MAi 2021
INTRA-MUROS
#3
HA PA X ACTION HYBRIDE PRESSE INDÉPENDANTE
2
4
ENSEMBLE(S)
ENSEMBLE(S)
Derrière le mur, il y a une zone. Une zone minée. Derrière la zone, il y a un mur. Sur le mur, j’ai dessiné à la craie un panier de basket. J’y envoie mon ballon. Ma balle au panier. J’ai marqué 25 points. À 25 mètres du mur, j’ai tracé une ligne. Une ligne de fond, une ligne de bout. Une ligne à la craie sur la route en goudron. Une ligne verte. J’habite à Kypros, dans la plaine de Mésorée, à Nicosie. J’habite à Kibris, dans la plaine de Mésorée, à Nicosie. Ma maison est la dernière au bout de la route. La dernière habitée, c’est ma maison. Et puis, c’est le bout de la route. Le bout de la route est le bout. La route en goudron s’interrompt. Un mur en béton l’interrompt. Tous les jours en rentrant de l’école, je fais quelques échanges. Des échanges de balles avec moi-même. J’envoie ma balle contre le mur. Je m’envoie ma balle. Le bruit est élastique. Le caoutchouc cogne mollement. Contre le béton, la balle se colle. Pierres concassées, sable, silice. Puis se décolle. La balle rebondit. Elle rebondit… C’est un mur criblé de trous, c’est le mur aux balles perdues. En rentrant de l’école, je joue au ballon; vingt minutes, puis je vais goûter. En rentrant de l’école, je goûte; puis je joue au ballon vingt minutes. Un jour, j’irai de l’autre coté. De l’autre coté j’irai voir ce garçon qui joue au ballon. En deux mi-temps, une partie. Une partie en deux mi-temps. 6
8
10
12
È tra le mura dell’internamento che si incontrano I folli, gli umani, gli ammalati, I corpi nudi, straziati, timidi, incapaci di mostrarsi all’esterno. It is within the internment walls that we meet the mad, the humans, the sick, the naked, tortured, shy bodies, unable to show themselves to the outside.
La casa diventa un luogo dove nascondersi chiudersi, difendersi.
The house becomes a place to hide, shut up, defend oneself.
Un velo può coprirti e separarti dal male
A veil can cover you and separate you from evil.
In queste mura non sai cosa succede, si è dimenticati, lasciati da soli. Come ci sentiamo ?
Inside these walls you don’t know what happens, you are forgotten, left alone. How do we feel ?
Liberi ? Free ? Le grandi città mi sembrano indirizzi, fermate cintate di mura.
Big cities look like addresses, stops surrounded by walls.
Dietro la loro solennità di luoghi definitivi, che sussurrano al viaggiatore: Sei arrivato, non c’è niente.
Behind their solemnity of definitive places, which whisper to the traveler: You have arrived, there is nothing.
I muri da abbattere.Abbattere I muri. Dopotutto, è questo il punto.
The walls break down. Break down the walls. After all, that’s the point.
Non sappiamo cosa succederà se abbatteremo i muri; non possiamo vedere dall’altra parte, non sappiamo se ci porterà la libertà o la rovina, una soluzione o il caos. We don’t know what will happen if we tear down the walls; we cannot see the other side, we do not know whether it will bring us freedom or ruin, a solution or chaos.
Potrebbe essere il paradiso, o la distruzione. Abbattere I muri.
It could be heaven, or it could be destruction. Break down the walls.
Altrimenti bisogna vivere nella diffidenza, nella paura, costruendo barricate contro l’ignoto, pregando che non arrivi il buio, pronunciando versi di terrore e di chiusura. Otherwise we must live in mistrust, in fear, building barricades against the unknown, praying that darkness does not come, uttering verses of terror and closure.
Altrimenti non conosceremo mai l’inferno, ma non troveremo nemmeno il paradiso. Non conosceremo l’aria pulita e il volo.
Otherwise we will never know hell, but neither will we find heaven. We will not know clean air and flight.
Tutti voi, dovunque voi siate: nelle vostre città ostili, o nei vostri piccoli villaggi.
All of you, wherever you are: in your hostile cities, or in your small villages.
Trovateli, I muri, le maglie di metallo e le catene, le pietre che vi riempiono lo stomaco. E tirate, tirate, tirate.
Find them, the walls, the metal links and the chains, the stones that fill your stomach.
Farò un patto con voi: io lo farò se lo farete anche voi, sempre e all’infinito.
And pull, pull, pull.
I will make a pact with you: I will make it if you do it too, always and indefinitely.
Abbattete I muri.
Break down the walls.
14
Le corps, là, dans sa cage, enfermé, enmuré. Le jour toujours le même, toutes les saintes journées Déchirer le papier Froisser le papier S’en faire un dos ailé,
Tenter de s’envoler.
R
A
T
E
R
Recommencer.
Encore le jour d’après
.
16
18
20
22
24
25 https://actionhybride.org contact@actionhybride.org ISSN 2677-5824 couverture et conception : Louise Dumont
Louise A. DEPAUME : p 25, 24, 23 Loredana DENICOLA : p 22, 21, 20, 19, 14, 12, 11 Francesca SAND : p 18, 17, 4, 3 Louise DUMONT : p 16, 15 Vanda SPENGLER : p 13, 10, 2, 1 Axelle REMEAUD : p 9, 8, 7 Maria CLARK : p 6, 5
XXV contact@actionhybride.org https://issuu.com/actionhybride
https://actionhybride.org Louise A. DEPAUME : p XXV, XXIV, XXIII, XXII Axelle REMEAUD : p XXI, XX, XIX Fanny GOSSE : p XVIII, XVII, XIII, X, IX Loredana DENICOLA : p XVI, XV Vanda SPENGLER : p XIV Louise DUMONT : p XII, XI, VIII, VII Maria CLARK : p VI, V, II, I Francesca SAND : p IV, III
Hors du temps, une pellicule échouée sur un trottoir nous livre là tous ses trésors sur le film photosensible érodé par les années: Le voyage onirique de deux hommes partis vers un bord de mer indéterminé aux airs de ville fantôme où l’image volée d’une jeune femme sur la plage nous plonge dans l’imaginaire, contrastant avec le Paris méconnaissable des années 90 qui nous rappelle à une réalité perdue.
XXIV
XXII
XX
«Les tiges émergent des noires profondeurs. Les fleurs nagent comme des poissons de lumière sur les sombres eaux vertes. Je tiens une tige à la main. Je suis moi-même la tige. Mes racines s’enfoncent dans les profondeurs du monde, à travers l’argile sèche et la terre humide, à travers les veines de plombs, les veines d’argent. Mon corps n’est qu’une fibre. Toutes les secousses se répercutent en moi et le poids de la terre presse contre mes cotes. Je suis vert comme un if à l’ombre de la haie. Mes cheveux sont des feuilles. J’ai pris racines au milieu de la terre. Mon corps est une tige. Je presse la tige. Une goutte lente, épaisse, suinte de l’orifice de ma bouche et s’arrondit sans cesse. Je ne sais quoi de rose passe devant le soupirail. Quelqu’un glisse un regard à travers la fente. Ce regard vient me frapper. Elle m’a découvert. Quelque chose vient me cogner sur la nuque. Elle m’a embrassé. Tout est mis en pièces.» VIRGINIA WOOLF, extrait - Les vagues
«Mon esprit enfermé dans ce corps dont l’image se reflète dans un miroir carré accroché sur le mur usé de ma salle de bain de 5 m2. Dans cet appartement étouffant parmi les autres appartements étouffants parmi les immeubles sardinés de cette grande ville ceinturée par une banlieue grise. Point de jonction des autoroutes, elles débouchent sur la mer et son horizon. Mon corps et mes pensées emprisonnés dans l’infini. Dans le fond, une plage Dans le près, mes 5 m2.»
XVIII
XVI
XIV
XII
X
VIII
INTERFÉRENCES INTERFÉRENCES INTERFÉRENCES INTERFÉRENCES INTERFÉRENCES
Je marche le long du mur entre deux mondes, dans les deux à la fois. Ils se perdent l’un l’autre, oublient de se distinguer. Ni d’un côté, ni de l’autre, mais à la limite, à sa disparition. Mes pieds nus suivent la ligne de repos de l’horizon, de l’horizontale, alors que mon regard est entier et que mon corps se porte comme un i. Ma tête plonge dans le silence le plus absolu. J’avance pas à pas sur le fil du béton, dans l’entre-deux, deux jambes, jonction de forces des deux mondes, la gauche et la droite que l’on a voulu séparés. Le mur entré en moi, brûlant, cisaillant mes chairs de ses aspérités. Tout est à proportion heureuse, l’air est silence. Je ne le perçois plus les sons, extirpée de la terre que l’on n’a voulu striée. VI
IV
II
FREEDOM BET WEEN THE WALLS
INTRA-MUROS
MAi 2021
#3
HA PA X ACTION HYBRIDE PRESSE INDÉPENDANTE