Surexposer #2

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cadrer

Baudouin Mouanda, ou « Phototouin » comme on le surnomme à Brazzaville, s’est imposé en quelques années comme l’une des grandes figures de la photographie africaine. L’Afrique, et plus spécifiquement son pays, le Congo, sont au cœur de ses reportages. Loin de la tradition africaine des photos de studio ou des portraits de famille, le travail de Baudouin Mouanda, porté par un incroyable sens du cadrage, interroge ses sujets et donne souvent à voir une autre image de ce continent. De passage à Paris, Baudouin Mouanda revient pour nous sur son incroyable parcours. Une rencontre haute en couleurs avec un jeune homme aussi passionné que passionnant, toujours soucieux de mettre sa notoriété au service de son pays et de son art. Vous avez déclaré il y a quelques années : « Etre photographe en Afrique, ce n’est pas respectable ». Pourquoi ? En Afrique, la photographie est traditionnellement perçue comme une activité que l’on exerce parce que l’on n’a pas réussi sur les bancs de l’école. Un travail peu valorisé, vu comme un simple gagne-pain… Mais la donne est en train de changer. Aujourd’hui, le regard évolue au Congo et dans beaucoup d’autres pays d’Afrique. La dimension artistique du travail de photographe est de plus en plus reconnue. A mon niveau, j’ai la chance que mon travail soit respecté et j’essaie de faire en sorte que d’autres photographes africains soient davantage dans la lumière, en montrant qu’ils mènent un vrai travail de réflexion. Car à mes yeux, un photographe, c’est un romancier de l’esprit. Vous avez eu de nombreuses récompenses et votre travail de photographe est unanimement salué. Y a-t-il eu un évènement déterminant dans votre ascension ? Le fait d’être sélectionné à trois reprises pour le Grand Prix Paris Match du Photoreportage Etudiant a été déterminant [NDLR : Baudouin Mouanda a fait partie des 30 candidats sélectionnés sur 400 candidatures en 2003, 1000 en 2004 et 4000 en 2005 !]. En fait, je n’étais pas censé y participer : j’étais lycéen et donc pas encore étudiant et je ne vivais pas en 42

France… Mais j’ai quand même posé ma candidature ! L’Ambassade de France a alors identifié mon travail, ce qui m’a permis d’obtenir une bourse d’un an au Centre de formation et de perfectionnement des journalistes de Paris. A l’issue de cette formation, je voulais rentrer à Brazzaville. Même si mon pays allait très mal à cette époque et que je pouvais rester à Paris, je savais ce que je voulais : photographier l’Afrique. Plus tard, en 2009, j’ai par ticipé aux Rencontres africaines de la photographie de Bamako où j’ai remporté le prix du Jeune Talent et celui de la Fondation Blachère [NDLR : Centre d’art contemporain africain installé en France qui œuvre à la reconnaissance des artistes du continent africain]. Ces rencontres ont contribué à mieux faire connaître mon travail. J’y ai présenté deux séries, l’une sur les séquelles de la guerre civile au Congo et l’autre sur les sapeurs (voir page 49). Cette seconde série, pourtant présentée hors compétition, a suscité un intérêt que je n’avais pas anticipé. Beaucoup de gens vous ont en effet découvert à l’occasion de votre série sur la sape africaine [NDLR : présenté notamment au Musée Dapper à Paris et au Musée des Confluences à Lyon]. Qu’avezvous voulu montrer avec ces photos ? Après la guerre civile que le Congo a traversée, beaucoup de gens ont fuit Brazzaville pour aller


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