Arquitectura popular dominicana

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proverbe, sur la forme de vivre de la famille dominicaine. María Elena Ditrén Flores identifie ces intérieurs comme des « récits de la dominicanité » et ajoute : « une fois introduit dans l’intimité du foyer, il dépeint le bariolage des intérieurs domestiques de la majorité des humbles maisons dominicaines, en présentant des objets ‘kitsch’ (ornements de céramiques, broderies et images religieuses) où nous transparaissons et qui nous représentent93 ». On peut classifier les éléments distinctifs en quatre groupes essentiels qui sont : le mobilier, les électrodomestiques, les accessoires et autres objets divers. Tous ces éléments combinés, d’ordre utilitaire, décoratif ou spirituel, indiquent un sentiment esthétique très particulier, et représentent les valeurs visuelles et symboliques du groupe familier qui habite dans la maison. Voici une citation de l’essai « Como mi casa ninguna. El entropísmo tropical de Polibio Díaz94 », de Ricardo Ramón Jarne, dans le livre de Polibio Díaz: « La majorité des logements populaires maintiennent les mêmes caractéristiques, avec certains apports de la personnalité de leurs habitants, mais essentiellement, cette égalité ne se rompt que dans les détails. Traditionnellement, la maison est en bois, bien que les parpaings s’imposent actuellement, comme l’a fait le formica dans beaucoup de maisons des années soixante. Quand on entre par la porte, le premier espace est une aire sociale, une scénographie à partager avec les personnes de l’extérieur, bien que dans une maison pauvre dominicaine, tous les espaces sont sociaux, étant donné que la chambre à coucher est commune aussi pour tous les membres de la famille (ceux de l’intérieur). Dans cette première aire/salon social, nous pouvons voir : les murs recouverts de tissu aux couleurs fortes, où le rose domine, mais aussi les motifs joyeux de toutes les couleurs imaginables ; l’aire proche du toit est en général en dentelle et on trouve dessus, dans une distribution apparemment laissée au hasard, les photos des membres de la famille, ordonnées de façon préférentielle : les morts et les personnes qui vivent à “Nueva Yol” et les images religieuses et posters de tout type, depuis la jeune fille effrontée en petite tenue à coté de Jésus Christ tout Puissant, jusqu’à l’image de “Jan Clo” (Van Damme), dans une espèce d’iconographie hétérogène très singulière du syncrétisme religieux et de la déification populaire de n’importe quelle chose mondaine très désirable et jamais accessible.

Pour diviser les chambres, où il n’y a pas de mur de bois, on utilise différents tissus avec presque toujours au-dessus un rideau de dentelle, et souvent une horloge en cœur, qui marque logiquement l’heure de la passion. Dans la maison des évangéliques ou membres d’autres sectes, on trouve aussi des photocopies en couleurs ou « printers » de grande taille avec des normes et des versets. On place en général dans la salle les rocking chairs (“haraganas”, “mecedoras”), le miroir qui est un simple miroir encadré, l’armoire à vaisselle (“seibó con trastes”+) où s’accumulent des assiettes totalement différentes les unes des autres et les verres, ceux pour le quotidien et ceux pour les festivités, le style baroque pour ces derniers étant le plus apprécié. Le toit peut être de palmier royal, de palmier cane ou de zinc, sous lequel peut voler un “buque florero colgante”, objet décoratif presque indispensable. Le mur en général ne parvient pas jusqu’au plafond car les poutres sortent au-dessus du contour de la maison pour soutenir l’auvent, et par là entre l’air qui rafraîchit la maison. Comme mobilier principal, l’étagère, authentique bazar d’objets qui s’accumulent les uns sur les autres ou les uns au-dessus des autres. L’étagère se spécialise. On trouve l’étagère des céramiques, pots et figurines d’époque avec une alternance de peluches, coquillages, photos des enfants et l’horloge. Les photos des enfants, l’horloge et les peluches sont autorisées sur n’importe quelle étagère. L’étagère des équipements est également primordiale, équipements qui se réfèrent presque toujours à l’assourdissant appareil de musique, prêt à lancer les plus hauts décibels de bachatas et merengues vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Parfois, les hauts parleurs sont si grands qu’ils constituent des étagères en tant que tels, même s’ils ne peuvent rien soutenir du fait des incroyables vibrations. Dans les maisons qui ont plus d’une chambre, on peut voir la chambre des “tigueritas” si ce sont des filles ou des “tigueritos” si ce sont des garçons. On y trouve souvent un désordre de sandales et de cuvettes sur le sol de ciment poli, toujours brillant, toujours propre. La chambre des parents a en général une grande moustiquaire pendue avec des motifs, presque toujours roses, de petits oiseaux, de papillons, de cœurs, et une télévision. Le lit peut occuper toute la chambre ; les tailles “Queen” et “King” sont Architecture Populaire Dominicaine

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