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Hou Yuon HOU YUON (vers 1930-1975)

Hou Yuon

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L’un des chefs « historiques» du mouvement Khmer Rouge, y naquit vers 1930 et a joué un rôle politique important pendant une partie des années 60, puis de 1970 à 1975 pendant les cinq années de la guerre du Cambodge où il se trouva dans le camp communiste. Jeune intellectuel doué, très tôt attiré par l’idéologie marxiste, Hou Yuon étudia dans les années 50 à Paris où il se lia étroitement avec les autres futurs leaders des Khmers Rouges: Saloth Sâr (tristement connu aujourd’hui sous le nom de Pol Pot), Ieng Sary, Khieu Samphân, Hu Nim et quelques autres. Avec eux, il fit partie de l’ « Association des étudiants khmers », connue pour ses opinions politiques d’extrême-gauche. En 1955, il termina sa thèse de doctorat qui portait sur le sujet suivant : « La paysannerie du Cambodge et ses projets de modernisation» (1). Revenu ensuite au Cambodge, il se rangea bientôt dans ce que Sihanouk appelait parfois « l’aile gauche du Sangkum » (le mouvement unique créé par le prince après son abdication en 1955). En raison de ses compétences économiques, et aussi pour des raisons de «dosage» politique, il fit partie de plusieurs gouvernements du Sangkum : en 1958 comme secrétaire d’Etat au Commerce et à l’Industrie, puis (la même année) comme secrétaire d’Etat au Budget; en 1959, il fut secrétaire d’Etat au Plan, puis à la Santé publique; en 1962 enfin, il occupa successivement les postes de secrétaire d’État aux Finances et (pour la seconde fois) de secrétaire d’État au Plan. Mais il ne fut jamais ministre, et à partir de 1963, il ne fit plus partie d’aucun gouvernement - sans doute en raison de ses opinions « avancées» (c’est le moins que l’on puisse dire) et de la méfiance de Sihanouk à son égard. Hou Yuon se consacra alors à l’enseignement, notamment à la Faculté de droit et dans un lycée privé de Phnom Penh, propageant autant qu’il le pouvait ses idées subversives auprès de la jeunesse de la capitale. En septembre 1966 eurent lieu au Cambodge des élections législatives qui devaient être les dernières sous le régime sihanoukiste. Hou Yuon se présenta et fut élu député à l’Assemblée nationale cambodgienne, où il constitua l’opposition d’extrême-gauche avec ses deux amis de jeunesse, Khieu Samphân et Hu Nim, devenus eux aussi députés. Opposition numériquement bien faible dans une assemblée très conservatrice, et qui fut bientôt en butte aux dénonciations de plus en plus vives et fréquentes du prince Sihanouk. Il est vrai qu’une rébellion contre son régime avait éclaté en décembre 1966 dans la région de Samlaut (province de Battambang) et que le leader cambodgien soupçonnait Hou Yuon et ses deux collègues d’en être les inspirateurs. A la fin du mois d’avril 1967 se produisit à Phnom Penh un événement singulier: la disparition inexpliquée de Hou Yuon et de Khieu Samphân, dont « on ne retrouve aucune trace », déclara Sihanouk dans un message radiodiffusé en date du 30 avril. Quelques mois plus tard, au début d’octobre, le troisième membre du trio, Hu Nim, disparut à son tour dans des conditions tout aussi mystérieuses. Cette triple disparition suscita bien des rumeurs dans la capitale cambodgienne, où nombreux furent ceux qui pensèrent que Hou Yuon et ses deux compagnons avaient été secrètement assassinés. Puis le silence se fit à leur sujet, et pendant trois ans, il fut impossible de savoir ce qu’ils étaient réellement devenus.

60 HOMMES ET HISTOIRE DU CAMBODGE

La surprise fut donc grande à Phnom Penh lorsqu’on apprit, en avril 1970, que les trois députés disparus étaient encore en vie, qu’ils s’étaient ralliés le 26 mars à Sihanouk, réfugiés à Pékin et qu’ils faisaient partie tous trois du gouvernement royal en exil (le « Grunk »), que celui-ci venait de former pour « libérer» le Cambodge. Hou Yuon, pour sa part, était devenu ministre de l’Intérieur de ce gouvernement, chargé des réformes communales et des coopératives, et il semble qu’il ait passé toute la durée de la guerre en territoire cambodgien dans les zones contrôlées par les NordVietnamiens et les Khmers Rouges. On l’a vu figurer, en tout cas, en tenue de « maquisard », sur des photos prises lors de la visite effectuée par Sihanouk dans ces zones au mois d’avril 1973. Mais il est bien connu qu’une révolution dévore toujours ses propres enfants. Hou Yuon, idéologue de tendance «dure», pourtant dans le camp des Khmers Rouges, n’a pas échappé à cette règle. Depuis 1975, en effet, personne n’a plus entendu parler de lui. Selon différentes sources, il aurait été « liquidé» avant même la victoire des Khmers Rouges consacrée par la prise de Phnom Penh le 17 avril 1975. Son élimination l’empêcha au moins de participer au monstrueux génocide qui suivit cette victoire. Bernard HAMEL HOMMES ET DESTINS - 1985

-----------------------------------------(1) Sur cette thèse et les idées politiques de Hou Yuon, l’ouvrage de François Debré, Cambodge: la révolution de la forêt, Flammarion, 1976, fournit d’intéressantes précisions, notamment p. 88 et 89.

Hou Youn, Norodom Sihanouk, Hu Nim dans la partie du Nord du Cambodge 1973 HOMMES ET HISTOIRE DU CAMBODGE 61


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