SANG / SCIURE
SANG / SCIURE Un scénario de Romain CLÉMENT
© Romain Clément -Tous droits réservés–
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Synopsis
Confrontation macabre entre un VRP en ganterie et un CAFETIER taxidermiste.
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1 : EXTERIEUR JOUR : Café Caméra au niveau du sol : long travelling depuis la rue sur la façade du café : le TERRA INCOGNITA. En OFF : un marmonnement qui s’amplifie au fur et à mesure du travelling, qui finit en plan large sur la façade du café. Fin du marmonnement. 2 : INTERIEUR JOUR : Café Petite salle unique où sont réparties une dizaine de tables ; grand comptoir, nombreuses bouteilles. Ce qui se distingue par-dessus tout, ce sont les trophées accrochés sur les murs : têtes de renards, cerfs, animaux exotiques, etc… Il y en a partout. Reste cependant quelques emplacements libres qui n’attendent qu’à être comblés. Une horloge murale nous indique l’heure : 7h46. Trois clients : un vieux devant un ballon de rouge, gitane au bec, lisant les nouvelles du jour (presse locale) ; une jeune femme, face à la fenêtre donnant sur la rue, le regard perdu, une cigarette à la main. Sur sa table, un café et un cendrier débordant de mégots. Enfin le VRP, la cinquantaine tassée, assis en retrait, une mallette posée sur sa table, une tasse de café (un double) trônant pardessus. A ses pieds, un gros sac de toile, sac de voyage. Derrière son comptoir, le CAFETIER : la quarantaine, cheveux longs noués en queue de cheval, finit de ranger et de nettoyer ses verres. En fond sonore : en sourdine nous parvient la radio. Personne n’y prête la moindre attention. La jeune femme sort de sa torpeur et se tourne vers le barman en levant une main hésitante. FEMME S’il vous plait ? Le VRP se focalise sur la jeune femme, plus précisément sa main : gros plan et léger ralentit de la main en question : manucurée, ongles vernis d’un rouge saisissant. CAFETIER Ouais ? FEMME Je peux avoir un autre café ?
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CAFETIER Ça marche… Le regard de la jeune femme croise celui du VRP un bref instant. Il ne baisse pas les yeux. Elle se détourne aussitôt pour rallumer une cigarette au mégot de la précédente. En OFF : Bruit du percolateur. Le VRP se baisse et entrouvre son sac de toile. Il y plonge sa main, fouille à l’intérieur et finit par sourire d’aise, la main toujours fourrée dans le sac. Le vieux continue de lire sa feuille de choux et ne regarde personne. Sa lecture est parfois ponctuée de petits : " ah ! " ironiques. La jeune femme s’agite et fixe l’horloge murale ainsi que sa montre pour confirmer un horaire qui semble lui causer la plus grande gêne. Gros plan et à nouveau léger ralentit sur ce geste pour regarder sa montre : torsion du poignet, doigts resserrés. Point de vue du VRP. Il a ressorti sa main de son sac : elle est trempée. Il sort un mouchoir de sa poche pour l’essuyer tout en continuant de fixer la jeune femme. Le CAFETIER apporte le café sur la table de la jeune femme qui le regarde fixement. FEMME J’vous dois combien ? CAFETIER Pour les 6 cafés ça fait 9 euros. Pour les verres d’eau c’est cadeau. FEMME (Tout en payant) L’arrêt de bus c’est bien devant chez vous ? Il est toujours en retard comme ça ? CAFETIER Ouais… Sauf le samedi. FEMME Quoi le samedi ? CAFETIER Y fait qu’un arrêt chez nous, devant l’église. Mais il est toujours en retard vous avez juste le temps d’y aller…
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Elle lui tend rapidement un billet de 20 euros et se lève. FEMME Gardez la monnaie. Puis sort précipitamment. Le CAFETIER récupère sa tasse et revient vers son comptoir en s’arrêtant devant la table du VRP. CAFETIER Vous en voulez un autre ? Il est payé. VRP J’veux bien. Dites ? CAFETIER Quoi ? VRP Vous avez de glace ? CAFETIER Ouais… VRP Vous pouvez m’en mettre un peu de côté ? Le VRP se lève à son tour et dépose un billet sur la table. VRP J’reviens pour la glace. Gardez-la moi. Il s’empare de son sac et de sa mallette sans toutefois se précipiter. CAFETIER Vous revenez quand ? VRP Plus tard. Il sort. Le CAFETIER, son café à la main se tourne vers son dernier client toujours plongé dans sa lecture. CAFETIER Tu veux un café JEANNOT ?
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JEANNOT Ah ! 3 : EXTERIEUR NUIT : café Même plan que 1, de nuit cette fois : travelling avant sur la façade et l’enseigne TERRA INCOGNITA qui s’éteint subitement. Pas de marmonnements cette fois-ci : seulement le grésillement de l’enseigne qui augmente en intensité jusqu’à ce qu’elle nous apparaisse en gros plan. Interruption du grésillement dès que l’enseigne s’éteint. 4 : INTERIEUR NUIT : café Toujours derrière son comptoir le CAFETIER éteint également la salle : seules restent les lumières du comptoir, spots d’appoints. Sortant un jeu de clefs de sa poche il se dirige vers l’entrée principale pour la condamner. La porte s’ouvre à ce moment là sur le VRP, en sueur. Il reste sur le pas de la porte entrouverte que maintient le CAFETIER. VRP Vous fermez ? CAFETIER Je ne sers plus. VRP J’vous demande si vous fermez ? CAFETIER C’est ce que je vais faire si vous voulez bien… VRP (Il l’interrompt) Vous avez ma glace ? CAFETIER Vous vous foutez de moi ou quoi ? VRP On était d’accord non ? ! CAFETIER Là je ferme ! On verra ça demain.
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VRP Y faut que j’boive un coup. Le VRP repousse la porte : sans violence mais avec force. Le CAFETIER le retient par le bras mais le VRP se défait de son emprise d’un mouvement d’épaule pour venir s’asseoir au comptoir. Le CAFETIER n’a pas bougé de l’entrée et baisse la tête, dépité. CAFETIER J’vous en prie, l’établissement est fermé. Le VRP tourne son tabouret vers lui : ses pieds ne touchent pas terre. VRP Etablissement mon cul…Qu’est-ce que vous allez faire, hein ? Appeler les flics ? Ouais, " Allô j’ai un client qui veut pas partir ! " Y z’ont autre chose à fout’, pouvez m ‘croire… CAFETIER Sortez s’il vous plait. Le VRP se détourne : le reflet de son visage nous apparaît dans le miroir. VRP Non. Le CAFETIER referme la porte, doucement, sans la claquer. CAFETIER Qu’est-ce que vous voulez ? VRP De la glace c’est tout…Et pis vous en mettrez un peu dans un verre avec du Johnny d’dans… Après ça j’vous fouterai la paix et vous pourrez aller dormir…J’vous d’mande pas la lune. Le CAFETIER revient vers le comptoir, sans se presser. VRP Vous m’aviez promis de la glace et… CAFETIER (l’interrompt) J’ai rien promis du tout. VRP …la moindre des choses serait de me servir un verre.
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CAFETIER Ecoutez, j’ai passé une dure journée et tout c’que… VRP Vous êtes pas le seul à avoir passé une journée de merde et si j’ai pas ma glace et un p’tit verre pour la conclure en beauté, j’en aurai rien r’tiré… Prenez-en un vous aussi, j’vous l’offre. CAFETIER J’ai pas envie de… VRP Me vexez pas, c’est moi qui paye. Le VRP sort une énorme liasse de billets roulés de sa poche et la pose sur le comptoir. CAFETIER J’ai pas envie de whisky, j’vais plutôt prendre une Fine. VRP Alors deux. Mais donnez-moi la glace avant. Le CAFETIER retourne vers son comptoir. CAFETIER Qu’est-ce que vous allez faire avec ça ? VRP Ça c’est mon problème. CAFETIER C’est ma glace. VRP J’vous la paye si vous voulez. Le CAFETIER ouvre son bac et commence à remplir un sac plastique de glaçons. CAFETIER Vous en avez les moyens… VRP C’est pour ça que vous êtes gentil. CAFETIER Y’a pas d’autres moyens pour me débarrasser de vous.
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VRP Si vous êtes gentil j’pourrai l’être encore plus… Le CAFETIER lui présente un sac rempli de glaçons. CAFETIER Ça suffira ? VRP Ce sera parfait. Servez-nous. Le VRP descend de son tabouret et se baisse sur son sac de voyage (celui dans lequel il plongea sa main avec satisfaction lors de la première scène), pour y fourrer le sac de glace. A nouveau sa main ressort trempée : cette fois il l’essuie directement sur son pantalon. Le CAFETIER rempli deux verres de Fine NAPOLÉON. CAFETIER Qu’est-ce que vous faites avec ça ? VRP Chuis représentant voyez ? CAFETIER En quoi ? VRP En gants. CAFETIER En gants ? VRP Ouais des gants Il présente sa main et agite ses doigts tout en récitant son speech. Contre le froid, le gel, les agressions climatiques, ainsi que tout une gamme de gants en polymère éthylène pour vous permettre de vous consacrer à vos tâches ménagères sans avoir peur de vous salir ou d’altérer votre épiderme… J’continue ? CAFETIER Non c’est bon. Mais j’vous préviens, j’achète rien. VRP C’est pas le but… CAFETIER Quel rapport avec la glace ?
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VRP Les peaux. CAFETIER (Ironique) Les peaux de polymère éthylène… VRP Je ne fais pas dans le synthétique ou dans l’imitation moi. Mes peaux sont choisies et tannées avec soin. Du travail d’orfèvre, de… CAFETIER J’vous ai dit que j’achèterai rien. VRP Ouais… Il porte un regard circulaire sur la salle, plus précisément les trophées accrochés aux murs. Plusieurs inserts sur les animaux. VRP Pourtant vous avez l’air de vous y connaître. Apprécier le travail bien fait. CAFETIER C’est le cas. VRP Vous êtes chasseur ? CAFETIER Je l’étais. VRP Et vous ne l’êtes plus ? CAFETIER Plus le temps. Il jette un œil sur la liasse. Ça paye en tout cas. VRP Ça dépend…Moins en été. CAFETIER Pas cette fois. VRP Non pas cette fois en effet… VRP engloutit sa Fine d’une seule traite. Petite grimace.
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CAFETIER J’vous en ressers une ? VRP Vous fermez plus ? CAFETIER C’est moi qui offre. VRP Alors d’accord. Le CAFETIER le ressert. CUT AU NOIR 5 : INTERIEUR NUIT : Café FONDU D’OUVERTURE Le temps a passé : sur le comptoir la bouteille de Fine est " à moitié vide ". Le VRP est avachi et fume une cigarette. Face à lui le CAFETIER s’est assis. CAFETIER C’est quand le gouvernement a repris possession des terres que j’ai décidé d’arrêter…Ils voulaient une réserve protégée, maintenant ils l’ont… Et pour la régulation des peaux c’est le ministère qui se sucre : ils appellent ça des quotas, pour la préservation des espèces, on est loin d’une sélection naturelle… J’ai touché mes indemnités et avec c’que j’avais mis de côté j’ai acheté ce café dès mon retour en France. Y’a 10 ans maintenant… VRP Et depuis tu t’fais chier ! CAFETIER Non, j’peux pas dire ça. VRP Alors tu les regardes tous les jours en repensant à la bonne époque coloniale ! CAFETIER C’était une autre époque, c’est tout. Le VRP jette un nouveau regard circulaire sur la salle et les trophées : inserts successifs des plus significatifs.
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VRP C’est du bon boulot en tout cas. C’est toi qui a fait ça ? CAFETIER En partie… VRP J’aime bien. CAFETIER Dites-moi, la fille ce matin… VRP Quoi ? CAFETIER Vous l’avez suivie ? VRP Pourquoi tu me demandes ça ? CAFETIER C’est le sentiment que j’ai eu. Vous lui en avez vendu ? VRP T’es un malin toi… T’as du flaire le chasseur. CAFETIER Un nouveau trophée… VRP C’est pas c’que tu crois et si tu veux savoir je lui ai rien vendu… Elle a raté son bus et j’lui ai proposé de l’emmener, c’est tout. C’était sur le chemin de ma tournée. J’aime bien rendre service. CAFETIER J’ai du mal à vous croire… VRP Elle avait de très belles mains. CAFETIER Mais elle a rien acheté. VRP Nan… Mais ça j’en avais rien à foutre. Petit silence. Echange de regards : ils se fixent et ni l’un ni l’autre ne baissera les yeux le premier.
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CAFETIER Vous l’avez… agressée ? Ils se fixent. Le CAFETIER finit par détourner le regard et adopte une attitude désinvolte. CAFETIER Bah ! Ah ! J’suis ridicule, je sais pas pourquoi j’vous demande un… VRP (Le coupe) Je lui ai coupé les mains. CAFETIER …truc par… Vous déconnez ? VRP se baisse et fouille son sac pour en ressortir un petit sac en plastique dans lequel il a fourré la glace que le CAFETIER lui a préparé. Il le pose sur le comptoir à proximité de la bouteille de Fine et des deux verres, sans l’ouvrir. VRP D’après toi ? Le CAFETIER ne réagit pas et sourit, désorienté. CAFETIER Non…Vous vous foutez de moi ? VRP Jette un œil, tu verras bien. Gêne du CAFETIER qui n’ose pas faire un geste et continue de sourire bêtement pour cacher son trouble. Il doute de moins en moins de la véracité des propos du VRP. VRP Allez, vas-y. Du bout des doigts le CAFETIER défait le nœud du sac plastique. Il écarte les anses et jette un œil à l’intérieur pour se détourner aussitôt. CAFETIER Oh ! Merde ! Il se recule et fixe le VRP qui, tranquillement, se ressert un verre.
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VRP Mes trophées à moi… CAFETIER Vous êtes malade ! ! VRP C’est un point de vue. Il sert un verre au CAFETIER. VRP Bois et détends-toi. Allez, bois. Ce que fais le CAFETIER après une hésitation. Il ne quitte pas le VRP des yeux. CAFETIER Vous l’avez tuée… VRP Non elle me les a filé gentiment et maintenant elle fait du stop avec ses moignons. Bien sûr que je l’ai tuée ! CAFETIER Pour… Pourquoi ? Le VRP embrasse la salle des bras. VRP Et ça ! ! Pourquoi ? ! Hein ? Tu peux me l’expliquer ça ? Quelle différence tu fais toi entre eux et elle ? Hein ? CAFETIER Ce sont des animaux… VRP Pareil ! CAFETIER Vous allez me tuer moi aussi ? VRP Ça ne dépend pas de moi. CAFETIER Je… je ne comprends pas…
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Le VRP indique la liasse de billets. VRP Tu vois tout ça ? Et ben ça peut être à toi si tu fais la même chose avec mes trophées à moi ! La glace ça a du bon dans l’urgence, mais pour que ça puisse durer j’ai besoin de tes lumières. Je paye si tu t’exécutes et si tu fermes ta gueule. Je paye bien en plus… CAFETIER Vous êtes armé ? VRP J’te f’rais pas la même offre 2 fois et si y t’prends l’envie d’appeler les flics…aïe ! Aïe ! Aïe !… Maintenant tu peux jouer les héros et prendre la batte de base-ball que t’as sous le comptoir et croiser les doigts pour être plus rapide que moi… Est-ce que je suis armé ?… Ca y’a que moi qui le sais… Réfléchis bien : d’un côté du pognon et pas de problème, de l’autre, que des difficultés… Ils se fixent. FONDU AU NOIR (Iris) 6 : INTERIEUR NUIT : Café OUVERTURE AU NOIR (Iris) Rien ne présume du laps de temps qui s’est écoulé. Les deux hommes se font toujours face et se fixent. Le sac plastique s’est avachi et la glace fondue commence à se répandre sur le comptoir. CAFETIER Le jour de l’ouverture j’ai eu mon p’tit succès grâce à tout ça. (Il indique les trophées) Ça en a surpris plus d’un mais ils ont finit par aimer. Quelques jours plus tard j’ai eu droit à mon premier p’tit vieux ; il avait son chien dans les bras, une espèce de roquet à poils raz, j’pourrais pas vous dire la race, bref il avait été renversé par une voiture, tué sur le coup… Y m’a demandé de l’empailler… il pleurait comme un enfant… Cette petite merde c’était tout pour lui… alors j’l’ai fait. VRP Donc tu peux pas refuser mon offre.
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CAFETIER Y se sont tous passé le mot, j’me suis tapé une bonne vingtaine de chiens et autant de chats depuis… même un cochon une fois ! J’peux pas leur dire non. VRP Et moi j’te paye ! CAFETIER C’est pas une question d’argent. Ça n’a jamais été une question d’argent… VRP Tu peux pas cracher dans la soupe. CAFETIER L’important c’est le résultat! VRP Eh! CAFETIER Le sentiment de vie que tu insuffles dans une peau morte ! Faire en sorte que le p’tit vieux en question caresse son chat et l’entende ronronner ! VRP Tu débloques… CAFETIER J’te parle d’un travail proche de la perfection ! Un travail qui transcende la mort elle-même… VRP Wow ! Wow ! Qu’est-ce que tu racontes ? CAFETIER J’ai une amie ici, une jeune femme, une veuve, une très bonne amie… Rien de sexuel, on a toujours été clair là-dessus, jusqu’à la semaine dernière. VRP Ecoute mon grand, j’crois que tu débordes un peu là ! J’t’ai proposé un deal et là tu m’parles de tes histoires de cul dont j’ai rien à foutre… CAFETIER (le coupe) J’y viens justement, vous allez tout comprendre. VRP J’ai pas que ça à foutre j’t’ai dit…
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CAFETIER Elle est morte, ça a vraiment été soudain. On a beau savoir qu’on n’est pas à l’abri, quand ça arrive, comme ça, sans raison, personne n’est vraiment prêt. Le VRP se redresse lentement. Il ne dit plus rien et fixe intensément le CAFETIER qui semble perdu dans ses pensées. CAFETIER Alors j’l’ai fait. Parce qu’elle me l’avait demandé. Parce que c’était le seul moyen de la garder à mes côtés… VRP Putain… CAFETIER Maintenant elle est avec moi, et on peut enfin s’aimer. VRP Putain de nécrophile… T’es encore plus barré que moi ! CAFETIER Vraiment? (Il le fixe et se redresse à son tour) On l’a retrouvé près du château d’eau, ses mains avaient été coupées, proprement sectionnées, du vrai travail de professionnel… Qui est le plus barré ? VRP C’était quand t’as dit ? CAFETIER La semaine dernière. Calmement le CAFETIER se penche pour prendre quelque chose derrière son comptoir. Tout aussi calmement le VRP se baisse lui aussi pour fouiller dans son sac. VRP J’étais déjà dans le coin la semaine dernière… CAFETIER Je sais. VRP J’crois qu’on va pas faire affaire.
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CAFETIER J’crois pas…. 7 : INTERIEUR NUIT : Café Rapidement le VRP saute de son tabouret en brandissant la machette qu’il a extrait de son sac. Tout aussi rapidement le CAFETIER a fait jaillir une hache de sous son comptoir pour la brandir en direction du VRP. Ainsi armés, ils se toisent tout en se menaçant. VRP Alors maintenant qu’est-ce qu’on fait ? ! Hein ? ! QU’EST-CE QU’ON FAIT ? ! Tu veux l’argent ? ! Prends l’argent ! Rien à fout’ de l’argent ! Mais si tu veux jouer au con je t’explose la gueule et j’te découpe en p’tits morceaux ! ! Alors ? ! CAFETIER J’m’en fous de ton fric… VRP Tu veux appeler les flics ? Vas-y ! Appelle-les ! APPELLE-LES ! Que j’leur parle de ta p’tite femme ! Qu’ils nous départagent tous les deux ! Qu’on sache qui est le plus taré des deux ! HEIN L’EMPAILLEUR ?! CAFETIER Je veux ses mains. VRP Quoi ? CAFETIER Je veux les mains de ma femme. VRP Ah ! Ah ! C’est dément ! Viens les chercher… Viens… Le CAFETIER raffermit sa poigne sur sa hache. Le VRP tout sourire, joue avec sa lame, tout excité. VRP Viens ! Viens mon gars ! La CAFETIER contourne le comptoir et vient se placer devant le VRP en relevant sa hache. VRP écarte ses jambes pour une meilleure stabilité, prêt à bondir. VRP A toi de servir.
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Un instant rien ne se passe. Puis soudain le CAFETIER se précipite sur le VRP en rabaissant subitement sa hache. VRP se détend et pare le coup sans trop de difficultés. La hache vient se ficher dans un des tabourets, le coupant littéralement en deux. Dans le même mouvement le VRP assène rapidement un coup de machette dans le flanc du CAFETIER, et s’écarte. Pris dans son élan le CAFETIER se récupère contre le comptoir et lâche son arme, blessé. Le CAFETIER maintient son flanc d’une main tout en se reposant contre le comptoir à l’aide de son bras valide. Il se tient dos à nous et au VRP, qui jubile. VRP Pauvre con ! T’en prends jamais à un professionnel ! Tu vas compléter ma collection ! Tu seras le premier mec ! Le CAFETIER se retourne pour lui faire face et dévoile sa blessure. VRP perd son enthousiasme. Il ne sourit plus du tout. VRP Putain… Le CAFETIER ne saigne pas : de la plaie s’écoule un fin filet de sciure qui s’accumule peu à peu dans sa paume ouverte. CAFETIER T’y vois plus clair maintenant ? Il reprend sa hache. VRP est terrorisé. VRP T’approche pas. Le CAFETIER saisit sa hache à deux mains : la sciure s’écoule sur le parquet. CAFETIER Tu peux saigner tant que tu veux j’aurai aucun mal à nettoyer… VRP recule, sa machette en avant. VRP T’approche pas ! ! Le CAFETIER s’avance.
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CAFETIER Ça te fais quoi d’inverser les rôles ? VRP T’APPROCHE PAS ! ! ! 8 : INTERIEUR NUIT : Café Deux bras surgissent derrière le VRP et l’enserre pour l’étrangler : plus précisément deux avants bras, dont les mains ont été coupées : deux avants bras aux moignons recousus grossièrement. De surprise le VRP relâche sa machette et essaye de desserrer cette étreinte. Du coin de l’œil il découvre une jeune femme, le visage marqué et couvert d’hématomes, les yeux et la bouche cousus grossièrement en un sourire macabre. Le VRP pousse un hurlement. CAFETIER Bonsoir mon amour. Se plaçant de côté, le CAFETIER relève sa hache, prêt à frapper. CAFETIER Je t’avais dit qu’il reviendrait. Ils reviennent toujours… VRP Non ! NON ! NON ! ! La jeune femme répond sans pouvoir ouvrir la bouche, en poussant de faibles gémissements. Les trophées aussi semblent bouger. Certaines têtes se tournent vers le VRP. Des crocs apparaissent derrière les babines qui se retroussent. En OFF : Les marmonnements d’ouverture réapparaissent et augmente en intensité alors que le CAFETIER relève sa hache. Le VRP hurle, le visage de la jeune femme collé contre sa joue, ses moignons autour de son cou. Le CAFETIER rabat sa hache. Les marmonnements atteignent leur apogée au moment de l’impacte contre le ventre du VRP. CUT AU NOIR FIN
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