Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 2

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L E S R O B I N S O N S DE LA GUYANE

Seul, Jacques qui avait à peine bu, perdit complétement son sang-froid. Il se mit à parler avec une étrange volubilité. Après avoir prononcé des phrases sans suite, émaillées de mots incohérents, ses idées semblèrent prendre corps. Il raconta, sans en omettre la moindre particularité, son voyage à Saint-Laurent, les confidences qu'il fit au docteur V... et au commandant, relativement au secret de l'or, son enlèvement par les forçats, les horribles traitements infligés par ceux-ci, ainsi que le but de leur voyage, enfin, sa libération par les Robinsons de la Guyane. Sa confession fut complète, il parlait avec une sorte d'entraînement irrésistible et douloureux, provoqué peut-être par un de ces breuvages dont certains Indiens possèdent le secret. Ses compagnons, impassibles comme des hommes en métal,

écoutaient

ces révélations sans un sourcillement, sans la moindre apparence d'émotion. Jacques épuisé, haletant, la bouche ardente, prononça encore quelques paroles entrecoupées, et put à peine râler ces deux mots : « A boire! » tant son ivresse parut violente. Panaoline dit : — C'est bien ; que ma fille donne à boire à son époux. Aléma sortit de la pénombre, s'avança portant un vase plein, le tendit au jeune homme d'un main ferme en dardant sur lui son regard aigu. Jacques but avidement et s'assit sur le sol, hébété, les yeux mornes, regardant sans voir, écoutant sans comprendre. Le vieux chef fit un signe. Ses hommes prirent leurs pagaras, et s'enfoncèrent à sa suite au fond des galeries à peine éclairées de lueurs vacillantes. Ils reparurent après une absence assez courte, traversèrent le grand carrefour, chargés à plier de leurs paniers indiens, et sortirent de la grotte après avoir déplacé la pierre. Ils firent plusieurs voyages analogues, sans paraître remarquer la présence d'Aléma, qui tenait sur ses genoux la tête de son époux endormi, peut-être ivre-mort. Ils entrèrent une dernière fois, portant les pagaras vides. Panaoline marchait le dernier. Il alla prendre dans une sorte de niche un fusil à deux coups, que le docteur V... eût reconnu pour être celui dont il avait fait cadeau à Jacques lors d'un de ses précédents voyages. Il s'assura que l'arme était chargée, pendant que ses compagnons saisissaient leurs arcs, leurs sabres et leurs flèches. Le vieillard reprit :


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