Chapitre IV – Approche entropologique de la théorie des catégories Mais enfin, pourquoi situer ce chapitre après une première intrusion dans le domaine de la physique et non avant ? N’aurait-il pas été plus logique d’aborder le langage de la physique en premier, afin d’en parler plus clairement ? - Non, parce qu’il me fallait au préalable développer une première représentation du temps, au plus près de notre expérience et donc remonter jusqu’à Galilée. Le physicien utilise les mathématiques pour exprimer une variation dans le temps, que ce soit le mouvement d’un corps dans l’espace, ou même son évolution entropique. Mais, si j’ai bien compris ta démarche, lorsque j’écris que la distance parcourue est égale au produit de la vitesse par le temps : d = v.t, j’exprime une relation tautologique, à un niveau donné de mon Imaginaire. Tu as bien insisté sur le fait qu’en écrivant ceci, je réifie le concept de temps, et que le signe égal abolit toute dissymétrie d’ordre diachronique, à ce niveau Imaginaire, entre, par exemple : d = v.t et t.v = d. Dès lors, la question du temps reste proprement une affaire de physicien, que le mathématicien évacue en « spatialisant » le concept. D’ailleurs, la langue mathématique s’écrit plus qu’elle ne se parle. - C’est précisément pour cela qu’il nous faut revenir à ce hiatus entre l’expérience et son expression. Dès les débuts de la physique classique, c’est-à-dire avec le calcul différentiel dont Leibniz et Newton, se disputèrent la paternité, on n’a cessé de rechercher un hypothétique continu à partir du discontinu. Dès lors, le geste de Galilée rapportant l’oscillation d’un lustre à la fréquence de son pouls est dénaturé, amputé du principe d’incertitude et d’une vitesse limite qu’il porte en lui, comme nous l’avons vu. Tout ceci est enseveli sous les développements de la physique analytique. C’est le sort commun à toute fondation de disparaître au regard, non ? - Certes, et il faudra que le Réel nous réveille sèchement, avec l’expérience de Michelson & Morley ou la catastrophe ultraviolette à la fin du XIXe siècle pour les remettre à nu. Ce branle dans la physique, j’en vois le contrecoup tardif au niveau de son langage, dans le passage de la théorie des ensembles à celle des catégories, entre 1942 et 19451. Avec la théorie des ensembles, jusqu’à Bourbaki, on s’intéresse aux structures des objets que l’on manipule, pour les caractériser, puis les regrouper et en organiser l’architecture. Un peu comme le ferait un entomologiste2. Or, la théorie des catégories marque un changement de paradigme, en ce sens que l’on s’y intéresse aux relations entre les objets du discours plus qu’à leur structure. C’est une rupture qui recoupe celle qu’inaugure Saussure avec sa différence synchronie / diachronie. C’est du moins la thèse que je vais défendre ici. Es-tu sérieux ? De quelle façon pourrais-tu t’inviter ainsi dans un domaine qui dépasse complètement tes compétences ? 1
Cette théorie a été mise en place par Samuel Eilenberg et Saunders Mac Lane en 1942-1945, en lien avec la topologie algébrique, et propagée dans les années 1960-1970 en France par Alexandre Grothendieck, qui en fit une étude systématique. À la suite des travaux de William Lawvere, la théorie des catégories est utilisée depuis 1969 pour définir la logique et la théorie des ensembles ; la théorie des catégories peut donc, comme la théorie des ensembles, être considérée comme fondement des mathématiques. 2 J’emprunte cette métaphore à Albert Burroni qui l’utilise pour présenter « le concept mathématique de catégorie » lors d’un congrès.
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- Comprends-moi bien : je suis parfaitement conscient de mes limites en ce domaine, comme en bien d’autres. Aussi n’abordé-je cette théorie, que pour en tirer quelque leçon quant à notre façon d’articuler notre pensée, et tu verras combien la pêche est fructueuse de ce point de vue ! Car là encore, la pensée la plus haute renvoie aux objets les plus simples, par ce mécanisme de double extension que nous avons analysé au chapitre II. C’est parce que la théorie des catégories en vient à s’intéresser aux mouvements les plus élémentaires de la pensée, qu’en creusant ainsi qu’elle le fait les concepts mathématiques, elle atteint la couche Imaginaire où son objet élémentaire, le concept de « morphisme » lui-même, se dissocie en deux concepts « orthogonaux » qui nous ramènent in fine à l’opposition synchronie / diachronie. Ce niveau Imaginaire singulier ou s’articule la théorie en question, et en dessous duquel apparaît cette rupture est à rapprocher de celui où, en physique, le concept de temps régresse de synchronique en diachronique. En somme, le langage et son objet deviennent congruents en ce sens que référent et référé dégénèrent de la même façon. Tu comprends maintenant pourquoi je m’attache tant aux tout premiers éléments de ce langage. Soit, acceptons cette perspective sous réserve d’inventaire, mais il serait temps d’entrer dans le vif du sujet, non ? - Oui, mais pour caractériser le point d’émergence où ce concept de « morphisme » acquière une existence mathématique, il faut nous dépouiller de toute culture préalablement acquise, puisque la théorie en question est le socle sur lequel tout reconstruire. L’idéal serait de retrouver la spontanéité de l’enfant. C’est dire la difficulté de la démarche !
Morphisme : - Commençons par le plus simple : les définitions. Le concept de base, que l’on appelle un « morphisme », peut être vu comme une flèche reliant un point à un autre. Soit A et B ces points et f la flèche qui les relie. Le schéma de base est celui-ci : A f B l l Fig. 1 Ce que l’on écrit f : A = > B. • A est l’objet source ou le domaine ; • B est l’objet cible ou le codomaine ; • f est la règle ou l’application qui fait le lien entre A et B. Pour avancer un peu, nous allons prendre comme objets particuliers les ensembles finis. C’est-à-dire des collections d’éléments que je choisis de regrouper, à ma guise, par exemple l’ensemble des chaises de mon jardin ou l’ensemble des navires de la flotte française. On note habituellement une telle collection d’éléments entre crochets {John, Mary, Sam}, mais comme il n’y a pas nécessairement d’ordre particulier entre eux, on peut les représenter sous forme de diagramme : John Mary Sam Fig. 2
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Ou encore, les représenter par un point avec une étiquette, afin d’insister sur leur aspect « élémentaire » au sein de la collection : John Mary l Sam l l Fig. 3 Voire même ne retenir que la notion d’élément, en représentant chaqu’un d’eux par un simple point : l l l Fig. 4 Maintenant, à chaque élément du domaine, l’application que je définis doit faire correspondre un et un seul élément du codomaine, comme ceci : l l l l l l l l Fig. 5 On parle de ce type de représentations (Fig. 2 à 5) comme d’un diagramme « interne » du morphisme, en opposition à la représentation globale dite « externe » (Fig. 1). Quelle différence avec la définition d’une application dans la théorie des ensembles ? - C’est que l’on instaure une dissymétrie fondamentale entre les deux objets mis en relation. Chaque élément de la source A doit être mis en relation avec un et un seul élément de la cible B ; mais il n’y a aucune contrainte quand aux éléments de cette dernière. Ils peuvent avoir un seul correspondant ou aucun, ou bien l’un d’entre eux peut être l’unique cible de tous les éléments de la source. Distinction qui se perd dans la théorie des ensembles. Le geste fondateur de la théorie instaure cette dissymétrie me permettant de dire, a priori, que le concept de « morphisme » est plus primitif que celui d’application dans la théorie des ensembles ! Parce que nous avons d’emblée, dès le premier pas, cette brisure de symétrie. Et nous allons la voir se développer tout au long de la théorie comme un impact sur un pare-brise se propage en réseau. Cette nécessité de définir une et une seule cible pour chaque élément de A me rappelle le dernier aphorisme du Tractatus de Wittgenstein que tu as déjà cité, le point 7 : « Sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence». - Oui, et il faudrait en développer les conséquences. D’entrée de jeu, non seulement je choisis les éléments des objets A et B que je mets en relation, c’est dire l’importance de ma liberté, mais en plus, s’impose à moi cette nécessité de dire quelque chose à propos
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de chaque élément de A, c’est-à-dire, de porter un jugement sur ce qu’est ou n’est pas l’objet A du discours au regard de B ; ce qui implique le principe du tiers exclu. Du point de vue « entropologique », tel que présenté au chapitre II, la constitution des deux objets A et B à partir de leurs éléments (que je repérerai de façon générique par a et b) est un acte rationnel, c’est-à-dire, qu’en rapportant chaque concept A, B, a, b au niveau Imaginaire où je m’en fais une représentation, nous avons : • Ia < IA < Im • Ib < IB < Im Par ailleurs, en écrivant f : A = > B, j’indique que je rapporte un jugement sur A, en référence à une sorte de crible de mon observation, qui serait B. C’est dire que, ce jugement étant rationnel, je dois avoir : • IA < IB < Im Et donc, le mouvement défini par f, qui me porte de A vers B est diachronique. Nous avons bien ici, en dehors de toute référence explicite à une représentation du temps, la structure d’un mouvement portant de A vers B. C’est en ce sens que f est plus primitif qu’une application dans la théorie des ensembles. C’est en ce sens que le langage du physicien et son expérience intime de l’objet sont congruents. Ceci dit, et bien établi, nous pouvons avancer d’un pas et mettre la nécessité des deux principes que nous venons d’évoquer, à savoir l’axiome de choix et le principe du tiers exclu, eux-mêmes dans une perspective « entropologique ». Retour sur la notion de choix : Tout d’abord il nous faut revenir à la définition d’un objet quelconque. Outre le nom qui le désigne (soit A), ce dernier est défini par la donnée de ses éléments constitutifs (soit a). En restant dans la Catégorie des ensembles finis, il n’y a pas de problème particulier pour produire cet objet A. Maintenant qu’en est-il des éléments a eux-mêmes ? La réponse entropologique que nous donnons est évidemment du même ordre : nous pouvons construire a à partir de ses éléments constitutifs. Nommons α ces derniers. Notre approche nous conduit à dire que la représentation de a se construit sur un mode similaire à celle de A et nous avons donc Ia < IA < Im, ainsi que I < Ia < Im. Si nous limitons notre discours au mode rationnel que nous adoptons ici, on voit bien que la représentation de A se fait pas à pas, selon un processus récurrent : I < Ia < IA < Im. En langage ensembliste, c’est dire que l’objet A est un ensemble d’ensembles. Nous ajoutons que toute création d’un objet est, en-soi, le fruit d’une construction indéfinie, sinon infinie, car il n’y a aucune limite imaginable à la décomposition d’un objet en éléments, seulement interrompue de façon aléatoire par l’irruption du Réel. Nous avons une régression potentiellement infinie, construite à l’aide d’une procédure fractale (i.e. : un mouvement élémentaire associant deux concepts, l’un synchronique, l’autre diachronique). Cette infinitude nous oblige à interrompre arbitrairement la chaîne des définitions de l’objet A part un acte de volonté, un choix délibéré de notre part3 ; sauf à être interrompu dans ce processus par le Réel lui-même, sous forme de trauma. Mais qu’en est-il de la nécessité ou non d’avoir recours à l’axiome de choix en mathématiques ? α
α
3 Nous y reviendrons plus loin, après avoir parlé des sections et de l’idempotence.
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- Je vais te répondre en resituant cette question dans notre perspective entropologique. Comme j’espère l’avoir exposé clairement, de notre point de vue, la question est tranchée : la représentation de l’objet A implique le désir du sujet, et donc son libre arbitre pour exercer son choix : je choisis l’objet A de mon attention, et sinon A luimême, tout du moins ses éléments constitutifs en m’arrêtant de décomposer l’objet à un certain niveau élémentaire. Pour en rester à notre premier exemple {John, Mary, Sam}, que j’ai repris tel quel du livre de « Conceptual Mathematics » en hommage aux auteurs, F. William Lawvere et Stephen H. Schanuel ; ces derniers en gardent la propriété intellectuelle puisqu’ils l’on créé pour les besoins de leur exposé. C’est dire à quel point l’Objet est la création du Sujet, même si ça reste implicite. Or, le mathématicien pointe le fait que pour certaines constructions d’ensembles infinis il est nécessaire de postuler explicitement la possibilité de faire un choix pour les constituer. Bertrand Russel propose cette métaphore pour exposer le problème : « Pour choisir une chaussette plutôt que l’autre pour chaque paire d’une collection infinie, on a besoin de l’axiome du choix. Mais pour les chaussures, ce n’est pas la peine. » Qu’est-ce à dire ? Je constate que la chaussure droite se distingue "de soi-même" de la gauche dans chaque paire considérée. • Soit Iélément le niveau Imaginaire où je discerne le concept « chaussure » ; • Soit Ipaire celui où je forme le concept « paire de chaussures » ; • Alors je suis, en Im, dans la position rationnelle Iélément < Ipaire < Im ; Maintenant, ce qui est passé sous silence dans cette opération, c’est que la paire en question est constituée d’une chaussure droite et d’une chaussure gauche. Autrement dit, j’élude une règle implicite qui serait : « une paire = un élément droit + un élément gauche », en référence à la connaissance que j’ai de l’anatomie humaine : une chaussure droite va au pied droit, une gauche au pied gauche. Soit Irègle le niveau Imaginaire qui règle cette question. Nous avons Iélément < Ipaire < Irègle < Im. Bien, maintenant, lorsque je choisis une chaussette parmi une infinité d’éléments identiques (je me limite ici au critère gauche/droite) je n’ai aucun guide qui m’indique « à l’évidence » comment former « une paire de chaussettes ». La règle précédente Irègle n’offre plus de repère et je régresse dans mon discours : Iélément < Ipaire < Irègle < Im => Iélément < Ipaire < Im. C’est ce que nous avons appelé une descente diachronique. Je régresse ainsi dans mon Imaginaire, et le niveau auquel je référais jusqu’alors mon discours (en l’espèce Irègle) disparaît. Je ne peux donc plus en référer qu’à moi-même, en Im, pour définir ce qu’est « une paire ». Lorsqu’en dernier ressort je rapporte un discours dit rationnel, à moi-même (i.e. : le Moi étant encore en position ex post), alors l’axiome de choix s’impose. C’est prendre en compte la possibilité d’une indétermination, qui est ici purement et simplement l’expression de ma liberté. Je dis que telle et telle chaussette forment une paire parce que tel est mon bon plaisir, ou poussé par la nécessité de ranger ma lessive d’une façon ou d’une autre. Cette façon de voir recoupe, me semble-t-il le discours du mathématicien. Il est intéressant de constater que cet axiome dit AC, qui est indépendant des autres (dits ZF en souvenir de Zermelo & Fraenkel) dans la théorie des ensembles, devient nécessaire dès l’origine de la théorie des Catégories. On retrouve là notre rupture de symétrie précédente. © Alain SIMON
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Maintenant, pour aller au plus près de ce qu’est un choix, il faut voir, derrière son expression synchronique, mathématique, l’action décrite : c’est-à-dire un saut diachronique entre un niveau Imaginaire Ia et celui qui le contextualise IA, lorsque ce dernier ne dépend que de mon libre arbitre : « je choisis arbitrairement a dans A » ⇔ IA < Im. Qu’as-tu en tête lorsque tu écris : « le Moi étant encore en position ex post » ? - Tout simplement que nous atteignons ici à la limite de la rationalité. Le choix de a reste rationnel (rapporté à A), mais je n’ai d’autre guide que moi-même (en Im) quant à la définition de A lui-même à partir de ses éléments a. Si je descends Im d’un cran, j’obtiens ceci : Ia < IA < Im < DM = > Ia < Im < IA < DM Le sujet Im passe en position ex ante, par rapport à ce niveau IA qui n’est plus dicible. Le sujet Im n’a plus de repère rationnel pour choisir les éléments a. Son choix change de nature : • Dans un premier temps, il choisissait selon son envie deux chaussettes pour faire « une paire » ; • Après cette descente, il doit également choisir ce qu’il veut faire de ces chaussettes : des torchons, des patins ou des guirlandes, que sais-je encore. Si j’ai bien suivi, pour qu’à partir de cette dernière situation le sujet puisse imaginer A, il faudrait un acte de création pur, et en revenir à la forme canonique des mythes ? - Uniquement si le sujet n’avait jamais conçu A antérieurement, ce qui n’est pas le cas général. Il s’agirait plutôt ici d’une remémoration. Tu ramènes à la conscience les objets sur lesquels tu vas exercer ta réflexion, c’est le « il était une fois » des contes de fées, ou le quantificateur existentiel ∃, par lequel le mathématicien commence son discours : ∃ A. C’est également les déclarations de variables que doit faire l’informaticien, en tête d’un programme. Nous y reviendrons bientôt en détail. Retour sur le principe du tiers exclu J’anticipe un peu sur la logique qui peut être définie à l’aide de la théorie des catégories. Nous verrons en particulier qu’il est possible de définir des logiques non booléennes, où l’on peut, à côté du oui/non élémentaire, prendre en compte des réponses intermédiaires telles que presque ou pas encore. Une telle construction s’opère à l’aide d’objets plus complexes que les ensembles finis : les graphes. Mais sans entrer dans les détails, il me semble nécessaire d’aborder la logique immédiatement après l’axiome de choix pour faire ressortir la relativité du discours, sous un angle différent. À la base, nous avons donc notre principe dichotomique : nous cherchons primitivement à classer les objets par paires de contraires. Ce principe est respecté par la théorie des catégories puisque l’on distingue, pour un objet donné, s’il est en position de domaine ou de codomaine. Ensuite vient notre principe de non-contradiction, selon lequel « Il est impossible qu’un même attribut appartienne et n’appartienne pas en même temps et sous le même rapport à une même chose. » Sauf qu’en l’occurrence, dans une relation autoréférente, tu peux avoir un objet A vu comme domaine et codomaine avec : A f A l l Fig. 6 N’est-ce pas dire que l’objet A est deux choses à la fois : domaine et codomaine ? © Alain SIMON
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• Eh non justement, car il n’est pas l’un et l’autre en même temps ! Lorsque A passe de source à cible, il y a ce mouvement diachronique f qui change notre propre point de vue concernant A. En ce sens la distinction domaine/codomaine respecte le principe de non-contradiction. Par ailleurs, nous avons vu qu’à chaque élément du domaine est associé un élément et un seul du codomaine. Là, c’est directement le principe du tiers exclu qui est mis en œuvre : dire que l’on assigne b à a, c’est dire que l’on ne lui assigne aucun des autres éléments de B. Bien, en creusant un peu la question4, il apparaît que ce principe ne peut pas être déduit de notre logique élémentaire, et qu’il s’agit donc d’un axiome. Nous pourrions dire qu’il s’agit d’un choix tel que nous venons de le définir, si nous pouvions envisager, à ce stade de la réflexion, d’autres logiques potentielles. Or, à l’époque d’Aristote, il s’agissait plutôt d’une création : grâce à la logique, Aristote organise ses raisonnements, et nous revenons sans cesse à ce geste inaugural qui marque toute notre culture occidentale : ordo ab chao. Le geste créateur serait en l’occurrence chao-1. Le refus, la négation ou la déconstruction du chaos étant alors (c’est la seconde inversion) dans cette création mythique, le moteur Symbolique, donc immobile des anciens. Tu nous fait un cours de thermodynamique ou de philo ? - Désolé pour ce commentaire border line, mais comment taire cette évidence qui suinte par tous les pores de mon Symbolisme occidental? Toujours est-il qu’à un moment ou un autre de notre développement intellectuel, Aristote s’impose à nous. La théorie des catégories s’appuie donc pleinement, dès sa constitution, sur un principe du tiers exclu, qu’elle ne peut choisir puisqu’il s’impose à elle, intériorisé au niveau Symbolique. En faisant des mathématiques, implicitement ou explicitement, nous utilisons cet axiome : • Soit Ib le niveau où émerge la logique binaire, celui où s’énonce : ∃ (axiome du tiers exclu) ; • Soit It le niveau où s’explicite la définition d’un morphisme ; • Soit Im ma propre position Imaginaire, d’où je tiens mon discours. Puisque je fonde ma démarche à partir de la logique binaire, tout le reste en dépend, et j’en déduis que It < Ib < Im. Maintenant, j’ai avancé qu’il est possible à partir de la théorie des catégories de construire une logique plus large que la logique binaire. Soit Inb le niveau Imaginaire auquel cette logique peut s’exprimer. Nous avons par définition : Inb < It < Ib < Im Or, en-deçà (ou antérieurement à) tout ce verni culturel qui craque à la moindre occasion, rien n’est plus contraire à l’expérience sensible que cette logique binaire ; j’arrête d’instinct mes jugements et mes choix d’une façon bien plus complexe. Si par exemple je porte un jugement négatif sur Hitler, le fait que Staline fût son ennemi, fait-il de ce dernier mon ami ? Certes pas ! De même si une femme aime d’un même cœur son mari et son amant, il n’est pas dit que les cocus concernés s’aiment d’un amour sans partage… Mais ceci ne m’empêche pas de me considérer comme une personne « raisonnable ». C’est dire que faute d’une idée claire de la logique qui guide mes choix, j’en suppose l’existence, au-delà de mon discours. Le « parce que c’est comme ça », du père pris en défaut par la rhétorique de son enfant, se réfère à un principe explicatif (i.e. : non booléen que nous repérons en Inb) transcendant sa personne. Autrement dit, il 4
Voir par exemple le cours de logique d'Alain Prouté note 38 page 35.
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est en position ex ante par rapport à celui-ci, relégué dans son système Symbolique. La justification de son discours (soit Ix) prend deux formes : • Ix < Im < S : le discours du sujet se justifiant : « parce que c’est comme ça » ou « Dieu le veut » ; • Ix < Im < Inb < DM : le discours tel que moi, hors cadre, je peux en rendre compte : « Im utilise une logique Inb plus riche que celle du tiers exclu ». Et tu vois tout de suite l’ambiguïté d’une telle logique non binaire : • Suivant notre premier discours, axé sur le principe du tiers exclu, je peux arriver à une situation telle que Inb < Ib < Im • Si je m’intéresse au développement historique des idées, il y a un moment où un saut diachronique nous a fait créer le principe du tiers exclu pour organiser nos discours rationnels. Ce saut s’exprime ainsi : Im < Inb < DM => Ib < Im < DM Autrement dit, une logique plus large – non booléenne – s’est restreinte au principe du tiers exclu, à partir duquel nous recherchons la logique d’où il est issu… Im < Inb < DM => Ib < Im < DM => Inb < Ib < Im < DM Qu’est-ce à dire ? Tout simplement qu’en créant ce principe du tiers exclu, Aristote a initié une montée diachronique, qui me permet de rationaliser, rétroactivement, cette pensée primitive. Montée qui se résume ainsi : Im < Inb < DM = > Inb < […] < Im < DM Tu vois là encore cette double démarche par laquelle Im s’élève en changeant de posture (i.e. : passage ex ante => ex post), en même temps que l’objet de son attention se rapproche du Réel… Ceci étant bien en place, si l’énoncé de la logique binaire est un discours synchronique, son objet est purement diachronique. Lorsque je choisis 1 à l’exclusion de 0 ou l’inverse dans la paire {0 ; 1}, il s’agit bien de ramener un jugement sur un élément (soit 0, soit 1), à une base constituée de la paire {0 ; 1} qui est la base la plus élémentaire qui m’aide à m’informer (la pure dichotomie). Autrement dit le principe du tiers exclu caractérise les choix que nous faisons, comme de choisir des chaussettes pour former une paire. En résumé, la création d’un morphisme se caractérise : • Par une opposition primaire entre concept duals : objet / relation <=> synchronie / diachronie • Sous l’aspect synchronique : Par le principe dichotomique de Lévi-Strauss, lorsque je constitue les objets du morphisme en une paire duale : domaine / codomaine ; • Sous l’aspect diachronique : Par le principe du tiers exclu que j’utilise : • Pour choisir les éléments des objets mis en relation ; • Pour mettre en relation les éléments du domaine avec ceux du codomaine. C’est dire combien cette théorie est au plus près du sujet, puisque je rapporte directement au sujet chacun des deux concepts élémentaires qui ensemble permettent de créer un morphisme. Maintenant, pour en parler, ou plutôt, pour le tracer sur une feuille de papier, il faut bien que je me représente l’ensemble des éléments A, B, a, b, et f au même niveau Imaginaire, que je nommerai IAB. Je réifie f de même que le physicien réifie le temps en écrivant ses équations.
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Fig XXX Tu remarqueras que le discours ne s’organise qu’à patir du repérage des objets A et B, rien n’est dit de la position relative de leurs éléments constitutifs. Il semble que tu n’as rien gagné dans l’affaire, puisque tu te trouves devant la même nécessité que dans la théorie des ensembles. - Tu oublies l’important : j’ai rapporté le concept élémentaire de morphisme au niveau IAB, immédiatement au sujet lui-même. Sous ce niveau IAB, le morphisme se déstructure entre concepts diachronique (f) et synchroniques (A, B, a, b). Autrement dit je ne peux pas faire plus simple, sans basculer en position ex ante, ce qui voudrait dire abandonner une position rationnelle (i.e. : IAB < Im) pour rapporter mon discours (i.e. : un jugement porté sur A relativement aux critère B) à une vérité transcendante (i.e. : Im < IAB < DM). La théorie des ensembles, qui peut être reconstruite à partir de là (i.e. : Iensembles < Icatégories < Im), n’est qu’une Catégorie particulière parmi d’autres. Ton trouble vient de ce que dans cette présentation, j’utilise la Catégorie des ensembles finis, qui est la plus simple d’entre toutes. Il me semble cependant que ton approche de la théorie des Catégories est en contradiction avec les premiers éléments de mathématiques que tu nous as présentés, dans le chapitre précédent, pour introduire le temps et la stabilité. Tu disais que l’image d’une allumette « existe », lorsque tu la fais surgir du Réel, pour l’exposer à ton Imaginaire. Or, ici, l’existence est plutôt présentée comme venant du Symbolique. Dans un cas, il y a ascension diachronique, dans l’autre descente, ou plus précisément : changement de posture du Sujet. - Oui, c’est en effet le moment de revenir sur la représentation de l’objet. Cela me donnera l’occasion d’introduire le morphisme identité et le singleton, qui sont parmi les outils les plus fondamentaux de la théorie.
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Les instances de l’objet : Lemme : Je suis désolé d’avoir à me répéter, mais il faut absolument garder à l’esprit que nous ne connaissons rien, ni du Réel, ni du Symbolique qui bordent notre Imaginaire, de même qu’au théâtre le spectateur n’a que la scène (Imaginaire) devant lui, sans accès au jardin (le Réel) ni à la cours (le Symbolique). La seule différence concrète entre les deux tient à l’expérience que nous en avons, c’est-à-dire à la différence de posture de l’acteur, se tournant d’un côté ou de l’autre. Je suis en position ex post par rapport à un référé Réel de mon discours, et en position ex ante par rapport à un référé Symbolique, comme l’acteur se tourne à ma gauche vers le côté jardin et à ma droite vers le côté cours. Mais cette rupture de symétrie lorsque qu’il dirige son attention d’un côté ou de l’autre n’est qu’Imaginaire, elle ne tient qu’à ma propre expérience. Je n’ai même aucune théorie concernant une éventuelle différence entre R et S, d’où le gag bien connu de l’échelle sans fin : un clown arrive sur scène côté jardin portant une échelle par son extrémité, traverse la scène, sort du côté cours, l’échelle traversant la scène, puis le même clown revient par le côté jardin à l’autre bout de cette même échelle : rien n’est dit de ce qui se passe en coulisse pour que le tour soit possible ! Existence de l’objet : Revenons maintenant à ces allumettes que je tire d’une boîte hors de ma vue. Physiquement, si je puis dire, je fais bien le geste de prendre quelque chose pour l’amener à mon regard et me dire : c’est une allumette. J’ai dit que l’existence de cette dernière – pour moi, dans mon expérience - tient à ce passage du Réel à l’Imaginaire. Bien, maintenant, si nous nous intéressons au langage employé pour décrire cette expérience, il faut bien convenir qu’en faisant ce geste, je ne fais pas une grande découverte. D’autant moins que tout ceci est préparé : il s’agit ici d’une expérience de pensée réalisée dans un but précis. C’est dire qu’en voyant cette allumette j’ai déjà en mémoire, à ma disposition, le mot qui la désigne. Tu en restes à la réminiscence de Platon, dans le Menon ? - Oui, tout à fait. Dans cet exercice, le trauma de l’expérience est très faible, juste l’énergie à déployer pour manier cet objet et traiter l’image renvoyée par mes yeux. Je ne suis pas réellement surpris par ce que j’extrais de ma boîte : je m’y attendais et tout mon corps y était préparé. Donc, en même temps que le Sujet physicien récupère quelque chose du Réel, du côté jardin de la scène pour en faire l’expérience, le Sujet mathématicien cherche le mot du côté cours, pour en parler, le faire advenir dans le plan de son discours, de la façon que nous venons de voir ; un peu comme si l’on installait un miroir sur la scène et que notre mathématicien soit le reflet du physicien, le Symbolique celui du Réel. Maintenant que nous nous intéressons au langage lui-même, nous pouvons oublier l’aspect physique de l’objet. Gardons juste à l’esprit que cette différence de sens du concept d’existence, pour le physicien, ou pour le mathématicien, laisse place à un possible hiatus entre les deux approches, lorsque le mot de celui-ci manque à représenter l’expérience de celui-là, lorsque, comme dit Lacan « le mot me manque ». C’est à partir de là, et pour combler ce fossé, qu’il faut un acte de création, ne relevant plus de la réminiscence, mais de la forme canonique. Ceci étant précisé, il est temps de mettre en perspective les deux outils fondamentaux de la théorie qui sont liés à la définition des objets.
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Morphisme identité Un endomorphisme est un morphisme dont le domaine et le codomaine sont le même objet. Soit par exemple un objet A {Mary, John, Sam} avec la fonction g « préfère » : • John préfère Mary, • Mary préfère John • Sam préfère Mary Ce que l’on peut représenter par :
figure x ou bien, en plus concis :
figure y
Il y a un endomorphisme particulièrement simple et d’un intérêt tout particulier, c’est l’endomorphisme « identité » qui à chaque élément a de A renvoie ce même élément : f (a) = a :
figure z ou encore :
figure a
Ce morphisme identité s’écrit plus simplement encore, de façon générique : 1A. Mais que signifie pour toi, d’un point de vue « entropologique », cette notion d’identité de A ? - Reprenons, si tu le veux bien la genèse de notre objet A.
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Dans un premier temps, j’affirme son existence : ∃ A, à un niveau du discours qui est directement conditionné par le Sujet : IA < Im. Mais ce n’est pas un niveau permettant d’échanger avec un tiers, puisque la raison du sujet n’en réfère qu’au son libre arbitre. Personne ne peut me contester ∃ A. Il existe une allumette, il était une fois la fée Clochette, c’est du pareil au même. Au demeurant, j’avoue n’avoir jamais réellement tiré d’allumettes pour faire ma démonstration… Pour commencer à raisonner, faire un travail de mathématicien, qui puisse être réfuté par d’autres, il faut que j’explicite les règles qui règlent mon discours. De même que nous avons explicité la règle qui fait qu’une paire de chaussures se compose d’une chaussure droite et d’une chaussure gauche. C’est le rôle de cette fonction identité : en dédoublant A en domaine et codomaine, je prends un recul par rapport à l’objet A que je viens de faire exister : Je rapporte A-domaine à A-codomaine avec la règle f (a) = a. IA-domaine < IA-codomaine < Im. Tu reconnaitras dans cette structure, la base nécessaire à un raisonnement « rationnel », permettant la communication avec un tiers. Certes, au niveau global de l’existence de A, mais quid des éléments a de A ? - C’est là qu’intervient le singleton. Morphisme singleton Je te disais en préambule avoir beaucoup appris de cette théorie. Eh bien, ce qui suit est peut-être ce qui m’a le plus troublé. J’ai retrouvé là l’étonnement ressenti en voyant mon camarade d’hypotaupe inverser une matrice ! Une première façon de penser l’appartenance de a à A, c’est à la manière de la théorie des ensembles : sous forme d’objets s’emboîtant les uns dans les autres comme des poupées Russes. Pour en revenir à mes allumettes, je décomptais les allers-retours entre ma boîte et ma table pour arriver à la notion de nombre : 1 fois, 2 fois etc. Dans ce mouvement, le concept synchronique, ce sont les allumettes, et le concept diachronique les « sauts » entre la boîte et la table. Bref : avec ma culture de physicien je m’imaginais manipuler des « objets » ; éludant cet instant improbable où l’allumette s’extrait d’un Réel qui nous échappe à jamais pour exister en prenant sens à mes yeux. La théorie des Catégories envisage les choses d’une autre façon, que je qualifierai d’orthogonale. Considère un objet constitué d’un seul élément, par exemple « me ». C’est l’objet le plus simple : un singleton que nous appellerons 1. Maintenant, à partir de cet objet pris comme domaine, et {Mary, John, Sam} comme codomaine, tu appliques à l’aide d’une règle particulière l’unique élément de ton singleton à chacun des éléments de la cible :
figure b
Tu as exactement trois règles différentes (i.e. :’John’, ’Mary’, ’Sam’) pour appliquer « me » à l’un des éléments de la cible. Tu vois que par rapport à ma précédente approche le concept diachronique devient synchronique et vis versa. Au lieu de tirer une allumette de ma boîte, j’« allumette » le concept « 1 ». © Alain SIMON
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Ce n’est plus chuck Norris qui plonge dans la mer, c’est la mer qui se Chuck Norrise. - Si tu veux, mais plus sérieusement, ce changement de perspective pousse notre « entropologie » jusque dans ses derniers retranchements ! Il faut bien voir, tout d’abord, que je ne peux pas fonder un langage directement à partir du Réel. En effet, nous avons posé comme premier une pulsion issue de R, pour produire une représentation en Ix, avec : • Pulsion diachronique entre R et Ix ; • Niveau synchronique de la représentation Ix ; • Position ex post du Sujet : R < Ix < Im. C’est une interprétation un peu rapide des choses, qui a eu le mérite de présenter simplement la stabilisation progressive des concepts à partir de la répétition, ce que nous avons appelé une stabilité de type temporelle, mais cet Im, ne peut émerger comme ça des simples expériences qu’il a du Réel : dire que nous sommes des êtres de langage, c’est reconnaître que Im ne peut advenir qu’en référence au Symbolique ! Ce que le physicien oublie… L’expérience peut être intime, mais n’est pas en soi un discours que je puisse partager « rationnellement ». Un chien, par exemple peut faire l’expérience d’une chose noire qui le suit et le singe grossièrement lorsqu’il bouge, mais il en reste là. Nous venons de voir comment l’expérience physique se double de sa représentation, (c.-à-d. l’objet mathématique) par le haut, du côté Symbolique. Ensuite, nous avons compris le morphisme identité comme la façon élémentaire de prendre le recul nécessaire par rapport à l’objet mathématique A, pour en avoir une représentation rationnelle, en fonction de critères donnés B. Le seul élément non rationnel qui nous reste, c’est ce saut initial Imaginaire faisant passer le Sujet de position ex ante à ex post, autrement dit le concept diachronique grâce auquel notre objet vient à la conscience, à savoir le quantificateur existentiel ∃ luimême ! Or, tu vois bien que ce premier mouvement : « ∃ A » reste bancal, car ce n’est pas un morphisme : il manque un codomaine auquel rapporter l’objet A, tout simplement parce qu’un tel codomaine serait situé dans le Symbolique, au-delà du Sujet (i.e. : ce dernier en position ex ante). Ne peut-on pas contourner l’obstacle en définissant A par ses éléments a ? - Cela ne résoud rien, car tu ne fais que reporter le problème à « ∃ a », qui est luimême un objet… Non, pour véritablement s’en sortir, il faut au minimum supposer, une fois pour toutes l’existence d’un objet minimal, c’est-à-dire un objet constitué d’un seul élément. Et cet élément, quel est-il ? - C’est toute la beauté de la chose : on s’en fiche. Le concept fondateur c’est l’unicité de l’élément qui caractérise notre objet singleton, et non sa nature. N’oublie pas que nous nous intéressons ici aux formes et aux liaisons entre objets, et non à une quelconque substance des objets eux-mêmes. En fait, cet élément « 1 », pur produit de l’acte du mathématicien qui l’a conçu (∃ 1), peut être vu comme la représentation dans le langage mathématique de l’acte du physicien qui fait advenir un objet à sa vue. En ce sens, nous retrouvons d’une façon plus formelle, la façon intuitive que nous avions de repérer chaque « tirage » d’une allumette en faisant une marque à chaque occurrence du geste. Ce « 1 » ; c’est la marque (synchronique) de mon geste (diachronique). Bon, d’accord, tu retombes sur tes pieds ; mais qu’en est-il du principe selon lequel tout concept ne pourrait être que dual ? - Mais il est toujours là : il me suffit de prendre le recul nécessaire pour prendre cet objet élémentaire comme source et cible du morphisme identité : f (1) = 1 © Alain SIMON
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1 l
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1 l
Fig. f Mais enfin, où est passé ton doublet élémentaire {0 ; 1}, celui qui sert de base à tout système d’information ? - Je vois que tu n’as pas encore saisi le principe du raisonnement. Il suffit de définir un morphisme avec le singleton {1} comme domaine et le doublet {0 ; 1} comme codomaine. Il y a deux et seulement deux applications possibles, que l’on peut appeler f = « 0 » et g = « 1 », ce qui te donne : • f (1) = 0 = > 0 x 1 = 0 ; • g (1) = 1 = > 1 x 1 = 1. Tu vois par là que la théorie des Catégories décrit le mouvement qui génère l’information, c’est-à-dire le choix primaire entre 0 et 1 sur lequel s’appuie et se développe ensuite toute la théorie de l’information. Le pas considérable, c’est d’être passé d’une opposition diachronique impossible entre « ∃ A » (de l’ordre de l’Imaginaire) et « inexistence de A » qui donnerait : « ¬(∃ A) » (de l’ordre du Symbolique puisque cette expression se réfère à un concept contradictoire ou indécidable : l’affirmation simultanée de A et de son inexistence) à une représentation Imaginaire synchronique (i.e. : l’opposition dialectique 0/1). Tu te sers malgré tout du concept du zéro ou du vide… - Dans mon exemple, le 0 est effectivement un élément, au même titre que le 1. Mais l’on peut, au-delà de cette représentation, arriver à la notion d’objet « vide » d’élément. En effet, de même que l’on a régressé du concept de substance (i.e. : synchronique) de l’élément d’un singleton, à la règle qui l’applique à l’un de ceux du codomaine (i.e. : diachronique), il est possible de caractériser l’absence d’élément dans l’objet vide, par l’absence de règle entre ce dernier et un quelconque objet cible. Mais est-ce encore un morphisme ? - Oui en imaginant un objet vide d’élément : A ={}. Souviens-tu que la règle s’applique à chacun des éléments de A, s’il n’y a plus d’élément, il n’y a plus de règle… Autrement dit :
Fig. hhhh
reste un morphisme malgré l’absence de lien entre A et B, Et l’on peut donc régresser d’une notion de vide objectivé, notre « 0 » (i.e. : synchronique) , à une « absence » de relation de type diachronique. Mais cette régression nous met alors dans l’impossibilité d’expliciter l’identité de A ={} ! Comme tu le vois, même en réifiant le concept de vide pour le représenter par l’élément « 0 », il reste toujours un décalage d’ordre diachronique entre les objets {} et 1 car une formule du genre ∃{}, renvoyant à un référé Symbolique (i.e. : indécidable), autrement dit en référence directe à Im ne peut s’en émancier, contrairement à ∃1 grâce à l’emploi de l’isomorphisme identité 11. Nous verrons comment se développe cette différence lorsque nous aborderons les notions d’objet premier et dernier… L’alpha et l’oméga ? © Alain SIMON
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- Oui, si tu veux faire un clin d’œil aux philosophes… Mais revenons à nos deux morphismes utilisant 1 et {0 ; 1} respectivement comme domaine et codomaine. À partir de là, il est possible de reconstruire l’ensemble des entiers naturels, et la notion d’addition. Je ne m’y attarderai pas car nous ne ferions que formaliser ce qui a été avancé naïvement avec nos allumettes. Par contre, l’une des conséquences majeures de cette représentation est de modifier celle du temps. Ce qui était de l’ordre de la succession dans l’expérience physique commune, devient un choix entre états potentiels, et ceci entre directement dans le champ de notre réflexion. Explique un peu, je décroche. - Lorsque Galilée rapporte une fréquence de battement à son propre pouls, il fait un décompte. De là il peut parler de vitesse associée au principe d’inertie, comme nous l’avons vu. Newton ira plus loin et décrira les conditions de variations du mouvement. Mais nous sommes toujours dans l’ordre de la succession, associé à une conception temporelle de la stabilité (i.e. : je lance en l’air une pièce et j’attends qu’elle retombe pour voir si j’ai tiré pile ou face). Mais tu vois bien qu’en représentant ce jeu de pile ou face à l’aide de deux morphismes entre un singleton 1 et un doublet {0 ; 1}, j’ai le choix d’actualiser l’une ou l’autre des fonctions f ou g qui, chacune, décrit une action potentielle. La stabilité que je peux construire à partir de là n’est plus d’ordre temporelle, mais structurelle, au sens que j’ai donné à ces termes (i.e. : j’ai accès à l’ensemble des états potentiels immédiatement). C’est toute la démarche de Fermi en optique (le choix du plus court chemin), de Maupertuis en mécanique (le choix de moindre action), repris et développé ensuite par Lagrange et Hamilton, ou de Boltzmann en thermodynamique (l’état de plus faible énergie)… C’est pourquoi je dis que la représentation de l’expérience physique par le langage mathématique lui est d’une certaine façon « orthogonale ». Le passage de l’expérience à sa représentation n’est pas uniquement de l’ordre d’une « montée diachronique d’un niveau synchronique à l’autre », mais nécessite la réification des concepts (ou référés) diachroniques en expressions (ou référents) synchroniques. Eh bien, tout ceci est admirablement pris en compte, de la façon la plus élégante qui soit par la théorie des Catégories. Mieux : elle nous éclaire sur les voies de notre entendement. Soit, mais nous n’avons pas beaucoup avancé dans la théorie elle-même ! - Sans doute, mais il importait de vérifier si, dans ces premières définitions, il y avait un hiatus ou non entre cette théorie et notre démarche « entropologique ». Il semble au contraire qu’elle nous permette de l’approfondir. Ceci était fait, nous pouvons maintenant parler des règles de composition des morphismes.
Règle de composition des morphismes : Composition des morphismes : Il n’y a aucune difficulté particulière à comprendre ce qu’est une composition de morphismes. Soit, pour reprendre l’exemple des auteurs que nous suivons jusqu’à présent, un premier endomorphisme définissant les préférences de chacun au sein de notre groupe de référence {John, Mary, Sam} et un second morphisme définissant les goûts de chacun en matière de petit déjeuner c’est à dire leur choix parmi les éléments suivants : {eggs,
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toasts, oatmeal, coffe}, que je ne traduirais pas puisque le sens précis des éléments en question n’est qu’anecdotique. Nous avons donc d’une part : A g A l l
Fig. bbbbb
et d’autre part : A l
f
B l
Fig. ccccc Maintenant, nous pouvons nous poser la question suivante : « qu’est-ce que chacun des éléments de A prendrait en B pour l’offrir à son ami dans A ?». Ce qui nous donnerait le schéma suivant :
Fig.vvvvv
Nous avons ainsi composé deux applications simples, que l’on écrit f ο g, en convenant de lire l’ordre des applications de droite à gauche : g est effectué en premier. Ce qui nous donne :
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A l
fÎżg
B l
Fig. nnnn
Il nâ&#x20AC;&#x2122;y a lĂ rien de bien nouveau par rapport Ă la thĂŠorie des ensembles ! - Eh bien si, car nous avons une petite difficultĂŠ qui tient prĂŠcisĂŠment Ă la distinction originelle entre domaine et codomaine. Le A, codomaine de lâ&#x20AC;&#x2122;application g passe en position de domaine dans lâ&#x20AC;&#x2122;application suivante fâ&#x20AC;Ś Et alors ? - Eh bien la nature de ce mouvement nâ&#x20AC;&#x2122;est pas pris en compte par la thĂŠorie. Nous verrons mieux la difficultĂŠ une fois que jâ&#x20AC;&#x2122;aurai exposĂŠ les règles dâ&#x20AC;&#x2122;identitĂŠ qui sont au nombre de deux. Règles dâ&#x20AC;&#x2122;identitĂŠ : La thĂŠorie des CatĂŠgories distingue une identitĂŠ Ă droite et une Ă gauche : 1. Si đ??´
!! !
đ??´
!
!!
đ??ľ
alors : đ??´
2. Si đ??´ đ??ľ đ??ľ alors : đ??´ Ce que lâ&#x20AC;&#x2122;on peut schĂŠmatiser ainsi :
! ! !! ! ! !! ! ! !!
đ??ľ đ??ľ
Maintenant, reprend ce que nous venons de dire concernant lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠmergence par paliers de chacun des objets A et B, Ă un niveau tel que nous puissions ĂŠtablir un rapport entre les deux au niveau IAB ; â&#x20AC;˘ Premier temps : dĂŠclaration dâ&#x20AC;&#x2122;existence : â&#x2C6;&#x192; A, â&#x2C6;&#x192; B, directement rapportĂŠ au bon vouloir de Im ; â&#x20AC;˘ Second temps : Rationalisation du discours : o 1A (a) = a avec A comme domaine et codomaine de 1A ; o 1B (b) = b avec B comme domaine et codomaine de 1b. Je te suis, mais jâ&#x20AC;&#x2122;ai lâ&#x20AC;&#x2122;impression que tu te rĂŠpètes, oĂš veux-tu en venir ? - Ă&#x20AC; ceci : Une fois que jâ&#x20AC;&#x2122;ai appliquĂŠ 1A Ă A, câ&#x20AC;&#x2122;est Ă dire que je lâ&#x20AC;&#x2122;ai considĂŠrĂŠ A comme domaine et ensuite codomaine, je nâ&#x20AC;&#x2122;ai aucune difficultĂŠ Ă faire lâ&#x20AC;&#x2122;aller-retour domaine <=> codomaine. Je nâ&#x20AC;&#x2122;ai donc aucune difficultĂŠ avec lâ&#x20AC;&#x2122;identitĂŠ Ă droite (la règle 1) ; Mais quid de la seconde, avec lâ&#x20AC;&#x2122;identitĂŠ de B exprimĂŠe après son utilisation par f ? B apparaĂŽt dâ&#x20AC;&#x2122;abord en position de codomaine, pour ensuite passer en position de domaine. Tu vois le problème : jâ&#x20AC;&#x2122;ai indiquĂŠ que je rapporte mon observation de A au critères dĂŠfinis en B, ce qui suppose dâ&#x20AC;&#x2122;avoir une idĂŠe de B avant dâ&#x20AC;&#x2122;y rapporter A, autrement dit, dâ&#x20AC;&#x2122;avoir vĂŠrifiĂŠ lâ&#x20AC;&#x2122;identitĂŠ de B avant dâ&#x20AC;&#x2122;en faire un codomaine.
Š Alain SIMON
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Tu pourrais tâ&#x20AC;&#x2122;en sortir en disant que dès leur dĂŠclaration dâ&#x20AC;&#x2122;existence, tu sais que A est domaine et B codomaine, non ? - Ce qui reviendrait Ă diffĂŠrencier â&#x2C6;&#x192; (A domaine) et â&#x2C6;&#x192; (B codomaine) ? Non, câ&#x20AC;&#x2122;est proprement le morphisme qui introduit cette distinction, elle nâ&#x20AC;&#x2122;existe pas avant. Ni A ni B ne sont ÂŤ essentiellement Âť domaine ou codomaine, la meilleure preuve en est quâ&#x20AC;&#x2122;ils passent dâ&#x20AC;&#x2122;une position Ă lâ&#x20AC;&#x2122;autre dans les lois que nous discutons. Je pense quâ&#x20AC;&#x2122;en toute rigueur, il faudrait dĂŠclarer 1B comme 1A avant de dĂŠfinir f. Ce qui donnerait une ĂŠcriture de ce type : â&#x2C6;&#x192; A, â&#x2C6;&#x192; B / 1A , 1B / f(a) = b Autrement dit tu remplaces les sauts diachroniques par ÂŤ / Âť et la diffĂŠrenciation diachronique haut/bas devient sychronique droite/gauche ? - Oui, câ&#x20AC;&#x2122;est une façon de reprĂŠsenter la diffĂŠrence avant/après, comme lâ&#x20AC;&#x2122;on reprĂŠsente le temps en abscisse pour dĂŠcrire un mouvement. Si jâ&#x20AC;&#x2122;insiste un peu lourdement, câ&#x20AC;&#x2122;est pour montrer que le mathĂŠmaticien ne se dĂŠbarasse pas si facilement du temps ou, plus primitivement, de la diachronie. On peut convenir dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠluder la dĂŠclaration / 1A , 1B / comme allant de soit, un acquis culturel faisant dĂŠcouler implicitement lâ&#x20AC;&#x2122;identitĂŠ de la dĂŠclaration dâ&#x20AC;&#x2122;existence, toujours est-il quâ&#x20AC;&#x2122;il y a dans tout discours du mathĂŠmaticien, au minimum une partie dĂŠclarative â&#x2C6;&#x192; A, â&#x2C6;&#x192; B qui prĂŠcède explicitement (i.e. : Ă gauche de) la proposition elle-mĂŞme. Et cette scansion ĂŠlĂŠmentaire, elle, nâ&#x20AC;&#x2122;est pas rĂŠductibleâ&#x20AC;Ś - Nous en revenons Ă GĂśdel ? - Oui ! Quand je te disais que la dichotomie initiale synchronie / diachronie allait se propager de proche en proche et affecter toute la constructionâ&#x20AC;Ś Prenons pour acquis cette dĂŠclaration implicite de lâ&#x20AC;&#x2122;identitĂŠ des objets et passons Ă lâ&#x20AC;&#x2122;autre règle fondamentale de la thĂŠorie. Règle dâ&#x20AC;&#x2122;associativitĂŠ : ConsidĂŠrons maintenant lâ&#x20AC;&#x2122;enchaĂŽnement de 3 morphismes constituĂŠs Ă lâ&#x20AC;&#x2122;aide de 4 objets, ce qui nous donne les schĂŠmas suivants : đ??´
!
đ??ľ
!
đ??ś
!
đ??ˇ
Fig. rrrr
Un enfant pourrait vĂŠrifier, Ă lâ&#x20AC;&#x2122;aide des schĂŠmas suivants, que lâ&#x20AC;&#x2122;on arrive au mĂŞme morphisme final pour lier A Ă D quelque soit la façon dâ&#x20AC;&#x2122;enchaĂŽner les applications : â&#x20AC;˘ soit en associant (g Îż f) pour lier A Ă C et ensuite h, pour passer de C Ă D ce qui sâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠcrit h Îż (g Îż f) repĂŠrĂŠ en ii sur le schĂŠma, â&#x20AC;˘ soit en exĂŠcutant f pour passer de A Ă B, puis faire lâ&#x20AC;&#x2122;action combinĂŠe â&#x20AC;˘ pour passer de B Ă D, ce qui donne (h Îż g) Îż f, repĂŠrĂŠ en iv.
Š Alain SIMON
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Fig. jjj
C’est la règle d’associativité : h ο g ο f = h ο (g ο f) = (h ο g) ο f
Fig. ggg Tout ceci semble couler de source, qu’aurais-tu à en dire de particulier ? - En fait, l’emploi des parenthèses n’est pas nécessaire parce que l’écriture h ο g ο f porte en soit le séquencage nécessaire et suffisant pour déterminer l’enchaînement des tâches, une fois pris en compte notre réserve précédente, à savoir que les identités des objets sont implicitement déclarées d’entrée de jeu, avant d’avancer la proposition (i.e. : B passe de codomaine de f à domaine de g). Si par exemple la fonction d’ensemble est v=« faire la vaisselle », avec f=« laver », g=« rincer » et h=« sécher », alors v = h ο g ο f , sans ambiguité. Sécher la vaisselle avant de la laver n’aurait aucun sens ; mais l’association (« laver » puis « rincer ») et ensuite « sécher » n’apporte rien de particulier, puisque le séquencement est déjà explicite dans l’écriture.
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Nous avions vu que l’on s’intéresse peu, finalement, aux « objets » que nous traitons : l’utilisation du singleton nous permettant de ne retenir que le nombre de leurs éléments, en évacuant, si je puis dire leur substance dans l’application. Cette règle associative enfonce le clou en nous disant que la forme de cette application nous indiffère également : seule compte la figure finale, qui nous ramène à celle d’un morphisme élémentaire, une fois gommées toutes les étapes de sa constitution. Si le but est de laver la vaisselle, seul compte in fine le passage de A = vaisselle sale à D = vaiselle propre. Les auteurs de «Conceptual Mathematics » insistent sur ce point, car il marque profondément la façon de travailler avec l’outil morphisme, ce qui renforce singulièrement notre façon « entropologique » de comprendre une « fonction » comme un concept diachronique, c’est à dire une action en suspend. Tu peux développer ? - Je reprends leur exemple : considère un endomorphisme dans l’ensembles des entiers naturels N, avec cette règle : f = « prendre un élément, ajouter 1 et élever au carré ». Un vue partielle du morphisme peut être celle-ci :
Fig. hhhh Considère maintenant une autre règle g = « élever au carré un élément, le doubler, ajouter les deux résultats, ajouter 1 », alors la vue partielle du morphisme, limité aux mêmes éléments de base que précédemment conduit à ceci :
Fig. hh22 Du point de vue de la théorie des Catégories, les deux morphismes f et g sont identiques. Mais il n’y a rien d’extraordinaire à ça : tu viens d’utiliser l’équation x + 1 ! = x ! + 2x + 1 - La différence tient à ce qu’ici on s’intresse au résultat auquel conduisent les règles f ou g, et non à leurs propriétés intrinsèques. Ton équation est un discours (synchronique) se référent aux propriétés d’un processus (diachronique), par lequel tu transformes un élément x. Le morphisme prend en compte l’élément de départ, celui d’arrivée (tous deux synchroniques) et le lien (diachronique) entre les deux. Mon attitude ex post est ici pleinement assumée, conceptualisée : je me recule pour voir le résultat du processus de transformation, sans m’arrêter à sa description. Ce qui garde cet aspect indéterminé propre au concept de « diachronie », qui n’est pas théorisé dans ton équation. Tu retrouve là encore une différence sensible dans la conception du temps et de la stabilité : le morphisme permettant le changement d’une règle par une autre, non limité à ce qui est explicite, toutes les potentialités sont offertes, alors que ton équation les « détermine ». Il y a comme un effet de « décohérence » dans ce signe égal de l’équation qui actualise une potentialité.
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Cet ouverture potentielle du lien est proprement ce qui fait la force de l’approche procédurale adoptée ici. J’insiste un peu lourdement sur ce point, parce que j’ai trouvé dans certains ouvrages sur les catégories quelque légèreté en la matière, lorsque l’on définit une Catégorie comme un ensembles « d’objets et de flèches » par exemple. Non, la notion de « flèche en soi » n’a aucune signification à ce niveau de la théorie, si l’on ne précise pas les objets qu’elle relie ainsi que la différence de nature entre l’origine et la cible. L’objet fondamental de la théorie, c’est le morphisme et non pas d’un côté les objets, de l’autre leur liaison... Cette imprécision tient sans doute au fait que la théorie traite les graphes comme une Catégorie particulière, plus complexe que celle des Ensembles. L’effet pervers c’est de traiter le morphisme comme un graphe au risque d’une confusion entre référé (le graphe) et référant (le morphisme), qui doivent être vus à des niveaux Imaginaires différents. Il importe d’autant plus d’y faire attention, que nous aurons ensuite à parler des foncteurs, qui sont des morphismes dont les objets sont eux-mêmes des Catégories. Nous avons ainsi une sorte de construction fractale de l’ensemble des mathématiques, d’où l’importance de ne pas tout aplatir en se prenant les pieds dans le tapis dès les premiers pas!
© Alain SIMON
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