, faire décrocher les sourires et donner du dynamisme dans le village. On veut montrer une bonne image de Plouyé.

Ce club pourra-t-il s’inscrire dans la durée ?

En Centre-Bretagne, c’est difficile d’avoir un renouvellement. L’idée est déjà de faire une ou deux saisons. Pour le moment, on surfe sur la vague. Tout le monde est motivé pour chercher des sponsors et pour remettre en état les structures. Quelques jours avant notre 1er tour de Coupe de France, le dimanche 20 août, on louera la traceuse de la commune voisine pour dessiner le terrain. Quand tout cela deviendra une corvée, le projet ne sera plus viable.

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Pauline Bidan, 22 ans, Pompière volontaire à plouguenast

« les gens ont besoin de nous » PAULINE BIDAN, 22 ANS, EST POMPIÈRE VOLONTAIRE À LA CASERNE DE PLOUGUENAST DEPUIS CINQ ANS. PRISE DANS LE FEU DE L’ACTION AU FIL DES ANNÉES, LA COSTARMORICAINE RESSENT LE BESOIN DE DONNER DE SON TEMPS POUR PROTÉGER LES AUTRES. Pompière volontaire, un engagement de tous les instants ?

Il faut en avoir envie et savoir se rendre disponible car les gens ont besoin de nous. Pour moi, c’est une passion. Nous sommes 36 pompiers volontaires à la caserne de Plouguenast et de garde une semaine sur cinq. En ce qui me concerne, c’est toujours du vendredi 21 h au vendredi suivant, 21 h.

Hormis les temps de nettoyage des locaux et véhicules, il faut se tenir prêt quand on est bipé. J’habite à quatre minutes de la caserne.

C’est la condition pour partir en intervention en sept minutes chrono.

N’est-ce pas trop dur de gérer avec votre vie à côté ?

C’est de l’organisation. Je suis revenue cette année à Plouguenast après des études de commerce à Rennes. Je travaille dans une grande surface à Loudéac. Je sais que, quand je suis de garde et que je commence le travail à 8 h, je ne pars plus en intervention après 5 h du matin. Je prévois toujours un battement de trois heures car il faut prendre en compte qu’on est en milieu rural et qu’il faut trente minutes pour se rendre à l’hôpital

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le plus proche. Pour les incendies, par contre, on ne peut pas prévoir.

Il m’est déjà arrivé d’être en retard au travail mais mon employeur est au courant de ma situation et est compréhensif.

Qu’est-ce qui vous a motivé à vous engager ?

C’est venu au fil du temps.

J’ai intégré l’école des jeunes sapeur-pompiers de Plouguenast à l’âge de 13 ans pour découvrir. Mon frère en faisait partie, mon oncle et deux de mes cousins étaient déjà sapeurs-pompiers. Je venais tous les samedis matin pendant trois heures faire de la théorie et de la pratique. Puis, quand j’ai eu le brevet au bout de cinq ans, j’ai décidé de continuer en intégrant l’effectif de la caserne. Ça fait cinq ans depuis le 1er juin. Je suis encore plus passionnée qu’au premier jour. J’ai de l’expérience et moins de stress. Notamment pour les feux, je le vis mieux maintenant. Au début, ce n’est pas ce que je préférais. J’étais davantage attirée par le soin à la personne. C’est un peu le cas de toutes les filles. Maintenant, on est contente, si on peut dire, quand on est appelée pour un feu.

Je suis plus à l’aise.

Justement, avez-vous eu des interventions difficiles ou marquantes ?

Je retiens un feu de longères il y a un peu plus d’un an. Le feu a pris dans l’une des maisons et commençait à se propager à une autre, collée. Nous pensions qu’il y avait des gens dedans car les voitures étaient devant. Lors des repérages, en montant à l’étage, on a eu peur en apercevant un berceau. Par chance, ils étaient tous partis en vacances en même temps.

N’avez-vous pas l’envie d’intégrer une caserne plus grande à l’avenir ?

Non, je préfère la campagne et les petites villes. Je vis à Plouguenast depuis toute petite. Je connais tout le monde ici. C’est aussi pour cette raison que, lorsqu’il y a des décès, ça nous touche davantage. Malgré tout, on s’habitue face à la mort même si l’on n’est que volontaire.

Une chose est sûre, je veux continuer le volontariat et le concilier avec mon travail. L’avantage, c’est que les casernes s’adaptent. Même si je change de ville à l’avenir, je réussirais à faire les deux.

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« Je suis devenu maire par hasard » Cyril Jobic, 31 ans, Maire de Calanhel

ÉLU MAIRE SANS ÉTIQUETTE DE CALANHEL EN 2014, CYRIL JOBIC, EST, À 31 ANS, L’UN DES PLUS JEUNES DE BRETAGNE À CE POSTE. POUR SON PREMIER MANDAT, IL VEUT SE BATTRE POUR L’AVENIR DE SA COMMUNE. Comment devient-on, à 28 ans, maire de sa commune ?

Par hasard ! On était venu me chercher en 2008 pour être conseiller et compléter une liste. Et en 2014, le maire, à 83 ans, a décidé d’arrêter. Il y avait trois listes en 2008.

Une seule en 2014. Nous avons même eu du mal à en constituer une complète. Personne ne voulait y aller.

Alors, vous avez accepté la fonction ?

J’ai bien réfléchi mais j’ai l’avantage d’avoir ma propre entreprise de services à la personne à Guingamp et de pouvoir plus facilement me libérer. J’ai rajouté un mi-temps à l’une de mes salariées. Ce qui me permet d’être à la mairie le lundi et le jeudi aprèsmidi. Je connais bien Calanhel pour y être né et y avoir toujours habité. Je suis très content d’occuper ces fonctions, même si ce n’était pas forcément voulu. J’ai été bien accueilli par les habitants. Mon élection a été vue comme un renouvellement.

Qu’est-ce qui est le plus dur à la tête d’une commune rurale de 250 habitants ?

Courir derrière les subventions car

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les dotations de l’État diminuent. Il faut notamment aller voir les députés pour gratter des sous sur les enveloppes parlementaires. Mon but est de faire vivre et bouger la commune. Je n’ai pas l’impression pour autant de faire de la politique.

L’isolement en Centre-Bretagne est-il difficile à gérer ?

Oui, il faut être honnête. Un commerce ici n’est pas viable. Même à Callac, juste à côté, c’est compliqué de tenir. À Calanhel, nous avons un bar ouvert le mercredi et le weekend depuis un an et une école partagée avec une autre commune qui accueille huit enfants. Ça doit être une des plus petites du département ! Chaque année, il faut se battre pour la maintenir. La population est vieillissante. Nous avons perdu une quarantaine d’habitants en cinq ans. Le curé ne vient qu’une fois par an donner une messe et je n’ai dû avoir que quatre ou cinq mariages à célébrer depuis 2014.

Vous n’avez jamais eu envie de quitter Calanhel ?

Non et je ne me suis jamais trop posé la question. Étant donné que je travaille entre Guingamp et Lannion, je n’ai pas senti le besoin de

bouger. Et puis maintenant que je suis maire, la question ne se pose plus.

Comment faites-vous connaître votre commune ?

Le wallaby qui s’est échappé de chez son propriétaire et qui est régulièrement aperçu aux alentours de Calanhel nous a fait un bon coup de pub en février/mars.

Laurent Ruquier m’avait interrogé sur les Grosses Têtes et un journal américain également. Tous les moyens sont bons ! Sinon, la commune est surtout connue pour le parc éolien et la carrière qui emploie une quinzaine de personnes.

Quelle est la priorité de votre mandat ?

Le gros projet est de redynamiser le centre-bourg : les trottoirs, l’accessibilité et l’embellissement sont à refaire. Mais c’est difficile d’attirer de nouveaux habitants.

Tout le Centre-Bretagne est en difficulté car il n’y a pas de travail. Le lotissement en face de la mairie a mis vingt ans à être vendu alors que le prix était de 1€ le m2. Aucun jeune ne reste. Je ne serais pas contre la fusion avec une nouvelle commune. Ça ne me dérangerait pas de laisser ma place

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Salade Tomate OIGnons PORTFOLIO. UN BUREAU DE TABAC, UNE BOULANGERIE, UNE BOUCHERIE ET... UN KEBAB ! LE SANDWICH TURC A SU S’IMPOSER PROGRESSIVEMENT DANS LE PAYSAGE RURAL. DÉTRONANT LE RESTO OUVRIER POUR CERTAINS OU LE FAST-FOOD POUR D’AUTRES, LE DÖNER FAIT OFFICE DE POINT DE RASSEMBLEMENT POUR LES JEUNES. Texte : François Brulé - images : la rédaction

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DÖner 47

S’il a investi les villes depuis quelques années, le Donër a mis plus de temps à s’imposer en campagne. De Châteauneuf-duFaou à Moncontour en passant par Ploubezre, le kebab est devenu le point de rencontre de tous. En zone rurale, les jeunes ont été les premiers à expérimenter ces restaurants turcs.

Pratique, moins cher que le McDo et t’es calé pour la soirée

Le Royal Restaurant à Châteauneuf-du-Faou

« Mmm... Algérienne ou Samouraï ? »

Le Adana à Moncontour

Frédéric, 29 ans, menuisier

Vivant à Châteauneuf depuis 2012, Mehmet Guzel, du Royal Restaurant, repousse les idées reçues : « J’ai souvent des collégiens le mercredi midi mais, le week-end, toutes les catégories d’âges sont représentées. » Non loin de là, à Pont-de-Buis, David et Muriel Yildirimcan, à la tête d’Antalya Kebab, font le même constat : « Les jeunes viennent plus fréquemment que leurs parents. » Mais, à l’heure du déjeuner chez Antalya, les ouvriers envahissent la salle à la déco turco-bretonne. Schéma similaire à Moncontour, chez Hasan, au Adana : « Je viens lorsque je rentre tard du boulot. C’est pratique, moins cher que le McDo et t’es calé pour la soirée », explique Frédéric, menuisier de 29 ans, venu en voiture de Trédaniel, une commune limitrophe, pour son sandwich turc.

Regroupant des étudiants le weekend et des ouvriers le midi, ces restaurants ont conquis cette jeunesse bretonne, pour qui, la tendance n’est plus à la galette de blé noir

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La Turquoise à Ploubezre

Quand les ouvriers du bâtiment ont la dalle.

DÖner 49

ÂŤ On peut prendre en drive ? Âť

Kebab des familles.

Quelque part entre Quimper et Istanbul. #Instafoodporn

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Ce sera tout ?

DĂ–ner

À l’affût des traditions REPORTAGE. CHAQUE WEEK-END, LES JEUNES CHASSEURS DES CÔTES-D’ARMOR EXERCENT LEUR PASSION, SI CLIVANTE SOIT-ELLE. AVEC UNE POPULATION VIEILLISSANTE MAIS 46 000 LICENCIÉS BRETONS, LA CHASSE RESTE APPRÉCIÉE PAR LA JEUNESSE LOCALE. IMMERSION, LE TEMPS D’UNE BATTUE. Texte : françois brulé - Images : victor lannurien

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à la battue pour guider les jeunes sur un territoire qu’il connaît sur le bout des doigts. Notre convoi regroupe 28 griffons répartis dans les coffres de deux camionnettes. Serrés à trois à l’avant de son utilitaire, nous partons en tête. Suivis de près par Jérémy, 24 ans, Alexis, 19 ans, et Chloé, 20 ans, nous nous enfonçons dans le creux de la vallée de Kerfolben. « C’est dans ce coin-là que vivent quelques Anglais.

Il faut rester vigilant parce qu’ils n’aiment pas trop les chasseurs. À la vue de nos chiens, ils deviennent fous », prévient Gwéna.

LA CHASSE 2.0

Orange et noir.

8 h 30. Le jour se lève lorsque nous nous garons près du stade de foot du Vieux-Bourg. Enfoncée dans les terres costarmoricaines, cette commune s’apprête à devenir, le temps d’une journée, le terrain de jeu de 24 jeunes gens. En cette fraîche matinée de janvier, ce n’est pas pour un match de foot qu’ils se sont réunis mais bel et bien pour la battue annuelle des jeunes chasseurs des Côtes-d’Armor (ADJC22). Devant la salle qui borde le rectangle vert, nous retrouvons l’homme à la tête de cette association, Steven Gérard.

Casquette vissée sur la tête, entouré de sa meute de passionnés, le président de 23 ans ne marche jamais seul. Un café et une part de quatre-quarts à peine engloutis que la troupe se met sur le pied de guerre.

Les consignes du jour sont simples : « Pour nous remercier du nettoyage de leur terrain, la société de chasse du Vieux-Bourg nous accorde un bracelet de chevreuil. Et n’oubliez pas : tant qu’il n’y a pas un coup de corne, on ne tire pas », rappelle Steven à toute son équipe. « D’ailleurs, on va te filer un gilet de battue et une pibole à toi aussi », reprend face à moi le jeune homme. Je me retrouve alors avec un gilet orange fluo et une corne d’appel. Cette dernière sert à annoncer les animaux repérés mais aussi les débuts et fins de traques : « Un coup pour le lièvre, deux coups pour le renard et trois pour un chevreuil », me décrit Steven en comptant sur ses doigts. Le bracelet,

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quant à lui, vient attester le nombre de prélèvements d’animaux pour éviter les abus en matière de braconnage. Des plans de chasse soumis par les fédérations départementales suggèrent un quota de bracelets distribués par les sociétés de chasse selon l’âge, le sexe et le poids des espèces concernées. La battue du jour étant consacrée à un seul brocard, patronyme du chevreuil mâle, les chasseurs du Vieux-Bourg nous ont ciblé les coins denses en cervidés.

À la vue de nos chiens, les Anglais deviennent fous

Positionnés à 100 m d’intervalle sur les hauteurs, la vingtaine de membres de l’escouade ferme le périmètre. Chacun est à son poste. La battue démarre. Les traqueurs ou “leveurs” de gibiers entourent presque rituellement le cou de leurs bêtes de colliers GPS, désormais devenus indispensables pour retrouver l’ensemble de la meute en fin de traque. « Dans le temps, on n’avait pas tout ça », lâche un des anciens du Vieux-Bourg. Chaque propriétaire de meute dispose d’un écran GPS connecté aux colliers, sur lequel il suit le parcours de ses griffons. Avec une meute toute excitée à l’idée de courser du gibier, ce n’est pas sans mal qu’Antoine, 26 ans, membre des jeunes chasseurs, harnache chacun des chiens. Une fois qu’ils sont attelés, le mécanicien souffle dans son cor. Il est 9 h 45. La traque démarre à peine que mes pieds sont déjà glacés par la rosée. Je sens que le froid ne va pas me quitter de la journée si je continue à rester inactif. Antoine et Benjamin, le deuxième traqueur de 24 ans, descendent dans les broussailles

avec les deux meutes de griffons. Ils se mettent en chasse, le museau rasant les hautes herbes et les ronces, aboyant dans tous les sens.

Il y a une vraie relation à la ruralité. Le contact de la nature, l’amour des chiens et puis tu ne penses plus à rien Maryline, secrétaire des jeunes chasseurs des Côtes-d’Armor

En cinq minutes, trois chevreuils gravissent la colline à bride abattue. Trois coups de cor sont nécessaires pour annoncer l’animal. Les sonneries retentissent dans la vallée.

Une course folle se lance : Antoine, Benjamin et leurs chiens dévalent la prairie à grandes enjambées. De notre côté, nous remontons en camionnette sur la crête de la colline. « Faut qu’on arrive avant eux ! Allez, dépêche-toi, monte devant », me lance Gwéna en démarrant à pleine vitesse. Nous dévalons la colline à bord du transporteur. S’appuyant sur les indications approximatives des traqueurs essoufflés au bout du talkie-walkie, de la position des chiens sur l’écran GPS et de la connaissance du coin de Gwéna, nous nous lançons dans une chasse par la route.

Trop tard ! Les chevreuils sont sortis de la zone.

Contre vents et vallées.

Gwéna, chasseur du Vieux-Bourg

Mon seul contact avec la chasse remonte à l’enfance, lorsque je jouais avec les chiens de mon grand-père, tandis qu’il ramenait des renards ou des pigeons le dimanche après-midi. N’ayant jamais participé à la moindre battue, j’ignore ce qui m’attend. J’embarque alors avec Gwéna et ses chiens sur les coups de 9 h.

Originaire du Vieux-Bourg, le quadragénaire participe

Reportage 57

« C’est dommage, il y avait un beau brocard », regrette le chasseur local. Non loin derrière, les griffons s’apprêtent aussi à quitter le périmètre. C’est sans compter sur Gwéna qui, relevant son frein à main, s’empare de son fouet et sort en courant avant que la meute ne traverse : « Yaaaaaaa ! Yaaaaaaa ! Allez », hurle le quadragénaire en claquant des grands coups de fouet sur le sol. Une intervention efficace puisque les chiens, aussi fougueux soient-ils, obéissent et viennent se désaltérer pour ensuite remonter dans le coffre aménagé en chenil. « Ils boivent aussi bien que leur patron ! Sauf que celui-ci préfère mettre du colorant avec la flotte », fait part Alexis à Jérémy. Les rires éclatent au sein du jeune groupe avant qu’il ne reparte sur la deuxième traque.

UN TIR EN PLEIN CŒUR

À midi, la chaleur du soleil fait remonter la température. Durant la deuxième traque, de l’autre côté de la vallée, le chevreuil est abattu. Pan ! Le premier coup de fusil de la journée résonne jusqu’à nous. Aussitôt, les coups de cor correspondant à la mort du chevreuil retentissent, suivis de près par ceux annonçant la fin de la traque. L’heureux tireur du chevreuil n’est autre que Steven Leray, le président des jeunes chasseurs

Quentin, jeune chasseur des Côtes-d’Armor

près de Guingamp.

Du haut de ses 30 ans, la jeune femme connaissait la discipline avant de côtoyer son compagnon : « Je chasse depuis plusieurs années mais c’est vraiment en pratiquant que j’ai appris à aimer ce loisir. Ce n’est pas tellement un héritage de mes parents mais cette passion m’est venue par goût jusqu’à en devenir un besoin. Il y a une vraie relation à la ruralité.

Le contact de la nature, l’amour des chiens et puis tu ne penses plus à rien. Les gens ne comprennent pas souvent le véritable rôle des chasseurs. Même s’il m’arrive d’aborder le sujet en soirée, j’évite d’en parler au boulot », livre-t-elle. Renouvelant son permis chaque année depuis 2010, cette assistante en approvisionnement a beau chasser tous les week-ends, elle reste lucide sur son hobby : « La pratique de la chasse reste très mal vue. Sans oublier que la population de chasseurs est vieillissante. D’ici 15 ans, ce sera de plus en plus difficile… »

Pendant qu’ils sortent le chevreuil du coffre de leur voiture, ces deux amoureux de dressage m’expliquent qu’ils ont commencé à se voir lors de grandes battues et qu’ils vivent désormais ensemble à Tréglamus,

Après avoir posé le gibier au sol, Steven Gérard enfile le bracelet bleu à la patte de l’animal, entouré des jeunes chasseurs costarmoricains. Dylan, Anthony, Alexandre, Chloé, Laura, Bastien et tous les autres au-

du Morbihan, venu participer à la battue de ses homologues costarmoricains. Un rapprochement entre les deux associations qu’il doit en partie à sa compagne Maryline, rencontrée… à la chasse. « Nous avons pris contact sur les groupes Facebook de chasse. Nous nous sommes facilement retrouvés autour de notre passion », confie la secrétaire des jeunes chasseurs des Côtes-d’Armor.

Dès mes 16 ans, j’ai passé mon permis.

La chasse, tu ne t’y mets pas comme ça

UN SOUFFLE DE JEUNESSE

La chasse, une histoire de permis...

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Jeu, set et chasse Même si elle perd des pratiquants au niveau national, la chasse affiche un nombre de licenciés conséquent à l’échelle régionale. À titre comparatif, avec 46 000 adhérents, la pratique de la chasse devance le tennis qui en compte 43 000 en Bretagne. En Côtes-d’Armor, les 10 900 chasseurs se placent dans la tendance nationale avec une moyenne d’âge de 52 ans. Malgré cette population vieillissante, les fédérations départementales notent « un regain d’intérêt » auprès des jeunes, se traduisant par l’augmentation du nombre de postulants au permis entre 2014 et 2015. Un constat vérifié par la récente création de l’ADJC22 et son effectif croissant.

raient aimé avoir la proie du jour. À tout juste 17 ans, Quentin peut s’appuyer sur une solide expérience.

Originaire de Planguenoual, le jeune homme suit des études d’hôtellerie à Dinard et chasse déjà depuis deux saisons. Chez lui, la passion se transmet de génération en génération. « Mon grand-père chassait, mon père aussi. Ils m’y emmenaient lorsque j’étais plus jeune. Alors dès mes 16 ans, j’ai passé mon permis. La chasse, tu ne t’y mets pas comme ça. Il y a, autour de ce sport, tellement de valeurs, de savoirs autour de la sécurité et de la préservation de l’environnement à acquérir avant de se lancer », détaille-t-il. Dans le secteur, il existe plusieurs jeunes dans le cas de Quentin. « Même si l’association n’a que cinq ans d’existence, nous comptons une cinquantaine de jeunes chasseurs dans le département », se réjouit Steven, le président costarmoricain, en portant le chevreuil dans un emballage plastique avant de l’emmener dans son coffre. Paysagiste entre Gouarec et Broons, il chasse depuis l’âge de 15 ans mais affiche

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une proximité rare avec les animaux. Une passion transversale qu’il pratique avec ses chiens en concours de dressage.

SILENCE, ÇA CHASSE !

Nous sommes en début d’après-midi et la dernière traque se prépare. Nous changeons de lieu. Accompagnant les tireurs postés, je me retrouve sur le flan d’une prairie avec Xavier. Cet agent de propreté âgé de 25 ans chasse depuis seulement un an. « Ma bellefamille m’a converti », murmure-t-il en souriant. La traque étant lancée, nous ne pouvons pas nous permettre trop de bruit pour ne pas faire fuir le gibier potentiel.

J’y vais pour retrouver mes potes mais le travail avec le chien me plaît davantage Xavier, agent de propreté et jeune chasseur des Côtes-d’Armor

L’année dernière, Xavier passait son permis : « Pendant deux mois, j’ai suivi des sessions auprès de la fédération entre théorie et stand de tir. L’examen consiste en une mise en situation sur terrain de chasse et dix diapositives sur des questions de sécurité », se souvient le natif de Loudéac.

Depuis, le néophyte chasse tous les week-ends : « Demain, on est encore en battue à Loudéac. J’y vais pour retrouver mes potes mais le travail avec le chien me plaît davantage. Je ne suis pas souvent avec mon fusil, je préfère la relation à l’animal. » Une approche que je ne soupçonnais pas mais pourtant partagée par tous.

Trois bécasses, un lièvre et un nouveau chevreuil sortent de leur cachette pendant cette traque. Les chiens ne savent plus où donner de la tête. « Aucun coup de fusil ne sera tiré ! Désormais, c’est juste pour que les chiens se dépensent un peu », enjoint Xavier, en admiration face à la course folle. Deux longs coups suivis d’un plus court annoncent la fin

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de la battue aux environs de 16 h 30. Voilà bientôt dix heures que nous crapahutons entre forêts et routes de campagne. La faim commence à se faire sentir.

Les tireurs postés regagnent leurs voitures tandis que les traqueurs rassemblent les deux meutes de griffons. Nous rentrons au terrain de foot du VieuxBourg pour retrouver les autres membres de l’association autour d’un barbecue.

À TABLE !

Entre deux gorgées de rosé, Steven m’explique les enjeux du secteur : « Les règles diffèrent selon les régions. Dans les Côtes-d’Armor, nous devons assurer la gestion des sangliers, mais selon des règles bien précises liées au sexe, au poids, aux périodes, etc. », précise le président de l’ADJC22. Autour de la table, les générations se confondent. Les anciens relatent leurs plus belles parties de chasse tandis que les plus jeunes montrent leurs plus belles traques capturées grâce à leur smartphone au plus près de l’action. Sur l’Iphone d’Alexandre, plusieurs sangliers détalent un sous-bois avec leurs marcassins, passant à quelques mètres du jeune chasseur planqué. « On filme rarement les animaux tués ou, du moins, on garde ce genre d’images pour nous. Le but n’est pas de partager ce genre de photos », note Anthony, 21 ans, pardessus l’épaule de son collègue.

Chargés du barbecue, gobelets à la main, Alexis et Jérémy retournent les saucisses pendant que le reste de l’équipe se met à table. Les jeunes chasseurs s’ouvrent un peu plus. « La chasse est une passion comme une autre ! À côté, je fais de la batterie dans un groupe. Mais la chasse, c’est tous les week-ends », confie Alexandre, 22 ans, en étalant ses rillettes sur une demi-baguette de pain. Le jeune homme de Plaintel n’hésite pas à parler de sa passion sans filtre : « À l’université, aucun de mes potes ne chasse.

Lorsque je raconte mes après-midis, ils changent souvent d’avis sur cette pratique. Nous ne sommes pas de simples mecs bourrés tuant des animaux », s’amuse le batteur. Si je ne partageais pas ce cliché avant la grande battue, je dois admettre qu’elle m’a permis d’en apprendre davantage sur cet univers : le faible nombre de coups de fusil tirés, les conditions de sécurité, le rapport aux animaux... Quittant le stade, j’entends derrière moi le bruit des agapes qui se poursuiveront jusqu’en fin de journée

12,5 LA PART DE FEMMES EN POURCENTAGE SUR LA GRANDE BATTUE DES JEUNES CHASSEURS DES CÔTES-D’ARMOR En France, les femmes représentent 1 % des chasseurs. Au sein de sa fédération, Daniel Autret, président finistérien, relève une augmentation des femmes dans le milieu.

Fortes de leur passion, Chloé, Maryline et Laura viennent contrer les données nationales. En cette fin de battue, les trois Costarmoricaines se dévoilent plus facilement sur leur passion autour du déjeuner. « Il existe plusieurs types de chasse : à tir, au gibier d’eau et la vénerie, qui se pratique sans arme en attendant l’épuisement des animaux », énumère Maryline.

Chaque week-end, loin d’elles l’idée de seulement accompagner leurs compagnons lors de leur loisir, les jeunes femmes cultivent une vraie passion. « J’ai beau apprécier le dressage des chiens, il m’arrive souvent d’être postée avec le fusil », explique Laura en nettoyant son assiette avec un bout de pain. Proche des animaux, Maryline relève tout de même une préférence pour le dressage chez la gente féminine : « Il y a davantage de femmes en vénerie, tant le rapport à la chasse est plus animalier. Le port d’arme n’est pas exigé. Un aspect qui rend cette pratique plus accessible. »

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Fêtards bucoliques REPORTAGE. NON, LA FÊTE N’EST PAS L’APANAGE DES VILLES. TRADITIONNELLEMENT, LA RASE CAMPAGNE ATTIRE AUTANT QU’ELLE INSPIRE : BIENVENUE EN TERRE FESTIVALIÈRE, OÙ DES JEUNES REDONNENT VIE AUX BOURGS ET AUX CHAMPS.

Texte : lise froger - Images : marion boisjot Photo en une et p65 : lola douillard

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RIBOUL 63

Mais qui est ce Raymond du « Printemps à Raymond» ? Pas un personnage réel, mais un calembour sur « Arts et Monts », ancien nom du festival des Monts d’Arrée

C’est un bourg de 200 âmes, avec son église, son cimetière et sa place principale. Un pub, une boulangerie ouverte quatre jours par semaine et on a quasiment fait le tour de SaintCadou, hameau en retrait de la commune de Sizun dans les Monts d’Arrée. Tout semble calme et, pourtant, les membres d’Assomniak s’activent dans leur Hangar à l’entrée du bourg. À l’origine de cette association, une bande de copains qui veulent faire vivre leur coin. S’ils sont tous allés faire leurs études ailleurs, beaucoup de ces jeunes sont revenus, seuls ou accompagnés, habiter à Saint-Cadou et ses alentours. Ils forment aujourd’hui un noyau dur d’une vingtaine d’amis qui profitent d’Assomniak pour se retrouver et organiser des événements culturels, comme la « Fête du Bourg » fin mai. L’expérience du festival au bord du lac de Drennec, en juin 2016, a drainé 3 000 festivaliers. Un carton qu’ils n’auraient peut-être pas imaginé il y a dix ans, alors qu’ils montaient tout juste l’association. À cette époque, ils se retrouvaient lors des fêtes organisées par

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leurs parents. « Il y a toujours eu beaucoup de festoù-noz, ce sont des fêtes hyper-familiales, qui nous ont peut-être montré que c’était possible et accessible d’organiser une fête », raconte Pauline Quistinig, 31 ans, prof au collège Diwan de Guissény.

Les groupes qu’on voyait en concert à Brest, on voulait les amener chez nous Chanf Gouez, 31 ans, originaire de Saint-Cadou

Ils voulaient créer des alternatives musicales, mettre en place des concerts qui leurs plaisaient et valoriser des groupes locaux. « Quand on a commencé à sortir, on voyait les teufs techno qui s’organisaient au

milieu des Monts d’Arrée, on a trouvé ça cool.

Alors on s’est motivé, il n’y avait pas vraiment d’événements culturels pour les jeunes autre que la techno, ça a parlé à beaucoup de gens », se souvient Vincent Canévet, 32 ans, originaire de Saint-Thégonnec.

Au départ, les concerts, plutôt rock, étaient organisés dans la salle municipale ou sous un chapiteau dans les champs, pourvu que le coin profite de la culture. Et quand on demande à Chanf Gouez, qui a grandi à Saint-Cadou, s’il n’aurait pas été plus simple de créer un festival à Brest pour attirer plus de jeunes, il réplique : « Ça n’aurait pas été pareil… la musique qu’on y voyait en concert, on voulait l’amener chez nous. »

AMBASSADEURS DU BOURG

Comme son nom l’indique, la Fête du Bourg a pour objectif d’investir le centre de Saint-Cadou… Et pas qu’à moitié ! Une scène, des stands et des animations sur la place principale, d’autres concerts autour de la salle municipale et dans l’église, le point de ralliement des bénévoles dans le Hangar, un coin détente et des projections dans l’ancien presbytère.

Devant un projet si riche, pas étonnant que la mairie de Sizun ait donné son accord à l’association. « Ça fait dix ans qu’on organise des événements, à la mairie, ils nous font confiance, ils savent qu’il n’y a pas de problème avec nous », assure Ronan Hervé, le président d’Assomniak. Philippe Braem, l’adjoint au maire de Sizun, est en effet bienveillant à leur égard : « À chaque fois, c’est bien organisé, donc il n’y a pas de souci de ce côté-là, ce sont des gens responsables. » Pour la Fête du Bourg, la mairie n’est intervenue que pour prêter des barnums et permettre le blocage de la circulation. L’arrêté doit d’ailleurs être communiqué aux habitants pour évi-

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LA BRETAGNE COMPTERAIT ENTRE 120 ET 200 FESTIVALS, FESTOÙ-NOZ COMPRIS, SELON LE BAROFEST DE LA SACEM. De mai à septembre, c’est l’apogée des festivals bretons.

Si les plus connus se déroulent généralement en ville, la campagne reste très investie dans la région. Le festival des Vieilles Charrues à Carhaix en est l’emblème depuis sa création en 1992. Avec 278 000 festivaliers en 2016, il s’affiche dans le top 3 français en terme de fréquentation, et c’est en plein Kreiz-Breizh ! Le Pont du Rock, créé en 1989, est considéré comme un des plus vieux festivals bretons. Il a rassemblé jusqu’à 20 000 fans de rock indépendant à Malestroit dans le Morbihan. L’Armor à sons, à Bobital près de Dinan, a pris la relève des Terres Neuvas, qui faisaient 130 000 entrées en 2007. Le festival, au milieu des champs, rassemble essentiellement des fans de rock.

ter tout quiproquo.

Si Assomniak est plutôt bien vu dans le bourg, l’équipe met quand même un point d’honneur à avertir le voisinage de l’événement. Après une réunion organisée mi-avril dans le Hangar pour expliquer le projet aux Cadoviens et leur proposer d’y prendre part, des communiqués expliquant le déroulé de la fête ont été déposés dans les boîtes aux lettres. « Peut-être que cette année, il y a eu moins de monde à notre réunion parce que les gens nous font confiance pour l’organisation, espère Vincent.

C’est chiant, parce qu’on aurait vraiment voulu que les habitants du bourg soient là, qu’ils puissent être vraiment au courant de ce qu’il va se passer. » Pour rectifier le tir, deux membres de l’association, Meven Perros et Charlotte Laurent, sont allés directement à la rencontre des riverains. En mission porte-à-porte, ils ont pris le

Coucher de soleil sur les festivaliers au lac de Saint-Cadou, en 2016.

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Free Parties : la teuf loin des villes temps de tout réexpliquer : la route bloquée, les pass gratuits... Meven et Charlotte prévoient de distribuer autant de pass qu’il y aura de riverains intéressés par la fête, « pour qu’ils se sentent un peu fiers de leur bourg, qu’ils en soient les ambassadeurs ! ». Un nouvel arrivant apprend à cette occasion l’existence d’Assomniak et confirme avec enthousiasme sa participation au festival. « J’adore faire la fête, moi. Les bières sont gratuites ? Y’a pas un pass fût ? » Bien essayé ! La "Fête du Bourg" profite aussi aux commerçants. Au pub St Hubert, la propriétaire s’attend à une affluence de clients. « Ça apporte du monde, j’aurai de l’aide en plus pendant le week-end. Mais après la fermeture, j’irai faire la fête ! », prévoit Cathy Hugues-Mésenge derrière son imposant comptoir en bois.

PROFITER DE L’ASPECT MILITANT

Les membres d’Assomniak espèrent aussi que les festivaliers seront nombreux. « On mise pas mal sur la chance, on part sur un barème avec les entrées, ce que peut boire une personne en moyenne par soir et, à partir de ça, on établit le budget du festival. On a toujours du monde, on n’est jamais descendu en dessous de 600 personnes », note Vincent. Sans subventions,

Le Hangar : point de ralliement de l’équipe d’Assomniak

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ni dons, l’association tourne grâce aux fonds propres de ses membres. Heureusement pour eux, toutes les dépenses ne sont pas à avancer et les fournisseurs se montrent arrangeants.

Les boissons, commandées à des producteurs locaux, ne sont payées que selon ce qui a été consommé, « le reste, on peut le rendre ! ».

Nous sommes plusieurs à être allés voir ailleurs.

Au final, on part et puis on revient Bulle Le Gratiet, professeure dans une école bilingue à Sizun

Les artistes touchent aussi leur cachet quand la fête est finie. « On n’avance jamais l’argent aux artistes. Comme ils savent qu’on est petit, ils ne nous mettent pas trop le couteau sous la gorge », explique Vincent.

Pour dynamiser leur bourg, ils programment des artistes du coin mais aussi des groupes qui

viennent de plus loin, d’Inde, du Niger, du Canada ou d’Argentine. Comment les convaincre alors de venir jouer dans un petit patelin comme Saint-Cadou ? C’est Vincent qui gère les contacts avec des tourneurs rencontrés à Paris il y a quelques années. Ils lui proposent des groupes en tournée qui peuvent faire un crochet par le Finistère, entre deux dates. « On n’a pas un gros budget mais on défend un tarif préférentiel par rapport à des salles de concert.

Par exemple, on profite de l’aspect militant », expose le jeune architecte.

COUPS DE MAIN

L’association peut aussi compter sur ses bénévoles pour les préparatifs. Les week-ends qui précèdent le festival, les membres d’Assomniak, leurs proches, les « pièces rapportées » convergent au Hangar et proposent leur « coup de main ». Pour ceux qui sont partis, c’est l’occasion de rentrer voir la famille mais aussi les copains qui viennent de s’installer, comme Matthieu Joly et Bulle Le Gratiet, un jeune couple d’une petite trentaine d’années, qui rénove l’ancien presbytère. « Nous sommes plusieurs à être allés voir ailleurs. Au final, on part et puis on revient. Moi, c’est ma rencontre avec Matthieu qui m’a fait revenir », confie Bulle. Ils ouvrent leur maison au public pendant le festival et accueillent les enfants dans leur grand jardin. Il reste des travaux avant le jour J, mais les fidèles d’Assomniak se mobilisent.

Pour Vincent, l’organisation d’un festival en milieu rural comporte plus d’avantages que d’inconvénients. « Ça facilite la proximité des gens qui ont envie d’agir pour un projet local. » Surtout s’ils n’ont pas les deux pieds dans le même sabot. « Les gens ont plus de savoir-faire et de pratique, ils sont souvent assez débrouillards et trouvent des solutions de dernière minute, ils ont du matériel. Autour de nous, il y a pas mal d’artisans, ce qui arrive peut être moins en ville. » Toutes les conditions sont réunies pour faire vivre le bourg de Saint-Cadou. Et, à en croire Pauline, « il y a une tradition de la fête depuis toujours dans les Monts d’Arrée ». Cela ne peut donc être qu’un bon présage

À l’image du technival de Ploufragan qui a réuni 15 000 teufeurs en décembre 2016, les Free Parties sont généralement associées aux énormes foules qu’elles attirent et aux nuisances sonores. « Il est difficile d’avoir des données objectives mais selon les sound systems, il y aurait 15 à 20 free parties par mois en Bretagne », rapporte Mylène Guillaume du collectif Orange Bleue, qui intervient en prévention sur les rassemblements festifs. Si les grosses teufs-tek à la réputation transgressive sont très médiatisées, on parle cependant moins des événements plus discrets.

Pourtant, des rassemblements de moins de 100 personnes ont lieu tous les week-ends « même en hiver », affirme Vincent Tanguy, porte-parole du collectif "Art et Culture 29". Le problème ? Ces teufs sont souvent illégales. Leurs organisateurs sont peu loquaces et ceux qui acceptent d’en parler sont souvent les plus concernés par les questions de respect de leur environnement.

Dans le « Far-West »

Pour les plus scrupuleux d’entre eux, il existe deux manières de procéder : demander aux propriétaires du terrain convoité l’autorisation d’investir le site, ou chercher un lieu qui n’appartient à personne. « On ne fait que des soirées avec autorisation. Il faut que le terrain ait les conditions de sécurité d’un festival, des allées pour les pompiers, un accès facile aux voitures, une assez grande surface pour que la soirée ne déborde pas », explique Romain, DJ du sound system Psylo Zof. Il va même plus loin. Si le lieu a du charme, c’est l’idéal : « Avoir de beaux paysages devant soi pour faire la fête, c’est plus cool que de gros bâtiments.

Le cadre compte et le respect, qui est une des valeurs principales qu’on essaie de transmettre, concerne aussi l’environnement. » Louis, qui mixe avec Nox Family, explique la difficulté de trouver un lieu adéquat en Ille-et-Vilaine. « Il n’y a pas beaucoup d’endroits où on est vraiment paumés.

Alors que dans les Monts d’Arrée, c’est le far west, il n’y a rien là-bas ! » Cela implique beaucoup de temps à traverser la campagne pour trouver un spot, surtout quand on élimine les terrains privés. « Dans les chemins de forêt par exemple, il peut y avoir de petites clairières. 30m², ça suffit pour installer ton son, le public sera dans le chemin...», illustre Louis. Dans les deux cas, malgré leurs efforts, les organisateurs s’exposent à des risques d’altercations avec la police et à la saisie de leur matériel. Ce fut le cas de la fête “non-autorisée” qui avait lieu à Commana pour Halloween, puisque l’organisateur et le propriétaire du champ ont été condamnés en avril à 5 000 € d’amende chacun.

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REPORTAGE. STANISLAS, MARIE ET PIERRE ONT FAIT LE PARI DE VIVRE SUR L’ÎLE DE SEIN, AU LARGE DE LA POINTE DU RAZ. AU-DELÀ DU CADRE IDYLLIQUE QUI GALVANISE LES VACANCES DES ESTIVANTS, LA VIE INSULAIRE A UN PARFUM D’ISOLEMENT. DE CES CONTRAINTES, CES JEUNES ONT FAIT LEUR FORCE.

ÎLES S’Y

ACCROCHENT

Texte et images : Valentin Drault

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Caillou 69 Caillou

Les beaux jours reviennent, on dresse les tables sur l’estran pour y élever des huîtres.

portes verrouillées. Les habitations secondaires représentent 60 % du parc foncier de l’île.

Pierre Portais a 31 ans et est moniteur de canoë-kayak sur l’île. Il a lui aussi dû faire face à la difficulté de se loger. Enfant du cru, il passe une dizaine d’années à voguer en kayak sur l’eau douce de la Corrèze avant de revenir sur l’île en 2012. Il fonde deux ans plus tard son centre nautique situé le long de la route du Phare. Pierre reconnaît que « la première difficulté, quand on arrive sur l’île, c’est le logement ».

Dominique Salvert, maire de l’île de Sein

l’habitent pas, sa mise en location est une sinécure. « L’été, on atteint six cents, sept cents, voire mille euros la semaine », lâche le moniteur, faussement cynique. Et Marie de renchérir : « C’est très dur, il n’y a que des Parisiens qui peuvent acheter ici ». Pendant quatre ans, Pierre habite donc chez sa mère. Pas de « traitement de faveur » pour l’enfant du pays, même s’il avoue qu’avec la mairie, les formalités administratives pour l’obtention d’un logement ont été plus simples à remplir. Bienveillance du maire, Dominique Salvert ? « C’est important que des jeunes reviennent, il y a une diminution régulière du nombre d’enfants, une personne qui revient ici, c’est l’équivalent de 250 emplois à Rennes ! » Dans son bureau, toisé du regard par la figure potraiturée du général de Gaulle, le premier magistrat regrette le manque de possibilités de construction, car l’île est un patchwork de zones classées et submersibles.

Seul le bourg compte quelques dents creuses, qui ont permis la construction de HLM.

Pour sûr qu’il y a des habitations vacantes, mais nombre d’entre elles sont la propriété de résidents saisonniers. « C’est un peu désespérant de voir deux maisons sur trois fermées », poursuit-il. Et peu de chance pour que les descendants vendent le toit de grand-maman après en avoir hérité, car s’ils ne

Vivre sur l’île de Sein, c’est également faire face à la contrainte du travail. La quasi absence de salariat oblige à importer son activité. Une mise à l’épreuve vécue par Marie, Stanislas et Pierre, car tous trois ont eu le sentiment, à leur arrivée, d’avoir dû « faire

Une personne qui revient sur l’île, c’est l’équivalent de 250 emplois à Rennes !

Située à 24 kilomètres d’Audierne, l’île de Sein est un lopin de terre d’une cinquantaine d’hectares, dont l’altitude moyenne n’excède pas la taille d’un enfant de douze ans. Quelque 120 habitants l’hiver, dix fois plus en période estivale, Sein est un isolat balayé par les vents qui vit au rythme du ressac de l’océan et de l’affluence des touristes. Entre les rues sinueuses de la bourgade, les bonjours et les hochements de tête entretiennent le lien qui unit les Sénans : l’insularité.

Un environnement où l’isolement le dispute à la convivialité, l’économie résidentielle au bon vivre.

JEUNESSE OBLIGE

Marie Robert, 27 ans, et son compagnon Stanislas Jousseaume, 24 ans, se sont installés sur l’île en juillet 2015. Ostréiculteurs, ils ont repris le parc à huîtres laissé à l’abandon depuis trois ans au pied du phare de Goulenez, à l’extrémité ouest de l’île.

Si Stanislas trouve chez ses grands-parents des origines sénanes, Marie est, elle, bourguignonne.

Diplômée en agronomie spécialisée dans les pays en voie de développement, elle bourlingue six années durant sur le continent africain. Du Maroc à l’Afrique du Sud, c’est pourtant en Bretagne qu’elle rencontre Stanislas. Originaire de l’Ile-Tudy, il suit des études en aquaculture dans le sud du Finistère, fait ses classes et, diplôme en poche, s’installe un an après sur l’île de Sein avec Marie. « C’était une opportunité, le parc était libre, il n’y avait plus

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d’ostréiculteur », raconte la jeune femme qui a troqué sa casquette d’agronome contre une paire de bottes. Stanislas est bien familier du territoire sénan. « Mes grands-parents sont originaires d’ici, j’y venais l’été, en famille. » Un espace qui l’a séduit par ses vertus environnementales. « J’en connaissais la qualité des eaux, ce qui m’a aussi donné l’envie de revenir. C’est une île particulière et je n’aimais pas le milieu urbain. Ici, c’est la belle vie... Presque », sourit l’ostréiculteur.

FAIRE SES PREUVES

SE LOGER ET PLUS SI AFFINITÉ

Presque. Car s’installer sur l’île ne se fait pas les doigts dans le nez. « Se loger à Sein, c’est très compliqué. On a commencé dans une ruine, pendant trois mois. Après, on a eu un autre logement, mais les propriétaires revenaient l’été. On s’est battu tous les jours à la mairie, on leur demandait un appartement au phare, il y en avait trois de vides, mais ça n’arrivait pas », relate Marie. Aujourd’hui, ils louent une HLM, récemment construite dans le bourg de l’île pour permettre à de jeunes gens de s’installer et ainsi de conserver une relative dynamique de peuplement au sein de la commune. « C’est pour nous contenter et que l’on arrête de gueuler que la mairie nous a mis là », note Marie dont l’ironie laisse deviner l’agacement passé. Cette situation n’est pas étonnante. En déambulant dans les ruelles éventées, l’on remarque très vite la myriade de volets clos, de

En avril 2014, Pierre a fondé IDSN, son centre nautique, qu’il gère aujourd’hui avec sa sœur.

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Stanislas et Marie offrent gîte et couvert à Colette et Raphaëlle (au centre), deux woofeuses qui leur prêtent main forte pendant dix mois.

pérenne qui joue son rôle aux yeux des vieux briscards. « Maintenant, on me dit que je suis de l’île », avoue Marie, flattée par la rumeur de bourg. « C’est comme si elle était du pays », renchérit Joëlle.

ENSEMBLE AU RYTHME DES MARÉES

leurs preuves ». Vivre sur l’île de Sein, ça se mérite, ils ne l’oublient pas. « Je suis revenu pour revoir ma famille et, après avoir appris la mort d’un ami, raconte Pierre. Je n’avais pas envie de reprendre le kayak. J’ai fait deux ans de chômage et puis on m’a motivé pour ouvrir le centre nautique. J’ai montré les documents prévisionnels à la mairie qui m’a dit que j’étais trop optimiste. On ne faisait pas trop confiance aux jeunes, il fallait faire ses preuves. »

Ils pensaient que l’on venait pour ramener le pognon Marie, ostréicultrice sur l’île de Sein

Pierre éteint vite le scepticisme municipal. Le sourire en coin, il se souvient des « gens [qui], après coup, m’ont dit qu’ils avaient douté que j’y arrive, mais que j’avais finalement bien assuré ». Désormais installé face à la mer dans son local bondé de kayaks bigarrés, le moniteur nautique est à la barre « d’une affaire qui marche bien. J’ai de super retours, les personnes âgées aiment venir au bord du quai pour

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voir le kayak-polo. Le site est top pour le kayak de mer, les balades, les visites guidées, c’est ouvert toute l’année, les gens sont motivés à pagayer ».

La belle saison approchant, Marie et Stanislas remettent sur pied les tables en fer qui supportent les poches d’huîtres élevées sur l’estran. Il y a près de deux ans, leur installation a suscité l’intérêt des îliens. « Les gens trouvaient ça bien que l’on reprenne cette activité, qui en plus n’embêtait pas celle des autres. » Non sans échapper à leur œillade dubitative. « Il faut faire ses preuves, surtout quand on arrive en ne connaissant personne. Les gens veulent savoir de quelle famille tu viens, si tu as des soutiens... Certains ont pensé que l’on ne venait travailler que l’été pour ramener le pognon. » Que nenni ! Puis, très vite, les ostréiculteurs bénéficient du soutien des habitants, sensibles au fait de voir un peu de sang neuf s’agiter sur leur caillou. « C’est bien qu’ils soient là ! Il y a trop peu de boulot pour les jeunes », clame Joëlle derrière le comptoir du bar "Chez Brigitte", avec l’approbation de son auditoire vieillissant. « Des anciens nous ont bien aidés, il y a eu le bouche-à-oreille. Maintenant, les gens viennent directement nous voir », confie Stanislas.

Poursuivant leur bonhomme de chemin avec conviction, les deux jeunes Sénans entendent bien rester sur l’île. « Dans cinq ans ? On devrait être là », augurent-t-ils. Une perspective d’installation

Si la vie insulaire se distingue de celle à la campagne, elle lui fait toutefois écho. Il y a dans les ruelles de Sein ce même murmure champêtre. Monsieur le maire y voit « une atmosphère de bourg solidaire » où l’on « ne peut pas avoir d’ennemi ». La réalité de l’isolement insulaire. « Il faut aimer la solitude en venant y habiter », recommande Pierre. Cette solitude qui se partage nourrit la solidarité des Sénans et construit la communauté. Un espace de sociabilité qui, selon Marie, prend tout son sens quand ça cause politique. « On ne parle pas de la politique nationale, c’est apolitique, mais la politique de l’île, tout le monde s’en préoccupe, les décisions de budget, celles de la mairie qui gère toute l’île... Après, la présidentielle, on n’en discute pas. » Et il y a le rythme de vie, que savourent Marie et Stanislas. « On vit en fonction des marées, du départ du bateau pour les livraisons, on a du temps pour apprécier l’île. » Bon, il est vrai que dépendre des allées et venues d’un bateau peut s’avérer particulièrement contraignant et Pierre l’a bien en tête. Cependant, pour le moniteur, « tu fais quand même de sacrées économies ! » Pour les jeunes ostréiculteurs, la clef « est d’être mieux organisé.

T’essaies de prendre tous tes rendez-vous sur le continent en même temps ». De surcroît, pas trace de distributeurs de billets, sinon un simple guichet

Météo, boulot, bateau « Sur l’île, on élève les huîtres mais elles débutent leur grossissement à Riec-sur-Bélon. On attend un an et elles sont ramenées ici pour leur donner un petit coup de punch, explique Stanislas. Le but est que tous nos produits passent sur l’île de Sein. » Faute de place sur l’île pour développer leur activité, les deux jeunes ostréiculteurs exploitent un parc à huîtres basé à Riec-sur-Bélon, au sud du Finistère.

S’ajoutent à la problématique du foncier celles du transport et du temps. Une heure aller, une heure retour. Chaque voyage sur le continent est soumis aux horaires cadencés de l’Enez sun, le navire de liaison entre l’île et le port d’Audierne. Quand ce n’est pas aux aléas climatiques. « On travaille au rythme des arrivées et des départs du bateau. D’une certaine façon, on n’a pas d’heure de boulot, d’autant qu’à cause des tempêtes, le bateau peut-être bloqué. »

ouvert quelques heures dans la semaine. Alors, « on note dans les bistrots ». Aux dires de Pierre, il est aussi indispensable de garder la bougeotte « pour rester sociable, voir du monde ». Surtout hors-saison, période durant laquelle il retrouve le continent une fois par mois et, par là même, ses vieux potes à Douarnenez, ainsi que sa compagne qui navigue entre la ville portuaire et l’île de Sein. « J’en profite aussi pour faire de grosses courses ! » Comme quoi, ils ne sont pas si différents du commun des continentaux, ces îliens

Pierre (à g.) est régulièrement alerté pour des opérations de sauvetage en mer, des exercices d’héliportage.

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LISTE DE COURSES Travail et loisirs obligent, le jeune cambroussard ne laisse rien au hasard dans son sac de courses. Petit kit de survie en milieu rural.

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CAMBROUSSE