Aymé, Marcel - Les Contes Du Chat Perché -- Ebook french Clan9

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Les contes du chat perché

Le chien

saurais lui faire honte de sa conduite et je le punirais comme il le mérite. Le chien secoua la tête et dit en soupirant : — Mon maître doit déjà se trouver bien puni à l'heure qu'il est. Je ne dis pas qu'il ait des remords de m'avoir abandonné, mais je connais son goût pour la paresse. Maintenant qu'il n'est plus aveugle et qu'il lui faut travailler pour gagner sa vie, je suis sûr qu'il regrette les beaux jours où il n'avait rien à faire que de se laisser guider par les chemins et d'attendre son pain et la charité des passants. Je vous avouerai même que je suis bien inquiet sur son sort, car je ne crois pas qu'il y ait au monde un homme plus paresseux. Alors, le chat se mit à rire dans sa moustache. Il trouvait que le chien était bien bête de se faire tant de souci pour un maître qui l'avait abandonné. Les parents pensaient comme le chat et ne se gênaient pas pour le dire. — Vraiment, son malheur ne l'aura pas instruit et il sera toujours le même ! Le chien était honteux et les écoutait en baissant l'oreille. Mais les petites le prirent par le cou et Marinette dit au chat en le regardant bien dans les yeux : — C'est parce qu'il est bon ! et toi, chat, au lieu de rire dans ta moustache, tu ferais mieux d'être bon aussi. — Et quand on joue avec toi, ajouta Delphine, de ne plus nous griffer pour nous faire mettre au coin par nos parents ! — Comme tu as fait encore hier soir ! Le chat était bien ennuyé, et maintenant, c'était lui qui avait honte. Il tourna le dos aux petites et s'en alla

vers la maison en se dandinant d'un air maussade. Il grommelait qu'on n'était pas juste avec lui, qu'il griffait pour s'amuser ou encore sans le faire exprès, mais qu'en réalité, il était aussi bon que le chien et peut-être meilleur encore.

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Les petites trouvaient que la compagnie d'un chien est une chose bien agréable. Quand elles allaient en commission, elles lui disaient : — Tu viens avec nous en commission, chien ? — Oh oui ! répondait le chien, mettez-moi vite mon collier. Delphine lui mettait son collier. Marinette le prenait par la ficelle (ou bien le contraire) et ils s'en allaient tous les trois en commission. Sur la route, les petites lui disaient qu'il passait un troupeau de vaches dans la prairie, ou un nuage au ciel, et lui qui ne pouvait pas voir, il était content de savoir qu'il passait un troupeau ou un nuage. Mais elles ne savaient pas toujours lui dire ce qu'elles voyaient, et il leur posait des questions. — Voyons, dites-moi de quelle couleur sont ces oiseaux et la forme de leur bec, au moins. — Eh bien, voilà : le plus gros a des plumes jaunes sur le dos, et ses ailes sont noires, et sa queue est noire et jaune... — Alors, c'est un loriot. Vous allez l'entendre chanter... Le loriot n'était pas toujours prêt à chanter et le chien, pour instruire les petites, essayait d'imiter sa chanson, mais il ne faisait rien qu'aboyer, et il était si


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