Rapport sur la situation des filles dans le monde

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« Les livres nous montrent ce qui se passe dans la société » Par Charley Nussey, Institute of Education, Université de Londres Dans les textes du programme scolaire, les stéréotypes sexistes sont souvent mentionnés comme étant les vecteurs par le biais desquels l’inégalité des genres se propage dans la conscience des élèves. Mais les textes peuvent aussi offrir à l’étudiant la possibilité d’imaginer des alternatives et l’aider à élever ses aspirations et sa détermination à changer. Niels Busch

Des élèves de tous âges en maternelle en Inde. L’implication des parents dans les écoles et la consultation de la communauté dans son ensemble sont primordiales quand on veut aborder les questions de race, de genre, de distinction de classes et d’autres sujets sensibles, par des pédagogies élargies et intégrées.60 Là où les anciens et les chefs traditionnels ont été consultés il y a eu des effets positifs considérables au niveau du changement d’attitude sur l’enseignement scolaire pour les filles, notamment dans les liens développés avec les femmes plus âgées qui initient les jeunes filles à l’âge de la puberté. Un programme doit être à la fois pertinent et sensible à la question du genre.61 Un programme qui fournit des compétences techniques et professionnelles pratiques en rapport direct avec le marché, telle est la définition d’un programme pertinent et bénéfique. Les gouvernements, les autorités et les éducateurs ont noté avec inquiétude l’écart des compétences que l’on rencontre dans un pays et d’un pays à l’autre.62 Pour combler les désavantages, les systèmes éducatifs doivent comprendre ce que les compétences valident, et les transmettre comme faisant partie d’une éducation de qualité qui prépare de manière adéquate les adolescentes à une vie d’adulte productive et économiquement active. Dans le chapitre 4, nous abordons l’impact que peut avoir l’éducation sur les choix des filles après l’école. Il est tout aussi important de se pencher sur les différences entre filles pour élaborer un programme pertinent qui leur permette l’acquisition des capacités et des compétences utiles.63 Si les parents ne sont pas d’avis qu’éduquer leurs enfants offre à ceux-ci opportunités et choix dans leurs vies, ils seront plus enclins à retirer les filles que les garçons de l’école.64 Les parents sont les principaux gardiens, décidant si les filles fréquentent ou quittent le système 82

L A S I T UAT I O N D E S F I L L E S DA N S L E M O N D E

scolaire.65 Plus ils perçoivent l’éducation de leur fille comme un outil pertinent et précieux, plus ils sont susceptibles de l’aider à poursuivre l’école et de la soutenir dans son apprentissage. L’implication de la communauté dans l’éducation d’une fille 66 Les neuf pays ayant pris part à la recherche Plan « Building Skills for Life » (Construire des compétences pour la vie) ont révélé qu’en plus du manque de moyens et de la pauvreté des foyers, un des problèmes majeurs rencontrés par les filles quand elles veulent passer à l’éducation secondaire, est le manque d’intérêt et de soutien de la part des parents et des membres de la communauté. Les organisations locales, comme les comités de management des écoles, encouragent de plus en plus les parents à s’intéresser à l’éducation de leurs enfants. Au Mali, les parents sont impliqués dans la résolution des problèmes liés à l’éducation des filles, tels que collecter des fonds, inciter les filles à fréquenter l’école, et s’opposer au mariage précoce et aux violences sexuelles. En Sierra Leone, un groupe nommé « Teko Concerned Group for Development » exerce une pression sur les parents et les autorités scolaires sur tous les sujets se rapportant à l’école. Ce groupe a été fondé par une jeune fille de 17 ans. Les chercheurs se sont aperçu qu’elle joue un rôle majeur dans la vie de ses pairs. Elle les informe sur les dangers d’une relation sexuelle précoce et de rapports non-protégés et croit fermement que la question de la grossesse des adolescentes devrait être prise à bras le corps si l’on veut voir plus de filles compléter le cursus secondaire.

« La littérature dit à la société ce qui est bien ou mal ; de cette façon la société sait ce qu’elle doit faire de manière responsable ». Jeune fille, 14 ans, école secondaire, Tanzanie Bien qu’historiquement les textes scolaires soient basés sur les « O levels » (diplôme équivalent du Brevet des Collèges) et les « A levels » (diplôme de fin de secondaire) de l’Empire Britannique, les textes des programmes sont dorénavant écrits par des auteurs africains, et étudiés en classe de littérature en Anglais et en Kiswahili. Les sujets abordés vont de la fiction avec un thème hautement politique, comme la destruction par le gouvernement des moyens de subsistance des bidonvilles au Kenya, aux tensions qui existent entre les coutumes traditionnelles et l’éducation moderne, en passant par les difficultés rencontrées par les familles en situation précaire ; et même la simple histoire des difficultés que rencontre un chauffeur de bus femme dans un milieu masculin et dont elle finira par triompher ; les romans et les pièces de théâtre du programme scolaire se frottent aux problèmes qui correspondent à ce que les élèves rencontrent dans leur vie quotidienne.67,68,69,70

« La littérature a pour rôle de promouvoir les bonnes relations dans la société ; la littérature, par exemple, nous enseigne ce qu’est le tribalisme, les différentes classes. Nous considérons la littérature comme le sujet important dans nos vies. » Un garçon, 19 ans, école secondaire, Tanzanie Dans une recherche effectuée sur une école secondaire rurale Massaï du district de Monduli, deux textes en particulier ont soulevé de nombreuses discussions sur les rôles et les statuts des hommes et des femmes dans la société.71 Ces deux écrits mettaient en scène des protagonistes adolescentes et reflétaient ou exposaient directement des situations que les étudiants avaient vécues dans leur propre quotidien. Ces textes permettaient d’apporter une vue distanciée pour examiner des questions hautement personnelles.

« En fait, ce livre nous aide car il nous donne une image… il montre les choses qui arrivent… ce que nous vivons dans notre société. » Un garçon, 16 ans, école secondaire, Tanzanie

Passed like a shadow, écrit en 2006 par Bernard Mapala, raconte l’histoire d’une famille décimée par le sida. La maladie affecte tout d’abord le père, qui transmet le virus à sa femme ; le plus jeune des fils devient séropositif après un rapport non-protégé avec une prostituée. La fille de la famille, prénommée Abouki, a peur elle aussi d’avoir été contaminée après avoir été violée. Mais c’est Abouki qui, seule, se rend à la clinique. Elle est testée négative et survit. Elle apprend grâce à des femmes de son entourage que les relations amoureuses devraient être basées sur la confiance et le respect mutuel, et le livre s’achève en évoquant ses espoirs pour l’avenir. Les messages sanitaires portant sur les différentes façons dont le sida peut être transmis viennent renforcer les leçons que les étudiants ont déjà entendues en biologie ou en éducation civique, mais ils constituent aussi un nouvel espace pour discuter des relations de pouvoir entre homme et femme. Finalement c’est le message sur les relations positives qui retient l’attention des étudiantes.

« La relation amoureuse qu’entretient Abouki avec son petit ami est très bonne. Cela nous apprend à aimer [pour] le véritable amour, et non pas pour obtenir quelque chose du ou de la partenaire. » Jeune fille, 17 ans, école secondaire, Tanzanie Unanswered Cries (Les pleurs sans réponse), roman écrit par Osman Contch en 2002, a reçu le prix MacMillan de Littérature Africaine. L’auteur met en scène une fille de 14 ans, nommée Olabisi qui va prendre ses propres décisions dans sa vie. Le jour où Olabisi retourne vivre dans le village de sa mère après avoir vécu en ville chez son père, celle-ci essaie de la convaincre de se faire exciser pour finalement l’obliger à l’opération. Olabi court se réfugier en ville et va porter plainte au tribunal en plaidant la liberté de décider par soi-même. Comme l’écrit une étudiante de 16 ans dans une rédaction sur ce texte, « pour se construire un avenir… les enfants informés et éduqués devraient avoir le droit de choisir pour eux-mêmes. » L’accent mis sur le droit de choisir était son opinion personnelle, s’étant elle-même enfuie de son domicile après un mariage forcé précoce. Ces textes permettent la discussion des élèves sur des sujets brûlants et très présents dans leurs vies, et les autorisent à explorer la question avec distance. Pour s’assurer que la valeur de ces écrits soit valorisée de manière optimale par les enseignants, il faut être sûr que le professeur ait été formé aux méthodes pédagogiques qui permettent de tirer le meilleur parti de ces discussions.72 83


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