Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 2

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R O B I N S O N S D E LA GUYANE

— Bon, je gouverne dessus. Je crois que nous approchons. Pour la quatrième fois, le cri du toucan retentit, mais avec une telle intensité, que les quatre hommes relevèrent simultanément la tête, comme si l'oiseau se fût tenu à quelques mètres au-dessus d'eux. — Le chef étouffa un juron, saisit son fusil et l'arma précipitamment. La pirogue rasait la berge. On entendit comme un imperceptible bruit de branches froissées, auquel succéda soudain une détonation. Le patron du canot avait fait feu au juger, à travers les broussailles, à hauteur d'homme. Les feuilles tombèrent hachées par le plomb, mais le toucan ne poussa pas ce cri effarouché qui lui est habituel quand il est surpris. — Tu avais raison. C'est un signal. Le proverbe dit qu'un homme averti en vaut deux, nous en valons bien huit à nous quatre. Je crois que, avant peu, nous allons avoir à batailler. « Je vais continuer à râser la côte, puis nous allons atterrir sur un point favorable. Ce plan, qu'on eût dit d'exécution si facile, ne put être mis à exécution. L'homme avait à peine déposé dans le canot son fusil encore fumant, et repris sa pagaye, qu'un arbre immense, complétement desséché, paraissant mort depuis longtemps, mais maintenu de tous côtés par des lianes, oscilla violemment, puis s'abattit avec un fracas terrible dans les eaux qui rejaillirent en poussières irisées. Fort heureusement pour les aventuriers, cette chute avait eu lieu à près de cent mètres en avant de l'embarcation. Cinq minutes plus tard elle était broyée net. Il leur fallut prendre du large et passer en frôlant l'autre rive, pour éviter cette barricade qui venait de s'interposer si malencontreusement. — Sacrebleu ! nous venons de l'échapper belle. Si ce « wacapou » était plus long de deux mètres, je me demande comment nous passerions. « Allons, voilà qui est fait. Nous allons reprendre notre route et lâcher de trouver un point favorable au débarquement. Surtout ouvre l'œil pour éviter la chute de ces arbres morts qui s'élèvent encore çà et là sur la berge. — Tu ne voudrais pas que ça recommence. C'est bon une fois, et d'ailleurs, ils n'attendent pas notre passage pour nous tomber dessus. — Mille millions de tonnerres!... hurla le chef. Trois autres imprécations retentirent en même temps, poussées par les canotiers terrifiés à la vue d'un phénomène absolument inusité. — Du calme, ou nous sommes perdus. Nage ferme. A la côte. Veille à l'Indien.


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