Mauvaise graine # 43

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Jean-François Pollet Poèmes


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Il est impossible – personne ne nous le demande d’ailleurs – d’enfermer dans une catégorie le poète que nous vous présentons ce mois-ci. Jean-François Pollet s’est présenté à nous par hasard en août dernier, si mes souvenirs sont exacts, lorsqu’il nous a fait parvenir la revue Ombrages qu’il anime. Curieux comme ce thème le poursuit. Des ombres et des brumes entourent cet auteur belge que certains d’entre vous auront peut-être déjà lu dans d’autres revues que la nôtre. Ses poèmes sont empreints de cette mélancolie que tous les hommes peuvent ressentir lorsqu’ils pensent aux femmes, à leur prime jeunesse, aux premiers émois pleins de trémolos dans la voix, à l’heure des premières amours. L’homme présent, c’est aussi la révolte, tantôt amusée, tantôt angoissée, mais qui fait toujours mouche. À vrai dire, je ne sais que peu de choses sur Jean-François. Faut-il l’appeler Jeff ? Aime-t-il les frites ? Je sais qu’il aime la bière… Je sais aussi qu’il fait partie de ces doux dingues que nous sommes, nous autres animateurs de revues littéraires, et qu’il sait partager son temps avec d’autres auteurs que lui, avec ses compères revuistes et tous ceux qui de près ou de loin participent à sa revue.

Comme d’habitude, je crois, je suis sûr même, que les présentations ne seront jamais mieux faites qu’au travers des textes de cet auteur dont la gentillesse et l’acuité intellectuelle transparaissent de façon saillante autant dans sa correspondance postale ou électronique, que dans sa revue ou dans ses textes. Bonne lecture… Walter

REVUE MENSUELLE DE LITTÉRATURE N°43 - FÉVRIER 2000 ISSN : 1065-5410 DÉPÔT LÉGAL : À PARUTION IMPRIMERIE SPÉCIALE DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : WALTER RUHLMANN ASSISTÉ DE BRUNO BERNARD ET MRGANE © MAUVAISE GRAINE ET LES AUTEURS, FÉVRIER 2000 ADRESSE : 71 RUE DE BERNIÈRES 14000 CAEN, FRANCE E-MAIL : mauvaisegraine@multimania.com WEB : www.multimania.com/mauvaisegraine

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Jean-Francois Pollet POEMES

À la sauce Adam Smith Ça commence en transe : oui, j’ai l’âge, je danse, je bande Zyeute ma gueule nickel, ma décapo, zyeute femelle ! Et… la femelle zyeute, se cambre et vite se quémande Où faire l’invest-qui-presse de sa chair encore leste ? Puis ça se poursuit, dans les bruits, se reproduit Suant, suintant, parfois respirant mais sans trop Car déjà tout hurle, de jour, de nuit, tout s’écrie Les marmots braillent, les patrons blâment : au boulot ! Plus un songe, plus une fronde et qu’il est beau le monde Compilés, tartinés, concertés, darwinés On se corne, s’additionne, on se compétitionne Sur ces marchés qui nous démarchent jusqu’au doigts d’pieds Faut qu’ça grouille, qu’on s’débrouille en c’joli tas d’plat d’nouilles Je marmite, tu crépites, ils sont riches, elles sont cuites… Comme hier, quand les dépouilles remontaient la houille Je, tu, elle, mijotons à la sauce Adam Smith.

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Il est l’artiste Gros gras mais dis donc du bedon ! Lâche un pet, s’empare lourd feutré du fatras de l’action S’balance rond ballon d’un tour d’avant-pont Contre fin croupion/ bedon huile/ coulissant contre Le papillon mensonge Des fesses haute définition High tech Céréal’ pub pour Contrex ! Gros gras du lardon dans la fiesta de l’heure blette Repu d’un mégalo gala maffioso de rillettes Il se caresse d’un geste long et perplexe S’éponge la gueule d’un paquet de Kleenex Météore ! Il est d’Or : le gros lard qui explore La météo des plages qu’il carnage de son corps Il emménage dans le paysage Se départage S’dépense et s’ébranle en sueurs continues Danse le bonhomme en pente glisse éperdu Se trémousse étrange sur la piste Il est l’Artiste Place ! Place aux graisses idéalistes !

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Lise Amour Tempête et temps noirs À bord du plumard S’égare la raison Dans une mare de plomb Lise Amour Humide Invite intrépide La lame du tréfonds La flamme du charbon Poignards et brouillards À nos draps s’amarrent S’égare le pardon Dans un vieux flacon Lise Amour Acide Sirop d’homicide Me saisit la vie Dans la nuit qui gît Mystères et marmottes Je meurs dans la grotte Un ancien soupçon Me sert le poison Lise Amour Enfile Ses pattes de féline Lise Amour Accourt À mon grand secours Lise Amour Fébrile Lise Amour Subtile Éteint l’étang noir Et s’écoule l’histoire Lise Amour Limpide Lise Amour Lucide Quand je veux sombrer Vers ton crime je vais Lise Amour Tranquille Lise Amour Facile Expire en ses flots Blisters et benzos

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Départe Mentale Tu foutrais des fleurs de Maine-et-Loire sur la mer L’eau qui vague te dissout l’horizon de Lozère Afin de rire à Mende, de vivre à Candé L’océan bleu s’enchaîne aux pensées déplacées Tu t’offres un départ mental. Un trait vertical Tu vides ta république en Vendée. Tu t’empales ! Les flots de la Gironde drainent les noyés de l’Yser Où crèche le Finistère ? As-tu la carte du mystère ? Reste-t-il une aumône au fond du Puy-de-Dôme ? Danse de l’Aisne à l’Aude. cours de la Vienne aux deus Saône Forgive-toi ton retard à fleurir dans le Gard C’est baignade interdite. Prend le mental départ Du Var au Nord, quand tu t’endors, brûle ton corps Les Savoie, ça rapporte. Le Mont Blanc, le mont d’or Ton cœur se prend les Alpes et voilà l’avalanche Nique le Jura. Fuck l’Île-de-France. Nique les nuits blanches Le pire c’est le pied jusqu’au pics des Pyrénées Quand le jour vient sur l’Aube, fusille-toi dans l’Allier Tu t’offres un départ mental. Un trait vertical. Tu vides ta république en Vendée. Tu t’empales !

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Écailles J’entre où je ne connais pas La loi Par Jésus, frappées sur la noire aquarelle Leurs ailes qui jouent d’eau dure, saccadées Me martèlent À coups d’escalopes arrondies avouées Soulignées par de menus bas salés Qu’elles sont corps tout de beat en rhythm Mieux vaudrait rester jeune Filles et filles et mecs Se frôlent d’un rien, s’aiment Presque autant qu’ils se détestent Je zigzague en mes cassantes écailles Et je sais qu’elles ne porteront qu’un chapeau de paille Quand s’emploieront, les belles canailles À tester les détails de ma bécane en ferraille La grange est immense ! L’ombre est affolante ! Je sors de ma mort, je vais là Porté par la Sérénade brûlante De quelques maillots de Floride.

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Le grand mort J’ai gratté le nez du Savoir J’ai trouvé un chou une poire blette et de beaux chapeaux C’était merveilleux J’ai posté mes vœux Soyez tous heureux ! Ta gorge a ri Tes seins ont lui Mais il fallait plus Alors plus loin Beaucoup plus loin… J’ai posé le pied dans le Noir Le grand trou de l’oubliette des beaux châteaux C’était contagieux J’ai bouffé vos yeux D’un délire odieux Je me suis cassé Dégoupillé Fragmenté Trépassé Ta gorge a lui Tes seins ont ri Mais il fallait plus Alors plus loin Beaucoup plus loin… J’ai fait le grand mort.

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Cassis Jusqu’où tairais-je l’interdit quand dès l’accost’, aux prémisses tu me craquottes de l’épice ? Ô trombes de l’Océanie Mille canadairs sur vésanie N’ont que sulfuré l’incendie ! Tu joues le petit cassis La perle rare de la baie La sorbe par l’été sucrée Jusqu’où ; jusque entre le zist et le zest d’un baiser sablé suçonneur torche de la clé Audacieusement cassis quand couchée sur la nebka dévoilée berbère geisha tes en armes, terroristes tamponnent mon passeport à plat Action sex-perestroïka ! Jusqu’où dirais-je le cassis Le fruit sombré des délices ? Ton aspir’ qui toujours tatoue sur peau de l’homme un fol écrou Jusqu’où vendrais-je ma complice Pour me dévisser les vices ?

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Voici l'aurore Piler racler trancher vif le fil du sort du Savoir - ce corps parasite tandis que son sel fin dort en transit dans la soute à doutes, parmi des valises de sillages Le tremper sec, le noyer cache dans l'étang rance Qu'il s'épanche, se carence, se mélange aux zoos des eaux flottantes fluorescentes Et ne plus rien croire ne plus pouvoir ne plus devoir Ne rien comprendre aux souffrances aux errances aux outrages aux courages des Peuples. A leurs Spartacus et Commune de l'Histoire ! Leur piller nier tronquer médiatiquement systématiquement la Mémoire Les enfoncer plâtrer castrer soumettre à ce nouveau millénaire sponsorisé Voici l'aube, seulement l'aube, de la misère atomisée Mais peu nous en chaut : Obscurantismes sur l'aurore

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Poètes blafards : le méchant loup arrive ! Je voulais fuir dans les bras du Grand Large mais un neuro-psy richissime m'a ramené d'urgence à ma pauvreté : on ne s'évade pas ! "Les choses ne sont noires que si vous les voyez de la sorte" m'a-t-il martelé façon mode bouddhiste J'ai dit "oui, oui" pour sortir du Centre J'ai même du ajouter un merci et ensuite payer l'arnaqueur J'ai reçu l'huissier en compagnie de la facture dans mon petit une pièce où j'avais froid. J'ai... Donc, montre en main : cette fois-ci, je ne peux plus rater mon coup Je saute de nuit sur le beau rail glacial et rapide du TGV Je me le destine Y pose la tête effrayée La vie n'est déjà plus qu'un long passé On ne sait pourquoi on trébuche On ne sait ce qui nous sépare Des Autres Des robots à corniches qui rampent avec fierté On ne pourra jamais décrire le flash continu de vérité première On ne sait dire le cri La fatigue La lassitude Je touche pour la dernière fois la roche voisine Froide et complice Les bourreaux ont retiré du marché vénéré mes copains barbitos – les bourreaux sont si gentils, si attentionnés C'est pourquoi ils nous interdisent le choix - ils veulent qu'on la crève douce qu'on accepte leurs préceptes l'exploitation la soumission la négation Les bourreaux ont toujours de belles phrases pour emballer leurs cœurs de pognon.

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Le comprimé Condensé sur place Encombré du quotidien Je devine l'espace Mais il y a la roue la rouille la boue les bouches de l'écrou qui roulent routine et roulent et roulent - à ce qu'on peut croire L'infernal manège des fers combinés La plissure la meurtrissure la parure Je suis un comprimé dans un blister dans une boite sur l'étagère de notre apothicaire Un soir un souffrant m'engloutira avec un grand verre d'eau plate Je n'aurai qu'à dissiper mes méandres par l'écluse de sa gorge sur le lit de son estomac fondre en son foie sourdre en ses reins ... Je me ferai salace bactérie cocasse Il tiendra la grimace.

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Satisfait ou remboursé ! Me voici Vice-plat à l'italienne Curry Ketchup Samouraï Andalouse Jamaïquaine aux concentrés de principes actifs de sous-produits de volailles belges Je suis Paco Rabanne qui fait pipi samovar sur la savane des écritoires Je suis l'arc-en-ciel politique courant d'une droite à l'autre Je suis l'an 2000 - production à l'affiche de vos grands écrans Je cumule sur trois minutes les services de fesses de dix mille thrillers Je suis pédopsy et me tords le kiwi dès que j'ose 'coucou/areu' dans de la poudre bleue bioactive Je me libère pomme verte de mes vers recuits à l'aide de serviettes féminines Je suis la météo des siècles à venir offerte par le new cola spirit à l'arôme come-back à la Genèse Je suis votre challenge votre baise-cul votre prière votre Bouddha exotique... Je suis un million de prisons à répartir pour les pauvres à construire Je suis votre Silence.

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Écrire ? Écrire ? un petit poème blême pour mon moi-même que j'escorte que j'entraîne avec peine avec gêne en ce doute qu'il ne me lise jamais face à face : l'escobar ! Écrire ? pour une fille catholique ou anar qui houspillera les réduves sous mon pucier ? Qui me facturera - d'une façon ou d'une autre les aléas de mon linga fraudeur et à qui je devrai quémander un exit pour m'en aller pintocher ... Écrire ? pour un vieux wasp évangéliste magnat du smegma plongé dans la honte de son satyriasis ? pour le nerf pathétique des tordus du lisp ? pour le sort des wombats et le devenir de mon thomas ? Écrire ? pour le peuple peut-être ? Amoureux de Lady Di & John John K. Ce pauvre peuple adorateur de ses maîtres ? Cet effroyable aveugle à qui quelques-unes de ses particules voudraient faire goûter la lumière ... Écrire ?

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Chambre à air Viens, Fleur, descend du cycle trottant dans l’été L’eau nue nous a conquis l’effondrement minier Y’a comme un ciel du Sud sur le noir chaud flambé On pourrait s’embrasser dessous les robiniers Nos ancêtres ont creusé ce lac goutte à goutte Poumon à poumon pour le charbon du patron Les grenouilles coassent et soudain happent la mouche Une libellule égare hop là : ma réflexion ! Viens, Fleurs ! Et tant pis pour la chambre à air fuitée L’eau nouvelle nous appelle à trempette ! À plonger ! Balance le panneau ‘Interdit’ des scélérats : Si on devait s’contenter de ce qui l’est pas !

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Et tes gestes et ton nu J’ai adoré et tes gestes et ton nu quand tu me monnayais d’avance la pénétrance Je ne sais plus s’il me fallait fumer ta cambrure ou chercher ton âme femelle J’ai goûté tes sulfures J’ai commis des bavures Mais il y avait toujours ton visage et tes lèvres pour colmater le ciel J’ai perdu même si tu tolères mon usure et me gardes ici là dans ta gestuelle Intime.

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J’atterris On ne touche pas une étoile avec un rêve Simplement, on le croit On se concentre très fort On se dit « J’atterris » On s’imagine poser le pied soudain si léger et lécher le sein de la fille sidérale… mais les yeux s’ouvrent et le regard s’éteint : toujours la capitale hideuse et le psy du recrutement et dare-dare de se cacher dans les Waters.

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Ombre Bleue Ombre Bleue sous les cils, elle signe un sentier au fuseau de sa silhouette après quelques escrimes ; deux joutes de regard… Ombre Bleue t’a tué.

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Quand l’Adam a fait le tour Quand l’Adam à fait le tour de la femme et de son éprouvant mystère que dévêt le temps : popotin défraîchi qui à quelque âme aurait servi de lit ! Croyez-vous qu’il y ait lieu de nourrir un drame ? Certes les yeux n’ont que trop vu l’océan Les re-vagues n’appellent plus que routines à la queue leu leu Les terres d’au loin s’affichent enfin Duplications de nos tristes lopins Donc voici l’homme qui traîne énorme la gêne de lui-même : Ce singe qui a compris Le bide énorme de la vie Ce bonhomme qui pourtant prend par la main son gosse et lui conte, en souriant les histoires des châteaux d’Écosse.

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Une bière m’assied là Une bière m’assied là Devant le soleil Quelque vague éclat Tombe pêle-mêle Le ciel sur l’épaule Est bleu ; c’est d’un drôle ! De la terrasse du bar Parmi l’avenue Je vois les gens bizarres La foule et son cul Passer, parler Passer… Le temps m’est irréel J’aimerais – Non, j’oublie – Reprendre une étincelle Les filles sont-elles jolies ?

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Vœu d’Éden Aime Le passage d’un absence Le trépas des cadences Aime et rase Le béton, le bitume Les bazars, les bidules Rase en masse Les couches de l’obstruction Tue Les bouffeurs d’horizon Tue jusqu’à ce que ton nu Se dévoile aux insus Des intrus Place Ici, là l’aubépine La rive et l’eau sublime Ainsi trace Le plongeon d’une blonde Le parfum d’une seconde Songe Au vœu d’Éden Étends-toi sur la plaine Enfin saine.

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Pomme, poire, pêche… Le vent s’amuse d’un univers bien froid. Pomme, poire, pêche, abricot… Dieu, le ver croît ! Par-delà l’envers de quelque imagerie Trois oiseaux lourds planent dans l’orangerie Le bec ouvert au temps pour cracher l’air Ils se mirent dans la grisé des misères Pomme, poire, pêche, asticot, tout s’ingurgite : Portefeuilles crinières, lèvres érudites… Dès que l’orage approche, les vols s’excitent Six yeux fardés brillent de malheurs secrets Jusqu’au Maître-Éclair, le maître explicite : La volaille apprend l’instant du forfait Alors ils dansent et s’arrachent de grandes plumes S’en partent en croisade dans les hôpitaux Déguisés de mystère, bardés de brume S’en viennent scruter la chair de leur travaux : les finissants, les curés en tournée les docteurs en blancs, les nouvelles machines le chagrin feu des familles éplorées Les trois gredins s’admirent : levons la dîme ! Pomme, poire, pêche, illico tout se nettoie Déjà à leur tour, les oiseaux se noient Le bec fermé d’avance, sans cracher l’eau Diluant là-bas l’enfin dernier mot…

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Du terroir tournaisien S’ils sont poètes flattés et notables Du terroir Ils vous diront qu’entre deux voyages (au soleil) Ils s’en reviennent prendre avec passion Une « bouffée d’Escaut » Moi qui suis écrasé de toute parts Sans avoir L’occasion de ces nombreux voyages (au soleil) Le long du grand égout bétonné La « bouffé d’Escaut » Me donne la nausée.

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Notes Les éditions Sol’Air ont publié le troisième ouvrage de Christophe Lacampagne en juillet 1999. Après Cristofer Floppies et L’appartement du Livre, Véronika Soling, quelques mots simples et beaucoup de tendresse. Comme une ode à la vie de tous les jours, à ce quotidien qui inspire parfois tellement de passion. Sans emphase et avec beaucoup de candeur, Christophe Lacampagne nous offre un recueil fort agréable qui vaut bien le détour. Christophe Lacampagne, Véronika Soling. Éditions Sol’Air, 242 boulevard Schumann 44300 Nantes, France Restons dans les ouvrages de poésie avec l’inépuisable Philippe A. Boiry, qui publie son tout dernier recueil Estce l’oiseau, est-ce le vent, aux éditions Les poètes français. Ce que cet ouvrage a de particulier, outre le talent incontesté de Philippe Boiry, c’est la préface signée Jean-Luc Lamouillé et les illustrations de Michel-François Lavaur. Trois grands noms de la poésie contemporaine du cénacle de la petite presse, et le tour est joué. Et ce n’est qu’en citant Lamouillé que je ne saurai moi-même être juste pour en finir avec cette note : « Pas d’erreur possible, le poète nous livre son grand amour, les multiples petits détails

intimistes accrochés çà et là en prouvant la véracité. » Philippe A. Boiry, Est-ce l’oiseau, est-ce le vent ? Éd. Les poètes français, 4ème trimestre 1999 Au fil de nos contacts, il nous arrive assez fréquemment de tomber sur la revue qui accroche, celle à laquelle on ne s’attend jamais et qui pourtant existe. C’est le cas cette fois de L’échappée belle. Revue semestrielle animée par Nadège Fagoo, elle faisait la part belle à La Femme dans son numéro 7 (novembre 1999). Petit format pour grande littérature, les textes qui y sont publiés sont d’une singularité étonnante ; singularité peut-être due à ce que nous ne connaissions que très peu d’auteurs parmi ceux présents. Je vous conseille d’acheter un numéro pour 20 francs, ce qui est loin d’être ruineux, voire même de vous abonner pour 45 francs (trois numéros.) L’échappée belle, Nadège Fagoo 833 route de Méteren 59270 Bailleul, France. Des paillettes (collantes) pour Démolition numéro 3. Fabrice Fossé (que nous retrouverons dans deux mois parmi nous) présente ces auteurs qui font que la poésie reste plus que jamais vivante. Ceux qui inventent les vers d’aujourd’hui sans se préoccuper de ceux d’hier, et sans croire en

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ceux de demain. Dejaeger, Ulrich, Lemaire, cette lettre poétique, feuille de chou bien décorée semble vouloir s’imposer parmi les autres revues. Nous l’accueillons avec toujours plus de joie. Faites-en autant ! Démolition Fabrice Fossé & F. Becquet Hameau Sainte Gertrude 76490 Maulévrier SainteGertrude, France Le numéro 20 d’une revue marseillaise nous est parvenu. Cette publication n’est pas sans me rappeler MG à quelques égards. De la poésie contemporaine, s’il en est. Des auteurs et des illustrateurs de talents parmi lesquels nous retrouvons Jean-François Pollet et Gérard Lemaire. Des critiques et des annonces diverses ; il me tarde d’en savoir plus au sujet de K-Y-É ! K-Y-É, André Robert 161 rue de Lyon 13015 Marseille, France Pour terminer (déjà) avec ces notes, sachez que la revue et les éditions Rétroviseur organisent leur premier concours sur manuscrit, le prix Colportage, dans le but d’une publication. Pour tout renseignement, adressezvous à : Rétroviseur, secrétariat du prix Colportage, Jean-Claude Dubois 8 rue Louis Périn 59152 Chereng, France

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Feedback Nombreux sont ceux qui nous ont félicités de vive voix pour la couverture ajoutée à MG le mois dernier et qui lui donne une toute autre allure. Ça peut ne paraître rien, mais avouez, quand même, que c’est un pas de plus vers la perfection, non ? Si ! Ce genre de sollicitude me pousse à continuer moi qui, parfois, suis totalement découragé et souhaite tout arrêter sans plus de préavis. Rien que pour ces commentaires encourageants, donc, je persévèrerai encore quelques temps. Je vous laisse lire tout le bien, parfois relatif, que les lecteurs pensent du numéro de janvier, consacré à la poésie de Pascal Carpentier... « 3600 souffles pour les 3600 années à venir. MG a bien changé, c’est que tu as dû changer aussi. Bravo pour la lisibilité. » Jean-Luc Lamouillé, Grenoble (38). « Je lis toujours Mauvaise Graine. Je n’accroche pas toujours à tout, mais je dévore toujours cette Mauvaise Graine quand elle arrive. Je trouve formidable que la revue puisse continuer. Elle doit te mettre en relation avec un certain nombre d’auteurs ; elle doit aussi apporter satisfaction quand un nouveau numéro paraît. » Thierry Piet, La Roche-sur-Yon (85). « J’aime la nouvelle présentation plus sobre et classieuse de Mauvaise Graine. Je réagirai plus tard aux textes de Pascal Carpentier, qui me semblent exprimer cet appel de la vie, de la sève et des sens si cher à qui préfère habiter la fleur de peau, plutôt que les abysses du questionnement vain. » Jean-Pierre Baissac, Saint-Vallier de Thiey (06). « J’ai bien reçu le dernier numéro de Mauvaise Graine, la couverture cartonnée c’est une bonne idée. C’est également une bonne idée d’avoir

embauché Pascal Carpentier, ces poèmes m’ont beaucoup plu, pas mal émoustillé… sexe ! » Fabrice Fossé, Maulévrier Sainte-Gertrude (76). « La première lecture donne la première impression, et la première impression est généralement la plus importante de toutes, car la première de toutes est donc la plus spontanée, la plus sincère et la mieux mémorisée. Et après avoir lu le numéro 42 de Mauvaise Graine, j’ai envie de rester sur ma première impression car je la trouve bonne. Je trouve que Pascal Carpentier a écrit un recueil de poème très réussi sur le plan de la musicalité des poèmes. Personnellement, je considère l’émotion comme principe premier de la poésie et comme sa finalité. Et Pascal Carpentier écrit une poésie de l’émotion par la musicalité, par la beauté formelle (une émotion esthétique) mais cette réussite dessert parfois le sens des poèmes, certains textes subissant une absence de sens palpable. (…) Les poèmes de Pascal Carpentier sont à mon goût plus sensuels qu’érotiques, sans vulgarité, mariant références antiques et références modernes, une poésie ludique et inspirée, s’accommodant bien de certains effets de style… » Frédéric Maire, Eysines (33).

Le XXIème siècle sera poétique ou ne sera pas. Vous avez un mois pour méditer ça. En mars, Mauvaise Graine enfonce le clou et continue sur sa lancée poétique avec les textes de Fabrice Fossé, illustrés par F. Becquet. Un régal ! La vie est vraiment merveilleuse !

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À la sauce Adam Smith

Ça commence en transe : oui, j’ai l’âge, je danse, je bande Zyeute ma gueule nickel, ma décapo, zyeute femelle ! Et… la femelle zyeute, se cambre et vite se quémande Où faire l’invest-qui-presse de sa chair encore leste ? Puis ça se poursuit, dans les bruits, se reproduit Suant, suintant, parfois respirant mais sans trop Car déjà tout hurle, de jour, de nuit, tout s’écrie Les marmots braillent, les patrons blâment : au boulot ! Plus un songe, plus une fronde et qu’il est beau le monde Compilés, tartinés, concertés, darwinés On se corne, s’additionne, on se compétitionne Sur ces marchés qui nous démarchent jusqu’au doigts d’pieds Faut qu’ça grouille, qu’on s’débrouille en c’joli tas d’plat Je marmite, tu crépites, ils sont riches, elles sont cuites… Comme hier, quand les dépouilles remontaient la houille Je, tu, elle, mijotons à la sauce Adam Smith.

d’nouilles

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