Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 2

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LES R O B I N S O N S DE LA GUYANE

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— Eh bien I et toi, qu'est-ce que tu faisais pendant ce temps-là? — Moi, je me pâmais comme une carpe entre les deux morceaux du tigre. — Et le fagot marron... qu'est-ce qu'il t'a fait? — C'est pas ton affaire... répondit brutalement Benoit. En route. Cinq minutes après, la pirogue immergée jusqu'à cinq centimètres du platbord glissait silencieusement sur les flots du Maroni. Jacques, les jambes entravées, avait les mains libres. Il dévorait avidement un morceau de gigot de kariacou. Son œil noir reflétait une haine féroce. — Le secret de l'or est mortel, avait-il dit en prenant pied dans la chaloupe. Je vous conduirai, mais il vous tuera. Nous mourrons tous, termina-t-il avec une joie sauvage. — C'est bon, reprit Benoit avec son rire bestial. Va toujours, mon garçon ; nous nous ferons assurer sur la vie. Nos héritiers aurons de quoi s'amuser. « En attendant, bois, mange, dors si ça te fait plaisir, mais tâche de ne pas nous mettre dedans, car, tu sais, moi, je ne ris que quand je me brûle. Jacques ne répondit pas. Six jours après, l'embarcation avait franchi le rapide, pénétré dans la crique indiquée par le jeune homme et s'était arrêtée un moment devant le saut. Les événements auxquels nous avons assisté au commencement du chapitre précédent s'étaient accomplis, Jacques était libre, et Bonnet venait de tomber, frappé à la cuisse d'une flèche indienne. — Mais, c'est de l'or, s'était écrié Bonoit après avoir essuyé la pointe souillée de sang ! Les quatre bandits, les yeux luisants, regardaient ce morceau de métal grossièrement travaillé. Le blessé lui-même semblait avoir oublié sa douleur. Il ne pensait pas à étancher le sang qui coulait en filet noirâtre sur sa jambe nue. De l'or

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A cette vue, leurs convoitises se réveillèrent plus ardentes que jamais. Ils louchaient enfin à ce mystérieux pays que nul parmi les blancs n'avait encore foulé. Leurs vœux allaient être comblés. La légende de l'El-Dorado devenait une réalité. Qu'importait que ce premier échantillon du précieux métal arrivât sous la forme d'un sinistre messager de mort. Au contraire, cet emploi de l'or affecté à un usage aussi vulgaire, n'indiquait-il pas sa folle surabondance. Qu'importait aussi l'évasion de l'Indien, dépositaire du fameux secret. Ses premières déclarations, ajoutées à ce que Tinguy avait pu surprendre de sa conversation au péni


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