Hobb,Robin-[Assassin Royal-07]Le prophete blanc(Fool's Errand)(2001).French.ebook.AlexandriZ

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et que je peux donc gagner davantage que toi » n’était plus vraie. Les épaules de Heur étaient aussi larges que les miennes et, dans n’importe quelle épreuve d’endurance, son jeune dos résisterait sans doute mieux que ma vieille échine. Il eut un sourire compatissant en me voyant prendre conscience de ce qu’il savait déjà. «Peut-être parce que c’est un don que j’apprécierais de te faire », fis-je à mi-voix, et il hocha la tête ; la véritable signification de ces paroles ne lui avait pas échappé. «Je ne pourrai jamais te rembourser tout ce que tu m’as déjà donné, y compris la capacité de régler moi-même cette affaire. » Sur ces mots, nous allâmes nous coucher, et c’est en souriant que je fermai les yeux. Il y a une vanité monstrueuse dans la fierté que nous tirons de nos enfants, me dis-je. J’avais mené ma petite existence en compagnie de Heur sans me préoccuper vraiment de l’image de l’adulte que je lui transmettais, et voici qu’un soir un jeune homme m’annonçait, les yeux dans les yeux, qu’il était capable de voler de ses propres ailes, et je me sentais alors envahi de la chaleur bienfaisante du devoir accompli. Ce gamin s’est élevé tout seul, me répétai-je, mais je m’endormis tout de même le sourire aux lèvres. Peut-être cette humeur détendue me laissa-t-elle l’esprit plus ouvert que d’habitude, car je fis un rêve d’Art cette nuit-là. Ces songes qui me venaient de temps en temps excitaient ma dépendance à la magie plus qu’ils ne l’apaisaient, car, incontrôlables, ils ne m’offraient que de brefs aperçus sur d’autres personnes sans la satisfaction d’un contact complet. Or le rêve que je fis alors avait un caractère plus alléchant que d’ordinaire, car je sentis que je partageais l’esprit d’un seul individu au lieu de capter les bribes de pensées d’une foule. Ce qui apparut à la surface de mes pensées endormies tenait autant du souvenir que de la vision ; je me retrouvai tel un fantôme dans la Grand’salle de Castelcerf, pleine d’élégants et d’élégantes vêtus de leurs plus beaux atours ; des notes de musique parvenaient jusqu’à moi et j’apercevais des danseurs, mais je me déplaçais lentement parmi des gens qui conversaient entre eux. Certains se tournaient vers moi pour me saluer au - 94 -


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