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Faire valoir ses droits en centre fermé

légalité » n’est pas clair, et beaucoup de juges en donnent une interprétation restrictive. La décision d’enfermement est pourtant une compétence discrétionnaire du ministre de la Politique de l’Asile et de la Migration. Il paraît dès lors logique que la Chambre du conseil examine aussi l’opportunité de cette décision. La compétence du pouvoir judiciaire est précisément de confronter un tel pouvoir discrétionnaire de décision à toutes normes de droit. En outre, les étrangers placés en centre fermé se trouvent dans une situation particulièrement précaire. Nous pensons à l’enfermement de familles avec enfants, de personnes psychologiquement ou physiquement fragiles, de femmes enceintes et de tout autre groupe vulnérable. L’enfermement lui-même dans un centre fermé peut avoir pour effet un affaiblissement sensible de l’état psychologique et physique. C’est pourquoi il paraît opportun que la Chambre du conseil juge aussi de l’opportunité de l’enfermement. Par là, on entend que la chambre du conseil examine, au cas par cas, au vu de la situation concrète (état de santé, vie de famille, comportement antérieur, par exemple si elle a déjà par le passé donné suite à des convocations de l’administration, etc.) de la personne qui fait l’objet d’une mesure d’enfermement, si cette mesure respecte le principe de proportionnalité, si elle ne cause pas à la personne un dommage grave, si une mesure moins contraignante ne serait pas suffisante (par exemple examen du risque concret de « disparition »). Beaucoup dépend de l’interprétation faite par les juges du concept de « légalité ». En théorie, ils peuvent se prononcer à la lumière non seulement des normes belges en vigueur, mais aussi à celle de normes internationales comme la Convention internationale des droits de l’enfant (en particulier l’art.37) et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (en particulier les art. 3 et 5). Cependant dans la pratique, ils interprètent leur compétence d’appréciation de façon très restrictive. Les juges se réfèrent principalement aux règles relatives au droit de la défense, mais rarement à d’autres normes de droit fondamental. Les cas sont rarement appréciés en fonction de la C.E.D.H. (plus particulièrement de son art.3 : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants »). La proportionnalité de la mesure par rapport à la situation particulière de la personne enfermée n’est pas mise en question. Or, les critères définis par la Cour européenne des droits de l’homme pour les cas de privation de liberté d’adultes, et notamment l’examen de la proportionnalité, devraient être appliqués plus strictement lorsqu’il s’agit de personnes vulnérables comme des mineurs.65 Selon des avocats, la position des juges varie selon les arrondissements. Ils savent par expérience que la Chambre du conseil de Liège traite avec plus d’attention les requêtes introduites par les étrangers. Plusieurs avocats nous ont signalé aussi que les juges de Chambres du conseil ne connaissent pas les particularités et le contexte de la détention en centre fermé pour étrangers, qui ne sont pas les mêmes qu’en procédure pénale. Les juges ne sont pas bien au courant du droit des étrangers et n’ont aucune idée du contexte d’un centre fermé. Ils traitent donc les cas d’étrangers enfermés en centre fermé de la même manière que ceux d’étrangers détenus en prison. On peut même affirmer que la procédure devant la Chambre du conseil est moins favorable pour les étrangers que pour les personnes en détention préventive, car pour ces dernières, le tribunal procède à un contrôle d’opportunité de la mesure privative de liberté. 65 Cour européenne des droits de l’homme : arrêt n°22414/93 du 15 novembre 1996, Chahal vs Royaume Uni et arrêt 229/03 du 28 février 2008, Saadi vs Royaume-Uni relatifs aussi bien à la privation de liberté à l’entrée sur le territoire qu’à la privation de liberté à la suite d’une décision d’éloignement.

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