AUDIENCE N°2

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AUDIENCE NUMÉRO DEUX

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TRIMESTRIEL

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AVRIL - MAI - JUIN 2016

INTERVIEW EXCLUSIVE

JEAN-LOUIS BORLOO

« UNE AFRIQUE

ÉCLAIRÉE, C’EST UNE EUROPE HEUREUSE »

ENTRETIEN EXCLUSIF

JACQUES TOUBON RENCONTRE AVEC LE DÉFENSEUR DES DROITS

DÉCRYPTAGE

CHALLENGE

LIBERTÉ D’EXPRESSION

RAPHAËL VARANE

PEUT-ON TOUT DIRE EN ENTREPRISE ?

TÊTE À TÊTE AVEC LE DÉFENSEUR DES BLEUS

NOUVEAU


SOMMAIRE

C DANS L’ÈRE 4

Tour d’horizon des actualités du droit

DÉCRYPTAGE Quelle liberté d’expression sur le lieu de travail ?

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REPORTAGE 8

DERNIÈRES MINUTES 21

À la découverte du juge administratif

PORTRAIT

L’INFOGRAPHIE

10 Christiane Taubira, de la rhétorique en politique

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ON EN PARLE

La liberté d’espression dans tous ses états !

LA SAVIEZ-VOUS ?

12 les antennes relais devant le juge

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L’INTERVIEW 14

Décisions récentes à ne pas manquer

L’obsolescence programmée passée au crible

ZONE DE NON-DROIT 25

JEAN-LOUIS BORLOO

Conseil gastronomique & Critique littéraire

BILLET D’HUMEUR 26

« Oui, je suis toujours en colère... »

L’intérêt au taux légal, c’est tendance !

BILLETS D’HUMOUR 27 Quand le droit ne tourne pas rond...

L’ENTRETIEN 18

À VOUS DE JOUER ! 28

JACQUES TOUBON

« Amoindrir notre état de droit serait donner raison aux terroristes »

Saurez-vous démêler le vrai du faux ?

VU ET APPROUVÉ 29

Suits, l’avocat au centre d’une saga

CHALLENGE 30

RAPHAËL VARANE

« Impossible n’est pas français ! »

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ÉDITORIAL AUDIENCE #2

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e Cabinet ADEKWA, regroupant plus d’une quarantaine d’avocats, a créé et voulu que son journal AUDIENCE soit le pivot d’une vraie liberté d’expression.

Défendre, comme le dit si bien Robert Badinter, ce n’est pas tirer un feu d’artifice : « la belle bleue, la belle rouge, et le bouquet qui monte, qui explose et retombe en mille fleurs. Puis le silence et la nuit reviennent et il ne reste rien ». Le journal AUDIENCE restera pour rappeler toujours que l’avocat, libre du choix de ses mots, doit sa crédibilité à son indépendance totale. AUDIENCE #2 relaye à nouveau le message de ceux qui sont acteurs de leur vie et donc de la nôtre. Je tiens à remercier vraiment, tous ceux qui ont concouru à la réalisation de ce deuxième numéro, et plus particulièrement Jean-Louis Borloo. À celui qui m’a dit un jour qu’il était parfois un peu en retard : désolé, Jean-Louis Borloo, vous êtes toujours fondamentalement en avance, et tant l’exemplarité de votre parcours, que votre nouveau challenge visionnaire pour l’Afrique, imposent le respect. À la question de savoir quels seraient selon lui les critères d’un « collaborateur idéal », la réponse qu’il nous donne spontanément cristallise à elle seule son sens profond de la relation humaine et l’impérieuse nécessité pour nous de suivre une direction réfléchie. Merci également à Jacques Toubon, qui a répondu à nos questions, au nom de la défense des droits pour la liberté et l’égalité, et pour la pertinence de ses propos et sa confiance à notre égard.

Enfin, AUDIENCE ne fera pas l’impasse du parcours étonnant et méritant du jeune footballeur Raphaël Varane, et a le plaisir d’accueillir, en quatrième de couverture, Alex, histoire de « croquer » la vie d’une autre façon…. GHISLAIN HANICOTTE

Le comité de rédaction d’AUDIENCE : Victor Mollet, Frédéric Cavedon, Philippe Vynckier et Ghislain Hanicotte

Quelques-uns des avocats associés du cabinet ADEKWA : Véronique Vitse-Bœuf, Philippe Vynckier, Philippe Simoneau, Martine Vandenbussche et Ghislain Hanicotte

ÉDITION

DIRECTION DE LA PUBLICATION

157, avenue de la Marne 59700 Marcq-en-Barœul T 03 20 65 65 80 F 03 50 65 65 99 www.adekwa-avocats.com

Ghislain Hanicotte

PARUTION

COMITÉ DE RÉDACTION

Avril 2016 Dépot légal à parution ISSN 2491-388X

Ghislain Hanicotte, Philippe Vynckier, Frédéric Cavedon, Victor Mollet

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DIFFUSION

7 000 exemplaires IMPRESSION

DB Print


LA FIN DES SPAMS ? CE N’EST PAS POUR DEMAIN !

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our préserver ses abonnées d’un afflux de messages indésirables et non-sollicités, Free avait pris l’habitude, depuis juillet 2015, de bloquer systématiquement les courriels en provenance de la plateforme Buzzee, service spécialisé dans les campagnes d’emailings publicitaires à grande échelle. Une pratique jugée illicite en début d’année par le tribunal de commerce de Paris qui a enjoint l’opérateur de retirer son bouclier anti-spam sous quinze jours. La raison ? Le spam ne présente pas de définition juridique et aucune disposition législative n’autorise un fournisseur d’accès à internet à filtrer les messages électroniques. Le tribunal a par ailleurs rappelé le principe de neutralité du net, qui impose que « l’opérateur assure ses services sans discrimination, quelle que soit la nature des messages transmis ». En l’état, le spam a encore de beaux jours devant lui…

INTERNET DEVIENT UN BIEN DE PREMIÈRE NÉCESSITÉ

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e projet de loi pour une République numérique, adopté à l’Assemblée en début d’année, fait de l’accès à internet une priorité. Considérés comme indispensable à l’insertion et à la vie professionnelle et sociale, le développement du haut débit et de la couverture mobile seront accélérés. Comme c’est le cas pour l’eau, le gaz ou l’électricité, en cas d’impayés, la connexion internet sera maintenue jusqu’à ce que le fonds de solidarité pour le logement ait statué sur une demande d’aide. Autre tendance forte : le principe de mort numérique. Chaque internaute pourra dorénavant, de son vivant, organiser les conditions de conservation et de communication de ses données à caractère personnel une fois son décès survenu. Tout individu pourra ainsi transmettre ses directives sur le devenir de ses données et désigner une personne chargée de les exécuter.

LES SMILEYS BIENTÔT RECONNUS PAR LA JUSTICE ?

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mileys, émoticônes ou autres émojis sont devenus des incontournables de nos correspondances numériques, surtout chez les jeunes générations. Un phénomène de société d’une telle ampleur que les tribunaux Outre-Atlantique commencent à les envisager comme de véritables reflets de nos sentiments et intentions, capables d’infléchir une décision. Et dans certaines affaires, l’interprétation est même déterminante. Ainsi, les avocats d’une mère accusée d’avoir empoisonné son fils ont voulu comme preuve de sa bonté, un tweet accompagné d’un smiley triste : « Mon petit ange est à l'hôpital :'( ». À l’inverse, un jeune new-yorkais a été arrêté après avoir posté un statut Facebook jugé menaçant, où figuraient les émojis *police* et *pistolet*. Des cas de figure de plus en plus récurrents qui ouvrent un débat qui ne fait que commencer.

LA FRANCE DURCIT LE TON CONTRE FACEBOOK

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acebook, qui ne cesse de perfectionner ses techniques de tracking et de profilage, a été mis en demeure publiquement par la Cnil début février. L’autorité administrative reproche au géant du web américain de suivre la navigation des internautes à leur insu, dès lors qu’ils consultent une page Facebook publique ou qu’ils se rendent sur une page web tierce contenant un bouton de partage. Et le géant américain est en capacité de tracer et de récupérer les données personnelles de l’ensemble des internautes, y compris ceux qui n’ont pas de compte Facebook. Le réseau social, qui compte plus de trente millions d’utilisateurs en France, a reçu pour ordre de se conformer à la loi Informatique et Libertés, sous peine de sanction. Amende maximale encourue : 150 000 euros. Une somme dérisoire au regard des bénéfices de la multinationale mais un nouveau coup porté à son image et à sa politique de confidentialité, déjà fortement décriée. Parallèlement à ce coup de semonce, la Cour d’appel de Paris s’est déclarée compétente pour juger la société de Mark Zuckerberg dans une affaire vieille de cinq ans qui l’oppose à un internaute, autour du tableau mondialement connu de Gustave Courbet, L’Origine du monde. Jusqu’ici les représentants de Facebook, dont le siège se situe à Menlo Park, en Californie, arguaient qu’ils ne devaient rendre des comptes que devant la justice américaine. Une décision qui pourrait faire date dans la mesure où, bien au-delà de Facebook, c’est l’ensemble des géants du web qui pourraient être concernés.

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FIN DE VIE : LE DROIT ÉVOLUE

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DANS  L’ÈRE

es conditions dans lesquelles le personnel médical peut mettre fin à la vie d’une personne en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable ont évolué et créent de nouveaux droits en faveur des malades et des patients en fin de vie. La loi du 2 février 2016 prévoit en effet qu’une sédation profonde et continue jusqu’au décès, associée à un analgésique (substance qui supprime ou atténue la douleur), puisse être administrée à la demande du patient atteint d’une affection grave et incurable et qui engage à court terme son pronostic vital. Cette sédation pourra s’effectuer lorsque le malade est exposé à une souffrance qui persiste malgré les traitements ou lorsqu’il décide d’arrêter un traitement susceptible d’entraîner des douleurs insupportables. La sédation pourra également être appliquée à un patient se trouvant dans l’incapacité d’exprimer sa volonté lorsque l’équipe médicale décide d’arrêter un traitement de maintien en vie, et ce, afin d’éviter l’acharnement thérapeutique.

TAXI vs VTC : JE T’AIME MOI NON PLUS

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es représentants de taxis et leurs homologues des voitures de tourisme avec chauffeur ne cessent de s’affronter et de monopoliser le calendrier des journées de grève, sans qu’aucune solution pérenne ne semble se dessiner. C’est dans ce contexte de tension et de scission, que le Conseil constitutionnel a rendu, en janvier, une décision symbolique en invalidant un article du code des transports qui rendait incompatible le cumul des deux professions. Saisi par une QPC (question prioritaire de constitutionnalité), le Conseil constitutionnel a en effet estimé que l’article en question (article L.3121-10 du code des transports) portait atteinte à la liberté d’entreprendre et était, de fait, inconstitutionnel. Les conducteurs qui le souhaitent pourront donc dorénavant disposer à la fois des cartes professionnelles de taxis et de VTC en toute légalité. À l’annonce de cette décision, on dénombrait déjà 1 500 chauffeurs qui cumulaient les deux activités. Reste maintenant à connaître, sur le terrain et à long terme, les conséquences de cette annonce qui rééquilibre largement le rapport de force entre les deux pratiques du métier…

DÉBIT D’EAU ABAISSÉ, VEOLIA SANCTIONNÉ

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e tribunal d’instance de Puteaux (Hauts-deSeine) a condamné Veolia, par un référé daté du 15 janvier, à 5 500 euros d’amende. Le leader français des services de l’eau avait réduit le débit à quinze litres par heure et dix mois durant, dans le logement d’une mère et de son fils, à la suite de factures impayées. Le juge a estimé qu’une telle limitation équivalait à une interruption pure et simple. Cette décision renforce encore la jurisprudence sur le droit à l’eau, alors que le Conseil constitutionnel avait déjà validé, en mai 2015, l’interdiction de la pratique des coupures d’eau. Notons que, selon le Centre d’information sur l’eau, chaque français utilise en moyenne 148 litres d’eau quotidiennement et qu’une douche oscille entre 60 et 80 litres.

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GRANDE DISTRIBUTION : « VOL » AUTORISÉ

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a directrice d’un supermarché était poursuivie pour avoir volé des produits alimentaires qui avaient été mis à la poubelle dans l’attente de leur destruction. Condamnée en appel à 1 000 euros d’amende avec sursis, elle a finalement été blanchie par la Cour de cassation en décembre dernier. La haute juridiction a ainsi estimé que les produits en cause avaient été abandonnés par leur propriétaire. De ce fait, les produits ne lui appartenaient plus et le vol ne pouvait être constitué. Depuis, la loi du 11 février 2016 relative au gaspillage alimentaire est venue encadrer ce genre de situation. Alors qu’elles avaient jusqu’alors coutume de procéder à la javellisation des produits sortis des rayons, les moyennes et grandes surfaces sont désormais dans l’interdiction de rendre leurs invendus impropres à la consommation. À la place, elles devront conclure des conventions de don avec un ou plusieurs organismes caritatifs de leur choix.

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DÉCRYPTAGE

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Quel salarié n’a jamais rêvé de dire ses quatre vérités à son patron ? Quel autre n’a jamais imaginé dire à son supérieur tout le mal qu’il pensait de lui ou de son entreprise ? Certains salariés se sont ravisés et ont choisi de ne pas courir droit à leur perte et, par là même, à leur licenciement. D’autres, en revanche, ont décidé de franchir le Rubicon. Ils auraient mieux fait de se taire… EVA GRUART, AVOCAT

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a liberté d’expression, c’est d’abord l’article 10 de notre Déclaration des droits de l’homme et du Citoyen : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ». C’est également l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ». C’est aussi l’article

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19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques1. Et c’est enfin l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme2. En d’autres termes, la liberté d’expression est un droit fondamental dont la seule limite est l’abus. Et il en va de même sur le lieu de travail. Les salariés bénéficient d’un droit à « l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail »3 qu’ils peuvent exprimer à l’occasion de réunions collectives strictement encadrées par les textes. Les opinions alors émises ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement. Mais il s’agit là simplement d’un « droit d’expression », qui se distingue de la liberté d’expression, laquelle par définition s’exerce à tout moment et en tout lieu.

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À ce sujet, la Cour de cassation rappelle de manière constante que « le salarié jouit dans l’entreprise et en dehors d’elle de sa liberté d’expression et il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ». Autrement dit, le salarié a un véritable droit de critique sur l’entreprise mais il ne peut pas en abuser, que ce soit au sein de l’organisation ou en dehors. Quelques exemples jurisprudentiels illustrent cet état de fait. Sur le lieu de travail tout d’abord, il n’est pas permis de tenir de propos injurieux ou diffamatoires, ce qui est plutôt compréhensible puisque de tels propos sont pénalement répréhensibles. A ainsi fait l’objet d’un licenciement un salarié qui, lors d’une réunion régionale, a qualifié son directeur d’agence de « nul et incompétent » et les chargés de mission de « bœufs »4. Dans le même ordre d’idée, a été sanctionné un salarié qui s’est rendu à son travail, pendant un arrêt maladie, et qui a injurié à tout va les membres du personnel5. Et ces propos injurieux sont condamnables quel que soit l’endroit où se trouve le salarié que ce soit en vacances6 , ou…dans une fête foraine7 !). Ensuite, ces comportements seront sanctionnés quel que soit le support utilisé par l’employé qu’il s’agisse d’une lettre8, d’un article de presse9 ou d’un mail. A ainsi fait l’objet d’un licenciement disciplinaire un négociateur qui avait mis en cause la moralité de son chef des ventes. L’infortuné lui avait envoyé le mail suivant : « Jean Benoît. Si je lis bien ton mail, tu me reproches de ne pas avoir le contrat de réservation en ta possession, voici les explications : La SCI x par son représentant a signé les conditions générales pour la réservation du lot 214, nous étions en négociations avec les fondateurs pour le financement du montage. Tu as à de nombreuses reprises sollicité Mlle x commerciale et proposé des rendez-vous en fin de journée pour la rencontrer. Ce qui a été fait un mercredi vers 18h30. A l’issue de ce rdv tu lui as envoyé un SMS vers 21h15 (vous êtes belle, jolie je voudrais.. je passe les détails.. j’ai lu et j’ai le contenu ! !) Ce que tu ne savais pas c’est que Mlle x est la compagne d’un des fondateurs de la SCI x... et évidement il a été au courant de ta façon d’agir ! ! ! ! Par ton action, non seulement tu as provoqué l’annulation de la vente.... mais en plus tu me le reproches... Sache que ce n’est pas la première fois que j’ai des retours... j’ai d’autres dossiers comme cela... que je peux prouver. Je me réserve le droit de préparer un courrier à la direction générale pour leur expliquer ta façon d’agir »10.

Le salarié a un véritable droit de critique sur l’entreprise mais il ne peut pas en abuser

Il serait également abusif d’envoyer un courriel à son employeur, accessible à tous les autres salariés, en lui conseillant de « changer de métier11 ». N’a pas été plus judicieux le salarié qui a qualifié son lieu de travail de « camp de concentration » en sachant pertinemment que son patron avait la nationalité allemande12. De même, le salarié qui, manifestement excédé par les aléas de la vie, et certainement un peu fatigué, publie sur son profil Facebook : « Journée de merde, temps de merde, boulot de merde, boîte de merde, chefs de merde… », s’exposera non seulement à une sanction disciplinaire mais également à des poursuites pénales13 ! Celui qui agira plus sobrement, en appelant ses collègues à « prendre leurs distances avec les dirigeants de la société dont il ne partage ni l’éthique, ni le sens civique, notamment manifesté au travers des manipulations des comptes »14, ne sera pas plus à l’abri. Il s’agit là en effet de l’imputation de faits graves susceptibles de porter atteinte à l’honneur et à la considération de la personne accusée. Néanmoins, le salarié peut dénoncer certains faits si ceux-ci ont un lien avec l’entreprise et à la condition qu’il agisse de bonne foi, sans vouloir porter atteinte à son employeur. En d’autres termes, il ne doit pas s’agir de propos mensongers. De manière générale, pour apprécier l’abus, le juge tiendra compte du contexte dans lequel les propos ont été tenus (polémique, existence d’un conflit en cours) ainsi que de l’étendue de la publicité donnée à ces propos (peuvent-ils être lus ou entendus de tous ?). On l’aura compris, certains salariés auraient mieux fait de se taire !

1 « Toute personne a droit à la liberté d’expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix ».

2 « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations ».

3

Article 2281-1 du Code du Travail

4

Cass, Soc., 9 nov.2004, n° 02-45.830

5

Cass. Soc, 25 juin 2002, n° 00-44.001

6

Cass. Soc., 8 oct. 2014, n° 13-16.793

7

Cass. Soc., 10 déc. 2008, n° 07-41.820

8

Cass. Soc., 28 avril 1994, n° 92-43.917

9

Cass, Soc., 5 mars 2015, n° 13-27.270

10

Cass. Soc., 10 oct. 2012, n° 11-18.985

11

Cass. Soc., 29 fév. 2012, n° 10-15.043

13

T.Corr., PARIS, 17 janv. 2012, n° 1034008388

14

Cass. Soc., 30 oct. 2002, n° 00-40.868

12

Cass. Soc., 6 mars 2012, n° 10-27.256

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REPORTAGE

À LA DÉCOUVERTE DU

JUGE ADMINISTRATIF En février dernier, tout le monde a pu voir une juge, pieds dans la boue, entourée de caméras, arpenter la « jungle » de Calais, avant de décider s’il fallait faire évacuer la partie sud de ladite jungle. Pendant 24 heures, tous étaient suspendus à la décision de « la juge », devenue le centre de l’attention médiatique avant de retourner à ses autres activités de magistrat administratif. Car cette focalisation sur un fait d’actualité ne doit pas faire oublier le rôle plus large des juges administratifs.

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| MARTINE CLIQUENNOIS, AVOCAT ASSOCIÉE |

Le droit français a ceci de particulier qu’il connaît la dualité des ordres juridictionnels. En France, la justice est en effet rendue par deux ordres, deux ensembles de juridictions, avec, au sommet, la Cour de cassation pour l’un, et le Conseil d’État pour l’autre.

d’une décision fondatrice du Tribunal des conflits, la célèbre décision « Blanco » de 1873. Avec le développement de la matière administrative, le Conseil d’État ne suffisait bientôt plus. Il a fallu créer d’autres juridictions administratives de droit commun, pour aboutir au schéma actuel.

LE POIDS DE L’HISTOIRE

Cet état du droit s’est constitué progressivement, d’abord en réaction contre les pouvoirs exorbitants des tribunaux de l’ancien régime, ce qui a amené les monarques à tenir des lits de justice et à limiter les pouvoirs des juges, puis entraîné les Constituants, après la Révolution de 1789, à ériger le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, interdisant aux juges de connaître des affaires de l’administration (loi des 16 et 24 août 1790 et décret 16 fructidor an III). Des juridictions furent ensuite créées, souvent sur les décombres d’anciens organes de conseil et furent surtout dotées de pouvoirs qui les firent progressivement devenir des juges à part entière. Le Conseil d’État en fut la pièce maîtresse. Créé par la constitution de l’an VIII (1800) pour éclairer l’œuvre législative de l’empereur Napoléon 1er, il est devenu au fil des ans un juge à part entière, rédigeant non plus seulement des avis mais des arrêts (1821). Puis, pouvant être saisi directement par un citoyen venant se plaindre de l’attitude de telle ou telle administration à son égard (loi 24 mai 1872, arrêt « Cadot » 1889), il a développé un droit spécifique, le droit administratif, dans la foulée

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L’ORGANISATION DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Si le grand public connaît très bien les juridictions judiciaires sous leur forme pénale (cour d’assises, tribunal correctionnel, tribunal de police), et connaît, à un degré moindre, les juridictions spécialisées (juge des affaires familiales, conseil des prud’hommes, tribunaux de commerce…), les juridictions judiciaires relevant de la matière civile (tribunaux d’Instance, de grande instance, cour d’appel), et les juridictions administratives lui sont quasi étrangères. En première instance, ce sont les tribunaux administratifs (TA), au nombre de quarante-deux, qui couvrent un ressort géographique qui englobe peu ou prou le territoire des anciennes régions. Par exemple la région élargie Nord-Pas-de-Calais-Picardie (ou Hauts-de-France, selon la mode en vigueur) connaît le tribunal administratif de Lille, et le tribunal administratif d’Amiens. En appel, ce sont les huits cours administratives d’appel (CAA) qui peuvent rejuger une seconde fois les affaires jugées par les TA. S’ouvre ensuite la possibilité pour les parties d’intenter

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un pourvoi en cassation, administration. Elle vous la comme c’est le cas en refuse ? Vous contestez. matière judiciaire devant Vous êtes une entreprise la cour de cassation, mais artisanale et avez candidaté Le Conseil d’État est la plus haute ici le pourvoi en cassation à un marché public, votre juridiction administrative en France doit être porté devant le offre a été rejetée, vous Conseil d’État. Le pourvoi considérez ce rejet comme en cassation n’est certes illégal ? Vous saisissez le TA. pas systématique, puisqu’il suppose d’invoquer Vous êtes une collectivité territoriale et avez confié à uniquement des arguments de droit, et ne donne pas une grande entreprise un marché ou une délégation lieu à un réexamen des faits par le Conseil d’État*, sauf de service public pour exploiter le transport d’une exception. agglomération, ou distribuer l’eau potable, un litige s’élève sur des questions financières ou techniques Les magistrats administratifs ne sont pas issus, et c’est entre les parties ? Le juge administratif sera saisi. là une différence notable, de l’École de la magistrature de Bordeaux. Ayant eu pour la plupart un cursus plus orienté vers le droit public, ils sont issus pour une part de l’École nationale d’administration, et pour une autre part, de concours spécifiques organisés régulièrement sous le contrôle du Conseil d’État pour intégrer le corps des conseillers de TA et CAA. DES CAS CONCRETS

Et nombre d’affaires qui concernent la vie quotidienne peuvent relever de la compétence de ces juges... Vous obtenez un permis de construire ? Votre voisin n’est pas satisfait ? Il peut attaquer le permis délivré par le maire de votre commune devant le TA. Le même maire vous refuse un permis ? C’est vous qui allez attaquer le refus devant le TA. Vous êtes une association et le préfet vous refuse une subvention ? Vous pouvez contester la décision du préfet. Vous êtes une entreprise, la commune vous vend un terrain à prix réduit pour implanter vos locaux et créer de l’emploi, c’est le préfet qui peut attaquer la délibération de la commune. Vous êtes agent territorial, votre employeur le conseil départemental estime que vous avez commis une faute et vous inflige une sanction disciplinaire ? Vous la contestez. Vous êtes agent communal et ressentez du mal-être au travail ? Vous allez demander la protection de votre

LE RECOURS AU JUGE ADMINISTRATIF EN CAS D’URGENCE EST DE PLUS EN PLUS FRÉQUENT

Voici quelques exemples, non exhaustifs, de la variété du contentieux devant les juridictions administratives, sans compter les grands contentieux en volume que représentent le droit des étrangers, le droit fiscal, le droit de l’environnement, le droit du domaine public et des opérations d’aménagement… Enfin, certains cas sont parfois portés par les médias : interdiction des spectacles de Dieudonné, application de la loi Léonetti pour un malade en état de coma dépassé, sanctions de la CNIL contre Google, responsabilité d’un centre hospitalier à l’occasion d’une intervention chirurgicale, redevances des opérateurs de téléphonie mobile, VTC/Taxis, accession d’un club de football à la Ligue 2… C’est pourquoi le volume d’activité de ces juridictions ne cesse d’augmenter : +11.3 % d’affaires enregistrées en 2014 par rapport à 2013 devant les TA ; + 3,4% devant les CAA ; + 30 % au Conseil d’État. Et le recours au juge administratif en cas d’urgence est de plus en plus fréquent. Il faut rappeler que les procédures de référés liées à l’urgence sont devenues très habituelles : pour faire suspendre l’exécution d’une décision de l’administration (c’est le cas du référé évoqué ci-dessus lié à la jungle de Calais, demande de suspension d’un arrêté préfectoral) ; pour ordonner à l’administration de faire cesser une atteinte grave et immédiate à une liberté fondamentale ; pour ordonner à l’administration toutes « mesures utiles » (la formule est large), pour éviter par exemple la dégradation d’un immeuble. En matière de contrats publics, il est même possible d’obtenir l’annulation d’une procédure de mise en concurrence avant même la signature du marché (référé précontractuel), ou de demander la suspension de l’exécution du contrat, ce qui équivaut au gel de la situation avant toute évolution irrémédiable. Enfin, les délais moyens de jugement des affaires, tous contentieux confondus, ne cessent de diminuer : le délai prévisible moyen de jugement est de dix mois et un jour pour les TA, onze mois et un jour pour les CAA, et huit mois pour le Conseil d’État. Qui a dit que le juge administratif n’avait pas la culture de l’urgence ?

* À noter que le Conseil d'État continue d’exercer deux missions : juge administratif suprême qui tranche les litiges relatifs aux actes des administrations, il reste le conseiller du Gouvernement pour la préparation des projets de loi, décrets.

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PORTRAIT

CHRISTIANE TAUBIRA

DE LA RHÉTORIQUE EN POLITIQUE Démissionnaire en raison d’un « désaccord politique majeur » avec le gouvernement, Christiane Taubira n’a cessé, durant son activité, de cristalliser les tensions et de déchaîner les passions. Adulée par les uns, détestée par les autres, elle a souvent permis au débat de s’élever, grâce à une prestance et une éloquence devenues rares en politique. | VICTOR MOLLET |

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elon la formule consacrée de Jean-Pierre Chevènement, « un ministre ça ferme sa gueule ou ça démissionne ». Christiane Taubira, elle, ne s’embarrasse pas à choisir entre l’une des deux options. Avant de claquer définitivement la porte, la native de Cayenne ne se prive pas pour faire entendre sa voix et protester lorsque sa conception de la République lui semble bafouée. Mais, le 27 janvier, le jour où s’ouvre à l’Assemblée le débat sur la révision de la constitution, cette posture d’électron libre devient insuffisante. Il lui faut définitivement marquer son rejet, acter son retrait. Si elle mûrit sa décision quelques semaines auparavant, c’est à cet instant précis que Christiane Taubira choisit de démissionner. Comme souvent, elle s’en explique avec raffinement : « Parfois résister c'est rester, parfois résister c'est partir. Par fidélité à soi, à nous. Pour le dernier mot à l'éthique et au droit ». Après un discours de départ inhabituel, dispensé dans la cour même de l'hôtel de Bourvallais, elle s’empresse d’enfourcher son vélo jaune, dans une scène carnavalesque, entourée par une garde rapprochée vite dépassée et une horde de journalistes interloqués. Un départ mesuré, une sortie calculée, un calendrier contrôlé. Tout juste débarquée, elle s’envole direction New York pour s’accorder un bain de jouvence auprès d’étudiants venus assister à son plaidoyer pour la liberté et l’égalité. L’ancienne garde des Sceaux ne s’attarde pas sous les applaudissements. Elle retrouve vite l’Hexagone pour profiter du bruit médiatique qui entoure encore sa démission. Peu adepte des matinales radio ou des plateaux télé durant son mandat, Christiane Taubira change de braquet une fois sa liberté totalement retrouvée. Une manière de s’expliquer, de se justifier, et d’assurer le SAV de ses Murmures à la jeunesse, réquisitoire contre la déchéance de nationalité, préparé et édité dans le plus grand des secrets. « Que serait le monde si chaque pays expulsait ses nationaux de naissance considérés comme indésirables ? Faudrait-il imaginer une terre-déchetterie où ils seraient regroupés ? », se questionne-t-elle, dans un texte entrecoupé de références culturelles et de digressions philosophiques. Tout au long des cent pages, elle reste loyale au président mais n’épargne pas Manuel Valls, avec qui les divergences sont profondes.

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Place Vendôme, Christiane Taubira affiche un bilan contrasté. L’acte le plus emblématique porté par la garde des Sceaux, l’instauration du mariage pour tous, définitivement voté en avril 2013, fait d’elle une icône à gauche et un bouc émissaire à droite. Son projet le plus significatif, la réforme pénale, est largement remanié, et la voit supprimer les peines planchers et instaurer la contrainte pénale. Elle est dès lors accusée de « laxisme » par une opposition qui ne cessera plus de demander sa tête et de la vilipender. La ministre de la Justice échoue par ailleurs à tenir des engagements du candidat Hollande comme la suppression de la Cour de justice de la République ou le statut pénal du chef de l’État. La réforme du Conseil supérieur de la magistrature est quant à elle suspendue, en raison d’une absence de majorité au Congrès. En se retirant, Christiane Taubira laisse également en suspens son ambitieux projet de refonte de la justice pour mineurs. Enfin, durant son mandat, elle doit aussi faire face à la révolte successive des huissiers, des notaires, des agents de l’administration pénitentiaire et des avocats. Plus que le travail mené ou les réformes entreprises, ce sont ses répliques éclairées et ses discours parsemés de musicalité qui resteront dans les mémoires. Pour contrer ses opposants ou défendre ses idées, Christiane Taubira manie les mots avec passion et érudition. Dans l’exercice de l’art oratoire, elle excelle et rayonne, la tête haute, le regard profond qui soutient toujours son auditoire et ne se réfugie jamais vers la moindre note. Son style lyrique, un brin poétique, permet au débat politique de s’élever, et d’atteindre parfois des sommets du côté de l’Assemblée. C’est le cas le 29 janvier 2013, lors de l’ouverture de l’examen du projet de loi sur le mariage pour les couples de même sexe. Dans une envolée longue de trente minutes, elle livre un véritable récital historique, sociologique et politique, pour conclure sa tirade en citant Léon-Gontran Damas : « L’acte que nous allons accomplir est beau comme une rose dont la tour Eiffel assiégée à l’aube voir s’épanouir enfin les pétales. Il est grand comme un besoin de changer d’air, fort comme l’accent aigu d’un appel dans la nuit longue ». D’aucuns affirment que ce jour-là, comme Simone Veil en novembre 1974 ou Robert Badinter en septembre 1981, Christiane Taubira est entrée dans l’histoire.

AUDIENCE N°2


« Depuis une dizaine d’années, la gauche a été confrontée à une offensive de droite, culturelle, sémantique et politique. La gauche s’est laissée dépouiller » En avril 2015, sur sa vision de l’évolution de la gauche

« Ils n’auront pas mon suicide ! » En mai 2015, en réponse aux attaques racistes dont elle fait régulièrement l’objet

« Son prénom avait des ailes, son petit cœur a dû battre si fort que les étoiles de mer l'ont emporté sur les rivages de nos consciences »

« J'avoue que, malgré toutes ces années passées, vous conservez pour moi quelque chose de mystérieux. Je me demande si, lorsque vous affirmez certaines choses, vous y croyez vraiment. Si c’était du temps de ma fringante jeunesse, j’aurais supposé un sentiment contrarié. Mais cet hémicycle a déjà constaté à quel point je vous obsède dans toute votre expression publique, avec une constance qui appelle quand même l’admiration », En réponse à Éric Ciotti (LR), qui accuse la ministre, le 23 juin 2015, d’instrumentaliser la réforme pénale pour quitter le gouvernement et être nommée à la tête du Conseil constitutionnel

Le 3 septembre 2015, en hommage à Aylan, enfant syrien retrouvé mort sur la plage de Bodrum

« Qui vous a dit que j’allais me reposer ? D’accord, j’ai beaucoup travaillé dans ma vie, j’aurais le droit de me reposer. Mais je suis tourmentée. J’avais prévu de construire ma bibliothèque, de vivre ma vie. Je ne pensais pas qu’on se retrouverait aujourd’hui devant une telle urgence de combat. On ne peut laisser le champ libre. Donc oui, je suis prête à me battre ».

© DR

Dans les colonnes des Inrockuptibles, quelques jours après sa démission, laissant planer quelques doutes sur un éventuel retour en vue de 2017

2 février 1952 Naissance à Cayenne, en Guyane 30 novembre 1992 Cofonde le parti politique guyanais Walwari (proche du PRG) et en devient présidente 12 juin 1994 Participe aux élections européennes sur la liste du parti Énergie radicale mené par Bernard Tapie 21 avril 2002 Candidate du Parti radical de gauche à l’élection présidentielle, elle recueille 2,32% des voix. 16 mai 2012 Après l’élection de François Hollande, elle est nommée garde des Sceaux au sein du gouvernement Ayrault

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AUDIENCE N°2


ON EN PARLE

LES

ANTENNES RELAIS

DEVANT

LE JUGE

ADMINISTRATIF

Alors que de plus en plus de voix s’élèvent quant à leur potentielle nocivité en raison des ondes qu’elles émettent, les antennes érigées par les opérateurs mobiles posent avant tout question sur le terrain législatif de l’urbanisme et de l’environnement.

Une problématique qui met aux prises les professionnels du secteur, les collectivités et les habitants et qui s’avère d’autant plus épineuse que chacun souhaite une couverture réseau maximale, tout en espérant que ces antennes soient situées le plus loin de chez lui...

MARTINE CLIQUENNOIS, AVOCAT ASSOCIÉE

C

’est un contentieux qui se développe depuis quelques temps devant les juridictions administratives et qui concerne au premier chef les maires chargés de délivrer les autorisations d’urbanisme. Le problème ? Des riverains, soucieux de leur environnement immédiat, attaquent les communes qui délivrent les autorisations d’installer les antennes ; ou bien à l’inverse, les opérateurs de téléphonie mobile attaquent les communes aussi, mais parce que l’autorisation d’installation leur a été refusée.

développée en 2011 et 2012 (CE, 26 octobre 2011, n°326492 ; CE, 30 janvier 2012, n°344992) dans laquelle il estime qu’en l’état actuel des études scientifiques, il n’y a pas lieu à appliquer le principe de précaution. Un maire ne peut donc s’opposer à une antenne pour cette raison. Certes, cette question évoluera peut-être à l’avenir ; il existe des propositions de loi qui visent à intégrer la prise en compte de ces risques potentiels, au titre du principe de précaution. Mais pour le moment, il n’est pas la peine de se battre sur ce terrain.

Quels sont les problèmes juridiques fréquemment posés au juge ?

Devant le tribunal administratif, seul compte le respect des règles d’urbanisme et d’environnement : Code de l’urbanisme, plan local d’urbanisme (PLU), lois relatives à la protection de sites naturels, plans de prévention de risques d’inondation ou de risques industriels par exemple, selon l’implantation prévue pour l’antenne. Par exemple si tel article du PLU applicable fixe une hauteur maximum des constructions ; ou bien encore fixe une distance par rapport à la voie publique, alors cet article peut être invoqué pour s’opposer à l’implantation de l’antenne.

Tout d’abord il faut savoir qu’en l’état actuel du droit, le débat ne portera pas, devant le tribunal administratif, sur les nuisances susceptibles d’être provoquées par les ondes électromagnétiques. Jusque-là, le Conseil d’État s’en tient à une position

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AUDIENCE N°2


?! Une antenne relais est un émetteur-récepteur qui convertit les signaux électriques en ondes électromagnétiques. Son fonctionnement rend notamment possible la téléphonie mobile et la connexion internet sur smartphone (3G et 4G).

Aujourd’hui, la grande question qui agite les milieux concernés est celle de l’autorisation d’urbanisme préalable : faut-il un permis de construire ; ou une simple déclaration préalable de travaux suffit-elle ? Cette question renvoie à l’application de règles nouvelles entrées en vigueur avec le décret du 28 février 2012 qui acte la disparition de la notion de SHOB (surface hors œuvre brute), que certains connaissaient bien jadis, pour la remplacer par la notion de surface de plancher, qui elle-même renvoie à la notion d’emprise au sol, et qui elle-même suppose de réunir plusieurs critères dont celui de la projection verticale à partir du sol… on voit la complexité du sujet.

calculer la surface et en déduire qu’un permis de construire était nécessaire si elle dépassait deux mètres carrés. La question est désormais de savoir si cette jurisprudence du Conseil d’État peut être transposée au droit nouveau de l’emprise au sol : doit-on continuer à voir dans l’ensemble des installations nécessaires pour implanter une antenne un ensemble fonctionnel indissociable ? Dès lors que l’on regarde cet ensemble, il dépasse presque toujours cinq mètres carrés, règle applicable désormais, et il faut alors un permis de construire. C’est en général ce que soutiennent les riverains et certaines communes. Ou bien faut-il, comme le soutiennent les opérateurs de téléphonie mobile, considérer que les dalles de béton sur lesquelles reposent des pylônes de plus de vingt mètres de haut ne sont que de simples terrasses, comme le sont les terrasses de plain pied, sans fondations profondes, des maisons individuelles, qui sont exclues du calcul de surface par une circulaire ministérielle de 2012, et donc qu’il suffirait d’une déclaration de travaux ?

De plus, il existait avec l’ancien droit une position du Conseil d’État, (CE, 20 juin 2012, n° 344646). qui considérait qu’une l’installation d’une antenne de téléphonie mobile, qui suppose une ou plus souvent deux dalles de béton coulées au sol sur laquelle sont fixés un mât qui sert de support à l’antenne proprement dite, et des armoires électriques pour faire fonctionner le tout, que cet ensemble donc, constituait un ensemble fonctionnel indissociable. Donc il fallait tenir compte de tout cet ensemble arrimé au sol pour

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000

C’EST LE NOMBRE D’ANTENNES RELAIS EN FRANCE

Pour le moment la jurisprudence est partagée : les quelques tribunaux administratifs (Caen, Versailles, Melun, Orléans) qui se sont prononcés sont favorables à l’une ou à l’autre solution. La cour administrative d’appel de Douai ne s’est pas encore prononcée, mais sa position est très attendue localement. Le tribunal administratif de Lille a en effet rendu depuis le 2 juillet 2015 plusieurs décisions favorables à la solution du permis de construire. Les communes de Neuville-en-Ferrain, Halluin, Premesques, sont par exemple concernées.

son analyse, qui régulera alors les décisions des juridictions inférieures, et ce, pour tout le territoire national. Reste encore, pour les riverains, une fois qu’une antenne implantée est considérée comme illégale par le juge administratif, à aller devant le juge judiciaire, cette fois, pour se plaindre des nuisances subies. À moins que, d’ici là, la progression rapide de la fibre optique soit telle que l’implantation des antennes relais ne devienne un sujet anachronique. Mais rien n’est moins sûr…

On s’attend à être fixé dans le courant de l’année 2016 Reste que, compte tenu de l’enjeu pour les opérateurs économiques et pour les riverains des communes concernées, il faut s’attendre à ce que le Conseil d’État soit saisi pour donner un jour

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AUDIENCE N°2


© Bernard Wis / Énergies pour l’Afrique | Photo de couverture : © Claude Truong-Ngoc

L’INTERVIEW

Hier, il quittait la vie politique. Aujourd’hui, toute son énergie se porte vers l’Afrique. Jean-Louis Borloo enchaîne les longs courriers pour réaliser un gigantesque chantier : électrifier l’ensemble du continent africain et lui permettre de rayonner comme jamais. Avec sympathie et modestie, l’ancien ministre et maire de Valenciennes nous raconte ce projet et s’arrête sur quelques instants marquants de son parcours. Entretien exclusif avec un homme engagé et passionné...

J

PROPOS RECUEILLIS PAR GHISLAIN HANICOTTE AVOCAT ASSOCIÉ

Jean-Louis Borloo, vous vous êtes retiré de la vie politique en 2014 et vous êtes engagé dans de nouveaux défis. Quels sont-ils aujourd’hui ? Depuis mon retrait de la vie politique, je me consacre et me dépense sans compter au Plan Énergies et Lumières pour Tous, particulièrement pour le continent Africain, à travers la fondation Énergies pour l’Afrique. L’énergie et la lumière pour tous, ce doit être notre objectif commun car c’est une cause noble et indispensable pour l’avenir de l’humanité. Ce sujet est maintenant posé dans le débat public international et même si nous n’avons pas la prétention, loin s’en faut, d’être ni les seuls ni les premiers, nous croyons à l’utilité de notre action et à la crédibilité de notre engagement, tant dans le fond que dans la forme.

Ce plan massif répond aux conséquences du dérèglement climatique dramatique pour l’Afrique et les autres pays vulnérables. C’est un enjeu de développement durable car l’Afrique a le plus grand potentiel d’énergies renouvelables du monde. Il s’agit également d’un enjeu de lutte contre la pauvreté et la précarité, et de réduction de la déstabilisation du continent africain avec toutes les conséquences pour le reste du monde. Enfin, c’est un enjeu de croissance mondiale car l’énergie permettra à l’Afrique une croissance soutenue qui bénéficiera au reste du monde : le dividende démographique.

1989 - 2002

1993 - 2014

2002 - 2010

Maire de Valenciennes

Député de la 21 circonscription du Nord e

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AUDIENCE N°2

Ministre d’État


JEAN-LOUIS BORLOO

« J’AI LA CONVICTION QUE L’AFRIQUE

EST LE CONTINENT DU XXIE SIÈCLE »

Quelles sont les convictions qui vous ont amené à faire de votre engagement pour l’Afrique une priorité ? Le constat est maintenant totalement partagé : l’Afrique, avec déjà 1,2 milliards d’habitants, devra nourrir, former, loger, guérir et employer un milliard de nouveaux habitants d’ici trente ans. À cette date, un quart des actifs de la planète seront africains, population la plus jeune du monde, un atout pour le continent mais aussi un défi redoutable. De 1950 à 2050, la population d’Afrique subsaharienne aura été multipliée par dix, passant de 180 millions à deux milliards d’habitants. Dans l’histoire de l’humanité, aucune région du monde n’a jamais eu à connaître une croissance démographique d’une telle magnitude. Les deux tiers de la population du continent, soit 650 millions d’Africains, n’ont pas d’accès à l’énergie et à la lumière alors que l’énergie permet l’accès à l’eau, à la santé, à l’éducation, à l’agriculture, à l’emploi de service et à l’emploi industriel, à la sécurité et à l’équilibre du territoire. Malgré des efforts de tous, notamment des dirigeants africains, dix millions d’Africains de plus par an n’ont pas d’accès à l’énergie. Cette situation n’est tenable, ni pour l’Afrique, ni pour l’Europe, ni pour le reste du monde. Nous sommes à la croisée des chemins : un continent totalement électrifié sera un pôle de stabilité et de croissance majeur, à l’inverse la déstabilisation

risque d’être extrêmement grave dans un continent où 700 millions de portables sont aujourd’hui utilisés et où l’information circule totalement. J’ai la conviction que l’Afrique est le continent du XXIe siècle et qu’il peut devenir, grâce à son formidable potentiel en énergies renouvelables, le premier continent soutenable de l’Humanité. De nombreux voyages, de nombreux survols de ce continent plongé dans l’obscurité à la nuit tombée, de nombreuses rencontres, marquantes, émouvantes de sincérité, m’ont fait prendre conscience de l’incroyable défi que représente l’accès à l’énergie dont 650 millions d’africains sont dépourvus. Vous l’avez dit, chaque année, ce sont dix millions d’Africains de plus qui n’ont pas accès à l’électricité. Comment expliquer un tel fossé entre nos pays, surabondés de lumière, et le Continent noir ? Je le répète, ce sont non seulement dix millions d’Africains de plus par an qui n’ont pas accès à l’électricité, mais c’est surtout, aujourd’hui, 650 millions d’Africains qui n’ont pas accès à cette électricité. L’Afrique est notre continent frère et se trouve à seulement 14 kilomètres de l’Europe. Elle a une richesse qui est sa jeunesse, mais la dégradation de sa situation énergétique du fait de son expansion démographique se traduit par un véritable gâchis

2012 - 2014

2014 -

Président de l’UDI

Président d’Énergies pour l’Afrique, association dédiée à la conception et la promotion d’un grand programme d’accès à l’électricité en Afrique

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AUDIENCE N°2


« EN UN AN, J’AI PARCOURU PLUS DE 700 000 KILOMÈTRES ENTRE LA FRANCE ET L’AFRIQUE. CELA M’A PERMIS D’ÉTABLIR DES RELATIONS PRIVILÉGIÉES... »

humain. S’y ajoute également le manque de financement, notamment de subvention, que les ressources publiques des États Africains ne permettent pas, tout comme le manque d’investisseurs dû au problème de soutenabilité financière et de rentabilité des projets. Comment parvenir à votre objectif, d’ici 2025, d’apporter l’énergie et la lumière à ces millions de personnes ? Après une longue réflexion et beaucoup de travail à la demande des dirigeants africains, nous avons été amenés à faire une analyse des raisons objectives puis des propositions de solutions. Pour ce faire, nous avons rencontré la plupart des acteurs énergétiques du continent africain, bien entendu les ministres de l’Énergie, quasiment tous les chefs d’État en exercice chez eux dans leurs capitales, les financeurs publics bilatéraux ou multilatéraux, les agences de développement internationales, les opérateurs privés, les financeurs internationaux, toute la communauté concernée, y compris les partenaires indispensables : Commission européenne et Parlement européen, administration Obama et Congrès américain, et membres de gouvernement européens. Le diagnostic est clair et a fait l’objet d’une note, Initiative Energies pour l’Afrique : « La lumière et l’électricité pour tous, un droit universel ». Le rapport de synthèse est simple : un plan massif d’électrification sur l’intégralité du continent africain, en zones urbaines comme en zones rurales est absolument vital. Il n’y a aucune difficulté technologique particulière pour y parvenir. Les raisons des difficultés sont connues et amènent à proposer une agence panafricaine, un outil dédié, disposant d’une équipe de haut niveau d’ingénierie publique au service des États africains et des projets en Afrique pour un plan massif d’énergies renouvelables doté d’une part de subventions permettant de rendre soutenable l’ensemble des projets. En effet des projets de toutes natures, de toutes les énergies sont prêts,

les liquidités mondiales sont importantes, il manque la part d’ingénierie publique et surtout la part de subventions internationales que l’on peut estimer de l’ordre de cinq milliards de dollars par an pendant dix ans, permettant de mobiliser les vingt milliards de dollars par an de liquidités publiques et privées disponibles. Quels sont, aujourd’hui, vos plus fervents soutiens ? Comment des personnes ou des entreprises peuvent-elles s’inscrire dans ce projet et sous quelle forme concrète ? Tout d’abord, les chefs d’État et de Gouvernement africains. Vous savez en un an, j’ai parcouru plus de 700 000 kilomètres entre la France et l’Afrique. Cela m’a permis d’établir des relations privilégiées avec les chefs d’État et de Gouvernement africains, clés de la réussite du Plan Energies et Lumière pour Tous. Nous avons eu le privilège de bénéficier du soutien de la présidence de la République française et des institutions de la République, à de nombreuses reprises. François Hollande a fait l’honneur d’introduire le projet lors de la conférence de presse de lancement de la COP21, et de recevoir à cette occasion, en ma compagnie, des chefs d’État et de Gouvernement africains lors d’un déjeuner à l’Elysée. Conscient de la nécessité d’électrifier le continent, la France a permis, sur les recommandations d’Energies pour l’Afrique, l’ajout au texte de la COP21 du paragraphe sur l’énergie « considérant la nécessité de promouvoir l’accès universel à l’énergie durable dans les pays en développement, en particulier en Afrique, en renforçant le déploiement d’énergies renouvelables ». Il y a également, l’Union Européenne que nous avons rencontrée à plusieurs reprises. De même, de nombreux acteurs économiques sont membres de la fondation et la soutiennent. Pour s’inscrire dans ce projet, chacun peut aller sur notre site web : www.energiespourlafrique.org.

Aux côtés de chefs d’États et d’Organisations comme François Hollande et Ban Ki-moon, ou sur le terrain comme à Conakry (Guinnée), Jean-Louis Borloo transporte toujours son enthousiasme et sa passion pour mener à bien son projet pour l’Afrique © Présidence de la République, Bernard Wis & United Nations / Énergies pour l’Afrique

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AUDIENCE N°2


D’un regard extérieur, l’on a souvent l’impression que le changement ne pourra guère venir des sommets des états mais plutôt de la société civile elle-même. Comment l’expliquez-vous ? Toute politique de changement ne peut être conduite sans un travail d’analyse de diagnostic en profondeur, sans se contenter de phrases, de dénonciations de type « c’est la faute de » ou de slogans. Il faut aller chercher en profondeur les raisons du blocage ou de la faible performance. Souvent, une situation donnée est le fruit de décisions antérieures qui étaient pertinentes à l’époque où elles avaient été prises... Mais tout change, tout bouge et il faut s’adapter en permanence. À partir d’un diagnostic sérieux avec toutes les parties prenantes, un objectif peut être défini et une organisation humaine adaptée avec les moyens appropriés. En réalité il y a beaucoup de malentendus par défaut d’analyse en profondeur. Le changement est donc collectif même si à un moment ou à un autre il faut bien que quelqu’un assume la responsabilité et incarne l’objectif. C’est le rôle du politique. Quels sont les meilleurs souvenirs de votre parcours politique ? Pour tout vous dire, ne me reviennent que de bons souvenirs. Dans la conduite de l’action publique, que ce soit à l’époque où j’étais Maire de Valenciennes, l’arrivée de Toyota, la construction du nouveau théâtre, de la bibliothèque, la rénovation urbaine, et plus globalement, la baisse du chômage. C’est également le plan de rénovation urbaine des banlieues françaises, le quasi doublement de la production de logements, la baisse du chômage, les services à la personne, le Grenelle de l’environnement... Bref, contrairement à une idée reçue, l’action publique peut être efficace à condition de fédérer tous les acteurs. Avez-vous un souvenir émouvant ? Plein de souvenirs émouvants... Oui, le regard de ces femmes dans des quartiers très difficiles dont on avait, à la fois détruit les barres qui encerclaient le quartier, réhabilité l’ensemble des logements et le sentiment que les mamans avaient repris le sourire et confiance en elles mais aussi le jour où, à 37 ans, les Valenciennois m’ont confié la mairie alors que je n’avais ni formation politique, ni parti politique, que je n’étais pas né à Valenciennes, que j’étais Parisien. Cet acte de confiance vous met une pression émouvante pour dix ans.

«

CLAIREMENT IDENTIFIÉ ET DE VISION QUI FAIT QUE CERTAINS SONT DÉMOTIVÉS »

À l’inverse, avez-vous un vrai regret ou quelque chose que vous auriez aimé entreprendre ou dire si c’était à refaire ? Quand vous êtes totalement engagé au service des autres, vous considérez toujours que toutes les actions que vous menez ne sont ni assez rapides, ni assez profondes, ni assez fortes. Cette envie de changer les choses n’est jamais parfaitement satisfaite... Quelles sont, selon vous, les qualités indispensables à détenir pour être acteur politique et les défauts incompatibles avec la fonction ? La qualité principale est d’être heureux de servir les autres et ne jamais se contenter de réponses trop faciles pour expliquer des situations qui ne fonctionnent pas bien. C’est aussi accepter que l’action publique a des effets suffisamment lents pour ne pas en attendre de gratitude immédiate mais le faire, car c’est ce qui donne un sens à votre vie. En 2002, vous écriviez Un homme en colère en mettant en cause le système et non les hommes. Qu’en est-il depuis ? Etes-vous toujours « colère » ? Je continue à considérer que ce sont les systèmes qui ne sont plus adaptés, qu’il faut en chercher les raisons et les surmonter plutôt qu’un débat de mise en cause des hommes. Oui, je suis toujours en colère quand je vois notre incapacité à régler tant de situations inacceptables, notre génie à les dénoncer et le peu d’énergie discrète et en profondeur mis pour y parvenir.

Vous qui avez toujours travaillé en équipe : quels sont, pour vous, les qualités du collaborateur idéal ? Tout homme, toute femme a envie d’être un collaborateur ou une collaboratrice idéale. C’est l’absence du projet clairement identifié et de vision qui fait que certains sont démotivés, voire pas dans l’action collective. Que diriez-vous, en guise de conclusion, à tous ceux qui attendent de vos nouvelles et souhaitent savoir si d’autres objectifs vous taraudent ? Je suis étonné du nombre de personnes dans la rue qui me demandent de mes nouvelles, des nouvelles de ma santé et qui m’adressent des messages très franchement affectueux ou en tous les cas chaleureux. Je suis un séquentiel. Je suis convaincu que l’avenir de l’Europe passe par l’Afrique, mais une Afrique qui a les moyens de son développement, c’est-à-dire disposant de l’énergie et qu’à défaut l’Afrique pourrait sombrer dans le drame, et l’Europe avec elle... Une Afrique éclairée, c’est une Europe heureuse.

CONTRAIREMENT À UNE IDÉE REÇUE, L’ACTION PUBLIQUE PEUT ÊTRE EFFICACE À CONDITION DE FÉDÉRER TOUS LES ACTEURS »

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« C’EST L’ABSENCE DU PROJET

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AUDIENCE N°2


L’ENTRETIEN

JACQUES TOUBON D É F E N S E U R

D E S

D R O I T S

« UN ÉTAT D’EXCEPTION DOIT PRÉCISÉMENT ÊTRE CARACTÉRISÉ PAR SA NATURE EXCEPTIONNELLE ET TEMPORAIRE » PROPOS RECUEILLIS PAR GHISLAIN HANICOTTE AVOCAT ASSOCIÉ

AUDIENCE :

JACQUES TOUBON :

Le Défenseur des droits est une institution de l’État totalement indépendante, instituée en 2011. Quelles en sont les missions et prérogatives ? La révision constitutionnelle de juillet 2008 et la loi organique du 29 mars 2011 ont défini cette structure nouvelle et totalement inédite dans le champ institutionnel. Quatre missions essentielles lui sont attribuées : la lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité, la défense des droits de l’enfant, la médiation entre l’administration et ses usagers, enfin le contrôle de la déontologie des professionnels de la sécurité. Quelles sont vos capacités d’action et d’intervention ? Notre travail est organisé autour de deux axes, la protection et la promotion. Chaque année, au titre de notre activité de protection, nous accueillons plus de 120 000 demandes de nos concitoyens en proie à une difficulté. Près de 40 000 dossiers sont réorientés vers des services

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AUDIENCE N°2

ou instances compétents. Nous traitons donc sur le fond 80 000 dossiers, dont 40% porte sur des problématiques liées aux droits sociaux. Nos interventions sont de nature très diverses : cela va des grands-parents qui nous saisissent car ils ne peuvent plus voir leurs petitsenfants, au salarié discriminé dans son emploi en raison de son origine ou de son engagement syndical, d’une famille désemparée après la suspension d’une prestation sociale à un manifestant qui estime avoir fait l’objet d’un contrôle d’identité « musclé ». Pour régler l’ensemble de ces dossiers, l’institution s’appuie sur le savoir-faire de 200 juristes au siège parisien et de plus de 400 délégués, tous bénévoles et répartis dans plus de 600 points d’accueil sur le territoire qui tiennent des permanences une à deux fois par semaine et reçoivent le public. D’autre part, au titre de notre activité de promotion de l’égalité, nous développons des relations avec nombre d’acteurs de la société, associations, collectivités


© Francois Lafite/Wostok Press/Maxppp France

territoriales pour porter des messages et des actions en faveur de l’accès aux droits et de la défense des libertés fondamentales. Nous développons également un travail conséquent de proposition de réformes réglementaires ou législatives en formulant des avis au Parlement et au gouvernement  : au cours de ces derniers mois, nous sommes ainsi intervenus avec force sur les textes de révision constitutionnelle ou au cours de la discussion de la loi sur le renseignement, afin de faire valoir notre préoccupation de ne pas voir affaiblir notre état de droit en matière de libertés publiques.

dans un souci de défense de l’égalité et de respect des libertés fondamentales. C’est au fond la grille de lecture qui préside à mon action depuis près de deux ans quels que soient les domaines traités par le Défenseur des droits. Il s’agit là du socle de nos principes républicains, un socle qui n’est pas négociable ou aménageable au gré des circonstances. J’ai, par exemple, insisté

« FAVORISER SANS RELÂCHE L’ACCÈS AUX DROITS »

Dans quels cas de figure peut-on saisir le Défenseur des droits ? La réponse est simple : quiconque demeurant sur le territoire français et s’estimant léser dans l’accès ou l’exercice de ses droits fondamentaux peut nous saisir. Pour ce faire, il suffit soit de contacter un de nos délégués territoriaux, soit de renseigner un formulaire disponible sur notre site (www.defenseurdesdroits.fr), soit enfin de nous envoyer un courrier (7 rue Saint Florentin, 75409 Paris Cedex 08), ou nous appeler au 09 69 39 00 00.

auprès du Président de la République sur la « fracture numérique », c’est-à-dire les difficultés qu’éprouvent beaucoup d’usagers devant la numérisation croissante des formalités administratives. À la suite de la prolongation de l’État d’urgence, vous avez lancé un espace dédié au sujet sur votre site. En quoi consiste-t-il et quelle en est l’ambition ? Mon objectif n’est bien évidemment pas de juger de l’opportunité politique de l’état d’urgence. En revanche, il m’appartient, au titre des prérogatives que m’a confié la loi organique de veiller à ce que les exigences légitimes de la sécurité demeurent équilibrées avec le

Vous avez personnellement remis, à la mi-février, votre rapport annuel au Président de la République. Quelles en sont les grandes lignes ? Mon souci est constant depuis ma prise de fonction au cours de l’été 2014 : favoriser sans relâche l’accès aux droits,

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AUDIENCE N°2


respect des libertés et des droits fondamentaux. Dès la mise en place de l’état d’urgence, j’ai donc proposé de transmettre aux commissions compétentes dans chacune des assemblées, les cas dont nous avions été saisis à la faveur de la mise en œuvre de l’état d’urgence et qui sont à l’instruction dans nos services. Nous avons été alertés à plusieurs dizaines de reprises sur des perquisitions, des contrôles d’identité ou encore des assignations à résidence où, manifestement, les droits fondamentaux n’ont pas été respectés. J’illustrerai mon propos par un seul exemple, tout à fait frappant : certaines perquisitions se sont déroulées au petit matin, dans des conditions très brutales, en présence d’enfants, parfois très jeunes. On mesure le choc, voire le traumatisme qu’ils ont eu à subir. Mon rôle, en tant que Défenseur des droits est de rappeler qu’il existe des dispositifs législatifs et réglementaires, de nature à protéger les enfants en de telles circonstances. Quel est justement votre point de vue sur cet état d’exception ? Mon point de vue peut être résumé d’une phrase : un état d’exception doit précisément être caractérisé par sa nature exceptionnelle et temporaire. J’ai dit publiquement, dès le 23 décembre, ma crainte de voir s’instaurer, à force de glissements juridiques successifs, un état d’exception permanent qui affaiblirait durablement l’état de droit. Sur ce point, ma vigilance s’exerce inlassablement. Quelle est votre position sur le lancinant débat concernant la déchéance de nationalité, dont les citoyens ont peine à comprendre l’insistance médiatico-politique ? Je me suis, sur ce point également, exprimé à de nombreuses reprises pour faire valoir des points de droits et de défense de l’égalité. Il n’est pas possible, de mon point de vue de Défenseur des droits, de créer ce que j’appellerai une « citoyenneté à deux vitesses ». Il ne peut y avoir, dans notre pays, les binationaux d’un côté, susceptibles d’être déchus de leur nationalité et d’autres citoyens, préservés de cette éventualité. J’ai également alerté sur les dangers de créer des apatrides, au mépris de toutes les règles de droit international et en particulier de la Convention de 1961. Ces dispositions heurtent simplement de front les principes fondamentaux de la République. À votre demande, la Défenseure des enfants Geneviève Avenard s’est rendue dans ce que la presse a communément appelé la « jungle » de Calais. Quel est votre constat et votre analyse sur ce dossier ? Je veux d’abord réfuter ce terme de « jungle », que je trouve ambigu et mal venu. Je préfère employer le nom de « camp de la lande » qui est en réalité un bidonville. Nous avons souhaité, avec Geneviève Avenard établir un bilan de la situation des mineurs, présents à Calais. Geneviève Avenard a été particulièrement frappée par l’absence d’informations précises dont nous disposons sur le nombre, l’identité et la prise en charge de ces enfants. Ce que nous voulons, c’est que les principes de la Convention internationale des droits de l’enfant, soient appliqués strictement. Pour certains d’entre eux –sans doute plus de 300 en février dernier- les enfants sont seuls, sans aucun parent ni adulte référent. Pour

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« L’ANNÉE 2015, MARQUÉE PAR DEUX ÉPISODES TERRORISTES, A ÉTÉ UN TRAUMATISME POUR CHACUN »

la plupart d’entre eux, il s’agit d’adolescents, livrés à eux-mêmes et qui ne bénéficient d’aucune aide. Ce sont des invisibles. Notre combat commun veut que ces mineurs isolés soient pris en charge, protégés et sécurisés et puissent bénéficier de ce à quoi ils ont droit en matière de santé, d’éducation ou d’hébergement (c’est une obligation légale de l’Etat). Vous avez récemment dénoncé un recul de nos libertés. Tendons-nous, selon vous, vers une société dans laquelle nos droits s’amenuiseraient ? Comment se caractérise ce recul ? L’année 2015, marquée par deux épisodes terroristes, a été un traumatisme pour chacun individuellement et pour notre société dans son ensemble. Je comprends le besoin de sécurité de nos concitoyens. Je partage la préoccupation des Pouvoirs publics d’assurer à tous un cadre de vie sécurisant et protecteur. Mais nous ne pouvons, sur la base de cette analyse entrer, pour reprendre une expression que j’ai déjà utilisée, dans « l’ère des suspects ». Amoindrir notre état de droit, affaiblir nos libertés ou en faire un enjeu de second rang serait donner raison aux terroristes dont l’unique objectif est de détruire les valeurs du vivre-ensemble, de tolérance et de liberté qui sont l’ADN de notre société. Vous avez successivement été Député de Paris, Ministre de la Culture et de la Francophonie, Garde des Sceaux puis Député européen. Que retirez-vous de ce parcours politique ? Je crois que ma vie publique a toujours été guidée par le souci de servir les principes auxquels je crois : l’égalité et la justice. Vous êtes le Défenseur des droits jusqu’en 2020. Quels seront, pour les quatre années à venir, les axes prioritaires ou les objectifs essentiels de votre mission ? Accès aux droits, accès aux droits, accès aux droits. Je le martèle sans relâche : c’est la quintessence de mon action en tant que Défenseur des droits. Cette formule est à elle seule un programme d’action auquel je m’efforce de donner réalité. Avez-vous un voeu pour la seconde moitié d’année 2016 ? Réussir, dans des conditions harmonieuses pour tous, le déménagement du Défenseur des droits dans ses nouveaux locaux, place de Fontenoy. Ce n’est pas un mince défi car rien ne doit entraver la bonne marche de nos services.

AUDIENCE N°2


DERNIÈRES MINUTES

DROIT DU TRAVAIL

UN NOUVEAU CAS DE « CULPABILITÉ » DE L’EMPLOYEUR PHILIPPE VYNCKIER, AVOCAT ASSOCIÉ

I

l était jusqu’alors constant que l’employeur a l’obligation de soumettre ses salariés à l’examen médical d’embauche devant le médecin du travail. Cet examen doit être effectif avant l’embauche ou, à tout le moins, au plus tard avant l’expiration de la période d’essai du salarié. Le non-respect de cette exigence engageait jusqu’à présent la responsabilité civile de l’employeur, mais aussi sa responsabilité pénale.

La Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, aux termes de son arrêt du 12 janvier 2016 (n°14/87695), a décidé d’écarter ce moyen de défense. Au cas d’espèce, l’employeur justifiait de l’accomplissement de la déclaration unique d’embauche et avançait l’absence de diligence du service de la médecine du travail pour permettre le déroulement effectif de la visite médicale d’embauche. La Chambre Criminelle ne s’en laisse pas conter et considère que l’employeur devait s’assurer de la réalisation effective par le médecin du travail de la visite médicale d’embauche. La Chambre Criminelle s’aligne ainsi sur la jurisprudence de la Chambre Sociale.

Pour échapper à cette dernière responsabilité, les employeurs mis en cause ne manquaient pas de se retrancher derrière l’accomplissement de la formalité constituée par la déclaration unique d’embauche, puisque cet accomplissement emporte demande d’examen médical d’embauche.

Employeurs, prenez-garde à vous !

RÉFORME DU DROIT DES OBLIGATIONS

IL EST TEMPS DE REVISITER VOS CONTRATS ! FRÉDÉRIC CAVEDON, AVOCAT ASSOCIÉ

C

ela fait plus de 200 ans que les dispositions du Code civil relatives au droit commun des obligations, à l’exception de quelques textes issus de la transposition de directives communautaires, n’avaient pas été modifiées en profondeur. C’est désormais chose faite avec la publication au Journal officiel du 11 février 2016 de l’ordonnance n° 2016-131 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. Ces dispositions entreront en vigueur le 1er octobre 2016, à l’exception des dispositions des 3e et 4e alinéas de l’article 1123 (pacte de préférence) et celles des articles 1158 (représentation) et 1183 (nullité) qui sont applicables dès l’entrée en vigueur de l’ordonnance.

pas faire et de donner), alors que d’autres font leur apparition (offre ou promesse unilatérale de contrat) ; et d’autre part, renforcer l’attractivité du droit français aux plans politique, culturel et économique, objectifs auxquels contribuerait, à en croire les auteurs du rapport, l’abandon formel de la notion de cause. Mais c’est surtout la consécration de certains mécanismes juridiques issus de la pratique (cession de contrat ou cession de dette), la clarification d’autres dispositifs (interprétation du contrat et spécification des règles propres aux contrats d’adhésion) et l’introduction de solutions innovantes (actions interrogatoires relatives à l’existence d’un pacte de préférence, à l’étendue des pouvoirs du représentant conventionnel ou encore à la volonté du cocontractant de se prévaloir de la nullité du contrat) ou protection de la partie faible au contrat (devoir d’information et clauses abusives) qui contribueront à la réalisation de ce second objectif.

Cette ordonnance est accompagnée d’un rapport expliquant le sens et l’interprétation de certaines dispositions. Celui-ci rappelle les deux principaux objectifs poursuivis par cette réforme, à savoir, d’une part, renforcer la sécurité juridique, notamment en codifiant à droit constant la jurisprudence qui s’est développée en la matière, en abandonnant certaines notions (obligations de faire, de ne

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Il est donc temps de procéder à une relecture de vos contrats sous le prisme de ces nouvelles dispositions !

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AUDIENCE N°2


L’INFOGRAPHIE

LA

LIBERTÉ D’EXPRESSION DANS TOUS SES ÉTATS

bla

bla bla

500 Millions de tweets sont postés chaque jour

C’est le nombre de mots différents utilisés par un adulte en moyenne dans sa vie de tous les jours. Les plus simplets se contentent de 500 mots quand les plus érudits en atteignent 30 000... À noter que le Petit Robert compte 60 000 mots.

4

Millions de recherches Google sont effectuées chaque minute

58 % Des individus vivent dans un pays où des internautes et blogueurs sont emprisonnés pour avoir partagé des contenus portant sur des sujets politiques, sociaux ou religieux

966

Grèves ont eu lieu en France en 2015

90 % des 15-24 ans sont inscrits sur au moins un réseau social

9

400

6 0 9

0 0 0

C’est le nombre de caractères que contient le roman de Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, soit près de 1,5 millions de mots. L’ouvrage détient le record du plus long roman dans le Guinness Book des records. Il fut publié en sept volumes, entre 1913 et 1927.

Heures de vidéos sont mises en ligne chaque minute sur YouTube

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AUDIENCE N°2


1 MILLIARD

Comme le nombre d’utilisateurs de WhatsApp, l’application de messagerie instantanée

C’est, en millions, le nombre d’utilisateurs de Facebook en France, dont la moitié poste, commente et partage quotidiennement

38e

Comme le nombre de muscles qu’il est nécessaire de solliciter simultanément pour pouvoir parler

C’est la place de la France dans le dernier classement de Reporters sans frontières sur la liberté de la presse

150

8 Comme le nombre de migrants qui se sont cousus la bouche en mars dernier pour protester contre le démentèlement de la « jungle » de Calais

72

Journalistes sont actuellement en prison à travers le globe

205 Milliards de mails sont échangés chaque jour dans le monde

80 millions de photos sont partagées chaque jour sur Instagram

«

12 000

C’est, en euros, le montant que peut atteindre une amende pour injure publique

Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit » Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948

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AUDIENCE N°2


LE SAVIEZ-VOUS ?

VOTRE TÉLÉVISEUR A (PEUT-ÊTRE) ÉTÉ CONDAMNÉ À

MORT !

Dans un souci de protection des consommateurs et de développement durable, une pratique abusive est actuellement dans le viseur du législateur : l’OBSOLESCENCE PROGRAMMÉE. Derrière ce terme un peu barbare se cache l’ensemble des techniques par lesquelles un fabricant cherche à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement. En 2015, cette pratique est devenue un délit et complète ainsi l’arsenal législatif de lutte pour une consommation responsable. Petit tour d’horizon pratique de vos armes de bataille…

PASCAL LENOIR, AVOCAT | DAVID MORTIER, ÉLÈVE AVOCAT

J’ai le droit de déposer plainte pour obsolescence programmée

J’AI LE DROIT

Avec la loi sur la transition énergétique du 22 juillet 2015, un délit d’obsolescence programmée a été créé. Les sanctions peuvent aller jusqu’à deux ans de prison et 300.000 € d’amende pour une personne physique et 5 % du chiffre d’affaires annuel pour une personne morale. Pour obtenir gain de cause, le consommateur devra prouver non seulement que la durée de vie du produit a été raccourcie volontairement, mais également que l’usage qu’il a fait de son bien n’est pas de nature à en avoir raccourci la durée de vie.

J’ai le droit de connaître la durée de vie des pièces détachées

J’ai le droit à une présomption de conformité de 2 ans

Grâce à la loi Hamon du 17 mars 2014, le consommateur peut désormais connaître la durée de disponibilité des pièces détachées indispensables à l’utilisation du produit qu’il va acquérir. Cette information est délivrée obligatoirement au consommateur par le vendeur de manière lisible avant la conclusion du contrat et confirmée par écrit lors de l’achat du bien.

Si le défaut d’un produit apparaît dans les deux ans qui suivent l’acte d’achat, le défaut est présumé exister au jour de l’acquisition. Il appartient au professionnel de prouver le contraire. Ce délai de deux ans est effectif depuis le 18 mars 2016. Pour les biens achetés avant cette date, il n’est que de six mois.

JE N’AI PAS LE DROIT Je n’ai pas le droit à une garantie commerciale systématique

Je n’ai pas le droit à une garantie des vices cachés illimitée

La garantie commerciale est facultative. Elle ne se substitue pas mais s’ajoute aux garanties de conformité et des vices cachés qui, elles, sont obligatoires. La garantie commerciale peut être gratuite ou payante et nécessite la signature d’un contrat de garantie. Le professionnel ne respectant pas les dispositions relatives à la garantie commerciale s’expose à une amende administrative de 3 000 € pour les personnes physiques et de 15 000 € pour les personnes morales.

Lors de l’achat, le vendeur doit garantir le consommateur contre les défauts cachés du produit. Mais cette garantie n’est que de deux ans à compter de la découverte du vice. Durant ce laps de temps, l’acheteur aura le choix entre rendre le produit et demander son remboursement ou garder son bien et se faire restituer une partie du prix.

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AUDIENCE N°2


ZONE DE NON-DROIT

Sous le palais

QUELLE TRUFFE CHOISIR ? GHISLAIN HANICOTTE, AVOCAT ASSOCIÉ

C

e n’est ni de la personne stupide, ni du bout du museau du chien, ni encore de la friandise en chocolat dont il s’agit.

Mais du résultat de la fructification d’un champignon souterrain, autrement dit la truffe ! Nous le trouvons, de préférence en terrain calcaire, se développant toujours en symbiose avec et aux pieds du chêne blanc ou vert, des frênes, du charme et parfois du tilleul… Le gastronome fera face à six « espèces » de truffes :

1

Le tuber melanosporum, reine des truffes, que l’on trouve majoritairement en France (chair noire violacée) dite truffe noire dite du Périgord de Provence ou du Tricastin.

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Le tuber magnatum, en Italie dite truffe blanche d’Alba, de loin la plus chère (blanche et d’aspect marbré).

3

La brumale, dite truffe musquée, à l’odeur forte et au goût poivré (chair grise noire et veines blanches).

L

4

L’uncinatum, dite de Bourgogne, à l’odeur de champignon et au goût de noisette (chair brun foncé et nombreuses veines).

5

L’aestivum, dite de Mayenque, au goût léger de champignon forestier (truffe blanche d’été, chair beige à maturité).

6

Le tuber mesentericum, au goût amer d’amande et de réglisse. Le marché de la truffe est comparable à celui des renseignements généraux…. Vous pouvez être incollable sur la truffe, vous n’en percevez jamais tous les secrets… Sauf sans doute la truffe chinoise (indicium) trop stupide pour conserver son secret : bien qu’étant odorante et ressemblante à celle du Périgord, elle n’a en réalité quasiment aucun goût…

Instant critique

e Livre des Baltimore est le troisième roman de Joël Dicker. Le jeune écrivain suisse s’est fait connaître en 2012 avec la publication de son ouvrage La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert, CLAIRE DONAINT dont le principal protagoniste est AVOCAT Marcus Goldman et pour lequel il a obtenu le Grand Prix du Roman de l’Académie française. Le dernier roman de Joël Dicker, qui met à nouveau en scène Marcus Goldman, était donc très attendu, tant par la presse et les librairies que par le public. Si la critique littéraire apparaît timorée, le public adore, et pour cause : Joël Dicker nous tient en haleine de la première à la dernière page.

Et Marcus Goldman nous livre ici sa propre histoire familiale. Marcus y est un « Goldman de Montclair » de classe moyenne, tandis que ses cousins sont des « Goldman de Baltimore » qui ont un statut social plus élevé. Rapidement, ces trois cousins forment le « Gang des Goldman ». Mais alors qu’un Drame se produit, tout ce qui semblait acquis vole en éclat. Survient alors le temps des interrogations. Qui est Alexandra ? Quel rôle joue-t-elle dans la réalisation de ce Drame et ses conséquences ? Marcus cherche des réponses et emmène le lecteur dans une quête captivante et trépidante longue de 474 pages. Le Livre des Baltimore est indéniablement un roman très agréable à lire qui permet, l’espace de quelques heures, de ne penser à rien d’autres qu’à ce fameux Drame qui a tant bouleversé la vie de Marcus Goldman. Un personnage que l’on retrouvera vraisemblablement dans les prochains romans de Joël Dicker, avec plaisir !

UN ROMAN HALETANT ET ENVOÛTANT

Si La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert peut être classé dans la catégorie des romans policiers, Le Livre des Baltimore est davantage un roman qui met en perspective le rôle de la famille et son influence dans la construction de chacun d’entre nous.

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AUDIENCE N°2


BILLET D’HUMEUR

L’INTÉRÊT AU TAUX LÉGAL

C’EST TENDANCE ! | MARTINE VANDENBUSSCHE, AVOCAT ASSOCIÉE |

Parmi l’arsenal de notions de référence auxquelles le monde des affaires et la sphère juridique ont constamment recours, la notion d’intérêt au taux légal est, si l’on veut conserver la métaphore de la mode, un basic. Mais depuis les années 1990, le développement croissant des activités bancaires, réglementées au plus près par la loi, la jurisprudence et les normes professionnelles, lui ont donné une nouvelle envergure. Dans ce contexte, il est apparu nécessaire au Gouvernement de relooker l’intérêt du taux légal, au moyen d’une réforme entrée en vigueur au 1er janvier 2015.

européenne et des taux pratiqués par les établissements de crédit ».

Le domaine commercial et civil connait bien le taux d’intérêt légal, lorsqu’il vient pallier l’absence de stipulation d’un intérêt conventionnel, mais c’est d’abord à sa nature moratoire et indemnitaire à laquelle on pense lorsqu’on l’évoque. Le taux légal est le moyen de faire pression sur le débiteur tenu au paiement d’une somme d’argent. Ce taux doit l’inciter à la ponctualité, de sorte que les intérêts payés à ce titre ont vocation à réparer le préjudice subi par le créancier en raison du règlement tardif.

Partant, la réforme est significative, puisque deux taux vont cohabiter, fondés sur le coût de refinancement de deux catégories de créanciers, et semestriellement révisés pour tenir compte des fluctuations de l’activités économique. Un premier taux, spécifique aux créances des particuliers lorsque ces personnes physiques n’agiront pas pour des besoins professionnels. Et un second applicable à tous les autres cas, entre professionnels, mais encore entre un débiteur, personne physique particulier, et son créancier professionnel. Le nouveau mode de calcul entraînant des différences importantes dans les montants, parce que, selon les rapporteurs de la réforme, le refinancement des particuliers serait plus couteux que celui des autres personnes. (1er semestre 2015 : 4,06% pour 0,93% ; 2ème semestre 2015 : 4,29% pour 0,99% ; 1er semestre 2016 : 4,54% pour 1,01%).

Mais désormais, le taux d’intérêt légal, c’est aussi la sanction civile, appliquée parfois de façon compulsive dans les prétoires pour assurer la protection du consommateur toujours victime. Le taux légal n’est donc plus un taux par défaut mais le taux imposé aux banques en substitution du taux conventionnel dans des contentieux en croissance exponentielle, comme celui actuellement en vogue qui consiste à contester la régularité du taux effectif global. Cependant, afin de jouer efficacement son rôle incitatif voire coercitif, le taux légal doit être d’un montant suffisamment dissuasif. Calculé jusqu’à la réforme de 2014 selon la définition reprise à l’article L313-2 du code monétaire et financier, en référence « à la moyenne arithmétique des douze moyennes mensuelles des taux de rendement actuariel des adjudications de bons du Trésor à taux fixes à treize semaines », ce taux n’a cessé de baisser entre 1993 et 2014 où il était égal à 0,04%, soit un taux quasi nul. Une véritable incitation à ne pas payer ou prendre le temps de le faire.

Cette réforme était évidemment nécessaire et les nouveaux taux légaux, proches des taux du marché, doivent permettre de conforter la fonction incitative de paiement des dettes d’argent dans les meilleurs délais. Cependant, si cette réforme produit les effets escomptés, c’est-à-dire si elle tend à l’augmentation du taux légal, que certains prédisent notable, la substitution du taux légal au taux conventionnel dans ce contentieux de masse que supportent nos tribunaux, peut-elle encore représenter une réelle sanction pour les établissements bancaires ? Car si la prédiction se réalisait, si la sanction devenait indolore, alors même qu’il s’agit de la seule sanction prévue par la loi et la jurisprudence, la réforme du taux légal sera le remède à cette inflation de contentieux bancaires.

Face à ce constat, le Gouvernement a décidé de réformer le mode de calcul : « afin de refléter au mieux le coût de refinancement de celui à qui l'argent est dû, deux taux - l'un applicable pour les créances des particuliers, l'autre applicable à tous les autres cas - seront fixés semestriellement, à partir du taux directeur de la Banque centrale

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En définitive, c’est peut-être bien aux banques que le taux légal Saison 2014 convient le mieux.

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AUDIENCE N°2


BILLETS D’HUMOUR

QUAND LE

DROIT

NE TOURNE PAS

ROND

BANANA SPLIT

L AMBIANCE DE VOISINAGE

U

n agriculteur de la Creuse a dû s’expliquer devant son tribunal suite à plusieurs plaintes déposées par un voisin excédé. En cause, des tapages nocturnes répétés. Rien d’original si ce n’est que le motif de ces nuisances sonores n’est autre….que la cloche d’une vache ! Et selon le voisin insomniaque, l’instrument entraînerait un véritable concert la nuit venue. Une chose est sûre, cette querelle de clochers durait depuis des années et a fini par être tranchée. Après avoir écouté les deux sons de cloches, le juge s’est décidé : l’agriculteur a été relaxé.

es coutumes législatives de certains pays réservent parfois de drôles de châtiments. Non contente d’avoir arrêté un voleur, la police indienne a forcé le malfrat à ingérer 48 bananes. Objectif avoué ? Récupérer la bague que l’homme avait volée puis avalée dans sa course poursuite avec les autorités. Une méthode qui n’a pas tardé à déclencher les effets escomptés. La maréchaussée locale précise que le pickpocket a été obligé de laver et désinfecter le bijou une fois récupéré.

MEA CULPA

U

n américain de vingt ans a récemment été condamné à un an de mise à l’épreuve et 450 dollars d’amendes pour viol d’âne. Mais cet habitant du Wisconsin, qui assure que l’animal n’a pas été blessé pendant l’acte, n’a pas tardé à se repentir. En proie à d’irrépressibles remords et jugeant la sentence trop clémente, il est retourné devant la cour pour exiger une peine plus sévère. Réceptif, le juge a accepté la requête du zoophile et l’a condamné à trente jours de prison ferme.

HALTE-LÀ !

E

ngagés dans une cavale infernale depuis plus d’une heure, quatre fuyards néo-zélandais étaient presque parvenus à semer les véhicules de police à leur trousse. Mais c’était sans compter sur une horde de moutons en transhumance. Face au bolide qui fonçait tout droit sur lui, le troupeau est resté stoïque. Le conducteur de la voiture en fuite n’a eu d’autre choix que de piler et les hommes en cavale ont été tranquillement rattrapés par les autorités. Et cela ne s’invente pas, le troupeau érigé en barrage providentiel appartenait à un policier du coin.

BRÈVES DE PRÉTOIRE

À L’OUEST

ENFUMAGE

TAS DE FERRAILLE

« Pardon, mais, c’est bien ici la chambre des corruptions immédiates ? »

« J’avais une balance de précision mais c’est pas pour les stupéfiants, c’est parce que j’aime faire la cuisine »

« Je ne peux pas rentrer, j’ai des piercings tout partout ! »

Un visiteur, légèrement perdu dans le tribunal…

Un prévenu, à la défense un peu bancale...

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AUDIENCE N°2

Une fashionista à l’entrée du tribunal, en apercevant le détecteur de métaux…


À VOUS DE JOUER !

A Le tribunal de commerce B Le tribunal de commerce ou la juridiction civile C Le tribunal administratif

À compter de combien de salariés l’employeur est-il tenu de mettre à disposition un local de restauration ?

Au pénal, quelle juridiction est compétente en matière de délit ?

A 10 salariés B 15 salariés C 25 salariés

A La cour d’assises B Le tribunal de police C Le tribunal correctionnel

De quel animal provient ou provenait la fourrure de l’épitoge d’une robe d’avocat ?

Depuis quelle année le président de la République est-il élu suffrage universel direct ?

A L’hermine B Le lapin C L’ours blanc

A 1873 B 1958 C 1962

Qu’est-ce qu’un acte sous seing privé ?

Dans la hiérarchie des normes, les règlements de l’Union européenne ont une valeur...

A Une convention écrite rédigée par les parties elles-mêmes ou un tiers B Un acte issu du Moyen Âge C Un acte rédigé par un avocat

A Supérieure à la loi française B Inférieure à la loi française C Égale à la loi française

QUI SUIS-JE J’ai la nationalité française mais je ne suis pas né en France

?

J’effectue mon service militaire dans l’Armée de terre, en même temps qu’Arnaud Montebourg

Au cours de ma licence d’histoire, je deviens conseiller de Michel Rocard pour les affaires étudiantes

Je suis un adepte du régime sans gluten

En 1981, je ne peux voter et participer au succès de François Mitterrand car je ne suis pas encore naturalisé

Un cousin de mon père a composé l’hymne officiel du FC Barcelone, dont je suis un fervent supporteur

7C

8A

QUI SUIS-JE : MANUEL VALLS AUDIENCE N°2

6C

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5B

28

4A

4

A N’importe quelle juridiction civile B Le tribunal d’instance C Le tribunal paritaire des baux ruraux

3A&B

3

Devant quelle juridiction sont portés les litiges initiés par un particulier à l’encontre d’une société commerciale ?

2C

2

Quelle juridiction est compétente pour statuer sur les litiges portant sur les baux d’habitation ?

QUIZZ : 1 B

1

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6

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VU ET APPROUVÉ

New York. Au sein d’un cabinet huppé et fortuné, un duo d’avocats se forge autour d’un secret qui ne saurait être révélé. Dans un univers judiciaire sans foi ni loi, intimidations, usurpations, manipulations et ambitions s’entremêlent au fil des épisodes et des saisons. Retour sur une série à succès, à l’écriture parfaitement calibré. VICTOR MOLLET

H

arvey est un des meilleurs avocats de sa génération. Son indéfectible égo est à la mesure de son talent. Au sein de la prestigieuse maison Pearson Hardman, une promotion lui est accordée. Il part à la recherche d’un assistant qualifié. Il trouve l’acolyte parfait : Mike, junior aux facultés intellectuelles décuplées et véritable surdoué du droit. Problème ? Mike n’a aucun titre universitaire et seuls les diplômés de Harvard peuvent rejoindre le cabinet. Un dilemme s’installe. Harvey se lance dans un pari décisif et irrévocable et enrôle Mike, affirmant au directoire que celui-ci dispose bel et bien du précieux sésame de l’école du Massachusetts. Un couple inavouable se forme. Un mensonge s’érige comme base de travail. Un pacte est signé. L’intrigue est posée. L’histoire ne fait que commencer. L’imposture sera-t-elle démasquée ?

Une fiction assumée Toute ressemblance avec la réalité est écartée. Il ne faut pas entamer le visionnage de la série avec l’ambition de parfaire sa culture juridique et judiciaire. La temporalité est dénaturée : la faille d’un dossier est décelée en quelques instants et les protagonistes ne connaissent pas la fatigue des journées surchargées ni la lassitude des dossiers accumulés. La théâtralité des hommes de loi est exacerbée, l’opulence de leur quotidien est démesurée et ne saurait retranscrire avec fidélité les conditions d’exercice actuelles de la majorité des avocats. Suits vend du rêve et l’assume fièrement. Aussi talentueux qu’ils soient, les étudiants qui s’installent sur les bancs de la fac de droit ne doivent pas s’attendre à un destin aussi flamboyant et reluisant.

Dans cette création qui alterne entre comédie burlesque et réalisme grotesque, le scénariste et réalisateur Aaron Korsh dépeint une fresque haletante et trépidante. Avec Suits, exit le palais de justice. L’action se situe dans la haute tour de verre du siège de Pearson Hardman, dans les rues les plus prisées de Manhattan. Les avocats ne courent pas les juridictions en robes noires mais déambulent dans Big Apple, dans des costumes trois pièces taillés chez les grands couturiers.

Distribué sur USA Network depuis 2011, le programme connaît un franc succès outre-Atlantique et a d’ores et déjà été renouvelé pour une sixième saison, avec seize nouveaux épisodes à la clé. Quasi-inconnus du petit écran avant leur apparition dans Suits, Gabriel Macht (Harvey) et Patrick J. Adams (Mike) endossent à merveille leur rôle de tête d’affiche, entre élégance calculée et charisme affirmé. Ils insufflent un vent de fraîcheur dans l’univers ultra-concurrentiel des séries américaines. Exportée sur France 4 à l’automne 2014, Suits a été déprogrammée, la faute à des audiences en demi-teinte. Peu enclin à s’en tenir à un rendez-vous régulier à la TV, le public français préfère se rendre sur la toile pour visionner les épisodes à la volée. Plus ou moins dans la légalité…

Les décisions ne se rendent pas au tribunal mais les enquêtes se règlent en amont, à coups de millions, au gré des machinations et des malversations. Les personnages sont voraces et sans scrupules, maîtres dans la négociation et la séduction. Les dialogues sont caustiques et sarcastiques. La course aux victoires et aux dollars tient en haleine le spectateur.

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AUDIENCE N°2


CHALLENGE

« GAGNER L’EURO DEVANT NOTRE

PUBLIC »

La vingtaine à peine dépassée, Raphaël Varane évolue depuis cinq saisons déjà dans l’un des meilleurs clubs du monde : le Real Madrid. Avec une maturité déconcertante et une décontraction apparente, le défenseur originaire d’Hellemmes s’impose même comme une figure incontournable de l’Équipe de France, alors que se profile l’Euro en France. Une occasion rêvée pour triompher ? Rencontre avec un champion aux multiples ambitions.

PROPOS RECUEILLIS PAR VICTOR MOLLET

AUDIENCE : À tout juste 23 ans, vous capitalisez déjà plus

de 150 matches avec le Real et près de 30 sélections en Équipe de France. Peut-on rêver d’un meilleur parcours ? RAPHAËL VARANE : Je suis évidemment satisfait. On peut toujours faire mieux et c'est ce qui me motive tous les jours lors des séances de travail... Il faut s'inscrire dans la durée et donc ne jamais rien lâcher car rien n'est acquis définitivement.

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Quelles sont les clés pour atteindre un jour le très haut niveau ? Le travail, l’abnégation, et l'envie de progresser tous les jours...mais aussi le mental pour constamment chercher la performance sur la durée. Il faut savoir être constant et s'armer pour pouvoir faire face aux éventuels coups durs.


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Que vous reste-t-il à améliorer ? On peut et on doit toujours vouloir s'améliorer... mais j'aimerais marquer plus car j'ai les qualités pour ! Vous avez ceci de commun avec les dirigeants ou cadres soumis à de hautes responsabilités le fait de vivre dans un environnement qui peut parfois s’avérer stressant et où la culture du résultat est impérative. Quels sont vos remèdes ou vos techniques pour faire face à la pression ? La pression ne doit pas être un frein, il faut apprendre à la gérer, il faut qu'elle soit un moteur de motivation qui doit permettre de se transcender pour obtenir le meilleur de soi-même.

ZIDANE EST TRÈS POSÉ ET GÈRE LE GROUPE DE FAÇON SEREINE AVEC L’AVANTAGE DE TRÈS BIEN COMPRENDRE LES JOUEURS »

Quels sont vos objectifs en club pour la fin de saison ? Nous devons remporter la Ligue des Champions, tout en donnant le maximum en Liga, même si c'est presque du domaine de l'impossible de combler notre retard... Le PSG est le seul club français susceptible de répondre à vos attentes sur le plan sportif. À terme, une aventure sous le maillot de la Capitale vous tenterait-elle ? Il ne faut jamais dire jamais car chacun sait que le football va très vite, mais aujourd'hui je suis à Madrid, heureux d'y être et je compte bien y rester !

Depuis janvier, votre entraîneur au Real n’est autre qu’un certain Zinedine Zidane. Comment se passe le quotidien au côté de cette légende du football ? C'est une chance déjà d'avoir quelqu'un de son expérience et de son vécu, avec une telle carrière. Il est très posé et gère le groupe de façon sereine avec l'avantage de très bien comprendre les joueurs. Il est habitué à la pression et c'est un atout dans son rôle d'entraineur.

L’Euro, qui se déroule en France, arrive à grands pas. Que représente, pour vous, le fait de jouer cette compétition à domicile ? C'est une chance, c'est stimulant...c'est un privilège unique qui n'arrivera qu'une seule fois dans ma carrière. Il faut tout donner pour la gagner devant notre public.

Quels rapports entretenez-vous avec Zinedine Zidane ? C'est un coach qui communique beaucoup avec le groupe. Il donne beaucoup de conseils et est constamment porté sur le travail pour progresser et tirer le meilleur de chaque joueur.

L’Équipe de France semble armée pour pouvoir jouer les premiers rôles. Que faudra-t-il pour l’emporter ? Il faut bien commencer la compétition, bien rentrer dans le vif du sujet et rester concentrés sur notre jeu en restant unis. Il faudra savoir apprivoiser la pression, et l'utiliser comme influx positif pour se dépasser et donner du bonheur à notre public.

PROLONGATIONS Votre film favori ? Plutôt une série : PRISON BREAK Le joueur le plus fort avec lequel vous avez joué ? RONALDO !

Le trait de caractère qui vous décrit le mieux ? PERFECTIONNISTE

Votre meilleur souvenir ? LA DECIMA

Ce que vous détestez par-dessus tout ? Dans le sport c'est PERDRE, et dans la vie c'est LA MALHONNÊTETÉ

(ndlr : la dixième Ligue des Champions de l’histoire du Real Madrid, glanée en 2014)

Votre pire souvenir ? LE 13 NOVEMBRE 2015, au Stade de France, jour des attentats de Paris...

Votre numéro fétiche ? #2 Un vœu pour la seconde moitié de 2016 ? Gagner LA UNDECIMA...

Un dicton favori ou une devise ? IMPOSSIBLE N'EST PAS FRANÇAIS !

(ndlr : la onzième Ligue des Champions de l’histoire du Real)

...et L'EURO !

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TRAITS DE CRAYON


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