1
2
Depuis le 9 mars, des centaines de milliers de personnes se mobilisent partout en France contre la « loi travail » et le gouvernement. Nantes, par l'ampleur des manifestations qui s'y déroulent et la diversité des gestes politiques portés ces dernières semaines, est l'une des villes en pointe dans la contestation en cours. Du 9 mars au 10 mai, la ville a connu 12 manifestations, généralement marquées par la volonté commune de tenir la rue. Ce mouvement se caractérise par un accroissement sans précédent de la répression avec une banalisation totale du recours à l'arsenal policier : gazages massifs et systématiques de chacune des manifestations, utilisation désormais courante et ostentatoire des LBD 40 – qui tirent des balles en caoutchouc – et des grenades DMP – dites de « désencerclement », qui explosent en projetant des plots en caoutchouc. L'utilisation constante d'un hélicoptère pour survoler les manifestation illustre également ce climat de guerre de basse intensité mené par le gouvernement contre la lutte. Ces armes et les modes opératoires des brigades d'exception – les BAC – envoyées en marge des cortèges illustrent une logique de militarisation de la police, encouragée par une impunité croissante. La violence qui s'est exercée contre le mouvement est également judiciaire. Plus de 150 manifestants ont été arrêtés depuis le 9 mars. Des audiences d'exception, en comparution immédiate, ont été organisées pour punir publiquement et pour l'exemple les manifestants interpellés. Ces violences policières et judiciaires ont pour but d'étouffer la lutte et de terroriser les manifestants, de marquer les chairs et les esprits. Nous, membres de l'Assemblée des blessés de Loire-Atlantique, observateurs et participants du mouvement en cours, avons réalisé ce recueil après avoir réuni une série de témoignages et d'images de blessures et de violences policières. Nous estimons qu'au moins 250 personnes ont été blessées par la police à Nantes ces dernières semaines. Pour l'immense majorité, il s'agit de jeunes manifestants, souvent mineurs. Ce livret n'est donc pas exhaustif, les blessés ayant souvent 3
peur de témoigner ou de livrer les photos de leurs blessures. Les pages qui suivent ont donc pour objectif dresser un premier état des lieux des exactions commises contre les corps des manifestants et demande à être complété. Les images et les témoignages qui suivent sont compilés par ordre chronologique, après une rapide mise en contexte pour chaque manifestation. Les photos sont légendées de la manière la plus précise possible. Nous avons garanti l'anonymat de toutes les personnes blessées.
Le mouvement social en cours se caractérise par une utilisation massive de l'arsenal policier contre les manifestants. Nous avons essentiellement affaire à trois types de munitions. 1 : les balles en caoutchouc tirées par les Lanceurs de Balles de Défense – LBD 40. Plus puissants et plus précis que les Flash- Balls, ils ont été généralisés par le gouvernement socialiste. 2 : les Dispositifs Manuels de Protection, des grenades dites de « désencerclement » lancées à la main, qui projettent 18 plots de caoutchouc en explosant. 3 : les grenades lacrymogènes. Plus connues, mais utilisées dans des proportions sans précédent ces dernières semaines, avec une logique de saturation. Une grenade envoyée en tir tendu par un lanceur Cougar peut blesser très gravement. Les palets lacrymogènes sont incandescents et peuvent également provoquer des brûlures
4
La première manifestation nantaise contre la « loi travail » réunit plus de 15 000 personnes dans les rues. D'ors et déjà, la répression est à un niveau très élevé, et préfigure la tonalité des violences qui suivront. Une simple marche vers la gare en fin de manifestation est copieusement gazée et chargée. Les policiers font immédiatement usage de leur LBD 40, sans sommation. Un homme d'une cinquantaine d'années est blessé à la tête, alors même qu'il portait un casque. A l'évidence, la consigne est donnée de briser le mouvement par la répression.
5
Deuxième manifestation qui réunit à nouveau des milliers de personnes. Un pic de tension éclate Place Graslin, où un dispositif policier protège la rue Crébillon. La police coupe le cortège, gaze et charge l'avant de la manifestation. Plusieurs personnes sont arrêtées, certaines frappées au sol. Le cortège ira réclamer la libération des interpellés au commissariat, ou à nouveau la police utilisera un très grand nombre de grenades lacrymogènes.
«
Le 17 mars, place Graslin, vers 15h, confrontation avec la police qui coupe le cortège en envoyant des lacrymos en son cœur (comme elle le fait à chaque manif) . Je lève les mains pour apaiser et qu'on reste ensemble pour avancer. Un CDI me hurle "enculé" puis me frappe les jambes à coup de matraque, je vois une fille qui était au sol, plusieurs agents la frappaient avec matraque, je leur dis d'arrêter, ils me chassent en me matraquant sur tous les membres. »
Hématome laissé par un matraquage de la BAC
6
La manifestation du 24 mars, à l'appel des étudiants et des lycéens, est chargée dès le départ, rue de Strasbourg, par la BAC qui interpelle deux manifestants. Au cours de l'après midi, le cortège prendra la direction de l'université, en suivant le long de la Ligne 2 du tramway. Repoussés en face du commissariat central Waldeck-Rousseau, les manifestants remontent jusqu'à la fac, où la police gaze à nouveau pendant plusieurs heures sur le campus. Plusieurs manifestants sont frappés et arrêtés.
«
Le 24 mars dernier, en revenant d'une manifestation contre la loi travail j'ai subi une violence policière. Nous venions de passer devant le pont de la Motte Rouge afin de nous diriger vers les facs et nous trouvions donc rue de l'amiral Courbet. À un moment j'ai aperçu deux filles dont une se frottait les yeux. Je leur ai donc proposée du sérum physiologique. Dans la minute qui suivait il y a eu une charge de la C.D.I. (Compagnie Départementale d'Intervention), j'ai prévenu les filles qu'il fallait traverser la rue pour rejoindre le cortège. Alors qu'on traversait déjà la rue, la CDI est arrivée à notre hauteur et m'a poussé une première fois au sol en nous ordonnant de partir puis j'ai reçu plusieurs coups de matraque dont un sur le crâne. En me relevant je leur ai dit qu'ils n'avaient pas à faire ça étant donné qu'on partait déjà. Ils m'ont alors repoussé au sol et remis des coups de matraque dont encore un sur le crâne. Je ne présentais aucun danger, mon visage n'était pas dissimulé, mais ça ne les ai 7
pas empêchés de me violenter quand même. Saignant abondamment, j'ai été pris en charge par les pompiers et admis aux urgences. Ils m'ont fait 7 points de suture au niveau du crâne et j'ai eu 3 jours d'ITT une semaine après les faits.Tout-de-suite après ma prise en charge j'ai été placé en garde-à-vue. J'en suis sorti 19 h plus tard sans aucune convocation. »
Impacts circulaires de tirs de balles en caoutchouc, Boulevard Courbet
8
Sur le plan numérique, la mobilisation culmine le 31 mars, avec une manifestation intersyndicale qui réunit à Nantes plus de 30 000 personnes. Au cours de l'après-midi, la police fera de nombreux blessés. Ils se comptent essentiellement au niveau de l’île Feydeau et des pelouses d’Hôtel Dieu, où des Gendarmes Mobiles et des policiers de la Compagnie Départementale d'Intervention font un usage massif de grenades GLI F4 – à effet de souffle – de grenades lacrymogènes – parfois en tir tendus – et de balles en caoutchouc.
«
Lors des affrontements de cet après-midi, un petit groupe est arrivé devant les CRS, dans lequel j’étais. Nous n'avions aucune intention de lancer quoi que ce soit, seulement discuter avec eux.Ils nous ont chargé, ils nous on lancé des grenades, des bombes lacrymo etc... et je me suis pris un tir de flash-ball, dans mon oreille gauche, maintenant elle est fendue, j'aurais pu perdre l'ouïe, enfin ça aurait pu être beaucoup plus dramatique. Je me plains pas sur mon sort car je sais que certains ont connu bien pire mais je voulais simplement exposer ce qu'ils m'ont fait. »
9
Impacts de balles en caoutchouc dans les jambes.
«
Je vous envoie un petit souvenir de manif laissé par un coup de matraque d'un type de la CDI qui, accessoirement, nous a aussi gazés au poivre bien comme il faut ! C'était pendant la manif du 31 mars, vers 20h30 quelque chose comme ça. On est 4 à avoir été gazé-e-s et matraqué-e-s à ce moment là (on s'était mis en retrait du reste du groupe), les autres vont bien, quelques bleus aussi mais bien moins spectaculaires, sauf peut être pour un des gars que j'ai pas revu et qui s'est pris un bon coup sur les doigts... Quant à moi j'ai pas pu marcher correctement pendant deux, trois jours.[...] »
10
«
Impact de grenade lacrymogène en tir tendu
Le 31 mars aux alentours de 17h30 au Château des Ducs de Bretagne, j'étais assise sur le muret qui donne sur la cour du château un peu avant l'arrêt de tramway de la ligne 1 en arrivant de la place du Bouffay, quand les gens ont commencé à avancer vers l'arrêt de tram et de Busway en criant "ATTENTION". J'ai commencé à avancer à mon tour en mettant mes bras sur ma tête de peur de me prendre quelque chose quand une grenade fumigène, arrivant de je ne sais où a percuté mon avant bras droit qui protégeait ma tête, provoquant une douleur vive. Je suis partie en courant car j'étouffais. Quelques minutes après, la douleur était toujours bien vive, bouger certains doigts me faisait mal et mon avant bras était dur. Je suis rentrée chez moi après cet épisode, le bras en feu à cause de la douleur. Comme j'avais un sweat je n'ai pas été brûlée par la grenade (car certains manifestants m'avaient dit que je risquais la brûlure) mais une bosse est apparue, ainsi qu'un très léger bleu relativement étendu (la moitié de mon avant-bras). Trois jours après, j'ai encore mal par moments, la bosse et le bleu sont toujours présents. »
11
Le 5 avril, une manifestation réunit plus de 3000 lycéens et étudiants dans les rues de Nantes. Lors d'une action devant les locaux du Parti Socialiste, les premières grenades sont lancées sur le cortège. L'après-midi sera émaillée d'affrontements.
Un manifestant blessé à la tête par un projectile policier
«
Je me suis prise dans le front samedi dernier une lacrymo qui ne visait de toute évidence pas les pieds. J'ai une brûlure de un ou deux centimètres de diamètre et un énorme bleu. Ils voulaient qu'on quitte l'espace du miroir d'eau en fin d'aprèm. Ils ont tiré sans somation, alors qu'autour de nous, il y avait des enfants... » 12
«
A la suite de l'intervention des forces de l'ordre consécutives aux dégradations du magasin GO Sport le mardi 5 avril 2016 à Nantes, un collègue de travail et moi-même nous sommes retrouvés placés en queue de défilé, à distance de celles et ceux qui, devant nous, avaient quitté les lieux en courant. Je précise que si nous avons assisté aux destructions qui ont touché GO Sport, nous en étions à une distance raisonnable. Au point qu'il est impossible que nous ayons pu être identifiés comme y ayant participé en quoi que ce soit. Et d'autant mieux que nous relevons désormais de la catégorie des quinquagénaires ! [...]Nous sommes tombés, sur notre droite, sur un cordon de policiers en civil (BAC ?) qui se tenaient en barrage de rue à environ 3 mètres de nous. Nous avons poursuivi notre chemin au rythme paisible de marcheurs qui était le nôtre, la tête nue […], tournant ainsi le dos aux policiers en civil. A ce moment précis, nous avons reçu, à hauteur d'épaule, une grenade assourdissante lancée de notre arrière. Passé entre nous deux, elle a explosé devant nos yeux à une distance de moins de 2 mètres probablement. Outre la violente surpression sonore qui nous a atteint immédiatement aux tympans, nous avons reçu l'un et l'autre divers éclats ou débris (j'ai également pu voir fuser devant moi, en même temps qu'une boule de feu orangé, plusieurs éclats ou débris qui ne nous ont pas atteints) : mon collègue a été touché au dessus du genoux, sur la cuisse, par un éclat important (peut-être le dispositif d'allumage ?) et par trois autres au visage (petites blessures avec saignements : front, haut du nez, et commissures des lèvres). J'ai été pour ma part touché sur le haut du crâne, côté droit, sans autre conséquence qu'un tout petit hématome. M'est resté un sifflement à l'oreille droite jusqu'à hier, jeudi. Nous nous sommes bien évidemment aussitôt enfuis en courant du mieux que nous pouvions et n'avons donc pas pu nous attacher à identifier qui avait bien pu se livrer à un tel acte parmi les policiers déployés. Renseignements pris, il semble que la munition qui nous a été lancée correspond à un Dispositif manuel de protection (DMP) de référence SAE 430. Les micro morceaux de papier restés dans mes cheveux, associant les couleurs blanc et rouge, correspondent en tout cas précisément à l'étiquette qui entoure la grenade à main indiquée. Celle-ci présente en effet sur fond blanc des silhouettes rouge qui indiquent les bonnes et les mauvaises manières d'user de ce dispositif de protection. […] Il ne fait pas de doutes, à nos yeux, que les policiers ont fait un usage de leur DMP en totale dérogation des règlements qui s'imposent à eux formellement (voir à suivre ce message une copie d'un extrait des règles d'emploi des DMP). » 13
Plusieurs milliers d'étudiants et de lycéens défilent en fin d'après-midi dans les rues de Nantes. Il y a un point de tension à l'entrée de la rue de Strasbourg, bloquée par des gendarmes. La police repousse ensuite violemment les manifestants jusqu'au quai de la Fosse, avec un usage massif de grenades de désencerclement. 14 interpellations. Johanna Rolland demande le soir même des « sanctions exemplaires ».
«
14 avril, 17h, médiathèque, beaucoup de lacrymos, explosions, des manifestantes essaient d'aider une dame âgée à se réfugier dans une pharmacie qui refuse. Les CRS qui ont vu l'action pour aider leur envoie une pluie de grenades. Deux passantes se font menacer dans le ventre par un LBD. »
14
Le 20 avril, après un défilé relativement calme, les manifestants se rassemblement sur l’île de Nantes pour un temps d'échanges. Ils sont alors nassés – enfermés – par un dispositif policier considérable, composé de Gendarmes Mobiles, de CRS et d'agents de la BAC. Les charges répétées d'une foule prise au piège par l'étau policier feront de très nombreux blessés.
Une balle en caoutchouc dans la cuisse
«
20 avril, île de Nantes, 16h, près du pont Anne de Bretagne. Je reçois un tir de LBD dans la tête, de dos, je saigne beaucoup. Salve de lacrymos en permanence. Aidé par l'équipe médic mais les CRS empêchent le passage pour chercher de l'aide et faire passer les pompiers. Hospitalisé, 4 points de suture. »
15
Blessures causées par des éclats de grenades de désencerclement DMP lancées en grand nombre dans la foule par des agents de la BAC, sur l’île de Nantes
Un projectile non identifié reçu dans la tête d'une manifestante
16
«
17h, charge violente sur l’île de Nantes où on est nassé, sous les lacrymos. Sommation pour se disperser mais bloqués des deux côtés ce qui créé une grande tension. Plusieurs étudiants lèvent les mains et tentent de parler aux policiers pour que le cortège puisse repartir, réponse avec lacrymos par dizaines et grenades assourdissantes qui en explosant dans la foule blessent au moins une jeune fille aux jambes (brûlures sérieuses, emmenée au CHU). Le cortège fait tout le tour vers République, chaque carrefour est fermé par les policiers et BACeux, la grenade à la main. On arrive finalement vers V.Gache , je discute avec un jeune de 16 ans, maghrébin, dont c'est la première manif, tout est très calme. Un BACeux, petit, lui hurle : "vas y, rentre chez toi, sac à merde, sale arabe". »
17
Le 28 avril, une manifestation d'ampleur comparable à celle du 31 mars défile, au départ de l’île de Nantes. En amont, la police avait attaqué à plusieurs reprise le cortège étudiant avant même son arrivée au point de rendez-vous syndical. Quelques centaines de mètres à peine après le début du défilé unitaire, le cortège est brisé à plusieurs reprises par la police. Cours Saint-Pierre, la tête de manifestation est attaquée sans raison apparente, provoquant plusieurs heures d'affrontements, et de nombreux blessés. Le soir, les radars médiatiques ne retiennent que les images d'une Porsche incendiée devant la préfecture.
«
A la manif du 28 avril, je tenais une banderole féministe lorsque nous avons été chargés par la BAC. Juste après avoir reçu un éclat de grenade de désencerclement j'ai été attrapée, tirée au sol sur plusieurs mètres, puis j'ai eu droit à des insultes ds « gardiens de la paix » telles que « salope », « pute » ou encore « pouffiasse ». Je suis sortie une heure plus tard du poste avec des bleus dont un en forme de main sur le bras, et profondément choquée par le sexisme et la violence dont j'ai été victime. »
18
«
Tir de balle en caoutchouc au niveau des reins
«
Tir de balle en caoutchouc dans le bras
28 avril, cours Saint-Pierre, vers 15h, on avançait sur le parcours prévu par syndicats, attaque de la BAC qui jette des grenades désencerclement dont un des éléments est entré dans mon écharpe, cela aurait pu être très grave. »
Ce jeudi 28 avril j 'ai été victime d 'un tir de flash ball, reçu dans le bras gauche. Il est 12h00, alors que moi et un ami défilions sans avoir aucun comportement agressif. Nous étions seulement avec les jeunes. Cela, s'est déroulé sur le cours St Pierre (celui qui est le plus proche de quai de Ceneray). Et en une fraction de seconde, le choc, un balle de flash ball sur mon avant bras gauche s'est plié d'une violence. Fort heureusement, j'étais bien couverte, le manteau a amorti un peu le choc. Je ne sais pas où se situait le tireur, sur ma gauche ou derrière nous puisque une charge de BACeux a eu lieu après. » 19
«
Jeudi 28 avril, aux alentours de la préfecture, j'ai reçu un énorme impact à l'arrière du crâne. Cela s'est immédiatement mis à saigner abondamment. La plaie est circulaire. Il s'agit très probablement d'un tir de LBD 40, heureusement envoyé de loin par les forces de l'ordre. »
«
C'était le 28 avril, sur le temps du midi. Le cortège est passé et les CRS se sont mis à lancer beaucoup de grenades lacrymogène, c'était irrespirable . C'était juste à côté de l'école L.Blum. La cantine est à l'extérieur de l'école, c'était le premier service, les enfants sont sortis. Le directeur est allé parler aux CRS pour leur demander d'arrêter, qu'il y avait danger grave pour les enfants. Cela a continué. Les enfants ont été confinés ensuite dans le gymnase. Certains ont été traumatisés. »
Tir de balle en caoutchouc dans la cuisse (photo prise deux semaines après le tir).
20
Tir de balle en caoutchouc dans le genou (photo prise immédiatement après le tir)
Un manifestant transporté en état de choc, après avoir reçu un tir de LBD 40 au niveau des testicules, en fin d'après-midi.
«
Le 28 avril, 16h, île de Nantes, à côté du manège. Charge de la BAC qui fonce sur mon copain, calme à coté de moi et lui arrache violemment son écharpe FC Nantes. Mon copain lui demande de la lui rendre, réponse : grands coups de matraques. Beaucoup de tirs sur manifestants dont l'équipe médicale, et civils. »
21
«
Après avoir quitté le restaurant Terroir Bio (place François II) ou j’ai déjeuné avec une amie, je monte sur mon vélo et me dirige vers le pont Anne de Bretagne [...] un jeune cycliste en bicloo me précède d’une centaine de mètres. Juste après le palais de justice, se dresse un barrage de police. Le jeune en bicloo ne change pas sa direction et va droit dans le barrage comme s’il voulait le forcer. Il se fait stopper. J’observe la scène tout en continuant à m’approcher et m’arrête à un mètre du barrage. […] Je sens beaucoup d’énervement à travers le ton et les propos de mes 2 ou 3 interlocuteurs. Pendant ce temps le jeune a été descendu de son bicloo et écarté à une vingtaine de mètres du barrage en compagnie de 2 ou 3 policiers. [...] Au bout de 3 a 4 minutes, un autre policier, avec un foulard sur le visage, surgit de je ne sais ou, déboule sur moi sans que j’ai le temps de réaliser ce qui m’arrive. Il me prend pas les épaules et me pousse violemment. Gêné par mon vélo sur lequel j’étais toujours assis, Je perds l’équilibre, le policier aussi et nous sommes entraînes ensemble jusqu’à dégringoler les 3 marches qui se trouvaient là. Je me retrouve couché par terre cote à cote avec mon agresseur. Lui se redresse tout de suite, moi je reste empêtré dans mon vélo et je ressens très vite une douleur dans l’épaule gauche. Je finis par me relever, je m’écarte du barrage et remets mon vélo en état. Je réalise à ce moment que j’ai quand même très mal à l’épaule. Je retourne vers le barrage et m’adresse à mon agresseur. Je lui signale que je suis blessé et je lui demande son matricule car j’ai l’intention de faire un rapport. Sa réponse a été cinglante : « donnez moi vos papiers ». Je réponds « puisque c’est comme ça je m’en vais » et je fais demi-tour. 20 mètres plus loin, je suis rattrapé par mon agresseur et un autre qui semblait être un chef. Tous les 2 hyper énervés. J’ai alors donné mes papiers pour en terminer au plus vite. Le lendemain aux urgences du CHU, j’apprends que j’ai une fracture de la clavicule. »
«
Je me suis pris un LBD dans la main. Je suis allé aux urgences après la manif. Verdict, heureusement pour moi, pas de casse, mais une énorme contusion au niveau du pouce. La scène s'est passée le matin au niveau de Foch. Le cortège était calme pour le moment, quand nous nous sommes fait laminer par les CRS et la BAC. Une grosse dizaine de grenades de désencerclement (du jamais vu), lacrymo et LBD. Comme nous étions coincé au niveau du Musée des Beaux Arts, on s'est dirigé vers le cours Saint-Pierre pour contourner le guet-apens. Je marchais 22
tranquillement avec tout le monde quand ma main est projetée en arrière suivi d'une vive douleur. Un médic m'a fait un bandage pour maintenir mon pouce complètement paralysé. Au cours de la journée ma main à gonflé, c'est pour ça que j'ai préféré aller aux urgences. »
23
Le 3 mai, premier jour de l'examen de la « loi travail » au Parlement, une manifestation composée essentiellement de lycéen et d'étudiants défile en ville sous très haute surveillance policière. Malgré les provocations – la police a immobilisé un tramway entier pour fouiller et photographier des étudiants se rendant à la manifestation – le défilé reste calme et évite les confrontations. En deuxième partie d'après-midi, des charges et des tirs de grenades font dégénérer la manifestation. Plusieurs blessés, 13 interpellations.
«
3 mai, 14h, pont de la Motte rouge. Une vingtaine de BACeux montent dans le tram, font descendre les passagers. Les jeunes sont systématiquement fouillés, pris en photo avec vérification d'identité. Ils trouvent dans mon sac un objet et m'interpelle pour "port d'arme". Ils me font monter dans le camion de la police où chacun leur tour, trois policiers me donnent un grand coup de poing dans le ventre. Ce soir, j'ai toujours mal. »
«
3 mai, 14h, tram Motte Rouge, les policiers font descendre les passagers, fouillent des jeunes, prennent les autocollants, les masques de ski ou lunettes, vérification d'identité, photos … puis au Bouffay, plusieurs tirs de LBD à hauteur de tête, balles passées à quelques centimètres de 2 amis, marchant calmement . »
«
3 mai, 18h30, place du Bouffay. Au sein du groupe de manifestants, une tension éclate, mon amie qui était à cet endroit est brutalisée, le l'emmène pour l'éloigner. La ligne de CRS-CDI posté là se met à rigoler et nous empêche de passer : « dégagez ». Refus de protection et empêchement de quitter un endroit tendu. »
«
3 mai, 18h, rue de Strasbourg. Charge de la police qui envoie des dizaines de grenades, certaines tombent dans le petit parc où sont les enfants et l'une d'elle dans une poussette. Je vais vers eux, mains en l'air pour leur dire d'arrêter, qu'il y a danger, réponse : tir du canon à eau. » 24
«
Suite à la manifestation dans les rues de Nantes cette après-midi j'ai été blessée par une grenade. Lors de la charge la BAC devant les galeries Lafayette ils ont coupé le cortège en deux juste derrière moi. Un BACeux situé à 5 mètres derrière a lancé, avec une certaine virulence, une grenade qui a pété juste sur mon mollet. Résultat trois plaies-brûlures (mollet, cuisse et bas de la fesse) et les mégas bleus qui vont avec. Les photos ci-jointes ont été prises à peine minutes après, depuis, les bleus se sont bien noircis et élargis. »
25
En comparaison des précédents mouvements sociaux – celui de 2006 contre le CPE ou même la lutte contre la réforme des retraites en 2010 – nous observons le franchissement d'un palier dans la volonté de faire mal, de marquer les corps des manifestants. Les blessés se comptent par centaines. A Nantes, nous avions déjà pu observer cette militarisation du maintien de l'ordre lors des manifestations contre le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, en particulier le 22 février 2014, avec 3 jeunes manifestants mutilés au visage par des tirs des forces de l'ordre. En 2016, les violences de la police sont désormais systématisées, utilisées de façon hebdomadaire, à chaque manifestation depuis le mois de mars. L'utilisation de l'arsenal policier est devenu systématique. Cette situation n'est pas réservée à la ville de Nantes, et les violences policières se multiplient partout en France, en particulier à Paris et à Rennes où un étudiant a perdu un œil le 28 avril dernier. Le gouvernement socialiste veut mater la contestation en cours par une violence sans précédent contre les mouvements sociaux, bien supérieure à celle que nous avions pu voir quand la droite était au pouvoir. Ce premier recueil d'images et de témoignages illustre la reconfiguration du maintien de l'ordre en cours en France. Il ne s'agit plus de contenir une foule mais de la frapper, de faire mal. Nous entrons dans une nouvelle ère du maintien de l'ordre : depuis la mort de Rémi Fraisse, le gouvernement n'a plus peur de tuer un manifestant.
Pour nous contacter : Facebook : Assemblée des blessés 44 Loire-Atlantique Téléphone : 06 56 82 00 01 (répondeur) Mail : assembleedesblesses44@gmail.com
26