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034/CULTURE

Par : Sylvie Gassot

LIVRES

Une sélection de bonnes feuilles pour voyager dans l’imaginaire de belles plumes !

maladif, jaloux, spirituel, cruel et préoccupé. Il bâcle ses films pour réussir ses sentiments et parfois l’inverse ! Des défauts à la ville qui tissent à l’écran des dialogues belliqueux. “A bout de souffle”, Godard offre sa vie et la retire en même temps à l’irrésistible Lolita. Parfois Godard ne comprend rien à l’amour puisqu’il est amoureux, méprise quand sa présence est vitale, aliène quand il faudrait s’effacer… Un sale gosse qui casse son jouet comme il a cassé le cinéma. De ce portrait, l’ombrageux “intranquille” sort humanisé, le temps cisèle la délicatesse. Aujourd’hui la page est tournée, la Nouvelle Vague engloutie, mais le livre est là, nostalgique. Rédempteur ? “Une année studieuse” d’Anne Wiazemsky - Gallimard

CLAUSTRIA

Comme l’auteur, on tourne autour du pot avant d’oser descendre dans la cave de la maison d’Amstetten où Joseph Fritzl a détenu sa fille pendant 24 ans. Sept enfants reclus plus tard, alors qu’il vit au rez-dechaussée avec sa femme, elle s’échappe et livre au monde horrifié en 2004 un récit inconcevable. Après “Microfiction”, Jauffret plonge dans cette microréalité et offre au fait divers un tremplin en littérature. Voyeur, chacun y vérifie qu’il a une vie bien meilleure que cette sous vie. Le lecteur se cogne au bourreau comme aux victimes. “Claustria” est un roman obsédé par la véracité, un film en puissance dont le titre s’impose : European psycho ! “Claustria” de Régis Jauffret - Le Seuil

MUFLE

Lui : deux fois divorcé, de grands enfants. A cinquante ans, il croyait avoir enfin trouvé la femme de sa vie. Elle, c’est Charlotte. Elle se sera bien foutue de lui en prenant un amant. Mais se trouve des circonstances atténuantes : “J’ai fait ça par mégarde”. L’insouciance en fait une imprudente : textos qui traînent, preuves comme des aveux. Le problème, c’est qu’une fois la chose dite, flotte l’âcre odeur de l’adultère… Place aux nuits illimitées d’insomnie où le non-dit est un poignard et l’aveu tresse les tripes. Elle n’a pas envie de parler de “ça”. Autopsie d’un mensonge, ce capharnaüm sentimental décrypte les affres de l’homme trahi. Ce tour du monde d’une blonde en 80 pages, écrit au fil de la passion et de ses miasmes, a une sensibilité à fleur de haine et touche sa cible : en plein cœur ! “Mufle” d’Eric Neuhoff Albin Michel

BRIGITTE BARDOT PLEIN LA VUE

Après Gainsbourg, Sagan et Saint Laurent, Marie Dominique Lelièvre dissèque le petit fauve sexy devenu la plus belle femme du monde. Brigitte Bardot, beauté culottée et désinvolte, gazelle au pied félin et yeux basilique, dévoile l’âme d’une époque. Cœur d’artichaut, elle s’affiche avec une liberté dévolue aux hommes avant de fuir, à la Madrague, le soleil médiatique. Est-ce parce qu’elle est quasiment aveugle de l’œil gauche ? La star porte un regard décalé sur le feu du désir qu’elle suscite. Elle casse les codes en Harley Davidson, offre à la caméra un sex appeal sain et s’autorise tout. Mariée à 18 ans, elle réitère l’aventure quatre fois, dont une à Las Vegas, un 14 juillet. Enregistre “Je t’aime moi non plus” pour attiser la jalousie de Gunther Sachs,

quitte un amant célèbre parce qu’elle en a trouvé un autre… Piètre mère, celle dont le plus beau jour de sa vie est une nuit… réjouit par son sens de la répartie. Passionnant ce BB forever ajoute au mythe. “Brigitte Bardot plein la vue” de Marie-Dominique Lelièvre - Flammarion

L’ECLAIRCIE

Du pur Sollers, érudit et grincheux, brillant ou irritant, toujours intelligent ! Dans ce roman familial, le narrateur, qui ne peut plus voir sa famille en peinture, écrit au pinceau avec des fulgurances providentielles. Il sort l’épuisette à papillon et part à la chasse aux souvenirs. Dans son rétroviseur, place aux émotions à fleur de peau, critiques ou émerveillées. Avec Sollers, il faut aimer pour émouvoir, admirer pour transcender et saigner pour toucher. Par le biais de l’art, celui

des frères adoptés : Baudelaire, Stendhal, Haydn, Manet… il décrypte, à l’aune de l’amour, sa carte du tendre. Casanova en plume, le facétieux se compare et s’en amuse. Plus amoureux sans doute de l’idée qu’il se fait de la représentation de l’amour que de l’amour lui-même. Qu’importe… Vive le parti pris “quand l’interdit dit oui” ! “L’éclaircie” de Philippe Sollers - Gallimard

UNE ANNEE STUDIEUSE

Sa vie est un roman. Alors sans faire de cinéma, l’héroïne de la “Chinoise” livre son Godard et moi. Un portrait Masculin Féminin par l’ex-étudiante qui, à 19 ans, écrivit au réalisateur de 36 ans. Godardisée, la petite fille de François Mauriac casse les codes de sa caste, s’affranchit façon Sagan et épouse l’arrogant génie. Elle découvre un romantique, amoureux

LES MERVEILLES

Elle se disait femme de ménage pour mystifier son job d’escort girl. Dans la famille d’Evelyne, papa est représentant, maman vendeuse, le petit frère amorphe et le chien un trésor. A 13 ans, tout bascule : papa punit atrocement le chien et l’héroïne grandit par vengeance. Elle frappe sa mère à coup de marteau, devient zinzin, brade sa virginité à un copain du père, zappe le lycée et finit strip-teaseuse. L’amour de Luiggi et de leur fille aurait pu la remettre sur le droit chemin, mais la haine est gluante quand on grandit avec un tournevis dans le coeur. Abusant du sexe comme une arme en puissance, elle aboie à la place du chien et tue furieusement l’amant. Un livre cru, intransigeant, au style assassin. “Les Merveilles” de Claire Castillon -Grasset


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