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Ieng Sary

Ieng Sary

où on les soumit à des conditions de vie épouvantables. En septembre 1975 il devient un des six membres du comité central du parti révolutionnaire du peuple. Le 9 octobre 1975, il est nommé à la tête des affaires étrangères du parti et de l’État. Le 30 mars 1976, il devient vice-premier ministre en charge des affaires étrangères14. Il prend alors le surnom de « frère numéro 3 » et, en tant que responsable de la diplomatie, il sera le seul dignitaire à ne pas cultiver le secret sur son identité. À la fin de 1977,devant la tribune des nations unies, il réfute les accusations de réfugiés qui voulaient faire ouvrir une enquête.

La fin des années 1980 voit aussi les khmers rouges tenter de se racheter une respectabilité en annonçant notamment que Pol Pot n’a plus aucune fonction officielle au sein du mouvement. Dans ce contexte, le maintien d’Ieng Sary, dont le nom évoque lui aussi trop facilement une période sombre, va à l’encontre de cette politique. Le ralliement En août 1996, le divorce est consommé et profitant d’une volonté de paix quasi générale au Cambodge, il engage des tractations avec le gouvernement. Il négocie une amnistie en échange de la reddition des unités qu’il dirigeait et de leur intégration dans l’armée royale. L’accord est finalisé le 14 septembre 1996 avec le pardon officiel du roi Norodom Sihanouk et le droit de continuer à administrer son fief dePailin transformé pour l’occasion en municipalité autonome. Dans la foulée, la moitié des troupes khmères rouges rejoint les forces gouvernementales. La réaction des derniers partisans de Pol Pot ne se fait pas attendre. Alors qu’ils accusent Sary d’avoir détourné une partie de l’aide chinoise, celui-ci répond en accusant son ancien beau-frère d’être seul responsable des crimes commis alors qu’ils dirigeaient le pays. Il profitera alors des revenus tirés de l’exploitation des forêts de bois précieux et des mines de rubis et de saphirs de son domaine pour amasser une fortune conséquente. En mars 1997, il obtient même de la part de vénérables bouddhistes une absolution qui sera télévisée. Il crée alors un parti, le mouvement démocratique d’union nationale, qu’il envisage de présenter aux élections de 1998 avant de renoncer. Au début des années 2000, les mines de pierres précieuses de Pailin sont épuisées et les collines environnantes déboisées. Ieng Sary décide alors de se retirer dans sa luxueuse villa de Phnom Penh d’où il ne sortira que pour de courts séjours dans des cliniques thaïlandaises.

Retour dans la guérilla Au début de 1979, alors que l’armée vietnamienne est entrée au Cambodge, il s’enfuit précipitamment dans un train en direction de laThaïlande avec l’ensemble des archives de son ministère16. Il est ensuite envoyé en Chine où il négociera une assistance militaire1. Le 19 août 1979, Sary et Pol Pot sont condamnés à mort par contumace par un tribunal mis en place par l’armée vietnamienne. Ce jugement ne sera toutefois pas reconnu par la communauté internationale à cause des manquements "aux normes internationales d'équité". Ieng Sary garde son ministère dans le gouvernement en exil considéré comme seul représentant légitime du Cambodge par la quasi-totalité de la communauté internationale. Seul le camp prosoviétique reconnaîtra le gouvernement installé à Phnom Penh par l’armée vietnamienne. En 1982, à la création du gouvernement de coalition qui outre la composante khmère rouge, comprend les partisans de Norodom Sihanouk et ceux de Son Sann, il cède sa fonction aux affaires étrangères à Khieu Samphân et prend la direction de la place forte de Pailin. Il y déploiera, contrairement aux autres responsables de son parti, des idées plutôt libérales en matière économique, autorisant un certain niveau de propriété privée et l’ouverture de pagodes. En 1990 , il laissera même un casino s’ouvrir à Pailin. Il conservera durant cette période son poste de trésorier du mouvement à la demande de la Chine qui imposera que sa signature apparaisse sur toutes les conventions d’aide. Cette confiance ne se démentira pas pendant une dizaine d’années, même après la perte en 1988 de 16 millions de dollars imprudemment confiés à un homme de main qui s’était évaporé dans la nature. La donne ne changera qu’en 1991, lorsque conformément auxaccords de paix, Pékin suspend son aide militaire et fragilise la position d’Ieng Sary au sein de la direction khmère rouge. À cette époque il se démarquera aussi de ses compagnons en soutenant la participation de son parti aux accords de paix que doit superviser l’APRONUC alors que les radicaux du mouvement appelaient à un boycott du processus.

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L’arrestation Le 12 novembre 2007, malgré la grâce dont il bénéficiait, il est arrêté sur ordre des chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens et inculpé de crimes de guerre et contre l'humanité alors que sa femme était aussi arrêtée et poursuivie pour crimes contre l'humanité. Ils avaient toutefois pris la précaution de faire inscrire l’intégralité de leurs biens au nom de leurs enfants afin de présenter des ressources insuffisantes pour couvrir leurs frais de justice et bénéficier ainsi de leur prise en charge par les instances judiciaires. Le 16 décembre 2009 le tribunal l’inculpe officiellement de génocide pour son implication dans l’assujettissement et les meurtres au sein des minorités chame et vietnamienne au Cambodge.

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