Longueur d'Ondes n°45 (Eté 2008)

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le Mag mUSicAl qu’on N’AchETe PaS ! #45 - ETE 2008 CHRISTOPHE . SPARKS GONG GONG . JONAZ BUMCELLO . MAS-K-GAZ HYPERCLEAN . KWAK

ARTHUR

H



45 SOMMAIRE 6

Son troisième album “Bungalow !” est sorti mi-avril et après une tournée nationale, Albin va prendre quelques vacances. Nous le retrouverons à l’automne pour de nouveaux concerts (notamment le 21 octobre à L’Alhambra de Paris), accompagné par Rose et Barbara Barnes, ses deux choristes américaines…

ON Y CROIT

Uncle Jelly Fish, Jules, Jours, Sheeduz, Rimbaud, Etyl, Soy Un Caballo, Chemempa, Maya Barsony, Liga Quintana, Maÿd Hubb, Yvan Marc

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ON Y TIENT Gablé, Nicolas Jules, Poni Hoax, MaS-K-GaZ, Kaly Live Dub, Paganella

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INITIATIVES La Tour Prend l’Air, Prix Olivier Chappe, Julien Bassouls, Lazy Live

RENCONTRES 21 23 25 26 28 30 35 41 48

Jonaz Hyperclean Gong Gong Kwak en Inde Bumcello Christophe ARTHUR H Live Nation Les 3 Francofolies

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K COMME KÉBEC

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Eté 2008

Les 10 ans de la Sopref 50 Numéro# 54 44 PLANÈTE 66 Sparks à Londres

EDITO

MARCHE OU BRÈVES FESTIVALS BRUITAGE CA GAVE

LA FICHE SIGNALEE... T OC

LA COURSE

Au départ tu croyais m’avoir complètement pour toi. Tu ne te souciais absolument pas de moi d’ailleurs. J’étais à tes côtés mais tu t’en foutais totalement, tu faisais comme si je n’existais pas. Tu me gaspillais même ! Peu à peu, tu as pris conscience de mon existence. C’est surtout par rapport aux gens qui t’entourent que tu as commencé à me voir. Tu as pensé

je n’existais pas. Seulement voilà, tu ne peux arrêter ma course, je suis inexorable… Alors, comme j’ai l’art de filer entre tes doigts, essaie plutôt de me capturer, me savourer et de jouir de moi rapideDernièrement, tout s’est accéléré, ment… Tu la connais pourtant la j’ai commencé à t’inquiéter, à te formule : “Prends le temps… tant faire peur. Et maintenant, tu m’en qu’il est encore temps !” veux, tu essaies de me rattraper, Serge Beyer de me gommer, de faire comme si que j’étais un allié. Un ami. Que j’allais t’aider à grandir. Et c’est vrai, je l’ai fait. Alors tu m’as observé, tu m’as accepté et tu as même fini par m’aimer.

Pour toute demande d’abonnement, veuillez consulter notre site Internet : www.longueurdondes.com

Prochain numero le 25 septembre 2008 SUR LA MÊME LONGUEUR D’ONDES BP 50 - 33883 Villenave d’Ornon Cedex Tél. 05 56 87 19 57 www.longueurdondes.com http://myspace.com/longueurdondes longueurdondes@tele2.fr

100 000 EXEMPLAIRES Responsable publicité, marketing : Benoit Gerbet 01 42 542 116 (sur RDV) infoslondes@yahoo.fr I.S.S.N. : 1161 7292

Directeur / Rédacteur en chef : Serge Beyer Responsable information & communication, maquette : Cédric Manusset Responsable com’ Québec : Jean-Robert Bisaillon Distribution Québec : Local Distribution et les librairies Renaud-Bray.

Leclercq, Marion Lecointre, Aena Léo, Sarah Lévesque, Ludochem, Cédric Manusset, Vincent Michaud, Marie-Hélène Mello, Eric Nahon, PP, Elsa Songis, Johanna Turpeau.

Encre végétale et trame aléatoire = moins 20 % de consommation d’encre.

Dépôt légal : Juin 2008 Merci à : DaFont.com Photographes : Patrick Auffret, Thomas Béhuret, Marie Delagnes, Alain Dodeler, Robert Gil, Raphaël Lugassy, Ont participé à ce numéro : Maho, Nicolas Messyasz, Michel Pinault, Yannick Magazine gratuit Rafael Aragon, Bruno Aubin, Patrick Auffret, Alain Ribeaut, Pierre Wetzel. - NE PEUT ETRE VENDU Ne pas jeter sur la voie publique Birmann, Arnaud Cipriani, Béatrice Corceiro, -----------------------------------Caroline Dall’o, Samuel Degasne, Sylvain Dépée, Couverture : Photo © Raphaël Lugassy Les articles publiés engagent la Julien Deverre, Jean Luc Eluard, Benoit G. Gerbet, responsabilité de leurs auteurs. Yann Guillou, François Justamente, Isabelle Imprimerie : MCC Graphics Tous droits de reproduction réservés.

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J. Turpeau

Albin de la Simone


MARCHE OU BREVES

ELZEF EN ISRAEL

THE DJ IS YOU

De Tel Aviv à Ramallah en passant par Gazah et Jérusalem, Elzef a diffusé en juin sa funky java tribale lors d’une dizaine de concerts. L’occasion de collaborer avec des musiciens israéliens et palestiniens, ainsi que d’enregistrer en audio et vidéo cette aventure pour montrer une autre image de cette région du globe mouvementée. “Le périple du Vent” passera ensuite par le Maroc Casablanca, Fès et Mekhnès. Un live est en prévision pour fin 2008. Détails sur www.elzef.com

ZV Live Mix est un duo virtuel composé de deux personnages affublés d’un dragon DJ. Le concept est novateur. Les titres de dance music sont mis en ligne et chaque internaute peut, grâce à un logiciel simplifié devenir le DJ du titre (variations des instruments, ajout de samples, ou encore enregistrement de sa propre voix). Les participants élisent le meilleur mix et le meilleur clip chaque mois. Alors, DJ or not ? Tente ta chance sur : www.zvlivemix.com

APERI-CUBE Début juin, a eu lieu, à Issy-lesMoulineaux, un festival numérique organisé par Le Cube, premier centre de création numérique de France. On a pu y voir l’excellent concert d’EZ3kiel, quatuor-phare du label lyonnais Jarring Effects. Prestation impeccable pour une performance aussi visuelle qu’auditive, car Ez3kiel conçoit et diffuse son univers pictural sur grand écran, transformant l’événement en show multimédia. Ce qui tombait à pic pour ce festival sous-titré : “Les arts numériques réinventent la ville” ! www.cubefestival.com

VIRTUEL, MAIS AVEC POCHETTE ! Au Québec le label L-Abe vient de lancer ses albums sous format “Sans-CD”. Pour 9,99 $ on achète la pochette papier et le livret chez le disquaire puis on attrape les MP3 à la maison, sur son ordi, avec un code. Fini le plastique et pas de frustration de ne plus avoir les crédits ! Le premier groupe dispo : The Blue Seeds qui jouent en octobre au Popkomm de Berlin. www.sans-cd.com

PENICHE YOURSELF La Meute Rieuse a un projet d’été un peu particulier : une tournée de Carcassonne à Capestang à bord d’une péniche ! Participation de musiciens et comédiens accompagnants : J.R. du Kom’un des Zotres, Sam des Ogres de Barback, Christel de la Cie Système D, Yanosh de La Varda, etc. Le tout en acoustique. myspace.com/lameuterieuse

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VOYAGE, VOYAGE De nombreux artistes français seront en tournée dans le monde entier cet été, signe que la musique française peut s’exporter. Parmi eux : Keren Ann en Corée et Chine ; Gong Gong au Viêt Nam et en Thaïlande ; Arno en Israël et en Jordanie ; Ours au Liban et en Algérie, ou encore Anis au Brésil. www.culturesfrance.com

REBRANCHE TON AMPLI L’Ampli, salle de musique actuelle de Pau, était menacée de fermeture. Suite à une pétition (plus de 2000 signataires) et à une réunion avec la Communauté d’Agglomération Pau-Pyrénées en mai dernier, le lieu est sauvé ! Des travaux abaisseront les 2/3 de la salle et lui permettront ainsi de répondre aux normes de sécurité. Cette décision permettra l’ouverture de la nouvelle salle courant 2009. Les locaux de répétition sont toujours ouverts aux musiciens. www.ampli.asso.fr


MARCHE OU BREVES

DRIVE-IN FLOTTANT Le Festival Cinéfil lève l’ancre pour neuf escales au fil du Rhône et de la Saône, pour sa deuxième édition du 10 juillet au 9 août. Il voguera cette année entre Viviers et Trévoux, du sud de l’Ardèche aux abords de l’Ain. La péniche la Loupika, vieille dame robuste et obstinée, reprend

donc du service pour un mois, faisant halte sur les quais de neuf villes pour hisser sur son pont un écran de cinéma et une scène de concert. 15 soirées pour découvrir de jeunes talents musicaux de la région et trois sélections de courts-métrages. www.cinefil.org

ECO… LOGIQUE !

JR S’EN MELE

Radiohead multiplie les efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre lors de sa tournée. Le groupe utilise des éclairages économes d’énergie, transporte son matériel par train ou bateau plutôt que par avion, et utilise des matériaux recyclés. De plus, les fans sont encouragés à faire du co-voiturage ou utiliser les transports en commun pour se rendre aux concerts. 50 journalistes parisiens ont été invités à participer en venant en vélo ou en Vélib dans les locaux de leur maison de disques pour chercher une place pour l’un des deux Bercy du groupe.

Synthétique, clair, passionnant ce “petit guide Internet pour les auteurs et compositeurs” est un outil de référence indispensable pour comprendre les enjeux et mutations de la musique à l’ère du numérique. Ecrit par JeanRobert Bisaillon, une personnalité incontournable du paysage musical québécois, ce livre recèle de nombreuses clefs et secoue au passage “le cocotier”… “Le petit guide Internet pour les auteurs et compositeurs” est édité par la Spacq (spacq.qc.ca) au prix de 20 dollars (18 euros environ). Jean-Robert Bisaillon est également musicien, chroniqueur, éditeur et co-fondateur du label Iconoclaste : www.iconoclaste.ca

MUSIQUE EQUITABLE

LA DAME DE CANTON

“La musique assiégée” titre d’un ouvrage sorti chez l’Echappée peut être mal interprété. Il annonce pourtant une révolution positive en marche. D’ailleurs son sous-titre confirme cette tendance : “D’une industrie en crise à la musique équitable”. Bref n’écoutez pas les oiseaux de mauvaise augure annonçant la mort de la musique : la résistance s’organise. Des partitions aux rouleaux métalliques au 78 tours, puis au CD, chaque évolution technologique a amené de nouveaux barons de l’industrie. On espère avec les auteurs Charlotte Dudignac et François Mauger, respectivement spécialiste du commerce équitable et producteur de disque et concert, que cette fois-ci un autre monde musical sera possible. Agrémentée dans sa marge de propos tenus par des professionnels ou enragés de la musique, leur essai ébauche un futur à concrétiser d’une relation juste, durable et proche entre le public et l’artiste. Lequel deviendrait un “acteur de l’économie sociale et solidaire ainsi qu’une composante des mouvements sociaux”.

Depuis 95, les Parisiens amateurs d’ambiances conviviales, de concerts chaleureux et de bouffe sympa se donnaient rendez-vous à la jonque chinoise amarrée au pied de la BNF. Si la Guinguette Pirate change en cette année 2008 de patronyme pour retrouver son appellation originelle qu’est la Dame de Canton pour cause de remise à niveaux juridique, l’équipe dirigeante reste la même et l’esprit n’est en rien changé et demeure un lieu culturel métissé propice aux découvertes avec les concerts de groupes en devenir, ses expos et ses divers festivals. Port de le Gare, Paris 13e. www.damedecanton.com

NUMERIC ROCK Notre collaborateur Patrick Auffret propose une exposition qui met en valeur la scène des musiques actuelles à travers quelques uns de ses plus fameux représentants, des musiciens d’Evreux (sa ville), mais aussi des artistes d’envergure nationale et internationale. “Numéric Rock”, hall du Ciné Zénith d’Evreux jusqu’au 6 juillet (entrée libre). L’expo se prolongera au Green Café, 1 rue de la Harpe à Evreux où d’autres clichés sont exposés. myspace.com/argenticrock

DITES “33” Il y a 3 ans naissait “33 Tours”, magazine bordelais (33), qui, de papier, s’est transformé en webzine, faute de rentrées publicitaires. Pour marquer ces 3 ans de vie contre vents et marées, une compile vient de voir le jour, réunissant quinze artistes de la relève bordelaise. 5 euros dans la région, 6,50 par correspondance. www.trentetroistours.com

MANU-DONA Le titre”La Vida Tombola” de Manu Chao, extrait de l’album “La radiolina”, figure sur la bande son du film “Maradona par Kusturica”. Le réalisateur yougoslave participe également à bande sonore. Une rencontre entre Manu Chao et Diego Maradona a pu être réalisée à cette occasion. Ce film retrace la vie du célèbre footballeur. Il a été présenté au festival de Cannes.

DIFFUZ 2 “Le festival du libre” (musique disponible en téléchargement libre et gratuit) à Montpellier est reporté. Engagement et travail n’ont pas compensé le manque de financement. En attendant une réponse du monde institutionnel, les organisateurs instaurent un autre modèle de financement et une série d’évènements tout au long de l’année appelés ”Preffuz”. Il s’agirait de petites soirées concerts et / ou projections d’œuvres en libre diffusion. blog.diffuz.org

PAS DE VISA POUR KONONO N°1

ELLE EST A TOI, CETTE CHANSON…

Le collectif congolais Konono n°1, mené par Mawangu Mingiedi, un virtuose de likembé (le piano africain) aujourd’hui produit par Timbaland et qui a notamment ouvert pour Björk à New-York en novembre dernier, devait tourner en Europe dès début juin. Il s’est vu refuser sa demande de visa pour des problèmes administratifs. Ce qui a eu pour conséquences de lui faire louper la date du 23 mai à la Tate Modern Gallery de Londres. Le 8 juin, Kokono n°1 était néanmoins attendu à Porto… myspace.com/konononr1

AVEC Prod, petit label basé en Auvergne et défenseur de la musique indépendante de tous styles, propose un catalogue éclectique fait de nouveaux venus de la scène auvergnate (de plus en plus dynamique). La microstructure travaille également avec le studio Sophiane de Clermont qui a révélé de belles trouvailles comme Cocoon ou encore les Elderberries. Envie de vous échapper des “grandes ondes” ? Allez écouter sur myspace.com/avecprod. Plus d’infos sur le label en cliquant : www.avecprod.com

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PEAU D’ZOB “Pour le meilleur et pour l’écrire”. zoB, slameur nîmois, s’autoproclame “chanteur engagé cherchant cause à défendre”, autant sur scène (qu’il occupe seul ou avec un pote human box), ou sur un six titres autoproduit emballant. Son humour bien troussé (“J’ai la grande rime malade”) côtoie prises de position (“Comment s’est passé ton dépucelage électoral ? As-tu joui dans l’urne ? As-tu vidé tes burnes précocement ?”) et tendresse à fleur de peau (“Le lien”). Comme quoi, même a capela, l’émotion peut être au rendez-vous. A pister de près… myspace.com/zobzob


Pierre Wetzel

ON Y CROIT

Jours

Maho

“Lucky nerval teeth” (Tam-Attitudes / Talitres) Imaginons un dessin animé aux personnages hauts en couleurs, ou encore un terrain de jeu infini pour jongler au gré des aventures. De là provient un rayonnement communicatif. Cet univers radieux et unique puise des instincts folk, pop, hip-hop et traverse les frontières pour mieux réussir ses métissages… Comme l’énumère Amaury, guitariste et chef d’orchestre de ce gang hétéroclite : “Max vient du trad, Taki a une formation plus classique, Miguel jouait du jazz manouche, d’autres du funk, et Ben vient des îles, ou alors de l’espace, on sait pas trop…” Ben, le chanteur et son timbre de voix extraordinaire, mi-humain mi-oiseau vraiment particulier, parfait maître enchanteur de leurs délires, leurs rêves et leurs fables. Ils travaillent avec violon, violoncelle, accordéon, guitares que complètent aussi Charlotte aux choeurs, Driss à la basse, Clément human beatbox et batteur, et l’ingé-son Simon. Ces jeunes gens mènent ensemble une vraie démarche entreprenante : “Au début, c’était des morceaux naïfs que l’on faisait à deux avec Ben, explique Amaury. A l’époque, tout ce qui venait était très spontané… Depuis, c’est devenu beaucoup plus orchestral. Et sur les nouvelles compositions, c’est une autre envergure.” Leur premier album a été fait “aux petits oignons” à leur local de répète et lieu de fête. Dans une ambiance peace et nature, l’inspiration se renouvelle d’un morceau à l’autre. Une musique en mouvement : “On est toujours en recherche !”, déclare Ben. Ces nouveaux petits prodiges issus de la scène de Saintes, apportent leur ingénuité chaleureuse, leur amour franc pour la musique au sens de voyage et partage, aux côtés de leurs grands frères Ladybird, Frànçois et Glasnost. Béatrice Corceiro

Maho

Uncle Jelly Fish

Jules “Les années douces” - Irfan (le) Label myspace.com/juleslesanneesdouces Vivez-vous avec l’espoir secret que les prochaines années seront toutes aussi douces que celles passées ? Jules, oui ! Pas de nostalgie en son monde, simplement un regard attendri sur ses années d’insouciance. Ce songwriter à la française a malgré son optimisme, une angoisse : celle de la chanson inachevée ! “Faire une chanson, c’est à la fois jubilatoire et douloureux. Il m’est impossible d’aller m’acheter un pot de cornichons entre deux couplets, décontracté de la tête.” Certains de ses textes sont durs, voire crus, sans enrobage, et d’autres beaucoup plus légers afin de faire digérer les premiers : “Je mets une dose homéopathique de noir dans les couleurs.” C’est, à coup sûr, un artisan de la chanson, pour la patience et la réflexion de la création : “Je recherche le mot juste et la note qui l’accompagnera.” Ces textes, à l’allure simple, sont en fait bien plus originaux qu’ils n’y paraissent. Par exemple, dans Il était mon ami, la narration nous maintient en haleine jusqu’au bout, feintant l’amitié entendue et ré-entendue, alors qu’il s’agit d’un bel hommage à son père. De plus, à l’inverse des façons de faire de la scène alternative, Jules considère que l’enregistrement d’un album est le point de départ de nouvelles aventures scéniques. Il rassemble donc quatre compagnons de route, font quelques répétitions (“J’arrive avec mes arrangements et le talent de mes musiciens s’occupe de la finition…”), et hop, après le studio, les sacs à dos ; ils sautent dans le camion et prennent la route. Ne vous attendez donc pas à croiser le Jules de l’album, mais bel et bien un rockeur spontané, drôle et dynamique ! Il ne lui manque plus qu’un tourneur pour vous faire profiter de sa belle humeur…

Johanna Turpeau

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“Les boucles sauvages” - Excuse www.lesjours.com L’histoire des Jours commence par une rencontre, de celles qui mêlent amitié et passion, passion et amour. En 2004, Frédéric Nevchehirlian (Vibrion) fait passer des boucles musicales à Clara Le Picard. Quinze jours passent et la blonde demoiselle lui renvoie douze maquettes de chansons. Le projet voit la lumière… du jour. Christophe Rodomisto (guitare) et Stéphane Paulin (batterie) viennent finir de former le cercle. Au centre, le principe qu’”il fallait faire quelque chose que l’on ne maîtrisait pas.” Clara aime “l’idée du décalage, entre le fond et la forme, d’une authenticité fragile. La virtuosité ne m’attire pas. Le bancal m’émeut en tant que spectatrice.” La chanteuse se frôle au chanter-faux, tantôt sa voix se fait puissante, tantôt elle s’écorche puis s’évapore pour n’être plus que souffle. Pour elle, “la voix est un instrument”, ce qu’elle aime : “Lâcher les mots, être dans la sonorité, tendre vers l’abstraction.” Sur scène, l’effet est enivrant. Par son chant, on est surpris, chahuté, cabossé, emporté. Imaginez-vous dans un cube qu’une main de géant agiterait. Impossible d’en sortir ni de résister, vous êtes pris sans mots dire dans la danse. C’est que Jours est un groupe à voir. Sur scène ressort toute leur connivence artistique. La texture instrumentale autant que le jeu scénique sont puissamment présents et prenants. Les cordes, électriques, sont lourdes et moites, telle une nuit d’orage. La belle au regard fardé cendre se déploie dans une nonchalance terriblement sensuelle, escapade improbable d’une poupée désarticulée dans l’univers d’un chaman. L’atmosphère est lourde, mais Clara s’en moque. L’atmosphère est légère pourtant les mots cognent. Jours est l’envers de rouge… Marion Lecointre


Robert Gil

ON Y CROIT

Sheeduz

Béatrice Corceiro

Etyl “Les souris” - Lady Blue / Wagram www.etyl.net Nicolas Messyasz

Premier album autoproduit enfin distribué nationalement (et en Belgique) et concerts florissants : les efforts finissent par porter leurs fruits. Derrière un nom synonyme d’action (y voir : “she does”), la grâce et l’instinct primal détonnent ensemble pour créer un rock franc. Trois Audrey œuvrent aux guitares, piano, batterie et chant sur A frozen moment : “Une musique rock au sens large, que l’on a voulu enrichir avec divers arrangements (xylo, contrebasse, trompette…). Un premier album avec ses petits défauts ! De la zic finalement brute, un peu sombre, mais une énergie positive. Le résultat de quatre ans de travail et de recherches musicales à trois.” Dans le chant, l’écriture en anglais exprime l’intime ou des histoires fantasmées. “C’est plutôt égoïste finalement ! Ces textes permettent de vider notre sac, ils parlent, pour la plupart, de sentiments assez personnels, mais dans lesquels beaucoup de gens peuvent se retrouver. Il n’y a rien de revendicatif, de politique, etc.” En live, l’interprétation du trio est entière : “La scène est l’endroit et le moment où tu peux te lâcher complètement dans ta musique et la partager avec les gens, alors l’émotion et le jeu sont forcément différents. La mise en scène va de soi, même si nos “personnages” ne sont que la facette moins timide de nos propres identités !” Ces filles se révèlent donc autant en violence qu’en douceur. “Je dirais même que sur scène, c’est beaucoup plus brut que sur l’album ! Freddy (notre ingéson) fait un super lien entre studio et scène puisqu’il nous suit sur ces deux plans. Ceci dit, en live, il y a une grosse dose d’énergie en plus et donc un côté plus direct, moins enrobé.” Sensibles mais avec beaucoup d’ardeur !

Robert Gil

“A frozen moment” - Autoproduit/ Anticraft - www.sheeduz.com

Rimbaud “Ni même en Sibérie” - tram/e/ & Warm up / Mosaic rimbaudlesite.free.fr Après deux disques et quelques pérégrinations sur le globe, le musicien montpelliérain revient avec un album entre pop et chanson. Inspiré par Dominique A ou Noir Désir, il s’éloigne du rock sombre de ses débuts pour tendre vers un son plus lumineux, mêlant acoustique et samples lancinants. La Russie est le fil rouge de l’album : y es-tu vraiment allé ? Non ! J’ai commencé à écrire cet album en 2005, après une rupture sentimentale. Nous rêvions d’aller en Russie, c’est le voyage que nous n’avons jamais fait. J’ai choisi d’en faire le thème principal par nostalgie, mais aussi pour prendre un nouveau départ. Mais il y a d’autres voyages sur ce disque ; Ca tourne, écrit à Veracruz, fait référence au mouvement des pales des ventilateurs là-bas… Le son de l’album est très travaillé. Comment as-tu conçu les morceaux ? Certains sont nés en quelques heures. Mais je les bidouille ensuite pendant des jours sur mon ordinateur. Je rajoute des sons, en enlève jusqu’à ce que cela me convienne. J’ai des milliers d’enregistrements en stock : des boucles de guitare, basse ou clavier que je joue moi-même. Mais aussi des bruits extérieurs, comme ces sons bruts ressemblant à des percus… En fait, ce sont des bouteilles de gaz frappées par des artistes de rue au Chili. A quoi ressemblent tes titres sur scène ? Ils sont très différents. Comme je ne peux pas retrouver toutes les subtilités travaillées sur l’album, j’ai pris le parti d’en jouer une version à la guitare acoustique. Je fais également tourner quelques samples et Olivier Merlet joue du violon à mes côtés. Pour compléter, je projette des images derrière nous, un mix de vieux Super 8 et de vidéos tournées pour l’occasion. L’idée est que le voyage soit aussi visuel que sonore. Aena Léo 7

Elle avait déjà fait parler d’elle il y a trois ans avec La tortue, premier album hybride remarquable et remarqué, nourri aux bricolages électroniques et aux cordes frénétiques et aériennes. Etyl a aujourd’hui évolué vers une musique moins organique et plus chaude, distillant des atmosphères entre jazz et pop aux nuances un peu moins sombres, sans perdre pour autant une évidente cohérence avec les compositions de ses débuts. Une couleur musicale à plusieurs teintes unies par la voix d’Eglantine, limpide et parfaitement maîtrisée, qui magnifient des textes soignés et sensibles. Toujours porté sur les relations humaines comme son prédécesseur, Les souris s’ouvre sur Noël et démonte l’hypocrisie qui entoure cette fête en s’en prenant aux liens familiaux, rappelant le film La bûche et un certain cinéma français qui inspire beaucoup la demoiselle. Les chansons s’enchaînent et balaient le large spectre des émotions personnelles, du mal-être existentiel (J’me fais mal) aux amours contrariées (Le sillon) en passant par les blessures du passé (Sao song), sans être nécessairement autobiographiques: “J’aime raconter la vie d’autres personnes, histoires réelles ou non, pour exprimer ce que je peux ressentir. Ca me permet de planquer pudiquement le privé dans mes textes, je ne sais pas écrire des chansons réalistes.” Des mots simples, mais chargés de sens permettant plusieurs lectures, délicatement posés sur des compositions rayonnantes de noirceur et de lyrisme, Eglantine peaufine son style et explore d’autres voies : si elle écrit, compose, réalise et interprète sous l’identité d’Etyl, la belle assouvie sa passion pour l’électro dans des projets parallèles qui pourraient bientôt faire parler d’eux. Yann Guillou



Maho

ON Y CROIT

Maya Barsony

Caroline Dall’o

“Les heures de raison” Matamore / Abeille Musique www.soyuncaballo.com Aurélie participait au groupe pop francophone Melon Galia, actif sur la scène belge début 2000 : “Pour certains, la musique est resté un divertissement. Pour d’autres, comme moi, il était temps d’assumer ses choix de vie.” Thomas était batteur chez Venus : “Je suis parti après le premier album car on prenait trop conscience de ce que l’on faisait.” Ensemble, ils créent Soy Un Caballo, projet folk minimaliste : “Dans la mythologie celte, le cheval représente le passeur entre la vie et la mort. Sur le plan personnel, on voyait la vie de nos parents qui commençaient à vieillir. Pour nous, c’était la fin de l’adolescence, le début de l’âge adulte. Ce cheval représente le passage entre ces deux états.” Ce premier album a été réalisé par Sean O’Hagan des High Llamas : “C’est enrichissant de travailler avec quelqu’un de culture extérieure. Parfois, il me demandait : Aurélie, si on coupe cette phrase pour le rythme, les paroles ont-elles encore un sens ?” Thomas ajoute : “Même si je compose et qu’Aurélie écrit, le regard de l’autre est très important dans le processus de création.” Thomas est aussi batteur occasionnel pour Bonnie “Prince” Billy. Il invite son ami à chanter sur le disque dans un français impeccable : “Sa mère est prof de français… Il me faisait écouter dans sa voiture des trucs qui me faisait vomir, en me disant d’oublier les arrangements, de n’écouter que les mélodies.” L’album Les heures de raison”, frais comme la rosée du plat pays, débarque enfin chez nous après l’Espagne et l’Angleterre. Et la scène belge ? “On est heureux du succès des Girls in Hawaii : ce sont des êtres humains épatants.” On en dira autant de cet enthousiasmant duo. Ludochem

Robert Gil

Soy Un Caballo

Chemempa “Mollo sur le destroy” - Koud’ju myspace.com/chemempa Le combo seine-et-marnais, aux chansons festives débridées et décomplexées, a bien avancé depuis sa création en 2004. Pour les Chemempa, complices et soudés, la musique est une priorité ; ils sont déterminés à en faire leur métier. Ils franchissent une à une les étapes et voient, cette année, se concrétiser d’importants projets : sortie de leur premier album (douze titres positifs et ensoleillés), formation du Coach (conseil et accompagnement d’artistes), grande tournée estivale… Nyko (chant, percussions), Fabrice (trombone, chœurs), Yohanna (flûte, chœurs), Guillaume (guitare), Cyril (batterie) et Nico (basse) forment la fine équipe. Avant un concert énergique, chaleureux, à la bonne humeur contagieuse, petit topo sur leur parcours et les structures qui les aident à se développer : “L’association Koud’ju nous soutient depuis le début, pour le booking, la trésorerie, la logistique… Nous travaillons “en famille”. En 2005, le Pince Oreilles (réseau musiques actuelles du 77) nous a donné une expérience de partenariat très réussie sur son dispositif de développement “La Pépinière”. Nous avons beaucoup tourné après, car nous sommes avant tout un groupe de scène. Là, on a eu la chance d’être pris sur le Coach (dans le cadre du PAP : Projet Artiste Parrainé) grâce à File 7 (équipement culturel dédié aux musiques actuelles) où nous allons entamer une formation scénique pointue et prometteuse. Puis il y aura trois jours de résidence pour peaufiner nos nombreux concerts à venir. Nous bénéficions aussi d’un perfectionnement sur nos instruments, les arrangements, la voix… Nous avons encore du chemin à parcourir, mais nous restons très optimistes. Nous nous donnons le temps et les moyens de le faire.”

Elsa Songis

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“Femme d’extérieur” - RCA www.mayabarsony.com Après Nadj, Mell, Mademoiselle K et Adrienne Pauly, il faudra désormais compter sur Maya Barsony dans l’équipe de France féminine ! Chanteuse, toaster (sous le nom de Sista Maya dans les sound-systems en 2002), actrice (elle pousse la chansonnette dans La Môme), Barsony sort aujourd’hui son troisième album, Femme d’extérieur, où se marient ses différentes affinités rock, reggae et pop : “Je suis partie à Londres il y a quelques années. J’avais des chansons, mais je ne trouvais pas le style musical qui me convenait. Quand je suis rentrée, on était en pleine période Vincent Delerm et mes chansons très électro n’ont pas trouvé leur place. Et puis j’ai rencontré Maxime Garoute et Johan Dalgaard. Ensemble, nous avons trouvé la bonne couleur musicale.” C’est donc accompagnée de ces deux musiciens que Maya compose et enregistre ce nouvel album. Puis des collaborations s’ajoutent à l’aventure : Matthieu Chédid, MaJiKer (acolyte de Camille), Thierry Stremler, Brigitte Fontaine (pour le duo La beuglante)… Des rencontres dues au hasard, à l’amitié… et à la famille aussi. Car si Barsony est la demi-sœur d’Arthur H, elle est aussi la fille du peintre Piotr, avec qui elle co-signe un texte : “Depuis mes 5 ans, j’écris avec lui. On avait fait les textes de mon premier album à quatre mains. Il n’y a vraiment aucune gêne, il sait qui je suis et ce que je veux dire”, répond-elle lorsqu’on lui demande si son approche très directe des choses du sexe ne surprend pas la figure paternelle. Que ce soit dans ses textes ou sur scène, Barsony est ainsi une femme entière. Habillée en kick-boxeuse ou chantant sur un trapèze, son but est que les gens passent un bon moment lorsqu’ils viennent la voir en concert. Et attention, Maya est une femme qui tient ses promesses ! Caroline Dall’o



Thibaut V. the Znaybr'

ON Y CROIT

Liga Quintana

Yvan Marc “La grève” - Boxson / Universal www.myspace.com/yvanmarc Mali Serena Aurora

Les amateurs de sérénades torturées en seront pour leurs frais ! Le Grenoblois Liga Quintana fait dans l’efficacité virile, sous influences grunge et électro. Mais au copier-coller revival, le combo préfère asseoir son identité. Ainsi fait-il chanter ses gènes mi-italiens mi espagnols, qui évoquent les aînés Litfiba, Héroes del Silencio. Pas étonnant que ce mariage trouve écho dans différentes contrées : France, Espagne, Mexique, où l’album paraît. “Nous avons créé un concept sans le vouloir”, confesse Piero (chant, guitare). Les traces de flûte traversière rappellent ses années de conservatoire. Fils du technicien de La Strada, les frères Tarricone (section rythmique) ont baigné dans Litfiba, avant de céder aux sirènes électro. David, le guitariste, tire son goût de la dissonance de l’ère Sonic Youth. “Nous arrivons à combiner ce que l’on aime, dans un mélange où chacun se retrouve.” Reconnaissable entre mille, la voix gutturale de Piero sert d’ossature : “Je n’aurais pas aimé avoir la voix de tout le monde.” Et de citer des timbres atypiques qui le touchent : Arno, Eicher, Bashung. “Lorsque l’on compose, il faut que la musique serve le chant, afin de m’exprimer au maximum.” Question d’identité encore, comme ces textes en espagnol. Liga Quintana se veut sincère jusque dans ses défauts. Pour son troisième opus, ils décident avec leur réalisateur artistique, Olivier Depardon (Virago), de “laisser des imperfections afin d’insuffler de la vie.” Vie et vitalité, Liga Quintana en déploie sur scène. Look, attitudes, roulades à terre, énergie : toujours et encore ces questions d’identité. En revanche, aucune filiation déclarée avec Jesus Quintana, le champion de bowling fushia du film The big Lebowski. Et pourtant , Fiasco total, malgré son titre trompeur, a tout du strike !

D.R.

“Fiasco total” - Autoprod. / Mosaic myspace.com/ligaquintana

Maÿd Hubb “The blue train” - Greeninch Sound / Komod’O’Dragon myspace.com/maydhubb Si l’on devait définir le dub à la française, nul doute que les termes “métissé” et “voyageur” conviendraient à merveille. Loin des racines jamaïcaines, il va chercher ses influences toujours plus à l’Est. Sans copier ni répéter, Maÿd Hubb impose sa propre vision (comme le suggère son pseudonyme) en livrant en moins de 18 mois deux albums riches et soignés. Loin des penchants radicalement électro des grands frères (High Tone en tête), sa musique tire plus vers l’organique et le roots, qu’il soit reggae, hip-hop ou traditionnel, avec comme leitmotiv : le voyage, extérieur ou intérieur. “Les voyages et la musique sont deux choses très liées. Personnellement, je considère la musique comme une porte donnant sur quelque chose de très profond, qui pourrait se rapprocher de l’âme. Et cette relation intime qu’elle entretient avec notre esprit m’amène à l’envisager comme un très bon guide pour la découverte de soi. Elle est aussi un passeport universel, une façon de découvrir l’humanité par ce qu’elle a de plus précieux. Car humain et artistique sont indissociables, l’art ayant cette particularité d’agir aux antipodes de ce que nous sommes.” Une philosophie relayée dans les textes, qu’ils soient chantés, rappés ou samplés. “Chanter induit un certain dépassement de soi et une communication plus directe avec les gens, j’y accorde donc beaucoup d’importance.” Son deuxième album, The blue train, nous emmène donc pour un tour du monde en 17 escales, pour revenir au point de départ, son studio de la campagne dijonnaise. “Je n’ai malheureusement pas eu la chance de voyager dans tous les pays qui m’ont inspiré ce disque. Dans ce cas, le voyage ne fut qu’intérieur, bien que je pense aussi avoir choisi ce concept dans ce but : voir le monde en l’imaginant !” Embarquement immédiat ! Rafael Aragon

Bruno Aubin 11

Si vous aimez la voix de Mathias Malzieu quand il croone et crâne, gonflé par une vitalité à se déboîter les chevilles, si vous êtes touché par les mélodies de Mickey 3D, savamment simples, et si vous pensez que chanter est un moyen de résister à la médiocrité du monde, alors, ne soyez pas intimidés par la pochette sinistre du nouvel album d’Yvan Marc, et écoutez-le attentivement. Onze titres pour saisir les consciences en douceur, onze Provinciales, onze chansons pour la route. Avec en prime, une reprise de La bicyclette, immortalisée par Montand. “On a commencé à enregistrer en juillet 2006, sans avoir fait de répétitions. Avant d’entrer en studio, je n’avais pas filé les compos à mes acolytes. Je voulais privilégier la fraîcheur, que l’album ne soit pas trop sophistiqué.” Guitare, basse, batterie, agrémentées par quelques notes de banjo ou d’orgue, égaient les paroles graves et subtiles sur la surdité du monde. Et si hurler (avec les loups) n’était pas la bonne méthode ? “J’aime bien l’idée qu’une chanson soit engagée sans dénoncer brutalement les choses. Je ne suis pas dans le frontal. J’aime enrober le message, emprunter des chemins détournés.” Yvan Marc signe aussi deux chansons à rebrousse-poil de l’époque : La grève (qui quand elle frappe les transports en commun, est une formidable excuse pour passer du bon temps avec l’être aimé) et un hymne à la lenteur : Les escargots. “Cette chanson a une histoire toute bête : j’étais dans mon jardin, j’observais les escargots et je me suis dit que j’étais chanceux puisque je pouvais prendre le temps, m’extraire des impératifs de la société et regarder l’herbe pousser. Il faudrait que l’on prenne plus le temps de s’arrêter. C’est le seul moyen d’avoir de l’audace et de faire face à tous nos problèmes.” Sylvain Dépée


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NICOLAS JULES

GABLÉ

Robert Gil

Pierre Wetzel

ON Y TIENT

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n croyait l’excentricité pop réservée aux seuls Anglais. C’était sans compter sur des presque voisins qui en des temps éloignés auraient été leurs concitoyens : les Normands de Gablé. Sorti d’ailleurs sur un label d’outre-Manche, leur nouvel opus saute du coq à l’âne, et nous de joie. Noone knows why donne le ton en entame. Son folk minimal libère soudain la tension et s’achève en fanfare post-apocalyptique. Mathieu (guitare / chant) commente : “J’ai un coup de foudre pour la tension et la menace. Quelques grains de poudre de noirceur teintent certains morceaux.” Thomas (batterie) précise : “Dans la vie, la joie fait souvent place à la souffrance ou au malheur. Il me semble important que notre musique reflète cette caractéristique. Penser différemment me semblerait manichéen.” Ella (à la gloire de la Fitzgerald ?) enchaîne par un sample jazzy New Orleans (on en retrouvera d’autres sur le disque), et se découvre comptine champêtre. Les Beach Boys période Pet sounds ou Smiley smile auraient aussi souri sur Hawaï. Les illuminations successives de Gablé rappellent encore celles des joyeux Beta Band. Le divertissement anticonformiste serait le leitmotiv, Mathieu ? “Etonnamment, je crois que ce qui peut être perçu comme “divertissant” dans cette musique, ce sont des choses que j’ai faites d’abord pour m’amuser moi.” Gaëlle (synthé / chant) acquiesce : “Etymologiquement, “divertir” signifie détourner des choses essentielles : la maladie, la faim, la survie de l’espèce, la mort… Chaque fois que j’aurai l’occasion de me divertir, je la saisirai. Je ne m’entends généralement pas avec les gens qui pensent différemment.” Alors le cheap lo-fi : une arme ou une nécessité ? Selon Gaëlle, “nos vies sont cheap, nos vies sont lo-fi. Ceux qui pensent le contraire se font berner. On vit pour une durée indéterminée, à la merci de la maladie, de la tristesse, de la solitude, avec la mort comme seule issue. Nous souhaitons être sincères et honnêtes.” Lucide, mais aussi poète, Mathieu compare l’univers Gablé à la vie d’un torrent, se voyant bien brindille “qui dévale la pente à toute allure, se coince dans une nasse, se libère, percute un rocher, se colle aux écailles d’un saumon, remonte ainsi un instant la rivière puis redescend encore.”

N

icolas Jules a cette désinvolture artificielle qui caractérise les vrais maniaques de la perfection qui ne se voient pas : “Je déteste répéter, je ne répète jamais. Mais après un concert, je me le repasse dans la tête pour voir si j’aurais dû me tourner à droite ou pas à tel ou tel moment. Je cherche la fluidité et l’impression de naturel et ça suppose de ne jamais se laisser aller.” Tout est contrôlé, tout doit tourner comme une mécanique de précision où le moindre geste compte dans l’œuvre finale. Cela devient une chorégraphie chantée, une pièce mise en musique où “c’est le mouvement qui importe. La technique musicale, ça ne m’intéresse pas.” Et de fait, en quinze ans de carrière, Nicolas a affiné ses prestations scéniques, devenant une référence en la matière, sans pour autant avoir figé son style : “Ca se construit tout au long de la vie. Mais j’ai toujours l’angoisse que les gens zappent, passent à autre chose. Je doute énormément.” Cette scrupuleuse auto-construction d’un personnage qui lui ressemble tout en étant un autre l’a longtemps éloigné des studios. Son premier album, Le cœur sur la table, il ne le grave qu’au bout de douze ans de concerts et il reconnaît : “Pendant longtemps, j’ai négligé les disques.” D’où la satisfaction de voir enfin arriver Powète, son troisième opus, un travail enfin achevé. Des mélodies toujours minimalistes et comme l’impression de retrouver l’univers décalé qu’il a bâti sur scène. “Cet album, il se retrouve en harmonie avec ce que je suis aujourd’hui. Avant, je mettais des choses écrites il y a dix ans. Plus maintenant.” D’où ce mélange distancié entre choses graves et une légèreté qui peut être la pudeur de celui qui “ne veut pas avoir l’air d’y toucher mais qui y touche quand même.” Le titre résume cette barrière qu’il place entre lui et le sérieux : “C’est de la dérision par rapport à une tendance actuelle où tout devient “poésie”. Même le foot, c’est de la poésie. Dès qu’un chanteur fait des images, on le dit poète. Moi, j’assume faire de la chanson, ce n’est pas dévalorisant… On assume les choses à fond ou alors on ne les fait pas. Je préfère me planter plutôt que faire quelque chose de timide.” Jean Luc Eluard “Powète” - L’Autre Distribution www.nicolasjules.com

Vincent Michaud - “Seven guitars with a cloud of milk” - Loaf - gable1.free.fr 13


PONI HOAX

Robert Gil

ON Y TIENT

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andysme incandescent, électro sautillante et new wave éméchée… Le deuxième opus du quinquet parisien confirme que le rock peut encore surprendre le dancefloor, et inversement. Rencontre avec le crooner trash Nicolas Ker et le soundwriter destroy Laurent Bardainne. Qu’est-ce qui a évolué avec ce deuxième album ? NK : Nous avions une volonté pop. Un “Poni Hoax for sale” avec une collection de singles, juste pour le fun ! LB : Le leitmotiv était la danse, même si Nico déteste danser. Quelque chose qui tienne la route, à côté d’un batteur qui joue avec Rokia Traoré ou d’un guitariste qui voulait de la noise. Finalement, en écoutant les Daft, je me suis rendu compte que l’on pouvait faire une musique subtile et danser dessus sans complexe. C’est devenu une évidence et il ne nous a fallu que trois répétitions pour rentrer en studio. D’où vient l’idée du personnage de Sigrid (album Images of Sigrid) ? NK : C’est une nana, que nous croisions dans les expos. De là est venu l’idée d’un leitmotiv sur la surconsommation de la culture et de la communication. LB : De manière symbolique, Sigrid est venue faire les chœurs sur un de nos morceaux. Nous voulions parler de la solitude des gens dans les grandes villes et Nico était célibataire à l’époque… On a tous une obligation de bonheur et une addiction aux moyens de communication, style E-mails et SMS. A New York, je me suis senti seul au monde… NK : C’est dingue ! Pour qu’ils se parlent, il faut une interface entre les individus. Le besoin d’un objet transitionnel. Je pense que les gens devraient pousser le trip à donner des noms d’animaux à leurs objets. (Rires) Vous avez besoin d’une thématique par album ? NK : Ca permet d’ouvrir les vannes. Il n’y a pas de libertés sans contraintes. Les textes à thèse, j’essaie de les ouvrir à l’interprétation, de la même manière que Lynch a un rituel strict et se laisse porter par l’inconscient collectif. C’est le ressenti personnel qui décide ensuite du traitement. Le matériau de base n’existe pas. Seul l’esthétisme est maîtrisé. Le temps est linéaire. Tout a toujours été écrit. On ressasse les mêmes thèmes et la nouveauté est une illusion progressiste… Le prochain sera sur la guerre. Samuel Degasne “Images of Sigrid” - Tiger Sushi www.ponihoax.com

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MAS-K-GAZ

D.R.

ON Y TIENT

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n masque à gaz pour emblème, ou comment scander une philosophie du quotidien. Celle de “ne pas se laisser polluer”, de constamment se protéger “contre les pollutions sonores, intellectuelles, la pub… tout ce qui nous agresse.” Adeline (pianiste, danseuse, chanteuse…) et aLb (scratcheur, acteur…) forment un duo d’activistes rigolos. De leur rencontre, en 2003, naît un premier projet, To Start from Scratch (Partir de rien), qui va leur permettre de toucher à la scène, travailler leur teinte sonore, chercher leur identité, jusqu’à ce que MaS-K-GaZ voit le jour, en 2006. Sous couvert d’un hip hop électro à texte, frais et dansant, les deux zigotos ne gardent pas leurs langues dans la poche, épicent leurs paroles d’une ironie grinçante. Chez MaS-K-GaZ, tout se dévoile “dans le contraste et la double lecture.” Il s’agit de dresser “un constat sans être amer, et même de savoir en rire.” Leur idée sur l’art n’est pas différente, convaincus “que l’artiste peut être un passeur de sens et qu’il est important d’aborder des sujets politiques ou sociaux en essayant d’en montrer les mécanismes.” Les deux protagonistes portent un concept ambitieux, soit “aboutir à une forme d’art totale.” Rodés aux arts scéniques, et particulièrement au théâtre, il ont le déclic au moment de se confronter à la musique : “Elle permet de mettre en œuvre toutes les formes d’arts associées au théâtre : le graphisme, la danse, la poésie, la scénographie… mais avec beaucoup plus de légèreté et de liberté. (…) Elle permet de glisser vers des choses plus émotionnelles, et son auditoire est plus varié.” Cette volonté d’ouverture et de partage se confirme dans le choix instrumental, à savoir l’utilisation du scratch. Un outil aussi expérimental qu’il est “le dernier instrument populaire inventé par l’humanité !” La suite du programme naviguera davantage entre trip-hop et abstract hip hop, jouera sur scène avec la vidéo… Adeline et aLb cherchent à créer des environnements aux chansons. En somme, faire plonger le public tête la première dans leur poésie. On se porte cobaye. Marion Lecointre “Comptines pour le temps présent” Reshape Music - maskgaz.free.fr 15


KALY LIVE DUB

Jif

ON Y TIENT

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ù en est la scène dub hexagonale ? Telle est la question légitime que les aficionados sont en droit de se poser depuis quelques temps. Alors que Zenzile explore désormais le versant rock du genre, qu’EZ3kiel prolonge ses investigations musicales d’orfèvre et que High Tone ne cache plus son penchant indus, quid de la tradition frenchy qui fit tant d’émules à la fin des années 90 ? Quelques éléments de réponse se trouvent dans le dernier album de Kaly Live Dub, Fragments, sorti au printemps. En onze titres, les Lyonnais réussissent à synthétiser ce qui a fait le succès du genre (musique live puissante aux effets pléthoriques et à l’assise rythmique typique) et une approche personnelle : “Nous avons travaillé différemment de nos habitudes sur ce disque. Nous avons eu du temps pour penser l’album, chose qui nous était rarement arrivée. On a fait une pré-prod, bossé les effets et les structures en ateliers pour aboutir vraiment à ce que l’on voulait. Et puis pour la première fois, une personne extérieure est venue apporter son regard sur la production artistique du disque” explique Mathieu, le batteur. “Fred Norguet - producteur habituellement associé à des groupes rock, ndlr - nous a permis de nous conforter dans cette nouvelle approche, plus ouverte sur d’autres cultures et donc sur d’autres types de samples.” Ainsi les Lyonnais ont injecté de nouvelles teintes à leur dub : jazz, films 50’s… “On voulait une nouvelle atmosphère, éviter à tout prix de se répéter car cela fait quinze ans que l’on joue ensemble et c’est toujours un risque”, conclut Uzul, “machiniste” en chef. Le quintette est ainsi reparti à l’assaut de la scène muni de cette nouvelle orientation, mais toujours dans l’esprit dub et bien décidé à satisfaire son public : “Nous avons composé Fragments dans l’optique de le jouer en live. Du coup, il y a ce côté organique qui est présent tout au long de l’album et qui s’intensifie en concert.” Au-delà de la tournée actuelle, Kaly nous confie réfléchir à un maxi à sortir dans les prochains mois : “On aimerait bien collaborer avec une diva d’opéra ou un groupe indien ! Ce qui est sûr, c’est que nous continuerons à aller dans le sens de la mixité.” Caroline Dall’o “Fragments” - Pias www.kalylivedub.com

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PAGANELLA

Yannick Ribeaut

ON Y TIENT

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près J’ai pas vu la nuit passer, sorti en autoproduction au printemps 2007, puis en licence chez Jackslams en octobre de la même année ; après une tournée qui a non seulement permis de resserrer les rangs, de progresser comme il se doit, mais aussi de tester quelques nouveaux titres (fort bien accueillis d’ailleurs), Paganella nous prépare un futur plus qu’alléchant ! En effet, le désir et l’envie évidente de s’épanouir en tant que groupe sont palpables : “On travaille dans la continuité, on a besoin et envie d’affirmer encore plus les choses. Que ce soit au niveau de la composition des mélodies ou des arrangements, on travaille toujours dans une optique de jeu à quatre.” Et quand on leur demande comment ils comptent procéder pour l’enregistrement des douze titres récemment écrits, la réponse est limpide : “Comme on écrit dans l’idée du son du groupe, on aimerait enregistrer en live, tous ensemble et en même temps, comme ce fut le cas pour l’album précédent.” La direction artistique semble donc toute trouvée, même si le combo reste ouvert côté réalisation : “Si on rencontre la bonne personne, on est preneur d’idées nouvelles pour un éclairage pertinent de notre univers.” Revenons à leur univers justement. Le quatuor a pour habitude de développer - en français s’il vous plaît - des thématiques plutôt intelligentes et pertinentes : “On travaille les paradoxes : l’apparence contre le moi profond, le mouvement et le progrès contre l’immobilisme, ou encore l’évolution des relations humaines, ce qu’il peut y avoir dans la tête des femmes.” Bref, de quoi enfoncer le clou de leur singularité au milieu du non-sens qui caractérise trop souvent le paysage musical rock d’aujourd’hui. Les quatre protagonistes de Paganella continuent de vivre leur passion, avant tout à travers la scène, mais surtout à travers une proposition forte et authentique. De quoi intéresser les férus de musique et qui sait (c’est tout le bien qu’on leur souhaite), attirer les oreilles mainstream ; car oui, Paganella est un bon groupe et oui, il peut plaire au plus grand nombre, ce qui, soyons honnêtes, n’est pas évident à notre époque. A suivre, en concert pas loin de chez vous, en attendant la galette. Miam ! PP www.paganella.org 17


PRIX OLIVIER CHAPPE 2008

LA TOUR PREND L’AIR

D.R.

Caroline Dall’o

INITIATIVES

A

u lendemain d’une année difficile pour l’ensemble des festivals de musique, et de l’événementiel culturel en général, l’année 2008 est un nouveau défi pour les organisateurs, majoritairement associatifs, qui doivent rééquilibrer leurs comptes pour pérenniser leurs actions. Aux prémisses de l’été, La Tour Prend l’Air, festival yvelinois (Voisins-le-Bretonneux) tenait sa neuvième édition les 30 et 31 mai dernier. Avec une belle affiche éclectique réunissant artistes internationaux (Macka B, DJ Vadim, Susheela Raman, Omar Perry, McAnuff) et nationaux (EZ3kiel, High Tone, Kaly Live Dub, Bumcello), cette manifestation à taille humaine synthétise bien les problématiques du secteur : programmation, financement et fréquentation. Yohan Stévenin, président de l’association organisatrice (Kontshasso), nous parle de son fonctionnement… Quel est, pour vous, le bilan 2007 ? “L’an dernier, comme tous les festivals, on a un peu souffert. Pourtant, on avait une prod de qualité et on a atteint un record d’affluence, mais ça n’a pas été suffisant. On a pu compenser avec les autres activités de l’asso.” Concrètement, comment est financé un tel événement ? “On reçoit une subvention de la ville ainsi que du Conseil Général des Yvelines, mais pas de subvention de la région. Ce financement permet de payer environ 35% des deux jours de festival. Les 65% restant sont du financement autonome, via d’autres projets, d’autres concerts. Notre festival coûte en moyenne 150 000 euros.” Et quand on demande à Yohan s’il a constaté un changement politique depuis que le festival existe, il répond : “On regrette qu’il n’y ait pas d’engagement de l’Etat. L’investissement est léger par rapport aux nombreuses possibilités de développement, mais on est heureux de rester une belle vitrine culturelle.” Avec pour activités connexes des studios de répétition et d’enregistrement, ainsi que l’accompagnement de groupes locaux par le biais de concerts organisés tout au long de l’année, Kontshasso, à l’instar de beaucoup de structures, demeure dans un équilibre économique difficile. Mais dans un pays où les manifestations culturelles sont produites à 90% par des associations, espérons que l’Etat ne se désengagera pas davantage pour que nous puissions toujours profiter de la belle offre qui est la nôtre en France.

D

éjà deux ans que notre confrère et ami Olivier Chappe nous a quitté, emporté par un cancer malin. En 2007, sa famille et ses proches ont créé une association dont le but est de prolonger le travail d’Olivier : mettre en lumière des auteurs compositeurs interprètes chantant en français, qu’ils soient chanson, rock, pop ou autre. L’an passé, le premier prix a été décerné à Alexandre Varlet. Il a accompagné l’association pendant un an et a joué à titre bénévole dans l’amphithéâtre de l’Institut Curie à Paris. Ce concert acoustique de toute beauté a permis de récolter plus de 2500 euros pour la recherche contre le sarcome. Oui, au regard des sommes récoltées par le Téléthon, ce n’est pas grandchose, mais c’est toujours mieux que de ne rien faire, et il faut un début à tout ! En 2008, la deuxième édition du POC prend de l’ampleur : après un appel à candidature fructueux (84 auteurs, groupes ou artistes ont répondu présent… sans compter les retardataires !), dix candidats ont été retenus pour être présentés au jury. Il s’agit de Bo (french pop acidulée), Ed Wood Is Dead (électro hip hop malicieux et audacieux), Fantôme (pop électro), Nicolas Francart (chanson), Ignatus (pop classe), Lizzy Ling (chansons tigrées), Rodrigue (folie pas ordinaire), Mell (alternatif ), Lilly Miss (a cappella) et Syrano (slam alternatif folk). Le jury décernera son prix début juillet… Le POC veut évidemment poursuivre le lien tissé entre monde de la musique et lutte contre les cancers ; l’association Olivier Chappe “En concert contre le cancer”, en partenariat avec Auguri (ex-Olympic Tour), prépare un grand concert en septembre 2008. Ce concert présentera bien sûr le lauréat, mais comptera aussi sur la présence d’artistes confirmés. Sa mission sera de sensibiliser le public au mot même de cancer, encore largement tabou dans les familles. Et courant 2009, l’association espère mettre en place des programmes “passerelles” dans lesquels les artistes qui le souhaitent viendraient jouer dans les hôpitaux. Car si la musique adoucit les mœurs, elle aide aussi à se sentir bien. Et selon certains spécialistes, elle aiderait parfois les patients à lutter contre le crabe. Dans tous les cas, ça vaut le coup d’essayer non ? Eric Nahon myspace.com/asso_oliverchappe assoc.olivierchappe@gmail.com

Caroline Dall’o - www.festltpa.com 18


LAZY LIVE

JULIEN BASSOULS

Pierre Wetzel

Alain Dodeler

INITIATIVES

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anager, producteur, directeur de festival, fondateur de Life Live in the Bar, premier soutien de La Grande Sophie, Louise Attaque, Sanseverino, Java, La Tordue, Anaïs ou plus récemment des Sea Girls… Quoi de plus normal de voir atterrir cette hydre toujours aussi fantasque à la tête du Théâtre des 3 Baudets qui permit à Brel, Reggiani, Mouloudji, Gréco et Higelin de prendre leur envol. Avec le réseau parisien déjà existant, comment la salle va trouver sa place ? Je ne vais pas avoir l’audace de faire une vitrine gratuite comme la Fnac. A ce propos, leurs showcases semblent n’interloquer personne, pas même le Ministère et ce, malgré le principe non éthique que cela induit. Non, je veux pouvoir donner la chance à ceux qui ne l’ont pas eue comme Nicolas Jules ou Travis Bürki. Chez nous, nous avons de la place et l’on se moque qu’il existe ou non un album physique. Assurant nous-mêmes notre communication, les 3 Baudets seront comme un label, programmant du festif jusqu’au dépressif. C’est un animal de plus dans une capitale cernée par La Cigale, Le Chat Noir, Le Zèbre de Belleville ou encore La Fourmi… Sinon, nous avons un salarié dédié exclusivement à une mission de jumelage international autour de la francophonie. Et un rendez-vous à noter, notre futur festival French Kiss my Ass avec des groupes anglophones ou japonais qui chantent en Français. Yeah ! Comment s’organise ta relation avec l’artiste ? J’écoute peu les maquettes. Par contre, j’ai 3700 fiches sur tout le monde et j’ai besoin de voir 3 / 4 fois un artiste sur scène. Sur ces critères, par exemple Imbert Imbert est excellent : une gueule à la punk et une grande force émotive. Ce mec mérite trois semaines chez nous ! On trouvera les solutions financières avec lui… La municipalité m’aide à perdre de l’argent et donc à prendre des risques. (Rires) Et même si je dois couler avec, je ne démordrais pas sur certains artistes comme Lili, Thérèse ou encore Katrin’ Waldteufel. Je pourrais partir sur une île déserte avec chacune d’entre elles… La seule chose que je déteste, c’est l’humour potache. Samuel Degasne www.lestroisbaudets.com

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n terre girondine une plate-forme musicale de vente en ligne entend se différencier par son goût de la scène et son soutien aux groupes indépendants. Lazy Live reverse ainsi 70% des ventes aux artistes. Valérie Gonzales, une des ladies Lazy Live, évoque le téléchargement responsable plutôt qu’équitable, qui sous-tend un aspect caritatif : “Le côté financier n’a pas été notre première motivation. Les artistes qui vivent sur et par la scène, n’ont pas d’outil adapté sur le numérique. Il y a bien MySpace pour écouter, les webzines, blogs et sites officiels pour se présenter, mais rien pour télécharger dans un cadre légal. On ne peut pas dire que ces grandes plateformes généralistes soient des supports très adaptées aux artistes indé… Au fond d’un catalogue qui ne parle que de consommables à mettre dans un panier, difficile d’évoquer valeurs et originalité ! Nous préférons penser que les gens ne téléchargent pas toujours légalement, parce qu’il n’y a pas de plateforme adaptée. Le message que l’on fait passer, c’est : Téléchargez légalement, pour soutenir la création artistique.” Le site justifie son attachement scénique avec le Soutien Tour Lazy Live (STLL). Ce fonds, constitué par une partie des ventes, entre 0,70 et 1,40 euros selon les “scores”, subventionnera des groupes à fort potentiel. “C’était une évidence, histoire de clamer bien haut que le but, c’est de faire des concerts ! L’idée est de fonctionner en réseau, pour mettre en place un cercle vertueux et dynamiser l’ensemble de l’économie musicale. Chacun de ses acteurs peut y voir un intérêt, direct ou indirect. Cette philosophie a fait la force du projet. Mais on n’a rien inventé de révolutionnaire. Ces valeurs de solidarité ne sont ni plus ni moins que celles du réseau alternatif né dans les années 80. Nous en sommes un peu les enfants et ces valeurs sont plus que jamais d’actualité.” L’entreprise US de développement de carrière Live Nation n’a pas fait d’émules chez Lazy Live, la solidarité rentable ne se fera pas à n’importe quel prix : “Nous passons du temps avec les artistes, parce que la rencontre humaine est aussi importante que la rencontre artistique. La sincérité chez l’artiste est la base pour envisager une carrière. Pour nous aussi !” Vincent Michaud www.lazylive.com

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Maho

Jonaz Nouveau venu sur la scène alternative française, un drôle de phénomène aux mots acides et à l’humour très second degré sort son premier album Pirate libre. Ou comment mélanger rap, rock, punk, chanson française et s’en sortir haut la main !

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l est souvent bien pratique pour les journalistes d’avoir affaire à des artistes qui s’inscrivent dans un style musical bien défini, histoire de ne pas trop se prendre la tête et de coller une “étiquette” facilement. Avec Jonaz, c’est quand même pas si simple… De toute façon, il n’en veut pas. Des étiquettes j’entends, pas des journalistes. En bon pirate, il pique au rap, il vole au rock, il drague la chanson française et il saute partout en se demandant “Cékika voté Sarko” ? Alors pour la classification, on verra plus tard. Des groupes de rock alternatif, une basse en bandoulière, au rap expérimental (voire très expérimental), le Dunkerquois a pris le temps nécessaire pour trouver son identité, façonnée au gré des expériences. Si l’on pense cerner le personnage à la première écoute, la richesse de ses influences nous montre rapidement que Jonaz aime brouiller les pistes. “Je fais du rap sans rentrer dans les codes du hip hop. Mon flow et ma musique correspondent davantage aux codes du rock.” Un grand brassage, à l’image de son public, où se croisent la puissance des guitares, les rythmes électro et des textes scandés. Les textes justement, le trublion les soigne particu-

lièrement : immédiats, éloquents et plein de sens, mêlés à une ironie cinglante et un humour destroy, ils dépeignent les travers de notre société, “toutes ces choses absurdes avec lesquelles on peut rire, mais qui au fond sont très sérieuses.” Sous cette apparente impression de légèreté se cachent une lucidité et un engagement que le chanteur revendique : “La seule chose qui m’intéresse dans l’art, c’est quand il y a un message. La beauté pour la beauté, c’est de la déco. Dans ma musique, j’essaie de faire passer des choses, ou au moins exprimer mes idées. Même si je mets de la déconne dans mes textes et que je me moque de moi-même, ça ne m’empêche pas d’avoir des choses à dire.” Et de se démarquer un peu plus de l’imagerie rap : “Un des défauts du rap, c’est qu’il est souvent fait de manière moraliste. Je préfère ne pas être trop sérieux quand je parle des choses qui me mettent en colère, le message passe aussi bien, ça pousse à réfléchir.”

rejoint souvent les préoccupations communes, mais c’est en live qu’elles prennent tout leur relief. Occupant chaque centimètre de la scène et haranguant son auditoire, ce mauvais garçon de la chanson française fait preuve d’une énergie surprenante pour faire vivre ses compositions. En costume blanc, monté sur ressort et le micro à la main, il enchaîne les titres à un rythme infernal et s’en prend à la politique, à la télévision, à l’industrie de la musique… Avec beaucoup d’autodérision bien sûr, n’hésitant pas à se moquer de sa situation et à ironiser sur son statut de “première partie”.

Sorte de clown mal-aimé déguisé en pirate au flow fantaisiste, Jonaz (contraction de Joe Naze, nom qu’il portait dans un ancien groupe punk - ça résume l’humour du bonhomme !) avait intitulé son EP Personne kiffe Jonaz sauf sa daronne. Quoi qu’il dise, nous on aime quand même. Et Lio aussi, à ce qu’il paraît (écoutez l’hilarant V(end)u à Jonaz semble avoir trouvé le juste équilibre la télé) ! entre discours de fond et humour de forme, Yann Guillou un décalage contrôlé que l’on peut retrou“Pirate libre” - Neji Prod ver chez Didier Super ou Stupeflip. Ses www.personnekiffe.com chansons prennent un accent punk pour réciter une poésie trash où l’anecdotique 21


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Pierre Wetzel

Hyperclean Des effluves poétiques et surréalistes, une chanson-pop qui swingue et des concerts spectaculaires : après un frappant premier album, la joyeuse bande est de retour pour notre plus grand plaisir.

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ongueur d’Ondes s’est d’abord invité le temps d’une journée d’enregistrement du futur Tata. Rendez-vous pris devant la Mairie de Gauré, dans la campagne toulousaine. Le chanteur Frédéric Jean déboule dans sa voiture, prend soin de ne pas refiler ses microbes, et invite à le suivre sur les routes en courbe. On stoppe le moteur devant une maison basse en brique, un filet de volley-ball planté dans le jardin, canapés et hamac sur la terrasse ensoleillée. Julien (alias Momotte), le bassiste, salue d’un grand sourire sous sa grosse barbe. Dans le garage, les garçons enregistrent sous la houlette de Benjamin Glibert, grand barbu lui aussi, bourru aux cheveux longs, caché derrière l’ordi. Le batteur, Emmanuel, se sert d’une poêle pour faire un gong alors que Julien met des draps à sécher… Ils se réunissent pour tenter de mettre en boîte un morceau court aux airs de surf-music. Ils s’y reprennent à plusieurs fois, réécoutent… Pas convaincus ? “Trop pressés”, déclare Benji. “Ouais, c’est vrai, on dirait. Bon, qui a faim ?”, lance Frédéric. Autour du plat de saucisses-lentilles, le chanteur fait part de ses envies : un nouveau disque sans pression, probable sortie numérique et autoproduite, et des dates de concert. C’est avec son asso qu’il compte payer tous les musiciens qui parti-

ciperont à son album. “On est devenu un groupe amateur !” Quelques semaines plus tard, Frédéric Jean nous dévoile quelques pistes sur ses nouvelles chansons : “Le thème général de l’album est la mort au sens universitaire du terme.”

Ya : Ce morceau me plait car il me permet de faire chanter le public (c’est l’un des rares morceaux où il y a un refrain). En même temps, il est suffisamment court pour que le public n’ait pas le temps de chanter. Ca, ça me plait aussi.

Grand Tata : C’est un hymne à l’abrutissement général. A l’engouement subit pour le yéyé en 2007, cette musique de jeune bourgeois soumis au patriarcat, engouement assimilable à un désir réactionnaire dissimulé d’une jeunesse qui se raccroche à n’importe quelle valeur, du moment qu’elle les ramène à leur enfance paisible.

Chabada : C’est l’un des rares bon morceaux que j’ai écrit car je suis génial. Par contre je n’ai jamais trop su s’il était fini. (Attention, c’est subjectif ce que je dis, hein !)

Paroles : Le single de l’album donc un morceau qui ne raconte rien.

Montgolfière : J’avais envoyé la maquette de ce morceau à Bertrand Burgalat afin qu’il joue du clavier dessus. Il m’a répondu gentiment que cela lui plaisait bien et que c’était envisageable. Et que par ailleurs, il trouvait les batteries très bien. Au comble du bonheur, et envisageant que le personnage avait un certain humour, je lui ai répondu : “Ha ha ha ! Ce ne sont pas de vraies batteries, ce sont des samples, je vais le dire à tout le monde.” (sachant très bien que Bertrand n’était pas dupe et qu’il saurait apprécier là, la marque de mon humour sans limite). Depuis, plus de nouvelles…

Gainsbourg : Je ne vais pas commenter tout de même !

Béatrice Corceiro “Tata” - Autoproduit www.hyperclean.net

Des baffes : Parfois, moi aussi j’ai envie de me mettre des baffes. Oui, enfin ça dépend des périodes. Mais en même temps, c’est dur de se mettre des baffes, je ne sais pas si vous avez déjà essayé. C’est presque impossible de se mettre une bonne raclée tout seul. En même temps ce morceau me rappelle Ma rencontre de Burgalat puisqu’il commence sur la même situation.

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Etienne Audebrand

Gong Gong Créé en 2005, le duo signe sur le label F Com en avril 2006. Laughing with the moon, à l’origine autoproduit, bénéficie alors d’une distribution internationale. Mary’s spring est le deuxième volet des aventures de ces insatiables explorateurs…

L

es sympathiques et facétieux Thomas Baudriller (basse, contrebasse, claviers, programmations) et Jean-Christophe Baudouin (batterie, programmations) sont des amis de longue date, mais leur collaboration musicale sous le nom de Gong Gong ne s’est véritablement concrétisée qu’en 2005. Pour ces têtes chercheuses triturant joyeusement les sons dont ils gavent leurs machines, inventant des univers insolites, attachants et poétiques, les choses sont allées très vite. Leurs compositions, alliant musiques acoustique et électronique, et leurs prestations scéniques, réalisées avec deux vidéastes “installographes”, ont capté rapidement l’attention des professionnels, à commencer par un tourneur, Eddy (Wart). Après la parution chez F Com, en octobre 2006, d’une nouvelle version de Laughing with the moon, Thomas et JC ont, au cours de l’année 2007, partagé leur temps entre les concerts en France et à l’étranger (notamment en Pologne) et le travail sur le deuxième album : “Les meilleurs souvenirs, en terme d’accroche avec le public, c’était à Varsovie et à Gdansk. Là-bas, les gens ont faim et soif de musique !”

la maison” : “On a enregistré plus de sons par nous-mêmes, il y a moins de matières samplées. On a eu d’autres envies, comme donner de la voix, utiliser des percussions corporelles et aquatiques…” Le duo a été sélectionné par le Fair en 2008, ce qui lui a permis de recevoir des aides en termes de financement et de formation : “Cela nous donne de la crédibilité aux yeux des personnes qui nous aident à tourner à l’étranger, comme l’association Culturesfrance. Cela nous a aussi soulagés financièrement : on avait déjà le soutien de l’Olympic (Nantes) et du CNV (Centre National des Variétés) pour la création du nouveau spectacle ; le Fair a donc complété, nous donnant de l’argent pour tourner, pour investir dans du matériel. On a travaillé quinze jours en résidence au mois de janvier avec l’aide d’un scénographe, ce qui nous apporte encore plus de crédit. On a eu les moyens d’embaucher une éclairagiste, en plus de notre ingé son. C’est un support qui insuffle une dynamique à notre spectacle.”

Une nouvelle résidence de deux jours à Issy-les-Moulineaux, avec pour objectif de “renforcer le propos visuel et sonore du Mary’s spring s’est construit sur un an et projet”, sera suivie d’un concert dans le demi, selon des rendez-vous réguliers, “à cadre de la troisième édition du Cube 25

Festival, dédié aux arts numériques. La tournée en Asie (Hanoi, Bangkok, Hong Kong, Shanghai…), à l’initiative de Culturesfrance, est l’événement du mois de juin, après quoi s’enchaîneront, durant tout l’été, concerts et festivals en France, mais aussi en Allemagne, Angleterre, Algérie, Grèce… Pour les dates asiatiques, Thomas ne rêve que d’une chose : “Que le public soit aussi à fond qu’en Pologne. L’Asie nous intrigue et nous fascine. C’est presque une consécration d’aller jouer làbas.” Et JC d’ajouter : “Ce n’est pas pour rien que nous nous appelons Gong Gong… Nous aimons beaucoup Cornelius, un musicien japonais.” Et ce n’est pas fini côté projets : “Nous commençons à fouiller pour préparer le troisième album, tout en ressentant le besoin de nous nourrir d’écoutes musicales. Si on nous le proposait, nous serions très heureux de composer la bande originale d’un film. Nous rêvons de faire de la musique pour le cinéma… Mais nous sommes un groupe encore “jeune”, nous devons nous montrer patients.” Elsa Songis “Mary’s spring” - F Com / Pias gonggong.free.fr


tame calpel” - en s u a s n o s n ha en Inde k ciselé et c e concerts d e ri é Kwak - “roc s e n ur troisième 2008 par u le e e é d t rn n u e to m a e s hèv é, plages marque l’ac blic survolt u p e du Sud, qui tr n s. e mémorable t de route e s e rn u a iq C n . h m c u te alb ions es et condit paradisiaqu

e d n I n e k a Kw

pas large à dix minutes d’entrer en scène. On nous avait prévenus, le public indien ne fait pas dans la demi-mesure. Si ça ne lui plaît pas, au bout de deux morceaux tu joues devant une fosse vide. Et nous voilà, pas fiers, prêts à balancer du francophone à un public qui ne parle pas un mot de notre langue. Pour arranger le tout : l’épreuve du feu de nos nouveaux morceaux, encore jamais exécutés en public. Recueillement, concentration. “Namasté Manipal !” On donne tout ce qu’on a devant plusieurs centaines de personnes. Après le dernier morceau, la scène est envahie. On prend un pied énorme ! On retiendra l’abnégation époustouflante de Seb aux lumières qui s’est pris du 210 volt pendant une heure trente de concert, presque sans une larme.

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février 2008. Champagne ! On trinque avec les hôtesses, un énorme sourire aux lèvres. L’album est à l’usine, et le backline, finalement, tient dans la soute de l’avion. D’ici douze heures, nous serons à Bangalore, dans les effluves de crème solaire et d’anti-moustique. Dès la sortie de l’aéroport, la cacophonie des klaxons et la conduite au milieu des vaches est déroutante. Heureusement, Vidya Suresh, organisatrice de l’Alliance Française, est là pour nous guider et nous mener jusqu’à notre première destination : Manipal. C’est dans cette ville située sur la côte ouest qu’a lieu le festival France in Manipal. Le concert s’annonce très bien : une belle scène au milieu d’un campus universitaire gigantesque, et plusieurs centaines d’étudiants sont attendus. Après une baignade sous les cocotiers et une réunion technique avec le sonorisateur, un dîner chez l’Ambassadeur nous attend ! Nous qui préparions nos papilles, un rien angoissés, à la furia des épices locales, nous sommes accueillis par un chef français et sa bouillabaisse pure tradition marseillaise ! S’ensuit un bœuf improbable avec les musiciens du campus au bord de la piscine de l’hôtel. Ca gigue à l’Irlandaise, ça “rage against the machine”… Il y a de quoi se demander si on est vraiment en Inde.

Deuxième étape : direction plein sud. Un train d’un kilomètre de long nous fait longer les côtes de Malabar douze heures durant. Il fait très chaud et on voyage assis, la porte du wagon grande ouverte ; on passe littéralement sur un feu d’artifice allumé au milieu de la voie en hommage à l’une des innombrables divinités du panthéon hindou, et nous voilà arrivés à Kochin, un ancien port colonial situé dans le Kerala, au sud-ouest de l’Inde. Un peu de tourisme sur la plage de Cherai et dans les plantations de thé de Munnar, avant de préparer le concert à la Villa Veli, une résidence artistique tenue par deux Français. Pas facile pour la télé locale d’atténuer le rouge tomate qu’ont pris nos peaux de Parisiens… On a l’air moins bête devant la presse malgré notre anglais approximatif. Le concert se donne en acoustique et à la lumière des bougies, après la pièce de théâtre de nos hôtes Jean-Marie et Elena. Dans notre public, les touristes se mêlent aux Indiens et aux expatriés de toutes nationalités attirés par ces rendez-vous culturels. Dans un pays où tout s’endort

Une courte nuit plus tard, le doute est définitivement levé. On attaque les balances qui dureront pas loin de 7h. Pas moyen de trouver un seul micro batterie aux environs, on se débrouille donc avec une pléthore de micros chant et un micro d’ambiance de caméra vidéo pour faire le son. Et ça ne marche pas si mal ; Thieum, notre ingé son, est plein de ressources… On n’en mène 26


à 21h30, les gens profitent de ce lieu où l’on peut échanger véritablement et faire la fête jusqu’au petit matin. A 5h, nous voilà en route vers l’aéroport pour un retour à Bangalore. Un petit crochet par Radio Indigo, puis direction l’amphithéâtre de verdure qui accueille notre concert du soir. Pas de batterie à l’arrivée, mais on commence à comprendre qu’ici, rien ne sert de stresser, on trouve toujours une solution. Dix minutes avant le début du concert, le klaxon d’un rickshaw (mobylette carrossée à trois roues qui sert de taxi) annonce l’arrivée du matos. On balance devant un public plus que clairsemé, nos angoisses du premier concert repointent le bout de leur nez. Deux groupes assurent une première partie metal à souhait et c’est plus de mille personnes qui nous accueillent lorsque l’on monte sur scène. Un régal ! Colliers de fleurs, invasion de scène (bis), service d’ordre qui abandonne tout espoir… Que du bonheur. Sauf peut-être pour le matériel… Notre dernière représentation a lieu dans la salle de spectacle de l’Alliance Française où nous reçoit Nino Ciccarone, le directeur. Et le concert se passe comme par chez nous… on trouve même des loges et de la bière dedans ! Le public est au rendez-vous. On a comme un pincement au cœur en remerciant tous ceux qui nous ont reçus. Demain, nous rentrons à Paris… Il nous a fallu décliner les dates que l’on nous proposait sur Delhi. On a un album à porter et un nouveau spectacle à travailler. Nous voilà sur les toits de notre maison d’hôte à jouer tout doux pour ne pas réveiller les voisins. Pour la première fois, on a droit à une berceuse en Hindi accompagné par un violon qui nous a rejoint. Avant de se coucher, on pense à mettre un pull dans nos bagages à main. On reviendra, forcément. www.kwak.fr 27


Michel Pinault

“C’est dur à l’extérieur, mais quand tu l’ouvres, c’est succulent et moelleux…”

Bumcello LE GROOVE SOLAIRE

toujours cette dynamique rock et des sons électro. Cela vous paraît fouillis ? Ca ne devrait pas. Lychee Queen est le disque le plus solaire et le plus cohérent de Bumcello. Sur la pochette : une ravissante jeune femme avec une perruque afro rose. Si l’on y regarde de plus près, on se rend compte que la perruque est en fait un litchi. “J’aime ce fruit. C’est dur à l’extérieur, mais quand tu l’ouvres, c’est succulent et moelleux, le geste est presque sexuel, décrypte Cyril Atef dans un grand sourire. Vincent l’a associé à Queen, et voilà !”

Alerte ! Le duo sensationnel Atef / Segal frappe encore très fort. Bumcello revient sous des couleurs soul et funky. Leur Lychee Queen est acidulée et juteuse. Slurp !!!

Ainsi naissent les mythes… Le percussionniste frugivore chante également sur plusieurs morceaux et il prévient dans Bakin’ in the sun : “Bumcello’s ready to have fun”. Et de fait, ce disque est beaucoup plus joyeux et plus lumineux que son prédécesseur Animal sophistiqué : “Nous voulions faire un album assez soul et plus doux, explique le groupe. Les sonorités west coast viennent du fait que nous avons des attaches à L.A. On y a enregistré et mixé. L’album est un mélange d’énergie parisienne et de sons californiens.” Le pote Tommy Jordan chante sur le premier morceau et ça sonne un peu comme du Shuggie Otis… Le genre de titre que l’on aurait envie d’entendre en boucle sur Radio Nova. On entend aussi les rappeurs de Blackalicious ou Chocolate Genius. Mais ce n’est pas un disque hip-hop. Pour preuve le génialoïde Eurostar, chanté par le brillant Magik Malik qui délaisse sa clarinette pour l’occasion. Malik grimpe dans les aigus, se prenant pour un dieu du glam-rock ; cette voix haut perchée contraste avec un texte tranchant est engagé. C’est le poétique Vincent Ségal qui est sorti de son habituelle réserve artistique pour écrire ce brûlot inspiré par les sans-papiers qui squattent les abords du tunnel sous la Manche. Ce titre enthousiasmant est l’un des sommets excentriques de l’album. Dans le titre funk No enemies, Chocolate Genius insère des sons tirés des émeutes de Los Angeles… Chez Bumcello, on oscille toujours entre le politique et le poétique.

“G

roove (n.m.) : En anglais, signifie “sillon”. Le verbe “to groove” peut se traduire par s’amuser, s’éclater. Dans la musique populaire, le terme groove s’applique en premier au rythme, un terme utilisé en référence à la mesure et l’embellissement des sections rythmiques. En d’autres termes, le groove est une sensation et une dynamique spécifique appliquées à un motif rythmique régulier.” Pourquoi commencer un article par cette définition tirée de Wikipédia ? Pas pour jouer aux rockologues érudits, mais parce que l’essence de Bumcello, c’est exactement ça : un groove, une alchimie bien particulière que l’on reconnaît à la première pulsation. Sur ce canevas, Cyril Atef et Vincent Segal tissent et brodent leurs motifs s’inspirant de sons d’orient, d’occident et de plus loin encore si ça les chante. Mais on retrouve toujours dans leur musique aventureuse cette délicieuse petite sensation, aussi excitante que… hum, que vous savez quoi. Avec Bumcello, c’est un peu comme si c’était toujours la première fois, mais en meilleur ! Pour le sixième volet de leurs aventures (troisième album studio), le batteur qui tape sur tout ce qui ne bouge pas et le violoncelliste électrique, ont convoqué un son “west coast” aux confluents de la soul, du hip hop et du jazz, avec 28


Pierre Wetzel

Segal et Atef construisent un univers inspiré à la fois de la théorie du Big Bang et des trous noirs : toujours en expansion et avalant tout ce qui tourne autour. Sur Assiko mintana, le duo joue avec Mama Ohanja : “Il nous a beaucoup appris sur le bikousti, un des nombreux styles du Cameroun. C’est de la pure transe !” Cyril s’excite sur ses percussions pendant que Vincent joue de son violoncelle électrique comme d’une basse. Le premier venant du punk et le second du classique, leurs caractères radicalement différents fusionnent sur chaque morceau pour engendrer une musique qui ne reconnaît aucune frontière (sauf celle du bon goût). “Des fois, on casse le groove pour entrer sur un terrain très expérimental, surtout en live”, analyse Cyril. Le laboratoire expérimental des musiciens n’est pas fait pour les pédants ou les analystes. Si ces professeurs nimbus cherchent l’accident, c’est avant tout pour amener du fun à l’auditeur. Du chaos naît le beau. Sur scène, Bumcello improvise et ne joue quasiment jamais ses compositions. Le duo n’a même plus besoin de se regarder pour se comprendre, tout se fait à l’écoute… On se sait jamais ce que l’on va écouter et les musiciens savent à peine ce qu’ils vont jouer. On sait juste que l’on va prendre un pied monstrueux à vibrer au gré de leurs élucubrations musicales. Aucun concert ne ressemble à un autre. Et sur Lychee Queen, Bumcello renoue parfois avec cette heureuse habitude scénique. Sur Hey hey hey hey hey, Vincent Segal commence par une pièce contemporaine jusqu’à ce qu’Atef rentre dans le morceau avec un bon beat funky : “Nous avons repéré quelques lignes mélodiques qui nous plaisaient en concert pour construire un morceau qui montre ce que l’on fait en live.” Bilan des courses ? Ca finit en samba expérimentale ! Toute règle ayant son exception, le prochain événement live de Bumcello aura lieu le 11 septembre à la Grande Halle de la Villette, à Paris. Le groupe sera sur scène entouré des musiciens présents sur l’album et, fait ô combien historique, jouera ses morceaux tels quels, en compagnie de Tommy Jordan ou Chocolate Genius. On peut leur faire confiance pour nous réserver cependant quelques surprises assorties d’improvisations géniales. On ira avec eux non pas croquer la pomme, mais laper ce délicieux litchi… Eric Nahon “Lychee Queen” - Tôt ou Tard - www.bumcello.com 29


AU CŒUR DU MYTHE

Christophe

Nicolas Messyasz

C’est une légende vivante qui revient au premier plan. Il aura fallu sept ans de réflexion à ce passionné pour qu’il nous livre Aimer ce que nous sommes, un disque forcément pas comme les autres. Rencontre avec Christophe dans ses quartiers de printemps, à Ramatuelle.

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comme un “Français moyen”. Non, il roule en Ferrari ou en Lamborghini, vit à 200 à l’heure, vend des millions de disques jusqu’en 69. Et… plus rien. Il reviendra en 1972 pour entrer dans le club très fermé des chanteurs à moustache. Francis Dreyfus, son éditeur d’alors, lui présente Jean-Michel Jarre. Ensemble, ils écrivent deux albums : Les paradis perdus et Les mots bleus. C’est Jarre qui écrit les textes (eh oui…) et Christophe qui nappe ses mélodies pointues de synthés vertigineux : premier comeback et nouveau carton. Les disques rock, pop, électro ou variét’ s’enchaînent sans concession jusqu’en 1983 avec le tube Succès fou et l’album de reprises Clichés d’amour. Blanc, à nouveau. On dit que Christophe est devenu boulimique de cinéma, qu’il est devenu jockey, peintre, qu’il est fini… Lui dit simplement : “Je me suis lassé. J’ai fait d’autres choses. J’ai vécu. En fait, j’attendais que la technologie évolue pour enregistrer les musiques et les sons que j’avais en tête.” Il prouve qu’il a raison en 1996. Mais Bevilacqua n’intéresse pas grand monde, même pas Sony, sa maison de disques du moment. En 2001, c’est une autre histoire. Le miraculeux Comm’ si la Terre penchait sort chez AZ. Ses ambiances crépusculaires collent parfaitement à l’ambiance d’un début de siècle chaotique. Les esthètes ont retrouvé leur prophète.

U

n type qui refuse le journal de 20h pour recevoir Longueur d’Ondes ne peut pas être foncièrement mauvais. Ni complètement normal. Alors ni une ni deux, on saute dans un taxi, puis un avion, puis une voiture de location… Direction ? St Tropez ! Lieu : un hôtel de luxe, près de Ramatuelle. Rendez-vous ? 21h. Client : Christophe, le chanteur. Parce que depuis quelques années, quand on dit “Christophe”, vos interlocuteurs répondent : “La tortue ?” ou “Christophe Maé ?”… Non, “Christophe, le chanteur” comme le dit si bien Daniel Filippacchi en lisant le générique de fin d’Aimez ce que nous sommes. Tout est dit avec cette apposition. Le mythe reprend sa place dans le Panthéon en publiant un chef-d’œuvre pop, une comédie humaine et musicale que l’on ne voudrait surtout pas faire passer pour un bête “disque”. Prévu pour la rentrée 2007, ce onzième album sortira finalement le 30 juin 2008, sept ans après l’ineffable Comm’si la Terre penchait. Rewind. Par où commencer ? L’été 65 ? Pourquoi pas ? La France roucoule en écoutant Aline et rêve… de Marionnettes. Déjà, à l’époque des yé-yé, Daniel Bevilacqua, bien plus connu sous le nom de Christophe, détonnait dans le paysage. Une voix atypique et un peu haut perchée, une attitude “méchamment rock’n’roll” et une passion pour les voitures de course le rendaient bien différent de Sheila ou Richard Anthony. Lui, ne s’est jamais revendiqué

Sept ans plus tard donc, Monsieur Bévilacqua nous invite à St Tropez et nous accueille à la terrasse du Benkiraï, un hôtel chic qui fait penser à un petit coin de Thaïlande en plein cœur du Var. Son enregistrement marathon, commencé en 2005, s’est terminé par un sprint. Les trois derniers morceaux (et les voix) ont été terminés en 72 heures non-stop. La perfection a un prix qui s’appelle l’épuisement. Christophe est ici pour se reposer avant la sortie du disque (le 30 juin) et pour prendre un peu de distance aussi. Les interviews sont triées sur le volet pour éviter la cohue. Mais à peine arrivé, le mythe paraît en pleine forme et volubile. Cool. Il s’inquiète : “Avez-vous eu l’album masterisé ?” Ca fait bizarre de voir cet homme qui vit la nuit en plein jour. Toujours dandy, même en vacances, il porte une veste noire doublée de satin violet, un pantalon en cuir noir avec ses légendaires bottes, ce qui contraste avec ses longs cheveux blonds-blancs. Une pochette noire à motifs léopard complète la tenue. Evidemment, il arbore ses moustaches finement taillées et sa paire de lunettes noires qui dissimule ses nuits blanches et ses yeux clairs. Christophe a conçu Aimer ce que nous sommes comme une comédie musicale ou comme un long-métrage. Ca commence par Wow wow wow wow, une introduction qui défile en cinémascope avec un son à se damner. On y reconnaît tout de suite la voix énamourée d’Isabelle Adjani qui évoque, dans un souffle, des tourbillons affolants. A l’autre bout de l’œuvre, le générique de fin, on l’a dit, porte la signature vocale de Daniel Filipacchi, fondateur de la presse moderne et ami du chanteur. Entre les deux, on 31


“Je ne fais que jouir de la musique. Après, ce sont des collages…”

Nicolas Messyasz

découvre 82 minutes épiques, tragiques, polaires, symphoniques, pop et renversantes. Parfois, on entend des corbeaux coasser dans la nuit juste avant que Christophe ne chante simplement : “Personne ne prend jamais plus la place de personne (…) Et si le temps m’offrait l’aumône de lui-même, je l’utiliserais (…) à aimer ce que tu es / à aimer ce que je suis / En somme, aimer ce que nous sommes”. Et là, c’est un moment d’intense bonheur qui rappelle les envolées trip-hop d’Archive, Massive Attack ou Björk. Ce morceau s’appelle Mal comme et c’est un des sommets de l’album. Ca s’écoute fort. C’est bouleversant. Et l’on ne vous parlera pas de l’ébouriffant Parle-lui de moi ni de son piano qui monte en colimaçon jusqu’au paradis…

“Certains titres sont dans la continuité de ce que j’ai fait avant, comme T’aimer foll’ment ou Mal comme, mais d’autres sont plutôt comme des tableaux… Odore di femina, c’est un peu comme du Basquiat. Ce n’est pas du tout expérimental. C’est au contraire très primaire. Ce sont des morceaux qui sont ancrés en moi, mais que je n’avais pas encore projetés.” Ces parties musicales (Panorama de Berlin, Odore di femina ou Stand 14) sont à la fois d’une complexité folle et d’une simplicité désarmante. Odore et sa voix fantomatique convoquent à la fois une chorale flamenca, une électro puissante et des synthés stratosphériques. On change tout simplement de dimension. Il est également impossible 32

de passer sous silence Tonight tonight, un tube pop synthétique et ironique calibré pour faire onduler les corps des filles. On en tombe à la renverse. Tellier peut aller se rhabiller… Christophe joue sur les synergies avec les cordes, rebondit sur un rythme, s’amuse en contrastant les climats. “Et ensuite, les mots viennent du hasard.”

Christophe porte ses chansons en lui pendant longtemps, certaines depuis plus de vingt ans. Il les joue dans son home-studio tous les soirs au milieu de la nuit. Jusqu’à ce qu’il attrape la bonne prise. Celle qui colle à son état d’esprit, celle qui est “exactement” ce qu’il veut. Oui, cela peut prendre du temps, au grand dam de sa maison de disques qui attend patiemment que son prodige daigne rendre sa copie. “Je m’améliore dans mon éthique. Je commence seulement à bien me connaître. Ce n’est ni à 30 ni à 40 ans que l’on se connaît. J’aime ce que j’ai fait avant, même s’il y a un côté extrême entre la jouissance et la peur. Là, musicalement, je m’affine encore.” Et, plus il avance dans sa discographie, plus il devient intransigeant. D’ailleurs, il a failli faire arrêter la fabrication du disque car il n’était finalement pas satisfait d’une version d’un morceau ! Moralité, il en fait un remix qui révèle une facette plus puissante. Fascinant : sa musique, jamais figée, attrape consciemment les émotions qui sont dans l’air et devient la tendance. Pour canaliser ces émotions accidentelles, il dit ne pas travailler : “Je ne fais que jouir


de la musique. Après, ce sont des collages… Tout ça prend du temps car je veux faire de belles pièces. Et pour ça, il faut un beau matériel.” Alors, aucun son, aucun collaborateur n’est là par hasard : “Il y a surtout un casting de qualité. C’est comme un cocktail ; tout est affaire de dosage. On a un son dans la tête, mais il faut différents éléments pour y aboutir. C’est la même chose avec les gens. C’est ce qui fait la différence. Je suis vraiment heureux d’avoir eu des mecs comme Moraito Chico, Carmine Appice, Debi Doss ou Deodato.” Tous sont des pointures de dimension internationale. Eumir Deodato a fait les arrangements de corde d’Homogenic de Björk, Carmine Appice était le batteur de Vanilla Fudge - un précurseur du psyché américain -, Moraito remplit les salles avec sa guitare flamenca et Debi Doss, aujourd’hui photographe de rock ultra réputée, faisait “ho wo ho” dans le tube Video killed the radio star… Et puis il y a Christophe Van Huffel, le guitariste de Tanger, qui a coréalisé Aimer ce que nous sommes : “C’est mon double, je ne saurais pas quoi dire d’autre. Quand je lui donne un fichier à traiter, il le travaille exactement comme je l’aurais fait. On a vécu de grands moments de musique.” Christophe cours après l’absolu, l’amour éternel, la nuit hédoniste sans fin. Tout ce qui nourrit sa vie peut se retrouver, d’une manière ou d’une autre, dans ses chansons. Tout ce qui nourrit sa vie devient donc… une œuvre d’art. Et puisqu’on parle de se nourrir, si on allait dîner ? Le chef, Oth Sombath, fusionne la cuisine royale Thaï avec des saveurs du monde entier. Et comme Christophe aime tout ce qui est bon et en avance sur son temps, nous avons droit à une entrée qui n’est pas sur la carte et qui ne sera présentée au public que l’année prochaine. Tout est normal… Nous dînons dans un 4 étoiles entre Ramatuelle et St Trop’ avec l’un des personnages les plus excentriques du monde libre. Nous n’allions pas boire de l’eau plate (même si celle-ci, commandée en Norvège, semble aussi pure que du cristal…) ! Le vin est un grand cru classé. Tout va bien. “Encore une semaine ici et je suis au top, s’exclame-t-il. Je serai parfaitement requinqué.” Heu, on peut rester ? Il y a chez Christophe une fragilité qui tranche avec ses albums des années 70. Comme si l’ancien pilote de course n’était plus aussi sûr de lui. Sa voix s’imprègne des fêlures du temps, laissant apparaître les blessures de l’âme. A chaque fois qu’il revient, il casse la baraque. Pourtant, à chaque fois aussi, il apparaît encore plus fragile qu’avant. Et plus éblouissant aussi. Une question brûle nos lèvres : pourquoi cet album a-t-il été aussi dur à finir ? Les premières sessions datent tout de même de 2005… “C’est un disque qui a été fait dans le temps. J’ai laissé beaucoup d’espace. Et c’est bien, dans ce genre de créations-là, car on se rend compte que si les morceaux résistent à cette durée, ils deviennent intemporels.” Christophe prévoit évidemment des concerts : “La scène, ça me rend malade, mais c’est une thérapie, comme si j’allais chez le médecin.” En 2002, il a bouleversé l’Olympia avec son groupe… Il compte bien rééditer l’exploit en 2009 et donner des concerts avec tous ceux qui ont participé au disque. Cela promet d’être grandiose. Pour le moment, encore un peu perché sur Pluton, Christophe va revenir sur Terre comme la comète de Halley. Toutes les caméras vont être braquées sur lui. On le verra chez Claire Chazal, Taddéi ou Denisot… On peut encore compter sur lui pour n’en faire qu’à sa tête et nous embarquer dans une promenade surréaliste et stellaire. Car finalement, si son orbite croise la nôtre, ce n’est pas à cause de la gravité terrestre, c’est parce qu’il consent à nous offrir quelques poussières d’étoiles… Eric Nahon “Aimer ce que nous sommes” - AZ 33


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LA BOMBE

Raphaël Lugassy

H

Le poète à la Le voix de vieux briscard s’est réinventé. Il revient avec L’homme du monde, son septième album studio. Le plus cash, dansant et lumineux de sa carrière. 35


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l nous avait prévenu sur Adieu tristesse, son disque précédent : l’angoisse, c’est fini. Le musicien allait sortir pour de bon de l’onirisme doux-amer et des introspections bouleversantes qui caractérisaient ses mélodies de bourlingueur. Au revoir H hanté, bonjour H heureux. C’est donc aussi curieux que fébrile que nous avons glissé L’homme du monde, son nouveau disque, dans la platine. Fallait-il s’attendre à une pop épicée, des rythmes survitaminés et des paroles fun ? Mieux que tout ça ! Higelin fils n’a pas lâché son imaginaire merveilleux, il l’a dopé au groove des guitares. Ses personnages sont toujours aussi barrés, mais ils ont mangé du lion. Sa poésie, elle, s’est enrichie en se tournant vers l’époque. H, homme nouveau.

Je veux qu’il pète les plombs sur scène, qu’il parle de sexe, de poésie, de politique, et qu’il sauve les spectateurs en les embarquant dans sa danse…” Après six albums studio et vingt ans de carrière, le quadragénaire a en effet décidé de changer radicalement son regard sur la vie. “C’était une question de survie spirituelle, explique-t-il. J’étais très introverti et je retournais ma colère contre moi. J’essaie désormais de la partager, notamment sur scène, pour la transformer en énergie positive.” Il s’est également lancé dans des “défis” qu’il n’avait jamais osés avant : conduire, jouer de la guitare, danser… “J’ai découvert qu’apprendre est l’une des choses les plus drôles qui soit.” Pour mieux quitter ses terres obscures et faire danser les foules, il a enfilé la veste à paillettes d’un show-man qui se déchaîne. Sous les spotlight, exactement : “Je suis désormais condamné à garder un caillot de musique lumineuse qui irradie mon cerveau”, dit Arthur en souriant. C’est d’ailleurs sous le soleil que cet album est né : “Je suis parti en Grèce pour un stage de danse avec un vieux Philippin de New York.” Ca ne s’in36


Raphaël Lugassy

vente pas ! Avant de partir, il achète une guitare et apprend à gratter quelques notes du dernier album de Gnarls Barkley, qu’il écoute en boucle. Il s’installe sur la plage et écrit les paroles de L’abondance, titre qui ouvre l’album, puis une dizaine de chansons. “Si un guitariste s’amuse à jouer l’album, il verra que je l’ai entièrement construit avec les seuls cinq ou six accords que je connais !” Une petite révolution pour le musicien qui a composé tous ses autres disques au piano. Côté son, ça change tout : “Les morceaux qui sortent d’une guitare sont plus directs et simples. Lors de la tournée précédente, on avait une énergie rock, mais on était bloqué par la forme sophistiquée des mélodies écrites au clavier. C’était frustrant.” De retour à Paris, il soumet ses nouvelles chansons à Nicolas Repac, qui l’accompagne à la guitare depuis des années. Avec Patrick Goraguer à la batterie, Mike Clinton à la basse et quelques autres, ils travaillent les bases rythmiques en studio. Puis Arthur s’envole vers le Canada pour enregistrer les voix avec Jean Massicotte,

qui avait déjà réalisé Adieu tristesse. Ensemble, ils fignolent les morceaux pendant un mois et demi. Pour leur donner un coup de pouce, Massicotte appelle l’un de ses amis, François Lalonde, l’ingénieur son personnel de… Céline Dion : “J’ai enregistré ma voix avec le même micro qu’elle !” Dans le studio parisien où nous le rencontrons, Arthur part d’un grand fou rire : “Ecoutez l’album, vous remarquerez tout de suite que j’essaie de chanter comme Céline !” Sur deux ou trois titres, il va en effet chatouiller les aigus d’une façon qui déroute à la première écoute, puis finalement séduit. H s’amuse ! Ses nouveaux morceaux, il les a d’ailleurs conçus pour que ceux qui les écoutent s’amusent aussi. “Mon désir le plus intime est d’avoir fait un disque pour danser et faire l’amour”, confie-t-il. Divin programme. Et tous les ingrédients sont là pour qu’il se réalise. D’abord, avec une base groove puissante qu’il est allée chercher du côté du son US : “J’ai adoré certains morceaux du dernier Justin Timberlake, produit par Timbaland. Ils ont une couleur que j’avais envie de travailler.” Cette rythmique groovy, il l’a teintée d’une énergie rock parfumée 37


Raphaël Lugassy

Les Duos Ephémères Après Vincent Segal, l’Auditorium du Louvre a demandé à Arthur H d’orchestrer la nouvelle saison des Duos Ephémères, concerts mixant son et images d’archive. “J’ai choisi des groupes avec qui je partage le même penchant cinématographique et je leur ai suggéré des thèmes”, explique H. Rubin Steiner, musicien et producteur habitué de ce type de prestations, a ouvert le bal le 25 janvier. Avec son Neue Band, il a illustré un montage trépidant de vielles bandes intitulé Le baron noir, en référence à l’une des chansons d’Arthur. L’énergie électrorock du groupe a fait de cette création une œuvre poétique et moderne jamais contemplative. Changement d’ambiance un mois tard quand le Ukulélé Club de Paris a investi l’auditorium pour présenter son Jardin des délices. Au programme, un documentaire et deux dessins animés des années 30 d’inspiration Tex Avery. La bande son fut assurée par le 38

Ukulélé Club, dont Joseph Racaille, arrangeur réputé, est membre. C’est grâce à ce dernier qu’Arthur H et Thomas Fersen utilisent cet instrument sur scène. En compagnie de ses musiciens, il a revisité le folklore hawaïen en le teintant de pop moderne. Le 21 mars, c’est Nicolas Repac, le guitariste d’H, qui est monté sur scène accompagné d’un bassiste et d’un batteur. Les films muets du début du XXème siècle, projetés en même temps sur un grand écran ont pris alors une troisième dimension sonore, toute en nuances et émotions. En avril, Khalid K et David Walters, experts en l’art du bricolage et de la percu vocale ou instrumentale, ont pris la relève. Ils ont offerts aux courtsmétrages de la cinémathèque française, une BO ludique articulée autour de la danse. Le cycle s’est achevé le 30 mai avec Arthur H lui-même, accompagné entre autres de Thomas Bloch pour un délire expérimental et sensible.


au funk, disco-punk et R’n’B. Parfois, ça sonne même seventies. “Pas par nostalgie, explique Arthur. Les années 70 avaient une folle énergie créative, les musiciens prenaient une liberté dingue avec les formes tout en gardant une énergie brute et populaire. Un esprit que j’aimerais retrouver.” Voilà qui explique les bouffées délirantes qui s’emparent de certains titres, comme celui où un H halluciné hurle : “I want to dance with Madonna !” N’y voyez pourtant pas de référence à la reine de la pop : “Je parle plutôt de la vierge Marie, la vraie Madone. Pourquoi ne devrait-on pas avoir envie de danser avec elle ?” A vrai dire, on ne s’était jamais posé la question ! Mais on remarque que le musicien reprend ici sa formule fétiche : chaque titre correspond à un personnage-univers. Mon nom est Kevin B, sorte de R’n’B sociétal choyé par les boucles arabisantes de Repac, parle de l’ascension d’une jeune racaille. Cosmonaute père & fils, titre le plus pinkfloydien et psychédélique du disque, évoque ses relations avec son père. Il reprend également certains personnages d’Adieu tristesse, marquant ainsi une véritable continuité narrative entre les deux albums. On retrouve par exemple la délicieuse Lady of Shanghai ; abandonnée par son amant, elle s’est retirée dans les montagnes chinoises pour récupérer. Son come-back est explosif : groove bluesy à damner sa mère, rock sale et rythmes frappés bruts. Yeah Lady ! Les textes, en revanche, s’éloignent de ceux des précédents disques. Le musicien-poète a quitté les rivages de la chanson onirique pour s’ancrer dans l’époque. On retrouve même deux slo-

“Ecoutez l’album, vous remarquerez tout de suite que j’essaie de chanter comme Céline !” gans de l’UMP dans ses chansons : “Ensemble, tout est possible” et “Pour gagner plus, il faut travailler plus”. Pourquoi ce choix ? “A cause de l’ère Sarkozy. Elle a un côté romanesque très inspirant pour les artistes, même si elle manque complètement d’humour et de pertinence, explique-t-il. Je n’ai pas envie de me positionner politiquement, mais plutôt de me moquer de tout ça.” On ne peut s’empêcher de sourire en écoutant les aventures de Kevin B, le petit malfrat draguant des vieilles. Ou celles du “Bizness man”, qui promet toutes les richesses du monde à sa bombe de fiancée. Avant d’ajouter : “Mais ce n’est pas si facile, il y a l’appartement, encore 25 ans…” Pour accompagner le disque, Arthur H a demandé à son ami Joseph Cahill, jeune réalisateur américain, de tourner un film de 25 minutes, offert avec les 10 000 premiers albums vendus (également disponible sur Daily Motion). Il explique l’histoire de l’homme du monde, personnage central de l’album : son père est Jack, le cosmonaute en quête de la vibration universelle. Sa mère est la Lady of Shanghai, que Jack séduit lors d’un passage sur terre… Le tout est monté sur une série d’images dignes de l’imaginaire déluré d’un Gondry. On y voit H maquillé en femme, chevauchant des éléphants roses ou s’envoyant en l’air, au propre comme au figuré : “Cette folie, j’ai envie qu’on la retrouve dans mes concerts, pendant ma tournée d’octobre. Ce sera un show pop art où je serais un personnage : H Man. Je veux qu’il pète les plombs sur scène, qu’il parle de sexe, de poésie, de politique, et qu’il sauve les spectateurs en les embarquant dans sa danse…” H Man, super héros ? Aena Léo “L’homme du monde” - Polydor www.arthurh.net 39


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Live Nation… UN LOUP DANS LA BERGERIE ? Madonna, U2, Jay-Z… Tous ont cédé l’ensemble de leurs droits (tournées et futurs enregistrements) à l’organisateur de concerts américain pour une durée de dix ans en signant un contrat, dit “à 360 degrés”. Car si le disque est en crise, les concerts génèrent toujours autant de profits. Mais qui est ce nouveau géant international qui squatte toutes les conversations ? Et doit-on s’en méfier ? Explications…

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asée à Beverly Hills, en Californie, et créée en 2005 d’une scission de Clear Channel Communications, Live Nation (LYV) est la première société mondiale de spectacles sur scène. A sa tête : Michael Rapino, possédant les prestigieux contrats de Barbara Streisand, Joe Cocker, George Michael, Coldplay, ou encore Van Halen. La multinationale possède un chiffre d’affaire de 3,7 milliards de dollars, emploie 4400 salariés et s’adresse à plus de 60 millions de spectateurs chaque année. C’est actuellement l’un des plus importants producteurs de concerts au monde et la deuxième entreprise de gestion de salles (Fillmore Auditorium de San Francisco, Wembley Arena à Londres, Nikon Theater à Jones Beach). Et si l’on parle autant de Live Nation aujourd’hui, c’est en raison de la future concurrence que cela pourrait induire en France sur le marché des festivals. En gérant la carrière des artistes à 360 degrés, la société produit ainsi les futurs albums de son catalogue en se substituant aux labels, organise les concerts, la billetterie (grâce à Eventim), les produits dérivés et les contrats publicitaires qui en découlent. C’est donc toute la chaîne, de l’artiste au spectateur qui est maîtrisée. En Europe, ce sont trois festivals belges (Rock Werchter, TW Classic, I Love Techno), le plus gros organisateur de spectacles espagnol (Gamerco) et le rachat en France de Jackie Lombard Productions (Rolling Stones, Depeche Mode, Ricky Martin) qui lui assurent une assise sans précédent. Dernier en date : le Main Square Festival

d’Arras. L’organisatrice, France Leduc, a signé un partenariat avec Herman Schueremans, fondateur de Rock Werchter et pilier de Live Nation Europe. Résultats ?

Des exclusivités avec notamment Metallica et les Chemical Brothers face au festival des Eurockéennes de Belfort, actuellement en proie aux sueurs froides. Devant cette surenchère et ces exclusivités, beaucoup de festivals cèdent à une politique inflationniste pour tenter d’attirer plus de têtes d’affiches. Selon La République du Centre, La Route du Rock a dû casser sa tirelire pour obtenir les Smashing Pumkins en 2007, soit 45% de

CE QU’ILS EN DISENT…

son budget de programmation et l’actuel montant de leur déficit (soit 120 000 euros). L’auditeur dépensant moins pour l’achat de produits musicaux, un report du budget s’exerce ainsi sur le spectacle. Les artistes le savent et font gonfler les prix, comme par exemple Radiohead qui se produit pour environ 400 000 euros alors qu’un groupe international moyen culminait à 80 000 euros il y a deux ans. Rentabilisé par l’ensemble de sa tournée et les retombées annexes, Live Nation tire son épingle du jeu en réduisant ses coûts et en exerçant une sorte de “commerce équitable libéral” que seuls les Ogres de Barback arrivaient à reproduire dans le milieu indépendant. Mais à bien y regarder en France, le problème semble surtout inquiéter les festivals de plus de 40 000 spectateurs et les cinq à sept tourneurs qui font de l’international. Certains de ces tourneurs ont d’ailleurs déjà la main sur des salles ou des festivals… Quant aux petits tourneurs français, ils ne sont pas inquiétés directement, vu que Live Nation ne fait pas dans le développement d’artistes. Alors, réelle menace ou peur de l’hégémonie américaine ? Fait à noter : la filiale française possède une boîte postale sans numéro de téléphone d’où un coursier achemine tous les jours le courrier vers des bureaux dont l’adresse “doit rester confidentielle”. On croit naviguer dans un mauvais pastiche de Michael Moore… Samuel Degasne

Thomas Sandoval

Tourneur - Biche Prod - myspace.com/bicheprod Que pensez-vous du principe d’achat proposé par Live Nation ? La musique, au lieu d’être une proposition d’artistes devient une réponse à des besoins ou des intérêts d’autres acteurs (les intermédiaires divers et variés, la presse, les annonceurs, le public…). D’où la reformation ou le maintien en vie d’artistes dinosaures.

Producteur - Osorno Records - myspace.com/osornorecords Que pensez-vous des contrats “à 360 degrés” ? C’est un modèle qui concerne surtout les projets déjà développés et matures, assurant une assise et un impact certain par des moyens d’exposition et de diffusions importants. Mais bien que la révolution numérique permette de “sauter des étapes”, le défrichage nécessite encore des facteurs humains et de proximité qu’une structure comme Live Nation peut difficilement proposer. Cela passe par les réseaux locaux, régionaux et nationaux : MJC, tourneurs, bars, tremplins, radios, SMAC…

Est-ce symbolique d’un changement de moeurs ? Cette mutation correspond à un mouvement de concentration de l’industrie du spectacle qui espère ainsi préserver ses intérêts menacés par Internet. Les ventes de disques devenant secondaires, il leur faut trouver d’autres revenus.

Qu’est-ce qui explique cette mutation ? C’est une course à la maîtrise des contenus par les différents acteurs de la filière. En tout cas d’un certain changement de regard sur le business de la musique et, par la globalisation, une remise en cause des métiers connexes.

Sommes-nous menacés ? Sont concernés, au premier chef, les gros tourneurs français, car même s’ils se drapent d’un passé d’indé, ils génèrent de l’argent et sont eux même passés dans une démarche “à la Live Nation” : production de concerts, voire de festivals… Il faut être lucide, Biche Prod ne boxe pas dans la même catégorie. Nous ne travaillons qu’avec des artistes émergents dont Live Nation ne soupçonne même pas l’existence. Par contre, nous ne pouvons fonctionner que grâce à un réseau de salles et de festivals (associatifs, subventionnés ou non). Et c’est dans ce réseau que certains osent encore programmer des groupes émergents. S’ils pâtissent du rouleau compresseur Live Nation, par ricochet, Biche Prod en pâtira aussi.

Quelles répercussions cela peut-il avoir ? Le nombre de manifestations et de spectateurs n’est pas extensible à l’infini. Rien ne dit que ces nouvelles pratiques vont assurer une croissance en volume du spectacle vivant. Il y aura un écrémage, sorte de concurrence locale et déloyale, une hausse des prix induite par cet oligopole. Ensuite, si les possibilités d’étapes intermédiaires entre les premiers concerts locaux et les tournées de Zénith se réduisent en nombre, on en réduit aussi indirectement le nombre de projets développés. Pour l’instant, le travail local est préservé, car il ne possède pas le même public, mais les deux sont liés par les premières parties à assurer. Il faut que les acteurs locaux gardent leur audace.

Manu Legrand

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UN K COMME KEBEC

La Sopref

Michel Pinault

J’AI 10 ANS !

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elon son créateur Jean-Robert Bisaillon, la Sopref (Société pour la promotion de la relève musicale de l’espace francophone) s’imposait. L’association québécoise est née de la démocratisation de la production sonore et de l’éclatement des genres, qui préfiguraient déjà en 1998 la vague qui frappe aujourd’hui l’industrie de la musique de plein fouet. Connue de plusieurs acteurs français pour le meilleur ou le pire (la structure n’a jamais eu la survie économique facile), la Sopref se serait largement inspirée du mouvement associatif musical français pour mettre sur pied ses services. Elle s’est vite imposée comme fer de lance de l’autoproduction : formations, médiathèque, accompagnement, publications, compilations, recensement discographique ou encore distribution de disques collective s’appuyant sur le modèle économique du tiers secteur. Un incubateur industriel. Sa branche, Local Distribution, a lancé quelques 1000 albums entre 2001 et 2007, au nombre desquels figurent les Québécois Malajube, Trois Accords, Dobacaracol, Champion, Omnikrom, ou encore Thomas Hellman, les Français High Tone, Les Ogres de Barback et Billy Ze Kick. Sans compter le fait que l’autoproduction, qui est devenue avec le temps une voie essentielle dans le développement de nouvelles carrières musicales, était perçue comme une menace pour une industrie établie qui déjà avait peine à trouver de nouvelles avenues. La Sopref est une structure à but non lucratif qui voit artistes, labels, tourneurs, associations, acteurs des nouvelles technologies de l’information siéger aux instances décisionnelles de la boîte. Le personnel a essaimé et on retrouve aujourd’hui David Laferrière à la barre d’une importante salle de diffusion et Cynthia Bellemare, figure emblématique, au Conseil des Arts de Montréal. Son nouveau directeur se nomme Martin Giroux et son actuel responsable des services aux membres Sébastien Croteau. Désormais ce ne sont plus 300 projets l’an qui paraissent au Québec, mais bien le double par le biais d’Internet. Ces artistes émergents incarnent le devenir des musiques populaires et ont toujours besoin d’un point de ralliement ! Robert Singerman www.sopref.org

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UN K COMME KEBEC

Numéro#

Michel Pinault

GARE AUX STÉRÉOTYPES

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i Numéro# était une personne, elle serait cynique, flashy et dotée d’un gros ego. Heureusement, il n’en est rien des deux artistes sympathiques et fort lucides derrière ce groupe dance-pop qui a fait fureur au Québec avant même la sortie de son premier album, L’idéologie des stars, en 2006. C’est ce CD très dansant, rempli de tubes simples et savamment construits pour hanter celui qui les entend (ne serait-ce qu’une fois !), qui paraît en France cet été. Un recueil de pièces accrocheuses auxquelles les paroles, que l’on dit inspirées de Guy Debord, ajoutent un humour second degré. On y écorche les artistes, la bourgeoisie, les journalistes… Le chanteur du groupe, Jérôme Rocipon, un Bordelais expatrié depuis cinq ans au Québec, reçoit L.O. dans son appartement montréalais, en compagnie de son acolyte Pierre Crube, le platiniste à qui l’on doit la saveur bonbon de l’album. En deux ans, il s’en est passé des choses pour le duo, qui s’est fait connaître par MySpace, avant que le tube Chewing-gum fraise ne soit adopté par les radios commerciales : “Durant les deux dernières années, nous avons surtout travaillé l’aspect live. Tout s’est passé tellement vite au début ! Nous avions des spectacles prévus et juste trois ou quatre pièces”, raconte Pierre. “Et nous étions nuls sur scène!”, d’ajouter Jérôme, autocritique, qui explique l’apprentissage qu’ils ont dû faire. “Live, Numéro# ressemble plus à du club. Nous ne sommes que deux sur scène : Pierre est le DJ et moi je suis MC, un peu à la manière des concerts de rap. C’est une formule très mobile qui fonctionne vraiment et permet beaucoup d’interaction avec le public. On fait dans le bling-bling très lo-fi !” Depuis 2006, les pièces de l’album ont beaucoup changé et on les devine prêts à passer à autre chose : “Nous préparons un album de transition pour cet automne, avec des pièces originales et des remix, pour conclure notre périple L’idéologie des stars. Ensuite nous proposerons un nouveau disque qui risque d’adopter des styles musicaux tout à fait différents”, révèle Pierre, qui oeuvrait autrefois dans le domaine de l’électro expérimentale. Plusieurs surprises, dont d’intéressantes collaborations, sont prévues pour bientôt. Marie-Hélène Mello “L’idéologie des stars” - Saboteur www.jaimenumero.com 43


Serge Beyer

PLANETE

MAD IN LONDON !!!

Sparks Ce qu’ils ont fait, aucune bête au monde ne l’avait fait ! Les géniaux frères Mael, viennent d’enchaîner 21 nuits à Londres pour jouer leurs 21 albums à la file, soit un par soir… Rencontre.

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ondres, mai 2008. Les Sparks passent au Carling Academy, quartier Islington, Angel Station. La salle contient 900 spectateurs compressés. Certains soirs, moins. Cependant, chaque nuit, le public (plutôt jeune, d’ailleurs, et de toutes nationalités) connaît chaque note par cœur, chaque pont musical, l’ordre des titres, et il se mute en un immense chœur enthousiaste. Ca tourne vite au délire ; l’osmose est palpable. Tout le monde est heureux, fait partie de la même famille, se sourit, complice, frères et sœurs sans mot dire, des “sparks” dans les yeux ! Le groupe, lui, est impeccable ; la voix nickel, les musiciens rock béton, ou pop and dance quand il faut. De vrais mutants. Mais comment fait donc Russel pour chanter encore si haut sans problème ? Comment Ron peut-il rester toujours aussi impassible en recréant ses sons délirants sur son synthé ? Et comment les jeunes musiciens qui les accompagnent ont-ils fait pour apprendre 21 albums si compliqués, et cela pour ne les jouer qu’une seule fois dans leur vie ? Ce groupe est totalement et définitivement barjo !

COMMENT VOUS EST VENUE CETTE IDÉE DES 21 NUITS POUR 21 ALBUMS ? C’est de plus en plus difficile pour nous d’attirer l’attention et de susciter une nouvelle écoute. Tout le monde nous dit : “Vous avez un passé tellement important, tellement d’albums…” Justement, 44


PLANETE

looks et Get in the swing avec les instruments employés dans l’enregistrement original, nous avions donc quelques craintes. On n’avait jamais fait ça ! Nous l’avons créé sur ordinateur seulement. Le but n’a jamais été de le faire en format groupe. Donc utiliser d’autres instruments pour le faire, c’était un peu l’inconnu, mais sur le plan musical, c’était un vrai challenge, car il est très varié et compliqué. C’était donc un peu… effrayant. Mais LA chose qui rend l’ensemble incroyable, c’est la fantastique réaction du public. Et ça, ça justifie la préparation de cet événement, les quatre mois de répétitions… Les voir chanter avec nous, ça vaut bien ce travail. POURQUOI AVOIR CHOISI LONDRES ? Cela nous a semblé naturel ; pour la sortie de Kimono my house (1974), nous sommes venus en Grande-Bretagne, et c’est le premier endroit où l’on à été adopté. Notre public ici est généralement le plus fidèle. Et puis, pour enchaîner 21 soirs et trouver une salle qui puisse recevoir un mois de spectacle, c’est pas évident… En somme, c’est l’endroit où ça a marché aussi bien sur le plan technique que du côté du public. Il y a des gens qui viennent aux 21 spectacles, c’est difficile à croire, mais ils mettent juste leur vie de côté pendant un mois. PARLEZ-NOUS DE VOTRE 21 ALBUM EXOTIC CREATURES OF THE DEEP… D’une certaine matière, il a la majesté qui rappelle Lil’ Beethoven (2002), mais il n’y a pas nécessairement de morceau d’introduction. L’histoire de Hello young lovers (2006) se poursuit dans ce nouvel album. Il est plus orienté chanson que les deux derniers albums. En général, c’est une direction que nous voulons suivre, essayer de pousser les choses aussi loin que possible tout en restant dans le cadre de la musique pop. Essayer d’être le plus riche possible dans ce que l’on fait tout en restant ce que nous sommes. Le plus difficile dans cet album, c’est de savoir comment le présenter sur scène ; il y a tellement de sons, de parties différentes…

LA chose que nous avons, ce sont nos vingt albums, et aussi le fait que ce que nous faisons maintenant est totalement actuel et pas du tout nostalgique ! Donc l’idée que nous avons eu pour construire l’arrivée de notre 21ème CD, c’était de parcourir entièrement notre catalogue, album par album, chanson par chanson !

ÈME

CONNAISSEZ-VOUS D’AUTRES ARTISTES AYANT FAIT CETTE DÉMARCHE ? D’autres groupes ont joué des albums entiers ou peut-être une demi-douzaine d’albums, mais je ne crois pas que l’on en ait jamais fait autant à la fois. Et pas sûr que qui que ce soit voudrait le faire d’ailleurs, parce que c’est très difficile, mais aussi parce que la plupart des groupes qui existent depuis longtemps n’ont pas de nouveaux albums aussi puissants que leurs premiers… Nous avons le sentiment que ce que nous faisons maintenant est LA DERNIÈRE FOIS QUE NOUS NOUS SOMMES RENCONTRÉS, VOUS AVIEZ UNE VISION ASSEZ NOIRE DU MONDE, ET PARTICULIÈREMENT DES ETATS-UNIS, tout aussi fort que ce que nous avons toujours fait. VOTRE PAYS (CF. LONGUEUR D’ONDES N°37). CA VA MIEUX AUJOURD’HUI OU QUELLES SENSATIONS AVEZ-VOUS EN REVISITANT VOTRE PASSÉ DE LA SORTE ? C’EST TOUJOURS LE BORDEL ? C’est un sentiment étrange, parce que bien sûr on se souvient des (Rires) Bon, ça ne c’est pas amélioré depuis que l’on s’est vu, titres que nous avons jouées en concert durant toutes ces années, même s’il y a un grain d’espoir en ce moment aux USA. Les huit mais pour la plupart des 260 chansons, nous ne nous rappelions dernières années ont été un tel cauchemar par rapport à ce que même pas les avoir écrites ! Généralement, une fois l’album enre- nous pensons que l’Amérique devrait représenter… Nous espégistré, on ne revient pas dessus, on ne l’écoute pas, sauf si on rons qu’il y aura un élan nouveau chez les jeunes, même si généjoue un titre sur scène. Du coup, c’est presque comme si l’on fai- ralement, ils ne votent pas ! Espérons qu’ils vont participer cette sait des reprises d’un autre groupe. On n’essaie pas de les actua- fois. Il y a un peu d’optimisme de ce côté-là, mais ce n’est pas liser, ni de les moderniser, on essaie juste de les jouer comme les facile parce que les cyniques sont si puissants aux US que l’on ne originales. Evidemment, la majorité d’entre elles, nous ne les peut présumer de rien. C’est peut-être donner trop de sens à la avons jamais jouées sur scène, donc ça reprend la force d’une musique que nous faisons, mais nous avons le sentiment qu’elle nouveauté. A revenir sur certains albums que nous pensions plus fait écho au chaos ambiant, où il n’y a pas de simplicité ni de faibles, comme Big beat (1976) ou Introducing Sparks (1977) et à façon rationnelle de voir les choses… Probablement qu’un peu de les jouer en répétition, nous les avons redécouverts ! Nous tout ça s’introduit dans notre musique et nos paroles, d’une sommes finalement plus anxieux à l’idée de jouer les albums les manière ou d’une autre. Beaucoup de gens nous ont dit que le moins connus, ou qui ont commercialement moins bien marché, nouvel album avait quelque chose de chaotique, beaucoup de hauts et de bas. C’est sûrement, en partie, la façon dont nous car nous devons prouver qu’ils sont malgré tout très forts ! voyons les choses en ce moment. QUEL EST L’ALBUM QUE VOUS REDOUTIEZ DE REPRENDRE ? Serge Beyer Indiscreet (1975). C’est un album très difficile. C’est d’ailleurs la allsparks.com & myspace.com/allsparks première fois que nous jouons des chansons comme Looks looks 45


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ANTON BARBEAU (with SU JORDAN) “The automatic door”

THE BREEDERS “Mountain battles”

(Shifty Disco / Volvox Music)

(4AD)

Un mi-long blond bouclé brouillon, une barbe de trois jours et de fines lunettes, le petit gars de Sacramento serait du genre déjanté, bidouilleur d’une power pop psychédélique, et plus qu’adulé dans sa contrée natale. Pourtant, l’écoute des premières pistes de ce neuvième album laisse songeur. Certes, la pop (trop) légère qui s’exprime sait se parer ici ou là de quelques accents psyché, d’intonations labellisées “Beatles”, mais rien de folichon à l’oreille. C’est finalement à la mi-parcours que le coeur, engourdis, est brutalement extirpé de sa torpeur. Les tourbillons hallucinatoires d’I’ve been craving lately en sont le summum, le tube Who’s the pony now en est le parfait résumé. Barbeau est le piquant créateur de musique barrée que l’on dit : c’est sur ses anciens disques que vous en savourerez tout le talent. antonbarbeau.com Marion Lecointre

Un album des soeurs Deal est toujours une surprise. Quatre disques en 18 ans c’est peu ! Et à vrai dire on attend plus grand chose du quatuor ex-Pixies de Boston. Bon esprit pop rock tout au plus, ce successeur de Title TK pêche par un manque cruel de mélodies et d’émotion. Et ce n’est pas la présence d’Albini aux commandes qui fera apparaître un nouveau Cannonball. Enregistré en analogique afin de garder un son chaud non influencé par la technologie ou l’époque, ce quatrième opus sans prétentions semble un peu largué. Basse crado, batterie basique et reverb cotonneuse (Night of joy), tout concorde finalement à donner une intrigante allure à l’ensemble. Et ce disque, décevant et insipide aux premières écoutes, de révéler petit à petit ses reliefs et de devenir carrément libre et attachant (We’re gonna rise). www.breedersdigest.net Julien Deverre

KHALE “Sleepworks”

THE LONG BLONDES “Couples”

(Own Records / Differ-Ant)

(Rough Trade / Naïve)

La musique expérimentale et éthérée concorde définitivement avec la marque de fabrique du label qui édite ce disque en Europe. Originaire de Denver, Kael Smith produit une sorte d’ambiant-pop onirique avec des mélodies souples et des tournures lyriques qui se marient librement dans sa voix. Alliance organiqueélectronique promise et réussie, pour qui voudra embarquer les yeux fermés dans un voyage harmonieux et aérien. Voilà aussi, par exemple, un probable compagnon de choix pour somnambules. C’est souvent la liaison entre la guitare acoustique et le chant sentimental qui sert de point de départ. L’homme derrière ce projet est rejoint par deux autres musiciens qui apportent claviers, programmations et rythmiques, des cordes aussi parfois, pour bien enrichir au final cette musique mouvante. myspace.com/khalesongs Béatrice Corceiro

Le deuxième album de groupe de Kate Jackson est un régal. Passé une intro gothique, le ton est donné avec l’entraînant Century, morceau où la guitariste Emma Chaplin donne également de la voix. Guilt le confirme immédiatement : ce disque respire la joie de vivre. Le gang fait toujours la part belle aux guitares acidulées. Les influences new wave sont bien présentes, l’énergie et le rythme saccadé en plus (Erin O’Connor). Dans le texte, le groupe raconte des histoires de cohabitations inspirées par les dizaines de photos de couples qui ornaient le studio anglais dans lequel il a enregistré. Parfois, quelques extraits sonores de films renforcent le côté nostalgique. Produit par Erol Alkan, un spécialiste des remixes, ce disque est à mettre dans le haut du panier du rock féminin à l’anglaise. www.thelongblondes.co.uk Patrick Auffret

SOLTERO “You’re no dream” (La Société

SON OF DAVE “03”

Expéditionnaire / Differ-Ant)

(Kartel)

C’est déjà le cinquième album de cet artiste originaire de Philadelphie. Tim Howard de son vrai nom, passionné de l’univers folk et francophile, met tout en œuvre pour nous attirer dans ses filets. Presque hypnotisés, on peut réellement apprécier le moindre son puisque tout communique naturellement : l’écho d’une ligne de guitare ou le souffle d’un orgue, une mélodie caressante, des plaintes inquiétantes, une brise chaleureuse, ou encore les tons de la voix variant des graves aux aigus… Chaque morceau porte son empreinte propre : d’un folk acoustique vaporeux à du blues psychédélique incandescent. Des airs entêtants restent là, dans un coin de la tête, scotchés comme des bouts de vie à partager absolument. A écouter le magnifique et chatoyant Out at the wall, on ne peut que se réjouir et louer son auteur. www.solterosongs.com Béatrice Corceiro

Ce type est génial ! Un son qui lui est propre, mélange de soul, funk et blues et, nom de dieu, qu’est-ce que ça groove ! Un mec tout seul qui avec un harmonica, une boîte à rythme et des clapping vous donne une envie folle de vous trémousser encore et encore sur les onze titres de son nouvel opus, empli de pépites aux arrangements malins et au boogie indéniable. L’ambiance rétro nous transporte dans les tripots crasseux et mal fréquentés du Chicago des années 30. Les femmes de peu de vertu et l’alcool sont évidemment au cœur des textes de ce Canadien qui vit maintenant à Londres. Après quelques réussites avec les Crash Test Dummies dans les années 90, Benjamin Darvill mérite vraiment de décrocher sa place perso au soleil de la scène pop / blues car il apporte un souffle nouveau à un style souvent trop sage et consensuel. myspace.com/thesonofdave Isabelle Leclercq


PLANETE

THE CHAP “Mega br e a k f a s t ”

VANESSA DA MATA “Sim”

FLYING LOTUS “Los Angeles”

HEADLIGHTS “Some racing, some stopping”

(Lo’Recordings / La Baleine)

(Sony BMG)

(Warp)

(Polyvinyl)

Voici le retour discographique du plus décalé et du moins anglais des groupes londoniens. Véritable auberge espagnole sous acides, le quartet explose les frontières stylistiques comme celles du bon sens, avec une fraîcheur et un talent qu’on aurait tort de ne pas leur reconnaître. Entre rythmiques discopunk, chant choral ou robotique, cordes dissonantes et guitares saturées, le groupe sonne comme un télescopage du meilleur du rock 80’s et de l’électro-glitch la plus barrée, sous l’œil approbateur de Tristan Tzara. Ils enchaînent chansonnettes farfelues et hymnes de stade sans sourciller, avec inventivité et humour. Le menu peut paraître indigeste, mais au contraire, jamais le mauvais goût n’a été aussi savoureux. Et sur scène ils sauront vous dérider, leurs chorégraphies et leur sauvagerie ne laissant personne indifférent. www.thechap.org Rafael Aragon

Encore inconnue internationalement il y a quelques mois, cette compositrice et chanteuse brésilienne a pourtant conquis depuis longtemps le monde lusophone. Précoce, elle enchaîne les collaborations prestigieuses (Black Uhuru, Chico Cesar) et les disques de platine dès ses 20 ans. Propulsée cette année sur les ondes FM planétaires grâce au désormais inévitable duo avec Ben Harper (Boa Sorte / Good Luck), elle débarque en France avec ce troisième album, Sim. A l’image de la nouvelle scène brésilienne ouverte sur le monde, elle croise la bossa avec le reggae et des influences anglo-saxonnes. Fort de la production de pointures telle que Sly & Robbie ou Mario Caldato (Beck, Beastie Boys), cette voix de velours devrait séduire un large public, bien qu’elle soit loin de l’originalité de ses compatriotes Cibelle ou Bebel Gilberto. www.vo-music.com Rafael Aragon

Hip hop électro sinueux, voici un Grand oeuvre longuement mûri. Cette masse sonore bien vivante avance sans pause dans tout le spectre sonore. Ca grouille en stéréophonie jusqu’à déborder les enceintes et gagner le reposoir de l’auditeur. Los Angeles ne s’apparente pas à un disque de salon à écouter distraitement. L’esprit de son concepteur Flying Lotus y a projeté toute son acuité. Il se dégage en effet de ces ondes une synergie vivace, fruit d’une concentration que l’on devine extrême. Le hip hop vient du passé, Flying Lotus en retire plus d’une raison pour se projeter dans le futur. Sa quête sonore évoque une déambulation dans un jeu vidéo des plus immergents. Normal, le gars habite en Californie, siège de la Silicone Valley reine de l’informatique des années 90. Pour lui rien n’est dépassé, mais se dépasse : allez visiter son site Internet, ça joue du concept. www.flying-lotus.com Vincent Michaud

Retenez bien le nom du plus classe outsider de l’année produit par l’inimitable Phil Spector. Durant 33 minutes en état de grâce, Tristant Wraight et sa muse Erin Fein tendent la main à une pop lumineuse et légère qui sonne résolument sixties façon Belle & Sebastian. Le brelan de premiers titres, Get your head around it, Cherry tulips et Market girl attestent d’une finesse de composition et d’une sensibilité rares. Gentiment rétros, les mélodies sucrées font tenir jusqu’au bout du disque, sans fausse note et sans trémolos mais avec toutefois une petite baisse de régime sur la fin. Néanmoins la simplicité et l’effet soda glacé de l’ensemble ne peuvent qu’enthousiasmer. En témoignent les centaines de concerts US réussis depuis 2004. Galette indie pop sans prétention dont la beauté n’a d’égal que la naïveté. www.headlightsmusic.com Julien Deverre

LONELY DRIFTER KAREN “Grass is singing”

THE MABUSES “Mabused !”

MUGISON “Mugiboogie”

POR TISHEAD “Third”

(Crammed Discs)

(Magpie / Abeille Musique)

(Mugiboogie / Differ-Ant)

(Barclay)

Une belle viennoise qui vous fait valser autour de mélodies enivrantes et délicates, porteuses de l’émerveillement enfantin. Une globe trotteuse pianiste et poète à la fraîcheur bienfaitrice. Son univers est magique, ouvre des portes étranges sur une piste de cirque ou sur un champ bucolique. La voix, douce et chaleureuse comme un ukulélé sous le ciel d’Hawaï, se meut et s’entortille au son de la guitare et de la batterie… Entre comptine enfantine à la Mary Poppins et ambiance cabaret, les airs s’envolent doucement, s’écoulant sur le CD comme un sirop acidulé, la niaiserie n’étant pas de mise sur cet opus. Sa sincérité est totale offrant ainsi une sensation de proximité et de réconfort. Et si vous tendez l’oreille vous entendrez peut-être l’herbe chanter ! www.lonelydrifterkaren.net Isabelle Leclercq

Par quel mystère est-on resté dans l’ignorance d’une telle formation si longtemps ? Le groupe ne date pas d’hier et pourtant… Formé depuis 1991, voici le troisième album abouti et empli de superbe d’un combo anglais qui nous livre quatorze chansons parfaitement construites aux arrangements magiques. De la pop au sens noble, à la croisée des chemins des Beatles et de Pink Floyd. Kim Fahy, l’instigateur, a un immense sens de la mélodie, agrémentant ses morceaux de cuivres et de cordes au moment idéal, glissant sa voix sensuelle sur une guitare reptilienne, au gré des rythmes chaloupés au groove délicieux. Tout est si solide qu’on s’y sent chez soi dès la première écoute. Il aura fallu quatorze ans pour sortir ce nouvel opus à l’envergure d’un classique, même s’il y a fort à parier qu’il n’aura pas la mise en lumière méritée. www.mabuses.com Isabelle Leclercq

Un Islandais bien discret au premier abord. Mais vous savez ce que l’on dit de l’Islande : terre de feu et de contrastes… Mugison après deux premiers albums, Lonely mountain et Mugimama, composés avec une guitare et un laptop, passe à la composition en groupe. Un studio construit dans le garage suffira pour enregistrer Mugiboogie allant du blues’n’boogie à une folk hypnotique et étrangement cinématique. Cet album assez hétérogène bouscule certaines convenances musicales, comme avait pu le faire Beck en son temps. On passe d’une voix gutturale de metaleux sur I’m alright à une voix des plus sensuelles sur The animal. Des titres sans lien apparent qui ont tout de même en commun le talent de ce songwriter. La surprise est souvent au rendez-vous et il se dégage une impression de puissance et de folie à l’écoute de cet artiste qui n’en fait qu’à sa tête. myspace.com/mugison François Justamente

La sortie d’un album aussi important que celui-ci nécessite des conditions favorables à son approche : s’y consacrer exclusivement, n’avoir rien d’autre à faire. L’œuvre est complexe, touffue, compacte : il nous faudra y revenir à plusieurs reprises, laisser mûrir… Nous réécouterons le fragile et aérien Dummy qui fit souffler, en 1994, un vent nouveau sur les musiques électroniques et fut à l’origine du courant trip hop, puis le sobre et austère Portishead (1997), qui s’éloignait déjà de la facilité et des voies toutes tracées. Third se démarque encore davantage, faisant fi des modes et des attentes (pas d’effets de scratches, synthés lourds et brutaux, rythmes taillés à la hache), proposant une démarche sans concessions, faite d’expérimentations sonores pointues, où la voix de Beth Gibbons rayonne et irradie. www.portishead.co.uk Elsa Songis

(SWELL) “South of the rain and snow”

THREE SECOND KISS “Long distance”

THE TING TINGS “We started nothing”

VANDAVEER “Grace & speed”

(Talitres / Differ-Ant)

(AfricAntApe / Pias)

(Columbia / Sony)

(Gypsy Eyes Records)

Le spleen se porte bien, merci. Depuis vingt ans, (Swell) décline cette formule. Cinq ans se sont écoulés avant ce South of the rain… Le beau temps insufflé à son écoute justifie notre attente. Désormais seul aux commandes, David Freel n’en dépouille que plus ses compositions. San Francisco a laissée place à la Californie, qu’importe l’esprit subsiste. Ses notes en apesanteur ne regagnent jamais la terre ferme. Lestée du superflu, pourvues de l’évidence, la maestria (Swell) reste au sommet. Jamais terre à terre, cette musique évite les clichés et les routes balisées, gardant un cap “d’artitude” de haut vol. Ni folk, ni pop ou encore moins new-wave, le voyage sera un genre à lui tout seul. Une escale française à l’automne ravira les amoureux précoces de la monotonie hivernale. Au delà de la grisaille, le soleil fait luire le sol enneigé. www.swellsongs.com Vincent Michaud

Groupe plutôt méconnu en France, ce trio italien a déjà de la bouteille. Formé en 1993, en tournée en Europe et aux USA, invité par Shellac à son édition du festival All Tomorrow Parties, des collaborations avec Steve Albini (dont une entre les murs du Black Box Studio), on arrive aujourd’hui à leur cinquième disque, encore une fois confié au flair du technicien noise le plus mondialement connu. Long distance étourdit par ses compos impressionnantes, ardentes, brutes, mais aussi surprenantes et dont les mouvements sont parfaitement cohérents avec la production. La voix de Massimo Mosca offre encore plus de vivacité à ces tribulations. Ce disque salue la naissance d’AfricAntApe, coordonné par les patrons de l’agence de promo / booking 5ive Roses et du label indépendant Sickroom Records, spécialistes respectables du genre. www.threesecondkiss.org Béatrice Corceiro

L’ascension fulgurante d’un duo : Katie White et Jules de Martino. We starded nothing partait de pas grandchose, des influences 80’s, quelques expériences musicales et cette tentative : participer au renouveau du rock anglais, comme ils disent. Mission accomplie ! En dix titres, The Ting Tings insuffle de nombreuses mélodies et de l’énergie à en revendre. iTunes, avec son nez creux, a flairé le bon coup et bombarde dans un spot destiné à l’international Shut up and let me go et son groove disco, quand d’autres préfèrent Great DJ qu’ils passent en boucle sur leurs ondes. Bref, quand on capte aussi bien l’air du temps, on fait mouche sur tous les fronts. A coup sûr l’un des albums de l’été, oscillant entre pop tendre et intime, parfois pétaradante, et un rock vous donnant envie d’accomplir des exploits. We started nothing est bien plus qu’un bon début. myspace.com/thetingtings François Justamente

Dans la plus pure veine folk nord-américaine, un nouveau venu mérite tout notre enthousiasme : Mark Charles Heidinger, qui avait rodé ses gammes au sein de The Apparitions dont il était le leader - revient sous le nom de Vandaveer. Guitare sèche de circonstance, des titres parfois teintés de clarinette klezmer, une voix nous catapultant sur la lune avec un timbre oscillant entre un Bob Dylan après une cure thermale et des attaques ne rappelant que de bons souvenirs. Grace & speed joue sur deux tableaux : une production intimiste et des inspirations référencées. Tout le folklore américain se déroule alors sous nos yeux, du blues aux champs de blé, de vastes paysages et des intérieurs raffinés. L’alchimie se fait, les effluves que cet album dégage flirtent avec nos sens et requinquent sans y prendre garde. Un régal à toute heure. myspace.com/vandaveer François Justamente

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FESTIVALS

Les 3 Francofolies Elles sont nées en France sous l’impulsion de Jean-Louis Foulquier qui a passé la main en 2004 après vingt ans de labeur, elles ont fait des petits en Belgique et au Québec… Et comme Longueur d’Ondes est diffusé dans ces trois pays, il était temps de faire le point des trois Francofolies avec leurs dirigeants respectifs. Rencontre au sommet.

Sanseverino, La Grande Sophie, du hip hop, du rap… On a fait le tour de France avec cette émission et naturellement, on est devenu proche avec Jean-Louis. Au printemps 2004, il nous a appelé, à Morgane, pour nous demander si ça nous intéressait de lui acheter la société des Francofolies et de prendre sa succession. Lui, c’était sa vingtième édition et il voulait passer à autre chose… BELGIQUE : Avec Jean Steffens, nous avons été recommandé à JeanLouis Foulquier par Pierre Rapsat. Très vite nous avons constaté que nous avions les mêmes aspirations et la même volonté de promouvoir les artistes émergents. QUÉBEC : Je fréquentais les Francos depuis les débuts en tant que journaliste (mon ancienne vie !).

L

a légende dit que c’est au début des années 80, en assistant à un méga concert francophone sur les plaines de la ville de Québec (le mythique trio : Vigneault, Leclerc, Charlebois), que Foulquier eut l’envie de transporter l’idée en France, dans sa ville natale : La Rochelle. Outre sa pugnacité, la force de cet homme de radio fut alors de bien s’entourer (surtout de femmes… extraordinaires et compétentes) et de tenir bon contre vents et marées pour monter ce qui allait devenir l’un des premiers grands festivals français. Amoureux de la chanson, il s’est battu deux décennies avant de passer la main à Gérard Pont. Entre temps, il a monté plusieurs Francos à l’étranger, dont deux qui perdurent avec un succès grandissant, à Spa et à Montréal.

POURQUOI AVOIR EMBARQUÉ ? F : Parce qu’avec Gérard Lacroix nous produisions, 25 ans plus tôt, un grand festival en Bretagne, le festival Elixir (dans l’esprit des Vieilles Charrues). Ca a duré huit ans. L’aventure s’est terminée à Athènes, en Grèce, en 1985. Nous avions perdu beaucoup d’argent en y organisant un festival avec The Clash, The Cure, Depeche Mode, The Stranglers, Talk Talk, Téléphone… Alors JeanLouis, avec sa proposition, nous ramenait à nos débuts et à une période inoubliable de notre histoire. On n’a pas hésité une seconde. L’adrénaline nous manquait sans doute… B : Beaucoup de folie et de passion. Q : C’était une proposition que je ne pouvais pas refuser. Parce Le concept des trois villes est totalement différent. Si en France la qu’en tant que journaliste, tu disposes, et en tant que programplupart des concerts sont payants en salle ou sur la grande espla- mateur, tu proposes ! Parce que c’était un super beau défi ! nade de St Jean d’Acre, en Belgique il suffit de payer un pass à 20 euros pour assister à tous les concerts du Parc de 7 Heures, EST-CE UNE “FRANCHISE” ? Y A-T-IL UNE LIGNE DIRECTRICE COMMUNE AUX (transformé en “Village Francofou”), et au Québec, rien à débour- TROIS FRANCOS ? ser, tout est gratuit en plein cœur de la ville, rue Sainte-Catherine F : Le nom Francofolies, et ses dérivés, appartient aux (comme si on coupait 1 km sur les Champs-Elysées pour y instal- Francofolies de La Rochelle. Les Francofolies de Montréal et de ler de gigantesques podiums) ! Spa et Montréal proposent aussi Spa l’utilisent donc sous contrat de licence. Les organisateurs de des concerts payants en salle, en parallèle. Trois concepts diffé- Montréal et de Spa ont souhaité donner le nom de Francofolies à rents, trois cultures, trois regards sur le monde de la musique leur festival. De fait, ils revendiquent implicitement l’esprit et la d’aujourd’hui… Trois raisons de faire se rencontrer Gérard Pont, le ligne éditoriale des Francos : défendre au mieux la chanson franFrançais parlant peu mais toujours en action, Charles Gardier, le cophone. Et ils le font très bien. Avec les autres Francos, on s’obBelge pince-sans-rire au cœur d’or, et Laurent Saulnier, le pas- serve, on s’influence, on échange, on s’apprécie parce que l’on défend les mêmes valeurs. Chacun garde son indépendance sionné au rire tonitruant ! même si nous nous concertons souvent. Ca me semble une bonne histoire, originale et excitante, avec des gens bien. AVANT D’Y TRAVAILLER, QUELLE ÉTAIT TA PERCEPTION DES FRANCOFOLIES ? GÉRARD PONT (FRANCE) : Avant d’y travailler, j’y travaillais déjà B : Nous sommes aujourd’hui propriétaire du label pour la puisque avec Morgane Production, (la société que j’ai créée avec Belgique. Gérard Lacroix) nous captions les concerts de St Jean d’Acre pour Q : Pas de ligne directrice commune, mais certainement un état la télévision depuis la fin des années 90. Nous avions déjà beau- d’esprit commun ! coup de bons souvenirs. J’avais le sentiment d’une belle organisation, d’un festival prestigieux. J’avais aussi l’impression que les A L’ORIGINE, LES FRANCOS SE VOULAIENT FESTIVALS FRANCOPHONES, AVEC concerts y étaient exceptionnels et uniques. Je sentais une fidéli- UNE PLACE CONSÉQUENTE, VOIRE EXCLUSIVE, LAISSÉE À LA LANGUE FRANÇAISE. té du public, un rendez-vous magique, une histoire particulière. A PRÉSENT, BEAUCOUP D’ARTISTES CHANTENT EN ANGLAIS (DANS LE ROCK ET CHARLES GARDIER (BELGIQUE) : J’avais entendu parler des Francos de L’ÉLECTRO) OU DANS LEUR LANGUE MATERNELLE (POUR LES MUSIQUES DU La Rochelle, mais finalement fort peu. Jean-Louis Foulquier MONDE). EST-CE UN FREIN ? RESPECTEZ-VOUS DES QUOTAS OU CE DÉBAT SUR connaissait bien Spa et son concours de la chanson française LA LANGUE N’A PLUS DE RAISON D’ÊTRE, ET SEULE LA QUALITÉ DE L’ARTISTE qu’il avait couvert comme journaliste et auquel il avait même par- IMPORTE ? F : Je défends la langue française prioritairement. Par plaisir, par ticipé. LAURENT SAULNIER (QUÉBEC) : Franchement, je trouvais que c’était envie, par culture. C’est notre raison d’être telle que l’a définie un festival avec beaucoup de potentiel, mais mal exploité… Ce Jean-Louis Foulquier. Mais je ne suis pas borné. Jusqu’à présent, il y avait peu d’avenir pour les artistes français chantant en que je me suis chargé de faire à mon arrivée (rires) ! anglais. Little Bob, Les Dogs… On ne peut pas dire qu’ils soient devenus hyper populaires. Aujourd’hui, c’est différent, les LA GENÈSE DE TA RENCONTRE AVEC LES FRANCOS ? FRANCE : J’ai produit, pendant trois ans, une émission sur France 3 artistes français sont crédibles en anglais : Jehro, Aaron, Yael qui s’appelait Cap’tain Café, présentée par Jean-Louis Foulquier. Naim, Phoenix, Moriarty, The Do, Soko, par exemple, vont faire du On y présentait de jeunes talents de la chanson : -M-, chemin, même en dehors de nos frontières. Pourquoi ne pas les 48


Raphaël Lugassy

FESTIVALS

programmer, alors qu’ils ont du talent en anglais, et accepter, comme une évidence, des artistes qui chantent en wolof, en breton ou en mahorais. On ne se pose pas la question pour Rachid Taha et tant mieux… B : La qualité prime et nous veillons a exposer une majorité d’artistes chantants en français. Pas de quotas, mais une attention particulière attachée aux artistes francophones. Q : A Montréal, il est primordial de conserver la langue française ou la langue maternelle en ce qui concerne les musiques du monde, pendant les Francos. Plus qu’un désir de la direction du festival, ce sont les spectateurs qui l’exigent ! De débat, il n’y en a jamais eu !

l’affiche autour de cet artiste pour donner une cohérence et une couleur à la soirée. Ainsi chaque soirée à son style, son esprit. Sur les six autres scènes, on essaie de mettre en avant les artistes que nous avons découverts et aimés au cours de l’année écoulée, tous genres et générations confondus. Les artistes du Chantier sont, bien entendu, représentés dans cette programmation. B : Nous écoutons d’abord tous les disques qui nous sont envoyés (comité d’écoute). Je m’attelle à faire des grilles de programmation, à martyriser et le comité de programmation (Pierre Mercier, Nicole André, Jean Steffens, Denis Gérardy, Mathieu Fonsny , Marc Radelet), puis on fait le difficile choix final. Q : Nous sommes quelques-uns à programmer cet événement : Marie-Pierre Blais, Marc-André Sarault, Frederic Poulin, mais DES CHIFFRES POUR BIEN COMPRENDRE : BUDGET, ARTISTES, PERSONNEL À aussi toute l’équipe de télé sous la direction du cofondateur des L’ANNÉE ET PENDANT LE FESTIVAL, NOMBRE DE SPECTATEURS PAR FESTIVAL ? Francos de Montréal, Guy Latraverse. Nous programmons d’abord F : Budget du festival : 3,3 millions d’euros. Budget artistique : les séries de spectacles en salle, puis tout ce qui est gratuit en 1 million d’euros. 123 spectacles. 7 scènes. Des spectacles de 11h extérieur. du matin à 4h le lendemain matin. Trois scènes gratuites. Dix spectacles originaux et exclusifs (Fêtes à, tribute, etc.) Dix per- CRÉER DES PLATEAUX OU DES “FÊTE À…”, EST-CE ENCORE FAISABLE EN manents à l’année en charge également du Chantier des Francos, 2008 ? A QUEL COÛT ? du Chantier des profs et des Enfants de la Zique. Environ 300 per- F : C’est faisable, mais c’est pas toujours facile de convaincre les artistes de sortir de leur circuit ou programme habituel. C’est sonnes pendant le festival. B : Budget : plus ou moins 5 millions d’euros. Plus de 250 pourquoi nous travaillons avec des metteurs en scène / artistes concerts. Personnel à l’année : 8. Plus de 1000 pendant le festi- comme Néry ou Fred Pallem, par exemple. Ils ont un réseau, le pouvoir de conviction et le talent qui fédère. Pour les créations, val. Et plus de 180 000 spectateurs. Q : Budget : près de 6 millions d’euros. Un bon millier d’artistes, nous essayons de partager les coûts avec Spa et Montréal, ou 7 scènes extérieures gratuites et 7 salles. Personnel durant le fes- avec d’autres partenaires comme les JMF et la Sacem. B : C’est faisable, mais difficile. Le travail nécessaire est énorme. tival : plus de 1000 ! Nombre de spectateurs : plus de 900 000 ! Nous avons un plateau commun aux trois Francos. Q : C’est toujours faisable… il suffit d’avoir la volonté ! COMMENT BÂTIS-TU LA PROGRAMMATION ET AVEC QUI ? F : Je travaille avec Kevin Douvillez et Delphine Lagache. Delphine s’occupe des Francos Juniors. Kevin repère les jeunes talents en CET ÉTÉ, QUEL EST LE SHOW DE TA PROGRAMMATION À NE SURTOUT PAS RATER ? prospectant dans les bars, les petites salles, les clubs. Judith F : Moi, j’essaierai de voir tout le concert d’Alain Bashung et d’asLevy travaille avec lui pour mener à bien les créations et les spec- sister à nos créations originales. tacles originaux. Pour la grande scène, on commence par la tête B : La Fête à Daran, et tous les artistes émergents dont notre prod’affiche de la soirée. Celle qui permettra, on l’espère, de remplir grammation fait la part belle. St Jean d’Acre. Elle doit correspondre à notre ligne éditoriale. Il Q : Mutantès, une création de Pierre Lapointe, entre chansons, faut que nous puissions être fier de notre programmation pour théâtre, opéra et danse. Une œuvre majeure se prépare ! bien la défendre et la mettre en valeur. Puis nous construisons Serge Beyer

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FESTIVALS ManyFest

P. Auffret

LES 4 ET 5 AVRIL 2008 - BOLBEC (76)

Spy

Rubin Steiner

Romain Dudek est venu en voisin mais le vendredi, le gros coup, c’est Pigalle pour son retour sur scène. Spy, devenu trio, a profité des éclaircies du samedi pour présenter de prometteurs nouveaux morceaux en anglais. Le gros son était au rendez-vous ! Plus tard, The Dots s’adonnait aux joies du skate en appréciant de loin les notes métissées des Catins de Babylone. Les associations locales, dont la très active La Murmure, avaient, pour leur part, pris position sur l’esplanade. En soirée, Rubin Steiner livre une sublime et jouissive prestation. Auparavant, James Delleck en avait rajouté en mélangeant les genres et Pulsington avait enrobé la salle Maupassant d’un trip-hop coloré. DJ Moule le vendredi et Interlope le samedi ont conclu chacune des soirées de cet évènement à la programmation très éclectique. Seul bémol, une faible fréquentation du public (500 personnes en deux jours). www.manyfest.fr Patrick Auffret

Printemps de Bourges

P. Wetzel

DU 15 AU 20 AVRIL 2008 - BOURGES (18)

ZoB

Camille

The Hives

Le festival a confirmé son statut de “Midem bis”, obnubilé cette année par l’arrivée en France des mondialistes Live Nation. Et si les jauges restreintes n’ont pas permis une couverture médiatique optimale, la 32ème édition a accueilli 10 000 entrées supplémentaires par rapport à 2007, soit 66 710 festivaliers. Côté découvertes, nous retiendrons les sauts des Québécois Gatineau, le hip-hop classieux de The LatitudZ, le slam délicat de ZoB, le downtempo répétitif du Chapelier Fou, les envolées électro-dancefloor de Fujiya & Miyagi, le son new-yorkais de la fratrie bordelaise Kid Bombardos, les synthétiseurs grinçants de Curry & Coco et le naturel punk de Yoanna. Certains ont aussi confirmé leur statut, comme le white gospel transgenre de Camille, le perfectionnisme de Syd Matters, l’audace onirique de Claire Diterzi, la déstructuration blues-rock de Phoebe Killdeer, la sobriété de Catherine Ringer, les nouvelles contrées rock d’EZ3kiel, l’arrogance hilarante de The Hives, et enfin la grâce de Rokia Traoré. www.printemps-bourges.com Samuel Degasne

Paroles & Musiques

C. Dall’o

DU 7 AU 12 MAI 2008 - ST ETIENNE (42)

Mano Solo

Bashung

Albin de la Simone

Pour sa 17ème édition, le festival stéphanois avait troqué son centre-ville pour s’installer sur l’espace du Parc Expo en périphérie. Un déménagement dû en partie aux travaux de la Salle Jeanne d’Arc et l’envie de centraliser les différentes manifestations. Répartis sur quatre lieux, dont la nouvelle SMAC Le Fil, les artistes programmés cette année tenaient principalement de la tête d’affiche avec Grand Corps Malade, Bashung, Mano Solo, Idir, Cali, Kwal ou Tiken Jah Fakoly. Malgré l’inauguration des matinales “découvertes” qui nous a permis de faire connaissance avec le duo Projet SI, les afters world du Magic (et les prestations réussies de Thomas Pitiot et Magyd Cherfi), le déplacement de ce festival qui s’inscrivait parfaitement dans la découverte d’un St Etienne vivant, manquait un peu d’âme sur ce grand parking. On espère retrouver l’ambiance mythique de ce rendez-vous annuel l’an prochain. Caroline Dall’o

A Vos Zincs

C. Dall’o

LE 15 MAI 2008 - CABARET SAUVAGE (PARIS)

Prisca

Polyglotte

M. Ziouane

Pour fêter dignement le lancement de sa seconde édition, le festival itinérant A Vos Zincs donnait rendez-vous aux Parisiens un soir de mai sous le beau chapiteau du Cabaret Sauvage. Au programme, les six groupes et artistes qui assureront à tour de rôle les six prochaines dates à Lille, Strasbourg, Nantes, Toulouse et Lyon pour boucler la boucle tous ensemble en novembre dans la capitale. Dans l’esprit “bistrot” qui est celui du festival, les concerts réunissait autour d’une même simplicité d’approche, bien que de styles métissés, Madjid Ziouane, Prisca, Polyglotte, Balbino Medelin, Les Blérots de RAVEL et Syrano, qui a ébloui la soirée. A noter que pour chaque date, des invitations sont à retirer dans certains bars partenaires (cf. www.avoszincs.com). Mais à 10 euros l’entrée, il serait dommage de se priver d’une soirée découverte dans une ambiance très… festive ! Caroline Dall’o

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FESTIVALS >> les 4 et 5 juillet 2008

>> les 4 et 5 juillet 2008

AU FOIN DE LA RUE

JOURS DE FÊTES

St Denis de Gastines (53)

Parc de Mussonville - Bègles (33)

Située à une heure de Rennes et du Mans, au cœur de la campagne mayennaise, la commune de St Denis de Gastines accueille depuis neuf ans le festival Au Foin de la Rue et ses 10 000 festivaliers. Le site du festival est résolument original et intégralement fait main par les plasticiens bénévoles de l’association, qui travaillent toute l’année à base de métal, bois et autres matériaux de récupération pour réaliser leurs créations : des mises en lumière aux nombreuses installations… tout est réinventé à chaque édition. Les quatre sources musicales divisent le site en différentes parties ayant chacune son style propre et une ambiance particulière… A ce dépaysement scénographique s’ajoutent l’ouverture artistique (mélange éclectique de musiques le soir, arts de rue l’après-midi), l’accueil et l’esprit conviviaux transmis par les quelques 450 bénévoles qui donnent forme à cette douce folie ! Avec Têtes Raides, Max Romeo, Nada Surf, Bazbaz, Svinkels,… www.aufoindelarue.com

Jours de Fête est un festival populaire, conçu pour les plus petits comme pour les plus grands. Pour ceux d’ici et ceux d’ailleurs. La chanson vit des jours heureux. La nouvelle scène française - terme générique qui recouvre des réalités bien différentes - est encensée depuis quelques années par les médias. En particulier la télévision de masse qui n’hésite plus à programmer des artistes comme Cali, Dionysos, Renan Luce, à des heures de grande audience. Cette création bénéficie d’un intérêt jamais égalé à ce jour. Grâce au public, qui bien avant, les a vus dans un bar ou un concert, a acheté un disque ; grâce encore à des labels et des tourneurs qui, un jour, ont su leur faire confiance. Dans ce paysage où les festivals jouent un rôle majeur, Jours de Fête persiste et signe dans son pari d’herbe folle ! A l’affiche : Sinsemilia, Ridan, Sgt Garcia, Pigalle, Mell, Les Doigts de l’Homme, Bœuf, Panpan Master, et de nombreux groupes locaux. www.joursdefete.fr

>> du 4 au 6 juillet 2008

>> du 4 au 13 juillet 2008

EUROCKÉENNES DE BELFORT

TOUS SUR LE PONT

Belfort (90)

Blois (41)

Le festival français, l’un des plus populaires en Europe, donne une couleur forte à cette édition symbolique qui fête ses 20 ans. Dans un décor nature (au bord d’une presqu’île illuminée), vont se relayer 75 concerts sur cinq scènes avec des valeurs sûres, une recherche toujours audacieuse de talents internationaux émergents, et une création unique : La Bande Originale (concert création : à cette occasion, le festival invitera ses artistes préférés qui, pour une chanson ou deux, participeront à ce projet en reprenant un titre du patrimoine pop / rock). Egalement une opening party sur le camping, un spectacle chorégraphique ainsi que les perturbations de théâtre de rue ! Avec Moby, The Offspring, Ben Harper, Cali, Massive Attack, Gnarls Barkley, dEUS, Arno, Grinderman, Cavalera Conspiracy, N*E*R*D, MGMT, Yeasayer, Vampire Week-End, Calvin Harris, Band of Horses, The Wombats… www.eurockeennes.fr

Une sixième édition à vivre dans la cité ligérienne de Blois. Un événement atypique qui a choisi de privilégier l’éclectisme en réunissant musique et patrimoine, artistes confirmés et découvertes, spectacles de rue et visites insolites. C’est l’occasion unique de découvrir autrement les plus beaux fleurons de ses monuments historiques avec, notamment, deux concerts dans la cour du Château Royal : Etienne Daho, Soha, Blankass, La Ruda, No One is Innocent… Tous sur le Pont propose une subtile alchimie traversant les époques et les cultures : Jordi Savall à la Cathédrale St Louis, Aaron à la Halle aux Grains sans oublier la Guinguette, à la fois lieu central et scène régionale du festival avec ses soirées musiques du monde. Une invitation garantie au dépaysement ! www.toussurlepont.com

>> du 11 au 13 juillet 2008

>> du 17 au 20 juillet 2008

CHAUFFER DANS LA NOIRCEUR

LES VIEILLES CHARRUES

Plage de Montmartin sur Mer (50)

Carhaix (29)

Convivialité et festivités seront les mots d’ordre d’un week-end basé sur la découverte de groupes en pleine ascension. Trois scènes pour trois jours de fête avec une programmation éclectique allant de la chanson française (Ridan) à la chanson manouche (Mon Côté Punk), en passant par le rock des HushPuppies, le rap musette de Java, le reggae de Takana Zion (découverte guinéenne), le dub coloré de Zion Train… Le festival accueillera également Saul Williams qui traversera l’Atlantique pour déclamer son slam-rock sous les étoiles de Normandie. Les festivaliers pourront se restaurer et flâner au cœur du village associatif, espace d’échanges, de débats… Cette année, le festival se veut “éco-responsable” (toilettes sèches, tri-sélectif, cendriers de poche, etc.) grâce à plusieurs associations telles que Les Copeaux d’Abord ou Les Connexions Associatives qui animeront le site. Enfin, une rencontre avec Ridan sera spécialement organisée pour les adhérents Cart’@too. www.chaufferdanslanoirceur.org

Les Vieilles Charrues… Cette idée a germée en 1992, dans la tête d’une poignée d’amis du centre Bretagne, pour aboutir comme un accident magnifique, à l’un des plus grands festivals de France. En un peu plus de quinze ans, le festival a permis de situer Carhaix sur une carte, et a vu défiler de nombreuses stars internationales, nationales, ainsi que des découvertes. Les programmateurs composent depuis les débuts, une programmation variée dont le fil rouge s’avère être la qualité et la générosité. Ce festival intergénérationnel a su conserver son statut associatif et les 5500 bénévoles impliqués donnent aux Charrues toute leur chaleur et leur simplicité. La 17ème édition est placée sous le signe de la piraterie bretonne… Le public est d’ailleurs invité à participer à cette grande fête en se déguisant ! ZZ Top, Ben Harper, Motörhead, Gad Elmaleh, Duffy, Etienne Daho, Vanessa Paradis, Babyshambles, Matmatah, etc. www.vieillescharrues.asso.fr 51


FESTIVALS >> les 18 et 19 juillet 2008

>> les 18 et 19 juillet 2008

GARDEN NEF PARTY

LA GUERRE DU SON

Angoulême (16)

Landresse (25)

On met les petits plats dans les grands pour cette seconde édition, notez plutôt : Iggy & The Stooges, The Hives, The Raconteurs avec son leader Jack White, Justice, The Kills, Birdy Nam Nam, le Heavy Trash de Jon Spencer, The Do, Brian Jonestown Massacre, Moriarty, Nada Surf, Mademoiselle K, Peaches en DJ set… pour les groupes les plus réputés. Avec aussi Simian Mobile Disco en DJ, Alela Diane, The BellRays, Adam Green, DJ Moule, Kid Bombardos, Hushpuppies, Patrick Watson et Archie Bronson Outfit. Bref, le meilleur du rock international fait escale à Angoulême pendant deux jours cet été. Le bon endroit pour goûter à ce subtil mélange de valeurs sûres et de découvertes de premier choix réparties sur les deux scènes, découvrir un site d’exception (le Théâtre de Verdure de la Ferme des Valettes), et bénéficier d’un accueil VIP. www.gardennefparty.com

Festif, partageur, à contre-courant, ce festival remonte chaque année aux sources originelles du rock et propose une programmation turbulente qui décline les grands courants power-pop, punk, metal, alternatif, fusion, etc., tout en ménageant une pause reggae / world music entre deux décharges soniques ! Avec notamment : Sna-Fu, Mass Hysteria, Moonraisers, Kill the Young, Watcha… Mais le gros son n’empêche pas le respect de l’environnement. Les organisateurs de la Guerre du Son s’engagent cette année dans une démarche progressive d’éco-festival : co-voiturage (123envoiture.com), promotion vidéo (- 15 000 flyers), tri des déchets (site + camping), stand d’information, sensibilisation et échanges sur les gestes écocitoyens. Une grande vibration estivale intergénérationnelle au milieu des champs qui inspirèrent à l’écrivain Louis Pergaud La guerre des boutons ! www.laguerreduson.com

>> le 26 juillet 2008

>> LES 1er et 2 aout 2008

LES AUTHENTIKS

FESTIVAL DE LA PAILLE

Théâtre antique de Vienne (38)

Métabief (25)

Depuis le succès de la première édition (2002), ce festival est devenu un incontournable de la région Rhône-Alpes. Organisé par l’association viennoise La Locomysic, il a pour ambition de promouvoir la scène musique actuelle et de favoriser l’émergence de formations musicales locales. Cette année, la part belle sera faite aux musiques électroniques et au hip-hop. Pour faire le lien avec ses actions régulières dans le domaine des Cultures Urbaines (mise en place d’ateliers dans les centres sociaux, organisation de scènes ouvertes dans les quartiers…), Locomysic propose en plus des concerts, une battle de danse. Cet affrontement de danseurs, rythmé par un DJ et la participation de Rewind (human beat box), sera une grande première au Théâtre antique de Vienne ! Elle s’ajoute à une programmation éclectique, avec notamment Keny Arkana, Yelle, Wax Tailor et Le Peuple de l’Herbe. www.locomysic.com

Après une annulation en 2007, le Festival de la Paille déménage de quelques dizaines de kilomètres pour s’installer dans la fameuse station de ski du massif jurassien. C’est donc un important virage et un nouveau challenge pour les organisateurs qui ont choisi d’affirmer, pour cette huitième édition, une identité festive et éclectique. Comme chaque année, sur les deux scènes, une place de choix sera réservée à la scène régionale, mais 2008 sera aussi marquée par la présence des Têtes Raides qui fêteront leurs 20 ans de carrière aux pieds du Mont d’Or ; soirée inoubliable en perspective. Bien évidemment, le rock aura la part belle avec Luke et Mademoiselle K, et, outre le reggae et la chanson, le public pourra aussi découvrir les sonorités électro-jungle-jazzy de Sayag Jazz Machine ou encore le latino-rock festif des Caméléons. Ca va swinguer à plus de mille mètres d’altitude… www.festivalpaille.fr

>> du 29 au 31 aout 2008

>> du 11 au 13 septembre 2008

LE CABARET VERT

DIFF’ART - 20 ANS

Charleville-Mézières (08)

Parthenay (79)

Eco-festival rock & territoire, Le Cabaret Vert est LE rendez-vous pluriculturel et festif du nord-est. Adversaire de la malbouffe et de la mauvaise bière, il associe actions de développement durable et programmation musicale de qualité : Arno, La Rue Kétanou, dEUS, Emir Kusturica, Svinkels, Louis Bertignac, ou encore Groundation sont de la partie… Rajoutons à cela dix groupes découvertes comme Missill, Phoebe Killdeer, Headcharger, et dix régionaux dont Yuksek, Barcella, ALB… Le tout sur deux scènes en plein cœur de la ville, à cinq minutes à pied de la gare de Charleville-Mézières. Promotion du territoire, sensibilisation à l’environnement et esprit convivial sont les maîtres mots de ce festival pas comme les autres. Avec près de 25 000 spectateurs en 2007, cette quatrième édition proposera 30 groupes sur trois jours, pour 30 euros… et pourquoi pas 30 000 festivaliers ? Venez donc faire un tour dans les Ardennes ! www.cabaretvert.com

La salle Diff’art fête cette année ses 20 ans d’existence. Aujourd’hui reconnue et identifiée comme un lieu dédié aux musiques actuelles amplifiées et aux pratiques émergentes, un large public a pu y découvrir de nombreux talents à leurs débuts tel La Mano Negra, City Kids, Desmond Decker, Saïan Supa Crew, Assassin… L’association Trastaroots, gérante de la salle depuis 2003, a décidé de lui rendre hommage. Cet évènement sera l’occasion pour le public de découvrir ou redécouvrir cette salle unique, son histoire et d’assister à des concerts d’exception. Pendant trois jours, une trentaine d’artistes de talents qui ont marqué, d’une façon ou d’une autre, l’histoire de Diff’art, viendront fêter 20 ans de découvertes musicales magiques avec le public. Hip hop, rock, reggae, électro, slam, expos, stands, émission de radio en direct, diffusion vidéos de concerts passés… Avec Missill, MAP, Rubin Steiner, Dr Ring Ding, Sayag Jazz Machine… www.trastaroots.com 52


FESTIVALS >> les 25 et 26 juillet 2008

>> les 25 et 26 juillet 2008

AU PONT DU ROCK

ROCK PRESERV’

Malestroit (56)

Brout Vernet (03)

Pour cette 18ème édition, l’association Aux Arts Etc. a concocté une programmation riche et éclectique, avec des artistes qui feront escale à Malestroit pour des dates exclusives (dEUS, Dionysos…), des découvertes et des coups de cœur. Côté restauration, un choix plus large et diversifié sera proposé aux spectateurs. Des ouvertures également avec la programmation de Zic Boulon, une Cie de théâtre de rue qui présentera sa “Machine à spectacles”, la venue d’une comédienne (Manuela), mais aussi une troupe de chants marins qui accompagnera les festivaliers dans leurs déplacements… 2 scènes, 2 jours, 14 artistes et autant d’univers à (re)découvrir, le tout dans un cadre de verdure que l’association, fidèle à son idée du respect, tient à préserver par le biais de “concepts” durables tels que le tri sélectif, des toilettes sèches, etc. Cali, Popa Chubby, Daniel Darc, Moriarty… seront présents pour ce week-end qui s’annonce haut en sons et en couleurs ! www.aupontdurock.com

Ce festival champêtre géré par 200 bénévoles, dont quatorze chantiers internationaux et douze personnes handicapées, se veut être le lien entre la musique d’aujourd’hui, la convivialité, la tolérance et l’entraide et a pour but de changer le regard du monde envers les musiques actuelles, le Sida et les personnes handicapées (partenaire de l’association Aides Auvergne à qui une partie des bénéfices est reversée, mise en place d’un village prévention, etc.). Sur deux scènes, une programmation éclectique de 21 groupes de musique actuelle dont Alpha Blondy, Sinsemilia, Svinkels, Thiéfaine / Paul Personne, Apocalyptica, Pigalle… plus un apéritif international offert aux festivaliers pour un dépaysement culinaire ! Bref, un festival qui soutient musicalement et socialement les autres… une bonne action qui mérite d’être fêtée en musique. Tarifs : 1 soir, 18 euros en loc. / 20 sur place / Pass 2 jours, 34 euros en loc. / 36 sur place. www.festival-rockpreserv.com

>> LES 1er et 2 aout 2008

>> du 8 au 10 aout 2008

REGGAE SUN SKA

LE CHIEN À PLUMES

Cissac-Médoc (33)

Langres (52)

Festival éco-responsable, après quatre ans de volonté et d’énergie le Reggae Sun Ska est reconnu festival pilote en matière de développement durable ! Mais l’engagement de Music’Action (asso organisatrice) se porte également sur un choix artistique ambitieux où les horizons et les influences s’entrecroisent, offrant ainsi des rencontres improbables telles que celle de Sebastian Sturm avec Kiddus I et Jahcoustix pour une création unique. La programmation offre cette année la part belle à l’Angleterre, avec le retour de la légendaire formation de Birmingham The Beat, mais aussi Bitty McLean, Zion Train et les furieux Dub Pistols. L’île Ste Croix, le Nigéria, l’Italie, les Bermudes et la Jamaïque seront aussi représentées. 20 000 spectateurs l’an dernier, 350 bénévoles, CissacMédoc, est le premier village reggae de France, à n’en pas douter, cette 11ème édition sera encore un grand millésime. www.reggaesunska.com

Le Chien à Plumes a du flair en proposant, pour sa 12ème édition, une programmation où les talents de demain se mêlent aux têtes d’affiche. Dans un écrin de nature, au bord du lac de la Vingeanne (à 10km au sud de Langres, en Haute-Marne), seront de la fête : Emir Kusturica, Maceo Parker, Tiken Jah Fakoly, Têtes Raides, Richard Gotainer, Java, Didier Super, Pigalle, JMPZ, Hocus Pocus, Toumast, Beat Assaillant, DJ Missil, Kaly Live Dub, ALB, Kiemsa… Le Chien à Plumes poursuit sa réflexion autour de l’écologie : co-voiturage, tri sélectif des déchets, information, sensibilisation… Quant aux gobelets, qui eux ne sont pas recyclables, ils pourront être déposés dans les buvettes : 50 gobelets rapportés = une conso gratuite ! Pour la petite info, le temps de dégradation d’un gobelet dans la nature est de 400 ans… www.chienaplumes.fr

>> du 8 au 25 octobre 2008

>> le 25 octobre 2008

ROCKTAMBULE

REAL’VIBES

Grenoble (38)

Ferme de l’Oiselière - Chauché (85)

Ce festival est devenu en quelques années une référence des musiques actuelles en Rhône-Alpes. Durant deux semaines, l’événement fait vivre à un rythme rocktambulesque une vingtaine de salles de la région en proposant des soirées aux esthétiques variées : dub, rock, hip hop, transe, chansons françaises, électro… Il couvre un large éventail grâce à une programmation de qualité, qui allie avec succès têtes d’affiches nationales, voire internationales, et jeunes talents de la scène régionale. L’association Rocktambule Grenoble, organisatrice de l’évènement, œuvre en effet depuis ses débuts pour l’émergence de la scène locale. Les temps forts de l’édition 2008 : la venue très attendue d’Alain Bashung, l’une des rares dates françaises de Suicidal Tendencies, la nouvelle création de Mango Gadzi, Young Gods en version acoustique et le final Dub-Trance avec 14h de musique électronique non-stop ! Au total, près de 50 artistes… www.rocktambule.com

Pour la toute première édition de ce festival, les objectifs sont clairs : profiter d’un évènement musical festif et intelligent pour sensibiliser un maximum de personnes aux problèmes environnementaux, et proposer des solutions de parrainages par le biais d’assos caritatives et éco-citoyennes. Pour cela, de nombreux bénévoles travaillent à l’organisation et à la réalisation de cette manifestation, tous très motivés, croyant en une juste cause et ayant pris conscience que l’ACTION est la seule arme qui puisse changer les choses ! Lier l’art à l’environnement, la nature et au respect de chacun, tel est le crédo de ce festival qui a choisi un site naturel, expressément protégé par ses soins (la Ferme de l’Oiselière à Chauché). La décoration à été confiée à Monic la Mouche. Au menu des trois scènes, plus d’une vingtaine de groupes dont Lofofora, Parabellum, Daddy Mory, Hand Craft, MC Circulaire… myspace.com/realvibes85 53


BRUITAGE

Creative Commons = téléchargement légal et gratuit

19 NEW PROJECT

CAIMAN FU

BARBARA CARLOTTI

“Disconnected”

“Les char mes du quotidien”

“L’idéal”

COMMODOR

(Gilles Boyer)

(Voxtone)

(4AD - Beggars / Naïve)

“Driving out of focus”

Imaginez Dave Gahan jammant avec New Order qui appellent Porl Thompson (Cure) à la guitare et Moby à la rescousse pour la production. Ce dernier, bien décidé à faire un double album, engage les cordes des DAAU, Laurie Anderson le temps d’un spoken word, Kevin Shields (My Bloody Valentine) pour mettre un peu de souffre à l’affaire. Les cuivres des Earth Wind & Fire passant par là se proposent de se joindre à l’aventure le temps d’un tube disco (One, two, three). Soudain, surgit Bob Sinclar qui se propose en remixeur pour payer ses impôts : Voilà Disconnected : un album intelligent réconciliant rockers, clubbers, underground, grand public, gothiques et fluokids. A l’image du patchwork de la pochette, Gilles Boyer parvient, grâce à ses talents de producteur, à donner une vraie cohérence aux influences disparates de ses 21 chansons. Pendant ce temps, Saez nous assassine avec un triple album monolithique. myspace.com/19newproject Ludochem

Isabelle Blais est comédienne québécoise. Depuis 2000, elle mène en parallèle une carrière de parolière-chanteuse au sein du groupe Caiman Fu. Ca n’a donc rien à voir avec une passade, et à l’écouter, on est vite convaincu qu’elle déballe ses tripes sur scène, et que c’est là que ça se passe… Un peu à la manière d’une Marjo (classe !) à ses débuts. On a hâte de la voir débarquer en France, ce qui ne saurait tarder grâce au collectif artistique C’est Pas Des Manières. Cependant, ses acolytes (Nicolas, Yves et Igor) ne sont pas en reste ; on a affaire à un vrai groupe et ça se ressent. Ca pop-rocke efficacement, ça peut même virer funk, tout comme se faire planant. Côté textes la poésie urbaine titille l’imaginaire… “Dans mon oreille il y a un couloir / Où je déguise les idées noires / Le spleen est bon et j’oublie”… “A 2000 ans d’ici / Où serons-nous? / A 2000 ans d’ici / Ferons-nous l’amour tous les jours ? / Ou la guerre comme nos pères ?” www.caimanfu.com Serge Beyer

A part. Définitivement à part, Barbara Carlotti. Avec ce port de tête et cette blondeur nettement bourgeois, qui ne dépareilleraient pas dans une comédie d’Emmanuel Mouret. Avec ce regard bleu calanque, faussement éteint. Avec cette diction nonchalante et distinguée ; cette voix, grave et suave, qui avance en escarpins sur une corde raide. Ce phrasé dépourvu de tout naturalisme qui évoque tantôt Jeanne Balibar, tantôt Emmanuelle Devos. Et ses mélodies étrangement arrachées au cours du temps, soumises aux climats plus qu’aux modes. Ainsi, Les lys brisés, son premier album, baignait-il dans une lumière automnale, brûlante jusqu’au désespoir, légèrement surex’, dans une douce mélancolie. Avec L’idéal, son dernier né, Barbara Carlotti délaisse les fins de saison pour l’éclat des jours radieux. Solaires, racées, ensorcelantes, elle signe là onze chansons brillantes, d’une beauté impérissable. Un album trop court. myspace.com/barbaracarlotti Sylvain Dépée

(Distile / Anticraft)

Voilà un de ces disques à apprivoiser sans ménagement pour se laisser emporter pleinement par sa fièvre. Difficile d’ailleurs d’y échapper, à moins d’être particulièrement hostile au style, rock noisy puissant que ne renieraient pas les amateurs d’Unwound. Les griffes sont de sortie chez cet animal sauvage et Liquid fire” met dans le bain immédiatement. Ca part très vite, il fait chaud, la vision n’est plus très claire, mais impossible de lâcher cette boule de nerfs rageuse et malade. Guitare et chant, basse et clavier, batterie : la trame mélodique nerveuse sait aussi se relâcher (“Dune”, “Everlasting swamps of sorrow”), contraster les pics bruitistes et l’émotion, pour une forme de hardcore mélodique avec même ses moments poignants. Et comme pour mieux rappeler le fil de la puissance du rock suisse, ce trio genevois compte le bassiste-claviériste de Knut dans ses rangs. myspace.com/commodorcommodor

Béatrice Corceiro

CVANTEZ

DAISYBOX

JOSEPH D’ANVERS

DEMAIN LES CHIENS

“Yvettela Musipontaine”

“Polyester”

“Les jours sauvages”

(Drunk Dog / Differ-Ant)

(MVS Music Publishing / Anticraft)

(Atmosphériques)

Une pochette cartonnée avec un nom de groupe énigmatique et un titre d’album qui ne l’est pas moins, la photographie d’un bateau quittant le port dans un décor marin gris et brumeux… Quelle musique allons-nous découvrir une fois le disque inséré dans la platine ? Nous voilà emballés dès la première écoute, séduits par l’alternance de pièces instrumentales et de morceaux chantés, qui produit un effet singulier. Les guitares sont plutôt douces et mélodiques, mais peuvent se faire nerveuses et saturées. La voix féminine, calme et posée, nous transporte dans une rêverie poétique un peu mélancolique, aux couleurs délicates et changeantes. Nous pensons autant aux Pixies qu’à Holden. Qui se cache derrière Cvantez ? C’est le projet solo, en premier lieu instrumental, d’Olivier Salaün, rejoint par Sandra Escamez pour le chant et les textes (4 titres sur 11). L’œuvre, finement ciselée, envoûtera les oreilles les plus rétives. myspace.com/cvantezmusic Elsa Songis

Deux frères et une copine de fac composent le lineup de ce groupe de rock, dont les textes sont en français. Bien que n’étant pas - à la base - originaires de l’hexagone, le combo a su développer certains attraits de la scène nationale : une voix nasillarde sur une musique simple et directe autant qu’un power trio aux rangs resserrés et aux accents gentiment mélancoliques. Car si Daisybox marque, ce n’est pas tant pour sa force mélodique ou narrative, mais pour son esthétisme léché naviguant vers des rivages pop et électrifiés. L’unité est respectée et propre sous tout rapport, donnant à l’utilisation de l’imagerie “mannequins plastiques et ascenseur d’hôtel luxueux” de la pochette une certaine cohérence avec son contenu. Ici, nul explosion rageuse ou cynisme vengeur, mais un set efficace et mainstream, rappelant parfois les nantais Dolly. Idéal pour une diffusion FM ou sur la bande originale d’un teen movie. myspace.com/daisybox

Un matin, le coursier vous apporte un disque, qui vous rappelle combien la langue est riche, subtile, puissante, et qui vous donne envie d’en éprouver la force. C’est le cas de ce second album de Joseph d’Anvers. Le Nivernais ne révolutionne pas la chanson, pas plus qu’il ne réinvente le solfège ou déstructure les règles de l’harmonie. Non. Il signe tout simplement un disque, qui a peu de choses près, est une splendeur, une lumière indomptée et vigoureuse, troublée, crépusculaire ou engourdie, selon l’humeur et le propos. Kids, 1000 fois, Le funambule, L’amnésie, à qui la faute ? Est-ce la griffe du réalisateur Mario Caltado Jr, qui travaille avec les Beastie Boys et Beck ? La vitalité fourmillante du Brésil, où Les jours sauvages a été conçu ? Les incursions vocales de Money Mark ou de la chanteuse de The Rodeo ? Ou la moderne écriture de Joseph d’Anvers, qui n’appauvrit pas la vie et arrive à se lover dans ses replis ? www.josephdanvers.com Sylvain Dépée

“Rien de nouveau sous ecstasy” (V. Music / Anticraft) Les Bordelais sont de retour avec un deuxième opus dominé notamment par l’ombre d’un Manu Chao dans les arrangements et d’un Serge Gainsbourg dans l’interprétation. Rien à voir a priori avec le roman de science-fiction de Clifford Donald Simak dont est tiré le nom du groupe. Ni même avec l’ecstasy, d’ailleurs. Et pour cause, le tempo ne se cale pas sur la fréquence cardiaque, mais plutôt sur le léger hochement du bassin. La guitare acoustique, l’harmonica ou la contrebasse, tout valse d’une même ronde pour servir un chant grave mi susurré, mi étouffé. Les chœurs sont délicats et l’album construit des univers sonores complets, jouant des surcouches pour installer son univers. Seul regret : une voix en retrait qui ne félicite pas toujours l’intelligibilité des textes malgré leurs profondes rigueurs poétiques, renforçant pour le même coup la ressemblance avec l’homme à tête de chou ou le ton monocorde d’un Miossec. myspace.com/dlcmusique

Samuel Degasne

54

Samuel Degasne


BRUITAGE

VINCENT COUR TOIS - ZE JAM AFANE “L’homme avion”

CROCODILES

“Pr oject white”

(Chief Inspector / Abeille Musique)

(Autoproduit)

Un pont entre l’Afrique et la France, deux cultures que le quotidien a fait s’éloigner malgré une histoire entremêlée depuis des siècles. Le projet est beau et musicalement audacieux, porté par deux hommes : Vincent Courtois, violoncelliste, et Zé Jam Afane, slammeur à la rythmique impeccable. Un savant mélange d’afrobeat proclamé par une guitare, un Fender Rhodes et une batterie, et de poésie soufflée par les vents de saxo et flûte. Les textes sont sans concessions et expriment, dans un lyrisme réaliste, la découverte du monde par les yeux faussement ingénus du slammeur camerounais. Il y est question des sociétés capitalistes, de l’obscurantisme religieux et du racisme bien sûr. Cependant, la rime n’est jamais moralisatrice et Zé a l’ingéniosité d’insuffler des messages forts et profonds au travers d’une légèreté et d’une écriture imagée propre à la culture africaine. Cet album apporte définitivement de l’espoir à nos petits cœurs. vcourtoi.club.fr Isabelle Leclercq

Leur patronyme se veut un hommage à Echo & the Bunnymen. S’il joue avec certains codes de la newwave (From the lion’s den rappelle les débuts de Joy Division), au spleen, Crocodiles semble préférer le décalage et la dérision. Pour tenter de saisir l’insaisissable et donner un aperçu de leur approche musicale, mieux vaut lorgner vers les iconoclastes Devo, Wire et consorts. Initialement création scénique donnée en janvier dernier, Project white tient la distance de la galette dans laquelle il est à présent contenu. Cependant, la qualité conférée par l’urgence de la retranscription, ne comble pas à l’écoute la frustration de certaines pistes, qui auraient gagné à être développées davantage. Travaillant le spectacle avec des graphistes et des vidéastes (superbe pochette au demeurant), ces Strasbourgeois sont à surveiller de près, d’autant qu’ils semblent, comme le mentionnait leur premier EP, ne pas avoir fini leur Evolution. myspace.com/crocodilesinc

Bruno Aubin

DIATRIBES

LE DISPOSITIF

“L’instant d’après”

“Synopsis”

(Audioactivity / Moremars)

(Dixit Records)

“Mélanger trois sources de son distinctes (vent, percussion et électronique) pour développer une masse sonore malléable.” Tel est le pari réussi de ce projet à géométrie variable qu’est Diatribes. Pour insuffler ce souffle, des invités se succèdent au fil des disques, ici Dragos Tara à la basse et Piero Sk au saxophone. Moins rock, la démarche rappelle cependant celle des Hollandais The Ex. Ces Diatribes s’expriment eux dans un jazz très très free, à écouter très fort. S’y propage le souffle de la vie, en dehors de tout air du temps. Passé l’orage du volumineux premier morceau, ces plages mi-tourmentées, mi-reposées guettent l’arrivée de la folie, ou bien rien… En attendant Godot, on apprécie cette quête de la “complétude tourmentée”, la réalisation de musiciens explorant le plus de pistes possibles. Ce disque, téléchargeable librement sur diatribes.dincise.net, sort aussi sur le CDR label grec Moremars.org. Vincent Michaud

On est loin du bling bling ! Plutôt du côté du hip-hop comme il est né, dans la rue, un bon DJ et deux MCs qui haranguent la foule, la font se lever, lui parlent de ses conditions de vie. Le Dispositif est ainsi. Des instrus inspirés signés DJ Don’s, de bonnes batteries à l’ancienne, Pabloi et Mossah jonglent ensemble sur ce camaïeu, avec leurs mots. Leurs flows glissent, sans grincer, pas besoin d’insultes pour parler à tous et partager une vision lucide qui fait son chemin. A la frontière de la bande FM, Synopsis se présente comme un patchwork crédible voguant dans la fin des années 90 (l’écriture, les interludes, les scratches), et évitant le virage synthétique US pour suivre la branche hip hop qui lui sied. Les textes aux augures tristement intemporelles ne sombrent jamais dans un pessimisme fatidique. Le Synopsis est là, reste à tourner le film… myspace.com/ledispositif

François Justamente

55


BRUITAGE

DRUNKSOULS

GAINO

“On ver ra plus tard”

GINA & TONY

“Le bestiaire H”

DOMINGO

(Autoproduit)

“Moonbow”

(Autoproduit / Avel Ouest)

“Domingo”

Ca commence comme du reggae (No more fighting), ça enchaîne punk, ça s’aventure en chanson militante à texte (Dernière cigarette) et surtout ça s’apparente à un répertoire en constante évolution. A en croire l’accueil chaleureux réservé par le public marseillais et les compliments élogieux récoltés sur Jamendo, cette musique qui sent bon le sable chaud semble avoir plutôt bien réussi à affirmer son côté positif et accrocheur. Et si l’on flirte par moments avec la variétoche (Give me a sign sonne très… Phil Collins), la section rythmique, le chant français / anglais ou encore les riches mélodies forment un mélange en conditions stœchiométriques pouvant s’avérer largement épidermique quand la chansonnette est poussée plus délicatement sur Dear lady ou Comme Louise et Thelma. L’Allemand Patrice ou les Australiens de Cat Empire ne renieraient certainement pas. Du rock’n’reggae de qualité, comme on l’aime. www.drunksouls.com Julien Deverre

(Poor Records / Namskeio)

Gwenolé Michenaud, batteur de feu Tri Bleiz Die (combo punk-rock bretonnant de Nantes) délaisse les rivages kitch de son premier essai. Direction l’album concept avec cette revue et entrevue animalière, thématique propre à l’exploitation artistique, d’habitude coutumière du jeune public. Mais ici, et même si l’on peut regretter un esthétisme et certains raccourcis parfois en deçà de l’ambition initiale, on se laisse vite bercer par cette joyeuse régression à la Gotainer. C’était mal connaître l’artiste, officiant depuis presque dix ans dans différentes formations : de l’expérimental, en passant par le jazz, le métal progressif et… le spectacle musical pour enfants. Epaulé par JC (Orange Blossom, Prajña, Bassdrum) et Stéphane Kotakis, Gaino signe des interludes irrésistibles et des compositions dans la pure tradition naïve. Un exercice qui aurait presque pu n’être qu’en acoustique, tant l’opus est frais et revigorant. myspace.com/gaino1 Samuel Degasne

(3rd Side Records)

La journée d’un dimanche ordinaire, c’est en général ne rien prévoir, ne rien promettre, laisser venir les choses à leur rythme. Ainsi arrivent ces chansons du Domingo, tombées presque par accident dans la quiétude de la bulle formée par Anna et Samy. Un couple qui a occupé ce temps suspendu à bricoler des morceaux en acoustique. Neuf titres en anglais forment ce premier disque qui s’aventure dans un folk nonchalant et amoureux, où l’on entend la nature respirer. Il procure une agréable bouffée d’air par la fraîcheur sans prétention qui l’imprègne. Un charme presque trop discret, marqué en toute sensibilité par le lien qui unit les deux protagonistes. Ils communiquent entre eux par la voix d’Anna, les notes de guitare, et les arrangements convoquent un décor tendre et accueillant pour nous, observateurs curieux de leur petit monde. myspace.com/domingotheband

Béatrice Corceiro

Construire un premier album sur l’alternance de compositions originales et de reprises est le pari risqué qu’a pris ce duo genevois. Entre une version spatiale et épurée d’Over the rainbow et un Mr Sandman aux faux airs de fête foraine, ces deux Suisses multifonctions (elle est écrivain, il est journaliste) se créent une identité musicale à la frontière de l’électro cotonneuse et du cocktail hype. Le délicat décalage entre les mélodies du passé et les rythmes futuristes donne aux douze pistes une saveur envoûtante et apaisante, à la manière de leurs voisins allemands d’Alphawezen. Loin d’étouffer les créations du tandem, les réinterprétations des classiques fifties changent de visage. Elles soulignent la cohérence d’un album où la voix lascive de Sabrina Berreghis s’accommode aussi bien du Love letters d’Elvis que d’un hommage à Gainsbourg (La ballade de Gina et Tony). myspace.com/ginaandtonyspace

Yann Guillou

HOOKA HEY

INNA CRISIS

JELLYFUZZ

JIMBO FARRAR

“Hooka Hey”

“What if”

“A barbecue with Elvis”

“Jimbo Far r a r ”

(All Tube / Underdog)

(Mosaic)

(Coop-Breizh / Avel Ouest)

(Autoproduit)

Impeccablement taillés pour le rôle, trois Frenchies nous embarquent en bastringue sur les chemins de traverses, ballottés que nous sommes, à l’aveugle, d’espaces sauvages enivrants en pubs malfamés, de champs de coton en marécages poisseux. Hugo (chant et guitare), Vince (basse) et Etienne (batteries) refusent de s’emprisonner dans un genre, préférant continuellement sauter d’un folk des plus efficaces à un rock hautement abrasif, d’une complainte blues à une ballade americana au classicisme tout assumé. On pourrait croire le trio se chercher, il s’est définitivement trouvé : un son aussi brut qu’il sait se dépouiller, une rugosité toute sensuelle, un chant rauque et fiévreux. Un univers que le producteur Lionel Darenne (Steve Albini) a su retranscrire avec grâce : l’homme a enregistré le groupe en live, sur un magnétophone à bande, le tout mixé sur une ancienne console Barclay. Pour un son direct et percutant. A vif. hookaheymusic.com

Sorti en 2006 en Suisse, pays des sept musiciens du groupe, ce deuxième album est l’occasion pour la France de faire enfin connaissance avec le reggae frais d’Inna Crisis. On retrouve sur cet opus treize titres animés par la vibe jamaïcaine mélangée à une approche mélodique occidentale qui rappelle Soldiers of Jah Army, ne serait-ce que par la voix du britannique Mark Kelly et son amplitude veloutée. Les amateurs d’arrangements recherchés apprécieront les thèmes et soli de la trompette et du saxophone, les parties de claviers aux sons old school. Loin de tout prosélytisme rasta, le propos des chansons est plus volontiers orienté vers des sujets personnels et évite toute reproduction d’un discours vu et revu. Chaloupant et chaleureux, ce What if ravira les fans en mal de nouveau son caliente qu’ils pourront découvrir sur scène puisque le groupe prépare une tournée pour les mois à venir. myspace.com/innacrisis Caroline Dall’o

Elvis n’est pas mort et on peut faire un barbecue avec ! C’est la leçon que comptent donner les membres fondateurs de cette efficace formation brestoise. Les Jellyboys, comme on les appelle, font du rock’n’roll country inspiré Nuggets et sentent le marécage à trois kilomètres à la ronde. Ainsi, après le remarqué maxi Talk, talk, talk ! en 2004 et un premier LP déjà “américainement” intitulé Cadillac Motel en 2005, Marc, David, Manu et Arno reviennent au rockabilly de base en empruntant sans vergogne aux Flaming Groovies, au Gun Club ou aux 22 Pistepirkko. Trois ans plus tard, le sixties garage y est encore mis à l’honneur (Surfin’ on the swamp, Desert grave) le long de rythmes tendres et saignants, inspirés et percutants. Une très bonne surprise pour un groupe qui, et c’est suffisamment rare pour le faire remarquer, soutient le vinyl en sortant son album sur galette noire en version limitée. Et ça c’est beau ! www.jellyfuzz.com

Le combo bordelais est armé de deux basses, une guitare, une batterie. Ses musiciens adeptes de postrock, au sens premier du style, offrent donc leur propre vision dans un disque double, rose fluo cinglant, et ne présentant aucune autre indication que le nom du groupe. Alors, oublions tout sans frémir pour nous plonger dans la musique elle-même. Instrumentale sauf quand une voix sourde sort de ses ténèbres, tranquille sauf quand l’électricité poursuit un point abrupt ou culminant. Les sons s’affrontent sous plusieurs angles : tiraillants, glaçants, foudroyants. Grâce aux suites mélodiques bien orchestrées par les notes de guitares, la confrontation calme et intense prospère. Le deuxième disque est une longue plage décousue dans laquelle il fait bon se perdre. Ceux qui embrassent volontiers toutes les facettes de Mogwai ou Explosions in the Sky ne devraient pas être déçus du voyage en terre girondine. myspace.com/jimbofarrar Béatrice Corceiro

Marion Lecointre

Julien Deverre

56


VINCEN GROSS

BRUITAGE

JANN HALEXANDER

“Stéréotypie”

“Le mar ginal”

(Autoproduit)

(Apoplexia / Midi 52)

Après un Demi-deuil noir et douloureux, peuplé de démons, voici un deuxième album aux teintes plus claires, plus lumineuses, même si les propos restent sombres et tourmentés. Réalisé en solo (ordinateur, voix, instruments) de la même façon que le précédent, au gré d’itinérances dans différentes régions de France ou à l’étranger (Vincen Gross est aussi travailleur saisonnier), Stéréotypie apparaît comme plus abouti, mieux pensé. Les dix titres s’enchaînent sans accroc les uns aux autres, comme autant de petites pièces progressant vers un tout. Même si l’auteur a l’impression d’être “comme un étudiant en écriture et en musique, rendant des devoirs qui sont encore un peu brouillons”, nous pourrions, si nous étions ses professeurs, laisser en marge de ses copies des annotations très encourageantes. Mention spéciale à Nous avons bien vécu, au sens grave et profond, et à Désénerve-moi, pour son élan vers l’autre. myspace.com/vincengross

Aurélien Makosso-Akendengué ne fait pas les choses à moitié. Le chanteur et réalisateur franco-gabonais s’offre 21 pistes dont une magnifique ouverture instrumentale. Et ce qui frappe en premier lieu, c’est la voix toute particulière de l’artiste, évoquant Jay Jay Johanson. Le chant, mis en avant grâce au minimaliste des arrangements, est posé là sur un simple piano, tant l’artiste fait preuve d’assurance. En 2004, Jann avait déjà fait parlé de lui en interprétant un texte sur Robert Brasillach, écrivain supposé homosexuel, antisémite et partisan de la collaboration. Le chanteur sait même interrompre sa musique pour mieux prendre à revers, soulignant un propos qui bascule parfois vers une catharsis systématique et une mise en avant de l’ego. Quoi qu’il en soit, les textes se nourrissent des états d’âmes et des interrogations, livrant un exercice qui pourrait paraître répétitif, mais d’une indéniable sincérité. jann.halexander.free.fr Samuel Degasne

Elsa Songis

LARGO

THE LATITUDZ

“La langue des oiseaux”

“A will, a drill, and a goldmine”

(Largo / L’Autre Distribution)

(BadBax)

Babette Moinier et Moanaatea Teparii dessinent à quatre mains des paysages sonores envoûtants, aussi amples que lents, riches que nus. Des comptines bucoliques, poétiques, des vagues instrumentales qui errent dans les airs, au-dessus de nos vies. En dedans. Elle, susurre des histoires de l’ordinaire, pendant que lui, les parent d’une musique enfantine, naïve, en même temps que terriblement sensuelle. Ici, un enfant parle, les oiseaux chantent. Là, le bruit de l’eau qui coule sous les ponts, le chant de la brise et du vent marin. Plus loin, des lampions, un saule pleureur, la valse de deux amants… “Nous voilà liés alors / Tellement emmêlés / Les pieds dans les nuages / la tête sur le pavé / Et à l’envers / Comment s’abandonner / Et comment se défaire ? / Tu me prends sans passé / Ton passé je l’invente / De toutes nos amnésies / Je tisse des souvenirs / En abîme nous deux / Nous nous multiplions / Nous fabriquons du fil / Du fil à l’infini.” largo.groupe.free.fr Marion Lecointre

Le groupe yvelinois mérite plus qu’une simple chronique. Pour ainsi dire, c’est même la révélation hiphop du moment, réussissant de magnifiques hold-up à Bourges et lors du Grand Zebrock. Le quatuor construit ainsi un univers sonore très riche entre approche funk, envolées rock et arrogance US. Le rappeur malawien réussit à s’y imposer tel un prêcheur soul, balayant les convenances et s’attardant sur scène dans de longues introductions parlées et caractéristiques. Incroyable d’imaginer que ce combo vient de l’hexagone, tant le flow est naturel et les influences complexes rappelant l’élan du mouvement fusion dans les 90’s. L’énergie est là. Le groove et le romantisme aussi. Un album d’une réelle intelligence qui sait réconcilier les styles et ne pas sombrer dans les raccourcis évidents. Incontestablement, les “Tudz” possèdent cette facilité et cette aisance imparable qui s’en révèlent presque… énervante. myspace.com/thelatitudz Samuel Degasne

57


BRUITAGE LOANE

MALOH

MANUSOUND

“Jamais seule”

“7200 Minutes”

“Nous sommes ce qui ar rive”

(EMI / Virgin)

(Neomme / L’Autre Distribution)

MALOY’AZ

(Foutadawa / Pias)

Pour rien vous cacher, la première chose que l’on s’est dit en découvrant ce premier album est : “Encore !?” Après Berry et Rose, encore une chanteuse à la voix et aux mélodies aussi jolies que sa frimousse. Eh oui, c’est comme ça : à 29 ans, la belle Loane compose au piano des morceaux sensibles et doux, des chansons de fille amoureuse, déçue ou joyeuse. On cherche la faille, on se dit que ses airs un peu gentillets vont manquer de profondeur. Ce n’est pas le cas. Sous les boucles roses de piano, les textes révèlent une finesse à la Françoise Sagan. Accompagnée de guitares, quelques percus, harmonica et parfois des cordes, la musicienne ne ment pas. Elle parle de l’intérieur des choses avec une précision désarmante : les sentiments mêlés, la bataille des cœurs. On ne peut que vivre avec elle ses frissons, regarder partir les gens qu’elle aime comme si c’était les nôtres et laisser ses sourires caresser nos lèvres. myspace.com/loane Aena Léo

Châteaubriant, le grand barde Théodore Botrel, Jean Rochefort, et plus récemment le chanteur Da Silva, Dinan n’est pas avare de célébrités. Et dans peu de temps, la cité armoricaine devra ajouter à cette liste prestigieuse, le nom d’un enfant du pays : Maloh, ACI de 21 ans, effrontément talentueux. Des mélodies limpides, de la clarté, des scintillements et des ombres soudaines, changeants, forts et romantiques comme la Mer d’Iroise, des ballades folk sur les rivages des sentiments. De l’envergure musicale également et une économie de moyens, quelques flûtes et des chœurs, notamment de la magicienne Amélieles-Crayons sur Marin et Macfarlane, s’immiscent dans les interstices laissés par les guitares acoustiques et la voix, parfois en dessous, du jeune Breton. Sans oublier, une plume qui sans trop d’écueils, manie avec légèreté, humour, fébrilités amoureuses et jeu d’allitérations. myspace.com/maloh7200

“Sen’Mêlé”

Connu pour être l’instigateur du groupe dub Yosh, Manu Léonard s’illustre ici avec son projet solo haut en couleur. Sans quitter des yeux les soundsystems jamaïcains, ce premier album détonne par ses écarts dancefloor et électro-clash (Peep Show) et étonne par son ton et ses textes décalés, qui sont d’ordinaire l’apanage d’une certaine chanson française. Le parlé-chanté évoque fortement un Gainsbourg qui aurait mis un peu d’électro et de dada dans son reggae (Enrichis-toi, Le doigt sur la gâchette), inspiration indubitable et pourtant inévoquée. Les morceaux instrumentaux, de facture plus classique, mettent en avant les qualités de producteur de Manusound, et mettront d’accord les amateur du genre. Moins consensuel, le reste de l’album ne manquera pas de faire parler de lui, entre clins d’oeils, obscénités gratuites, gentilles provocations et chroniques philosophiques. Un disque singulier, mais bien de son temps. myspace.com/manusound

(Djakooloo Records)

De l’île de La Réunion, les métropolitains n’ont longtemps connus que ses émanations folkloriques édulcorées, loin de rendre justice à sa richesse musicale. C’est avec le plaisir des chercheurs de trésors que nous découvrons depuis quelques temps ses artistes, aux horizons aussi différents que Zong et son électro rock déjanté ou Nathalie Natiembé et son approche à la fois traditionnelle et moderne. Il faudra désormais compter sur Maloy’az. Mélangeant percussions traditionnelles et piano jazz, Maykéz et Pierre Ydier ouvre une nouvelle voie à la chanson, que l’on peut appelée française, bien que fortement imprégnée de créole. La voix troublante de féminité du percussionnistechanteur ouvre une dimension intrigante, prolongée par des textes qui interrogent l’identité réunionnaise, le métissage et notre propre conscience des frontières musicales. myspace.com/maloyaz Caroline Dall’o

Sylvain Dépée

Rafael Aragon

MISS ILS

MUKTA

OLIVIER NEVEUX

NO MAD ?

“Miss Ils”

“Invisible worlds”

“Baby hide”

“Casa de Clovni”

(Autoproduit)

(Bassofone / Anticraft)

(L’Amiral Somnambule / Mosaic)

(Projet BOB)

A ne pas confondre avec la DJette déjantée, Miss Ils est un combo pop rock qui saura faire vibrer la corde sensible des amateurs de mélodies catchy et de chansons bien foutues. Né sur les cendres de la formation électro pop Mary Modified, le groupe emmené par Viché de Vince (basse) Scal Nowak (guitares) Fred Fuchs (guitare) et Christophe Deschamps (batterie) a su trouver une nouvelle direction avec l’arrivée de la chanteuse Floo. Avec ce premier album autoproduit, les musiciens au long cours - M. Deschamps, batteur en chef, a collaboré au tube de JJG Quand la musique est bonne ! - ont su adapter leurs références électro, rock, pop pour offrir un écrin organique à leur répertoire. Avec leurs textes finement écrits comme autant d’épisodes de road music poignants (Ennemie publique), riches d’une narration implacable (Zarathoustra, Narcolepsie), Miss Ils signe un premier album qui s’écoute comme on lit un roman noir. myspace.com/missils Caroline Dall’o

Emmené par le contrebassiste Simon Mary, qui signe comme à l’accoutumée la majeure partie des titres ainsi que la production, Mukta poursuit sa route avec une même constance dans ses qualités artistiques, qui n’a d’égal que sa discrétion. Album après album, la formation n’a eu de cesse de gommer les frontières entre world et jazz, injectant des sonorités indiennes, cubaines, électro, free dans ses différents projets. Avec ce cinquième opus, le groupe, dont le line-up s’enrichit d’un batteur, semble opérer un travail sur lui-même, affinant toujours son style, vers plus d’épure. Invisible worlds fuit ainsi les longueurs. En six titres et 33’ 46’’, sans épate ni démonstration, les instrumentistes (sitar, trompette, percus, flûte, contrebasse) rivalisent de finesse ; et chacun de signer des envolées échappées d’un flux continu de groove et de caresse. Un cocon qui se passe effectivement de mots. www.mukta-online.com

Avec sa voix grave à la limite du cassé, Olivier Neveux pourrait se la jouer Fersen du pauvre ou Arthur H aux petits pieds. Mais cet ACI choisit d’interpréter des textes plutôt légers sur une musique pop ensoleillée comme un printemps à Capri. Ce décalage est vraiment bienvenu et on apprécie les belles qualités d’écritures qui racontent sans jamais démontrer. Mais plus on avance dans le disque, plus le printemps se mue en hiver nocturne. Les textes se font plus sombres et les mélodies plus tendues. On y parle de quartiers portuaires, de femmes faciles et de solitudes urbaines. Dès la troisième chanson, Neveux nous embarque dans son univers poétique et contemporain, mais jamais désespéré. C’est même tout le contraire. Tout est soigné à l’extrême et on se dit que beaucoup d’albums de majors n’ont ni le niveau d’écriture, ni une production aussi soignée (ne cherchez pas, ils ne sont pas dans le journal !). myspace.com/olivierneveux Eric Nahon

Sont-ils fous ? Pas vraiment… Juste habités par cette joie exubérante empreinte de mélancolie propre aux musiques tziganes. Dès les premières notes, le voyage au cœur des steppes de l’Est commence. Le décor planté est un peu barré, comme dans un bon Kusturica. Ce combo de nomades musicaux a posé ses valises à Grenoble pour produire son premier opus, plein de promesses et d’ambition. Les morceaux sont écrits dans une langue qui invite à l’évasion, sans être formatés (ils varient de 50 secondes à 7 minutes), et les musiciens prennent plaisir à agrémenter leur fanfare de saxo, flûte, clarinette, accordéon et cordes. Cet album fait partie de ceux qui créent en chacun de nous un décor particulier, indissociable de ce film musical. Le chant d’Elodie Lordet est explosif, tantôt doux et triste, tantôt fou et exalté… Devant tant de créativité musicale et cette envie palpable de faire la musique qui leur plaît, sans consensus, disons merci et bravo ! www.no-mad.org Isabelle Leclercq

Bruno Aubin

58


BRUITAGE

MINA MAY LIONEL MELKA

“Mina May”

“Click sur oui”

(Le Jardin Collectif)

(Autoproduit)

S’il vous reste une bonne place sur votre étagère indie-rock, elle sera parfaite pour le premier album de ce groupe toulonnais. Car il est assurément pétri de bonnes références (Radiohead circa Kid A, le Velvet, Syd Barrett, Daniel Johnston) mais aussi de bonnes intentions. Voyez ces guitares électriques, en pleine extase ; elles tressent des motifs pour noisy pop, puis prennent à revers dans un éclat mélodique transcendant. Puis ces claviers, porteurs de sons électroniques au pouvoir hypnotique. La voix, souvent grave, parfois extatique, mène la danse dans ce tourbillon expressif. Exploration lascive et poétique (Strange hop), explosion persuasive (El Dorado), attraction frénétique (At the Pixie Hotel) : brutale et viscérale, cette musique joue à faire tourner les têtes. Ce disque éponyme est aussi la première naissance au sein du Jardin Collectif, porté par un membre du groupe grenoblois [Melk]. myspace.com/minamaymusic

C’est une bête de scène et pour le prouver, il a enregistré son premier album dans les conditions d’un live : deux jours en studio, des prises “one shot”, des impros et aucune retouche. Le résultat est convaincant. Accompagné de guitare, piano, batterie et claviers, il travaille un son grovy-déjanté qui ne respecte pas grand-chose. Il s’arrête au milieu d’un morceau pour nous parler, détourne les sons, transforme un slow parti pour être langoureux en rock allumé où il hurle : “Quand est-ce qu’on baise ?” Avec une insolence nonchalante, ce trentenaire parle de sa génération dépressive élevée au porno, gavée d’Internet. Il décrit les guitares comme des femmes et tourne en dérision les histoires d’amour d’aujourd’hui sans jamais vraiment se prendre au sérieux. C’est ce qu’on aime chez lui. Ca, et sa voix rauque et chaude à la Tom Waits qui rend facilement accro à ses morceaux. myspace.com/lionelmelka Aena Léo

Béatrice Corceiro

NOUROU

NY:NA VALES

“Eurafrican carapit”

“L’atmosphèr e”

(DLF Prod)

(Prikosnovénie / Anticraft)

Voilà quelques temps que l’on attendait l’album qui ferait suite aux deux EP de Nourou, découvert en 2004 à l’occasion d’un concert enflammé en région parisienne. C’est donc chose faite avec Eurafrican carapit, sur lequel les origines sénégalaises du chanteur Elhadj M’Bodj se mêlent aux sonorités universelles de la black music, du reggae à la soul, en passant par le funk. La chaleur de Dakar est omniprésente certes, ne serait-ce que par les textes chantés en wolof et en peul, mais la musique de Nourou ne pourrait se résumer à de la “world music” folklorique, bien plus ancrée dans les racines d’une culture musicale mondiale commune à tous les amateurs de musique vivante. La production de cet autoproduit est impeccable et prouve qu’indépendance rime aujourd’hui avec qualité. Sélectionné par le programme du Coach, le set déjà bien rôdé du groupe prendra à coup sûr une nouvelle dimension sur la tournée à venir. www.nourou.com Caroline Dall’o

Ce nouveau duo de charme, est le fruit de la rencontre artistique entre Yann Savel, auteur-compositeur à ce jour de trois albums insolites de belle facture, et Nathalie Carudel, chanteuse dont on apprécie très vite le chant empreint de douceur et sensualité. Joliment troussées par l’orfèvre sus cité, ces chansons s’inscrivent dans le prolongement de son œuvre, bien qu’on note qu’elles gagnent en glamour ce qu’elles perdent en excentricité. Empruntant autant au jazz qu’à la pop, voire à la bossa nova, la musique dessine avec poésie un monde fantasmé, où la beauté règne en toute légitimité. Le chant de Savel se fait rare, on peut le regretter, car lorsqu’il apparaît au détour d’un couplet ou un refrain, on en apprécie d’emblée la précieuse singularité. Les adeptes du bonhomme savent de quoi il est question ici, mais ce parti pris n’obère finalement en rien la belle pertinence d’un projet laissant éclater au grand jour une association talentueuse. myspace.com/cheznyna

Alain Birmann

59


BRUITAGE OLIVIER OLIVERO

PADAM

“Krishna give me arms” (Autopr oduit) Plus qu’un projet parallèle, Krishna give me arms offre un prolongement aux explorations musicales des Rageous Gratoons et de la Cie Mohein, formations dans lesquelles Olivier Olivero officie. On y retrouve ce goût du nomadisme, ce sens de la découverte et de la retranscription des cultures d’hier et d’aujourd’hui, d’ici et d’ailleurs. Seul maître à bord, Olivier écoute son instinct, offrant une mosaïque aussi généreuse qu’égoïste de ses envies. L’instrumentation riche et variée détonne : orgue, accordéon, sitar, cymballum, contrebasse, violoncelle, se marient aux programmations, percus et rythmiques enlevées. Airs champêtres, mystiques, andalous, indiens, électro-dub ou même menuet s’entrecroisent dans un folklore anarchique parfois foutraque, la punk attitude déniaisant le traditionnel. Une création libre et indépendante à plus d’un titre, à se procurer lors des apparitions scéniques des Rageous, de la Cie Mohein ou par correspondance. myspace.com/medirzitun Bruno Aubin

“Bonheur bordel”

PHANTOM Feat. MARIE-FRANCE

“A call”

PHOSPHENE

(Garance Prod/ L’Autre Distribution)

(Freaksville Records)

(Autoproduit / Anticraft)

La gouaille a encore de beaux jours devant elle. Et ce quintette est à cette image, sorte de liberté de ton d’un Paris d’antan qui se serait préservé du stress. Cruelle poésie ou comptines humanistes, les portraits sont taillés dans la matière brute de l’âme au détour d’une guinguette. La voix enfumée de Nader Mekdachi puise ses accents dans les brèves de comptoir, les apéros du soleil couchant et les ponctuations world. Sous ces ballades romantiques, il y a toujours un swing enivrant et nostalgique pour vous consoler ou jouer la sérénade aux héros de la rue. Ce quatrième album acoustique sert la culture populaire avec une rare noblesse dans l’écriture, néanmoins teintée d’humour. Padam sait ainsi faire délicieusement la synthèse de ses dernières années et hurle son amour pour la vie. Ici, ça respire la simplicité. On se pose en observateur amusé des agitations extérieures, sans attaque apparente du temps. Et c’est tant mieux. www.padam.fr Samuel Degasne

Le projet du parolier Jacques Duvall, composé par Miam Monster Miam et interprété par Marie-France, se nomme Phantom. Pour mémoire, la chanteuse qui a démarré à l’Alcazar, a fréquenté des gens comme Guy Hocquenghem, Alain Z. Kan, André Téchiné, Marguerite Duras, Bijou, Marc Almond, Daniel Darc ou Mirwaïs. Aujourd’hui, sa voix se balade toujours entre diva-Dietrich et rock-Dani, entre justesse et dérapage, mais on s’en fout, au moins, elle invente un univers ! Ca démarre fort avec une intro quasiinstrumentale bougrement efficace, entre rock 70’s et dépoussiérage actuel. Les titres qui suivent sont inégaux : Les nanas ou Bleu sont dispensables, alors que Marie-Françoise se suicide, Cracher ma bile et J’arrête, nous rendent addict (“J’ai arrêté la cigarette, qui est dix fois moins nocive que toi / J’vais te recracher comme une arête !”). Mais le summum de cet album reste l’irrésistible Que sont-ils devenus (quelle patte ce Duvall !) à déguster sans retenue. myspace.com/mariefrancedeparis Serge Beyer

Une introduction déroutante où le souffle est le seul instrument, sous forme d’invitation à pénétrer dans un univers tellement riche qu’il en devient difficile à qualifier. En franchissant les barrières entre trip hop, rock et pop, cette formation phocéenne réussit un véritable coup de maître où les atmosphères feutrées, oniriques et survoltées se fondent dans une musique expérimentale totalement habitée. Au delà de l’homogénéité, A call emporte l’auditeur dans un voyage hypnotique où se mêlent la folie électronique et vocale de Björk (Prism), le spleen velours de Portishead (Industry), l’introspection fragile de Sigur Ròs (Glimmer) et les envolées magnétiques de The Album Leaf (Rubicube). Phosphene brille par sa force d’évocation, ses compositions s’écoutent et se vivent seul, sa musique se regarde (l’album est également une performance visuelle sur scène). Sans oser parler de chef d’œuvre, A call est une merveille. www.phosphene.fr Yann Guillou

LES PTITS T’HOMMES

RED CARDELL

REVO

JULIEN RIBOT

“Le nouveau comptoir des histoir es” (Kiui Prod / Mosaic) Chanteurs d’histoires oniriques et montreurs de curiosité, ces saltimbanques sont semblables aux personnages de Jean-Pierre Jeunet, par leurs costumes ou de Tim Burton, par leur univers. Manu Galure, chanteur et pilier de la formation, raconte plein d’histoires, toutes vraies, bien sûr, mais que personne ne daigne croire, sauf ses compagnons qui, sans le suivre complètement dans ses délires, font semblant de le trouver crédible… Et vous, y croirez-vous ? Friands de cinéma fantastique et gourmands de littérature, ces cinq jeunes Toulousains vous entraînent dans leur monde magique, aux rythmes d’engins percussifs en tout genre, piano bancal, accordéon grinçant, contrebasse et guitare-clarinette. Ce deuxième disque est un spectacle à lui tout seul : impossible de rester insensible à la petite fabrique des enfants ou à leur vendeur de bisous. Une atmosphère incroyablement fantaisiste… à suivre absolument ! www.lesptitsthommes.fr

“Banquet de cristal”

“Artefacts/…”

“Vega”

(Keltia Musique)

(Jarring Effects)

(Ici d’ailleurs)

Les Cardell célèbrent quinze ans d’activisme aussi festif que breton. Depuis quelques années ils ont délaissé le rock breton pour s’enrichir de sonorités d’Europe Centrale. Les rencontres ont toujours fait partie intégrante de leur processus de création. Pas étonnant donc de les retrouver entourés de convives dans ce Banquet de cristal. Thomas Fersen et Pierre Sangra racontent des histoires de bistrot alors que Miossec et Tiersen officient sur une chanson plus lyrique et plus tendue. On mange de tout à ce banquet, Dan Ar Braz arrive avec son blé noir pour un An dro tout en rock, Gérard Blanchard apporte le digestif avec son accordéon. On y mange aussi bien bulgare qu’électro ! Au milieu de tout cela, Red Cardell s’amuse et joue encore avec les styles. Le banquet, bien que fourni, n’est pas indigeste, même si on ne s’y régale pas tout temps. Mais il y a suffisamment de bonnes choses pour apprécier ces mémorables agapes. www.redcardell.com Eric Nahon

Dernier poulain en date de la fameuse écurie lyonnaise, le duo morlaisien débarque dans nos bacs avec son premier album. Aiguisé comme un rasoir, leur son électro-noise ne lésine pas sur les décibels, sans pour autant se résumer à une orgie sonique. Tirant vers l’indus ou le breakbeat, ils plantent tout au long de ces 12 titres un décor sombre et complexe, où le sens a toute sa place, malgré une musique exclusivement instrumentale. Leur mélange de beats contondants et de murs de guitares est tout à fait maîtrisé, et prend une tournure très visuelle, voire narrative, comme ils le décrivent eux-mêmes. Cet album tout en tension n’offre pas une minute de répit et ne se prête guère à une écoute distraite. Il requiert toute l’attention de l’auditeur, secoué qu’il est par les assauts électroniques et l’énergie rock déployés par le groupe, qui atteignent toute leur intensité lors de leurs sets guitare/machine mémorables. myspace.com/revolume

Le nouvel opus de cet adepte de l’onirisme est un fantasme de pop orchestrale, à l’instar de Melody Nelson ou La mort d’Orion, jalons du genre. Julien Ribot, après deux tentatives plutôt réussies Hôtel Bocchi (2001) et La métamorphose de Caspar Dix (2004), poursuit avec bonheur sa soif d’absolu. Son nouveau projet fourmillant d’idées et trouvailles mélodiques, n’est pas à proprement parler un concept album, même si la cohérence du propos, quête identitaire et de sérénité intérieure, impose sa belle évidence. L’orchestration luxuriante associée à des arrangements délicats, forment un écrin de très belle facture, que l’on situera quelque part entre les compositions de Air et celles d’Arman Méliès. Le chant, toujours caressant, contribue à distiller le charme qui se dégage de ces quatorze titres vertueux. Disque sensible, dont les duos sont interprétés avec sa compagne Annabelle, Vega est un sommet, un bel émoi de ce début d’année. www.julienribot.com Alain Birmann

Johanna Turpeau

Rafael Aragon

60


BRUITAGE

PROJET VER TIGO “Pr ojet Vertigo”

PSYKICK LYRIKAH

(Autoproduit)

“Vu d’ici”

L’écoute du premier album du trio dijonnais (Daniel Scalliet : chant et guitares, Sébastien Bacquias : contrebasse, chœurs, samples, Nicolas Thirion : guitare électrique, sons électroniques) nous propulse dans un univers musical peu exploré, où les new-yorkais Soul Coughing avaient excellé dans les 90’s. Projet Vertigo reprend magistralement le flambeau et propose une “matière sonore” assemblant des éléments hétéroclites (contrebasse jazz, loop box, guitares blues, rock et noisy, voix théâtrale et habitée, effets hip hop…) qui créent entre eux une alchimie étonnante, séduisante, à forte personnalité. L’atmosphère est dense, prenante, chaloupée. Le chant, en français ou en anglais, expressif et inspiré, nous évoque Brel ou bien Tom Waits. Nous nous laissons happer par Light me, L’assommoir, Flarry flower, Frangine… tous émotionnellement chargés. Les derniers titres sont des expérimentations plus bruitistes. myspace.com/leprojetvertigo

(Idwet / La Baleine)

Elsa Songis

Après la rage puis le dépouillement, place à l’expansion apaisée. Le premier album Des lumières sous la pluie crachait des cordes acides, le second se lovait dans les guitares de Mellano, Vu d’ici s’ouvre aux collaborations multiples. Aux habitués Mellano et Robert le Magnifique, viennent ainsi s’ajouter Laetitia Sherrif et Iris (membre de Mobiil). Un point dans la foule sort de la masse : ce duo avec Dominique A pourrait séduire les radios classieuses réfractaires aux flows trop rêches de Arm. Par l’instrumental Le chant dans la nuit point même un futur apaisé. On vous passera le cliché de l’album de la maturité, mais sans conteste Arm a fourbi ses armes. La musique gagne en douceur et se dote d’un écrin plus étoffé que sur le précédent “acte”. Le retour des saveurs électro sont aussi appréciés, bordées des guitares inspirées de Mellano. myspace.com/psykicklyrikah Vincent Michaud

ROBER T LE MAGNIFIQUE

ROUGE A LEVRES

“Oh yeah baby”

“Démaquille toi”

(Idwet / La Baleine)

(Under Cover / Naïve)

Le culturisme musical, soit la boulimie de disques, ça muscle les gammes ! L’effigie bodybuildée de Robert le Magnifique le démontre avec fierté sur la pochette. Touche à tout, il entend détonner dans une électro en pleine crise existentielle. Rock, hip hop ou big beat, l’exercice multidisciplinaire lui procure une issue. Parmi les conquêtes du coach, Nina fait ainsi dans la gestuelle Pixies plutôt délurée. Robert ralentit le rythme en suivant, histoire de ne pas exploser les durits de ses clients. Ca sautille tout de même sur le discoïde Bad’Z pixel. Le mélange des genres est ici une méthode rodée. Cette Gym tonique plaît et la salle de sport ne désemplie pas : Arm de Psykick Lyrikah emprunte La route du Bob. La Bretagne vient aussi y renforcer son esprit communautaire avec les adhésions de Laetitia Shériff et l’incontournable guitariste Mellano. myspace.com/robertlemagnifique

Rappeur prolifique et graphiste reconnu, Grems est un personnage unique dans le hip-hop hexagonal, qui reste pourtant méconnu du grand public. Sa dernière obsession : mélanger le meilleur de la house à un rap malin et décalé. Après la création de Rouge à Lèvres avec Le 4Romain et un premier album en 2004, le remarqué Airmax en solo deux ans plus tard, il revient mieux entouré que jamais, avec Disiz au micro et Dj Gero aux platines. Le crew a beau afficher sa dérision comme un étendard, le résultat n’en est pas moins de haute volée, que ce soit au niveau de la production léchée et ultra-funky que du côté du flow souple et technique. Les thèmes abordent exclusivement le monde codifié et superficiel du clubbing, d’un angle plus parodique que critique. Cependant leur second degré est beaucoup plus convaincant que chez leurs collègues de TTC, qui eux n’en finissent pas de s’enfoncer dans la hype. Une belle réussite. myspace.com/rougelevres Rafael Aragon

Vincent Michaud

61


BRUITAGE

RUE DE LA MUETTE

SERVO

ROYAL MC BEE CORPORATION

“Assez de pognon !”

“Afterbeat generation”

(Ariane / Le Chant du Monde)

(In The Box Studio / Crash Disques)

“Natural drive” (Swarm) Après avoir débuté et joué pendant cinq ans en duo basse/chant et batterie, un guitariste vient rejoindre les rangs et ce combo originaire d’Ile-de-France qui sort son premier album. Il est question de rock ici, indépendant jusqu’au bout du médiator, évoquant Girls Against Boys, les premiers albums de Don Caballero ou The Notwist. Les structures des morceaux se déploient sur les nappes de guitares distordues et wah-wahisées, à la fois mélancoliques et puissantes, émo et très libres, toujours en suspends jusqu’à la pêche suivante reproduisant le même schéma. Et n’allez pas croire qu’ils se cachent ou se camouflent derrière cet emballage. La technique est au rendez-vous ; il faut être carré pour pouvoir produire ce type de morceau. Aucune technicité ostentatoire, une noise bien orchestrée qui roule naturellement sans pétrole, mais avec des idées. myspace.com/royalmcbeecorporation

Dix ans que ce groupe malin et gouailleur, dépoussière la chanson française ! A la différence de tous les groupes festifs à accordéon, Rue de la Muette a un accordéon, mais ne peut pas être catalogué “festif”. Tout cela est dû à la personnalité de Patrick Ochs et à sa voix d’ours mal léché. On est plus proche d’un Arthur H qui aurait passé son enfance dans un cirque russe que des habituels jeunots qui singent les Têtes Raides ou les Ogres. Au fil des albums, la voix de Patrick est devenue celle d’un ami. En dix ans, on l’a adoré (Ma mère traîne au café… mythique !), un peu perdu de vue, puis retrouvé en grande forme. Sa dernière livraison est peut-être la meilleure car Assez de pognon ! s’émancipe encore un peu plus des canons de la chanson “classique” pour prendre des chemins de traverse toujours plaisants, aussi bien dans de nouvelles chansons que dans les réinterprétations de vieux tubes. Tiens, on en reprend pour dix ans ! www.ruedelamuette.com

François Justamente

Eric Nahon

A quoi bon traverser les mers quand on a, à domicile, ce qui se fait de mieux en matière de rock ? Dès ses débuts, on avait pu mesurer le potentiel de ce groupe qui sait trouver les astuces pour se démarquer, sans avoir besoin de recourir à Steve Albini. Avec son quatrième album, au nom plein de promesses, il prend une bonne longueur d’avance sur ses petits camarades ; Afterbeat generation est une orgie de fantasmes rock’n’roll à laquelle se seraient incrustés de vieux amis punk et hardcore. Servo y célèbre un revival de la force brute des légendes fin 60’s / début 70’s (Stooges, Stones, etc.), guitares turgescentes et batterie cogneuse de rigueur. De mélodies bien roulées - façon Bad Religion ou Sublime (Everybod’y faking) - en riffs britannico-efficaces (Sex toy), il y a là largement de quoi s’en mettre plein les lobes ! Vous ne trouverez pas actuellement meilleur marché pour faire le plein de matière grisante. myspace.com/servo1 Cédric Manusset

TAHITI BOY AND THE PALMTREE FAMILY “Good children go to heaven”(3rd Side Records) Avec un nom voué à embrasser une carrière de légende du rock, ce groupe célèbre une réunion autour d’un seul homme, un certain David. Dans son arbre généalogique fantasmé, on pourra trouver des traces de Wilson, un bout de McCartney, des cheveux de Sly Stone, ou quelques gouttes du sang d’Ennio Morricone… Un casting transformé par des membres de Poney Poney, Tanger, Syd Matters, et même Tunde Adebimpe de TV On The Radio. Une chanson ne peut pas changer le monde, nous dit-on au bout de cet album, mais Good children go to heaven semble goûter aux joies de la récréation. Ce premier album multiplie les tours de passe-passe pour accéder au classicisme pop : piano poétique, furie psychédélique, frissons jazz, envolée féerique. Ambitieux et inégal, on reste dans les cordes pop grand public, et l’on tend parfois trop près du divertissement variété. Ce talent a pourtant tout pour s’affirmer. myspace.com/tahitiboyfamily

Béatrice Corceiro

TOMASZ

ROKIA TRAORE

TRYO

WAREHOUSE

“Novambre”

“Tchamantché”

“Ce que l’on sème”

“Escape plan foiled”

(Autoproduit)

(Universal Jazz)

(Columbia / Sony BMG)

(Darenne / Pias)

Il se décrit lui-même comme le brailleur des caves parisiennes, mais ce surnom ne lui rend pas complètement justice. S’il braille, c’est avec une voix puissante transcendée par des sentiments torturés. Une claque pour l’auditeur. Sa justesse transporte, tout comme l’univers qu’il dessine sur ce premier album. Tomasz nous embarque dans un monde où le ciel est d’automne, le vent frissonnant et l’horizon plutôt sombre. Les couleurs se noient dans un fleuve gris dont l’eau bouillonne. Depuis 2001, ce jeune musicien a donné plus de 500 concerts et a eu le temps que sculpter un son à la croisée du rock et de la chanson sans qu’on puisse vraiment le comparer à un autre. Il évoque l’errance des sentiments comme celle d’une société étouffée par le virtuel et la bureaucratie. Sa poésie mélancolique est incarnée par une guitare sensible et tactile, accompagnée de violoncelle, contrebasse et cœurs. Bouleversant. myspace.com/tomaszlivecom Aena Léo

Enfin ! Il aura fallu cinq ans pour que Rokia Traoré donne un successeur à son second album Bowmboi. Ses admirateurs peuvent aujourd’hui la remercier d’avoir pris son temps, tant ce Tchamantché s’impose comme un classique instantané. Dès son apparition, l’auteure-compositrice-interprète malienne avait séduit par sa relecture cajoleuse et occidentalisée de la musique africaine. Pour son retour, elle enfonce le clou, troquant le plus souvent le n’goni traditionnel pour une guitare Gretsch. La musicalité de ses compositions voit ainsi se rejoindre blues et transe sur un mode lascif et dépouillé, plongeant l’auditeur entre rêverie et mélancolie. De cet écrin, s’échappe cette voix gracile au trémolo imparable, celle d’une chanteuse conteuse. Une voix plus sûre que jamais, qui devient énergie le temps d’un Tounka enlevé, se livre en français ou se rapproprie le répertoire de Billie Holiday (The man I love). Assurément, un album qui fera date. www.rokiatraore.net

Attention, le Tryo nouveau est annoncé pour le 1er septembre ! Il en aura fallu de la patience avant d’écouter enfin une nouvelle galette studio du groupe. Le dernier, Grains de sable, datant de… 2003 ! Mais ces cinq années auront été jalonnées par des tournées triomphales, dont celle de 2005 qui marquait 10 ans de carrière et fut suivit par un album live (De bouches à oreilles). Alors connu et reconnu du grand public, l’image de Tryo était devenue celle d’un groupe de joyeux drilles gentiment engagé. Avec ce nouveau disque, c’est un Tryo revendicatif et socialement impliqué qui revient ! Le reggae acoustique se teinte d’Afrique, d’Amérique et d’Asie, les tempos ralentissent, et la parole se fait essentielle et pas toujours gaie. Parce que la chanson est un espace d’expression, Tryo y fait entendre sa voix. Un retour aux prémisses qui ne contentera peut-être pas les fans de la dernière heure, mais ravira ceux de la première ! www.tryo.com Caroline Dall’o

Formation centrée sur Hervé Marché, batteur fan de Can, et David K. Alderman, Gallois, guitariste et chanteur hyperactif. Enregistré avec Karine Larivet à la basse et au piano, ce deuxième album s’avère diablement tordu. Le caractère fantasque prend forme : intro au piano à contre-courant des lourdes décharges soniques, dialogue guitare-banjo sur une rythmique oppressante, du moog qui surgit, décalages rythmiques qui poussent au déhanchement convulsif. Un rock de plus en plus cramé à mesure que l’on touche à la fin, avec guitares acérées, voix tour à tour inquiétante et amusée… Parasite, premier titre impeccable, rebondit sur un riff de guitare obsédant. A part un ou deux faux pas (le curieux Take me black hole), cet album impose une drôle de leçon de rock indé. Et parfaitement représenté aussi dans un artwork superbe où l’on reconnaît la patte de Tanxxx, célèbre illustratrice de ce monde-là. myspace.com/warehouse99project

Bruno Aubin

62

Béatrice Corceiro


TANGER “Il est toujours

BRUITAGE

YANN TIERSEN

20 heures dans le monde moder ne” (Motors / Dreyfus) Ce cinquième album si attendu (L’amour fol date de 2003) est sorti le 14 avril dernier. Il s’impose au public et aux médias grâce à ses couleurs franches, sa liberté de ton et ses sonorités “chimiques”. Le trio rock (Philippe Pigeard au chant, Christophe Van Huffel aux guitares, Didier Perrin à la basse) n’a jamais cessé de jouer, alternant concerts et séances studio, tout en recherchant une nouvelle maison de disque. Dans ce monde moderne où les informations nous arrivent en continu, de jour comme de nuit, ne nous laissant aucun répit, Tanger a pris son temps. Travail minutieux sur le son, les arrangements, le mastering ; écriture fine, taillée, précise… Les textes frappent fort, quel que soit le registre : écologique (Sur la banquise), psychédélique (La fée de la forêt), prophétique (Météorites), amoureux (Il y a un ange), érotique (L’homme statue)… Parti chercher des cigarettes est un duo tendre et complice. myspace.com/tangerexp

“Tabarly” Alors qu’il travaillait sur son prochain album, notre multi-instrumentiste a été contacté pour illustrer un documentaire sur la vie d’Eric Tabarly, mort en 1998 à bord de son Pen Duick. Surpris par le doc, le narrateur n’est autre que Tabarly himself, Yann Tiersen dresse le portrait instrumental de “pépé”. Au piano, il ne nous refait pas le coup d’Amélie sur un bateau, mais on a tout de même l’impression qu’il recycle parfois quelques chutes de studio ou qu’il se répète. Ceci dit, il offre souvent de beaux moments de bravoure au piano. On imagine le marin battu par le vent, défiant les éléments, notamment sur Au dessous du volcan. Tabarly est une récréation musicale en forme de retour nostalgique sur l’époque de Rue des Cascades ou du Phare que l’on écoute avec beaucoup de plaisir… Gageons qu’à l’avenir, Tiersen saura encore nous surprendre pour défricher des terrains sonores encore vierges comme il le fait sur scène. www.yanntiersen.com

Elsa Songis

Eric Nahon

(Virgin)

XMASX

Z’ZETTE

“XmasX”

“Les vaillants poètes”

(Range ta chambre / Anticraft)

(Autoproduit)

Dernier poulain en date du micro label rennais, ce combo électro expérimental est aussi un vrai groupe de scène. En témoigne leur prestation remarquée aux Rockomotives de Vendômes à l’hiver dernier où accordéon, batterie, basse, guitare et machines habillaient les lieux. Créé par le clavier David Euverte (Ripley, Dominique A) et le chanteur Philippe Onfray (Casse Pipe), les Xmasx savent autant emprunter les sons froids d’un trip hop résolument contemporain que les sonorités déstructurées du jazz. Procédant par touches sonores, le mixage de Thomas Pol y est subtil, profitant des cassures de rythmes pour donner une cohérence à l’ensemble. Les envolées sont somptueuses, sortant des nappes ambiantes et fantomatiques. La voix se pose ainsi dessus, céleste et péremptoire, à l’attente d’un nouvel orage de larsens. Terrifiante et envoûtante, cette musique, même sous ses virages les plus pop, est chargée d’images cinéphiles. myspace.com/xmasxy Samuel Degasne

Première démarche : ne pas s’arrêter à ce nom de groupe plutôt douteux, ni reculer devant la pochette, pas franchement emballante. Passé ce cap, fermer les yeux et plonger dans le rock de ce trio de Cotignac (Provence) : le batteur est inspiré tribal, le bassiste sait s’adapter à tous les univers d’un disque explorateur (de la pop au rock en passant par la ballade au piano ou le reggae) et le guitariste-chanteur est amoureux de l’écriture, évoquant parfois Ferré de sa voix éraillée… Plutôt un bon début ! Et si des morceaux comme Tu es belle ou Le début de l’an mériteraient une écriture plus profonde, d’autres, tels Peu importe ou Ta tête sur mes genoux valent le détours. Bien sûr, l’ensemble reste assez jeune, et plein de petits défauts sont dénichables ici ou là, mais pour un premier disque, on tient là un groupe prometteur, pas banal, qui ne se contente pas du copié-collé habituel et qui donne envie de le découvrir sur scène… myspace.com/zzette83

Serge Beyer

63


64


BRUITAGE A.P.P.A.R.T “Flamencotronics” (Milan Records) Connu précédemment pour son nu-tango de premier ordre, le guitariste et producteur Anthony Rouchier revient avec un flamenco électronique entièrement instrumental. Loin de la fusion rumbera d’un Macaco ou d’Ojos de Brujo, il distille une musique plutôt légère et minimaliste, où les boucles de guitares sont soulignées par des beats félins, qui remplacent le traditionnel cajon. myspace.com/appart RA

EN BREF

DANAKIL “Dialogue de sourds” (Essembe Prod / X-Ray Prod) C’est le deuxième album de ce collectif francilien, qui écume les scènes locales et nationales depuis 2000. Dialogue de sourds présente 12 titres (+ un dub) de reggae “roots moderne” chanté en français, pêchu, direct, bien balancé. Les textes, d’une grande qualité, dénoncent et revendiquent, dans un langage poétique aux idées fortes, aux belles images. myspace.com/danakilweb ES DOUBLE U “The imaginary band” (Nocturne) Frank Rabeyrolles, après quelques disques en solo à fréquenter folk et électronica, s’entoure de musiciens de jazz. Ainsi accompagné vers sa nouvelle direction favorisant un songwritting plus charnel, ses compositions recherchent profondeur et richesse. Il obtient une pop à la fois classique et mature, montrant plein d’envergure sous les mélodies douces. myspace.com/doublemusik BC

tement décomplexé, Insolite soigne ses textes très écrits et les mets en valeur avec un flow proche du scat ou du jazz. Ce collectif bizarroïde prend plaisir à dérouter l’auditeur en l’emmenant sur des chemins qu’il n’attend pas. Leurs sillons réservent de belles surprises. myspace.com/insolite EN

les 70’s, avant une station prolongée au sein du Magic Circus de Jérôme Savary et de nombreuses collaborations musicales, le dénommé Dreno s’essaye avec talent à la chanson pour un opus qui se laisse apprivoiser sans retenue. Le chant évoque celui de Rodolphe Burger, la musicalité un blues de belle tenue. Quant aux textes, poétiques en diable, ils sont signés Paul Adam, un auteur inspiré… Gainsbourg et Rimbaud… www.fdreno.com AB

INTI “Kasane !” (Stell’air / Mosaic) En concert, à la question de la tribu du ska inka : “Ililaliantu kasanki ?” (Est-ce que vous allez bien ?) le public répond : “Kasane !” (Oui !) Ce premier album nous entraîne dans une ronde ensoleillée, chaleureuse et chamanique, qui retranscrit bien l’esprit exalté de la scène. Fondé autour de Pedro, d’origine péruvienne, le groupe crée une musique originale, aux cuivres flamboyants. www.inti-web.org ES

PHILIPPE FERRIE “Vie infernale” (V.Music) Adepte de la musique populaire brésilienne, à laquelle il s’est maintes fois frotté lors de nombreux séjours au Brésil, P. Ferrié s’emploie avec succès à en traduire les délicates effluves au travers d’un répertoire on ne peut plus swinguant. Le chant y évolue avec beaucoup de grâce et délicatesse. myspace.com/ferriephilippe AB

JORDAN “Oh no ! We are dominos” (Motoneige / Abeille Musique) Le trio parisien a enregistré son premier album de l’autre côté de l’Atlantique, à San Francisco. Dans sa formule a priori pas désagréable (rock tendance emo-post-punk avec guitare, batterie et clavier), il y a pourtant quelque chose qui coince. Ces voix criardes, pas de morceau véritablement éloquent, une énergie mal dépensée ? Le tout finit par s’étouffer tout seul. www.jordanisaband.com BC

IMMUNE “Not until morning” (Eglantine Records / Cod&s) Nouveau disque des Lyonnais, encore un ouvrage fait pour bouleverser. Sur un tapis sonore pluvieux et gris, une instrumentation acoustique se déploie lentement, la voix cotonneuse ajoute encore plus au sentiment de spleen omniprésent. Un beau travail sur les textures avec un dépouillement mesuré au millimètre et qui atteint le but escompté. www.immunemusic.com BC

parfois légers, mais parfois gentiment caustiques (A louer, Salaud). Un bon moment. SB SHINESKI (Autoproduit) Originaire de Mulhouse, le trio désormais quatuor est bien décidé à se faire une place sur la scène rock française, en misant sur la puissance, la franchise, l’efficacité de son jeu. Nous entrons de plein fouet dans un univers dense et massif, aux beats bruts, au chant rauque, écorché. David Weber (Lofofora, Young Gods…) a réalisé et produit ces neuf titres téléchargeables à l’unité. myspace.com/shineski ES SOLANUMS “F-A-R” (Autoproduit) Le couple formule ses penchants pour une électronica aux textures multiples dans ce premier album et décline une trame urbaine et nocturne. Rythmique lancinante, machines froides et guitares vibrantes. Les voix mixtes donnent vie et chair à cette œuvre intimiste concoctée à la maison. Une sensation énigmatique prend forme, plus loin du paradis que de l’enfer ? myspace.com/solanums BC

DRENO “Héliotropes” (Autoproduit) Violoniste émérite ayant fricoté avec le rock durant

INSOLITE “Et l’avenir nous sourit” (Anlogo Bung) Les Nantais nous offrent encore un hip hop bien senti, à fleur de peau mais pas rageux. Complè-

MERLOT “Chansons d’amour et de haine” (Boxon) “As-tu déjà essayé sexe et Marijuana ? Faut goûter ça !” Tel est le conseil de Merlot, ex-Baobab, qui déclare par ailleurs : “Je suis un loser”… Voix entre Bazbaz, Dick Annegarn et Tété, musique fleure la Jamaïque soft revisité par un Frenchy. Textes

UNEVEN “On fire” (Sushi Prod / Rue Stendhal) Addicted en entrée montre que les quatre musiciens restent définitivement accro à leur power-rock de référence. Avec On fire, les intentions sont claires : non pas flamber mais suer pour de bon. Tout en puissance avec l’artillerie guitares-rythmique et les mélodies en fil rouge, témoins de la passion palpable qui anime le combo sur son deuxième album autoproduit. www.uneven-u.com BC

MAXIS

CHRYSOPEE “Chansons électro acidulées” (Autoprod.) Une rousse acidulée, mais point trop sucrée, qui a confectionné cinq chansons entre électro, chanson et rythmiques jazzy pour un premier EP qui passe comme une lettre à la poste. Les textes sont malicieux, portés par une voix sensuelle. Fille de caractère entre le Petit Chaperon Rouge et Calamity Jane, Chrysopée propose un son qui fait du bien ! Le titre Suicidaire est une ritournelle implacable. myspace.com/chrysop IL IYNX “Lloa” (Arcanha) C’est encore de Clermont Ferrand que nous déboule cette superbe production au carrefour du trip hop, du dub et du rock. Non sans rappeler Asian Dub Foundation par ses rythmes frénétiques, cette world music expérimentale pourrait aisément servir de toile de fond à une poursuite James Bondienne en terres orientales. Une grande variété instrumentale au service d’une belle énergie rock. www.iynx.fr JD JOHNNY BOY “Dialectik

noise” (Pushy Idlers Dubious Records) Salo et Nicky Larsen mènent ce duo guitares et machines, manipulant les gammes punk-rock avec une approche pop. Ce premier EP nous fait découvrir leurs ambitions vitaminées : d’un Back to the suburbs sombre, au survolté Rock’n’roll sux, ils s’enflamment en dansant sur le dernier titre, Full generation chanté avec une fille. myspace.com/johnnyboyfrenchband BC L.I.P.S. (Collectif KIM) Ce groupe strasbourgeois joue avec deux guitares et deux basses autour de la batterie, pour un rock instrumental bruyant ou une pop mélodique frénétique. Avec des titres explicites (Flight simulator, Aurore digital reverb) ou pas (Mohammed Ali), la carte planante des modulations (vitesse, volume) est de mise. Pas de franche surprise mais six titres plaisants. www.likeinprimalscum.com BC NFL3 “Echotropic” (Prohibited Records / Differ-Ant) La musique martienne prétend elle aussi à l’exotisme. NLF3 explore ainsi des contrées rétro-futuristes, teintées de sonorités mondiales.

Satellites, elles abreuvent les 4 morceaux planants d’Echotropic. On y respire aussi l’atmosphère White Noise, autres spationautes natifs d’Angleterre fin 69. www.prohibitedrecords.com VM PRINCES CHAMEAUX “Live à La Bellevilloise” (Papaluna) Voici un maxi 8 titres live qui prouve par l’exemple que rien ne vaut un bon concert pour cerner les forces vives d’un groupe. Entre gouaille “chanson française”, énergie rock et un brin de guinche, les Princes Chameaux livrent dans une ambiance survoltée quelques uns de leurs titres que l’on retrouvera très vite, on l’espère, sur un prochain album studio. myspace.com/princeschameaux CD’O ROKEN IS DODELIJK “R.I.P.” (B3D Prod / Tac Tac T’as vu) Rares sont les EP aussi addictifs ! Une petite bande de potes venus du nord et qui nous livre un 5 titres de pop folk aux mélodies impeccables ! Deux voix (masculine et féminine) qui se marient à merveille dans un anglais élégant où la légèreté ravit l’oreille. Un style plutôt rare dans

l’Hexagone. Gardons donc les oreilles ouvertes, talent assuré ! myspace.com/rokenisdodelijk IL SAÏBU “Fingers from the swamp” (French Toast / Believe) Avant la sortie de son premier album, le groupe parisien propose un EP qui saura mettre en bouche les amateurs de mélodies délicates sur des arrangements recherchés. Les quatre titres s’inscrivent dans un folk-pop à la manière de Wilco, à base de guitare acoustique, un peu de piano, et des cuivres ou de la guitare électrique pour ajouter un peu de couleur ou de tension. myspace.com/saibu BC SOLANGE LA FRANGE “Reykjavik” (Poor Records / Namskeio) La scène électro suisse est décidemment en pleine ébullition! Nouvelle venue dans un magma diablement créatif, la formation joliment nommée Solange La Frange incendie le dancefloor avec ses revendications électroniques et son énergie communicative. Une musique spontanée à l’image du titre phare Reykjavik, tube faussement underground, complètement barré et entêtant. solangelafrange.ch YG

PAS BEAU ! Le K Morlot arrive de Lorraine. Le K Morlot a joué dans plein de groupes avant de s’essayer sous son propre nom. Le K Morlot fait des chansons rock’n roll particulièrement savoureuses quand il se laisse aller à la facilité. Sa chanson J’suis pas beau est à écouter en boucle sur MySpace. Les autres sont bien aussi. Le K Morlot, prépare son premier disque farouchement autoproduit, car c’est un pur. Le K Morlot assure également en concert et ça me ferait plaisir que vous reteniez ce nom. On n’a pas fini d’en parler ! myspace.com/lekmorlot

un piano jouet. Comme si les elfes du Seigneur des Anneaux se piquaient de Tiersen ou de Comelade. myspace.com/adelinesongs

leurs jingles sont vachement sympas, faits avec des bouts de films ou d’émissions de radio.” Les enfants, n’oubliez pas que je suis journaliste diplômé. L’investigation, ça me connaît. La prochaine fois que vous découvrez une webradio, dites au moins que c’est vous qui l’avez créée, c’est pas honteux ! J’aurais un peu moins l’impression d’être pris pour un con. Ceci dit, elle est très bien cette radio et on écoute des trucs qui ne passent pas ailleurs. Sans rancune alors.

qu’ils soient ou non sous contrat, de vendre et de distribuer en ligne leurs créations.” C’est donc une mine pour découvrir de nouveaux sons d’obédience rock. Et en plus, ça fait webradio. A mettre dans vos favoris.

WWW

ROUQUINE. Adeline Moreau est rousse et très belle. Mais ce n’est pas de sa faute, elle est née comme ça. Actrice, mais aussi chanteuse, elle navigue dans un univers onirique avec des cordes et

PRINCIER. Heureusement que Prince Albert n’est pas trop mou du gland, sinon j’aurais pu faire de jolis jeux mots bien salaces (oups, trop tard). Sur www.iloveprincealbert. com, on peut découvrir ce groupe pop-rock assez prometteur et pas encore signé. L’univers est déjà là et on apprécie de le découvrir sur leur belle interface web.

ZINE. www.desoreillesdansbabylone.com. C’est un webzine en forme de blog. Avec plein de chroniques, de vidéos etc. Très cool.

PETIT MALIN. Je reçois un mail marrant d’un lecteur qui me dit qu’il a découvert une super webradio. www.flyermix.fr / “Il n’y a que de la musique, pas de pub ni de blabla… le rêve ! Et ils passent de tout : rock, reggae, chanson, soul, musique orientale…. Je découvre des dizaines d’artistes. En plus

RÉVOLUTION ? undergroundmusix.com annonce : “Le début d’une révolution musicale. Ce site québécois permet aux musiciens et aux groupes, 65

SITCOM. On finit avec une sitcom Internet : decidetoiclement.com commence quand Clément, grand dadais de post-ado, se fait jeter de chez ses parents. A chaque fin d’épisode, il est confronté à un choix Cornélien. Et c’est là que vous votez. Le résultat influe sur le contenu de l’épisode suivant. Fun, non ? Néric Envoyez vos liens, ça me fera du bien : copinages@longueurdondes.com


CA GAVE HUMEUR & VITRIOL

Droit au but l serait injuste de penser que je passe le temps qu’il me reste avant mon inéluctable entrée triomphale au cimetière le plus proche à vitupérer et critiquer ignominieusement mes contemporains et leurs ineffables travers. Non, il m’arrive d’apprécier chez d’autres que moi les fulgurances d’une pensée que je ne supposais plus retrouver que chez quelques auteurs morts ou dans les solutions des mots croisés force 7 de “Sport cérébral”. J’eus récemment une épiphanie philosophique en écoutant avec une religieuse attention Xavier Darcos, ministre du dressage national des salariés en devenir. Celui-ci, en visite dans un centre de formation pour futurs travailleurs mondialisés, autrefois appelé “établissement scolaire”, eut cette phrase foudroyante de clairvoyance dont je ne résiste pas à l’envie de vous livrer in petto le contenu in extenso car on a largement dépassé l’incipit de ce texte interminable : “Le sport est une discipline d’excellence qui contient en elle toutes les valeurs de l’école.” Alors là, moi qui ai habituellement le sarcasme facile et raille sans vergogne les faits et gestes de n’importe quel crétin gouvernementalisé, j’estime que l’on a bien fait de jeter un éclairage national sur de telles prophéties illuminatrices qui, sans cela, seraient restées confinées aux banquets périgourdins où ledit ministre officiait auparavant, galvaudant ses talents auprès de quelque Périgourde endimanchée et engraissée au grain. C’eut été un incommensurable gâchis car, bien qu’affublé d’un prénom à la limite de l’intoxication alimentaire et d’un patronyme qui ne ressemble à rien de sérieux, Xavier Darcos a vu juste. Quoi donc d’autre que le sport peut permettre à ces masses grouillantes de vitalité jeuniste et d’ignorance crasse, d’hormones bouillonnantes tapies sous une élégante hypersécrétion bubonique d’atteindre à la compréhension des subtiles valeurs qui fondent désormais la base de leur éducation ? Car il est inutile désormais de leur enseigner des rudiments de langage articulé lorsque 17 mots (articles compris) suffisent à un footballeur moyen pour faire comprendre à des millions de téléspectateurs pareillement démunis de code linguistique élaboré qu’il est bien content d’avoir mis la baballe dans le bubut. Qu’on va lui donner pour cet exploit psychomoteur plein de sousous qu’il pourra dépenser en bagnoles voyantes et entretien d’une pécore toute aussi voyante et carrossée, dotée elle aussi d’un champ lexical aussi étendu qu’un GPS coréen en panne.

ceux qui ont essayé d’alléger les poids à soulever en les limant avec les dents (quoi que… quand on voit les pithécanthropes en question, on a des doutes) quasiment tous les sports se sont adaptés aux margoulins qui, à l’exemple des footballeurs italiens, savent tricher avec l’élégance nécessaire pour en faire accuser les autres. Valeur n° 3 : Au lieu d’aider tes semblables moins doués ou affligés de parents alcooliques, chômeurs et natifs du Nord-Pas de Calais*, réjouis-toi de l’avantage concurrentiel que cela te donne dans la course aux médailles en chocolat car l’important n’est pas de participer mais d’écraser les autres. On peut ainsi apprendre au futur sous-chef du rayon volaille-triperie à jouer des coudes pour devenir chef du rayon droguerie. Valeur n° 4 : La Chine. On ne dit pas de mal de la Chine. C’est un pays merveilleux, resté très attaché à une certaine idée du bonheur, idée que ne partagent pas les Tibétains qui sont de vrais bonnets de nuit. D’ailleurs, ils en portent sur la tête, c’est dire. Valeur n° 5 : Pour être performants, n’hésitez pas à vous charger de substances illicites et / ou chimiques propres à transformer une Charolaise en étalon anglo-arabe. Curieusement, et pour des raisons sans doute liées au coût prohibitif desdites substances, l’Education Nationale n’assure pas elle-même la distribution de ces produits mais en laisse l’approvisionnement aux bons soins des élèves qui savent très bien organiser par euxmêmes un marché libre des plus efficace, prémices touchant par leur spontanéité juvénile aux entreprises qu’ils créeront une fois achevé leur excellent apprentissage des valeurs sportivo-scolaires. Dans le cas de prise de ces produits, l’important n’est pas de participer, c’est de partir pisser. Valeur n° 6 : Tout ceci ne sert qu’à une seule chose : s’en mettre plein les fouilles par l’application scrupuleuse des cinq autres valeurs. Ne vous en éloignez jamais, sous peine d’être sanctionnés par la perte de juteux contrats publicitaires.

I

Malgré ces sains principes, il est toujours étonnant que la France ne ramène pas plus de médailles des différentes compétitions olympiques qu’elle a failli boycotter. La faute en revient sans aucun doute à un corps enseignant noyauté par des gauchistes barbus persistant à ressasser leurs souvenirs moisis de jamborees cégétistes à une jeunesse qui ne demande qu’à revêtir l’uniforme gris de l’incontestation permanente et du sommeil perpétuel de l’intelligence auquel tout les incite, y compris eux-mêmes. Supprimons donc les enseignants et remplaçons les par des entraîneurs dont beaucoup en ont déjà l’âme. Au moins, les manifs se feront au pas de course, on sera débarrassé plus vite.

Passons en revue ces valeurs essentielles que le sport contemporain peut apporter à l’école. Valeur n° 1 : Inutile de s’efforcer de maîtriser son cerveau et de suer à grosses gouttes pour apprendre autre chose qu’un langage à peine inférieur à celui d’un bonobo adulte. Ce n’est pas avec cela que l’on fait l’acquisition d’une gisquette qui a passé sa jeunesse à tortiller ses hémorroïdes sur la musique étique d’un groupe de dindes aphasiques en tous points semblables à elle. Etre le plus rapide au 100 mètres est plus prestigieux qu’un prix Renaudot. Valeur n° 2 : Pour obtenir les meilleurs résultats possibles, plutôt que de participer, il importe de tricher. Mis à part en haltérophilie où rares sont

Jean Luc Eluard * Inutile de recourir à un test ADN pour retrouver l’auteur de cette phrase : il est en train d’en confectionner une pour chaque région de France.

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