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FRED DUFOUR/AFP

FRANK PERRY/AFP

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Pascal Durand

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Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier

Rédacteur en chef : Joël Genard

Gouverner c’est… agir plus vite !

L’épineux dossier des énergies renouvelables

Battu le 6 mai dernier dans les urnes, Nicolas Sarkozy n’en a pourtant pas moins obtenu une victoire à la Pyrrhus sur un autre terrain : son mode Édito de gouvernement, rythmé, multiThierry Guerrier pliant les annonces et la communication parfois à marche forcée, ce style a durablement impressionné la rétine des Français. S’ils lui ont sans doute fait payer au printemps sa frénésie supposée, éprouvante et perçue comme trop corrosive pour l’unité nationale en le renvoyant à ses chères études d’anglais, nos concitoyens n’ont toutefois pas mesuré à quel point ils s’étaient habitués à cette « geste » sarkozyenne, nerveuse et saccadée, qui avait au moins le mérite de laisser croire qu’il se passait toujours quelque chose à l’Élysée. Les sondages, qui montrent un petit regain de la popularité du Président sortant, semblent indiquer qu’il existe une certaine nostalgie de cette mise en scène quotidienne du pouvoir, qui lui donnait un petit parfum de modernité. En choisissant de prendre en la matière le contre-pied systématique de son prédécesseur, François Hollande, fidèle à lui-même, pense pouvoir démontrer à terme que c’est la cohérence dans la durée qui finit par donner des résultats et du coup prévaloir pour les électeurs quand revient l’heure des choix. Mais ce faisant il prend un gros risque. Car entre l’ancien chef de l’État et le Président « normal » le contraste est saisissant. Sarkozy parlait tous les jours, interpellait, vitupérait… Hollande redoute cette omniprésence médiatique et préfère attendre la fin de l’été pour se faire inviter sur le plateau du 20 heures, et s’expliquer sur les premiers mois de son action. Et sur ses premiers errements… Mais, pressée par la crise et les inquiétudes sourdes qu’elle suscite, l’opinion semble beaucoup moins bien disposée à donner aujourd’hui tout le « temps au temps » dont il rêverait au premier successeur socialiste de François Mitterrand à la magistrature suprême. L’ère du numérique, le règne de Twitter et celui entre-temps de Nicolas Sarkozy sont passés par là. À François Hollande de réussir et du même coup d’imposer sa propre « modernité ». L’ex-Président, quant à lui, entend bien relancer sa carrière. S’il ne sait pas encore comment, il attend son heure. Son omniprésence, à distance, dans le duel Copé-Fillon, parfois à son corps défendant, interdit à la droite de vraiment tourner la page. Lui s’en réjouit. « Ne rien faire, ne pas tenter de revenir au moins avant 2014 ! » lui a conseillé le fidèle Patrick Buisson, toujours au bout du fil. Comment cet « homme politique à l’arrêt, mais homme politique tout de même », selon la formule de l’un de ses proches, compte-t-il revenir ? Et surtout quand ? Par la droite, personne n’en doute, et sans doute plus vite que ne pouvait le laisser penser son échec.

FRED TANNEAU/AFP

Après s’être attaqué aux prix de l’essence et du gaz, le gouvernement s’apprête à ouvrir le dossier du financement des énergies renouvelables. Pour contenir la hausse des factures d’électricité, il faudra bien s’attaquer au financement de la CSPE.

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l est temps de désamorcer la bombe à retardement que constitue pour les consommateurs la contribution au service public de l’électricité (CSPE), une taxe prélevée directement sur les factures d’électricité. Celle-ci a été instaurée en 2003 pour couvrir les dépenses d’EDF dans le cadre du soutien aux énergies renouvelables. Mais les charges ont augmenté beaucoup plus vite ces dernières années que les recettes apportées par cette taxe. Et

cette tendance devrait encore s’accélé rer dans les années qui viennent. La CSPE est passée successivement de 4,50 euros le mégawattheure à sa création à 7,50 euros au 1er janvier 2011, puis à 9 euros en juillet 2011 et 10,50 euros au 1er juillet 2012. Son montant pour 2013 n’a quant à lui pas encore été fixé. Elle a donc plus que doublé en deux ans. Mais malgré ce rattrapage, les charges censées être couvertes par cette taxe continuent à

Dossier

Le logement social pour retarder la dépendance

NKM dans la lignée de Simone Weil

Comment repousser l’âge d’entrée en Ehpad et alléger la facture de la dépendance ? Certaines collectivités expérimentent le logement intergénérationnel, une solution inspirée de l’étranger qui commence à donner des résultats. > Lire l’enquête de Tatiana Kalouguine en p. 6 et 7

Nathalie Kosciusko-Morizet a renoncé à briguer la présidence de l’UMP, faute des parrainages requis. Elle demeure combative. La philosophie de Simone Weil l’inspire au quotidien et lui permet de tenir des positions qu’elle qualifie d’« authentiques ». > Lire l’Admiroir d’Éric Fottorino en p. 15

Au sommaire • Aux Quatre Colonnes : Groupe socialiste : ça tangue par Pascale Tournier > p. 4 • L’innocence des médias par Fabrice Le Quintrec > p. 4 • Économie : Des choix impopulaires mais nécessaires ! par Axel de Tarlé > p. 5 • À distance : Israël vs Amérique aux Nations unies par François Clemenceau > p. 11

Et aussi

www.lhemicycle.com

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STÉPHANE DE SAKUTIN/AFP

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Chantal Jouanno

NUMÉRO 450 — MERCREDI 26 SEPTEMBRE 2012 — 2,15 ¤

dépasser allègrement les recettes générées. Le régulateur du secteur, la Commission de régulation de l’énergie (CRE), a également tiré la sonnette d’alarme à de nombreuses reprises. Selon son dernier rapport, le besoin de financement de la CSPE lié aux seules énergies renouvelables devrait atteindre 8 milliards d’euros en 2020, ce qui nécessiterait d’augmenter la taxe au-delà de 20 euros le mégawattheure, le double de son niveau actuel. J.G. > Lire en p. 2, 3 et 5


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PASCAL DURAND SECRÉTAIRE NATIONAL D’EUROPE ÉCOLOGIE-LES VERTS

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Les discours du Président et du Premier ministre lors de la conférence environnementale nous serviront pour les arbitrages futurs » Le secrétaire national d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) revient pour l’Hémicycle sur la conférence environnementale. Il voit dans ce premier rendez-vous un « signal fort ». Il nous décrit l’état d’esprit des écologistes dans la majorité. Vous avez qualifié la conférence environnementale organisée par l’exécutif de « très bon signal »…

Oui, parce que c’en est un. Les discours du président de la République et du Premier ministre ont donné un cap. Nous n’attendions pas qu’ils apportent des solutions à toutes les questions en deux jours. Nous attendions de voir la détermination, au sommet de l’État, à prendre en compte la problématique écologique, et qu’on cesse de l’opposer aux problématiques économiques et sociales. Pour les écologistes, il devenait assez pénible d’entendre ces derniers temps dans la bouche de certains ministres que les seuls problèmes qui se posaient à la France étaient industriels et sociaux. Nous pensons qu’il n’y aura pas de réponse à ces questions cruciales si on n’intègre pas la dimension environnementale et écologique. Je vous cite l’exemple de la reconversion d’industries liées aux transports et aux bâtiments. Vous faites référence aux propos du ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg ?

Je ne pensais pas seulement à Arnaud Montebourg. Ce discours était prononcé par un certain nombre de dirigeants socialistes, comme Gérard Collomb ou Manuel Valls… J’ai considéré ces prises de position comme des effets de tribune. Je ne les ai pas jugées importantes car elles étaient le fait

de personnalités qui n’étaient pas en responsabilité sur ces domaines. Avec les associations environnementales, les ONG, les syndicats, nous avions besoin de réponses claires pour savoir où le président de la République comptait aller dans les années qui viennent, comment il voulait utiliser les fonds du plan de croissance au niveau européen, ou dans le cadre de la BPI, et nous avons eu les réponses que nous attendions. Il a réaffirmé qu’il fallait économiser l’énergie, et aller vers une autre politique énergétique ; que cela nécessitait un engagement majeur, notamment pour la rénovation de logements – un million par an. C’est l’engagement le plus fort de cette conférence environnementale ?

Il s’agit d’une mesure capitale pour nous, car c’est une mesure fondamentale pour la baisse de la consommation d’énergie, et un levier pour la croissance. La France consomme trop d’énergie fossile et électrique d’origine nucléaire par rapport à d’autres pays, et accuse un retard considérable sur les énergies renouvelables. Il y a un choix à faire. C’est le signal qu’a donné le président de la République. Chantal Jouanno a considéré que cette conférence environnementale se résumait à un « petit Grenelle ».

J’ai fait partie des gens qui considéraient que le Grenelle de l’envi-

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ronnement était un progrès, la référence ne me gêne donc absolument pas. L’adjectif « petit » ne me gêne pas non plus, puisque la conférence environnementale n’a duré que quarante-huit heures, alors que le « Grenelle » avait duré beaucoup plus longtemps. Mais il y a une différence fondamentale de méthode. La première différence, c’est que nous avons un Président qui fixe le cap, et un Premier ministre qui gouverne. Je n’ai pas le souvenir qu’avec le Grenelle il soit sorti autre chose que de la mise en scène de Nicolas Sarkozy… La deuxième différence : la conférence environnementale a vocation à être un rendez-vous annuel. Nous pourrons donc faire des évaluations des actions entreprises avec les mêmes acteurs, tous les ans. Il faut savoir qu’il a été très difficile d’évaluer les résultats du « Grenelle » car il y avait des divergences considérables sur les constats. Ce que nous savons, c’est qu’il y a eu une déperdition très forte, qui a levé des espoirs, et qui à la fin nous a menés plutôt au désespoir… Enfin, lors de cette conférence environnementale, le choix fait d’inclure les parlementaires, car ce sont eux qui votent, au final. C’est ce qui a aussi fait défaut au « Grenelle ». Sur le dossier de l’exploitation du gaz de schiste, l’Élysée n’a pas fermé la porte…

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L’exécutif a annoncé un moratoire pour les cinq ans qui viennent, François Hollande s’est engagé sur la période de son mandat. Le Président et le Premier ministre ont assuré qu’aucun permis de recherche ou d’exploitation ne serait délivré durant cette période. C’est clair. De notre côté, nous serons vigilants sur le fait qu’on ne manipule pas l’opinion publique, en essayant de faire croire qu’on pourra imaginer des méthodes d’extraction propres. Qu’avez-vous regretté de ne pas voir à l’ordre du jour de cette conférence ?

Nous sommes très attachés à la question de la fiscalité écologique, c’est un levier fondamental. Il existe des niches fiscales bénéficiant aux industries polluantes qui coûtent 22 milliards à l’État. Ces niches fiscales peuvent être repensées – il ne s’agit pas de mettre en danger ces industries. EELV aurait également aimé avoir des réponses plus fortes sur les questions santé-environnement. Nous avons entendu avec plaisir le Président lier pour la première fois dans un discours la question des épidémies de cancer avec celle des microparticules, mais on aurait pu avoir un engagement plus fort… Je ne veux pas qu’on nous voie dans une logique d’insatisfaction permanente. On reproche souvent aux écologistes d’être dans la critique. C’est notre histoire : nous

nous sommes élevés contre un modèle dominant. Il faut aussi savoir positiver, en considérant ce qui avance. Les discours du Président et du Premier ministre nous servirons pour des arbitrages futurs. Comment vous sentez-vous dans cette majorité ?

Nous avons fait un choix : dans la situation de crise que nous connaissons, pouvions-nous nous contenter de rester en dehors, de jouer les commentateurs critiques ? C’est une position intellectuelle agréable, mais nous préférons agir. Nous savons bien que les socialistes ne sont pas des écologistes, que nous sommes minoritaires dans la société, il faut accepter la réalité. Il faut convaincre les socialistes du bien-fondé de nos positions, et nous le ferons dans le dialogue. Nous avons préféré le faire à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur. La question n’est pas de savoir si nous sommes à l’aise ou mal à l’aise. Visiblement, c’est plutôt pour les autres que le sujet se pose : il nous est souvent demandé si nos ministres comptent quitter le gouvernement. On nous demande aussi pourquoi nous sommes devenus si aimables… Notre attitude est conforme à nos choix, nous souhaitons faire bouger les lignes, et il est plus facile de le faire au gouvernement.

Propos recueillis par Thomas Renou


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Agora

CHANTAL JOUANNO SÉNATRICE UMP DE PARIS

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La vraie révolution, celle que pouvait apporter la taxe carbone, n’aura pas lieu… »

La sénatrice de Paris, ex-secrétaire d’État à l’Écologie, en charge des questions écologiques à l’UMP, n’a vu qu’un « petit Grenelle » dans la conférence environnementale organisée par l’exécutif, qui s’est tenue les 14 et 15 septembre à Paris. Vous avez qualifié la conférence environnementale de « petit Grenelle » ?

Le président de la République a-t-il annoncé une véritable transition écologique ?

Oui, ce fut un tout petit Grenelle : cette conférence environnementale n’a duré que neuf heures. Pour le Grenelle de l’environnement, nous avions débattu pendant plus de neuf mois. J’ai participé à un groupe de travail lors de la Conférence environnementale : en neuf heures, à cinquante à la table, nous avions à peu près dix minutes de temps de parole… Ce n’est pas de cette manière que l’on prend des décisions structurelles radicalement nouvelles. C’est un petit Grenelle car on retrouvait les mêmes participants, les mêmes pratiques que pour le Grenelle, sauf que la durée était vraiment inférieure. Contrairement à ce que dit Pascal Durand, il n’y a pas eu de concertation avec les parlementaires pour définir l’ordre du jour.

Le chef de l’État n’a abordé que trois sujets : la rénovation des bâtiments, la fermeture de Fessenheim et l’Agence de la biodiversité. Sur la rénovation thermique, tous les écologistes convaincus sont d’accords. C’est la priorité numéro un pour répondre d’une part à la question énergétique, et d’autre part à la question de la précarité. Cette question avait bien été identifiée lors du Grenelle de l’environnement. Nous avions mis en place la rénovation des 800 000 logements sociaux, qui était financée par la CDC par un prêt de 1,8 milliard d’euros. Le plan prévu par la nouvelle majorité accélère la cadence, mais c’est exactement la même méthode. Point important : le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, n’a rien proposé sur la question essentielle du lien entre santé et environnement. Enfin, rien n’a été proposé pour lutter contre les émissions de particules fines.

Vous pointez les défauts de la méthode choisie…

Nous, parlementaires, n’avons pas du tout été associés à la définition du programme de cette conférence. Pascal Durand ne dit pas la vérité : les parlementaires étaient associés aux négociations du Grenelle. Les deux chambres étaient représentées, la majorité et l’opposition l’étaient également. Après que les groupes de travail ont travaillé, il y a eu un long débat au Parlement sur les deux « Grenelle ». Nous avons débattu pas moins de soixante heures au Parlement sur la loi Grenelle 2.

Comment jugez-vous la décision prise de fermer Fessenheim en 2016 ?

C’est un engagement purement politique. Selon Europe ÉcologieLes Verts, on ne peut être écologiste sans être antinucléaire – je me souviens pourtant que l’ancien dirigeant de Greenpeace international défendait le nucléaire… Je ne suis pas une obsédée du nucléaire – à chaque fois qu’on peut

s’en passer, il faut le faire –, mais la priorité, c’est la réduction des gaz à effet de serre. La réduction de la part du nucléaire ne doit pas se faire au prix d’une augmentation de ces derniers. L’Autorité de sûreté nucléaire, dans son dernier rapport sur Fessenheim, n’avait pas

apporter de la taxe carbone, n’aura pas lieu…

L’Agence de biodiversité, un bon point ?

C’est un engagement du « Grenelle », et c’était un peu… « mon bébé ». Quand j’étais secrétaire d’État à l’Écologie, on a passé de nombreuses heures à négocier le sujet pour rassembler dans une même

«

LA CONFÉRENCE ENVIRONNEMENTALE A ÉTÉ UN BON COUP POLITIQUE POUR LES SOCIALISTES »

conclu à la nécessité de fermer rapidement Fessenheim. Par ailleurs, il n’y a eu aucune concertation avec les acteurs locaux. Fukushima n’a rien changé, selon vous ?

Si, mais en termes d’augmentation des exigences de sécurité. Au Sénat, nous avons produit à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques un rapport qui montre que la réduction de la part du nucléaire est possible sans augmentation des gaz à effet de serre, de manière progressive, en remplaçant les fermetures de centrales par des réacteurs de 4e génération et non des EPR, et en développant des énergies renouvelables. Ce rapport montre que l’opposition des énergies est stérile. La fermeture de Fessenheim, encore une fois, est un choix politique.

structure le Conservatoire du littoral, la Direction des parcs nationaux, et celle des parcs régionaux. Malheureusement, le Premier ministre, François Fillon, ne m’a pas soutenue dans ce dossier, car il ne l’a pas jugé prioritaire. C’est de bonne guerre qu’ils reprennent ce dossier. Je défends le principe des agences – j’ai été présidente de l’Ademe –, car elles offrent plus d’indépendance et de souplesse. Vous avez été déçue par les annonces sur la fiscalité écologique ?

Oui, car la question de la taxe carbone a encore été écartée. J’ai payé le prix fort pour avoir défendu cette taxe, quand j’étais au gouvernement. Je reste convaincue que c’est le meilleur moyen structurel pour changer le système. La vraie révolution, celle que pouvait

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L’Élysée n’a pas totalement fermé la porte à l’exploitation du gaz de schiste ?

Non, et c’était d’ailleurs la position de notre gouvernement. Je suis pour ma part très opposée à l’exploitation du gaz de schiste, car le potentiel de ressources est, je le pense, très surestimé. Plus grave : son exploitation va porter atteinte de manière considérable aux paysages français. Je rejoins les écologistes d’EELV pour dénoncer l’idée que les gaz de schiste constituent une énergie d’avenir, car affirmer cela revient à masquer la nécessité d’économiser l’énergie. Lors de cette conférence environnementale, vous avez déploré l’absence de l’UMP, mobilisée par sa compétition interne.

La question écologique a été totalement absente de la campagne présidentielle, à gauche comme à droite. Le PS et l’UMP sont deux partis un peu sclérosés, ils sont restés dans des schémas où seules comptent la production et la consommation. Ils intègrent assez mal la dimension écologiste. Cette conférence environnementale a été un bon coup politique pour les socialistes : ils ont récupéré le Grenelle et ont mis leur nom dessus, c’est de bonne guerre.

Propos recueillis par T.R.


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Plan large Aux Quatre Colonnes

Groupe socialiste : ça tangue

L’opinion de Fabrice Le Quintrec

Un traité européen qui suscite des divisions, un appel en faveur du vote des étrangers jugé inopportun, le tout sur fond de querelles entre « anciens » et L’innocence « modernes ». Les députés socialistes peinent encore à trouver leurs marques. des médias Par Pascale Tournier PIERRE ANDRIEU/AFP MARTIN BUREAU/AFP

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un parti d’opposition, cherche ses marques, dans une situation où il a tous les pouvoirs. Mais attention, à force de faire trop pencher le bateau PS, cela peut être dangereux. » Pour Laurent Baumel, député d’Indre-et-Loire, les

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pération de communication ratée. L’image d’une majorité unie que voulait afficher le PS aux journées parlementaires de Dijon a été brouillée par l’apparition des premières dissensions. En cause : le vote du traité budgétaire européen, prévu le 2 octobre. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault et les présidents des deux groupes parlementaires Bruno Le Roux et François Rebsamen avaient beau marteler le respect de règles communes et rappeler à l’ordre les parlementaires qui veulent sortir du rang, rien n’y a fait. Le PS renoue avec son vieux démon, celui des querelles internes et des débats qui n’en finissent plus. Certes comme le rappelle Olivier Dussopt, député de l’Ardèche, « l’Europe a toujours été un sujet de débat au sein du PS, cela fait partie de notre ADN », et seulement une petite vingtaine de députés sur près de 300 risquent de voter contre le texte. Il n’empêche, cela fait du bruit. À Dijon, il fallait voir les caméras fondre sur ceux qui se montrent allergiques au TSCG. Cette situation n’est pas sans créer des tensions dans un groupe qui se cherche après avoir été longtemps dans l’opposition. « Après les couacs gouvernementaux, voilà les couacs parlementaires », s’énerve le vice-président du groupe socialiste, républicain et citoyen (SRC), Olivier Faure. À l’heure où les courbes de sondages plongent et que l’attente des Français est au contraire de plus en plus forte, un bon nombre d’élus PS craignent qu’une musique trop discordante entre le gouvernement et le Parlement affaiblisse l’exécutif. « Les “non” seront comptés par l’opinion publique comme des “non” de division », assure le président du groupe SRC Bruno Le Roux. Le député de Paris JeanChristophe Cambadélis d’analyser froidement : « La cargaison est instable. Et c’est normal : des jeunes veulent exister et le PS, ontologiquement

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Pascal Cherki (1), Razzy Hammadi (2), Malek Boutih (3) et Jérôme Guedj (4) : ils incarnent la nouvelle génération d’élus tout feu tout flamme. 3

récalcitrants au traité se trompent de moment politique et de logique. « Vouloir affirmer son existence n’est pas un luxe qu’on peut se permettre aujourd’hui. Il n’y a pas de place pour le jeu formel. Ceux qui disent non au traité jouent à tort le congrès de Toulouse et ils se coupent du groupe. » Visés : principalement les députés Jérôme Guedj, Pascal Cherki, Malek Boutih, Razzy Hammadi et la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann. Tenants de l’aile gauche et – à l’exception de la sénatrice de Paris – nouveaux entrants dans l’hémicycle, ils incarnent la nouvelle génération d’élus tout feu tout flamme, impétueux et venus en nombre, qui

L’Assemblée nationale au régime sec Après avoir consulté la questure avant l’été, le président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone devait annoncer hier plusieurs changements dans le fonctionnement du Parlement. Transparence, budget, train de vie, indemnités pour frais de mandats (IRFM), réserve parlementaire, telles devaient être les questions abordées. Des économies seront par exemple envisagées pour les voyages à l’étranger.

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entend bien bousculer les codes, au grand dam des faux jeunes et des anciens, qui en retour les jugent irrespectueux, immatures et donneurs de leçons. Dans les couloirs de l’auditorium dijonnais où a lieu le rassemblement des parlementaires PS, l’anonymat n’est plus requis pour porter un jugement sévère sur cette frange d’irréductibles, qui auraient tendance à confondre réunions de groupe avec des sessions de conseil national. Luc Belot, député du Maine-et-Loire et réputé proche de Jean-Marc Ayrault, les trouve carrément de « mauvaise foi ». « Certains avancent plusieurs fois les mêmes arguments, alors que des réponses sensées leur ont été apportées », tempête-t-il. « Qu’ils cessent de se prendre pour les seigneurs de la guerre, alors qu’ils ont été élus sur des circonscriptions en or massif », ajoute un autre parlementaire. Dans son discours de clôture, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait mis les formes pour tenter de convaincre les opposants au TSCG :

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« Je ne souhaite pas une majorité caporalisée. Cela ne correspond pas à notre culture. Nos histoires sont diverses. Elles sont notre richesse, mais prenons garde à ce qu’elles ne deviennent pas nos faiblesses. » En privé ses propos étaient beaucoup plus directs : « Qu’ils arrêtent de se croire au congrès de l’Unef », a-t-il lâché en marge du dîner. Ambiance… Face aux coups de semonce, les députés incriminés restent de marbre. Au-delà des questions de fond sur le traité « merkozy » qui les distinguent de leurs nombreux camarades, les élus à la gauche de la gauche veulent faire vivre le débat. « François Hollande a besoin d’un parlement vivant, qui n’a pas comme seule ligne d’horizon la discipline parlementaire, argue le nouveau député de l’Essonne Malek Boutih. C’est lui rendre service. » « Je me souviens d’un PS atone entre 1997 et 2002, on en a crevé, s’exclame Jérôme Guedj, autre nouveau député du 91. Mon envie n’est d’être ni godillot, ni guérillero, mais député de plein exercice. Je ne vais pas attendre un an comme dans la franc-maçonnerie pour prendre la parole. » Le suppléant du ministre François Lamy ne s’est d’ailleurs pas fait prier pour cosigner avec 76 autres de ses pairs l’appel en faveur du droit de vote des étrangers divulgué dans la presse. Une initiative « artisanale » qui là encore a suscité bien des commentaires acides dans les travées des journées parlementaires. Entre parole maîtrisée et élans spontanés, l’équilibre n’a pas encore été trouvé et Bruno Le Roux entend bien donner le « la » à l’avenir. « C’est bien de réaffirmer ses engagements, mais ce n’est pas le bon moment. On ne peut souffrir aucune mauvaise expression », condamnet-il. « La question du quoi est tout aussi importante que celle du comment, qui inclue le calendrier, les considérations d’ordre juridique et l’état des rapports de force », ajoute Guillaume Bachelay, suppléant de Laurent Fabius et numéro 2 du parti. À ces critiques, Malek Boutih, autre cosignataire de l’appel, de rétorquer : « On est issu d’une génération Internet et Facebook, qui ne s’exprime pas dans le cadre de négociations feutrées. Et le rajeunissement, cela ne se voit pas que sur la photo. » Le groupe PS n’a pas fini de tanguer.

Diffusé sur Internet, le médiocre brûlot intitulé L’Innocence des musulmans a généré une onde de choc destructrice. Ressenti comme un blasphème dans le monde islamique, il a déclenché une flambée de violences, à moins qu’il ne se soit agi que d’un simple prétexte pour donner libre cours à une rage trop longtemps contenue. En France, ces mêmes technologies de communication qui ont servi à faire connaître cette vidéo ont été utilisées pour mobiliser des manifestants qui avaient pourtant interdiction de se rassembler. C’est le genre de situation qui, à tout instant, peut dégénérer. Les autorités américaines ne sont pas plus responsables des vidéos circulant sur You Tube que les autorités françaises ne le sont des caricatures de Charlie Hebdo. Dans les démocraties occidentales (que cela plaise ou non), on est censé croire aux vertus de la liberté d’expression et il est bon que ceux qui vivent dans un même pays partagent un socle de valeurs communes. Cette liberté d’expression est bafouée un peu partout et, même en France, il arrive qu’elle le soit. Journalistes, auteurs, photographes de presse et caricaturistes doivent pouvoir faire leur travail même si, du même coup, il leur arrive de faire des mécontents ; cette règle ne peut s’accommoder d’une application à géométrie variable. Comment, dès lors, concilier les libertés garanties par la Constitution américaine ou la Déclaration de 1789 avec le respect dû à tout un chacun car le « vivre ensemble » doit s’accompagner de compromis et de juste mesure ? La solution est sans doute à rechercher dans la déontologie professionnelle et le sens des responsabilités. La provocation fait vendre. Les chrétiens en ont fait les frais plus souvent qu’à leur tour. Quand la ligne jaune est franchie, en France, on peut saisir les tribunaux. Des lois existent et donc… on transgresse. En Angleterre, point n’est besoin de textes : les photos « topless » de Kate Middleton publiées par un magazine français n’ont pas été reprises par les journaux britanniques, pas même par les tabloïds les plus racoleurs. L’autorégulation fonctionne car la Couronne est respectée. À l’inverse, il existe en France une tradition voltairienne d’irrespect à l’endroit des religions. Cette tradition fait partie de notre patrimoine intellectuel et doit conserver droit de cité. Mais les médias doivent aussi prendre conscience que, pour un croyant, les convictions religieuses ne constituent pas une simple opinion, elles engagent l’être tout entier ; ce qui peut faire sourire les uns risque de blesser les autres… Inutilement ?


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Économie

Des choix impopulaires mais nécessaires ! Par Axel de Tarlé

Instaurer une taxe carbone pourrait permettre à la France de réduire les émissions de CO2. Ce serait également l’occasion d’accélérer la transition énergétique. Mais au lieu de cela, ce sont des « primes carbone » qui sont mises en place. De quoi laisser perplexe. ssence, gaz, le gouvernement a tout faux… D’un côté, on se gargarise de conférence environnementale pour assurer la « transition énergétique ». De l’autre on subventionne les énergies fossiles ! Allez comprendre ! En matière d’énergie, le gouvernement est totalement schizophrène. Au lieu d’instaurer une « taxe carbone » pour favoriser les énergies propres, on crée au contraire des « primes carbone », des « subventions carbone » pour favoriser la consommation de gaz et d’essence !

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On subventionne l’essence… Fin août, face à la flambée des prix de l’essence, le gouvernement a décidé de réduire de 3 centimes les taxes qu’il prélève sur le carburant. Manque à gagner pour les caisses de l’État : 300 millions d’euros. Ça n’est rien d’autre qu’une « subvention carbone ». Cet argent aurait

été bien plus utile pour développer les technologies propres du XXIe siècle.

...et le gaz Trois semaines plus tard, rebelote avec le gaz. Le gouvernement intervient pour interdire une hausse de 7 % des prix du gaz. Celle-ci sera autoritairement plafonnée à 2 %. Et tant pis si cette mesure a toutes les chances d’être retoquée par le Conseil d’État. En juillet dernier, déjà, le gouvernement a été condamné pour s’être opposé à une hausse des tarifs du gaz. Résultat, les consommateurs vont se voir facturer un rattrapage de près de 38 euros. À l’époque, c’était le gouvernement Fillon qui s’était opposé à la hausse des prix du gaz. Car, en la matière, droite et gauche se rejoignent. Ils entretiennent les Français dans l’illusion de l’énergie bon marché, avec pour message : « Faites tourner la chaudière, c’est pas cher ! »

L’exemple allemand Certes, on comprend la compassion du gouvernement pour les automobilistes, et les ménages qui se chauffent au gaz, mais il n’est pas interdit d’avoir une vision à long terme. Car, la hausse du prix des énergies fossiles est un excellent moyen de réaliser en douceur la transition énergétique. L’exemple allemand en matière d’électricité est frappant. OutreRhin, le prix du kilowattheure est presque deux fois plus élevé qu’en France (25,30 euros pour 100 kWh en Allemagne, à comparer aux 14,20 euros en France). Et pourtant, la facture moyenne d’électricité est moins élevée en Allemagne (844 euros par an, contre 875 euros pour un ménage français). Explication : les Allemands ont appris à consommer moins d’électricité, à consommer mieux. Les habitats sont mieux isolés, l’électroménager consomme moins. Réduire sa facture d’électricité en consommant moins est évidemment plus vertueux que de bénéficier de subventions. L’énergie la moins chère est celle que nous ne consommons pas ! Empêcher la hausse des prix, c’est retarder la transition vers une économie décarbonée. C’est entretenir cette illusion d’un État toutpuissant, qui peut tout régler, et nous extraire de la contrainte mondiale. Demain, le gouvernement bloquera-t-il le prix de la baguette de pain si le cours des céréales continue de flamber ? Il faut laisser le signal-prix agir !

La bonne idée du bonus-malus Mais ne soyons pas injustes. Le gouvernement prend également des mesures favorables à cette transition. Il entend ainsi mettre en place, à partir de 2014, un tarif « progressif » des prix du gaz. Les premiers mètres cubes – dits de « nécessité » – sont facturés peu cher. Au-delà d’un certain niveau, on entre dans une consommation de « confort », facturée plus cher. C’est le principe du bonus-malus. Les petits consommateurs sont avantagés, au détriment des gros consommateurs qui paient plus cher. En clair : on a intérêt, financièrement, à consommer peu de gaz.

Rien de tel que le litre d’essence à 2,10 euros pour accélérer la transition énergétique. PHOTO PHILIPPE HUGUEN/AFP

Le retour de la taxe carbone Mais il y a mieux. Le gouvernement entend ranimer la « taxe carbone ». Pour restaurer la compétitivité des entreprises, Jean-Marc Ayrault s’est engagé à diminuer les charges des entreprises. Louis Gallois, l’ancien président d’EADS, va bientôt rendre son rapport sur le sujet. Il avait estimé qu’il fallait réaliser un « choc de compétitivité » de 30 à 50 milliards d’euros. En clair, baisser les charges qui pèsent sur les entreprises de 30 à 50 milliards. Qui va payer pour ces 30 à 50 milliards ? La Sécurité sociale, déjà lourdement déficitaire – 14,7 milliards d’euros de déficit attendus pour 2012 – ne peut pas s’asseoir sur 50 milliards de recettes. Les ménages seront très certainement appelés à cotiser davantage via une hausse de la CSG. Mais François Hollande a également évoqué « la fiscalité verte ». En clair, une taxe carbone viendrait financer la Sécurité sociale. Cette taxe devrait frapper aussi bien le charbon, que le gaz ou l’essence. L’avantage est double : cela permet de réduire les charges des entreprises et favorise la transition énergétique.

Le litre d’essence à… 2,10 euros ! Pour prendre la mesure de l’effort demandé, pour récolter mettons 25 milliards d’euros (soit la moitié du « choc de compétitivité »), il faudrait relever les taxes sur l’essence de… 50 centimes ! Ce qui ferait donc le litre d’essence à 2,10 euros ! Bien sûr, la mesure est forcément impopulaire. C’est pourquoi Nicolas Sarkozy avait fini par remiser sa « taxe carbone ».

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La tâche ne sera pas plus aisée pour François Hollande. Au contraire, les commentateurs ne manqueront pas de remarquer qu’après avoir baissé de 3 centimes les taxes sur l’essence le gouvernement veut maintenant augmenter ces mêmes taxes.

Un peu de courage ! Et pourtant, instaurer une telle « taxe carbone » présente un double avantage économique (baisse des charges pour les entreprises) et écologique (baisse des émissions de C02). Mieux, ce serait l’occasion pour la France d’accélérer la fameuse transition écologique. Permettre à la France d’entrer de plain-pied dans le XXIe siècle, en développant les nouvelles technologies vertes. C’est d’ailleurs le seul horizon que nous propose ce gouvernement : à l’annonce de la fermeture programmée de l’usine PSA d’Aulnay, la réponse du gouvernement fut de mettre le paquet sur les voitures électriques, en renforçant les primes sur les voitures « zéro émission ». Jean-Marc Ayrault a enfoncé le clou, en nous promettant à l’issue de la Conférence environnementale une voiture consommant à peine 2 litres aux 100, d’ici dix ans. Alors « banco » : pour accélérer cette transition, rien de tel que l’essence chère. « L’essence à deux euros le litre est une fantastique publicité pour nos voitures électriques », explique Carlos Tavares, directeur général délégué de Renault. Et pour cause, si la voiture est plus chère à l’achat, un « plein d’électricité » coûte… 1,50 euro ! Ça fait rêver !


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Dossier

Le logement social pour retarder la dépendance Comment repousser l’âge d’entrée en Ehpad et alléger la facture de la dépendance ? Certaines collectivités expérimentent le logement intergénérationnel, une solution inspirée de l’étranger qui commence à donner des résultats. u Creusot, en Saône-etLoire, la résidence Puebla fait partie d’une expérimentation de logements « solidaires » à l’échelle du département. Dans ce petit immeuble inauguré en mars dernier, des seniors et handicapés occupent le rez-de-chaussée tandis que de jeunes couples et des familles logent dans les niveaux supérieurs. En vertu d’une charte de bon voisinage, les jeunes acceptent de faire des courses groupées, d’effectuer du petit bricolage ou des démarches administratives pour les plus âgés. Ceux-ci offrent de leur temps libre pour des gardes d’enfants. Autour des habitants de Puebla, toute une série de services ont été développés par les institutionnels à l’initiative du projet, le conseil général, la ville, et l’Opac 71 : repas à domicile, épiceries ambulantes, centre de loisirs, soirées culturelles ou accompagnement physique des personnes à faible mobilité. Que cette expérience ait lieu en Saône-et-Loire, parmi les départements ruraux les plus touchés par le vieillissement, n’est pas anodin. « Notre expérimentation vise à maintenir des personnes âgées dans un logement social adapté, en agrégeant pour eux un maximum de services existants, explique Salvatore Iannuzzi, directeur de programme à l’Opac 71. C’est une façon de repousser l’âge du départ en institution, et par là une prise en charge coûteuse pour la collectivité. »

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L’idée est de garder les personnes âgées dans le droit commun, quelles que soient leurs ressources. De fait, pour l’occupant, cette solution n’implique pas un coût plus élevé qu’un logement social. Pour le bailleur, le coût de construction d’un immeuble intergénérationnel est sensiblement le même que celui d’un logement social.

moitié par des familles avec enfants en bas âge et pour moitié par des plus de 60 ans, un Ehpad de 22 places et un accueil de jour pour personnes souffrant d’Alzheimer.

Une nécessité budgétaire Alors que neuf Français sur dix préféreraient vieillir à domicile, la réponse de la collectivité ne peut plus se résumer au simple placement des personnes âgées en Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). À l’horizon 2040, 7 millions de Français auront plus de 80 ans et 2 millions seront en situation de dépendance. Le coût pour la collectivité pourrait alors représenter 2 % du produit intérieur brut français, contre 1,2 % aujourd’hui. Permettre aux seniors de vieillir chez eux plus longtemps ce n’est donc pas seulement leur faire plaisir, c’est une nécessité budgétaire. Face à l’épineux problème de la primo-dépendance, les départements et communes, qui ont la gestion du parc social et des Ehpad, se retrouvent en première ligne. Certains, comme le département de Saône-et-Loire, ont compris le rôle qu’ils pouvaient jouer dans le ralentissement du processus : « Un bailleur ne peut plus aujourd’hui

rester dans une posture de constructeur. Il doit devenir aménageur et intégrer cette dimension de services », poursuit Salvatore Iannuzzi. Ailleurs en France, d’autres immeubles intergénérationnels sont en projet ou déjà en fonctionnement. À Saint-Apollinaire, en Côted’Or, à Parempuyre, en Gironde, ou à Chaponost, dans le Rhône, des communes rurales de moins de 8 000 habitants. À Seyssinet-Pariset, dans la banlieue de Grenoble. Et même dans le très chic quartier du Marais, au cœur de la capitale, ou près du parc de la Tête d’Or, en plein centre de Lyon.

Pas une simple utopie À Saint-Apollinaire, la résidence Générations a été créée en 2000 par l’Opac de Dijon, la ville et un organisme spécialisé en gérontologie, la Fedosad. Elle comprend 76 logements sociaux occupés pour

Béguinage, colocation, autogestion : l’imagination au secours du grand âge Plusieurs solutions permettent de prendre en compte le grand âge et la précarité des personnes au sens large, en comblant le fossé des générations. L’habitat « kangourou » consiste, pour une personne âgée, à proposer à un jeune une chambre dans son appartement en échange d’un loyer gratuit ou modique et de petits services. La Ville de Paris encourage ce type de colocation, en partenariat avec des associations.

Actuellement quelque 300 binômes senior-jeune étudiant ou apprenti cohabitent dans la capitale. En Belgique, où l’habitat kangourou est très répandu, la commune de Molenbeek – à forte population immigrée – a créé dès 1986 le foyer Dar al Amal (« maison de l’espoir »). Ce bâtiment aux loyers modérés accueille en colocation une famille d’origine immigrée et une personne âgée ou un couple de personnes âgées.

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Le béguinage, né dans les Flandres, commence à se pratiquer dans l’Hexagone. Destiné à un public plus favorisé, il consiste à bâtir des maisons ou groupes de maisons souvent équipées d’outils domotiques très sophistiqués permettant aux seniors de rester plus longtemps à domicile et de socialiser. Des expérimentations sont menées actuellement à Saint-Quentin, dans l’Aisne, à Avesnes-le-Comte et Vieille-Église, dans le Nord-Pas-

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de-Calais, ainsi qu’à Vireux-Wallerand, en Champagne-Ardenne. Enfin, l’habitat groupé, très développé aux Pays-Bas et au Danemark, revient à se regrouper pour construire un bâtiment autofinancé. Les logements sont adaptés aux besoins des uns et des autres. Le groupe détermine également des locaux communs (chambre d’hôte, garage, buanderie) et des espaces de vie pouvant accueillir des activités communes.

Les habitants profitent d’un relais d’assistantes maternelles, d’un centre de loisirs intergénérationnels, d’une salle de quartier et d’un restaurant scolaire. Après douze années d’existence, le succès de Générations est la preuve que l’habitat intergénérationnel n’est pas qu’une simple utopie. « Nous avons beaucoup de demandes pour loger à Générations, observe Isabelle Benoît, responsable de l’Office des aînés de la ville. Au point que la municipalité prépare pour fin 2013 un nouveau projet dans le quartier du Pré-Thomas qui intégrera cette fois des personnes handicapées et des jeunes en insertion. » La mairie souhaite également étendre l’« esprit Générations » au reste de


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Dossier la commune, à commencer par les services municipaux : crèche, centre de loisirs, office municipal des aînés, service culture. Mais on est encore loin de l’engouement qu’ont connu le Danemark, les Pays-Bas ou la Belgique pour l’habitat intergénérationnel (voir encadré). En France, le concept se heurte à un manque de volonté politique face au logement social en général. Les quelques projets qui aboutissent sont portés par quelques élus obstinés. « Nous disposions de fonds pour un immeuble social que nous avons décidé d’affecter à ce projet-là, mais l’Opac n’aurait pas obtenu de financement spécifique pour construire sur la base de ce projet », regrette Évelyne Couillerot, première vice-présidente du conseil général de Saône-et-Loire en charge

sociaux. Le « leader » en la matière est Entreprendre pour humaniser la dépendance (EHD), une société coopérative financée par l’économie sociale et solidaire, qui a déjà une dizaine de bâtiments de ce type à son actif. Ses projets étonnent par leur audace et leur créativité. À Lyon, une résidence intergénérationnelle de 80 logements a été créée par EHD dans le site exceptionnel d’un ancien couvent, cédé par une congrégation de sœurs franciscaines. Les appartements sont loués 5 à 7 euros le mètre carré et attribués selon les critères du logement social à des personnes âgées et des étudiants de milieu social défavorisé en classes préparatoires au prestigieux lycée du Parc. Ici, les sœurs de la maison d’Assise occupent encore une partie du bâti-

agent immobilier devenu prêtre, pousse le concept un peu plus loin. À La Tronche, près de Grenoble, une maison de retraite médicalisée vient d’être construite à côté d’une maison intergénérationnelle accueillant des personnes âgées et des internes du CHU de Grenoble. À Tassin-la-Demi-Lune, près de Lyon, une « petite unité de vie médicalisée » de 24 places réservée à des gens « très âgés et très fragilisés par la vie » est en construction dans un parc de 14 hectares non loin du centre de recherche Mérieux. Il voisinera avec un second bâtiment de 14 logements en partie occupé par des étudiants. Un même parc et une même route partagés par des étudiants, des retraités et des actifs : ce projet résume à lui seul l’ambition de Bernard Devert. « Toutes nos opérations n’ont qu’un but : briser l’isolement, casser l’angoisse des personnes âgées liée à la solitude et à la pauvreté », expliquet-il. L’ecclésiastique ne comprend pas que des personnes âgées valides soient placées en instituts spécialisés lourdement financés par leur famille ou la collectivité. « Il faut réorienter les Ehpad vers la fin de vie », tonne-t-il.

La société civile prend le relais

Le village Générations de Saint-Apollinaire où cohabitent des personnes âgées et des couples avec jeunes enfants. PHOTOS JEFF PACHOUD/AFP

des personnes âgées, qui porte le projet d’habitat solidaire à bout de bras. Une expérience d’équilibriste : « Nous sommes à flux tendu au plan financier et il nous faut résoudre de nombreuses difficultés sans coûts supplémentaires », précise l’élue.

EHD, audace et créativité L’habitat intergénérationnel n’est d’ailleurs pas l’apanage des bailleurs

ment et veillent à la bonne entente entre les locataires. « On nous demande des allumettes, une bâche pour s’asseoir dans le parc. Nous sommes une présence rassurante », confie sœur Johanne, qui se réjouit d’avoir réuni la quasi-totalité des locataires, jeunes et vieux, à la première fête des voisins. À chaque projet, le fondateur d’EHD, Bernard Devert, ancien

Face à la crise des finances publiques et le manque d’ambition de l’État, une « société-providence » pourrait être en train de se mettre en place. « Si l’État-providence s’efface quant à la prise en charge du risque de la dépendance, il faut bien que la société civile prenne le relais », résume Bernard Devert. Évelyne Couillerot en convient : « Ce n’est pas parce que l’on essaie de trouver des solutions que le problème de fond est réglé : répondre à la question du vieillissement c’est la quadrature du cercle. » « Les collectivités territoriales et publiques montrent un certain intérêt pour l’immobilier intergénérationnel, mais le problème c’est qu’elles n’ont plus un sou », lâche Grégoire Lechat de l’association France Active, qui finance EHD. L’idée est d’innover non seulement sur le projet, mais aussi sur les moyens mis en œuvre pour le rendre possible. Ce que permet la finance solidaire. « Nous, nous proposons autre chose qu’une subvention pure et dure : un panaché de mécénat, de fonds publics, de bénévolat », ajoute-t-il. Chaque année, EHD lève plusieurs millions d’euros pour financer ses investissements auprès de riches mécènes et de fonds communs de placements « solidaires ». À observer ses comptes, il s’avère que l’habitat générationnel est tout sauf un gouffre financier : le chiffre d’affaires de cette entreprise de cinq salariés était de 850 000 euros en 2009 pour un résultat de 120 000 euros. De quoi inspirer les pouvoirs publics.

Tatiana Kalouguine

« À Paris, la question des relations entre les générations se pose avec force » La première résidence intergénérationnelle parisienne est en construction au 30-32 quai des Célestins, dans le 4e arrondissement. À quel besoin des Parisiens est censé répondre ce projet ?

Le vieillissement de la population, conjugué à l’avancée de l’espérance de vie, constitue un enjeu de taille pour nos sociétés. La question des relations entre les générations se trouve posée avec force, et tous les acteurs, qu’ils soient économiques, politiques, institutionnels, sont invités à répondre à cette nouvelle donne. C’est le défi que la collectivité parisienne tente de relever, et notamment en proposant une nouvelle approche du logement.

Christophe Girard, maire (PS) du 4e arrondissement de Paris.

D’autres initiatives sont actuellement en cours en France, mais plutôt en zones rurales. Y a-t-il une problématique parisienne spécifique ?

PHOTO ÉRIC FOUGÈRE

Le centre de Paris est structurellement peu adapté, aussi bien pour les seniors que pour les jeunes salariés. Les immeubles anciens, étroits et souvent dépourvus d’ascenseurs sont inadaptés aux personnes vieillissantes. Pour autant, on note un souhait des personnes âgées, attachées à leur quartier, à continuer à vivre chez elles. Concernant le logement des jeunes employés, on sait les difficultés rencontrées par les jeunes fraîchement insérés dans la vie professionnelle pour se loger dans nos arrondissements centraux, du fait du prix de l’immobilier. Pourtant, avec ses bars, restaurants, lieux de convivialité, notre arrondissement de cœur de ville est un bassin d’emploi important pour ce public, souvent contraint de vivre loin de la capitale. Comment se répartiront les logements entre les différentes populations ? De quelle façon se fera le « recrutement » des locataires ?

Notre projet prévoit la création de près de 90 logements destinés à des retraités et des jeunes salariés. Leurs rythmes et modes de vie différents impliquent qu’ils soient logés au sein de deux immeubles distincts, qui sont cependant contigus et communicants : les retraités habiteront au 32 quai des Célestins et les jeunes employés au 30 quai des Célestins. Des espaces communs seront créés. Du point de vue de l’attribution et de la gestion de ces logements, il

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s’agira de logements sociaux destinés aux retraités, et d’un foyer-logement pour les jeunes salariés. Quels services seront proposés aux habitants ? Des partenariats sont-ils prévus avec des prestataires publics ou privés ?

Au-delà des logements, la résidence proposera un ensemble d’espaces de service partagés : hall d’entrée et coin boîtes aux lettres, salle de convivialité commune, espace Web, laverie, salle de gym. Les espaces collectifs sont regroupés dans les deux niveaux bas, rez-de-chaussée haut et rez-de-chaussée bas. Deux terrasses compléteront cet ensemble. Comment la mairie a-t-elle prévu d’animer les échanges intergénérationnels ?

La gestion administrative a été proposée à deux opérateurs. L’association ALJT administrera le foyer de jeunes travailleurs, et Coallia (anciennement Aftam), spécialiste de l’habitat social adapté, sera en charge de la gestion des logements seniors. Ces deux structures seront chargées d’animer et de faire vivre les lieux. Le projet de vie de la résidence doit aussi bien évidemment reposer sur le partage de services entre personnes de différentes générations. Sa philosophie consiste en un échange bénéfique à chacun : temps disponible des personnes âgées utilisé pour aider les jeunes adultes, force de vie des jeunes pour atténuer la solitude de certains seniors.

Propos recueillis par T.K.


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Initiatives 9 941 prêts accordés aux particuliers en difficulté en 2011

Contre la précarité, les villes font crédit Initié en Île-de-France, le microcrédit personnel encadré par la Caisse des dépôts connaît une progression sans précédent. Destiné à financer des dépenses de logement ou de santé, cet outil d’insertion s’étend désormais aux jeunes. Une démarche sociale reprise à présent en Guadeloupe. pparu pour la première fois au Bangladesh en 1976, le microcrédit a été longtemps réservé aux pays en voie de développement. Destiné initialement à encourager l’initiative économique, le dispositif est relayé aujourd’hui en France par les villes et les départements sous une dimension sociale. Avec 9 941 prêts accordés en 2011, le microcrédit personnel a enregistré une progression de 26 % par rapport à l’année précédente. Les prêts ont financé à 72,3 % des projets d’emploi et de mobilité, à 12,4 % des besoins de logement, et

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représentants de l’organisme. « Il s’agit d’un prêt accompagné, c’està-dire d’une offre de financement “sur-mesure” qui prend en compte les contraintes et les besoins spécifiques de chaque emprunteur. Cet accompagnement social et financier ne peut, en conséquence, être banalisé », explique encore la CDC.

Favoriser l’insertion sociale et professionnelle Preuve de l’engouement suscité par l’initiative, le Crédit municipal de Paris a accordé cette année son 1500e microcrédit personnel. Le programme, élaboré à la demande

«

à 4,5 % des démarches d’éducation et de formation, précise la Caisse des dépôts et consignations (CDC) en charge du Fonds de cohésion sociale. « La progression enregistrée témoigne d’un réel succès de cet outil de lutte contre l’exclusion bancaire à forte utilité sociale », estime la Caisse, qui publiera en fin d’année les résultats d’une enquête sur les impacts du microcrédit sur l’insertion professionnelle ou sociale, les conditions de vie, la situation budgétaire ou encore l’inclusion bancaire des bénéficiaires. « Ces résultats, encore modestes, traduisent une dimension primordiale du microcrédit personnel », poursuivent les

de la ville, permet de répondre aux besoins de financements ponctuels de personnes qui n’ont pas accès à des crédits classiques, soit environ 10 % de la population, principalement des intérimaires, des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) ou de l’allocation pour adulte handicapé (AAH). En pratique, le microcrédit personnel repose sur un prêt « accompagné » d’un montant de 300 à 3 000 euros échelonné jusqu’à trente-six mois. Il est destiné à financer des projets personnels (permis de conduire, frais de santé, formations professionnelles, équipement ménager…). Les intérêts

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LA PROGRESSION ENREGISTRÉE TÉMOIGNE D’UN RÉEL SUCCÈS DE CET OUTIL DE LUTTE CONTRE L’EXCLUSION BANCAIRE À FORTE UTILITÉ SOCIALE »

sont de 4 % (TEG fixe annuel). À l’issue du prêt, les emprunteurs habitant Paris ainsi que les départements et les villes partenaires d’Île-de-France bénéficient d’un remboursement de tout ou partie des intérêts versés. Depuis sa création en 2008, le microcrédit personnel s’est étendu à la SeineSaint-Denis et à la Seine-et-Marne en 2009, à l’Essonne en 2010 et au Val-de-Marne en 2011. Alternative aux crédits revolving, le programme – qui prévient du

Tour de France du microcrédit personnel Depuis le début de l’année, la Caisse des dépôts a initié une série de colloques régionaux qui rassemblent toutes les parties prenantes à l’échelle d’un territoire : établissements financiers, structures d’accompagnement et collectivités locales. Trois manifestations de ce type se sont déjà tenues en Picardie, Bourgogne et

Bretagne. D’autres doivent être organisées prochainement en Haute-Normandie, ChampagneArdenne, Languedoc-Roussillon, et aux Antilles-Guyane. « Ces rencontres permettent de faire émerger les bonnes pratiques, d’identifier les freins et de mutualiser les ressources », estime la Caisse des dépôts et consignations.

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À travers ses directions régionales, l’organisme veille au maillage territorial des offres de microcrédit en favorisant le rapprochement et la collaboration des banques et des associations en charge de l’accompagnement. Ces dernières sont recensées par département sur le site www.france-microcredit.org.

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surendettement – s’invite à présent dans les DOM-TOM. En Guadeloupe, les habitants en difficulté financière des Abymes, de Pointeà-Pitre et de Saint-François bénéficient depuis le printemps d’une offre de microcrédit sociale similaire. Si là aussi la CDC se porte garante, une convention doit être signée entre les villes et les deux organismes bancaires impliqués dans le système, le Crédit agricole et la Caisse d’épargne.

« Le microcrédit n’est pas assez soutenu par les pouvoirs publics » À Orthez, la démarche constitue aussi une première dans les Pyrénées-Atlantiques, même si une aide semblable était déjà proposée auparavant par des associations comme le Secours catholique ou Familles rurales. Un dispositif désormais étendu aux jeunes de 18-25 ans à Nantes, Grenoble et Besançon. L’objectif revendiqué étant de favoriser leur insertion sociale et professionnelle, tout en facilitant l’accès au logement, à la formation,

à la mobilité ou encore aux soins médicaux. Au cœur du programme, les centres communaux d’action sociale (CCAS) reconnaissent une « vraie dynamique de croissance » du dispositif. Sénatrice (PS) de LoireAtlantique, Michelle Meunier analyse : « Le microcrédit est une offre nouvelle à la situation de crise. Le service public s’adapte car les conséquences sociales de la crise vont perdurer longtemps. » Pionnière du microcrédit en France, l’association pour le droit à l’initiative économique (Adie) déplore néanmoins que cette aide soit trop peu soutenue par les pouvoirs publics. « Le microcrédit remplit une mission d’intérêt général en contribuant au combat pour l’emploi et en permettant la création de microentreprises qui participent elles-mêmes à la création de richesses. » L’association de regretter que « le microcrédit accompagné reste sous-utilisé et qu’il ne soit pas davantage soutenu par les pouvoirs publics. »

Ludovic Bellanger


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En bref

Marseille

Un hôpital qui associe soins, culture et éducation Inauguré cet été, l’Espace méditerranéen de l’adolescence (EMA) casse les clichés de l’hôpital pour soigner les jeunes en détresse. Il permet d’assurer un suivi médical complet et accorde à la culture une place essentielle dans l’application des soins. gés de 11 à 18 ans, ils sont atteints d’hyperactivité, de troubles du comportement ou de l’alimentation. Bientôt des adolescents en guérison ou en rémission de cancer seront aussi accueillis. Hospitalisés à la journée ou à temps plein, les jeunes patients découvrent à l’EMA marseillais un espace médical pluridisciplinaire qui fait la part belle aux arts. « L’hospitalisation peut avoir des effets de désintégration de l’identité en réduisant les gens à leur maladie ou à leur mal-être », relève Carine Delanoë-Vieux, chef de projet des affaires culturelles à l’AP-HM. Elle considère : « La culture permet de stimuler, de redynamiser des choses positives et saines de soi-même. » Ici, les thérapies sont sans effets secondaires : baby-foot et téléviseur pour se détendre, médiathèque pour lire et visionner des films, salle de sport et de danse pour travailler sur l’image corporelle, cours d’arts plastiques, studio de webradio…

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3 questions à

TROIS DÉPARTEMENTS S’ENGAGENT DANS LE DÉVELOPPEMENT DURABLE G Pour la première fois depuis sa création, trois conseils généraux font leur apparition au palmarès des Rubans du développement durable. Un trophée placé sous l’égide de l’AMF. Aux côtés des nouveaux labellisés, les communes de La Roche-sur-Yon, Valenciennes et Villefranche-sur-Saône, et les agglomérations de Lorient et de Pau, la Somme, la Seine-Saint-Denis et La Réunion se sont distinguées par leur engagement environnemental.

« Un hôpital pour vivre » Le professeur Marcel Rufo, pédopsychiatre porteur du concept, salue « un hôpital pour vivre, avec une pulsion de vie. Un hôpital dans la ville pour les adolescents et leur famille qui permet de pratiquer une médecine globale du sujet et non une médecine d’organe. » Outre la modernité des locaux installés au cœur du vaste parc de l’hôpital Salvator, les murs colorés affichent les mots d’esprit et les toiles peintes par les patients. L‘équipe soignante adopte également une tenue vestimentaire semblable à celle des adolescents afin de « créer le lien », explique encore Sylvain Filiol, responsable des soins. Présidente de la Fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France, Bernadette Chirac estime : « Je suis sûre que les adolescents qui viendront ici retrouveront la joie de vivre. Une adolescente qui s’ennuie est une adolescente qui ne guérira pas. » La fondation subventionne les 50 mai-

Le professeur Marcel Rufo avec la présidente de la Fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France, Bernadette Chirac. PHOTO BORIS HORVAT/AFP

sons des adolescents qui existent en France, des structures similaires à l‘EMA mais de moindre envergure. « L’idée est d’offrir des lieux d’accueil pour les jeunes en détresse,

ne relevant ni de la pédiatrie ni du monde des adultes. » Environ 15 % des 11-18 ans, soit 900 000 adolescents, sont estimés en « grande souffrance psychique ». L.B.

« Une loi doit prendre en compte

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la réalité du terrain »

FRANÇOIS DE MAZIÈRES DÉPUTÉ-MAIRE (DVD) DE VERSAILLES

Vous avez refusé l’extension du centre commercial Parly 2 : quelles solutions préconisez-vous pour redynamiser les centres-villes ?

Il faut alléger les contraintes qui pèsent sur les petits commerces, concernant notamment l’emploi.

De nombreuses boutiques n’embauchent pas car les procédures administratives sont trop lourdes à gérer. Par ailleurs, il est important de développer une vraie concertation avec la commission d’aménagement commercial. L’une des questions fondamentales est de limiter l’accumulation de grandes surfaces comme c’est le cas dans l’Ouest parisien où les demandes d’extension et d’ouvertures s’accumulent. Nous devons retrouver les moyens de réglementer les projets en y incluant à présent les « drive ». Craignez-vous un risque de ghettoïsation des villes à travers le renforcement des pénalités financières en cas de non-respect de la loi SRU ?

La loi SRU est une bonne mesure, mais elle impose aujourd’hui un taux de logements sociaux extrêmement élevé qui ne prend pas en compte l’histoire des villes [Versailles totalise 17,7 % de logements sociaux, ndlr]. La hausse des pénalités va nous conduire à accélérer notre programme. Mais dans des secteurs comme Versailles où le prix du foncier est élevé, le risque est de devoir densifier les quartiers sociaux au lieu de les répartir sur l’ensemble du territoire. Une loi doit prendre en compte la réalité du terrain. Il faut faire confiance aux maires! Construire une ville prend du temps. Je considère la nouvelle mesure comme de la précipitation avec le risque de voir apparaître des ensembles de logements sociaux à l’image des années 1970 avec les conséquences que l’on

connaît aujourd’hui. On ne peut pas construire à l’emporte-pièce. En tant qu’ancien président de la Cité de l’architecture, à quels défis selon vous les villes devront-elles faire face demain ?

La question du logement dans toutes ses formes demeure fondamentale. Il faut accélérer la construction. Mais le problème majeur repose aujourd’hui sur les lourdeurs de la réglementation et le poids des recours. La mixité sociale et économique, qui passe par le transport, est également un enjeu essentiel pour demain. La ville doit prendre en compte aussi une dimension environnementale à travers le concept de ville-nature. De manière générale, nous devons disposer de lois incitatives, mais pas excessives.

Propos recueillis par L.B.

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DEAUVILLE S’OPPOSE À HONDA G Le torchon brûle entre le constructeur de motos japonaises et Deauville. La ville, qui avait octroyé un droit d’usage de sa marque au groupe, souhaite reconduire le contrat à des conditions financières plus avantageuses. Assignée par Honda devant le TGI de Paris « aux fins de déchéance de la marque française Deauville, et d’annulation de la marque internationale Deauville », la commune entend « protéger sa notoriété et obtenir la juste compensation de l’utilisation de sa marque ».

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F1 : LE CASTELLET FACE À MAGNY-COURS G Après Magny-Cours, dans la Nièvre, le Var a officialisé la candidature du circuit Paul-Ricard, situé au Castellet, pour l’organisation dès 2013 du Grand Prix de France de F1. « Notre projet a évolué en fonction de la conjoncture économique et du fait de la non-implication financière de l’État », explique le responsable du circuit, Stéphane Clair. Le budget s’élève à quelque 30 millions d’euros, dont un tiers assuré par les collectivités locales. « SAINT-DENIS ENTRE LES LIGNES » G Accessibles depuis le printemps, les 26 webdocumentaires consacrés à la Seine-Saint-Denis associent interviews et montages photographiques interactifs. Le site www.saintdenisentreleslignes.fr permet de découvrir des lieux et des personnages souvent méconnus, parfois insolites, de la ville. Un visage inédit de Saint-Denis, au-delà de sa Basilique et du Stade de France. À RENNES, L’EAU DES PISCINES LAVE LA VOIRIE G Pour le deuxième été consécutif, Rennes a utilisé les eaux de vidange de ses piscines pour alimenter ses balayeuses et ses laveuses. En 2011, 7 % des besoins des services de la propreté ont été assurés par cette nouvelle ressource. À terme, l’objectif est d’économiser 10 % de la consommation d’eau de la ville, soit 1,6 million de mètres cubes par an d’ici à 2020 grâce à de nouvelles expérimentations.


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Débat

Un Sénat rénové ? DR

Nicole Borvo Cohen-Seat, démissionnaire de son siège de sénatrice et de la présidence du groupe CRC, défendait l’idée d’un Sénat rénové en profondeur, point d’appui au développement d’une démocratie citoyenne « à bout de souffle ». Elle s’en explique dans l’Hémicycle. Depuis les élections législatives de 2012, les deux assemblées du Parlement sont à gauche. Pourquoi considérez-vous nécessaire d’ouvrir un débat institutionnel sur la question du Sénat ?

En ce qui me concerne, je pose le problème dans le cadre d’une nécessaire évolution plus globale des institutions que prône depuis longtemps ma formation politique, et qu’elle a proposée très clairement à l’occasion des élections qui viennent d’avoir lieu. Malheureusement, la question des institutions a été peu présente dans la campagne électorale. Seul le Front de gauche a mis en avant le thème d’une VIe République citoyenne et sociale, en rupture avec la Ve République. Le candidat François Hollande et le Parti socialiste ont peu abordé ces sujets. Certes, François Hollande s’est démarqué de la « monarchie sarkozienne ». Son discours a été axé sur des réformes institutionnelles tout à fait indispensables et en général partagées par toute la gauche : limitation du cumul des mandats, moralisation de la vie politique, indépendance de la justice, nomination des présidents de chaînes publiques par une autorité indépendante… En revanche, il n’a pas été proposé de toucher au cœur du fonctionnement de la Ve République. Quelles sont les évolutions que vous préconisez ?

Le Parlement, je l’ai dit, n’est pas représentatif de la population, ce qui n’est pas sans rapport avec le constat que les parlementaires sont les élus les plus décriés, alors qu’ils sont censés représenter le peuple tout entier ! Il est temps d’aller vers la proportionnelle à toutes les élections, de rendre effective l’obligation de parité, d’instaurer le non-cumul des mandats et la limitation de leur

Une deuxième piste a été évoquée qui consisterait à conférer à la deuxième chambre le « travail de long terme »…

Nicole Borvo Cohen-Seat a été sénatrice de Paris de 1995 à 2012. renouvellement, le statut de l’élu et la citoyenneté de résidence. Outre sa représentativité se pose la question du rôle du Parlement. Aujourd’hui, il est totalement second puisque le champ d’intervention de la loi est restrictif (art. 34 de la Constitution). Le partage de l’ordre du jour est à l’avantage du gouvernement. Le président de la République dispose d’un domaine réservé très large. L’exécutif possède des prérogatives en matière financière (art. 40) et procédurale. Il faut réaffirmer la primauté de la loi, mettre fin à l’incapacité juridique du Parlement en matière financière. Le vote du Parlement doit être requis en matière européenne, de politique étrangère et d’engagement militaire ; de même en matière de nominations. Je pense en effet qu’en France le bicamérisme actuel est « boiteux ». Vous considérez donc que le Sénat doit avoir plus de pouvoir ?

Des propositions existent qui ont pour objet de renforcer le rôle du Sénat par une représentation plus forte des régions, dotées elles-mêmes de pouvoirs très étendus, par exemple par le transfert de compétences

Pleins feux sur… G Nicole Bricq confie une mission à Claude Revel sur le développement de l’influence française en matière de normes. Les normes sont un sujet hautement stratégique pour un État, puisqu’elles contribuent à la fois au développement de ses marchés extérieurs et à son rayonnement global. Ancienne élève de l’ÉNA, spécialiste et conseil en influence normative internationale, professeure et directrice d’un Centre d’intelligence

le seul conforme à la réalité de la population des territoires. Donc les sénateurs pourraient être élus au suffrage universel direct dans le cadre départemental, les listes étant composées de citoyens ayant ou ayant eu un mandat local.

économique et influence internationale, auteure de nombreuses publications sur ces sujets et ancienne membre du Haut Conseil de la coopération internationale auprès du Premier ministre, Claude Revel sera chargée de formuler des propositions opérationnelles sur la présence internationale et le positionnement de la France en matière de normes. Sa mission couvrira au moins trois champs :

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régaliennes, ce qui ferait du Sénat un « Bundesrat à la française ». Je suis pour ma part hostile à une régionalisation de la République. En revanche, donner plus de pouvoirs au Sénat comme représentant des collectivités territoriales dans le cadre d’une reconnaissance institutionnelle de la démocratie locale dans une république décentralisée n’est pas à rejeter. L’implication des collectivités territoriales devrait donc trouver sa place dans la « création législative ». Cela implique de leur donner plus de pouvoirs, avec par exemple un droit d’initiative législative (à partir d’un seuil). Dans ce cadre, le Sénat pourrait examiner les initiatives locales, évaluer leurs possibilités de généralisation par la loi, consulter l’ensemble des collectivités… Quels sont les scrutins qui pourraient être envisagés ?

- Au suffrage indirect, comme aujourd’hui, avec l’élection des sénateurs par les élus locaux sur une base démographique élargie : nombre de délégués plus important en fonction de la population des circonscriptions départementales ; - Ou au suffrage universel direct. Pour ma part, je considère que c’est

Le « sujet » est séduisant, tant le Parlement travaille sur le court terme, dans un monde pourtant mouvant de façon de plus en plus rapide, où les grands enjeux économiques, écologiques, démographiques, géopolitiques, nous préoccupent et où la question de la prospective est posée. On ne peut cependant considérer qu’une deuxième chambre soit mieux « outillée » que l’Assemblée nationale pour travailler sur le long terme. Une chambre « du long terme » s’apparenterait davantage à un conseil consultatif, composé en conséquence et destiné à donner avis et expertises au Parlement. Ces deux pistes, en tout état de cause, s’inscrivent dans le cadre classique de la démocratie représentative des régimes parlementaires actuels. Vous proposez une troisième piste de réflexion…

J’ai lu avec grand intérêt le professeur Dominique Rousseau qui, dans son récent ouvrage – Le Consulat Sarkozy –, propose de « donner vie » à la République sociale, démocratique et décentralisée inscrite dans l’article 1er de la Constitution, en créant une troisième chambre : « une assemblée sociale qui, avec l’Assemblée nationale et l’Assemblée territoriale, formera le Parlement ». Il propose aussi de « rendre présent le citoyen » par une participation

- la présence française dans G Luc Oursel. Le président du groupe nucléaire public Areva a été élu les principales instances de à la présidence de l’Association normalisation, professionnelles, nationale de la recherche et de la multilatérales, privées ; technologie (ANRT), un organisme - les enjeux des normes dans des qui promeut les partenariats de accords de libre-échange à venir recherche entre acteurs publics et et en cours tels que l’accord privés. Il remplace Louis Gallois, Union européenne/États-Unis, le ex-dirigeant de la SNCF et d’EADS, Trans-Pacific Partnership, des accords qui avait été désigné président avec les pays de la Méditerranée… de l’ANRT le 1er juin dernier, lesquels fixent une perspective avant d’être nommé quelques jours de convergence réglementaire ; plus tard commissaire général - la prise en compte de nos normes à l’investissement par par les bailleurs de fonds le gouvernement. internationaux.

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directe de celui-ci, qui pourrait prendre la forme de « conventions de citoyens » tirés au sort sur des listes électorales qui, après délibération, pourraient produire des recommandations aux assemblées parlementaires pour qu’elles en débattent. Ces propositions me confortent dans le choix qui est le mien d’une réflexion approfondie sur la représentation des citoyens. Mais je ne pense pas souhaitable de créer une troisième chambre législative. Je propose donc une autre piste : la transformation du Sénat en une assemblée composée pour moitié de représentants des collectivités locales élus au suffrage universel direct sur listes départementales de candidats ayant une expérience élective dans une collectivité (un mandat par exemple). L’autre moitié serait composée de représentants des « groupes sociaux » élus au suffrage universel direct sur des listes (régionales ou départementales) composées de citoyens proposés par des organisations syndicales et associatives représentatives (dans des proportions à définir). Ce changement de statut de la deuxième chambre serait à mon sens un signe fort de la prise en compte réelle de « l’auto-organisation » des citoyens, saut qualitatif nécessaire pour revivifier la démocratie.

Propos recueillis par Joël Genard C’est le secrétaire national du PCF qui remplace Nicole Borvo Cohen-Seat. Élue depuis 1995, elle ne souhaitait pas effectuer un 3e mandat. Elle avait finalement accepté, pour des raisons de parité, à condition de laisser sa place à Pierre Laurent en cours de mandat. Le passage de témoin, prévu dès les sénatoriales de 2011, est désormais réalisé. G Philippe Parini. Évincé cet été par la gauche de son poste stratégique de directeur général des finances publiques au ministère de l’Économie, ce haut fonctionnaire est nommé à la tête d’une direction régionale… placée sous l’autorité de son successeur à Bercy. G Yves Bréchet, professeur des universités, est nommé membre du Comité de l’énergie atomique en qualité de personnalité qualifiée dans le domaine scientifique et industriel. Il est nommé haut commissaire à l’énergie atomique.


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À distance

Israël vs Amérique aux Nations unies Le Premier ministre israélien devrait renouveler jeudi devant l’Assemblée générale de l’ONU son plaidoyer en faveur d’une intervention rapide pour frapper l’Iran et son programme nucléaire. Par François Clemenceau ’année dernière, Benyamin Netanyahu était venu à New York prononcer un discours très remarqué dans lequel il tendait la main à tous les pays du printemps arabe désireux d’améliorer leur relation avec Israël. À propos de l’Iran, il avait indiqué qu’il ne pouvait se permettre la « moindre erreur de jugement » ou se reposer sur le « vœu pieux » que les Iraniens cessent de proclamer leur volonté de « rayer Israël de la carte ». Cette semaine, l’enjeu est différent. D’abord parce que depuis l’an passé

L

les Iraniens ont continué de progresser dans leur enrichissement d’uranium. Le dernier rapport en date de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) à ce sujet montre que les autorités de Téhéran ont même « nettoyé » au moins un site sur lequel auraient eu lieu des tests de chaîne de réaction nucléaire. Depuis le mois de février, le ministre de la Défense Ehud Barak parle d’une « zone d’immunité », afin de signaler qu’à force d’enterrer leurs équipements nucléaires toute intervention militaire contre ces bases

occidentaux sont convaincus qu’il reste encore du temps avant que l’Iran parvienne au seuil de la fabrication d’une bombe prête à être installée sur un engin balistique. Selon le spécialiste des affaires de renseignement en Israël Yossi Melman, « Netanyahu est allé trop loin » car « nous ne sommes pas sûrs que l’Iran veuille aller jusqu’au bout de sa démarche ». Selon l’auteur de Spies against Armageddon (sorti aux ÉtatsUnis début septembre), l’Iran souhaite probablement devenir une puissance « de seuil », capable de

deviendrait inefficace. C’est la raison pour laquelle, depuis le printemps, les autorités israéliennes ont tenté de forcer le bras de leurs alliés américains et européens pour leur demander de renforcer leur pression sur Téhéran, voire de « tracer des lignes rouges », une sorte d’ultimatum afin de raccourcir le calendrier d’une éventuelle frappe si l’Iran refusait de plier. Or les Américains ont refusé ce qu’ils ont perçu comme « un diktat ». D’autant plus brutalement que les services de renseignement

« La guerre doit rester le dernier

bâtir la bombe très vite grâce à une technologie testée, mais sans la posséder physiquement dans son arsenal. Toute la question est donc de savoir si les grandes puissances et Israël sont capables de vivre avec cette hypothèse ou s’il faut bombarder l’Iran au plus tôt, quitte à ce que la République islamique en profite pour sortir du TNP (Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires), ce qui lui laisserait une porte ouverte pour redémarrer son programme nucléaire de façon encore plus opaque.

3 questions à

ressort une fois que tous les autres ont été épuisés »

Comment vous situez-vous dans ce débat incessant en Israël sur la nécessité de frapper l’Iran, seuls ou avec les Américains, et maintenant plutôt qu’après la présidentielle américaine ?

Dans ce pays, nous sommes toujours au bord d’une guerre, dans la guerre ou juste après. Ce n’est pas très enviable mais c’est notre condition existentielle. La question du nucléaire s’est posée dans la région lorsque nous-mêmes avons accédé, sans le reconnaître officiellement, au statut de puissance nucléaire. Mais qui pouvait imaginer que nous nous en étions dotés pour l’utiliser ? À moins d’être au bord de la fin du monde. Depuis cette époque, beaucoup ont compris et accepté de ne pas chercher à acquérir la bombe. C’est le cas de la Turquie ou de l’Arabie saoudite. L’Iran a cassé cette règle du jeu. Le régime iranien se bat pour obtenir une hégémonie régionale. Cela ne signifie pas que cette hégémonie passe par la destruction de l’État d’Israël. D’autant qu’il ne disposera de cette bombe qu’au plus tôt dans six mois et sinon plutôt deux ans, voire six ans. Sauf que nous le

vivons comme un danger. Je ne pense pas qu’il faille répondre à ce danger tout de suite et certainement pas seuls. Il nous faut l’indispensable appui des ÉtatsUnis, la neutralité bienveillante des Européens. En attendant, il est clair qu’il faut se préparer à cette échéance. Nos moyens ne sont pas suffisants pour mettre un terme au programme nucléaire iranien. Mais je crois que le prix exorbitant que l’Iran aura à payer ne vaut pas la peine. C’est pourquoi je crois qu’il faut continuer de jouer sur les sanctions même si elles ne sont pas efficaces à 100 %. Car la guerre doit rester le dernier ressort une fois que tous les autres ont été épuisés. Comment comprendre que cette question ne fait pas consensus en Israël alors que votre Premier ministre parle d’une action à mener dans les semaines qui viennent ?

La presse israélienne est remplie de pétitions et d’articles qui se prononcent contre une attaque sur l’Iran. L’establishment militaire est contre, et ce, depuis longtemps. Or malgré cette pression de l’opinion

et de son propre entourage, Benyamin Netanyahu n’a pas bougé. Je crois qu’il vient en fait de commettre une énorme erreur. Un homme d’État ne peut pas demander à un autre de se lier les mains. On ne pose pas ses conditions à son allié, surtout lorsqu’on en est si dépendant. Or Netanyahu s’est mis dans la tête d’influencer l’élection présidentielle américaine en soutenant clairement Mitt Romney, son ami personnel. Comme lui, il est néolibéral, néoconservateur et c’est un cold warrior, quelqu’un qui fonctionne encore avec une mentalité et des réflexes qui datent de la guerre froide. L’arrogance de Netanyahu est inexplicable. Car nous ne sommes pas une puissance mondiale et, de ce fait, on ne peut pas dicter aux États-Unis leur politique. Mon intuition est que Netanyahu essaie d’obtenir l’assurance que l’Amérique nous suivra immédiatement après notre attaque contre l’Iran. Mais c’est une démarche idiote, car même si Romney est élu rien ne dit qu’il mènera une politique étrangère très différente de celle pratiquée par Barack Obama.

MENAHEM KAHANA/AFP

Zeev Sternhell, 77 ans, historien du fascisme, est professeur de science politique à l’Université hébraïque de Jérusalem. Il a reçu, en 2008, le prix Israël pour l’ensemble de ses travaux en sciences sociales. Il est également cofondateur du mouvement La paix maintenant.

ZEEV STERNHELL PROFESSEUR DE SCIENCE POLITIQUE À L’UNIVERSITÉ HÉBRAÏQUE DE JÉRUSALEM

Iriez-vous jusqu’à dire que tous les acteurs de cette crise ont des objectifs personnels dans cette période qui s’ouvre ?

Notre travail, à nous les intellectuels, c’est de faire de la prévention. Car après on sait qu’il sera trop tard. Dans quels lendemains nous réveillerons-nous ? N’y a-t-il

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vraiment rien de plus urgent ? La question palestinienne n’est-elle pas la plus importante sur le long terme ? Tout ce qui permet à Netanyahu, avec l’Iran, de faire oublier l’occupation des territoires palestiniens est une bonne chose pour lui. Mais pour nous ?

Propos recueillis par F.C.


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Pratiques

L’Agence nationale de l’habitat : une source de financement pour les communes L’effort en matière de logement social ne cache pas le manque de cohérence dont souffre la politique du logement, toujours marquée par le désengagement de l’État. L’Agence nationale de l’habitat (Anah) finance les propriétaires et octroie des subventions parfois méconnues au profit des communes afin de lutter contre l’insalubrité.

L’insalubrité, motif d’une aide à destination des communes La notion d’insalubrité intervient lorsque le logement ou ses conditions d’occupation sont dangereux pour la santé et la sécurité des personnes. Elle est déclarée par un professionnel. C’est la loi de mobilisation pour le logement et la lutte

MICHAÎL MOHR/AFP

S

contre l’exclusion du 25 mars 2009 qui a initié un volet décisif dans le combat contre le risque saturnin ou la dégradation de l’habitat. Environ 500 000 logements sont estimés insalubres dans le parc privé. Mais la subvention n’est jamais un droit acquis. La décision est prise au niveau local par la délégation de l’Anah (le préfet de département), dont les bureaux sont ouverts au public à la Direction départementale des territoires (DDT). Le logement doit être achevé depuis au moins quinze ans à la date où la décision d’accorder la subvention est prise. Les travaux sont supérieurs à un montant minimum de 1 500 euros et doivent être réalisés par des professionnels du bâtiment. Dans les programmes contre la précarité énergétique et pour la mise aux normes thermiques comme « Habiter mieux », l’Anah rassemble simplement des collaborations institutionnelles : les collectivités versent dans un pot commun pour rénover des logements afin d’aider

les ménages propriétaires. Dans le département de l’Hérault, par exemple, plus d’une centaine de communes ont bénéficié d’une aide de l’Anah.

L’action territoriale pour accompagner les politiques de l’habitat En plus du domaine particulier de l’insalubrité, l’Anah procure aux décideurs locaux des moyens financiers pour engager des politiques locales. En 1991, l’agence s’était déjà mobilisée concernant le parc locatif national, en conformité avec la loi d’orientation pour la ville qui introduisit des Opérations programmées d’amélioration de l’habitat (Opah). Par le mécanisme de la délégation de compétence, l’Anah soutient les plans locaux et départementaux d’habitat ainsi que la conduite de projets dans les dispo sitifs programmés. Ceux-ci constituent le principal outil d’intervention publique pour planifier et quadriller l’aménagement des

territoires selon des critères de qualité sociale. L’année passée, 220 026 674 euros ont été alloués sur 709 opérations incluant 41 393 logements dans le cadre des programmes locaux des collectivités. À l’échelle des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), l’Anah contribue ainsi à financer le Programme local de l’habitat qui fixe, pour six ans, les principes et objectifs sur le territoire de la collectivité pour répondre aux besoins en logements. À l’échelle des départements, les conseils généraux sont concernés par le Plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées. Chaque département doit en être doté, de même que d’un Plan départemental de l’habitat pour lesquels une contribution

par Richard Kitaeff, Professeur à Sciences-Po Paris

technique ou financière de l’Anah est toujours possible. L’Anah accompagne aussi les collectivités à travers les diagnostics territoriaux qui focalisent les différents savoirs institutionnels et techniques pour produire des documents de référence utiles pour dimensionner au plus juste les politiques des élus. Signalons enfin les conventions de délégation de compétence (État-collectivité) qui, pour une durée de six ans, précise la répartition entre les crédits consacrés au logement social et ceux affectés à l’habitat privé. Il résulte de cette double problématisation du logement – la connaissance technique et l’appui par subventionnement – que l’Anah est aujourd’hui le partenaire primordial des élus locaux en matière d’habitat.

Bulletin d’abonnement 1 an (42 numéros*) pour 72 ¤ au lieu de 90,30 ¤ 2 ans (84 numéros*) pour 126 ¤ au lieu de 180,60 ¤ Tarif étudiant : 54 ¤ pour 42 numéros* Offre valable en France métropolitaine jusqu’au 31/12/2012

J OUI je m’abonne pour 42 numéros à l’Hémicycle, au tarif exceptionnel de 72 ¤ TTC au lieu de 90,30 ¤ TTC.

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J OUI je m’abonne pour 42 numéros et je souhaite bénéficier du tarif « Étudiant » à 54 ¤ TTC. Je joins une photocopie de ma carte d’étudiant de l’année en cours. J Je vous joins mon règlement par chèque à l’ordre de l’Hémicycle. J Je souhaite recevoir une facture acquittée. J Je préfère régler par mandat administratif. Nom Prénom Société

Comment obtenir une aide de l’Anah ? L’Anah bénéficie d’un service de téléconseillers permettant de trouver le bon interlocuteur (Indigo : 0 820 15 15 15), soit la délégation locale, soit les services de la collectivité locale délégataire de compétence, soit l’animateur de votre Opah. Il existe des organismes spécialisés pour aider à constituer le dossier de demande d’aide.

G Le contenu du dossier doit com-

porter les imprimés de demande d’aide, la preuve de la propriété du logement, le dossier technique et l’avis d’imposition pour les propriétaires occupants. G Le service instructeur calcule le montant de l’aide qui peut vous être délivré, et donne une réponse dans les quatre mois suivant le

dépôt. La décision d’attribution sera prise par le préfet de département ou le président de la collectivité délégataire. G L’aide pour les communes ou le soutien à des programmes locaux intervient sur dossier puis sur la base d’une concertation conventionnelle entre les différents partenaires institutionnels.

Fonction Adresse Code postal

Ville

Tél. (facultatif)

Fax

e-mail

Date et signature Bulletin d’abonnement à retourner sous enveloppe affranchie à l’Hémicycle, 55, rue de Grenelle, 75007 Paris courriel : abonnement@lhemicycle.com Conformément à la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification pour toute information vous concernant.

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* Soit environ un an, en fonction du calendrier parlementaire.

uivant les termes de la loi de 1971, l’Anah a pour mission de mettre en œuvre la politique nationale de développement et d’amélioration du parc de logements privés existant. Son statut d’établissement public à caractère administratif est régi par le code de la construction et de l’habitation. L’agence lutte, entre autres, pour la rénovation thermique des logements, l’adaptation et l’accessibilité notamment liées à la perte d’autonomie des personnes, le développement d’une offre de logements à loyers et charges maîtrisés. Elle participe aussi à l’humanisation des centres d’hébergement, aux côtés d’associations luttant contre l’habitat indigne, dans le but de mettre aux normes ou de transformer des structures en subventionnant les hôtels sociaux, les maîtres d’ouvrage propriétaires et les projets d’amélioration d’accueil de jour. Plus de 388 millions d’euros de subventions ont été distribués par l’Anah et 72 958 logements ont pu être traités en 2011. La majorité des « récipiendaires » sont des particuliers propriétaires. La somme dédiée aux communes est assez résiduelle puisqu’il s’agit de 927 825 euros pour 116 logements aidés au titre de la lutte contre l’habitat indigne et très dégradé.

Les fiches thématiques de l’Hémicycle


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Culture

Arts de l’Islam au Louvre : raffinement, diversité, complexité Le Louvre dévoile les trésors de sa collection des arts de l’Islam dans les nouveaux espaces prestigieux pensés pour elle. Avec la volonté de montrer la richesse et la diversité des créations artistiques des terres de l’Islam.

«

l s’agit de présenter la face lumineuse de cette civilisation qui engloba en son sein une humanité infiniment variée et riche », explique le président-directeur du musée, Henri Loyrette, dans la préface du catalogue coédité par les éditions Hazan. « Nous avons souhaité mettre en avant une approche large et inclusive qui rassemble des mondes très divers (andalou, mamelouk, ottoman, persan) », ajoute M. Loyrette, qui a voulu sortir les arts de l’Islam de leur « marginalisation » dès son arrivée au Louvre, en 2001. Le nouveau département des arts de l’Islam du musée a été inauguré par le président François Hollande le 18 septembre, alors qu’un film anti-islam réalisé aux États-Unis provoque une vague d’indignation et de violences antiaméricaines dans le monde musulman.

I

« Mosaïque » Pour le Louvre, « il s’agit de montrer l’Islam, avec un grand I. En langue française, cela désigne la civilisation. Le propos n’est pas de se centrer exclusivement sur l’islam avec un petit i, qui désigne la sphère religieuse », indique Sophie Makariou, directrice du département des arts de l’Islam.

« Le mot Islam, il faut l’assumer, lui redonner sa grandeur, il faut le porter, il ne faut pas le laisser aux djihadistes », martèle depuis des mois Mme Makariou. Sur les 18000 pièces de la collection du Louvre, enrichie de dépôts des Arts décoratifs, Mme Makariou a choisi d’en présenter 3 000 qui embrassent douze siècles – du VIIe au XVIIIe – et concernent une zone géographique immense, de l’Espagne à l’Inde du Nord. « L’art islamique, ce n’est pas seulement l’art des communautés musulmanes. C’est l’art de tous ceux qui ont fait le monde islamique et là-dedans, il y avait des chrétiens et des juifs », déclare-t-elle dans un entretien à l’AFP. Sophie Makariou a voulu faire un sort à une vision trop simpliste de cette civilisation. Elle a glissé quelques représentations humaines et une coupe à vin en jade, l’alcool étant toléré par le soufisme. C’est un monde « complexe », fait de « mosaïques religieuses y compris au sein de l’islam, de mosaïques linguistiques, de mosaïques ethniques », souligne-t-elle. Un monde qui ne vit pas en autarcie. Une des pièces phares de la collection, le Baptistère de Saint Louis, qui a servi à baptiser Louis XIII, est

un bassin mamelouk en cuivre incrusté d’or et d’argent, réalisé au XIVe siècle en Égypte ou en Syrie. Cette pièce majeure a été versée dans la collection du musée dès 1793, en même temps que l’Aiguière du trésor de Saint-Denis, un vase de cristal de roche taillé et sculpté

en Égypte vers 1100. Il provient de la cour des califes fatimides. La collection des arts de l’Islam du Louvre est ancienne et a connu des hauts et des bas, des moments d’enthousiasme (fin XIXe, début XXe notamment) et des périodes nettement plus ternes (au moment de la

décolonisation et dans les années 1970). En 1993, la collection obtient 800 m2, dans le cadre du Grand Louvre. En 2003, elle devient un département à part entière dans le musée. Avec ses nouveaux espaces, elle triple ses surfaces d’exposition.

Pierre-Henry Drange

Pyxide au nom d’al-Mughîra, boîte en ivoire sculpté, Espagne, Cordoue, 968, 17,6 cm. PHOTO KENZO TRIBOUILLARD/AFP

Le musée des Beaux-Arts de Lyon en appelle au public pour acquérir un tableau d’Ingres e musée des Beaux-Arts de Lyon a lancé jusqu’au 15 décembre prochain une souscription auprès du public pour acquérir une œuvre d’Ingres, L’Arétin et l’envoyé de Charles Quint, qui attend 80 000 euros afin de compléter les dons des collectivités et des entreprises. « Nous avons eu des sollicitations de particuliers en ce sens », a expliqué une porte-parole du musée. Les dons sont possibles à partir de 1 euro, directement au musée ou sur Internet à l’adresse suivante :

L

Jean Auguste Dominique Ingres, L’Arétin et l’envoyé de Charles Quint (détail), 1848. PHOTO DR

www.donnerpouringres.fr – et ils donnent droit à une déduction fiscale de 66 %. Le musée du Louvre à Paris avait été pionnier, fin 2010, en matière de mécénat individuel, en réunissant auprès du public le million d’euros qui lui manquait pour acquérir Les Trois Grâces de Lucas Cranach l’Ancien. L’Arétin et l’envoyé de Charles Quint, œuvre peinte par Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867) en 1848 et qui se trouve actuellement dans une galerie parisienne, est en

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vente au prix de 750 000 euros. Quelque 670 000 euros seront apportés notamment par la Ville de Lyon, des entreprises et le ministère de la Culture. Chaque donateur aura son nom dans la salle auprès de l’œuvre exposée. Pour tout don à partir de 150 euros, les mécènes bénéficieront d’un accès privilégié un mardi, jour de fermeture du musée. Et à partir de 300 euros, ils seront conviés à une soirée privée au musée en présence du directeur et des conservateurs. P.-H.D.


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Politics online

Passes d’armes sur les débats sociétaux Les premières informations sur le projet de loi concernant l’ouverture du mariage aux couples de même sexe et la tribune de 77 députés en faveur du droit de vote des étrangers raniment le clivage droite-gauche sur ces débats de société. Un aperçu au travers des différentes tribunes sur le Net.

À

Nombreux pensent en effet que cette évolution sociale va mettre à bas un édifice social déjà fragilisé par la crise actuelle. « Ce projet est dangereux pour notre société. Sous prétexte d’égalité, il sape en effet les fondements de notre société que sont le mariage et la famille. » > Guillaume Chevrollier, député de la Mayenne (http://guillaumechevrollier.over-blog.com)

À gauche, les politiques observent et évaluent les forces en présence. Christophe Girard, élu parisien, suit de près les prises de position des prélats français. « Mariage pour tous et ses conséquences : je préfère les propos ouverts de Mgr Daucourt archevêque de Nanterre à ceux étranges de Mgr Barbarin ! » > Christophe Girard, maire du 4e arrondissement de Paris (@cgirard)

La gauche s’attend à un débat public difficile. La rudesse de langage qu’a connue l’hémicycle lors de l’examen de la loi instituant le Pacs est visiblement restée dans les mémoires. Ainsi, Roger Madec prévient : « Je crains que nous n’ayons à affronter, au cours du débat public

par Manuel Singeot

la démarche de vouloir lier son destin à la France en demandant la nationalité française, en acceptant ses droits et ses devoirs et en entamant une procédure de naturalisation. C’est un principe non négociable. »

droite, les premières hésitations des politiques à propos du « mariage gay » font place progressivement à une opposition plus déterminée. François Fillon a pris position sur le sujet, relayant sur Twitter ses propos de dimanche soir sur RTL. « Vouloir faire voler en éclats l’institution millénaire du mariage me paraît extrêmement imprudent. Je réclame le principe de précaution. » > François Fillon, député de Paris (@francoisFillon)

Chaque semaine, le tour des blogs des élus

> Jean-Pierre Barbier, député de l’Isère (http://www.jeanpierrebarbier.fr)

À droite, l’identité nationale refait surface avec la question du droit de vote des étrangers. PHOTO CITIZENSIDE.COM/AFP

qui s’ouvre, d’autres caricatures, d’autres insultes et d’autres anathèmes du même niveau. Une telle réforme de société, si majeure, si attendue, mérite mieux que le caniveau dans lequel certains tenteront de l’entraîner. Il est regrettable que ceux-là s’y complaisent. » > Roger Madec, sénateur de Paris (http://www.rogermadec.fr/)

Mais le sujet de buzz chez les politiques en ligne cette semaine est incontestablement la tribune de 77 députés socialistes appelant à la mise en place du droit de vote des étrangers aux élections locales. À gauche, il n’est plus question de tergiverser ou de reculer. Cet engagement date de 1981, il est temps. Sur Twitter, le ministre Alain Vidalies confirme son action pour atteindre la majorité qualifiée : « Nous travaillons chaque jour pour trouver, au-delà de la gauche, la majorité des 3/5e nécessaire au Congrès pour le droit de vote des étrangers » > Alain Vidalies, ministre délégué aux Relations avec le Parlement (@AVidalies)

Pendant ce temps, les parlementaires s’emploient à convaincre les

quelques hésitants et argumentent sur leurs blogs. « Il ne serait pas souhaitable d’inscrire cette réforme à l’ordre du jour dans le contexte de “crispation” identitaire que connaîtrait notre pays. Cet argument n’est pas recevable, car il nous conduit à intérioriser à l’excès la pression que font peser sur le débat public les partis les plus extrêmes. » > Christophe Caresche, député de Paris (http://www.caresche.fr/)

En revanche, la tribune a fait grincer quelques dents. Il est vrai que ces derniers temps, la cacophonie est une maladie passée à gauche. « Bruno Le Roux a raison de rappeler que nous sommes 297 députés dans le groupe SRC (socialistes, radicaux et citoyens) et non 75 ! » > Sylviane Bulteau, députée de Vendée (http://www.facebook.com/sylvianebulteau)

Plus encore que sur le mariage, la droite est vent debout contre la réforme annoncée. Les expressions utilisées sur les blogs et dans les tweets sont très fortes : principe non négociable, cynisme, pacte républicain menacé, communau-

tarisme, les élus de droite n’ont pas l’intention de faire dans la dentelle. « Alors qu’il existe un lien indéfectible entre la nationalité et la citoyenneté depuis la Révolution française, les socialistes voudraient transformer la citoyenneté française en une citoyenneté en tranches. Loin de favoriser l’intégration ou l’assimilation des étrangers, c’est l’ensemble de notre pacte républicain qui serait mis en danger. » > Éric Ciotti, député des Alpes-Maritimes (http://www.eric-ciotti.fr)

« Pour moi, si l’on veut accéder au droit de vote, qui est la plus haute manifestation de l’appartenance à notre pays, il faut faire

« C’est du cynisme électoraliste. La gauche donne le droit de vote aux étrangers dès 2013 pour empêcher une vague bleue aux municipales en 2014. Favoriser le vote communautariste pour compenser la perte du vote populaire, c’est le calcul d’une gauche qui sacrifie l’intérêt général pour garder le pouvoir. » > Claude Goasguen, député de Paris (http://claudegoasguen.typepad.com)

Pourtant, les deux projets de lois qui vont porter ces réformes sociales sont encore à l’étude au sein du gouvernement. Aucun texte n’est finalisé et ne sera présenté avant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Ces premières passes d’armes traduisent-elles l’impatience grandissante sur le texte phare de cette fin d’année, la loi de finances pour 2013, ou augurent-elles de débats musclés lorsque le gouvernement dévoilera ses projets ?

Le tweet de la semaine

«

DROIT DE VOTE AUX ÉTRANGERS ET SALAFISTES DANS LES CONSEILS MUNICIPAUX : NON. #LAÏCITÉ

»

> Jean-Sébastien Vialatte, député UMP du Var (@JS_Vialatte)

Le député du Var résume en un tweet les peurs de la société française à propos de l’immigration. Tous salafistes ?

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 12 582 ¤. RCS : Paris 443 984 117. 55, rue de Grenelle - 75007 Paris. Tél. 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle GÉRANT-DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Bruno Pelletier (brunopelletier@lhemicycle.com) RÉDACTEUR EN CHEF Joël Genard (joelgenard@lhemicycle.com) ÉDITORIALISTES/POINT DE VUE François Clemenceau, Thierry Guerrier, Bruno Jeudy, Gérard Leclerc, Fabrice Le Quintrec, Éric Maulin AGORA Thomas Renou DOSSIERS Tatiana Kalouguine, Elsa Nathan INTERNATIONAL Philippe Dessaint, Patrick Simonin L’ADMIROIR Éric Fottorino COLLABORENT À L’HÉMICYCLE Ludovic Bellanger, Jean-Louis Caffier, Florence Cohen, Antoine Colonna, Axel de Tarlé, Pierre-Henry Drange, Anita Hausser, Richard Kitaeff, Manuel Singeot, Guillaume Tabard, Brice Teinturier, Philippe Tesson, Pascale Tournier CORRECTION Aurélie Carrier MAQUETTE David Dumand PARTENARIATS Violaine Parturier (violaineparturier@lhemicycle.com - Tél. : 01 45 49 96 09/06 74 25 28 81) IMPRESSION Roto Presse Numéris, 36-40, boulevard Robert-Schumann, 93190 Livry-Gargan. Tél. : 01 49 36 26 70. Fax : 01 49 36 26 89 ACTIONNAIRE PRINCIPAL Agora SASU Parution chaque mercredi ABONNEMENTS abonnement@lhemicycle.com COMMISSION PARITAIRE 0413C79258 ISSN 1620-6479 Dépôt légal à parution

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L’admiroir

NKM dans la lignée de Simone Weil Par Éric Fottorino

Nathalie Kosciusko-Morizet a renoncé à briguer la présidence de l’UMP, faute des parrainages requis. Elle demeure combative. La philosophie de Simone Weil l’inspire au quotidien et lui permet de tenir des positions qu’elle qualifie d’« authentiques ». ien sûr, elle regrette. Nathalie Kosciusko-Morizet se voyait bien en « troisième homme » (ce n’est pas son expression) – ou plutôt en première femme, dans la course à la présidence de l’UMP. « Il était bon d’avoir trois candidats, dit-elle dans ce café proche de l’Assemblée nationale où elle nous a conviés. Cela aurait évité le duel, l’hyperpersonnalisation et l’agressivité. Nous nous serions garantis contre un mauvais taux de participation. Cela aurait donné une élection démocratique, ouverte. » Le processus de désignation lui paraît si archaïque… « Pourquoi attendre 2015 pour le changer ? » se demandet-elle à haute voix tout en connaissant la réponse. La politique à ce niveau reste une affaire d’hommes « qui se cooptent entre hommes ».

« Une expérience passionnante » Mais NKM est combative plus qu’abattue. L’ex-porte-parole de Nicolas Sarkozy a connu et reçu tous les « coups durs » que réserve une campagne présidentielle. D’avoir été « au cœur du réacteur » (c’est son expression) a été « une expérience passionnante, irremplaçable », dans un contexte qu’elle qualifie de « dramatique », plein de tensions, de diabolisation de l’ancien Président, où « du jour au lendemain le monde des médias a changé du tout au tout » à son égard. « On me trouvait sympathique et soudain j’étais honnie. » Si elle a mis un point d’honneur à ne pas jouer une carte personnelle, à tenir des positions « authentiques », elle a mesuré la violence de cette compétition au sommet. C’est pourquoi l’ancienne ministre de l’Écologie ne se reconnaît pas de modèle dans un monde politique façonné par les hommes entre eux. « Pour les femmes, la question ne se pose pas en ces termes. Leur parcours est personnel alors que le système cooptatif des hommes les pousse à l’imitation ou à la construction contre quelqu’un. » Elle donne l’exemple très actuel de Nicolas Sarkozy qui, dans sa famille politique, est pour certains une référence, pour d’autres un repoussoir dont il faut se

RÉMY GABALDA/AFP

B

démarquer. « On choisit une voie ou une rupture avec cette voie. » Pour NKM, la règle est infaillible : « Jamais un homme politique ne prend pour modèle une femme. Le modèle d’une femme politique doit-il être un homme ? Si c’est une femme, un problème surgit : les figures féminines sont la plupart du temps tragiques. » Elle cite Jeanne d’Arc, Marie Stuart, Catherine de Russie. « Nous sommes vite dans la violence, regrette Nathalie KosciuskoMorizet. L’histoire a fait un tri dramatique. Il reste peu de place pour un modèle positif ou apaisé. »

Sa « rencontre » Dans ce contexte, le nom qui vient à l’esprit de la maire de Longjumeau est celui de la philosophe Simone Weil. « Pour son expérience totale, son honnêteté intellectuelle. Elle va très loin dans ses parcours, même si c’est pour découvrir qu’ils étaient des impasses. Elle va au bout de sa démarche marxiste, ouvriériste, spiritualiste, jusqu’à l’épuisement. » Simone Weil mourra à 34 ans de faiblesse autant que de sa tuberculose, après avoir travaillé en usine, malgré sa santé chancelante, pour mesurer l’aliénation du travail posté. Sa « rencontre » avec la philosophe

fut fortuite. Un jour de son adolescence, dans un train de banlieue, un homme quittant la rame lui cria : « Lisez La Pesanteur et la Grâce, ce livre vous ressemble ! » Rentrée chez elle, la jeune femme découvrit l’ouvrage… sur la table de nuit de sa mère. « J’y ai trouvé de l’intérêt, mais je n’ai pas été saisie. » Le choc viendra avec un autre écrit de celle que ses détracteurs appelaient la Vierge rouge. Son titre : L’Enracinement. Dans ce texte rédigé peu avant sa mort, Simone Weil voit dans la course à l’argent (« qui détruit les racines partout où il pénètre ») et dans la faillite de l’éducation les raisons d’un profond déracinement de la France. Déracinement qui, selon elle, mènera à la défaite de 1940 et à l’impuissance face au nazisme. Plus précisément, Simone Weil estimera que cette maladie morale de la France, coupée des valeurs universelles, fera le lit du totalitarisme allemand, ses symptômes étant l’irresponsabilité et l’idolâtrie. « Il me paraît impossible d’imaginer pour l’Europe une renaissance qui ne tienne pas compte des exigences que Simone Weil a définies dans L’Enracinement », écrira Camus. Cette approche « parle » à Nathalie Kosciusko-Morizet : « La

réflexion de Simone Weil est très éclairante aujourd’hui, explique-t-elle. Elle défend l’idée que l’homme n’est pas un fétu de paille. Il doit plonger ses racines quelque part. Dans sa famille, dans un métier, dans une passion comme la musique. Elle parlait des paysans frappés par l’exode rural et ballottés dans les villes. De nos jours, on a multiplié les déracinements. »

« Rendre visible une identité » À Longjumeau, NKM cherche à mettre en œuvre une politique « qui donne une identité à la ville ». Combien d’habitants s’installent là car les prix de l’immobilier sont plus abordables que dans la Petite Couronne ? « Ils ignorent tout de l’église du XIIIe siècle, du théâtre Adolphe-Adam, du Postillon de Longjumeau, qui renvoie à l’histoire du relais de Poste. » Elle pense à Simone Weil quand elle s’efforce de « rendre visible une identité » pour sa ville et ses habitants. Elle est convaincue de faire « œuvre utile » en leur donnant le sentiment « d’être de quelque part ». Un souci qui passe par des initiatives parfois inattendues. Comme la volonté qu’elle déploya pour que Longjumeau soit la ville-départ du Tour de France 2010. « C’était une

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démarche de promotion interne. Je voulais qu’on puisse lire partout, y compris à l’étranger, le nom de Longjumeau. Que les habitants reçoivent ce message. » L’ancienne ministre a aussi donné quelques signes symboliques de développement durable avec la création d’un verger pédagogique bio et de plusieurs ruches. À chaque naissance, à chaque mariage, elle offre un pot de miel de Longjumeau. Une façon d’enraciner en douceur ceux qui naissent, essaiment et s’aiment dans cette cité voisine de la capitale. « Plus la mondialisation s’impose, estime-t-elle, plus il faut préserver le sens des terroirs, d’une identité forte. » C’est le credo de cette jeune femme au tempérament d’artiste qui confie avoir un temps pratiqué la peinture et la sculpture, « exclusivement des visages ». Grande lectrice de biographies, elle se dit « fascinée par la vie des personnages ». Elle affectionne surtout les vies romancées – par Stefan Zweig en particulier –, quand l’auteur laisse son sujet en liberté, sans le capturer ou le détourner à son profit, sans l’enfermer dans une pensée. C’est dans cet esprit qu’elle fait vibrer en elle l’héritage vivant et vibrant de Simone Weil.


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