Les Désobéisseurs du service public

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entretiens avec des agents du service public.

Un livre initié par le collectif enseignants désobéisseurs de Loire Atlantique et Vide Cocagne.


Avant-propos ***************************** Elisabeth Weissman Auteure de « La désobéissance éthique, enquête sur la résistance dans les services publics ». Ed.Stock.


I

ls se nomment les désobéisseurs des services publics… Ils sont professeurs des écoles, conseillers Pôle emploi, forestiers, facteurs, psychiatres, agents EDF, tous soumis à la même entreprise de démantèlement des services publics : restrictions, privatisation, marchandisation. Or cette « réforme » néo-libérale de l’Etat a pour effet de les empêcher d’exercer leur mission : assurer au citoyen, les droits et protections nécessaires à l’exercice de leur citoyenneté sociale, droit à l’éducation gratuite, aux soins, aux prestations sociales, à la réinsertion économique, à la sécurité, à la justice, etc. Alors, ils s’insurgent, résistent et désobéissent pour défendre ce modèle social hérité des grandes heures de notre histoire nationale et notamment du Conseil National de la Résistance. Initiée dès les années 80 avec le triomphe outre-Atlantique des thèses néolibérales et par l’Union européenne libéralisant les services publics, cette dérégulation s’est radicalisée à partir de 2007, sous le nom désormais bien connu de « Révision générale des politiques publiques ». Une révision non remise en cause par le nouveau gouvernement qui tout en assurant les Français de son attachement aux services publics ne relâche pas pour autant la pression sur eux. Le bras armé de cette offensive demeure un management impitoyable importé de l’entreprise privée, s’organisant autour d’indicateurs chiffrés, de rentabilité, de mise en compétition, de chasse au temps mort, d’attaque des statuts et des collectifs. Or il faut bien comprendre que ce management vient précisément cogner au cœur même de la mission de service public : la relation à l’usager, puisqu’il a pour fonction d’éliminer tout ce qui est considéré comme non productif, c’est à dire ce temps subjectif inquantifiable, inéavaluable de la relation humaine.


De ce management de la déshumanisation, naît une souffrance nouvelle, une souffrance à caractère éthique, puisque se pose pour les agents, la question de leur responsabilité. Plus le temps de se consacrer à l’autre, celui qui vient chercher aide, éducation, information, secours ou accompagnement. Constatant la souffrance, la perte de sens et la gabegie qui résulte de cette situation, pour eux comme pour les usagers, ils sont ainsi des centaines à résister aux directives, à s’y opposer par la lutte, à les contourner par la ruse, pour pouvoir continuer à travailler avec conscience, compétence et humanité. Certains le font clandestinement, d’autres désobéissent haut et fort, proclamant publiquement qu’en conscience, ils refusent d’obéir. Ils passent de l’insubordination à la transgression, du boycott souterrain à la résistance organisée. •Ils refusent de ficher les élèves, d’organiser leur mise en concurrence à travers les évaluations, de saboter les apprentissages •Ils refusent de radier les chômeurs, de brader leur information, de compromettre leurs droits à l’indemnisation •Ils s’opposent au chronométrage de leurs actes, maintenant coûte que coûte la relation à l’usager.. •Ils transgressent l’interdit en rétablissant le courant dans les foyers qui en ont été privés pour cause d’impayés, au nom du droit à l’énergie. •Ils boycottent les directives de rentabilité productiviste en freinant l’abattage des arbres pour défendre la forêt, patrimoine national, contre sa surexploitation prônée en haut lieu.


Ainsi cette bande dessinée nous fait-elle plonger non sans humour dans la réalité de ces agents aux prises avec la perversité du management mis en place et qui ont décidé de défendre leur mission envers et contre tout. Jamais un tel mouvement d’insoumission ne s’était encore manifesté au cœur même des services de l’Etat. Un mouvement qui nous dit ceci : que vouloir faire son métier aujourd’hui dans les services publics, juste son métier, c’est déjà désobéir.

Elisabeth Weissman

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Education Nationale ****************************************** Un portrait de François Le Ménahèze, enseignant et directeur d’école, par Benjamin Adam.



La Poste ****************** Un portrait d’ Eric MÊnard, postier par Fabien Grolleau.


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ElectricitĂŠ de France ****************************************** Un portrait de Dominique, agent EDF, par Don Pedro de la Vega.


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Pôle Emploi ************************* Un portrait d’ Isabelle de Léon, conseillère Pôle Emploi, par Nicolas La Casinière.


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Psychiatrie *********************** Un portrait de Christian Sabas, infirmier psychiatrique, par Damien Roudeau.


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115 ******* Un portrait d’ Annabelle Quillet, travailleuse sociale à la Veille Sociale départementale de la Haute-Garonne, par Terreur Graphique.


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Office National des ForĂŞts ********************* Un portrait de Michel Benard, agent patrimonial, par Camille Burger.


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Société Nationale des Chemins de Fer ******************************* Un portrait de Sébastien, cheminot, par Pat Ryu.


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Les auteurs Camille Burger :Née à Schiltigheim près de Strasbourg en 1979, Camille Burger a grandi, entourée des plaisirs divers et avariés du terroir. A 17 ans, après une formation dans la charcuterie traditionnelle, elle travaille dabord dans la création de cervela artisanal. En 2002, elle est licenciée pour exédent de créativité au sein de la chaine de production. Suite à cela, elle tente une courte expérience chez Kronenbourg qui ne lui donne pas l’amour de la bière non plus. Ayant toujours aimé raconter des histoires, elle se lance alors dans la tapisserie médiévale, puis en 2005, faute de rentabilité, elle se met au graffiti et à la BD, grace aux conseils de son ANPE de proximité. http://cam-hill.blogspot.fr/ http://usinacam.blogspot.fr/

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Fabien Grolleau : Co-fondateur des éditions Vide Cocagne (avec Thierry Bedouet), il signe avec Mathias Rebuffé et Michel Humbert en 2007 «Le monde dans un mouchoir» galerie de portrait de déracinés, dans le cadre du festival de BD engagé de Cholet (ed. Bandes à Part). Puis il revient à la fiction avec Le masque du Fantôme (2 tomes, ed. Shampooing / Delcourt, 2010), deux livres dans la collection MASTADAR (Forteresse et Pénitence, ed. Vide Cocagne) et sort en avril 2013, Jacques a dit (ed. Sarbacane), «le baroud d’honneur d’un ancien de la marine» (avec Thierry Bedouet au dessin). http://fabien.grolleau.free.fr/

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Terreur Graphique : Auteur prolifique, il participe régulièrement à de nombreux magazines et collectifs (Jade, Psychopat, Fluide glacial). En 2011, il sort Rorscach (ed.6 pieds sous terre), introspection sombre et magistrale. Puis il revient à ses premiers amours d’humour trash et sans concession avec La rupture tranquille (ed. même pas mal) et Make my day punk (ed. Vraoum). En février 2013, il sort Hypocondrie(s) (ed. 6 pieds sous terre). http://terreurgraphique.com/blog/

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Pat ryu: Auteur, dessinateur, coloriste de BD, franco japonais. Après ses études aux arts décoratifs de Paris et la réalisation de films d’animation travaille désormais dans l’édition (illustration, BD jeunesse, presse...) http://patryu.ultra-book.com/portfolio

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Benjamin Adam : Benjamin Adam est auteur et dessinateur de bande dessinée. Depuis sa sortie des arts décoratifs de Strasbourg en 2007, il partage son temps entre illustration jeunesse et bande dessinée. Après «12 rue des ablettes» chez Warum et «Ulysse», avec Christine Palluy, chez Bayard BD, il a terminé et s’apprête à publier, début 2013, un projet de longue haleine, «Lartigues & Prévert», chez La Pastèque, sympathique éditeur du québec. http://2mg.benouzeweb.com/

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Pedro de la Vega : Cet outrecuidant moussaillon nantais, dessinateur, affichiste, banderoliste et peintre est un incorrigible barbouilleur sur tous supports. Sur le front des journaux de luttes, il a publié quelques gribouillages satiriques pour la presse libertaire. Le polisson s’essaie ici à la discipline de la Bande Dessinée avec le portrait de l’indomptable électricien toulousain Dominique, propageant toujours pour mot d’ordre la révolte et l’insoumission. http://donpedrodelavega.blogspot.fr/

******************************** Damien Roudeau : Damien Roudeau se consacre depuis 2001 au reportage dessiné sous toutes ses formes (en BD pour la presse, en carnet pour l’édition ou en expo sauvage dans la rue). Il privilégie les sujets au long cours, envisageant le carnet de croquis comme une pratique exploratoire, là où le dessin et la vie se confondent. Damien est membre du collectif de documentaristes Argos. Rosny, grandeur nature, éd. Folies d’encre, 2011 Têtes de pioche, éd. Corac, 2009 http://www.lesyeuxdanslemonde.org/membre/damien-roudeau

******************************** Nicolas La Casiniere : Fils d’agriculteur repenti, éphémère champion en auto tamponneuse avant de devenir usager de services publics et concomitamment crabouilleur de gribouillis dans la veine du bordelambiantisme sommaire et instinctif, ce grand courant pictural et graphique qui n’a jamais eu ni penseur majeur ni chef de file mineur, et qui change de forme chaque fois que bon lui semble. Sinon, né en mars 1954, et à l’époque, j’étais déjà p’tit. Signe poissons, ascendant sauce au beurre blanc. Après ça, formation d’architecte. Déformation de journaliste (nul n’est parfait) depuis1980, du vélo sans s’arrêter à tous les feux et une certaine inclination pour le vivazapatisme désuet.

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Nous, enseignants, confrontés à des ordres hiérarchiques nous plaçant hors de notre éthique professionnelle et humaine, avons refusé de préparer une jeunesse sélectionnée, formatée, fichée dès sa plus tendre enfance. Traçabilité, profilage au service de l’employabilité : missions de service public ? Cette atteinte irrémédiable aux valeurs humaines, vitales engageait l’avenir et mettait à mal l’intérêt collectif.

Nous avons alors décidé de dire : non !

Nous avons organisé un mouvement de refus collectif et sommes devenus des « enseignants désobéisseurs ». Au même moment, dans de nombreux services publics, un même refus s’exprimait. C’est la raison pour laquelle nous avons organisé une rencontre en décembre 2010 à la Bourse du travail à Paris entre divers agents des services publics, avec la participation de Elisabeth Weissman et de Stéphane Hessel. L’idée de réaliser cette bande dessinée, afin d’alerter et de permettre une vigilance de la population toute entière, s’est imposée.

Là où on travaille, là où on vit, résister est possible ! Ces huit portraits de résistances illustrent une infime partie de cet engagement. Ils pourront être rejoints par des milliers d’autres… Enseignants désobéisseurs du 44 CNRBE (Collectif National de Résistance à Base Élèves) : http://retraitbaseeleves.wordpress.com/ http://resistancepedagogique.org/


Ce livre

est né d’une rencontre entre des membres du collectif enseigants désobéisseurs de Loire Atlantique et Vide Cocagne. Il a été coordonné par Emile Chiffoleau avec l’aide précieuse de toute l’équipe Vide Cocagne et la participation active de Laurence Ortega et Emmanuelle Lefevre du collectif enseignants désobéisseurs de Loire Atlantique. Les prises de contacts, échanges et reportages ont eu lieu entre juin 2012 et janvier 2013. Merci aux nombreux correcteurs. Un remerciement à tous les désobéisseurs «portraiturés» et particulièrement aux Toulousains qui nous ont accueilli à bras ouvert.

plus

Merci également à tous les dessinateurs qui se sont impliqués au delà de ce que l’on pouvait espérer. Des rencontres, débats, expositions sont possibles. Merci de nous contacter à com@videcocagne.fr

Pour plus d’informations : www.videcocagne.fr

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Les désobéisseurs du service public

est le premier titre de la collection Soudain. Cette collection regroupe des ouvrages contemporains, certains engagés, sociaux voire politiques, certains plus personnels et intimes, mais toujours avec une thématique forte et le souci de choisir des auteurs qui se positionnent dans le monde d’aujourd’hui et le décortiquent. Cette collection est soutenue par la région Pays de la Loire. A paraître dans la même collection : Canis Majoris, de Loïc Locatelli Kournwsky (avril 2013) Dosta!, de Damien Roudeau (septembre 2013)


©Vide Cocagne

18 rue Geoffroy Drouet 44000 Nantes

ISBN : 979-10-90425-25-5 Dépôt : 2nd semestre 2013 Imprimé en France par Cloître (29) (sur papier recyclé Cyclus print) Maquette : Thierry Bedouet/Benjamin Adam/ Emile Chiffoleau Couverture : Benjamin Adam Dessin 4eme de couverture : Nicolas La Casiniere


9 791090 425255


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