Banques françaises, banques fossiles?

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4. Le plutonium, un des principaux radioéléments produits par l'utilisation de l'uranium dans le cœur des centrales nucléaires, a une période, ou « demi-vie », de 24 000 ans. Il est d'usage de compter au minimum 10 périodes pour considérer qu'un matériau a suffisamment perdu de sa radioactivité pour cesser d’être dangereux, soit 240 000 ans pour le plutonium 239. Les banques françaises susceptibles de financer la filière nucléaire sont focalisées sur des résultats trimestriels. Le décalage entre les deux échelles de temps est de 1 pour 800 000, ce qui pousse à s'interroger sur la manière dont les banques s'assurent de la maîtrise à moyen et à long terme des risques environnementaux et sociaux des projets qu'elles financent. 5. Le secteur nucléaire n'est à l'abri ni des accidents ni des explosions, dont la probabilité ne cesse de croître avec le vieillissement et la multiplication des installations. La catastrophe de Tchernobyl en Ukraine, le 26 avril 1986, a causé plus de 300 000 morts à ce jour, selon des expertises indépendantes88. En France, un accident majeur a été évité de peu dans la nuit du 27 décembre 1999, après que la centrale nucléaire du Blayais en Gironde ait été inondée, les digues de protection n'ayant pas résisté à la tempête ; sans les révisions effectuées en prévision du bogue de l’an 2000, rien ne dit que les moteurs diesels de secours auraient pu tenir le temps voulu. Récemment, le 25 juillet 2006, le réacteur Forsmark-1 en Suède a été sujet à un incident grave de niveau 2 selon l'échelle INES. 89 « C'est le hasard qui a évité qu’une fusion du cœur ne se produise » a affirmé, dans le quotidien allemand TAZ du 3 août, le spécialiste Lars-Olov Höglund, qui a dirigé la construction de la centrale en question. « C’est l’événement le plus dangereux depuis Harrisbourg et Tchernobyl », a-t-il ajouté le 2 août au quotidien suédois Svenska Dagbladet. Selon une déclaration dans le TAZ de Ole Reistad, directeur de l’institut norvégien de protection contre les rayonnements ionisants, « à Forsmark on est passé près de la catastrophe et près de la défaillance de la dernière barrière de sécurité ». En 2005, l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) avait déclaré : "La centrale nucléaire de Forsmark est une des plus sûres au monde et il devrait être possible de la faire fonctionner encore 50 ans". 6. L'énergie nucléaire civile est, depuis son origine, intrinsèquement liée à l'énergie nucléaire militaire. Les centrales nucléaires civiles sont la principale source de production du plutonium, composant clé de la bombe atomique. Les stocks de plutonium produits par la filière nucléaire civile sont ainsi une menace permanente pour la paix internationale ; ces stocks s'accroissent de jour en jour. La France produit à elle seule 10 t de plutonium par an, soit l'équivalent d'environ 1 400 bombes atomiques de type Nagasaki. Quant au tritium, nécessaire pour une hypothétique fusion nucléaire contrôlée dans le réacteur expérimental ITER, il a déjà depuis longtemps de nombreuses applications militaires. Le développement de l'énergie nucléaire civile aggrave donc les risques de prolifération et de dissémination de matières nucléaires. L'industrie nucléaire créée des tensions géopolitiques majeures (avec l'Iran, la Corée du Nord, le Pakistan, etc.) tout en nécessitant, pour sa survie et sous prétexte d’équité, l’exportation à risques de réacteurs nucléaires dans de nombreux pays sismiquement ou politiquement instables, ou n’ayant pas les moyens économiques d’en assurer la sûreté. 7. Toutes les installations nucléaires rejettent de la radioactivité dans l'environnement. Ces pollutions contaminent quotidiennement et durablement les fleuves, les nappes phréatiques, l'air, les océans. Quoique ces rejets soient légaux, ou systématiquement légalisés a posteriori, le seuil de contamination dangereux pour l'homme fait l'objet d'un immense débat dans plusieurs pays, en particulier sur l'exposition de la population à des seuils faibles mais sur une longue durée. En pratique, les doses admissibles ne cessent d’être révisées à la baisse. Des études indépendantes réalisées en Biélorussie laissent penser que, sur le plan génétique notamment, la catastrophe sanitaire de Tchernobyl, loin d’être terminée, ne fait en réalité que commencer. 8. L'énergie nucléaire n'est pas la solution à l'effet de serre. L'énergie nucléaire ne représente que 16 % de la consommation totale d'énergie en France, et 2 % au niveau mondial. Les 440 réacteurs nucléaires en activité dans le monde ne permettent d'économiser que 4 à 6 % des émissions de CO 2. Pour être à l'échelle du problème climatique, il faudrait construire 8 000 réacteurs en cinquante ans. L'adoption par les seuls pays industrialisés du choix pronucléaire français (78% d'électricité d'origine 88

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Depuis 1959, l’OMS ne peut publier aucun document sur l'énergie nucléaire sans l'aval de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) : d’où une sous-évaluation permanente du coût sanitaire réel (en terme de mortalité, de morbidité et d’aggravation croissante de l’instabilité génomique) de l’exploitation de l’énergie nucléaire Il ne s’en est fallu que de 7 minutes pour que l’on passe du niveau 2 au niveau 7

Les Amis de la Terre

Mars 2007

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