Construire l'ineffable : une architecture spirituelle pour un lieu de recueillement

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128 L’EAU : SOURCE DE VIE

La présence de l’eau dans sa force symbolique est également observable dans les deux bâtiments. Dans le crématorium de Berlin, l’eau se situe au centre du hall de condoléances dans un bassin de forme circulaire. Nous pouvons noter que la forme circulaire symbolise « l’activité du ciel, son insertion dynamique dans le cosmos, sa causalité, son exemplarité, son rôle provident267 ». Par l’insertion du bassin de forme circulaire au centre du hall de recueillement de plan carré, Axel Schultes confère au lieu une résonance symbolique essentielle : celle du rapport de l’homme (représenté par le carré) au ciel (représenté par le cercle). D’une façon générale, les symboliques de l’eau « peuvent se réduire à trois thèmes dominants : source de vie, moyen de purification, centre de régénérescence268 ».

Le symbole du cercle, celui de l’eau et de l’œuf sont en résonance par un

Dans le crématorium d’Hofheide, l’eau a une dimension essentielle car elle délimite l’ensemble du bâtiment. L’eau symbolise également le lieu de passage. Associé au pont comme nous l’avons vu dans la première partie, la symbolique de la transition est fortement renforcée. Dans son livre L’espace de la mort, Michel Ragon nous explique que l’eau est considérée dans la culture funéraire mondiale comme une des symboliques les plus importante car « l’espace de l’eau constitue un espace de transition. Le lieu «  entre »269 ».

dispositif très soigné. © Marc Blaizeau

La délimitation du bâtiment par l’eau confère une réelle identité au lieu.

Dans les deux crématoriums l’eau peut aussi être considérée comme une image architecturale qui contraste avec le feu. Le calme plat de sa surface est par ailleurs souvent considérée comme un élément apaisant.

© Hisao Suzuki

Entièrement délimité par l’eau de la même façon que L’Île des morts de l’artiste suisse Arnold Böcklin, le crématorium d’Hofheide nous renvoie à une

267 Dictionnaire des symboles, op. cit., p. 191.

perception romantique de la nature.

268 Dictionnaire des symboles, op. cit., p. 374.

Arnold Böcklin, L’Île des morts, Troisième version, Alte Nationalgalerie, Berlin, 1883.

269 Ragon (Michel), L’espace de la mort : Essai sur l’architecture, la décoration et l’urbanisme funéraires, Éditions Albin Michel, 1981, Paris, p. 83.


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