Rapport Villani Intelligence Artificielle par Cédric Villani

Page 29

Partie 1 – Une politique économique articulée autour de la donnée

9.  Mise en œuvre d’une politique commerciale agressive, utilisation systématique du levier de la commande publique, investissements et soutien direct continus…

Cela résulte en grande partie de la politique volontariste de ces gouvernements de favoriser l’émergence de leurs propres champions du numérique9. Une politique de la donnée adaptée aux besoins de l’intelligence artificielle doit donc s’articuler avec un objectif de souveraineté, d’autonomie stratégique pour la France et l’Union européenne. Disons-le d’emblée : les équilibres sont fragiles et cet objectif demande de l’ambition. C’est pourtant la condition d’un développement de l’intelligence artificielle qui ne conduise pas à faire de la France et de l’Europe une « colonie numérique » des géants chinois ou américains. De la même façon, le développement de l’intelligence artificielle peut s’opérer sans renier nos traditions juridiques et politiques de protection forte des individus. C’est d’ailleurs l’une des positions fortes de notre mission que de considérer ces standards élevés comme des opportunités stratégiques, voire comme des éléments différenciants, dans la course mondiale à l’intelligence artificielle. Le débat actuel sur l’intelligence artificielle coïncide avec l’entrée en vigueur prochaine du règlement général sur la protection des données (RGPD). Salué des uns, honni des autres – dans les deux cas pour une multitude de raisons –, le RGPD n’en reste pas moins l’une des législations européennes les plus ambitieuses de ces dernières décennies. C’est également l’un des rares exemples où le Parlement européen a pu jouer un rôle de premier plan, en particulier grâce à l’impulsion de Jan Philipp Albrecht, eurodéputé allemand. À bien des égards, ce texte constitue une petite révolution juridique. Non pas tant en raison de son contenu (en France et ailleurs, les algorithmes et traitements de données sont régulés depuis une quarantaine d’années) que pour le signal adressé aux acteurs publics et privés, ainsi qu’au reste du monde : l’Europe a fait le choix d’un standard élevé de protection des données, auquel devront se plier toutes les entreprises souhaitant traiter les données des Européens (principe d’extraterritorialité du RGPD) au risque de s’exposer à des amendes records (2 à 4 % du chiffre d’affaires mondial). Le RGPD est en outre un instrument puissant de consolidation de l’écosystème numérique européen. Si ces dispositions avaient existé il y a 20 ans, il est probable que Facebook, Amazon ou Google n’auraient pas pénétré le marché européen aussi facilement et que la concurrence aurait pu démarrer sur des bases plus saines. Le délai nécessaire pour qu’ils s’adaptent à la réglementation aurait pu permettre aux entreprises européennes de développer des services compétitifs. L’intelligence artificielle dans le contexte du RGPD Le RGPD vient réguler l’utilisation des données à caractère personnel, c’està-dire toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement. Naturellement, le RGPD intéresse l’IA à plusieurs titres : D’abord, car il vient encadrer les conditions de collecte et de conservation des données à caractère personnel (et uniquement celles-ci), qui peuvent être utilisées par l’intelligence artificielle ; ainsi que l’exercice de leurs droits par les personnes (droit à l’information, droit d’opposition, droit d’accès, droit de rectification) ;

28


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.