paperJam Economie & Finance - Juillet-août 2007

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A C T U A L I T E · b el g i q ue

a n al y s e

Un nouvel ecartelement entre Nord et Sud La difficile campagne électorale en Belgique s’est achevée en révélant une vraie coupure entre Flamands et Francophones au niveau des choix idéologiques, mais aussi, plus délicat, au niveau des enjeux prioritaires. Alors, continuera-t-on ensemble, ou chacun pour soi?

Photos: Jelle Van Seghbroek

Yves Leterme, star des élections en Flandre et sans doute prochain premier ministre fédéral, passe mal la rampe côté francophone avec un discours très pragmatique sur une plus forte autonomie donnée à chaque région.

Un fameux canular de la RTBF, le 16 décembre dernier, annonçait la scission du pays. Six mois plus tard, la scission n’est pas encore faite. Mais entre une Flandre qui se «droitise» toujours davantage, une Wallonie qui vit une reconversion toujours lente, et Bruxelles qui étouffe toujours économiquement, les tensions se radicalisent et mettent en péril, selon plusieurs experts, une coalition durable. Au Nord, «l’homme» du CD&V (Chrétiens Démocrates Flamands), Yves Leterme amasse, à lui seul, près de 800.000 voix de préférence et se propulse en tant que probable Premier ministre. Il tient un discours fortement axé sur la redéfinition nécessaire des conditions de solidarité entre les trois régions du pays, et en fait un préalable à toute négociation pour créer un gouvernement fédéral. Avec lui, les libéraux flamands du Premier ministre sortant, Verhofstad, sont affaiblis sans doute. Mais ils feront aussi partie du prochain gouvernement, à condition de réviser leur discours, jugé jusqu’ici trop unitariste et confraternel avec les libéraux francophones du MR (Mouvement Réformateur). A côté du CD&V, se profile toujours l’extrême-droite du Vlaams Belang, qui stagne un peu mais reste le deuxième parti en Flandre, et apparaît un «petit nouveau», Jean-Marie Dedecker, turbulent trublion politique exclu du VLD (Libéraux Flamands), mais dont la formation franchement autonomiste et anti-francophone perce du premier coup avec plus de 6% des suffrages. La Flandre affirme donc clairement une position conservatrice et radicale, en ayant laminé le SPA-Spirit socialiste. Cependant, les écologistes de Groen ont progressé, mais timidement. Cela pèse d’autant plus sur l’élaboration d’un accord fédéral, qu’aux revendications flamandes de modification constitutionnelle préalable à toute négociation de coalition,

répond un «front du refus» francophone sur l’autonomisation accrue des régions. Il faut dire que celle-ci concerne la scission des politiques d’emploi, de solidarité sociale et le statut de la capitale belge. Le parti de Didier Reynders, président du MR et nommé informateur, se présente comme première force francophone. Il a poussé son ennemi le PS dans les cordes et a ainsi légitimé, contre beaucoup de rumeurs, sa position de vrai chef du parti, en jouant, il est vrai, sur un effet Sarkozy. Mais les perdants socialistes, s’ils sont peut-être moins influents dans la négociation âpre qui se joue, n’ont pas non plus dit leur dernier mot. Le PS est certes encore empêtré dans des affaires de corruption à Charleroi et il est handicapé par la chute brutale de son parti-frère flamand. Ce qui annonce un repli probable dans l’opposition. Mais il soutiendra l’option du refus face aux envies flamandes de «faire plus et mieux» entre eux… Contre un MR, certainement plus «flexible» pour constituer rapidement un gouvernement.

Un gouvernement de «préparation» à plus de séparation? On le voit, les négociations seront longues et l’on s’accorde pour ne prévoir un gouvernement qu’à l’automne. D’autant que la société civile monte aussi au créneau. Les entreprises et les syndicats réfutent nettement les «urgences» communautaires, qui, selon eux, ne servent absolument pas le développement du pays, alors que les politiques flamands en font une priorité. Une voie que la population a visiblement suivie: en Flandre, on soutient la pression idéologique, même si

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