Edition du lundi 18 novembre 2013

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Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Plus modestement, j’ai eu quant à moi l’avantage de travailler avec vous au sein de la Cour d’appel de Lyon avant votre élection au Conseil Supérieur de la Magistrature. Votre sens du droit, d’un droit en action, et votre empathie naturelle constituent pour moi une source d’inspiration quotidienne. Merci de me faire l’amitié d’être là aujourd’hui. Je salue mon ami Marc Cimamonti, Procureur de la République de Lyon, avec lequel j’ai eu le privilège de travailler au parquet de Marseille. Merci, mon cher Marc, de ta présence amicale. Toi le Marseillais, tu mets tes grandes qualités au service de la ville de Monsieur Brun et je suis certain que tu apprécies maintenant autant la cervelle de canut que la bouillabaisse. Mes camarades Jean-Yves Coquillat, Procureur de la République de Grenoble et Denis Mondon, Procureur de la République de Bourg-enBresse, une juridiction qui m’est chère, m’ont fait également le plaisir d’avoir répondu à mon invitation. Je leur en sais gré. Je regrette l’absence de François Blanc, collègue que j’apprécie et qui n’a pas pu se rendre à cette audience. Il m’a succédé à Roanne dans des conditions matérielles difficiles. Je quittais en effet un palais de justice incendié pour me rendre sur une île enflammée ! Je tiens à saluer le président François Lemble, fidèle d’entre les fidèles, qui pousse l’amitié jusqu’à venir à toutes mes installations successives. Nous avons tous les deux essuyé quelques tempêtes en Corse, et vécu de durs moments comme ce triste jour où nous avons tenu à défiler en robe en signe d’indignation après le lâche assassinat du préfet Claude Erignac. Ces instants rapprochent et restent dans la mémoire. On reconnaît le pilote dans la bourrasque, et j’ai vu combien le président Lemble tenait ferme la barre du Tribunal d’Ajaccio, dans ses heures les plus difficiles. Merci, cher François, pour ce nouveau témoignage d’affection que vous me manifestez aujourd’hui. Grand juriste et thermidorien, Jean Baptiste Treilhard conférait aux Procureurs Généraux des pouvoirs surhumains :

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Installation

« ils sont chargés, disait-il, du dépôt précieux de public et de l’exercice de l’action de la justice criminelle. La paix et la tranquillité des citoyens sont fondées sur leur courage et leur loyauté; ils doivent veiller sans cesse afin que les autres se reposent. Ministre puissant et sévère, le Procureur Général doit être l’asile de l’innocence et la terreur des méchants ». Austère et distant, investi d’une mission quasiment divine, le Procureur Général était alors un personnage bien différent de celui que je souhaiterai incarner en ce siècle débutant. Le temps de la froideur hautaine est révolu. Si, par la mission qui est la sienne, le chef de Cour est contraint de conserver une juste distance et une appréciation sereine des situations, il doit se rendre accessible et demeurer apte à l’écoute en toute circonstance. Madame et messieurs les chefs de juridiction du ressort, chers collègues des tribunaux, Soyez assurés que vous trouverez toujours en moi un interlocuteur ouvert et disponible, prêt à échanger pour trouver les meilleures solutions.

Rendre la justice est une oeuvre commune, qui convoque les intelligences et les volontés. Fort de son expérience antérieure de chef de parquet, le Procureur Général doit, selon moi, être un animateur d’énergies et un fédérateur d’enthousiasmes. A la place qui est la sienne, il doit être un soutien constant à l’action de ses collègues tant du parquet général que des parquets de son ressort. Un soutien humain et matériel est nécessaire à l’oeuvre de justice qui est exigeante de moyens adaptés, alors que le contexte financier est plus contraignant que jamais. Un soutien intellectuel est aussi indispensable au travail de réflexion et de décision, qui peut être complexe et requérir l’examen conjoint de questions délicates. Un soutien moral enfin me semble nécessaire, s’il en est besoin, dans les moments exposés que nos collègues des parquets peuvent connaître tant les sollicitations qui s’adressent à eux sont fortes et prenantes. Je m’inscrirai avec conviction dans cette démarche qui me semble être celle de la raison et de la sagesse. « L ‘homme seul est en mauvaise compagnie », nous avertit Paul Valéry. Cette mise en garde ne doit pas s’appliquer au parquet du XXlème siècle, qui sera collectif ou ne sera pas. Forte et soutenue, l’action du ministère public doit aussi être comprise et reconnue. Il y va de l’image toute entière de la justice. Messieurs les Procureurs de la République, n’ayez pas peur d’expliquer, d’informer, d’exposer publiquement la tâche qui vous est dévolue, résolument et loyalement dans le respect de nos principes fondateurs. La justice, notre justice, est sommée de se raconter, sous la pression, quelquefois tyrannique, d’une opinion publique exigeante, contradictoire et prompte à juger et condamner. Nous, magistrats du ministère public, ne pouvons plus demeurer sur notre Aventin, jugeant avec hauteur et dédain ces excès populaires, dans un confort dépassé. Soyons lucides, réalistes et entreprenants dans la restitution de notre action. La société le requiert plus que jamais.

Les Annonces de la Seine - Lundi 18 novembre 2013 - numéro 64

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