Extrait de "Ces écoles qui rendent nos enfants heureux "

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c’est, être ingénieur, aujourd’hui ?” ai-je commencé par demander, sachant que la préoccupation principale de mes commanditaires était de dégager de cette recherche le profil humain (et pas forcément “technologique”) de l’élève. “Performant, compétent, qui affronte la réalité et arrive à la surpasser” : les propos de cet étudiant de troisième année, “dynamique, enthousiaste, qui sait apporter des innovations”, résument la majorité des réponses… si ce n’est que, une fois interrogé sur la nécessité ou non d’avoir une conscience écologique, l’enthousiasme de l’étudiant diminue sensiblement : “Moi, l’écologie, ça ne me parle pas. Ce qui m’intéresse, c’est d’aller plus loin dans les technologies mobiles.” Même dans le cas où cette conscience existe déjà, l’engagement est reporté dans le futur car la surcharge des études n’en laisse pas le temps : “Pour m’engager dans des causes, j’attends d’avoir un métier stable, maintenant je n’en ai pas le temps”, me dit une autre étudiante de quatrième année. “Mais comment résoudre la crise en cours ?” lui ai-je demandé. “La crise ? Quand on sortira de l’école, elle sera finie ! De toute façon, nous, on n’est pas concernés, on n’est pas des économistes”… Sans avoir la prétention d’engager un débat approfondi sur la relation entre science et conscience, trop abstrait pour mes interlocuteurs, j’ai ressenti à ce point le besoin de pousser un peu plus la discussion sur le terrain de l’éthique, par une question directe posée à un autre étudiant : “Est-ce que ça te poserait un problème de conscience de participer, dans le futur, à l’élaboration d’armements ?” “Travailler à faire des armes ? m’a-t-il répondu. Non, ça ne me gênerait pas ! Personne n’a jamais prouvé que les armes soient inutiles et il en faut dans le monde. Qu’il y en ait un peu plus ou un peu moins, ça ne change rien. Si ce n’est pas moi qui le fais, un autre le fera !” Intriguée par cette réaction, j’ai voulu aller un peu plus loin, en distribuant aux élèves un questionnaire qui touchait une population plus large. À la même question posée par écrit, 59 % des étudiants a répondu “non” et 38 % “oui”, ce qui représente un pourcentage assez élevé et donne à réfléchir… Pour confirmer, si besoin était, cette tendance au cynisme ambiant, voici les paroles d’un autre jeune, qui ne laissent aucune place au doute : “Ça fait un certain temps que j’ai mis ma conscience au placard…

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