Comment le Valais a été grignoté. // Le Temps: 8 mai 2010

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LeTemps.ch | Comment le Valais a été grignoté

25.11.10 16:19

Territoire Samedi8 mai 2010

Comment le Valais a été grignoté Par Xavier Filliez

Une association d’architectes, d’urbanistes et de professionnels du tourisme invite, dans une exposition itinérante, à un survol topographique du canton pour en révéler sa faiblesse, trop souvent tue: le mitage Ce matin pluvieux, dans la lente valse de la rentrée en classe, les étudiants du centre de formation professionnelle de Sion se sentent-ils concernés par les slogans qui claquent sur ces panneaux d’information, dans leur grand hall gris? «Territoire mal exploité», «gaspillage d’argent public», «mauvaise planification»… Le mitage, notion si chère aux écologistes qui en font le motif de leurs oppositions en rafales à des mises à l’enquête, est raconté dans une exposition itinérante*. Dehors, les mites dévoreraient le pays valaisan comme un vieux pull-over. Pas de chalets en madriers ni de géraniums aux balcons ici. Mais des plans de zones et des photos aériennes de stations de montagne et de la plaine du Rhône, qui invitent à voir le Valais d’en haut pour mesurer l’ampleur des dégâts. A Ovronnaz, aucun doute: les résidences secondaires s’étalent comme un œuf au plat autour d’un centre qu’on ne distingue plus clairement. Ce gros plan du vieux village de Grimentz mis en contradiction avec un plan large révèle des grues et des chantiers disséminés. Le Valais vend du rêve en vieux bois et des paysages authentiques mais il a hérité de zones à bâtir surdimensionnées, 30 à 40% selon une étude fédérale, soit une réserve pour 100 000 habitants. Un mètre carré bétonné chaque seconde Les écolos ne sont pour rien dans cet accrochage, plutôt modeste, peut-être par manque de moyens et exigence de synthèse, mais qui pose les bonnes questions. C’est le groupement Altitude 1400 (LT du 05.02.2010), collectif associatif d’urbanistes, architectes, professionnels du tourisme et du développement durable qui fait la leçon. Dans ses colloques et ses conférences, le groupe a pris l’habitude de montrer l’envers de la carte postale valaisanne. Grâce à lui, les chiffres des offices fédéraux parlent à tout le monde: «En Suisse, un mètre carré de terrain est bétonné chaque seconde», provoque Lucien Barras, vice-président du groupement. Ou encore: «En Valais, on a plus construit ces quarante dernières années que depuis l’installation des premiers hommes il y a 8000 ans. Et on n’a rien vu venir…» L’architecte sédunois rappelle à notre bon souvenir un document d’archives de la TSR des années 80 qui illustrerait le caractère insidieux du phénomène. En reportage à Crans-Montana, Pierre-Pascal Rossi interrogeait alors des promoteurs sur l’avenir du développement de la région. «Ils estimaient que la station avait un potentiel de 25 000 lits au maximum. Trente ans après, il y en a 50 000.» Circonstances atténuantes

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L’erreur est humaine. Personne ou presque – à l’exception de quelques vieux fidèles de la sacro-sainte autonomie communale, des véreux promoteurs ou leurs lointains cousins dans les exécutifs – ne le conteste. Le nouveau chef du Service du développement économique, Damian Jerjen, assure en tout cas que «les communes ont pris conscience de l’enjeu». Le projet de révision partielle de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire pour limiter les résidences secondaires, en cours de traitement aux Chambres fédérales, n’est d’ailleurs pas mal vu en Valais, estime-t-il. «Avec le moratoire Cina sur l’interdiction de ventes de résidences secondaires aux étrangers, trente communes ont été invitées à prendre des dispositions, introduire des contingents ou d’autres mesures et elles l’ont fait. D’autres ont agi spontanément.» Damian Jerjen trouve quelques circonstances atténuantes à la boulimie d’homologations qui a pris le Valais par le passé. «Il faut se replacer dans la perspective des années 60. Les communes ne voulaient pas passer à côté d’un gros potentiel de développement économique, ce qui est louable. La question aujourd’hui est moins: «A quel point les réserves en zones à bâtir sont-elles surdimensionnées», que: «Ces réserves sont-elles placées au bon endroit?» Alternatives au dézonage A l’échelle fédérale, une étude de l’Office du développement territorial (ARE) répond que non: les zones rurales en sont généreusement dotées mais il en manque dans les agglomérations. Et de multiples exemples prouvent que le puzzle territorial n’est pas plus équilibré en Valais, témoin ce plan de zone de Vernamiège, qui dévoile un quartier ouvert aux constructions très à l’écart du village. Lucien Barras en fait ses choux gras. Il invoque une «perte du lien social», quitte à céder aux clichés: «Quand on ouvre une zone à bâtir, les gens construisent d’abord sur les limites extérieures, loin des centres. Avant on vivait autour du café, de la poste, du bassin. Aujourd’hui, on est en train de créer l’anti-ville, avec des conséquences financières pour la collectivité», allusion aux réseaux de routes et canalisations «démesurés» payés par le contribuable. Depuis les années 70, on a construit 60 000 km de nouvelles routes en Suisse. C’est en partie à cause de ces nouveaux quartiers et ce sera de plus en plus difficile à financer.» On ne peut résorber le mitage. Comment, au moins, le contenir? Ce n’est pas à l’exposition d’y répondre. Mais elle invite à la réflexion. Un retour en arrière par des procédures de dézonage serait intolérable pour les propriétaires fonciers. Quoique, «si les collectivités prélevaient un impôt sur les plus-values foncières (ce que permet la loi fédérale sur l’aménagement du territoire, ndlr), elles pourraient offrir un dédommagement au moment du dézonage», propose Lucien Barras. Anniviers comme modèle? «Pourquoi, au contraire, ne pas considérer cette réserve de zones à bâtir comme une bonne nouvelle et développer des instruments capables d’influencer les politiques de développement des constructions?», suggère pour sa part Damian Jerjen, invitant au «développement vers l’intérieur» par, pourquoi pas, des incitations financières à densifier les centres des villages pour éviter d’utiliser les surfaces en dehors. «Le transfert de densité pourrait aussi être un instrument, mais on n’en est pas là…» Le mitage n’est pas une fatalité. Un vol stationnaire sur quelques reliefs valaisans le prouve rapidement. Vu de là-haut, Crans-Montana occupe trois fois plus de terrain que Zermatt et produit pourtant trois fois moins de nuitées. Moralité: la station haut-valaisanne a tiré bénéfice de ses contraintes topographiques, «donc l’efficacité économique d’un modèle ne dépend pas de la taille de la station». Le val d’Anniviers a, sur ce point-là, décidé de prendre son destin en main et profite d’une réforme http://www.letemps.ch/Facet/print/Uuid/24589492-5a17-11df-b902-841ef4d1deef/Comment_le_Valais_a_été_grignoté

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institutionnelle en profondeur – la création de la nouvelle commune fusionnée d’Anniviers – pour revoir entièrement sa politique d’aménagement du territoire. Le conseiller communal (exécutif) Simon Crettaz, encore discret sur le sujet, confirme la création d’une commission d’aménagement du territoire qui ne se satisfera pas de quelques changements cosmétiques, mais d’une réforme en profondeur. Le groupe, qui n’a fait qu’une séance inaugurale pour le moment, s’offre le coaching d’Altitude 1400. Anniviers a souvent été cité en exemple. Pour la fusion précoce de ses sociétés de remontées mécaniques, son centre scolaire unique à horaire continu, et, plus récemment, la fusion des six communes. Alors que Lucien Barras présente deux images comparatives du village de Saint-Luc à cent ans d’intervalle, désormais dévoré par les résidences secondaires, la vallée pourrait-elle devenir un prototype en matière de développement territorial?

* Jusqu’au 14 mai à Sion. Du 17 au 28 mai au Centre de formation professionnelle de Martigny. Du 29 mai au 16 juillet, dans divers centres commerciaux du Valais central. Le mois de septembre à l’Espace Mont -Noble à Nax. Du 1er au 14 octobre au Relais du Grand-Saint-Bernard à Martigny. Puis dans des centres scolaires.

© 2009 Le Temps SA

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