Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 2

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L E S R O B I N S O N S D E LA GUYANE

l'importance qu'il possède en pays civilisé, je le range, sans aigreur, comme sans mépris dans la catégorie de ces métaux qui comme l'étain, le plomb, et surtout le cuivre sont susceptibles d'une grande utilité. « Je le mets même au-dessus du cuivre, parce qu'il est inoxydable. Le parisien se mit à rire en entendant cette opinion si rationnelle, et si simplement formulée. — Pourquoi ris-tu ? — C'est que ma pensée se reporte malgré moi aux jeunes gens de ton âge, qui dans les villes font si gaiement rouler et danser les échantillons monnayés de ce métal que tu veux bien condescendre à placer un peu au-dessus du cuivre. — Puisque, je te le répète, il est inoxydable — Eh ! C'est ce qui me fait rire malgré moi. Nos cocodès ont bientôt fait d'« oxyder » les louis par douzaines et par centaines, va, j e t'en réponds. — Et tu conclus... — Je conclus que l'or est un métal absurde, et que si en Europe on a hâte de se débarrasser du fer pour avoir de l'or, j e donnerais bien dix kilos d'or pour un seul de fer. — Nous sommes donc absolument d'accord, car c'est à peu près la valeur que j'attribue réciproquement à ces deux métaux. me

M

Robin et son mari, souriaient en entendant ces propos.

— Oui, mes enfants, dit à son tour la vaillante femme, vous êtes complètement d'accord, et je vous approuve. Grâce à votre énergie, à votre intelligence, vous avez pu suppléer à tous les besoins de la vie, vous avez restitué à tous les éléments matériels la place qui leur revient selon leur valeur et leur mérite. « Vous avez fait revivre sur ces terres désolées de la proscription, ces temps primitifs appelés par les poètes l'âge d'or. Puisse-t-il durer longtemps ! — L'âge d'or, reprit non sans beaucoup d'à propos Nicolas, ce doit être le temps où l'or n'a aucune valeur, et où l'on peut le mieux s'en passer. « A propos, mon ami Jacques, que penses-tu de tout cela, toi qui ne dis plus un mot depuis l'apparition de notre cafetière. Je ne puis concevoir l'impression sinistre que tu as ressentie à la vue de cet ustensile de ménage, et des réflexions que sa vue t'a suggérées, Le jeune Indien releva lentement la tête. Un long soupir sortit de sa poitrine oppressée. — Il y a longtemps, si longtemps, dit-il d'une voix sourde, que les vieillards s'en rappellent à peine, la tribu des Aramichaux, issue des anciens Caraïbes,


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