Hobb,Robin-[Assassin Royal-04]Le poison de la vengeance(Assassin's Quest)(1997).French.ebook.Alexand

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marcher en nous tenant bien à l’écart de la route, rendus prudents par l’expérience ; mais nous ne rencontrâmes pas de forgisés. Une grande lune blanche nous traçait un sentier d’argent parmi les arbres. Nous nous déplacions comme une créature unique, pensant à peine, sauf pour analyser les odeurs et les bruits que nous captions. La résolution glacée qui s’était emparée de moi avait contaminé Œil-de-Nuit ; il n’était pas question de crier mes intentions sur tous les toits mais nous pouvions y songer sans nous concentrer exclusivement sur elles. C’était une envie de chasser, mais différente, alimentée par une autre sorte de faim. Cette nuit-là, nous dévorâmes les lieues sous l’œil scrutateur de la lune. Mon plan était sous-tendu par une logique militaire, une stratégie que Vérité aurait approuvée. Guillot me savait vivant ; j’ignorais s’il le révélerait aux autres membres du clan ou même à Royal ; je le soupçonnais de vouloir me vider de ma force d’Art comme Justin et Sereine avaient aspiré celle du roi Subtil : un tel rapt d’énergie devait procurer une extase obscène dont il voudrait jouir seul. J’avais aussi la quasi-certitude qu’il me chercherait sans répit, décidé à me débusquer ; il savait la terreur qu’il m’inspirait et ne s’attendrait pas à ce que je fonce vers lui, tête baissée, résolu à les tuer tous, non seulement lui et ses pairs mais Royal également. Ma rapide progression en direction de Gué-de-Négoce restait peut-être ma meilleure tactique pour me dissimuler à lui. Le pays de Bauge est réputé pour être aussi ouvert que Cerf est tourmenté et boisé. La première aube nous vit arriver dans une forêt d’un type qui ne nous était pas familier, claire et feuillue. Nous nous installâmes pour la journée dans un bosquet de bouleaux, au sommet d’une butte aux pentes douces qui dominait un grand pâturage. Pour la première fois depuis l’attaque, j’enlevai ma chemise pour examiner à la lumière du jour mon épaule meurtrie par le coup de gourdin : elle était bleu-noir et douloureuse quand j’essayais de lever le bras audessus de la tête, mais c’était tout. Une blessure sans gravité. Trois ans plus tôt, je m’en serais inquiété bien davantage ; je l’aurais bassinée à l’eau froide et y aurais appliqué un cataplasme aux herbes, pour hâter la guérison ; aujourd’hui, - 181 -


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