UNE POLITISATION ETATIQUE DE LA CULTURE MONDIALE A L’UNESCO?

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UNE POLITISATION ETATIQUE DE LA CULTURE MONDIALE A L’UNESCO? (L’EXEMPLE DU SITE DE TEL DAN, ISRAEL) Introduction « La délégation du Kenya rappelle qu’il est important d’éviter de débattre d’enjeux politiques au sein du Comité »1. Revendiquant toutes deux un apolitisme paradoxal hérité d’une définition originelle des Nations Unies séparant ses agences spécialisée aux fonctions exclusivement techniques de l’ONU en charge des affaires politiques, l’UNESCO et le Patrimoine mondial sont souvent considérés comme des organisations internationales tournant à vide sans prise sur la réalité. Pourtant comme en témoignent les récents heurts d’Hébron en février 2010 succédant les déclarations du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou sur les projets d’inscription futurs du Caveau des Patriarches, du Tombeau de Rachel à la liste des sites historiques d’Israël dans le cadre d’un programme national de restauration, ou le déclenchement de la deuxième Intifada par la visite sur l’esplanade des mosquées à Jérusalem par Ariel Sharon, le patrimoine joue un rôle politique déterminant dans le conflit israélo-arabe. Jouissant pourtant d’une certaine autonomie au sein de l’UNESCO grâce à l’instauration de son propre système de normes par son Acte constitutif de 1972, et grâce à l’existence de son Fonds particulier, le Patrimoine mondial semble donc impuissant face à des affaires hautement politisées mettant nécessairement en jeu des intérêts nationaux et des rapports de puissance divergents, voire conflictuels. Jamais étudié, le cas du processus d’inscription de la porte aux trois arches de Tel dan sur la liste du patrimoine mondial témoigne de la paralysie de cette organisation interétatique qu’est le Patrimoine mondial. Confrontée à ce cas hautement politisé s’inscrivant dans une politique de revendication identitaire, l’entreprise de la normalisation de la culture à des fins de gouvernance mondiale du patrimoine mondial semble ici, si ce n’est échouer, du moins peu efficace.

1 Documents du Comité de 2008, WHC-08/32.COM/8B p.187


La revendication d’une identité israélienne à travers la reconnaissance de son patrimoine. Contrairement au patrimoine privé, la norme de patrimoine mondial caractérise le patrimoine public appartenant à l’Etat sur le territoire duquel il est situé. Afin d’être inscrit sur la liste du Patrimoine mondial, chaque bien du patrimoine national de chaque Etat signataire de la Convention de 1972 doit être introduit sur une liste indicative, inventaire du patrimoine national de chaque Etat membre. Bien que ce soit le Comité annuel du Patrimoine mondial qui décide de l’inscription de tel bien présenté par un Etat membre sur la liste du Patrimoine mondial, c’est à chaque Etat que revient la responsabilité et la liberté de composition du dossier de candidature selon un format imposé. Le dossier complet est ensuite soumis à l’avis des organismes consultatifs d’experts, l’ICOMOS pour le patrimoine culture, et l’IUCN pour le patrimoine naturel. Les déclarations des Etats d’Oman et d’Irak, ajoutées à la version originelle de la Convention de 1972, stipulant que leur signature de l’acte constitutif du Patrimoine mondial ne signifie en rien la reconnaissance de l’Etat d’Israël soulignent l’un des aspects essentiels du conflit israélo-arabe : la lutte pour la reconnaissance de l’Etat d’Israël et de l’Etat palestinien, et par conséquent d’une identité israélienne et d’une identité palestinienne. A travers le patrimoine, c’est l’identité d’une nation, d’un pays, d’un Etat qui est revendiquée, défendue. Identité et patrimoine sont deux notions intimement liées. Dès lors, l’inscription sur la liste du patrimoine mondial d’un élément de ce patrimoine national permet de faire reconnaître ce dernier comme un élément constitutif de l’identité nationale, mais aussi de lui conférer une « valeur universelle exceptionnelle ». Ce bien jouit alors d’une légitimité telle qu’il sera défendu, préservé par l’ensemble de la communauté internationale. La constitution du dossier de candidature, première étape du processus, laisse libre cours aux réinterprétations voire aux reconstructions identitaires. La présentation et l’histoire du site de Tel dan ne sont considérées qu’à travers le Livre des Juges de l’Ancien testament. Aucun doute possible : Tel dan est la ville biblique de Laïsh. Pour preuve, nous sommes renvoyés aux conclusions d’Edward Robinson, « Père de la


Géographie Biblique ». Lors d’un voyage en Palestine, en 1838, Robinson identifia certains sites bibliques. Il proposa l’identification du site connu sous le nom de Tel-elQuadi au Dan biblique. Afin de soutenir une telle analyse, le dossier de candidature se fonde sur un fragment d’inscription araméenne trouvé sur le site de Tel dan faisant mention au Dieu qui est Dan. C’est sur la base de ces seules preuves scientifiques obscures et rapidement exposées que le nom de Tel dan est alors donné au site par l’Etat d’Israël en 1995. L’identification du bien, si ce n’est réfutable, du moins lacunaire car exclusivement centrée sur l’histoire biblique, est ensuite plus largement développée. A défaut d’histoire, l’histoire biblique de la prise de la ville de Laïsh par la tribu des Danites nous ait conté2. En ne développant que l’histoire religieuse de Dan avec autant de certitudes sans jamais nuancer par d’autres apports historiques une telle analyse biblique, les auteurs du dossier de candidature participent d’une construction de l’identité nationale et territoriale israélienne. En effet, le site de Tel dan n’est pas seulement présenté comme une cité judaïque, mais comme le point de démarcation de la frontière nord d’Israël. Une identité israélienne, fondée essentiellement sur son histoire religieuse, sur l’ancienneté de sa terre et de son peuple remontant au VIIIème siècle avant notre ère, soit revendiquée ou soulignée dans le dossier de candidature de Tel dan. Alliant lacunes et précisions, si ce n’est réfutables du moins questionnables, sur le tracé précis, dès cette époque, de la frontière nord d’Israël par le site de Tel dan, le contenu du dossier de candidature est, dès sa première présentation au Comité de 2008, contesté par le groupe des Etats arabes. L’opposition à l’inscription de Tel Dan ou la défense d’une identité des Etats arabes. Lors de la seizième Conférence Générale de l’UNESCO en 1964, les Etats membres de l’UNESCO doivent adopter une résolution visant à assigner chaque Etat membre à une région. Cinq régions sont alors définies : Afrique, Amérique latine, Caraïbes, Asie, Europe et Etats arabes. Contrairement aux autres groupes régionaux, le groupe des Etats arabes est défini non pas selon le seul critère géographique, mais selon une identité commune : l’identité « arabe ». Cette dernière constitue le principe fondateur 2 Dossier de candidature de la porte aux trois arches de Tel dan, Autorité des Parcs et de la Nature d’Israel, Israël, 2008, p.16-18


et fédérateur essentiel d’un groupe d’Etats hautement politisé, véritable puissance décisionnaire au sein du Patrimoine mondial et de l’UNESCO. Légitimé de plus en plus par les évolutions idéologiques de l’UNESCO, le groupe des Etats arabes s’impose progressivement au sein de l’organisation interétatique comme un acteur incontournable au réel pouvoir politique. Leur légitimité au sein du Patrimoine mondial et de l’UNESCO constitue l’un des éléments explicatifs essentiels de son efficacité. De par leur évolution idéologique et normative, l’UNESCO et le Patrimoine mondial soutiennent et légitiment les Etats arabes. Avec la vague de décolonisation, la puissance change de main à l’UNESCO et au Patrimoine mondial. De même, l’entrée des anciennes colonies dans l’organisation interétatique polarisent les enjeux entre le Nord et le Sud. Au tournant des années 80, l’UNESCO intègre désormais pleinement la problématique du développement et de ses enjeux à son système normatif, en faisant un élément essentiel de son idéal de paix et de sécurité 3. La tendance amena même les Etats-Unis à s’en retirer en 1984, estimant que l’UNESCO allait désormais à l’encontre des idéaux libéraux de l’Ouest au profit d’Etats en voie de développement ou sous-développés. Les préoccupations du Tiers-monde, désormais plus nombreux au moment du vote, sont de plus en plus inscrites à l’agenda des sessions de l’Assemblée générale, orientant ainsi les travaux de l’organisation interétatique. L’UNESCO devient alors une agence de développement, faisant de la défense des droits de l’homme, et, ainsi, de la lutte contre toute forme de colonialisme, ses principes-clés. L’évolution du programme de sauvetage de la vieille ville de Jérusalem, la reconnaissance du statut d’observateur à l’OLP dès le début des années 80, la lutte du Patrimoine mondial pour la reconnaissance du droit des palestiniens à une éducation et à une culture nationales sont autant de preuves du soutien apporté aux Etats arabes par l’UNESCO. Suivant la logique des blocs, le groupe des Etats arabes s’oppose à l’inscription de ce site. Le débat, auquel ne prennent part que les délégations de la Jordanie, d’Israël, des Etats-Unis, de la Tunisie, du Maroc, du Kenya, de l’Egypte et de Bahreïn, est bref pour plus de huit années de préparation d’un dossier qui, malgré l’avis favorable de 3 Voir, document de la 27ème session de la Conférence Générale de l’UNESCO, Paris, UNESCO.


l’ICOMOS, avis pourtant suivi à plus de 90% des cas par le Comité depuis la création du Patrimoine mondial4, sera réexpédié à l’envoyeur en une trentaine de minutes. Accusé d’empiéter par la délimitation du site proposée dans le dossier de candidature sur le territoire syrien et d’avoir nommé de façon inadéquate ce site, Israël est présenté par la délégation jordanienne comme un Etat paria, violant le droit international5. Accusation réfutée par la délégation d’Israël qui rappelle son engagement de ne pas présenter pour inscription un site de son patrimoine situé au-delà de la ligne verte6. L’absence de documents appuyant les accusations de la Jordanie, ainsi que le malaise des délégations du Kenya et de la Tunisie peu enclines à débattre d’enjeux politiques au sein du Comité, renvoie rapidement le dossier à la prochaine session du Comité en 2009. Lors de cette dernière année du mandat de la délégation d’Israël en tant que membre du Comité, puis en 2010, le processus se révèle complètement gelé tant que les fonctionnaires internationaux du Patrimoine mondial n’auront pas pu trancher la question de la délimitation du site de Tel dan et celle du territoire syrien. Lors de ces trois Comités, les débats opposant les délégations d’Israël et de Syrie sont inégaux. Pourtant soutenu, il manque à Israël la coalition, la solidarité affichée d’un adversaire, la Syrie, membre du groupe des Etats arabes. Groupe organisé autour d’une identité commune, les Etats arabes n’ont de cesse de la consolider. Les discours de ces derniers Comités n’ont pas uniquement pour objectif de s’opposer à l’inscription du site de Tel dan sur la liste du Patrimoine mondial. Lors du Comité, unique moment où l’ensemble des acteurs de l’organisation international est réuni, il s’agit de condamner et de stigmatiser la politique du gouvernement israélien au Proche-Orient, et ainsi, par un jeu de miroir, de revendiquer une identité arabe opposée. En condamnant Israël, non plus seulement pour sa candidature, mais, au-delà, pour ses politiques de colonisation, la Jordanie participe de la stigmatisation, de la construction identitaire d’Israël comme d’un Etat « voyou », peu respectueux du droit et de la morale internationale. Par opposition, le groupe des Etats arabes participe ainsi à la construction de cette identité arabe dont 4 Voir Document du Comité de 2008, WHC-08/32.COM/8B, Patrimoine mondial, Paris, juin 2009 p.186188 5 Document du Comité de 2008, WHC-08/32.COM/8B, Patrimoine mondial, Paris, juin 2009 p.186-188 6 Le représentant d’Israël, Mike Turner, fait ici référence à la frontière entre Israël et la Cisjordanie occupée issue de la fin de la guerre israélo-arabe de 1949


dépend tant leur légitimité, et leur puissance au sein des organisations internationales. Respectueux de la morale politique internationale, éloignés des considérations politiques car soucieux en priorité du respect des idéaux et des normes onusiens, c’est ainsi que le groupe des Etats arabes se présente au gré des discours de ses différents représentants. Ils se présentent ainsi, devant l’ensemble des Etats de la communauté internationale, à travers leur opposition à la candidature du site de Tel dan notamment, selon une construction identitaire arabe bien éloignée des réalités et considérations politiques d’autres discours politiques de ses Etats membres. Ces revendications identitaires construites par Israël et le groupe des Etats arabes sont sous-tendues par des revendications territoriales antagonistes de la Syrie et d’Israël. Principal point de désaccord, le tracé de la frontière inexistante entre Israël et la Syrie et la lutte pour la reconnaissance de leur territoire apparaissent comme l’un des problèmes centraux et insolubles de l’affaire Tel dan. Présentée dans la version définitive du dossier de candidature de Tel dan, cette délimitation non-obligatoire du site ou zone tampon empièterait sur le territoire syrien dessiné par l’accord de cessez-le-feu reconnu par la Syrie, mais conforme à celui reconnu par Israël. C’est en 2007 que la version finale du dossier de candidature de la porte aux trois arches de Tel dan est renvoyée au Patrimoine mondial, modifié à la demande de l’ICOMOS. Ces modifications demandées portent essentiellement sur le plan précis et définitif du site à inscrire et de sa zone tampon. Pourtant, loin de constituer une étape incontournable du dossier de candidature, la proposition d’une zone tampon entourant le bien à inscrire ne constitue, à l’origine, qu’une méthode parmi tant d’autres de protection, conseillée par le Patrimoine mondial et ses organismes consultatifs d’experts. A l’origine, la zone tampon n’est pas un principe, une norme ou une règle imposée par le Patrimoine mondial. Simple suggestion de protection parmi d’autres, le tracé d’une zone tampon, en s’imposant comme une technique efficace, s’est peu à peu institutionnalisé, devenant, semble-t-il, incontournable. De pratique, elle est devenue norme, témoignant ainsi de ce phénomène de « normativisation »7 caractéristique des organisations internationales. 7 Voir SCHEMEIL Yves et EBERWEIN Wolf-Dieter, « Le Mystère de l’énonciation : Normes et normalités en relations internationales », in SCHEMEIL Yves et EBERWEIN Wolf-Dieter (dir.) Normer le monde, Paris, L’Harmattan, 2009, p.8


Pourtant, au lieu de proposer une autre méthode de protection du site de Tel dan, et, ainsi d’éviter tout contentieux, l’ICOMOS exige de la délégation israélienne une carte précise à joindre au dossier originel de 2005. Il est étonnant que, l’ICOMOS n’ait pas pris en compte l’aspect politique d’une telle candidature et qu’il n’ait pas perçu les difficultés dans lesquelles il mettait l’organisation interétatique, menaçant ainsi sa crédibilité et sa légitimité. Dans une région où la lutte pour la reconnaissance de son Etat prend des allures de défense acharnée, le tracé d’une frontière consiste en un enjeu sacré que nul n’ose trancher, pas même l’Organisation des Nations Unies. Le risque est en effet trop grand de provoquer à nouveau des émeutes, et d’aggraver un peu davantage, pour une histoire culturelle, la situation explosive au Proche-Orient à l’heure où les négociations entre Benyamin Netanyahou et Mahmoud Abbas reprennent enfin sous l’égide de Washington. Normalisation globale à des fins de gouvernance mondiale d’une culture localement imaginée. En tant que lieu privilégié d’échanges d’information et de rencontres d’un ensemble hétérogène d’acteurs, le Patrimoine mondial, tout comme sa maison-mère, favorise la création incessante de normes, règles et principes. Cet aspect est d’autant plus constitutif de l’UNESCO que l’entreprise de normalisation de cette agence des Nations Unies, et ce davantage que d’autres institutions onusiennes, repose sur un ensemble de valeurs utopiques. Une telle organisation ne peut ainsi être considérée que comme politique, car elle s’occupe de valeurs dont la promotion est au cœur de la politique. Véritable conscience morale des Nations Unies, l’UNESCO édicta et institua ses normes au fil des décennies à partir de ces valeurs fondatrices, à l’image du Patrimoine mondial. L’instauration du Patrimoine mondial par la création de sa Convention en 1972 est intimement liée à la normalisation de la culture. Désormais, le patrimoine ne devra plus être uniquement défini comme un élément de l’identité nationale de l’Etat concerné, mais aussi, une fois inscrit sur la liste du patrimoine mondial, comme patrimoine de l’humanité toute entière. L’application universelle de ce nouveau concept-norme de patrimoine mondial constitue un principe fédérateur autour duquel doivent s’unir tous les Etats


signataires de la Convention. La création normative du Patrimoine mondial autour de la défense nécessaire de cette nouvelle norme permet ainsi de façonner les modes de pensée et d’action des acteurs étatiques du Patrimoine mondial, créant ainsi du sens commun fondé sur un ensemble de règles, de principes et de normes commun institué par l’organisation interétatique et consolidant le concept de communauté internationale. Mais il ne s’agit pas uniquement de rassembler les Etats de cette communauté internationale. Au contraire, l’acceptation d’une communauté internationale défendue par le Patrimoine mondial est un concept plus large englobant l’ensemble des acteurs de la scène internationale. Depuis le constat du Comité de 2003 que les délégations étatiques seules ne suffisaient pas à la promotion et à la défense de leur patrimoine au sein de l’organisation, les plans de protection du patrimoine mondial implique la sensibilisation et l’implication des populations, témoignant ainsi de l’intention, sur le long terme, d’instaurer une gouvernance mondiale en matière de protection du patrimoine sous l’égide du Patrimoine mondial. Le projet d’une gouvernance mondiale de la culture repose alors sur la force de la création normative d’une communauté internationale défendant des intérêts communs, et, qui plus est, des biens publics mondiaux comme le patrimoine mondial. Le Patrimoine mondial : un bien public mondial ambigu Depuis ses origines, la norme de patrimoine mondial semble s’inscrire dans la lignée des biens publics mondiaux popularisés par le PNUD8 à la fin des années 90. Transposition au plan mondial de la notion de bien public de Paul Samuelson9, le patrimoine mondial constitue une ressource indispensable au bien-être des individus, n’est susceptible d’aucune appropriation privée, et demeure à la disposition de tous. Le patrimoine mondial appelle ainsi un mode de gestion collectif, une coopération de l’ensemble de la communauté internationale. Pourtant, le problème insoluble de la reconnaissance du tracé de frontière entre la 8 Programme des Nations Unies pour le Développement 9 SAMUELSON P. A, «The Pure Theory of Public Expenditure», Review of Economics and Statistics, 1954, n°36, p.387-389


Syrie et Israël, l’opposition, à ce titre, du groupe des Etats arabes à l’inscription de la porte aux trois arches de Tel dan sur la liste du patrimoine mondial, l’incapacité de l’organisation interétatique et de l’ONU à passer outre, témoignent du caractère sacré du principe de souveraineté nationale. Dans l’esprit de ses fondateurs, et toujours aujourd’hui, les Nations Unies ne peuvent en aucun cas se substituer aux autorités nationales. Loin d’appartenir à tous, le patrimoine mondial demeure alors un élément du patrimoine national et relevant en tout point de la souveraineté de l’Etat sur lequel il est situé. C’est à chaque Etat que revient la liberté d’inscrire tel site de son patrimoine sur sa liste indicative, d’en proposer la candidature pour inscription sur la liste du patrimoine mondial, de siéger aux Comités10, d’appliquer les conseils et recommandations du Patrimoine mondial, d’accepter et de se conformer, par un lègue libre de sa souveraineté, les quelques contraintes imposées par la Convention de l’organisation internationale. Norme ambiguë, le patrimoine mondial est sans cesse redéfini par les organismes d’experts de l’organisation interétatique, au risque parfois de délaisser la norme de « valeur universelle exceptionnelle » devant caractériser chaque bien inscrit sur la liste du patrimoine mondial. L’évolution de la liste du patrimoine mondial, depuis son origine en 1972 jusqu’en 2002, témoigne d’une définition à l’occidental de la norme de patrimoine mondial. Lors du Comité de 2002, le constat est fait que l’écrasante majorité des sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial provient des régions d’Europe du Nord et de l’Ouest, et de l’Amérique du Nord. Le décalage est tel que l’inscription de tous les biens des Etats membres sur leur liste indicative aurait peu d’incidence pour corriger le déséquilibre actuel. La prépondérance des villes et centres villes historiques, ainsi que des sites archéologiques et des monuments religieux dont 60% de monuments chrétiens11 témoignent d’une définition monumentale de la culture. En revanche, sont très faiblement représentées les régions aux cultures non monumentales comme l’Afrique. Face à ce déséquilibre hérité d’une acceptation occidentale de la culture essentiellement matérielle et monumentale et dessinée par des experts, majoritairement originaires d’Europe de 10 Réunion annuelle des Vingt-et-un représentants des Etats parties à la Convention, du Centre et des organismes consultatifs d’experts où tout projet de décision est soumis au vote. Le Comité constitue ainsi l’instance suprême de décision du Patrimoine mondial. 11 Document du Comité de 2002, « WHC-02/CONF.202/9 : Rapport d’avancement sur les analyses de la Liste du patrimoine mondial et des listes indicatives et sur l’identification des catégories sous-représentées de patrimoine naturel et culturel », Patrimoine mondial, Paris, juin 2002


l’Ouest, dont l’avis est suivi à plus de 90% des cas par le Comité qui analysent et avalisent systématiquement toute candidature depuis 1972, le Patrimoine mondial multiplie les actes de repentance. Reconnaissant que, contrairement au patrimoine naturel, l’expertise du patrimoine culturel ne repose pas sur la même objectivité scientifique mais davantage sur une analyse subjective de l’esthétique, l’ICOMOS lance avec le Patrimoine mondial la Stratégie globale12en 1994. Incessamment modifié, ce plan témoigne de la partialité avec laquelle la Convention de 1972 a été appliquée et la norme de patrimoine mondial définie, au détriment des cultures vivantes et autres manifestations du patrimoine bien éloignées d’une culture monumentale et religieuse à l’occidental. Norme ambiguë à la fois globalisante et occidentalisée, à la fois bien public mondial et tributaire de la souveraineté national, la norme de patrimoine mondial, marquant le début d’un processus de normalisation de la culture à des fins de gouvernance mondiale sous l’égide du Patrimoine mondial et créant ainsi davantage de sens et d’intérêts communs aux acteurs de la scène internationale, élément indispensable à la pérennisation de la communauté internationale, témoigne des difficultés de l’entreprise de normalisation des organisations internationales.

Tel dan ou l’échec du multilatéralisme consensuel normalisé. Bien public mondial car appartenant aux peuples du monde, le patrimoine mondial exige un mode de gestion multilatéral. La non coopération d’un seul pays peut mettre en péril le succès de l’ensemble de la production, d’où la nécessité d’aider financièrement et techniquement les pays aux ressources limitées s’ils ne peuvent pas prendre en charge la production et la gestion de leur bien. Le coût de préservation du patrimoine est ainsi réparti entre les différents Etats membres, favorisant ainsi la création d’une communauté internationale solidaire autour de la défense d’intérêts communs. Cette norme de multilatéralisme, fondatrice du système des Nations Unies, est ainsi essentiellement garantie par la soumission des décisions au vote d’un Etat égal une voix. Le système de négociation est alors plus complexe, pouvant entraîner des blocages en 12 La Stratégie globale pour une Liste du patrimoine mondial équilibrée, représentative et crédible. Son objectif est de s'assurer que la Liste reflète bien la diversité culturelle et naturelle des biens de valeur universelle exceptionnelle.


favorisant la logique des blocs, observable dans notre étude de cas. Par conséquent, c’est aux délégations nationales que revient la fonction de leadership au sein du Patrimoine mondial, instituant ainsi un leadership pluriel. Pourtant, loin d’être égalitaire, les normes de multilatéralisme et de leadership pluriel favorisent la logique des blocs, par un accès inégalitaire des Etats aux ressources du Patrimoine mondial. Ainsi les principaux bénéficiaires des programmes d’assistance internationale du Patrimoine mondial sont les pays du Sud sous-représentés sur la liste du patrimoine mondial13. Ces programmes mettent essentiellement en place des aides à une meilleure compréhension des normes et règles de l’organisation. Lors du Comité de 2003, trente ans après l’instauration du Patrimoine mondial, la décision est prise de mettre au point des manuels faciles d’emploi pour l’établissement d’inventaires nationaux du patrimoine, étape préalable à la constitution de listes indicatives. Confrontés à l’opacité de normes culturelles internationales subjectives et floues, les Etats du Sud, mal informés et exclus de cette définition occidentale de la culture, semblent oubliés de la normalisation mondiale de la culture. Face à l’inégal accès des Etats membres à l’expertise et à l’ensemble des normes et règles du Patrimoine mondial, ces Etats délaissés privilégient ainsi davantage la logique des blocs afin de peser dans le processus décisionnel de l’organisation internationale. Cette logique des blocs leur permet ainsi de rééquilibrer les rapports de force et de se poser en adversaire de taille, puisque numériquement plus important, aux pays du Nord qui, disposant du monopole de l’expertise dans le domaine du patrimoine mondial, définissent les modalités de la normalisation culturelle internationale. Le consensus ou la « non-décision » Cette culture du multilatéralisme et du consensus, peut faire perdre de vue l’objet même de la négociation, l’objectif final étant désormais de parvenir à une solution 13 Documents du Comité de 2003, WHC-03/27.COM/16 : « Rapport d'avancement sur la révision de la Stratégie à moyen terme de l'UNESCO (31 C/4, 2002-2007) et sur la préparation du Projet de programme et de budget de l'UNESCO (32 C/5, 2004-2005) « Contribuer à la paix et au développement humain à l’ère de la mondialisation par l’éducation, les sciences, la culture et la communication » », Patrimoine mondial, Paris, juin 2003, p.8


quelconque afin de donner l’impression d’agir. De la formation d’un groupe de travail chargé d’étudier la candidature de la porte aux trois arches de Tel dan en 2008 à la mission du Centre du Patrimoine mondial auprès de l’ONU afin de trancher la question territoriale du cas de Tel dan, tout a été entrepris par le Patrimoine mondial pour parvenir à une décision consensuelle en faveur de l’inscription de ce site israélien sur la liste du patrimoine mondial ayant déjà reçu l’aval de l’ICOMOS. Lors du dernier Comité de 2010 où la mission du Centre envoyé à New York se heurte au refus de l’ONU de trancher la question territoriale, l’adoption d’une « non-décision »14 prédomine, les fonctionnaires internationaux espérant désormais que cette affaire sera bien vite oubliée. Le processus décisionnel, au sein d’organisation interétatique comme le Patrimoine mondial, permet ainsi d’évaluer l’équilibre des puissances et les stratégies qui y sont déployées et non pas d’aboutir réellement à une décision finale consensuelle au risque de provoquer de nouvelles émeutes, comme lors de l’inscription du site cambodgien de Preah Vihear, de compromettre le processus de paix au Proche-Orient et de décrédibiliser le Patrimoine mondial à nouveau. Le cas de Tel dan, au-delà de l’identification d’intérêts nationaux particuliers, nous permet ainsi d’appréhender la décision comme un processus continu où les options toujours envisageables et celles qui ne le sont plus deviennent evidences, de mieux comprendre ainsi les rapports de force et d’influence qui s’exercent au sein du Patrimoine mondial. De l’autorité morale de l’UNESCO et du Patrimoine mondial « Conscience morale »15 des Nations Unies, l’UNESCO tout comme le Patrimoine mondial, en tant qu’organisation international créant sans cesse des normes fondées sur un ensemble large de valeurs et de principes, participe de la définition des règles du jeu international. En tant qu’agence spécialisée des Nations Unies dans l’éducation, la science et la culture, l’UNESCO participe du grand rêve onusien de l’après-guerre. Produit d’un consensus des années 40 fondé sur les idéaux libéraux de l’Ouest, 14 COX Robert W. et JACOBSON H.K., « The Framework for Inquiry », in COX Robert W. et JACOBSON H.K. (dir.), The Anatomy of Influence - Decision Making in International Organization, New Haven and London, Yale University Press, 1973, p.8 15 Voir, DUTT Sagarika, The Politicization of the United Nations Specialized Agencies, A Case of study of UNESCO, Mellen University Press, New York, 1995, p.7


l’UNESCO se fonde sur des principes moraux tels que la doctrine d’une solidarité intellectuelle et morale des hommes. Il s’agit d’édifier une communauté internationale autour de la défense non pas seulement d’intérêts partagés, mais surtout de valeurs universelles. Il s’agit d’amener les membres de cette communauté à accepter et à intérioriser ces valeurs, normes et contraintes, d’éveiller en chaque acteur la conscience que leur projet ne peut être exécuté de façon unilatérale impliquant de prendre l’autre en considération. Ce sentiment d’appartenance à une même collectivité ne peut s’imposer à l’ensemble des acteurs d’une organisation internationale que par un travail de normalisation incessant fondé sur des valeurs communes. C’est parce que cette nouvelle norme de patrimoine mondial est formulée, dans le préambule de la Convention de 1972, comme une croyance fondée sur des principes universelles, que le Patrimoine mondial jouit d’une certaine autorité morale. La Convention ainsi que son guide d’application ou Orientations, en tant qu’outils de normalisation internationale, participent de l’élaboration d’un droit international en matière de protection du patrimoine. La Convention dénombre ainsi certaines contraintes auxquelles les Etats signataires sont tenus de se soumettre. Il s’agit d’une obligation pour les Etats membres d’assurer la gestion et la protection du patrimoine situé sur leur territoire et de celui des autres Etats signataires. La Convention dessine ainsi la bonne conduites de l’Etat signataire modèle. Ensemble normatif permettant de louer ou de condamner les actions de ses Etats signataires selon des critères moraux de bien et de justice, la Convention confère ainsi au Patrimoine mondial une autorité morale qu’il serait bien coûteux de bafouer pour un Etat membre. Cet ensemble de valeurs et de normes définit ainsi la communauté internationale comme un ensemble d’acteurs aux intérêts et aux valeurs communes respectant le droit et la morale internationaux qui en découlent. Lorsque la délégation jordanienne accuse, lors du Comité de 2008, la délégation d’Israël de transgresser le droit international, elle participe d’une stigmatisation de l’Etat d’Israël comme d’un Etat hors-la-loi de la communauté internationale. C’est à cette accusation, dépassant l’enjeu de l’inscription du site de Tel dan sur la liste du patrimoine mondial, que la délégation israélienne répond en défendant la légitimité de ses actes. Une lutte pour le droit et la légitimité est alors enclenchée. Des


deux côtés, il n’est plus question de céder, au risque de perdre de sa légitimité.

Israël : une puissance en mal de légitimité au sein de l’UNESCO et du Patrimoine mondial L’histoire de l’UNESCO est marquée par des affaires importantes. Certaines des plus houleuses opposent déjà essentiellement la délégation d’Israël au groupe des Etats arabes. Tout comme le cas de l’inscription de la porte aux trois arches de Tel dan qui permet au groupe des Etats arabes, au-delà de la contestation de l’inscription du site israélien, de défendre leurs politiques nationales dans la région et de défendre leur identité commune, ces affaires sont l’occasion de remises en question plus larges des politiques israéliennes au Proche-Orient. L’un des premiers scandales à l‘UNESCO, qui marque le début d’un processus où la légitimité des politiques israéliennes est fortement menacée, est celui de la préservation de la ville de Jérusalem. « Enjeu hautement politisé »16 à la fois d’ordre culturel, religieux, politique, historique et juridique, tout comme notre cas d’étude, l’affaire de la préservation de la ville de Jérusalem éclate dans le contexte de la fin de la guerre des six jours, de la prise de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est par Israël. Ce dernier est alors accusé par le groupe des Etats arabes de mener des fouilles archéologiques illégales car violant la Convention de la Haye de 1954 sur la protection des biens culturels en cas de conflits armés. En 1969, le Conseil Exécutif de l’UNESCO exprime sa vive inquiétude face au non-respect des recommandations de l’Assemblée générale et appelle le gouvernement israélien à cesser toute fouille archéologique dans ce secteur. Pourtant aucune preuve tangible ne sera apportée de la violation de la Convention de la Haye par Israël. Lors de la 88ème session du Conseil Exécutif, la Jordanie accuse à nouveau Israël de violer la Convention de la Haye. A nouveau, Israël se défend en déclarant que cette Convention n’interdit pas les fouilles archéologiques, et que, contrairement à l’époque où ce secteur était sous mandat jordanien, Jérusalem n’est plus victime de vandalisme. A l’issue de ce débat, le Conseil Exécutif adopte une résolution rappelant Israël à abandonner ses fouilles archéologiques 16 DUTT Sagarika, The Politicization of the United Nations Specialized Agencies, A Case of Study of UNESCO, Mellen University Press, New York, 1995, p.94


et demandant au directeur général de garantir la présence de l’UNESCO à Jérusalem pour s’assurer du respect des résolutions adoptées. Au-delà des accusations de la délégation jordanienne, ce qui délégitime la puissance israélienne dans cette affaire est le refus du ministre des affaires étrangères, monsieur, Eban, de coopérer, estimant que les décisions du Conseil Exécutif sont influencées par des considérations politiques plutôt que par des objectifs culturels. Monsieur Eban dénonce ainsi une instrumentalisation de la culture à des fins de revendication identitaire et politique. Lors de la 89ème session du Conseil Exécutif en juillet 1972, quelques mois avant l’instauration du Patrimoine mondial, la Jordanie rappelle à l’ensemble des membres le refus d’Israël de coopérer et demande à l’UNESCO de décider s’il ne faut pas laisser à Israël le choix entre une adhésion totale aux décisions du Conseil exécutif et une « expulsion immédiate de l’UNESCO »17. Sourd aux protestations d’Israël, le Conseil exécutif adopte à nouveau une résolution condamnant l’attitude négative d’Israël mais, conformément à l’intervention de la délégation des Etats-Unis, demande à présent la preuve explicite de la violation de la Convention de la Haye par Israël. Ne pouvant risquer d’être mis au ban de la communauté internationale de l’UNESCO, Israël accepte en octobre 1972 l’offre du directeur général d’une aide technique pour la préservation de Jérusalem. L’affaire s’achève par l’adoption d’une résolution proposée par la Jordanie condamnant l’occupation illégale de la ville par Israël et réclamant le gel de toute assistance de l’UNESCO à l’Etat d’Israël dans les domaines culturel, éducatif et scientifique. Le problème initial de la violation de la Convention de la Haye semble désormais bien loin des revendications de la Jordanie et du groupe des Etats arabes qui la soutient. Cette affaire qui marque le début d’un processus délégitimant la puissance israélienne au sein de l’UNESCO témoigne d’une instrumentalisation politique et partisane de la culture. De cette histoire, découlent les difficultés d’Israël à trouver des appuis aussi numériquement importants que ceux du groupe des Etats arabes. Son refus d’accorder un statut d’observateur à l’OLP dans les années 80 à l’encontre de l’avis favorable de l’UNESCO, son manque de soutien, voire son opposition, à l’implantation d’écoles UNESCO/UNRWA en territoire occupé, ainsi que son adhésion tardive au Patrimoine mondial en 1999 sont autant éléments ne permettant pas à Israël de passer 17 Document de la 89ème session du Conseil Exécutif, Résolutions et décisions adoptées par le Conseil exécutif en sa quatre-vingt neuvième session, (89 EX/Décisions), UNESCO, Paris, juillet 1972, p.31


outre le système de valeurs, de normes et de règles du Patrimoine mondial dans l’affaire de Tel dan. La délégation israélienne, toujours empreinte des stigmates de ces diverses affaires, n’a d’autres choix que de respecter les recommandations et politiques du Patrimoine mondial. Conclusion « politicization has much to do with national interest and power relations »18 L’étude du cas du processus d’inscription de la porte aux trois arches de Tel dan, site archéologique israélien, sur la liste du Patrimoine mondial, de la mise sur liste indicative en 2000 au dernier Comité de 2010, témoigne de cette politisation de la culture par les acteurs en présence : le groupe des Etats arabes et la délégation israélienne. Ce dossier, prêtant fortement à controverse, de par la délimitation de sa zone tampon ajoutée à l’inflexibilité des initiateurs et des adversaires, dévoile un haut degré de politisation. L‘incompatibilité des points de vue israélien et arabe et leur acharnement respectif sont tels que la lutte à mort semble la seule issue, à moins qu‘une puissance ne courbe l‘échine. Condamné à l’inertie, le cas de Tel dan, en tant qu’enjeu hautement politisé par des enjeux de puissances et d’intérêts, témoigne des difficultés du Patrimoine mondial à normaliser la culture internationale à des fins de gouvernance mondiale. En tant que parties prenantes du grand rêve onusien de l’après-guerre, l’UNESCO et le Patrimoine mondial créent des normes nouvelles permettant de consolider cette construction normative d’une communauté internationale partageant les mêmes intérêts, valeurs et représentations de la scène internationale. A l’origine même du Patrimoine mondial se trouve la création normative de « patrimoine mondial ». Censée appartenir à tous les peuples du monde, la norme de patrimoine mondial est ambiguë, à la fois bien public mondial nécessitant un mode de gestion multilatéral, à la fois hautement tributaire de la souveraineté de chaque Etat membre. Bloqué, le processus décisionnel peine alors à parvenir à un consensus, surtout, comme pour le cas de Tel dan, lorsque les parties 18 Voir DUTT Sagarika, The Politicization of the United Nations Specialized Agencies, A Case of study of UNESCO, Mellen University Press, New York, 1995, p.10 Traduction : « La politisation a beaucoup affaire avec l’intérêt national et les relations de puissance »


refusent de lâcher prise. Fenêtre sur la communauté internationale ayant instauré un système de normes à portée universelle ayant valeur de droit international en matière de gestion du patrimoine mondial, le Patrimoine mondial jouit d’un pouvoir de labellisation lui permettant, comme cela est le cas dans les accusations portées par la délégation jordanienne lors du Comité de 2008, de stigmatiser moralement tel Etat d’Etat hors-la-loi. En mal de légitimité, et à la veille de la réouverture du processus de paix avec le gouvernement palestinien, Israel évite les coups de force et ne peut passer outre les normes et décisions du Comité au risque de délégitimer un peu plus sa puissance sur la scène internationale, permettant ainsi au Patrimoine mondial de s’imposer comme un médiateur capable d’empêcher l’éclatement d’autres conflits dans la région du Proche-Orient. « Si un Etat parvient à rendre sa puissance légitime aux yeux des autres, il rencontrera moins de résistance à ses vœux »19.

19 NYE Joseph., « Soft Power »,in Foreign Policy, n°80, 1990, p.153-171


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