Numéro 3 - Magazine Karma

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rock, folk, metal, Hip-hop, classique, jazz, électro & bandes originales

l'adieu à la scène ?

scorpions

Interviews Lynyrd Skynyrd, Ogres de Barback, Sales Majestés, Goran Bregovic, Puppetmastaz, Jochen Gerner / The Flash / Dossier James Bond / les acteurs et la musique / Greenwich Cavern, le live / Le jeu Journey aux grammys / Coldplay vs Satriani


Photos cahier de couverture : Ugo Schimizzi

édito

Ce rendez-vous devient avec plaisir une habitude. D’autant que 2013 a commencé pour nous à une vitesse fulgurante, entre la création de ce numéro, l’invitation en tant que jury au festival Fallen Fest et l’organisation de nombreux évènements.   Cette nouvelle année s’annonce donc riche en découvertes et en projets ambitieux. Soirée anniversaire, vinyle, hors-série, présence annoncée au sein de différents festivals et une fois encore de nombreux concours, les idées ne manquent pas ! Nous brûlons de vous en dire plus, mais notre raison nous conseille de taire encore un peu ces surprises à venir. Pas d’inquiétude, nous annoncerons rapidement sur notre site et notre page Facebook ces projets de taille !   En attendant, je vous laisse savourer la série d’interviews comprises dans ce numéro 3, en par ticu lier cel le évènement réalisée à New York face à Lynyrd Skynyrd, qui restera pour nous un souvenir inoubliable.   Longue vie à vos projets, qu’ils soient musicaux ou tout simplement passionnants et excellente lecture !

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Directeur de la rédaction : Ugo

Schimizzi

Fatus, Marine Pellarin, Illustrateurs : Marc Domingo, Laure : Juliette Delvienne, Pierre Schuster / Photographes Pierre Hennequin, et, Margaux Gatti, Matthieu Henkin Ugo Schimizzi élodie Lanotte, Cédric Mathias,

Hann

ume Hann Maquette et mise en page : Guilla La Rosa, A. Pusceddu Communication : A.S. Guyon, J.B.

erie verte 57 190 Florange Imprimé par L’huillier, imprim

Directeur Artistique : Guillaume

in, Philippe Rossi Flag, Nicolas Hann, Marine Pellar Rédacteurs : Thibaut Clément, Rémi Ioanna Schimizzi Nicolas Hann, Leïla Rodriguez, Correcteurs : Mickaël Fromeyer,

issn : 2259-356X Dépôt légal : à parution

ine édité par : Association Son’Art Lorra 40 Avenue de Nancy 57  000 METZ Schimizzi Directeur de la publication : Ugo

Ugo Schimizzi Rédacteur en chef


2 édito 4 découverte : the flash

Quand le rock folk envahit le Pays-Haut.

6 portfolio : spécial hiver

Karma suit les concerts par tous les temps !

10 dossier : bond originales

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Regard sur la création des B.O. de la saga James Bond.

14 dossier : scorpions

2013 sonne-t-elle la fin des pionniers du hard rock ?

20 interview : Lynyrd Skynyrd De notre envoyé spécial à New York.

24 interview croisée : Ogres de Barback / Sales Majestés

Deux poids lourds de la musique indépendante !

28 interview : Goran Bregovic

Des films de Kusturica à la culture gitane...

30 interview : Puppetmastaz

Les marionnettes parlent hip-hop et engagement.

32 interview : Jochen Gerner

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Dialogue avec un illustrateur passionné de musique.

34 influences : Coldplay vs Satriani 36 cinéma : acteurs et musique 38 museek : Journey aux grammys 40 chronique : Greenwich Cavern, le live 41 découpage 42 JEU : labyrinthe

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découverte

par dom panetta

Depuis quatre ans maintenant, les cinq membres de The Flash occupent les scènes de la Lorraine et ses alentours. Après des dizaines de concerts et un E.P. autoproduit à leur actif, le groupe nous offre enfin son premier album intitulé sobrement « The Flash » (sorti le 27 janvier 2013). C’est chez eux, à Longwy, dans le bar l’Appartement, que nous les avons rencontrés. L’occasion pour les enfants du pays de revenir sur leurs débuts dans un des lieux qui les a vus grandir. 4 | magazine


de l'ombre à la lumière The Flash, originaire de Longwy, arrive avec un premier album, distillant dans toute la Lorraine un rock vintage aux sonorités bien actuelles. Rencontre entre un bar et un stand de tir.

The Flash, c’est élise au chant, Thomas à la guitare rythmique et son frère cadet Simon à la batterie, Fabien à la basse et enfin, Lucas à la guitare soliste. Tous sont les membres originaux, recrutés au début de l’année 2009 par les deux frères. Question style, chez les Flash, on ne se prend pas la tête. Pas d’étiquette particulière mais des inspirations diverses : Pink Floyd, Led Zeppelin, The Doors, Hendrix. Après quelques reprises, le groupe attaque rapidement les compositions, guidé par les influences de chacun. « C’est assez anarchique, mais constructif en même temps ! » commente élise. Un effort commun qui porte ses fruits puisque l’efficacité de morceaux tels que Half a Sad Man, Half a Dreamer ou encore Soul Alone est indubitable. Du côté des textes, on retrouve

Photos : Matthieu Henkinet

élise et Thomas, qui, s’ils admettent avoir plus de facilités à écrire en anglais, n’en excluent pas pour autant l’idée de s’essayer à la langue de Molière.

Lorsqu’arrive enfin le moment de monter sur scène, le statut de lycéen des membres du groupe s’avère utile : « Il y avait, pour nos premiers concerts, 300 personnes qui se déplaçaient pour nous voir, ce qui est monstrueux, jamais tu ne fais ça dans des concerts en local. » se souvient Fabien. Les dates s’enchaînent, les succès également avec la victoire du concours Purple Idol organisé par le Casino de Mondorfles-Bains. Les Flash s’exportent jusqu’en Irlande avant de rencontrer, début 2012, leur manager Michel Ruer. C’est lui qui, par sa motivation et ses efforts, va les mettre en contact avec éric Coubard du label Bad Reputation.   À cet instant tout s’emballe. Les dates de concerts pleuvent (plus d’une trentaine en 2012), un projet d’album est enregistré chez

Mon Studio à Nancy avec Yann Klimezyk (My Pollux, My Dark Project) et la nouvelle tombe : Jim Diamond (qui a travaillé avec les White Stripes) va également être de la partie. « La rencontre était intimidante. Et puis au final, il était très sympa et nous a apporté des bonnes idées, surtout au niveau du son » raconte Fabien. L’opus The Flash, initialement prévu pour une sortie en septembre 2012, est finalement arrivé dans les bacs le 27 janvier dernier, accompagné du clip de Half a Sad Man, Half a Dreamer, réalisé par Eddy Briere et Williams B.

La suite ? C’est Fabien qui nous en parle : « On va commencer à s’exporter d'avantage avec notamment des projets en Allemagne. En tout cas de manière générale, faire un maximum de concerts, promouvoir l’album. » En attendant, foncez vous le procurer, vous ne le regretterez pas ! > The Flash, The Flash, 2013 / Bad Reputation Merci au bar l’Appartement (Longwy) ainsi qu’à la Société de Tir du Bassin de Longwy pour leur accueil et leur aide dans la réalisation de cette interview.

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portfolio

Retour en images sur les évènements qui ont marqué cet hiver rigoureux, mais chaud en actu musicale !

Arno

La Vapeur (Dijon) Photo : Pierre Hennequin

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Sting

Le Galaxie (Amnéville) Photo : Cédric Mathias

Tryo

Le Galaxie (Amnéville) Photo : Cédric Mathias

Johnny Hallyday Le Galaxie (Amnéville) Photo : Cédric Mathias

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Th

Ph L e C ot e Z ra o : J én n ul ith b ie ( er tte Pa r D ris ie elv ) s ie nn e

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L h Ph e G nn ot ala y o xi H :C e a éd (A ll ric mn y M évi da at lle y hi ) as

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Ph L ot a V R o a o : P pe b ie ur i rr ( e H Di en jon ne ) qu in r ve x i et c d'H kin ia el en n ch H a Mi eu M du tthi in Ma rd : Ja oto Ph

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dossier

par Rémi flag

à chaque nouvel opus du célèbre agent, les mêmes polémiques reviennent : Daniel Craig est-il trop blond ? Qui sera la James Bond Girl ? Des sujets de fond, à n’en pas douter. Mais que fait-on de la musique dans tout ça ? Et si je vous disais qu’il y a un point commun créatif entre Adele, Iggy Pop, The Skatalites et Cannibal Corpse ? Ce n’est ni le style, ni la nationalité, encore moins la prise de drogue, tout le monde sachant pertinemment qu’Iggy Pop est le type le plus clean du rock. Non, en réalité, tous ces artistes ont été inspirés par le plus célèbre des agents secrets : Bond, James Bond, BJB pour les intimes - qu’il a nombreuses d’ailleurs. Si l’on se penche sur le nombre d’artistes ayant participé à la bande originale du film, ou simplement créé leur propre version dérivée du thème principal, il est aisé de reconnaître l’aspect fédérateur de Mr Bond. Seulement voilà, à l’image du fameux Martini que certains tentent parfois de commander au bar dans un excès de coolitude aigüe, il existe bien quelques versions faites à la cuillère*. Petit tour d’horizon, donc, de ces œuvres qui ont traversé les styles et les époques, mais toujours en smoking. 10 | magazine

Afin d’aborder au mieux le sujet, il convient de faire la distinction entre deux versions de la bande originale. Un James Bond, c’est du sérieux et l’entrée en matière nécessite un briefing. De manière générale, chaque B.O. regroupe deux principaux thèmes, ayant pour racines les notes imaginées en 1962 pour le film James Bond 007 contre Dr.No par le compositeur Monthy Newman. On distingue donc le thème de 007, systématiquement confié à un compositeur de musiques de films, que l’on entend dans les scènes d’action ou de drague bien grasse. Puis vient le thème de James Bond, qui, depuis 1964, s’apparente, dans la forme, à une opération commerciale, celle-ci consistant à confier le générique à un artiste très en vogue. De 1962 à 2012, on compte donc bon nombre de versions du James Bond Theme. On notera, entre autres, la participation de Nancy Sinatra, Tom Jones, Duran-Duran, Sheryl Crow ou encore

* je rappelle qu’un bon Martini se fait au shaker !


La lente dégénérescence du scénario au profit de l’action aurait-elle déteint sur la création sonore ? Shirley Bassey. John Barry, arrangeur de Monthy Newman, sera associé à l’une ou l’autre des versions sur onze films, jusqu’à son décès en 2011. Alors, quand un tel phénomène peut se targuer d’avoir connu autant de prétendantes musicales, on est toujours tenté de chercher laquelle a pu être la meilleure amante. Force est de constater que les dernières versions sont beaucoup moins marquantes que leurs aînées. C’est donc logiquement vers son équipe de cougars que l’on trouvera matière à satisfaction.   Il serait d’ailleurs facile de calquer une réflexion musicale sur celle entamée par les puristes cinéphiles. La lente dégénérescence du scénario au profit de l’action aurait-elle déteint sur la création sonore ? En 1995, Tina « Tignasse » Turner et Bono, sous la houlette d’Eric Serra, nous balançaient une des dernières compositions classieuses pour Goldeneye. Puissante et cuivrée, ça sentait bon la plage, la fille et le champagne, tout ça après avoir débarrassé le monde du méchant caressant son chat, ou ses requins. Car oui, en ce temps, les méchants avaient souvent une accointance particulière avec de vicelards animaux. Aujourd’hui, l’usage abusif d’ordinateurs tend à la fois à réduire la destruction du monde à trois clics et la

création musicale à une bouillie informe, comme ce fut le cas pour Die Another Day où apparaît Madonna. Lorsque l’on regarde le film, quelque peu déconcentré, on s’attend presque à voir surgir Morpheus en ultime guest, tellement le tout sonne faux. Il faut avouer que le cross-over est intriguant mais tout de même, la voix pop-electro de la Madonne est syncopée comme l’un des gadgets de Q trop longtemps buriné et détraqué par les mains taquines de James.   Les réussites les plus marquantes sont probablement les premières dans l’ordre chronologique de sortie des films, à l’image de Goldfinger ou Opération Tonnerre. John Barry était alors seul maître à bord. Bien qu’œuvrant en solo, le mélomane arrivait, avec succès, à produire des titres dans l’air du temps. C’est ainsi que le thème d’Au Service Secret de sa Majesté a vu naître l’utilisation du synthétiseur Moog, une première dans le monde des B.O. Pour autant, la volonté de confier une partie du boulot à des groupes plus commerciaux a parfois produit de bonnes surprises et de bons résultats dans les charts, comme la version de Duran-Duran et John Barry utilisée pour Dangereusement Vôtre. De là à observer une corrélation entre la

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C’est donc logiquement vers son équipe de cougars que l’on trouvera matière à satisfaction présence du stratège Barry et l’écriture d’une bonne B.O. il n’y a qu’un bouton rouge sur lequel appuyer. Pourtant, en 1987, c’est bien Marvin Hamlish qui réalise en solo les mélodies de L’espion qui m’aimait, créant une des signatures musicales les plus connues du thème.   L’année 1997 et Tomorrow Never Dies marquent le début de la progressive migration de l’ambiance des films. L’agent secret aux gadgets kitchs peu crédibles bascule alors vers un personnage fort en muscles, ses accessoires éprouvant également un excès de gonflette, jusqu’au sevrage salvateur des scénaristes cokés. Dès lors, les B.O. sont devenues des consommables. Le thème de James Bond continue donc de suivre son époque, comme il l’a toujours fait, mais désormais à la merci du rythme imposé par les producteurs. Il tend aujourd’hui à se baser sur une logique de rentabilité liée au film et de moins en moins sur la

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recherche d’une ambiance propre. Sur les cinq derniers opus, combien comportent réellement des musiques ne faisant pas appel à la mémoire à court terme ? Le titre Skyfall est notamment une bonne entrée en matière au film et on ne se lasse pas de la voix d’Adele, d'ailleurs récemment oscarisée pour ce morceau. Mais le tout sonne comme une Aston Martin trop neuve, bridée et sans siège éjectable. Une voiture d’essai sans missiles thermoguidés, vite oubliée. Vous retrouverez, par exemple, la même sensation sur The World is not Enough et l’interprétation lisse de Garbage. Il ne nous reste donc plus qu’à souhaiter l’arrivée d’un nouveau compositeur, qui redonnera une patte à une B.O. devenue presque un genre à part entière. Un nouveau John Barry qui, tel notre agent secret préféré, nous sauverait de tous ces Martinis passés de mode, au petit arrière-goût de GHB. > Skyfall, Sam Mendes, 2012 / EON

Illustrations : Guillaume Hann


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Scorpions remballe. Après 100 millions d’albums vendus, des milliers de concerts, de kilomètres au compteur et près de cinquante années de carrière, le mythique groupe de hard rock allemand ferme les portes. Pas moins de quatre années auront servi au groupe pour réaliser leur(s) dernière(s) tournée(s) d'adieu. Mais cette nouvelle annonce signe-t-elle vraiment la fin du groupe ?

par UGO SCHIMIZZI

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Lorsque j'entendis pour la première fois, haut comme trois pommes, les riffs ravageurs de Big City Nights dans la vieille bagnole de ma mère, j'étais loin d'imaginer que je commenterais un jour la fin du mythe Scorpions. Still Loving You, Rock You Like a Hurricane, Wind of Change, In Trance, Living For Tomorrow. Autant de titres qui tournaient en boucle sur un vieux radio cassette, ma frimousse essayant de puiser l’essence même de ce groupe allemand qui avait réussi dans l’histoire du hard rock... et même du rock. Une voix, deux guitares, un sens du spectacle et de la composition qui ont fini par en faire des hymnes de radio, des chansons de jukebox à fredonner et à reconnaître au bar du coin. Et pourtant, 47 ans après leurs débuts, les teutons fous ont bien fini par déposer les armes, rangeant au placard mélodies acérées et ballades planantes, au-delà des frontières et des murs est / ouest. Facétieux, leur chanteur Klaus Meine raconte à qui veut bien l’entendre que Scorpions n’est peut-être pas encore tout à fait mort. Encore. Ultime tournée après les quatre dernières années d’adieu ? Nouvel album ? Autre dvd live dantesque ? En attendant l’avenir de ce quintet avide de « planifier au jour le jour », retour sur plus de quarante ans de carrière menés à pleine vitesse, à travers le monde.

GERMAN ROCKSTAR

Un type, serveur dans un bar hippie-trash dont seul Paris a le secret, me racontait s’être fait prendre en stop, il y a des années de cela sur les routes allemandes, par la bande à Klaus Meine. Hasard fortuit autant que souvenir émouvant d’un groupe ayant passé sa vie en chemin. Surtout, Scorpions peut se targuer d’avoir ouvert les portes à des hordes de groupes sur des territoires qui étaient alors inexplorés. Preuve en est, Taken by Force en 1977 leur permet d’aller fouler le sol asiatique avec succès, augurant la sortie de leur premier live : Tokyo Tapes. Mais In Trance a également contribué à présenter le potentiel du groupe outre-Rhin et surtout au-delà de la Manche, chez les si conservateurs anglais.

Photos : Ugo Schimizzi

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Jusqu’alors, le rock était réservé à nos voisins anglosaxons, avant que ne vienne bousculer cette logique de l’exportation Scorpions, ouvrant ainsi la boîte de Pandore à pléthore de groupes brésiliens, italiens ou scandinaves. Les états-Unis tomberont sous les coups de boutoir / charme des allemands, grâce notamment à l’album Lovedrive suivi de Blackout, paru en 1982, qui leur permettra de jouer devant plus de 300 000 personnes en Californie, aux côtés de Van Halen, Ozzy Osbourne, mais aussi Judas Priest. Composée dans une villa dans le sud de la France, cette création marquera le début d’une autre histoire sentimentale, cette fois-ci entre Scorpions et l’Hexagone. En 1984, toutes les frontières musicales tombent avec la sortie de Love at First Sting qui réunit la sainte trinité Rock You Like a Hurricane, Big City Nights mais surtout l’incontournable Still Loving You. Sur la tournée liée à ce succès, Scorpions marque notamment les esprits en France suite à une grève générale opérée par de nombreux routiers. Plutôt que d’annuler des dates, la folie du quintet et de leur entourage les conduit à une course contre la montre pour assurer chaque show, multipliant les prises de risques (contournement des barrages, location de matériel sur place et détours à travers champs).   Surtout, Scorpions a été l’acteur de la percée de la musique dans le bloc communiste, en donnant une dizaine de concerts à guichets fermés au cœur de SaintPetersbourg en pleine guerre froide, suite à la pression du public, avide des trocs pirates de leurs musiques au sein de la future Russie. De là naîtra la ballade Wind of Change, hymne à la réconciliation emprunt d’élégance et d’intelligence. Sentant le vent du changement rugir de l’Oural à la mer du Nord, Mikhaïl Gorbatchev, alors dirigeant du bloc communiste, convoque la troupe. Un hommage qui restera parmi les souvenirs les plus forts de leur longue carrière.   Oui, Scorpions s’est forgé sa propre légende dans les paradoxes du hard rock qui avait écarté jusqu’ici tout groupe non anglo-saxon de la route vers le Hall of Fame. Surtout, avec sa musique et sa puissance, le combo a su faire de ses tours du monde un argument

imparable, notamment dans la réunification entre Est et Ouest, suite à la guerre froide, comme le déclarera en 2010 Rudolf Schenker à Waxx Music : « Lorsque les gens me demandent de leur décrire Scorpions, je leur réponds qu’il s’agit d’un groupe qui vient d’Allemagne et qui essaie de construire des ponts entre les générations, entre les pays et entre les religions. Utiliser la musique comme une passerelle, car la musique n’a pas de frontière. La musique, au contraire, est un moyen de réunir les gens. »

FROM ROCK TO ROCK

Si certains ont en mémoire le groupe de minettes adepte des ballades sucrées au refrain simplet, d’autres n’ont d’yeux que pour les riffs aiguisés de la paire Rudolf Schenker / Matthias Jabs, depuis plus d’une décennie. Il est certain qu’en quarante ans de carrière, le son de la formation a changé, s’est cherché, se mouvant au fil des demandes et des modes. Ainsi, si les années 1990 se sont laissées prendre à diverses expérimentations – notamment acoustiques et symphoniques – en réponse à la déferlante du grunge, les années 2000 ont marqué pour le groupe le retour à un son plus gras, mais aussi plus rock, intégrant toutefois les grands poncifs de ces nouvelles stars plébiscitées par les kids. Développant des concerts énergiques, unanimement salués, toutes générations confondues par-delà le monde, Scorpions a navigué au gré de ses évolutions de line-up. Ainsi, l’époque Uli John Roth fut notamment marquée par des influences très progressives, l’improvisation sauce Hendrix planant en fantôme constant au-dessus des compositions du guitariste, jusqu’à son départ en 1978. à l’inverse, la patte instaurée par leur producteur Dieter Dierks tend à dicter le « style Scorpions » au son heavy indéniable, précis, millimétré tout en capitalisant sur des morceaux posés et fédérateurs, à l’image de Holiday. Surtout, la présence constante de Klaus Meine à la voix imprègne les teutons d’un style unique et d’une maîtrise technique sensationnelle. Alors que leur premier album, Lonesome Crow, paru en 1972, est décrit comme le moins accessible par beaucoup, l’avantdernière sortie, Humanity - Hour 1, ressemble elle à un étrange emprunt, tant le concept-album a fait appel à des contributeurs extérieurs en termes de composition.

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Loin d’être mauvais, le son y est résolument différent, même si les guitares ont toujours un aspect rock et chaud évident. On retrouve à la fois la patte de Desmond Child, producteur et compositeur de nombreux mastodontes (Kiss, Bon Jovi, Aerosmith) et celle de John 5, ex-guitariste de Marilyn Manson. Toutefois, force est de constater qu’au détour d ’une scène, l ’alchimie du groupe, emportée par une énergie impressionnante, est toute établie, bien que les puristes puissent toujours critiquer le choix de telle ou telle chanson sur une setlist d’apparence homogène.

HISTOIRE DE RELATIONS

Niaiserie s’il en est, la franche camaraderie qui régnait au sein du groupe, émanant très nettement du duo Schenker / Meine, peut être mise en exergue à toutes les époques, par les différents protagonistes inscrits dans l’aventure, anciens et actuels. S’il y eut bien un âge d’or dans les années 1980 de Scorpions autour du quintet Schenker, Jabs, Meine, Buchholz, Rarebell, de nombreux personnages sont aussi venus étayer la carrière du groupe de leur charisme et d’une note personnelle unique. Le premier ne fut autre que Michael Schenker, le frère cadet de Rudolf et guitariste soliste. Présent aux débuts du groupe, il participe en 1972 aux 136 concerts donnés à travers l’Allemagne pour promouvoir leur premier opus Lonesome Crow. La suite sera faite d’allers et retours de Michael. Premier départ à la fin de la même année pour grossir les rangs de UFO qui l’appelle à son chevet. En 1979, l’album Lovedrive le voit revenir, débarqué des mêmes UFO. Cependant, l’alcool aura raison de son retour et le voilà ré-éloigné du poids lourd du hard rock. Il réapparaîtra ensuite périodiquement sur scène à leurs côtés pour quelques réunions de famille.

Son remplaçant en 1973, Ulrich Roth alias Uli John Roth, se fond dans la formation en même temps que le groupe de Rudolf Schenker (alors appelé The Scorpions) et celui de Klaus Meine (baptisé Dawn Road) décident de fusionner. Loin de passer inaperçu, vénérant un culte à Jimi Hendrix, cet adepte de la six cordes sera plébiscité par d’innombrables guitaristes, un certain Yngwie Malmsteen le citant notamment comme sa source d’inspiration majeure. Il se lassera en quelques années du son très hard de Scorpions et finira par mettre les voiles, non sans laisser quelques compositions de qualité, notamment sur l’album In Trance, dont la chanson éponyme. Arrive alors Matthias Jabs le troisième et dernier grand soliste des teutons et surtout seul scorpion véritable, astrologiquement parlant. Le jeunot – près de dix ans de moins que ses pairs – ravit les esgourdes autant que les yeux des fans avec ses mirettes bleues et ses mimiques sur scène.

et de procès avec le groupe durant des années. Toutes les familles le savent, malgré les meilleures intentions, la fête peut parfois déraper, surtout lorsque les convives ont picolé un coup de trop.

STARTING THE END

Voilà plusieurs années maintenant que le groupe enchaîne tournées d’adieux et annonces plus ou moins sérieuses sur leur volonté d’en finir. Force est de constater qu’après avoir épuisé tous les stratagèmes des concerts évènements, le combo s’est dit prêt en janvier dernier à éventuellement reproduire un nouveau disque. L’envie de poursuivre encore un peu leur rencontre en live avec leur public demeure bien présente. Au vu de leur prestation en novembre dernier au Zénith de Strasbourg, on ne peut finalement que leur donner raison, tant l’armada allemande a, à cinquante ou soixante ans passés, encore de belles leçons à donner à la jeune garde (rouge). > Scorpions, Comeblack, 2011 / Sony Music Entertainment

à la batterie, la formation voit se succéder notamment trois grands noms. Tout d’abord le belge Rudy Lenners, présent sur In Trance et Virgin Killer. Vient ensuite Herman Rarebell, resté pour beaucoup LE cogneur du groupe, présent près de 20 années successives, de 1977 à 1996 et participant aux plus grands succès du groupe, excepté sur l’album Face the Heat en 1993 où il semble anormalement écarté de l’œuvre de création. Compositeur de nombreux titres, il vit mal cette « exclusion » et décide de poursuivre la route seul. C’est, depuis lors, James Kottak qui assure des shows dantesques, imposant un style américain débridé et hallucinant, calquant ses idées sur les mentors Buddy Rich et John Bonham. Seul Francis Buchholz semble désigné comme le mouton noir, traînant dans de sombres histoires d’argent

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interview

l'interview exclusive à new york

Propos recueillis par GUILLAUME HANN Qu'on se le dise, i n t e r v i e w e r Ly n y rd Skynyrd à New York n’était pas prévu dans nos plans. Mais voilà, une fois offerte l’opportunité de rencontrer une des légendes du rock, impossible de reculer ! Fondé en 1964, le groupe a connu des épisodes dramatiques (la moitié des membres sont morts dans un accident d’avion le 20 octobre 1977) mais demeure la référence du rock sudiste encore en activité, auteur de la fameuse chanson « Sweet Home Alabama. » Hymne fédérateur de toute une communauté, « Free Bird » continue années après années de voyager dans la tête de bon nombre de bikers. Rencontre évènement avec Johnny Van Zant, chanteur du groupe, au cœur de Manhattan. 20 | magazine


> L a conve rs at ion s’e ngage naturellement sur le Hellfest, où j’avais vu le groupe l’an dernier. J’en profite pour demander au chanteur si entre le Hellfest et Roadrunner Records, leur label, ils n’ont pas des influences de plus en plus metal. JVZ : C’est sûr, on aime les groupes heavy. J'ai grandi en écoutant des artistes comme Black Sabbath, par exemple et Bruce Dickinson (chanteur d'Iron Maiden ndlr) a même fait notre première partie il y a quelques années. Au départ, on a été approchés par Roadrunner Records par l'intermédiaire de Loud and Proud et on n’était pas forcément convaincus par le fait de rejoindre un label très metal. Finalement, on a très vite accroché et ça s’est fait tout seul. Surtout, cela nous permet de jouer en Europe dans des festivals comme le Hellfest, justement, qu’on a beaucoup aimé. Au début, nous avions de nombreux doutes quant à cet évènement. Je me rappelle m’être demandé si le public n'allait pas nous trouver décalés par rapport au reste de la programmation. En définitive, ça s’est très bien passé et ça reste une excellent souvenir, notamment parce qu'aux états-Unis, nous ne jouons jamais avec des groupes de metal, mais c’est possible en Europe et c’est une très bonne expérience pour nous. D’ailleurs on aime l’Europe et on voudrait y venir plus souvent ! Nos fans veulent régulièrement savoir pourquoi nous sommes si rarement sur le Vieux Continent, mais c’est simplement parce que

Photos : Ugo Schimizzi

notre manager ne nous réserve pas assez de concerts là-bas ! Nous, on veut y aller ! > Comment vous décririez l'album Last Of A Dyin’ Breed ? Pendant l’enregistrement de l'album précédent, Gods and Guns, nous avions traversé plusieurs périodes assez sombres, ce qui se ressent sur l'album. Bien que nous aimions l’opus, nous avions envie de faire quelque chose de vraiment différent avec Last Of A Dyin’ Breed. à ce sujet, la chanson éponyme parle de liberté. C’était aussi l'occasion de parler de mon frère Ronnie, décédé (durant le tragique accident d’avion ndlr), de faire également quelque chose de moins heavy.

Mon frère Ronnie était un vrai génie !

> L’album a été enregistré à l’ancienne, ensemble en studio... Oui c’est ça, on est revenus à quelque chose de plus traditionnel. Il y a eu quelques détails à retravailler, bien sûr, mais ils étaient minimes. On a également réduit le nombre d’harmonies d’un point de vue vocal. ça différencie vraiment cet album du précédent et leur donne à chacun leur propre caractère. > J’ai entendu dire que John 5, ex-guitariste de Marilyn Manson, avait participé au processus d'écriture de cet album ? En fait, il était déjà présent sur Gods and Guns. C’est lui qui avait notamment écrit les parties de guitare de la chanson Floyd. C'est un guitariste phénoménal. Il peut tout jouer et avec une telle aisance !

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interview Lorsqu’on l’a rencontré la première fois, on a plaisanté sur le fait d'être très différents, autant dans le style que dans la musique et finalement on s’est dit « Hey ! On devrait travailler ensemble ! » Du coup on a fait des shootings photo et John est venu avec son maquillage, c’était très drôle. Lorsqu’il nous a joué le riff très sombre de Floyd, on a tout de suite été conquis ! > Free Bird est récemment devenue la chanson la plus demandée sur les radios classic rock US, devant Stairway to Heaven. Qu'est-ce que cela représente pour vous ? Je ne voudrais pas la comparer à Stairway, car ce sont deux chansons que j’aime énormément. Free Bird est une chanson qui touche tellement de monde. On entend parfois des gens demander à ce qu’elle soit jouée à leur mariage ou à un enterrement, c’est très impressionnant. Mon frère Ronnie, qui a écrit cette chanson, était un vrai génie. On nous demande parfois si on ne se fatigue pas de la jouer, mais non, c'est toujours un réel plaisir pour nous ! > Que représente le fait de faire partie du Rock’n’Roll Hall of Fame pour vous ? à force d’en parler, c'était devenu une blague entre nous. On avait été nominés sept fois avant d’être finalement choisis, donc on avait fini par penser que ça n'arriverait jamais. Mais au final, c’est un grand honneur. Pour moi, c'est avant tout un hommage à mon frère. > Est-ce que tous les malheurs arrivés au groupe constituent une source d'inspiration pour vous ? Tu vois cette croix que je porte autour du cou ? Je crois en Dieu, je crois même aux anges. Je pense qu'il y a des anges autour de nous qui nous conseillent parfois de 22 | magazine

faire ou de ne pas faire quelque chose. Mon frère en fait sûrement partie. Le groupe est comme une grande famille pour nous tous et les mauvaises choses font partie de la vie. Lorsqu’on a enregistré Gods and Guns, on a perdu notre claviériste, c'était difficile, mais on s’accroche et on continue. > Cela me fait penser au titre Still Unbroken, justement sur cet album, que j’aime particulièrement ! C'est amusant car au moment où on a enregistré l’album, on a décidé d’y inclure ce morceau qui était en fait écrit depuis des années. On a retrouvé un premier enregistrement qui était sur une cassette audio (rires) ! Bob Marlette, le producteur, nous a suggéré de l’inclure à la tracklist et finalement, le morceau a été presque bouclé en une journée ! > « Rock sudiste » est un terme difficile à comprendre pour les Européens. Comment le définiriez-vous ? Pour moi c’est avant tout une musique qui parle de liberté... En fait, on se définit comme un groupe de rock avant tout. Rock sudiste est une étiquette qu'on nous a attribuée par la suite, du fait de nos origines. Mais pour nous, il s'agit avant tout de parler de choses vraies (l’alarme incendie sonne pendant l'interview. Moi : Non, pas maintenant - rires ! JVZ : Tu vois, on met vraiment le feu - rires !) Je me souviens que la même chose était arrivée pendant qu’on était à Las Vegas. Cette fois les gens couraient dans tous les sens, c’était assez flippant ! > Pouvez-vous nous parler de la récente polémique sur l'utilisation du drapeau sudiste par le groupe ? Le drapeau a été récupéré pour bon nombre de mauvaises choses, comme le Ku Klux Klan, ou je ne sais quel parti nazi. Mais


pour nous, il n’a jamais signifié un appel à la haine. Nous sommes simplement des gens du Sud et sommes fiers de ce que le Sud nous a apporté. Nous n’avons jamais été racistes. D’ailleurs, nous sommes de grands fans de musique noire. Ce sont les noirs qui ont inventé le blues. C’est dans ce même blues que l’on puise notre musique ! > Que pensez-vous de l'utilisation des réseaux sociaux pour promouvoir votre musique ? C’est devenu impératif aujourd'hui, tant pour les grands artistes que pour ceux qui débutent. Les fans vous disent quand vous avez été bons, comme quand vous avez été mauvais ! D’ailleurs, à l'époque de Gods and Guns, nous avions pensé arrêter notre carrière. C’est grâce au soutien des fans sur internet et à leur volonté de continuer à faire vivre la « Skynyrd Nation » qu’on a continué. C’est d'ailleurs de là qu’est née la chanson Skynyrd Nation, sur cet album !

C'est grâce au soutien des fans sur internet et à leur volonté qu'on a continué

> Un mot pour vos fans français ? J’adore la France. En ce qui concerne nos fans, j’ai envie de leur dire que même s’il y a un monde entre nous, nous partageons ce lien si spécial qu’est la musique (il s'arrête et réfléchit). Tu vois, je suis un auteur hein ? (rires). > Dernière question rituelle : Beatles ou Rolling Stones ? Ouh, celle-là, elle est difficile ! C’est une bonne question en fait ! J’ai grandi en écoutant les deux. Les Beatles étaient vraiment un groupe inventif et fantastique. Mais d’un autre côté, les Rolling Stones m'ont mis un grand coup de pied au cul ! > Lynyrd Skynyrd, Last of a Dyin’ Breed, 2012 / Roadrunner Records / Loud and Proud Records

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interview

rencontre sociale Propos recueillis par UGO SCHIMIZZI

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Avec près de vingt ans de carrière, les Ogres de Barback, composés de deux frangins et deux sœurs jumelles, sillonnent les routes de l’indépendance avec classe, sans jamais avoir renié leurs idées et origines.

Les Sales Majestés, groupe punk français enragé, diffusent à un public fidèle depuis maintenant près de deux décennies des chansons percutantes, refusant en bloc la misère sociale et le capitalisme destructeur.

> La chanson engagée a-t-elle encore un intérêt aujourd’hui ? Oui, carrément. Ce qui est marrant, c’est que nous, dans nos textes, il n’y a pas vraiment un engagement pur et dur comme on peut l’apercevoir dans des textes pour un parti politique ou avec un fort parti pris. Moi j’aime chanter les histoires des gens, qu’à travers ces histoires, on puisse avoir une réflexion. Mon engagement se situe dans la chanson dont le cas particulier viendra apporter une réflexion à l’auditeur sur un sujet plus global, qui le touchait différemment jusqu’alors.

> La chanson engagée a-t-elle encore un intérêt aujourd’hui ? Pour nous, c’est la chanson sans engagement qui n’a aucun intérêt. On est incapables de chanter des trucs totalement légers, quotidiens, qui n’aient pas un arrière fond de relecture sociale, voire de critique sociale. On peut faire des chansons avec un peu de dérision – même si les gens ne comprennent pas qu’on soit capables de faire du second degré (rires) – mais en général, on aime bien raconter quelque chose qui a un sens et qui est dans un contexte qui prend en compte la politique sociale, le monde dans lequel on vit, les difficultés qu’on peut rencontrer.

> Votre modèle aujourd’hui pour une musique qui signifie quelque chose, qui porte un engagement ? Notre modèle aujourd’hui ce sont les groupes de scène. On s’est toujours considérés comme groupe de scène. Ce n’est pas pour rien, on doit peut-être en être à 2 000 concerts en 20 ans. La rue Kétanou, Massilia Sound System ou encore Uncommonmenfrommars, qui ne sont pourtant pas dans notre univers musical, sont pour nous des groupes de scène. Parce qu’on sait bien que, eux comme nous, on vit la même chose. Demain, on peut arrêter de faire des disques, mais pas des concerts. > Comment on se retrouve à écrire Rue de Panam ? Après avoir fait la manche pas mal à Paris, sur mes 16-17 ans, même avant, peut-être. C’est suite à pas mal de plans avec mon frangin, quand on jouait dans les RER, les terrasses de café. C’est la vision d’un jeune banlieusard qui débarque sur Paris, qui fait de la musique dans la rue et qui, à un moment donné, a une espèce de sentiment de révolte. Je crois que j’ai dû la (suite p. 26)

> Votre modèle aujourd’hui pour une musique qui signifie quelque chose, qui porte un engagement ? Il y a le modèle musical et celui éthique. Nous on a quand même énormément été influencés par le punk rock anglais d’origine des années 76-78 mais aussi la vague alternative française des années 1980. Le gros cliché serait de dire qu’on a des points communs évidents avec les Bérus (Béruriers Noirs ndlr) même si l’époque est très différente et que les choses ont beaucoup changé. Mais sur le plan de l’éthique, du comportement et du discours, ils restent pour nous une référence. > Comment on se retrouve à écrire Dernier Combat ? Je pense en se retournant légèrement vers son petit passé et en imaginant ce qu’aurait pu être éventuellement notre vie. On a tout planté à 20-22 ans pour faire de la musique, alors que ce n’était pas la sécurité sociale. On avait ce côté « on n’a pas peur de la mort. » On est partis sur les routes avec un crédit (suite p. 27)

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interview

chanter 8 000 fois dans ma vie, mais cette chanson représente toujours pour moi le truc un peu simpliste de quand t’es adolescent, la joie et l’anarchie, il n’y a pas forcément de message politique. > Quelle est votre plus belle action visà-vis de votre public ? D’avoir toujours maîtrisé nos tarifs depuis le début. Je cite souvent ça parce que ça rejoint l’artisanat. On n’est pas des artistes, on ne se fait pas des millions et on ne fait pas plus pour gagner plus. On fait normal pour gagner normal. Pour nous, la normalité ce n’est pas une place à 50 euros, ni à l’époque un disque à 150 francs. Il y a énormément de maisons de disques qui pleurent parce que les gens téléchargent. Mais nous nos disques ont toujours été à 90 / 100 francs. Sur ces disques-là, on gagne raisonnablement notre pourcentage, personne ne s’en met plein les fouilles, on limite les prix en concert, excepté à Paris où là, la location coûte plus cher. > Qui vous a donné envie de faire de la musique ? Notre père déjà, musicien. Mais aussi tous les artistes qu’on écoutait à la maison, durant notre enfance, toute la chanson française, les éternels Brassens, Perret, Barbara et puis les groupes alternatifs qu’on écoutait un petit peu plus tard. Enfin, la musique du monde, pas mal de musique « du voyage. » > Votre avis sur Bérurier Noir ? Un groupe emblématique. On a repris une chanson, ça fait d’ailleurs 10 ans qu’on la chante, il y a même des plus jeunes qui pensent 26 | magazine

qu’on l’a inventée et que les Bérus nous l’ont piquée (Salut à Toi, ndlr). Voilà, d’ailleurs, l’exemple d’un groupe qui fait un tube, la chanson se retrouve en boîte de nuit et, dépassé par le succès, le groupe se dit alors « on arrête, on n’était pas là pour ça. » Après, je pense que tu peux réagir différemment. Je ne dis pas qu’ils ont eu tort. Si tu fais un tube, ce n’est pas de ta faute, sauf si t’as tout fait pour en faire un. > N’y a-t-il pas un paradoxe dans la vente de chansons engagées quand on voit l’argent que se font des groupes comme Bob Dylan, Rage Against The Machine... ? Quand ça ne t’arrive pas – comme nous – tu as vachement tendance à dire qu’il y a un petit problème. Un Bob Dylan qui joue sur scène et qui écrit dans son dernier bouquin « je ne suis pas vraiment engagé » alors qu’il a quand même été révolutionnaire sur bon nombre de choses dans sa vie d’artiste, c’est un peu dommage. Mais je pense que c’est vachement délicat cette histoire d’argent. Nous, comme on partage tout, on a une espèce de sérénité là-dessus. Mais j’ai l’impression que pour certains artistes, c’est un peu compliqué de dire « je veux tant et pas moins » et de faire des scènes et qui ne se pensent pas dans cette sphère-là. Mais oui, tu ne vas pas refuser ton salaire. Après, le jour où tu gagnes des millions, c’est un peu plus dur de dire « je viens de la rue et je fais la révolution. » Mais nous ça va, à priori ça ne va pas nous arriver. > Les Ogres de Barback, Pitt Ocha et la tisane de couleurs, 2013 / Irfan Le Label > En concert à Sélestat (67) au Bal des Petits Hommes Verts, le 26 juillet 2013

Photos : Ugo Schimizzi


pour acheter un vieux camion pourri. C’est presque un idéal romantique dans Dernier Combat. Le plus important, c’est d’aller au bout de ses idées, de ses rêves et ne pas hésiter à franchir le pas et prendre des risques ! > Quelle est votre plus belle action visà-vis de votre public ? On essaye de respecter les gens et d’obtenir que les Sales Majestés soient accessibles à un prix correct. Que ce soit pour nos albums dès le début en 1995 comme les concerts. On ne peut pas chanter ce qu’on chante, en particulier dans une période compliquée où les gens n’ont pas un rond et faire des places à 25-30 euros. On est un groupe low cost. > Qui vous a donné envie de faire de la musique ? Je pense que ce qui nous a donné envie, ce sont les groupes de référence qu’on a écoutés quand on était ados. Moi, personnellement, je suis un peu déviant. Ce sont plutôt les groupes de rockabilly et notamment les Stray Cats. Le premier concert que j’ai fait, j’avais treize ou quatorze ans, c’était les Stray Cats à Paris et c’est ça qui m’a donné envie de faire de la musique, mais ce n’était pas une idée en soi. Plutôt l’admiration pour le rock et les groupes de rock. La première claque que tu prends quand tu vas voir un groupe en live, ça peut être un élément moteur. > Votre avis sur Bérurier Noir ? Pour moi ça reste le groupe le plus achevé sur le plan de l’indépendance, du discours et de la cohérence. C’est une époque les Bérus, le groupe de toute une génération. Ils ont réussi à dépasser

largement le milieu indépendant, contestataire, associatif, pour finalement faire – avec Salut à Toi notamment – l’hymne d’une génération. Ça a été à la mode de cracher sur les Bérus mais la France aime bien cracher sur les gens. Pour nous, les Bérus ça reste une grosse grosse référence. > N’y a-t-il pas un paradoxe dans la vente de chansons engagées quand on voit l’argent que se font des groupes comme Bob Dylan, Rage Against The Machine... ? Nous, on n’est pas dans cette situation. Donc, je ne peux pas te répondre facilement ! Si on avait vendu des millions de disques, qu’on avait des limousines et des Rolls-Royce à disposition, je te dirais peut-être « ouais l’engagement c’est sympa, mais vaut mieux avoir vendu des millions de disques. » à notre modeste échelle, on a toujours essayé de ne pas abuser de tout ça. Il faut se rendre compte d’un truc, on ne gagne pas d’argent en faisant de la musique. On est des amateurs, on a tous plus ou moins des jobs. Ce qu’on gagne dans la musique est réinvesti pour faire l’album suivant, les affiches, les répèts. Moi je suis très loin de tout ça, je ne sais pas ce que Bob Dylan a gagné. C’est facile de dire aussi, « il a cartonné, il a eu du succès, il a trahi la cause. » Tu peux réussir dans la musique sans retourner complètement ta veste. Je pense que ça doit être possible. > Les Sales Majestés, Sexe, Fric & Politique, 2013 / DKP Productions > En concert à Pagney Derrière Barine (54) Chez Paulette, le 19 avril 2013

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interview

retrouvez la suite de l'interview en ligne Propos recueillis par ugo schimizzi

Goran Bregovic s’est illustré ces dernières années en composant pour les films de Kusturica ou le monument « La Reine Margot » de Patrice Chéreau. Mais il est aussi un compositeur, attaché à ses racines d’Europe de l’Est. > Votre nouvel album, Champagne for Gypsies, est un hommage à la culture gitane. Pourquoi cela ? Je pense que pendant des siècles les gitans ont influencé la musique. Cet album est un toast à ce talent, en cette période particulièrement difficile pour les gitans en Europe. C’est pour ça aussi que je lui ai donné autant de visibilité avec des invités comme Stephan Eicher, Gipsy King ou Gogol Bordello. Il ne faut pas oublier ce talent généreux qui habite avec nous depuis des siècles. > Faites-vous une différence entre vos compositions et les musiques que vous avez écrites pour des films ? La musique est un élément qui change le caractère de l’image. Travailler avec un compositeur comme moi qui fait de la 28 | magazine

musique très mélodique, est risqué. Je joue cette musique en concert, la musique de Kusturica, celle de La Reine Margot, car ce n’est pas une musique illustrative. > Comment vivez-vous votre intégration en France ? En 1991, je suis parti en exil, à cause de la guerre à Sarajevo. C’était une décision logique, liée à ce choix, pendant des siècles, des artistes de venir à Paris. Il y a une longue tradition d’accueil de ceux qui font la culture, valorisant l’enrichissement mutuel et la découverte. Je m’y sens bien. > Vous avez joué en 2009 à l’Arsenal à Metz, une salle où on a généralement pour habitude de rester assis. Sauf pour vous... J’ai eu une longue carrière très rock’n’roll.

Je sais que les cuivres produisent de la folie, alors c’est dur de résister, même dans l’environnement d’une telle salle. C’est joli de voir les femmes qui dansent sur cette musique, c’est plus sexy que sur d’autres, je trouve (rires) ! > Êtes-vous plutôt Beatles ou Rolling Stones ? Beatles. Les archétypes des Beatles sont plus proches que ceux des Stones pour moi, dans les mélodies, cette structure élaborée. En plus, c’est une carrière qui se développe logiquement, du premier album yéyé jusqu’au White Album. C’est très joli de suivre cette progression logique sur une courte période de ces artistes. > Goran Bregovic, Champagne for Gipsies, 2012 / Mercury Records

Photo : Juliette Delvienne


La musique est un élément qui change le caractère de l’image

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interview

Propos recueillis par MARINE PELLARIN

> Côté musique comme côté visuel, on sent beaucoup d’influences très variées chez Puppetmastaz. Qu’est ce qui vous inspire ? Pour nous les marionnettes, tout est source d’inspiration. La musique des autres, nos premières parties, les humains qui travaillent avec nous sur les albums – Aphex Twin, Bilzar – ou même des shows comme Sesame Street. C’est quelque chose de voir d’autres marionnettes vivre, perdurer, grandir ensemble. Ça, additionné aux choses que créent les humains, c’est deux fois plus d’inspiration pour nous. C’est une grande famille. > On a tout entendu sur le nombre de membres de Puppetmastaz. Combien êtes-vous en ce moment ? Pour le moment on est je crois... trente marionnettes. Sur scène on est plutôt quinze. Mais ça change beaucoup. On a un noyau dur, il y en a qui restent en Allemagne sur le terrain. On y fait beaucoup de choses différentes, même des shows pour enfants. Mais tu sais, moi, Ryno, je suis toujours aux concerts de Puppetmastaz, que ce soit en France ou ailleurs. Mr Maloke, Snuggles, Panic the Pig et moi, on forme le main crew, on restera ensemble.

Le combo Puppetmastaz est venu d'Outre-Rhin en février dernier régaler de son électro unique le 112 de Terville. à cette occasion, le groupe allemand nous a accordé une interview débridée et engagée, l'occasion de revenir sur la sortie de leur dernier album et le processus de création entourant la formation. Rencontre avec la marionnette Ryno, bien à l’aise dans la langue de Molière. 30 | magazine

> Est-ce que tu penses que votre identité visuelle vous permet d’avoir plus de liberté qu’un groupe de hip-hop « classique » ? Bien sûr. On est le seul groupe formé de marionnettes. On a plus de liberté, il n’y a pas de question d’égo entre nous et le public. On veut en sortir quelque chose de différent, casser cet effet de jugement. Quand les Puppetmastaz sont sur scène, c’est un autre monde qui s’ouvre. Avec la connexion qu’on permet, si on a une émotion, on la partage directement et les gens s’y identifient. Tu peux tout lâcher, tout sortir et le public adore ça, ils peuvent profiter de la musique

Photos : Ugo Schimizzi


sans visuels pour la parasiter. Tu sais, une grosse partie du hip-hop a été détruite par ceux qui ont voulu dicter ce qu’il fallait porter comme vêtements, ce dont on pouvait parler. Nous, on essaie de ramener la musique à ce qu’elle est : de la musique. On est là pour donner aux gens l’impression d’être de nouveau des gosses. > Votre nouvel album Revolve and Step Up ! est assez différent des précédents. Vous aviez envie de renouveau ? Oui, le concept réside dans le partage. On a fait une sorte de voyage, en fait. Une fois sortis des sentiers battus, on a trouvé

soit différent selon les endroits, le vin de Bordeaux, Aix-en-Provence, la Bretagne, la Normandie avec ses petites maisons sur la plage... Il y a plein de petites choses particulières en France, j’adore ce genre de détails. > Que penses-tu des révolutions récentes dans les pays arabes ? Est-ce que la musique se doit de véhiculer des messages pour déclencher et soutenir ces mouvements ? Je crois que les gens doivent souhaiter la bienvenue à ce genre de changement. Parce que les humains font comme s’ils ne voulaient pas savoir. Tout le monde rentre

Ceux qui protestent, les révolutionnaires, ce sont les vraies stars quelque chose de nouveau, avec de nouvelles personnes. C’est un peu abstrait, mais on a repensé tout cela. On est allés voir ce qu’il se passait en dehors du groupe, il en est sorti un nouveau son Puppetmastaz. Cet album est spécial, il est plus minimaliste, mais l’essence est toujours là. > Le public français est votre deuxième plus gros public après l’Allemagne, et vous faites beaucoup de concerts chez nous. Tu as même demandé à faire l’interview en français... Est-ce que tu te sens une affinité particulière avec le pays ? On a fait des centaines de concerts en France, on aime toujours y revenir. J’aime toute la France, surtout le Sud, parce qu’il fait chaud (rires). J’apprécie le fait que tout

gentiment chez soi, va au travail, rentre dans de petites cases. Ils ont besoin de rêver. Ils ne veulent pas descendre dans la rue pour manifester, ils veulent des amis, ne pas être seul. Au final, personne ne veut vraiment savoir. Puppetmastaz ne souhaite pas s’immiscer dans les questions politiques. On n’est pas là pour juger. On sait juste que les humains sont prêts pour une vraie révolution. Ceux qui protestent, les révolutionnaires, ce sont les vraies stars. Ce sont eux qui méritent du public et des fans. Les humains doivent se battre pour ce qu’ils désirent, avoir le courage de faire bouger les choses. Ce sera peut-être toi, le déclencheur. ça ne dépend que de toi. > Puppetmastaz, Revolve and Step Up !, 2012 / Discograph

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interview

Pour cette interview graphique, rencontre avec Jochen Gerner, illustrateur aux multiples talents, publié dans les plus grands quotidiens (New York Times, Le Monde, Libération) et invité l'an passé à illustrer pour le Rock en Seine.

Propos recueillis par Marine Pellarin

> Bonjour Jochen, qu’écoutes-tu ces temps-ci ? En ce moment, j’écoute beaucoup Jacno, Herman Dune et je réécoute un peu d'anciens albums de Pavement. J’écoute aussi sous la contrainte le piano-jouet de ma fille de 16 mois. Il y a un côté suraigu et effrayant qui rappelle certains films d'horreur ou l'affreuse scène de la boîte à musique dans Les deux cavaliers de John Ford (1961). > Tu as réalisé, au cours de l’année 1995 des strips pour les Inrocks (compilés dans le recueil Snark Park en 1998). On sent une réelle connaissance des différents genres musicaux. C’est quelque chose qui t’intéresse, le comportement des fans ? Les comportements de fans sont intéressants car ils se structurent suivant des codes très précis. Chacun croit posséder une identité propre en réaction à un monde aseptisé, alors qu’il s’agit bien sûr d’un costume et de gestes identiques à beaucoup d’individus. À la fin des années 90, à Paris, j’allais écouter beaucoup de concerts et je fréquentais beaucoup d’amis qui étaient membres d'un milieu musical différent. Cela m’a permis, je crois, de rester très ouvert et éclectique dans mes goûts musicaux.

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> Comment s’est passé ton travail pour Rock en seine ? Pourquoi avoir choisi Sigur Rós ? J’avais eu une pré-liste des groupes présents à Rock en Seine. J’ai donné quelques noms pouvant m’intéresser et c’est Sigur Rós qui m'a été attribué en retour. Je trouvais effectivement ce groupe attirant pour l'aspect très graphique de ses sons : une sorte d'expérimentation aérienne, aquatique et végétale sortie du magma naturel de l'Islande. Cela me convenait pour la création d'une affiche. Je dessine spontanément beaucoup de larsens graphiques, de brindilles et de rochers... Après le festival, j’ai reçu un exemplaire imprimé avec les signatures au marqueur de chaque membre du groupe par-dessus mon dessin. Le dessin est-il à la musique ce que le sous-bock est à la bière ? > Plutôt Beatles ou Rolling Stones ? à domicile, je serais plutôt Beatles. En mouvement extérieur, je serais plutôt Rolling Stones. Mais, définitivement et globalement, plutôt Beatles bien sûr, avec une préférence pour le plus discret d'entre eux : George Harrison. > Jochen Gerner, Abstraction (1941-1968), 2011 / l’Association

Illustrations : Jochen Gerner / Photo : Renaud Monfourny


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influences

satriani coldplay par nicolas hann

2008 : Coldplay vient de sortir son 4e album, « Viva la Vida or Death and all his Friends », opus le plus vendu dans le monde cette année-là. Forcément, ça peut faire des jaloux. Parmi eux, un certain Joe Satriani, guitariste, mais surtout compositeur… volé.

C’est ainsi assez naturellement que Joe Satriani, guitar hero émérite, dont la reconnaissance n’a d’égal que l’argent amassé au fil des années et des disques, décide de s’arroger une part du succès des Britanniques de Coldplay. En sus, Joe estime notamment qu’une partie du succès de leur nouveau disque, Viva la Vida or Death and all his Friends lui revient de droit. Ni une, ni deux, le bretteur accuse la chanson Viva La Vida, single de l’album de Coldplay, d’être très similaire à If I Could Fly, chanson écrite par ses soins pour l’album Is There Love In Space ? en 2004. Ainsi commence une bataille 34 | magazine

juridique n’ayant de notoire que la dimension des égos de chaque protagoniste. Chris Martin et sa bande se voient donc gentiment priés de payer pour les droits d’auteur revenant à Satriani.   Effectivement, quand on écoute le couplet de Viva La Vida, on remarque très vite une ressemblance avec le titre de l’ami Joe (vers la 50e seconde si vous voulez comparer vous-même). Effectivement, quand on superpose les 2 chansons, on pourrait croire qu’elles ne forment qu’une seule et même œuvre, tellement elles sont semblables. Mais après tout, en se faisant quelque peu l’avocat du diable, où est le mal ? Si Coldplay s’est réellement inspiré de Satriani pour écrire Viva la Vida, n’est-ce pas un magnifique hommage ? Et ne faut-il

Illustrations : Marine Pellarin


plagiat pas un égo démesuré pour être persuadé qu’on a copié une de ses chansons ? Enfin, que fait-on du bénéfice du doute dans une pareille affaire ?

preuve que tout le monde peut se contenter d’un gros chèque, même quand on s’appelle Joe Satriani...

D’accord , tout la isse à penser que le s Britanniques ont piqué quelques secondes d’une chanson d’un célèbre guitariste pour en faire une chanson entière. Certes, tout cela n’est pas très joli joli, je vous l’accorde. Mais si des groupes comme Coldplay commencent à puiser leurs inspirations chez des artistes comme Satriani, n’y a-t-il pas moyen finalement d’y voir une inspiration salvatrice ? Surtout quand on sait qu’un groupe comme Muse, par exemple, dit s’être fortement inspiré de U2 pour écrire leur dernier opus, The 2nd Law. Ils auraient mieux fait de s’en prendre à un Clapton ou un Steve Vai, le résultat aurait été certainement meilleur... Aujourd’hui la justice a classé l’affaire sans suite, donnant raison au groupe de Chris Martin. En off, il se dit que les deux parties se seraient arrangées à l’amiable,

Autre moment, autre affaire, on a récemment accusé les boy scouts One Direction d’avoir copié l’intro de la chanson des Clash, Should I Stay or Should I Go, pour écrire leur titre Live While We’re Young. Ne vous méprenez pas, je ne vais pas commencer à cautionner le plagiat. Je suis par ailleurs loin d’être fan de Coldplay. Foncièrement, j’aimerais simplement ne plus entendre parler des One Direction. Mais si le simple fait de reprendre une boucle de quelques secondes permet de faire évoluer un groupe et donne la possibilité à son public de faire la découverte d’artistes autrement plus estimables, ce n'est peut-être pas si grave... > Coldplay, Viva la Vida... , 2008 / Capitol Records > Joe Satriani, Is There Love in Space, 2004 / Epic Records

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cinéma

par dom panetta De Johnny Depp à David Hasselhoff en passant par Bruce Willis, quand les acteurs poussent la chansonnette, c’est pour le meilleur comme pour le pire. Dans ce numéro, rencontre avec les gloires d’un jour et les reconversions réussies ! Que ce soit par passion ou par obligation, nombreuses sont les stars à s’être laissées aller à mettre un pied dans le monde de la musique pour les besoins d’un film entier ou simplement de quelques plans. On se souviendra avec nostalgie, par exemple, de cette mythique scène de Retour vers le Futur dans laquelle le jeune Michael J. Fox mettait le feu au gymnase sur Johnny B. Goode de Chuck Berry. Mais si certains se sont contentés de quelques minutes de gloire virtuelle, d’autres ont, eux, tenté de faire de la fiction une réalité ! Petit tour d’horizon de ces nouveaux musiciens à succès. 36 | magazine

Lorsque l’on parle de reconversion artistique, les exemples qui nous viennent à l’esprit sont, inévitablement, les échecs. Il est pourtant bon de s’intéresser aux autres. Ceux qui réussissent, ceux qui se battent et s’en sortent, ajoutant une corde à un arc déjà bien manié. Ainsi, on découvre par exemple un Johnny Depp guitariste qui foule les planches avec Alice Cooper, Eddie Vedder, Oasis ou encore son ami Marilyn Manson. Musicien discret, l’acteur n’hésite pas à venir poser quelques notes de guitare aussi souvent qu’on le lui demande et semble y prendre beaucoup de plaisir.


Dans un autre registre, on note aussi les performances - plus étonnantes - de Kevin Costner, Hugh Laurie ou même Bruce Willis. Chacun a d’ailleurs un ou plusieurs albums à son actif dans des styles allant de la pop-folk au blues pur et dur. écoutez donc la prestation voix-harmonica d’un Bruce Willis envoûtant, partageant la scène avec Monsieur B.B. King ! Un petit bijou qui nous offre une autre facette de l’acteur, dont on pouvait déjà deviner l’existence de par ses performances vocales dans Hudson Hawk. Je vous invite bien entendu à vous procurer les albums de ces trois-là.   Comment évoquer ces acteurs à multiples casquettes sans parler de Jared Leto. Bien que musicien avant d’être acteur, il ne s’agissait initialement, pour lui, que d’une passion destinée à rester dans le domaine du privé. Mais il décide en 1998, alors que sa carrière à l’écran est déjà bien amorcée, de former un groupe avec son frère. Connu sous le nom 30 Seconds To Mars, le combo s’est toujours défendu face aux critiques les accusant de surfer sur la notoriété de Jared. Il est cependant évident que certains rôles, tel que le héros toxicomane de Requiem for a Dream ou son interprétation de Mark Chapman, le meurtrier de John Lennon dans Chapitre 27, ont marqué les esprits. Quoi qu’il en soit, difficile de nier l’engouement pour le groupe, qui réunit près de 9 millions de fans sur Facebook et dont chaque clip totalise un nombre impressionant de vues sur leur chaîne Youtube. Pas mal, donc, pour une formation dont le style se situe quelque part dans la vaste sphère du rock progressif, un genre, somme toute, assez sélectif dans son auditoire.   Enfin, l’une des reconversions les plus surprenantes du monde du cinéma revient au sous-estimé Steven Seagal. Après une fructueuse carrière dans les arts martiaux et les films d’action au niveau discutable, c’est finalement dans la musique que l’acteur a trouvé sa « voix. » Avec plusieurs albums à son actif et une multitude de prestations, Seagal conte ses histoires avec sa voix, mais surtout guitare à la main, accompagné par les plus grands bluesmen encore en vie. Incontestablement une surprise de la part de cet acteur, qui cumule plus de mauvais films que Chuck Norris ne saurait en compter sur toute sa carrière !   Match retour dans notre prochain numéro avec, cette foisci, une sélection des acteurs qui auraient mieux fait de rester à l’ombre des caméras. 

Illustration : Marine Pellarin

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museek

par thibaut clément

« Journey » est un voyage mélancolique, un conte pour les grands enfants. Mais c’est aussi un nouveau-né qui s’est invité sereinement aux Grammy Awards, bravant John Williams, Hans Zimmer et Howard Shore. Bien que le titre n'ait pas remporté de prix, cela reste une première pour un jeu vidéo. Un pays lointain baigné d’une chaude lumière, des dunes balayées par le sable, dans la senteur du soir le vent fait claquer la cape d’un singulier voyageur. La rencontre d’un monde onirique, où les palais d’un ancien temps se disputent aux déserts de sable, de neige et de souvenirs. Journey est une toile sur laquelle le joueur promène son pinceau, acteur et spectateur d’un univers qui entre en résonance avec son ressenti et son imaginaire.   Dans la grande lignée de ses grands frères Flower et Cloud, du même créateur Jenova Chen, le jeu n’est pas sans rappeler Ico ou Shadow of the Colossus, des titres à l’inspiration poétique. 38 | magazine

Il fait partie de ces contes muets et mélancoliques, qui nous racontent des histoires oubliées aux accents de voyage initiatique, sur flûte basse et violons brumeux. Métaphore de la naissance et de la renaissance, le personnage se dirige vers le sommet d’une montagne qui semble inaccessible, sur laquelle brille une mystérieuse étoile. Austin Wintory, compositeur de la bande originale, a confié avoir utilisé le violoncelle pour refléter cette quête. L’instrument devient humain, ou peut-être est-ce l’inverse. Alors que l’aventure se poursuit, les sons émergent. D’une mer d’accords pâles et électroniques, l’orchestre finit par prendre forme dans l’espace alentour et des tissus ancestraux viennent porter

le voyageur. C’est un peu comme s’il devenait le soliste, le violoncelle animant son entourage, réveillant un orchestre endormi depuis des siècles. Savant mélange de cultures et d’inf luences, Journey n’affiche pourtant pas d’affiliation particulière à sa musique.   Il n’y a donc pas véritablement de dialogue, l’identité du jeu passant en grande partie par son univers propre, mais surtout par sa soundtrack. Les joueurs s’y sont attardés, y trouvant quelque chose, puis sont partis pour mieux revenir. D’autres s’y sont plongés sans grande motivation, pour en ressortir presque honteux d’avoir pu éprouver cette douce pâmoison. On en avait presque oublié

Illustration : Pierre Schuster


l’identité de journey passe en grande partie par sa soundtrack

que l’on pouvait apprécier un jeu pour son invitation méditative à l’évasion. Si Journey a vite établi un record de vente sur le Playstation Network, la performance artistique de la bande originale n’est pas passée inaperçue non plus. Le succès fut immédiat. Pour sa première semaine de parution, la B.O. enregistrait déjà plus de 4 000 ventes, arrivant au deuxième rang derrière Guitar Hero III : Legends of Rock.   Mais la fin d ’année 2012 réservait d’autres surprises. On parlait d’une nomination. Les gamers de la terre entière, tels des suricates répondant à l’appel de leur instinct, se dressèrent sur le haut de la colline du web, les yeux et les oreilles aux aguets. Se pourrait-il que... ? Oui, la rumeur s’est confirmée. évènement dans l’histoire de cette institution, un jeu vidéo est nominé aux Grammy Awards, équivalent outreAtlantique des Victoires de la Musique. D’aucuns diront que les ventes records de Journey ne sont pas étrangères à cette surprenante nouvelle. Le jeu était nominé dans la catégorie « Best Score Soundtrack For Visual Media », prestigieux refuge des poids lourds du cinéma, dont The Adventures of

Tintin (John Williams), Hugo (Howard Shore), ou encore The Dark Knight Rises (Hans Zimmer), entre autres, se disputaient l’affiche. Autant dire que la concurrence fut très rude.   En 2011, Baba Yetu de Christopher Tin, un thème issu du jeu Civilization IV, avait certes déjà remporté un des mythiques gramophones d’or du concours, mais ce fut uniquement au titre de sa présence sur un album du compositeur, plus de six ans après la sortie du jeu sur ordinateur. Journey lui, est nominé en sa qualité de jeu vidéo pour cette 55e édition. Il peut donc se vanter d’être le pionnier d’une reconnaissance longuement attendue par la communauté de joueurs, de développeurs, de compositeurs et de tout un monde : celui du jeu vidéo. > Austin Wintory, Journey : Official Game Soundtrack, 2012 / Sony

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chronique

par Philippe Rossi

Le 22 décembre 2012, au cœur de la Lorraine, se préparait un concert mémorable réunissant les plus grands de la scène pop-rock française : la Pop Rock Party 6, au Galaxie d'Amnéville. Un groupe avait pour mission de chauffer la salle, assurant un show impeccable, attirant une foule de fans à chaque nouveau titre. Je parle bien évidemment des Greenwich Cavern, composés de Olivier Sosin (guitare/chant), Éric Revel (basse/chœurs) et François Del Frate (batterie).   Le groupe a profité de cette occasion pour enregistrer son premier album live, véritable tourbillon des plus rock’n’roll ! La puissance du son est significative tant on a l'impression de revivre le concert. Ambiance très heavy, à l'américaine, le rythme s’accélère sur Casino Bitch, un des emblèmes du groupe, suivi de Devil’s Ride et l’excellente reprise de Jacques Brel : Amsterdam.   Lorsque la fin se fait sentir, le public est surexcité. Le concert s’achève dans une explosion, avec le morceau Texas Blood. Olivier profitera de la mystérieuse introduction pour prendre un mégaphone et sauter dans la fosse intriguée. En somme, ce disque live fait ressortir avec force l'énergie communicative de Greenwich Cavern envers son public et présente bien l’évolution du groupe qui ne cesse de grandir, encore et toujours. > Greenwich Cavern, Live At Galaxie, 2013 / Exchange Revolution Record

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Photo : Ugo Schimizzi


découpage

Le King of Pop himself s'invite dans les pages de votre magazine préféré, alors profitez-en ! Pour ne pas sacrifier une page de ce beau magazine, retrouvez le fichier en téléchargement sur notre site. à vos ciseaux !

Illustration : Laure Fatus & Marc Domingo

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jeu

Pour ce nouveau numéro, Karma vous propose un jeu sous forme de labyrinthe, inspiré de la célèbre guitare Fender Stratocaster. Serez-vous capable d'en trouver la sortie ? à vos crayons !

Le numéro 3 du Magazine Karma est tiré à 2 500 exemplaires sur papier Satimat Green, contenant 60% de fibres recyclées. Il est imprimé à Florange, par l’Imprimerie Verte L’Huillier. Le Magazine Karma tient à remercier le Musée de la Cour d’Or à Metz, les groupes The Flash et The Yokel, ainsi que les différentes salles partenaires et lieux de diffusion.

sortie Retrouvez la liste des points de diffusion sur notre site, à l’adresse : www.magazine-karma.fr/partenaires ou directement via ce QR Code

entrée

Conception : Juliette Delvienne


Photo : ĂŠlodie Lanotte



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