Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 2

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LES R O B I N S O N S DE LA GUYANE

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« Aux pagayes. Nous filons droit à travers la savane. Je gouverne sur cette grosse tache jaune, qui doit être une ébène en fleurs, et se trouve à près d'un kilomètre. « C'est p a r é ? . . . Pousse !... » La pirogue, sollicitée par huit bras vigoureux, — Bonnet, en dépit de sa blessure voulut collaborer au salut commun, — vola sur les flots endormis de la savane. C'est en vain que le flûtiste tira de son instrument les sons les plus propres à accélérer la marche des serpents et à exciter leur colère, les bandits s'échappaient sur la droite, et le charmeur immobilisé sur l'autre rive ne pouvait pas les appeler sur leurs traces. — Va, mon bonhomme, siffle à ton aise. Si tu n'as pas une bonne pirogue toute parée à marcher, nous allons te brûler lestement la politesse. « A une autre fois, et si jamais j e te reconnais, j e ne veux pas te laisser sur les os un morceau de peau grand comme une pièce de dix sous. » L'imminence du premier péril étant conjurée, les quatre malandrins se rassérénèrent. La savane noyée avait jusqu'alors assez de fond pour leur permettre de naviguer sans encombre. Leur canot glissait silencieusement sur les eaux lourdes, et frôlait les plantes aquatiques d'où s'élevaient des essaims de maringouins. — Mais, cette savane est un lac, un vrai lac, dit Benoît. Sacrebleu, on dirait du plomb fondu. N'importe, à côté du plomb, il y a l'or, n'est-ce pas, Bonnet. « A propos, et ta j a m b e ? — Ça ne va pas mal. Je compte être prochainement guéri. Je continue les compresses d'eau mêlée d'un peu de tafia, et je m'en trouve bien. — C'est parfait. Nous avons eu plus de peur que de mal. Mais, il était grand temps, et nous l'avons échappé belle. Après tout, on n'a rien sans peine. « Il ne fallait pas nous attendre à voir tomber les lingots d'or tout monnayés. En somme, nous avons obtenu un résultat assez satisfaisant. Le temps et la patience feront le reste. — C'est égal, reprit Tinguy, sur les pommettes émaciées duquel le sang ne revenait pas vite, je donnerais bien quelque chose pour savoir quels sont ceux auxquels nous devons cette terrible échauffourée. Tu ne sais rien là-dessus, toi, chef, qui connais tant de choses ? — Que veux-tu que j e dise, répondit celui-ci, évidemment flatté dans son amour-propre par la naïve admiration du coquin. Je donne ma langue à tous les caïmans de la colonie. Mais si j'ignore quels sont ceux qui veulent nous


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