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THOMAS SAMSON/AFP

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Bruno Le Roux P. 2

Guy Carcassonne P. 3

Égypte : le bouclier du Frère Morsi Trois ans après l’assassinat du président Sadate par des soldats islamistes, Gilles Kepel avait fait découvrir François Clemenceau au grand public la réalité du partage du pouvoir en Égypte dans un livre éclairant intitulé Le Prophète et Pharaon. Il y racontait l’essor du mouvement islamiste en Égypte depuis la création des Frères musulmans, en 1928. Pour lui, Sadate avait inauguré une ère de répartition des rôles entre l’armée et les islamistes : aux militaires le pouvoir politique et la mainmise sur l’économie, aux Frères la rue et l’islamisation de la société, à condition que l’État, sa sécurité, sa diplomatie et ses réseaux ne soient pas menacés. La semaine dernière, dans une interview, Gilles Kepel qualifiait Mohamed Morsi de « roi Soliveau », à l’image du monarque sans autorité de la fable de La Fontaine « Les Grenouilles qui demandent un roi ». Inspiré d’Ésope, le texte se conclut ainsi : « De celui-ci contentez-vous, De peur d’en rencontrer un pire. » On croirait entendre le maréchal Tantaoui. Le patron du Conseil suprême des forces armées (CSFA) a choisi de prolonger ce pouvoir bicéphale au sommet de l’État. En obtenant de la plus haute institution judiciaire l’invalidation du Parlement à majorité islamiste, en limitant les prérogatives du nouveau chef de l’exécutif, en gardant un droit de veto sur toute décision présidentielle jusqu’aux nouvelles élections parlementaires (si tant est qu’elles se tiennent dans un délai raisonnable), le CSFA divise une nouvelle fois le pouvoir « en se tenant au côté du Président ». Comme ce fut le cas pendant des années en Turquie avec des généraux plaçant les gouvernements démocratiques sous surveillance. Comme en Algérie, où pas un Président, de Chadli à Bouteflika, n’a pu diriger le pays dans la durée, sans pactiser avec des hiérarques en uniforme se sentant dépositaires de la survie d’un régime et de leurs comptes en banque. Mohamed Morsi a donc pris soin de prêter serment devant le peuple de Tahrir avant de le faire à nouveau devant les juges. Acte purement symbolique pour montrer qui l’a fait roi. Plus tard, il a participé à la cérémonie de transfert du pouvoir sur une base militaire qui servit si longtemps de décor aux procès des tribunaux kaki contre les islamistes. Geste tout aussi symbolique des hauts gradés pour rappeler au Frère Morsi quel est le rapport de force. On lui a remis la décoration du « Bouclier des forces armées ». Sans qu’il sache s’il sera le bouclier des militaires pour les protéger de la colère du peuple, ou si les généraux feront rempart devant lui pour que l’expérience de la démocratie en Égypte puisse continuer à balbutier.

GÉRARD JULIEN/AFP

Édito

Les obsèques d’Olivier Ferrand auront lieu ce mercredi à 14h30 en l’église Saint-Sulpice à Paris avant son inhumation au cimetière du Montparnasse. Fondateur du think tank Terra Nova, cet agitateur d’idées avait été élu pour la première fois député dans la 8e circonscription des Bouches-du-Rhône. Il fut le promoteur de la procédure des primaires au sein du PS.

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Rédacteur en chef : Joël Genard

La rigueur s’impose La situation des finances publiques laisse désormais peu de marge de manœuvre. L’effort exigé pourrait atteindre les 33 milliards d’euros l’an prochain. ÉRIC PIERMONT/AFP

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Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier

Le ministre de l’Économie et des Finances, Pierre Moscovici, accuse la droite de n’avoir « rien foutu » pour réduire les déficits en 2012.

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riée par le gouvernement Ayrault de fournir un audit détaillé de l’état des finances publiques, la Cour des comptes a lancé lundi un sérieux avertissement pour l’année 2013. Et dans l’immédiat, il faudra dénicher 7 à 10 milliards d’euros (recettes fiscales nouvelles et économies supplémentaires sur la dépense publique) pour espérer respecter l’engagement pris par la France à l’égard de ses partenaires européens de ramener son déficit à 4,5 % du produit intérieur brut (PIB) contre 5,2 % en 2011. Le gouvernement va donc devoir

ajuster les curseurs d’un collectif budgétaire attendu ce mercredi en Conseil des ministres pour corriger la loi de finances 2012. Mais comment imprimer la marque de la nouvelle majorité sur un budget concocté par le gouvernement Fillon et faire face à une situation économique qui ne cesse de se dégrader ? Avant la présidentielle, la précédente majorité avait assuré à plusieurs reprises qu’un nouveau plan d’austérité ne serait pas nécessaire cette année. Mais la rigueur se profile désormais à grands pas. Le ministre de l’Économie et des Finances, Pierre Moscovici, a pris les de-

Dossier

Les zones d’ombre d’un projet pétrolier La France est-elle préparée face aux défis qui l’attendent en cas de découverte d’un « mégagisement » pétrolier en Guyane ? Les élus ne cachent pas leurs doutes, après le couac gouvernemental autour de la décision d’autoriser les premiers forages exploratoires. > Lire l’enquête de Tatiana Kalouguine en p. 6 et 7 Au sommaire • Le harcèlement sexuel n’est ni de droite ni de gauche par Pascale Tournier > p. 4 • Le Conseil européen, l’Allemagne et le fédéralisme par Éric Maulin > p. 4 • Maîtriser l’incendie des finances locales par Florence Cohen > p. 5

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vants en annonçant dimanche que le gouvernement s’apprêtait à abaisser ses prévisions de croissance à 0,4 %, au mieux, pour 2012, soit mécaniquement une perte de recettes de 3 milliards d’euros pour les caisses publiques qu’il faudra bien combler ! Pire l’an prochain, dans l’hypothèse médiane d’une croissance économique de 1 %, l’effort exigé pour ramener comme prévu les déficits publics à 3 % du PIB atteindrait 33 milliards d’euros. De la maîtrise des finances publiques dépendra le retour à l’équilibre promis par le président François Hollande pour 2017. Joël Genard


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BRUNO LE ROUX DÉPUTÉ DE SEINE-SAINT-DENIS, PRÉSIDENT DU GROUPE SRC À L’ASSEMBLÉE NATIONALE

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Le mécontentement des députés écologistes a été assez incompréhensible au regard de l’offre de postes qui leur a été faite à l’Assemblée. L’hégémonie, c’est quand on ne propose rien »

Bruno Le Roux conteste les frictions entre le PS et ses alliés de gauche lors de l’installation de la majorité à l’Assemblée. Il estime que les postes proposés aux députés d’EELV étaient importants, et dément que le PS ait voulu empêcher la constitution d’un groupe Front de gauche. Vous êtes un proche du président de la République et du Premier ministre. Le groupe PS va-t-il pouvoir trouver son indépendance face au couple exécutif ?

Il ne s’agit pas de trouver une indépendance, mais de respecter la répartition des rôles établie par nos institutions. Je veillerai à ce que la majorité à l’Assemblée, que nous avons réclamée aux Français, puisse donner au Premier ministre la capacité de faire des réformes, et pour réussir, il faudra que le Parlement soit écouté. Le groupe PS sera-t-il un groupe de députés godillots ?

Mais c’est le contraire ! Pour réussir, il faudra que tout ce qui remonte de nos circonscriptions soit pris en compte. Il s’agit du lien avec nos citoyens, c’est exactement l’inverse d’une majorité aux ordres. La majorité que nous avons connue durant le quinquennat précédent avait inventé des mots comme la « coproduction législative », mais ils n’ont jamais su la mettre en œuvre. Je suis pour un Parlement qui permette la réussite des engagements du Président, c’est-à-dire en discutant, en amendant. Vous attendez-vous à des rapports difficiles avec vos alliés à gauche ?

Il ne faut pas oublier le principe de base, à l’Assemblée nationale : il faut prendre le temps nécessaire pour parvenir à trouver des accords. Ce n’est pas parce que nous disposons d’une majorité absolue que

nous pouvons nous passer d’un élargissement, nous souhaitons travailler avec toute la gauche. Il y a eu de nombreuses frictions avec ces alliés, notamment avec les écologistes, qui n’ont pas obtenu la présidence de la commission du développement durable. Une promesse non tenue ?

Rien ne leur a été promis. Ils souhaitaient effectivement la présidence de la commission du développement durable, nous leur avons proposé la présidence de la commission des affaires européennes, qui est extrêmement importante, mais aussi une viceprésidence de l’Assemblée et plusieurs vice-présidences de commissions permanentes… Pourquoi ont-ils pointé alors la première « tentation hégémoniste » du PS ?

Le mécontentement des députés écologistes a été assez incompréhensible au regard de l’offre de postes qui leur a été faite à l’Assemblée. L’hégémonie, c’est quand on ne propose rien. Le ministre des Relations avec le Parlement, Alain Vidalies, n’a-t-il pas été maladroit de dénier aux écologistes la liberté de vote ?

Il a simplement dit que la solidarité des écologistes devait s’exprimer, à partir du moment où nous avons signé avec eux un accord politique, et que nous sommes ensemble au gouvernement. Si nous sommes unis, nous

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aurons plus de chances de réussir les réformes. Jean-Luc Mélenchon a soutenu que le PS avait tenté d’empêcher la constitution d’un groupe Front de gauche à l’Assemblée…

S’il est dans la réalité, il doit dire le contraire.

à la même combativité de la part des députés de l’opposition ?

un rétablissement de nos finances publiques.

Nous étions prêts dès l’été 2007 à combattre tous les mauvais textes de la droite. Nous proposerons cet été les textes liés aux engagements du président de la République, ils prendront en compte la situation difficile des finances de notre pays.

La loi sur l’interdiction du cumul des mandats, qui concerne une grande majorité des députés socialistes, va-t-elle être difficile à mettre en œuvre ?

«

CE N’EST PAS PARCE QUE NOUS DISPOSONS D’UNE MAJORITÉ ABSOLUE QUE NOUS POUVONS NOUS PASSER D’UN ÉLARGISSEMENT » Allez-vous profiter à l’Assemblée des outils anti-obstruction créés par la réforme de 2008, que vous trouviez si mauvais quand vous étiez dans l’opposition ?

Le règlement de l’Assemblée n’empêche pas d’avancer, de travailler. Les textes existent mais ne suffisent pas, il y a un esprit pour les faire fonctionner. Je souhaite que cet esprit soit celui d’un profond respect pour le travail qui sera fait par l’opposition, si toutefois ce travail ne se cantonne pas à l’obstruction. Dans le cas contraire, nous saurons prendre nos responsabilités. Le groupe PS avait été très combatif durant la précédente législature. Vous attendez-vous

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À l’opposition d’adopter la bonne stratégie. Ils sont pour le moment dans un débat interne, et je ne sais pas s’ils l’auront réglé dans les prochaines semaines… Christian Jacob nous disait que le collectif budgétaire était pour les socialistes le rendez-vous de la crédibilité…

Pendant cinq ans, ils ont systématiquement raté tous les « rendezvous de la crédibilité », jusqu’à mettre le pays dans une impasse extrêmement grave. Nous avons, de notre côté, le « rendez-vous du changement ». Malgré la situation difficile, nous allons montrer comment la justice peut être le moteur de ce changement, tout en tenant les engagements pour

Les députés socialistes en ont été avertis quand ils ont déposé leur candidature aux législatives, cet engagement leur a été rappelé lorsqu’ils ont validé le programme présidentiel. Cette réforme sur le cumul des mandats va arriver dans les prochains mois à l’Assemblée nationale, et elle sera mise en œuvre à l’occasion des prochaines élections locales. Il n’y a aucune surprise, et le groupe socialiste sera déterminé à mener à bien cette réforme. Le PS s’était engagé à appliquer le non-cumul pour ses élus dès la fin 2012…

La réforme s’appliquera lors du premier renouvellement, en 2014. Son application pourrait être plus précoce pour les socialistes. J’attendrai d’en discuter avec la première secrétaire, Martine Aubry, pour savoir comment elle voit les choses. Les députés PS ne seront donc pas obligés d’appliquer le non-cumul dès la fin de cette année ?

L’obligation est créée par la loi, et je souhaite que cette loi soit votée le plus vite possible.

Propos recueillis par Thomas Renou


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GUY CARCASSONNE PROFESSEUR DE DROIT PUBLIC À L’UNIVERSITÉ PARIS-OUEST NANTERRE LA DÉFENSE

«

Je considère qu’une réforme constitutionnelle n’acquiert sa vérité qu’après une alternance. La nouvelle majorité va découvrir que la réforme institutionnelle de 2008 lui apportera de nombreux avantages »

Le constitutionnaliste Guy Carcassonne trouve « sage » la décision de ne pas revenir sur la réforme institutionnelle de 2008. Il estime que c’est l’interdiction du cumul des mandats qui « changera tout » à l’Assemblée. Quel bilan tirez-vous des législatives ?

Le scrutin a montré que les Français souhaitaient ou acceptaient que le nouveau président de la République dispose à l’Assemblée de la majorité dont il avait besoin, cela s’est traduit dans l’hémicycle. Le Parti socialiste a obtenu une majorité solide…

Ce n’est pas la déferlante que nous avons connue en 1993, par exemple, mais c’est effectivement une majorité solide, qui permet aux socialistes de ne pas dépendre de ses alliés. Une telle majorité pourrait-elle gêner l’exécutif ?

Il ne faut jamais se plaindre d’être riche. Cela peut parfois poser des problèmes, mais des problèmes qu’un exécutif peut maîtriser en entretenant de bonnes relations avec sa majorité. Le PS n’a jamais disposé d’autant de leviers du pouvoir. Faut-il craindre un « État PS » ?

Je ne crois pas, ce n’est pas dans l’air du temps. Quand la droite connaissait une telle situation, personne ne s’en offusquait. Je ne vois pas de raison de s’en inquiéter davantage quand cette situation arrive au profit de la gauche. Que François Hollande dispose de plus de pouvoir que n’en ait jamais eu François Mitterrand, cela ne fait aucun doute. Qu’il en abuse, et il en serait instantanément pour ses frais.

Le ministre des Relations avec le Parlement, Alain Vidalies, indique ne pas souhaiter faire « table rase » de la réforme de 2008. Qu’en pensez-vous ?

Cela ne m’étonne pas du tout, et je trouve cette décision très sage. Je considère qu’une réforme constitutionnelle n’acquiert sa vérité qu’après une alternance. L’alternance s’est produite, et la nouvelle majorité va découvrir que la réforme de 2008 lui apportera de

ne pourra le faire qu’avec l’accord de la droite. François Hollande s’est engagé à créer une loi sur l’interdiction du cumul des mandats. Cela va-t-il permettre d’améliorer nettement le travail parlementaire ?

Cela fait des années que je milite personnellement en ce sens, car je suis convaincu que c’est l’interdiction du cumul des mandats qui changera tout. Mais il faudra alors

lucidité sur le problème, cela suffira à ce que cette question ne se pose plus. La procédure accélérée a été trop utilisée durant la dernière législature ?

Ce n’était pas le signe d’un activisme, mais d’un dysfonctionnement dans les relations entre le Parlement et le gouvernement. J’espère que l’on n’assistera plus à ce dysfonctionnement.

«

Le PS compte tout de même revenir sur le contrôle des nominations…

Il faudrait alors réviser la Constitution. C’est l’autre enseignement des législatives : cette majorité est forte, mais elle n’est pas suffisante pour permettre à la gauche de réviser seule la Constitution. Elle

que soient prises simultanément des dispositions pour assurer un minimum de présence hebdomadaire des députés à l’Assemblée. Si tel n’est pas le cas, cela risque de créer des effets pervers. Un député cessant d’être cumulard sera d’autant plus inquiet de perdre l’unique mandat qui lui reste. Il passerait alors son temps dans sa circonscription, sans jamais mettre les pieds à l’Assemblée… Alain Vidalies indique que l’ordre du jour ne sera plus « pollué » par des lois dites « émotionnelles »…

Si le gouvernement partage sa

François Hollande a-t-il raison de vouloir réintroduire une dose de proportionnelle pour l’élection des députés ?

C’est tout à fait souhaitable. Je rappelle qu’en 1992 le doyen Georges Vedel avait présidé deux commissions. L’une sur les institutions, et l’autre, oubliée de tous, portait sur les modes de scrutin. La commission Vedel était parvenue à cette idée d’un « suffrage majoritaire amendé » : l’élection de 10 % des députés au scrutin proportionnel, les autres continuant à être élus au scrutin majoritaire à deux tours. Il est temps,

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Cette modification oblige à un nouveau redécoupage…

Oui, car la Constitution fixe le nombre maximum de députés à 577. Il faut donc réaliser un nouveau redécoupage, mais ce n’est pas un obstacle terrible. Qu’est-ce que l’expression « présidence normale » vous inspire ?

LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE : C’ÉTAIT LE SIGNE DURANT LA DERNIÈRE LÉGISLATURE D’UN DYSFONCTIONNEMENT DANS LES RELATIONS ENTRE LE PARLEMENT ET LE GOUVERNEMENT »

nombreux avantages. Non seulement elle ne sera pas remise en cause, mais je ne serais pas surpris de découvrir que les socialistes se mordent les doigts d’avoir refusé l’introduction au Sénat des dispositifs anti-obstruction qui existent désormais à l’Assemblée.

vingt ans plus tard, que cette idée soit mise en œuvre. Il va aujourd’hui de soi que le Front national, le Front de gauche, l’extrême gauche ou les centristes doivent être représentés au Parlement.

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De la perplexité. Je ne vois pas comment on peut exercer normalement une fonction anormale. Je pense qu’il y a une contradiction dans les termes, que c’est un problème de sémantique. Je crois comprendre que l’intention de François Hollande est d’être un Président qui conserve un comportement simple. Cela me convient parfaitement. Exercer de manière simple une fonction anormale me semble possible. Si l’on commence à chronométrer la vitesse d’un convoi présidentiel sur l’autoroute pour s’assurer qu’il ne dépasse pas 130 km/heure, on tombe dans quelque chose de complètement absurde. Il est pourtant vrai que dépasser 130 km/heure sur l’autoroute n’est pas normal. Mais le passager en question n’est pas normal.

Propos recueillis par T.R.


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Plan large Aux Quatre Colonnes

« Le harcèlement sexuel n’est ni de droite ni de gauche » Le projet de loi défendu par les ministres Christiane Taubira et Najat Vallaud-Belkacem est le premier texte du gouvernement à être présenté devant le Sénat, le 11 juillet. Enrichi en commission des lois la semaine dernière, il répond autant à la nécessité de parer à une urgence qu’à un souhait du pouvoir exécutif de mettre en valeur le travail parlementaire. Par Pascale Tournier aptême du feu pour le gouvernement. Le premier texte porté par deux de ses ministres – Christiane Taubira (Justice) et Najat Vallaud-Belkacem (droits des femmes) – est présenté au Parlement. Le projet de loi concernant le harcèlement sexuel sera, en effet, examiné le 11 juillet au Sénat, puis les 24 et 25 juillet à l’Assemblée nationale. Le choix de la procédure accélérée est autant motivé par le vide juridique résultant de la décision du Conseil constitutionnel d’invalider l’ancienne loi que par le symbole qu’elle représente. François Hollande, qui a décidé de rétablir un ministère des Droits des femmes dans un gouvernement paritaire, se devait de répondre à l’urgence, par l’entremise de son exécutif. Mais il ne l’a pas fait n’importe comment. Le texte, qui sera sous les projecteurs la semaine prochaine, a été approuvé à l’unanimité en commission des lois du Sénat, la semaine dernière. C’est un mix entre le projet de loi présenté le 13 juin en conseil des ministres, les préconisations du groupe de travail

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constitué ad hoc par le Sénat, les sept propositions de loi déposées par des sénateurs de tous bords et les recommandations de la délégation au droit des femmes, présidée au Sénat par Brigitte GonthierMaurin. Les principes d’écoute, de concertation et de mise en valeur du travail parlementaire que souhaite afficher le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, semblent avoir été respectés. « Il s’agit d’une bonne synthèse de tous les points de vue », confirme Jean-Pierre Sueur, le président de la commission des lois. « L’état d’esprit est au consensus. Lors de leur audition, les deux ministres concernées se sont montrées ouvertes à des aménagements de leur texte », ajoute de son côté la sénatrice centriste Muguette Dini (Rhône-Alpes). La sénatrice socialiste Catherine Génisson (Pas-de-Calais) se félicite de la place qui a été accordée au travail des élus. Cela donne le « la » pour l’avenir : « Le Sénat vient en soutien et en accompagnement de l’action du gouvernement, sans s’exonérer de faire des propositions pour enrichir le texte. » « Le Parlement peut être un vrai moteur

pour le gouvernement », surenchérit la sénatrice écologiste Esther Benbassa (Val-de-Marne). Ce consensus général n’était pourtant pas acquis. Le Sénat, qui s’est emparé du sujet dès l’abrogation de l’ancienne loi, le 4 mai, par le Conseil constitutionnel, n’a pas vu d’un bon œil la préemption du dossier par le gouvernement. Par la voix de Chantal Jouanno, l’UMP n’a pas hésité à critiquer le passage en force du pouvoir exécutif et à qualifier ce projet de loi « d’usine à gaz ». « Par sa volonté de communiquer sur la question, le gouvernement a fait fi du travail de fond effectué au Sénat. On a perdu du temps », assène aujourd’hui la sénatrice de Paris. Le sénateur UMP Alain Gournac (Yvelines) abonde dans le même sens. « Le projet de loi est un texte mal fichu, technocratique et fait sans nous. On nous a laissé travailler comme des chiens pour presque rien », tonne le vice-président de la délégation au droit des femmes. Des associations sont aussi montées au créneau pour dénoncer les failles du projet. La commission des lois a donc

revu la copie, en tenant compte des critiques. L’unanimité qui a prévalu préfigure le vote en séance. Aucune remise en cause majeure n’est à attendre le 11 juillet. Dépourvu d’animosité, le débat risque néanmoins d’être long. Chaque groupe va vouloir exprimer son attention « sur un sujet qui n’est ni de droite ni de gauche », rappelle Catherine Génisson. « Les débats seront l’expression des nuances et des améliorations », estime Muguette Dini, qui votera le texte sans « arrière-pensée ». Le sénateur socialiste Philippe Kaltenbach (Hautsde-Seine) souhaite par exemple introduire le nombre de dépôts de plainte pour harcèlement sexuel dans le bilan social de l’entreprise. À l’UMP, on s’interroge par ailleurs sur l’âge à partir duquel l’abus d’autorité peut être considéré comme circonstance aggravante. Faut-il se baser sur 15 ans, la majorité sexuelle, ou sur 18 ans, la majorité légale ? La question ne fait pas l’unanimité. Mais Chantal Jouanno reste sans ambiguïté : « Notre priorité demeure avant tout l’adoption rapide de ce texte. »

« C’est un texte de synthèse et de clarification » Alain Anziani, sénateur (PS) de la Gironde

Alain Anziani est rapporteur du projet de loi sur le harcèlement sexuel. Il détaille les améliorations apportées par la commission des lois au texte du gouvernement. Comment s’articule le texte définitif de la commission des lois par rapport au projet de loi du gouvernement ?

C’est un texte de synthèse et de clarification. Contrairement au projet de loi du gouvernement, nous avons distingué deux définitions bien distinctes du harcèlement. Il y a bien le fait répété et le fait unique. Nous avons aussi révisé les peines. Dans les deux cas, la peine est fixée à deux ans et à 30 000 euros d’amende. Nous n’avons pas à hiérarchiser les souffrances des

victimes. Autre modification majeure : le statut fonction publique est désormais concerné. Quels sont les débats attendus en séance ?

Des termes comme « environnement », dans l’article 1er, vont être discutés. Certains préfèrent les mots « ambiance », « contexte »… La commission des affaires sociales a proposé une disposition concernant les circonstances aggravantes. Elle n’a pas été acceptée à la commis-

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sion des lois. Le groupe CRC a déposé un amendement allant dans le même sens. Il s’agit d’intégrer la notion de vulnérabilité économique. Mais comment la définir ? C’est une notion relative. La réalité est-elle la même à Paris ou à Rodez ? C’est la jurisprudence qui le définit, le souhaite-t-on, alors qu’on souhaite un texte clair et précis ? La méthode du gouvernement a été critiquée sur ce dossier. Était-ce justifié ?

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L’UMP regrette que les PPL n’aient pas été examinées et s’est aussi interrogée sur la nécessité d’un projet de loi. Avoir d’un côté les PPL et les projets de loi du gouvernement est un débat dépassé. Avec la réforme constitutionnelle, c’est le texte de la commission des lois qui vient en séance. Mais on ne va pas interdire ni au gouvernement ni aux sénateurs de déposer des textes sur un sujet aussi sensible.

Propos recueillis par P.T.

L’opinion d’Éric Maulin Directeur de l’Institut des Hautes Études Européennes (IHEE)

Le Conseil européen, l’Allemagne et le fédéralisme En apparence l’Allemagne recule, en réalité le fédéralisme avance. Lors du sommet des 28 et 29 juin la chancelière allemande Angela Merkel a paru finalement déroger à ses principes intangibles. Le pacte de croissance, souhaité par François Hollande pour ne pas renégocier le traité de discipline budgétaire, était sans doute acquis avant même la réunion des chefs d’État et de gouvernement ; en revanche l’extension de la compétence du Mécanisme européen de stabilité (MES), qui doit entrer en application en juillet 2012, n’était absolument pas inscrite au programme. Conçu pour remplacer le Fond européen de stabilité financière (FESF) et le Mécanisme européen de stabilité financière (MESF), le MES, qui est un fonds de secours européen permanent, pourra désormais recapitaliser directement les banques, sans passer par les États, et racheter de la dette, sans imposer une rigueur budgétaire soumise à un strict contrôle européen. À cette éventualité Angela Merkel s’était pourtant toujours opposée au nom du principe « pas de prestation sans contrepartie ». Elle a finalement cédé, sous la pression de la France, de l’Italie et de l’Espagne, ce qu’on interprète comme un changement de rapport de force. Cette concession concourt cependant à renforcer rapidement le fédéralisme européen. Le rapport du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, « Vers une véritable Union économique et monétaire », présenté lors du sommet, en exprime la philosophie. Inspiré des thèses du Conseil allemand des experts économiques (CAEE), il expose les quatre éléments essentiels pour l’avenir de l’UE. Deux de ces éléments relèvent du fédéralisme économique : le cadre financier intégré et le cadre budgétaire intégré, et deux autres du fédéralisme politique, qui en est le complément nécessaire : un cadre de politique économique intégré et un renforcement de la légitimité démocratique et de l’obligation de rendre des comptes (devant le Parlement européen). À l’heure où les peuples doutent des vertus de l’Europe, le plan arrêté au Conseil européen n’est pas seulement d’ordre économique et social mais, fondamentalement, politique et institutionnel. Les solidarités de fait sont-elles plus fortes que la volonté inconstante des peuples ? C’est toute l’équation de l’Europe, nécessaire et pourtant non démocratique, qui se trouve ici récapitulée.


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Économie

Maîtriser l’incendie des finances locales La Banque postale et le Crédit agricole mettent à la disposition des collectivités locales près de 4 milliards d’euros sous forme de prêts. Un geste nécessaire, mais loin d’être suffisant pour combler des besoins financiers criants. l y a le feu aux finances des collectivités locales. De la ville qui ne repeindra pas les salles de classe au département qui mettra un frein à l’entretien des routes, c’est toute une mécanique de trésorerie et d’investissement qui est grippée. Le constat chiffré est inquiétant : selon Dexia, il devrait manquer cette année 6 milliards d’euros de crédit à long terme au niveau local. Et l’an prochain sera à peine meilleur : la pénurie de financement devrait atteindre 4,7 milliards d’euros, pour un besoin total de 17,5 milliards. Pour tenter de circonscrire l’incendie, deux établissements bancaires jouent les pompiers. La Banque postale a dégainé en premier. Elle débloque une enveloppe de 2 milliards d’euros de crédit à court terme, des prêts à un an maximum. Cet argent sera puisé dans les liquidités de la filiale de La Poste, qui peut se targuer d’être la seule banque à afficher des dépôts largement excédentaires par rapport à ses crédits. L’autre geste vient du Crédit agricole, qui détient 20 % du marché du financement des collectivités selon la Banque de France. La Banque verte met sur la table 1,9 milliard d’euros pour des crédits à long terme, cette fois. L’offre consiste en un prêt amortissable sur quinze ans, à un taux légèrement inférieur à 5 %. Elle s’adresse aux collectivités

XAVIER RICHER/LIONEL BONAVENTURE/LOIC VENANCE/AFP

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moyennes et grandes, pour des projets d’une certaine envergure, de 5 à 50 millions d’euros. Et, perspective rassurante, le Crédit agricole n’exclut pas de renouveler ce type d’offre à l’avenir. Si cet incendie financier n’en finit pas de prospérer, c’est qu’il évolue sur un terrain favorable, celui de l’assèchement du crédit. Depuis le début de la crise, les banques font preuve d’une extrême prudence en accordant des prêts avec parcimonie et selon des critères de plus en plus stricts. De plus, en ce qui concerne le financement à moyen et long termes, la succession de Dexia – principal bailleur de fonds des collectivités – prend forme dans la douleur. Un projet d’établissement bancaire associant La Banque postale et la Caisse des Dépôts est, certes, censé voir le jour avant la fin de l’année, mais il se heurte à l’examen tatillon de Bruxelles. La Commission européenne émet des réserves sur le plan de démantèlement de la banque franco-belge. Le problème ?

PIERRE CAMANI PRÉSIDENT PS DU CONSEIL GÉNÉRAL DE LOT-ET-GARONNE

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3 questions à

Les modalités de liquidation, établies en octobre dernier, prévoient que Dexma – la structure de refinancement de la banque moribonde – lui survive et serve à financer les prêts de la future banque aux collectivités. Inacceptable pour Bruxelles, qui y voit une pérennisation du modèle, jugé bancal, de Dexia. Du coup, le nouveau ministre de l’Économie, Pierre Moscovici, use de toute son influence pour convaincre les autorités européennes du bienfondé du plan de l’automne derComment accueillez-vous l’initiative de La Banque postale et du Crédit agricole ?

C’est vraiment nécessaire parce qu’on a un vrai problème. Sur le crédit à court terme, le département ouvre une ligne de crédit tous les ans de 20 millions d’euros. Elle nous permet de réguler notre trésorerie pour réaliser des emprunts seulement en fin d’année. Nous n’avions aucun problème pour bénéficier de cette ligne de trésorerie. Or, cette année, nous avons eu la désagréable surprise de constater, en lançant l’appel à crédit, que le maximum des offres dont nous bénéficions est de 8 millions d’euros. Ce qui veut dire qu’on ne va pas pouvoir jouer, comme on le faisait les autres années, sur notre masse de trésorerie, ce qui nous permettait de réaliser des gains financiers en termes d’intérêts assez importants. Donc, surcoût : le crédit

nier, élaboré par… le gouvernement de François Fillon ! Paradoxe qui n’est pas couronné de succès jusqu’à présent. Mais bon. Sautons l’étape, admettons que les hypothèques bruxelloises soient levées et que la nouvelle entité voie le jour. Elle ne couvrira pas tout le terrain occupé par Dexia, acteur historique. Détenue à 65 % par La Banque postale et à 35 % par la Caisse des dépôts, elle devrait distribuer en rythme de croisière environ 5 milliards d’euros de crédit à long

terme, alors que la Franco-Belge n’en octroyait pas moins de 8 milliards au plus fort de son activité. La crise des finances publiques locales n’est donc pas près d’être résolue, ce qui ne manquera pas de laisser bien des pans de l’économie française dans l’ornière (le bâtiment, par exemple), dans la mesure où l’échelon local porte près des trois quarts de l’investissement public. Les efforts des pompiers sont donc bienvenus… mais insuffisants.

est devenu rare, mais il est également devenu cher, les offres se rapprochent d’un taux de 5 % actuellement.

fonds propres et nous amener, si la situation n’évoluait pas (mais je ne doute pas qu’elle va évoluer), à réduire considérablement nos investissements pour l’année à venir, ce qui serait dramatique dans le contexte actuel.

Qu’en est-il du financement à long terme ?

Nous avons commencé à solliciter les banques dès le mois d’avril parce que nous savions que nous aurions des difficultés et, effectivement, les organismes bancaires ne nous répondent pas à la hauteur des crédits qui sont demandés. Ils répondent sur de petites sommes, en général. Quand on fait un appel à 10 ou 20 millions, on nous dit : « Nous, on répond à 4 millions. » Et c’est comme cela que nous avons mobilisé le tiers de nos besoins, avec 4 organismes bancaires et des prêts à 2, à 3 et à 4 millions. Pour le reste, on continue, on espère que ça va se débloquer parce que ça va assécher totalement nos

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Florence Cohen

La banque qui doit associer La Banque postale et la Caisse des dépôts peut vous sauver ?

Je l’attends avec impatience, c’est une nécessité économique majeure. Mais je crois que le gouvernement en est bien conscient. Nous savions depuis le début de l’année que les délais auraient du mal à être tenus. Notre département a un encours de dette de 180 millions d’euros, donc nous sommes bien situés, pas trop endettés. Néanmoins, comme la plupart des départements, nous avons tendance à recourir un peu plus à l’emprunt depuis deux ou trois ans.

Propos recueillis par F.C.


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Dossier Guyane

Les zones d’ombre d’un projet pétrolier La France est-elle préparée face aux défis qui l’attendent en cas de découverte d’un « mégagisement » pétrolier en Guyane ? Les élus ne cachent pas leurs doutes, après le couac gouvernemental autour de la décision d’autoriser les premiers forages exploratoires. eu vert a donc été donné, le 20 juin, à une campagne de recherches de pétrole français dans le bassin de Zaedyus, au large des côtes guyanaises. D’ici deux à trois ans, la France saura si elle dispose bel et bien d’un « mégagisement » d’hydrocar bures d’une capacité d’« au moins 300 millions de barils », comme le pensent les pétroliers Shell, Total et Tullow Oil, partenaires dans ce projet. Si tel est le cas, le début de l’extraction du pétrole débuterait en 2016 et sa commercialisation à partir de 2019. Avec à la clé une production qui pourrait avoisiner 10 milliards d’euros par an. Les élus guyanais se disent « plein d’espoir » en imaginant la formidable rente dont pourrait bientôt bénéficier leur territoire sinistré. Mais ce qui apparaît désormais comme « l’affaire Nicole Bricq » – la ministre de l’Écologie et de l’Énergie qui a suspendu les derniers arrêtés permettant les forages, avant de se faire désavouer (voir encadré) – en a refroidi plus d’un, révélant les lacunes de ce dossier. L’État français a-t-il tout prévu pour se prémunir des risques, garantir la préservation des écosystèmes et, surtout, s’assurer de retombées financières importantes ? Rien n’est moins sûr. In petto, certains politiques guyanais confient leur malaise face à un dossier bouclé un peu trop vite. Le conseiller régional Rémy-Louis

F

Budoc, bien que choqué par l’annonce « un peu cavalière » de la ministre de l’Écologie, reconnaît que cette suspension était « peutêtre un mal nécessaire » : « Nous ne sommes pas allés assez loin dans les

puissants au monde », s’alerte un fondateur du collectif Or bleu contre or noir, créé en opposition au projet pétrolier. La tragédie de « Deepwater Horizon » dans le golfe du Mexique,

«

JE VEILLERAI À CE QUE, PAR LA FISCALITÉ ET LES REDEVANCES, CETTE FUTURE EXPLOITATION VOUS SOIT RETOURNÉE EN LARGE PART » Déclaration du 16 janvier du candidat François Hollande lors de sa visite en Guyane

conditions préalables de garanties de financement, de fiscalité et d’environnement », estime ce représentant de la Guyane au Conseil économique, social et environnemental (CESE). Il n’est pas le seul à partager les inquiétudes de l’ancienne ministre désavouée.

Des risques sous-évalués La première crainte de Guyanais porte sur les risques d’une éventuelle catastrophe pétrolière sur une plate-forme offshore de cette nature et à cet endroit. « Ce n’est pas un projet comme un autre, c’est une véritable aventure, avec des risques technologiques énormes, dans une zone de courants parmi les plus

en avril 2010, et la fuite de la plate-forme Chevron au large du Brésil, en novembre 2011, sont encore dans toutes les mémoires. Une douzaine d’accidents majeurs sont survenus dans le monde sur des plates-formes offshore depuis 1976. Anne Duthilleul, chargée de mission par le gouvernement pour accompagner ce projet pétrolier, se veut rassurante : « Il existe déjà plusieurs exemples de plates-formes de ce type depuis dix ans, et l’exploration se fait suffisamment loin des côtes pour avoir le temps de réagir en cas de problème », tempère-t-elle. Un discours qui fait bondir les écologistes.

Christian Roudgé, coordinateur de Guyane nature environnement (GNE), ne cache pas sa colère : « Qui paiera en cas d’accident de type 3 [le plus grave, NDLR] au large de la Guyane, si le pétrole atteint les côtes ? Aucun assureur européen n’accepte aujourd’hui de couvrir la responsabilité pleine et entière d’un exploitant offshore », poursuit-il. Dans le cas du projet Shell, l’État français a pris soin de souscrire une assurance internationale complémentaire. Objectif : « pouvoir réagir de façon renforcée » en cas de déversement d’hydrocarbures en mer, selon Anne Duthilleul. Preuve que rien, en France, ne garantit le principe du pollueurpayeur dans le domaine offshore. La chose serait impensable aux États-Unis. Le coût de la tragédie de Deepwater fut abyssal, mais le principe du pollueur-payeur fut appliqué. « Grâce à une législation très contraignante pour les exploitants, l’État fédéral américain a pu faire jouer la responsabilité pleine et entière de la compagnie : BP a dû provisionner 20 milliards de dollars dans l’attente de sa condamnation, ce qui a d’ailleurs failli causer sa disparition », commente Christian Roudgé. Il n’existe pas à ce jour de législation internationale sur l’offshore. Au niveau européen, un projet de directive a été élaboré, mais ne devrait pas voir le jour avant deux ans. Une transposition en droit français n’est donc pas pour demain.

Chronologie d’un psychodrame gouvernemental Le 13 juin, la ministre de l’Écologie Nicole Bricq décide, en partenariat avec Arnaud Montebourg au redressement productif, de « suspendre » les opérations en vue d’une « remise à plat du permis » d’explorer accordé aux compagnies pétrolières il y a dix ans. Cette annonce surprise, alors qu’un navire de forage est déjà en

route pour la Guyane, provoque « l’incompréhension » des dirigeants de Shell France comme des élus locaux. À la colère de Shell succède celle de Total, appuyé par l’Union française des industries pétrolières (UFIP). Laurence Parisot, la présidente du Medef, s’en serait même émue « directement à Matignon, voire à la présidence de la République »,

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selon Le Monde. De leur côté, les élus de Guyane tentent de rassurer les pétroliers. Le 21 juin, alors que la ministre se trouve au sommet de la Terre de Rio de Janeiro, deux députés guyanais révèlent, après une entrevue avec le ministre des Outre-mer Victorin Lurel, que les deux arrêtés préfectoraux bloqués ont finalement été signés, autori-

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sant les pétroliers à forer dès le lundi suivant. Un rétropédalage du gouvernement en forme de désaveu à Nicole Bricq, qui lui a sans doute coûté son portefeuille. Devenue ministre du Commerce extérieur, elle est remplacée à l’Écologie par Delphine Batho dans le gouvernement Ayrault II.


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Dossier Les baleines négligées La seconde inquiétude concerne la faune marine, particulièrement dense dans la zone concernée. Pour cartographier les fonds marins, les explorateurs vont effectuer une étude « sismique » consistant à produire des explosions sonores sous-marines ultra puissantes, dont les ondes se répandent à plus de 100 km à la ronde. Or, la dangerosité de ces ondes est clairement démontrée sur les tortues marines (cinq espèces protégées) et surtout sur les cétacés, dans un rapport du cabinet de conseil Creocéan, mandaté par le consortium pétrolier – qui regroupe Shell (45 %), Tullow Oil (27,5 %), Total (25 %) et Northpet (2,5 %). À la demande de l’État et des associations écologistes, Shell a pris certaines précautions afin de minimiser les impacts. La compagnie aurait, selon Anne Duthilleul, accepté de phaser son activité sismique en juillet-août, période de passage des tortues marines qui viennent pondre sur les côtes guyanaises, et prévu que des observateurs qualifiés embarquent dans le bateau de sismique pour repérer les mammifères marins visuellement et à l’aide de sonars, afin d’interrompre la campagne pendant leur passage. En revanche, malgré l’insistance du GNE et du WWF, Shell a refusé de suspendre son activité de septembre à décembre, pendant le pic de présence des baleines.

Pas d’étude d’impact, ni d’étude publique Ces concessions ont été négociées en dehors de tout cadre réglementaire, regrette Christian Roudgé : « À l’échelle des enjeux, des risques induits, de la quantité et de la qualité des espèces présentes, ce projet méritait une étude d’impact indépendante et une enquête publique, comme l’exige désormais une disposition du Grenelle II, entrée en vigueur le 1er juin », soulève-t-il.

Le forage pétrolier au large de la Guyane est au centre d’une polémique qui embarrasse le gouvernement. PHOTO JODY AMIET/AFP

Dans un rapport sur l’offshore du 13 mars, le Conseil économique, social et environnemental réclame en outre que soient mises en œuvre des consultations publiques en amont de tout projet d’exploration, ce qui n’a pas été le cas. « Avec 11 millions de km2 d’espaces maritimes dans le monde, la France a une responsabilité internationale particulière en matière de protection de ces espaces maritimes », soulignait récemment Anne-Marie Ducroux, présidente de la section Environnement du CESE.

Une fiscalité insuffisante Le point le plus sensible porte sur la rente pétrolière future. « Je veillerai à ce que, par la fiscalité et les redevances, cette future exploitation vous soit retournée en large part », déclarait le 16 janvier dernier le candidat François Hollande lors de sa visite en Guyane. Force est de constater que l’on est loin du compte. Le taux d’imposition maximum est aujourd’hui fixé à 12 % de la valeur du pétrole extrait du soussol marin, en vertu d’un article inséré dans la loi de finances rectificative de 2011. Un taux dérisoire si on le compare à ce que prévoit la Norvège, grand pays pétrolier européen (voir encadré). « Nous voulons aller au-delà de la loi de finances, car ceci nous a été imposé en catimini par le gouvernement précédent », plaide Chantal Berthelot, députée (PRG) de Guyane. « Ce qu’une loi de finances peut faire, une autre peut le défaire », souligne Anne Duthilleul. Mais elle précise que les taux appliqués dans d’autres pays portent sur des forages moins profonds.

Un code minier « colonial » Pour Rémy-Louis Budoc, il est urgent de refondre en profondeur le code minier « quasi colonial » qui régit l’exploitation du sous-sol français et la délivrance des permis d’exploitation. Et d’y intégrer les notions de transparence, de consultations publiques, de respect de l’environnement, sans oublier l’aspect fiscal. « C’est au gouvernement que revient de mettre en place une législation qui offre de meilleures garanties pour notre territoire », ajoute le conseiller

régional. Chantal Berthelot y est aussi favorable, « à condition de le faire avec les partenaires », car « l’entreprise a besoin de savoir quel sera le cadre réglementaire, c’est cela un bon partenariat ». Aujourd’hui, même Shell ne se dit « absolument pas opposé » à la perspective de changer le code minier. Pourquoi alors faire taire Nicole Bricq, la ministre de l’Écologie qui a déclaré ce que tout le monde pense tout bas, à savoir que « dans le cadre d’un code minier inadapté et obsolète, le précédent gouvernement a octroyé un permis exclusif de recherches à un consortium privé sans contrepartie suffisante pour l’intérêt national » ? Ce couac gouvernemental augure mal de la promesse du candidat Hollande d’aller vers la transition énergétique. C’est aussi une entaille sérieuse dans le pacte conclu par le Parti socialiste avec ses alliés d’Europe Écologie-Les Verts.

Tatiana Kalouguine

Emploi : l’espoir mesuré des Guyanais La question des retombées économiques et sociales est bien sûr au cœur des préoccupations des Guyanais. Cette région de 230 000 habitants est l’une des plus pauvres de France, avec 15 000 chômeurs (23 % de la population active) et 12 000 personnes touchant le RSA. À ce jour, le consortium pétrolier a annoncé la création de 160 emplois directs et entre 400 et 500 emplois indirects et induits. Mais c’est toute l’économie locale qui pourrait être tirée par cette activité. « Même si l’exploitation ne débutera que dans six à huit ans, c’est maintenant qu’il faut commencer à préparer le tissu guyanais à la demande et aux standards de Shell », précise Anne Duthilleul. Un programme devrait être lancé par Shell et ses sous-traitants pour former des Guyanais durant cinq ans afin d’être prêts au moment de l’exploitation.

En Norvège, une rente bien négociée Grâce à ses immenses gisements en mer du Nord, la Norvège est le 8e exportateur de pétrole au monde. Depuis le début de l’exploitation pétrolière en 1971, son PIB a plus que quadruplé. Pour y parvenir, le pays s’est doté d’une fiscalité particulièrement avantageuse : il prélève 78 %

des bénéfices réalisés par les exploitants grâce au pétrole prélevé dans ses eaux. En France, la législation actuelle limite à 12 % les prélèvements, non pas sur les bénéfices mais sur la valeur du pétrole sur les marchés internationaux. Difficile de comparer ces deux taux, puisque les coûts de pro-

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duction des pétroliers font baisser l’assiette de l’impôt en Norvège. Mais pour les experts il est clair que la fiscalité française n’est pas à l’avantage de l’État. Un point que le nouveau gouvernement souhaitera sans doute modifier d’ici à la fin de la phase exploratoire en Guyane, en 2014.


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Initiatives Régies publiques et opérateurs privés s’opposent sur la gestion de l’eau potable

Villes en eaux troubles Face aux marges des opérateurs privés, de nombreuses communes agitent la menace d’un retour à une gestion municipale de l’eau potable. Si la délégation de service public reste majoritaire au sein des collectivités, le bras de fer s’intensifie à coups d’arguments technicoéconomiques pour les uns, politiques pour les autres.

C

À Lyon, la bataille de l’eau est lancée Dans l’Essonne, où la distribution de l’eau potable est actuellement gérée par la Société des Eaux de l’Essonne, les élus de la communauté d’agglomération ont voté également pour la création d’une régie publique qui prendra en charge, à partir du 1er janvier 2013, la distribution de l’eau potable dans les six communes de l’agglomération, dont Évry. Une évolution qui conduira à une baisse du prix de la distribution de l’eau de l’ordre de 10 %. En ce qui concerne la qualité, « les mêmes contrôles qu’auparavant seront effectués », assure la communauté d’agglomération, qui analyse : « La

régie présente deux autres avantages : elle favorise la transparence pour le consommateur et garantit une meilleure maîtrise de l’entretien. » Même tendance à Bordeaux, où la communauté urbaine a voté pour le passage de l’eau et de l’assainissement en régie publique à l’horizon

régie pourrait l’emporter, sur le modèle de Grenoble qui a remunicipalisé son eau en 2000, faisant baisser de 20 % ses tarifs tout en soutenant ses investissements. « Pour nous écologistes, il est important que la production de l’eau soit publique, pour s’assurer de la sécu-

Après un audit juridique, comptable et financier, le Syndicat des eaux d’Île-de-France (Sedif) a entériné la reconduction de la plus importante délégation de service public d’Europe. Un nouveau contrat « exemplaire », analyse son président André Santini, maire (NC)

la communauté d’agglomération du Grand Avignon, présidée par Marie-Josée Roig (UMP), il apparaît néanmoins « regrettable » que le débat se focalise sur la question du mode de gestion. « L’essentiel n’est pas dans la distinction entre la gestion publique ou privée, mais plu-

«

MICHEL GANGNE/AFP

ontrairement à la privatisation en vigueur au RoyaumeUni et au tout public des Pays-Bas, la distribution d’eau potable en France s’appuie selon les villes soit sur une régie publique, soit sur une concession accordée à une entreprise privée. Une délégation de service public (DSP) qui dessert les deux tiers de la population, estime la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E). Le marché français reste dominé par trois groupes qui se partagent l’essentiel des appels d’offres lancés par les collectivités locales, rendant parfois difficile une réelle mise en concurrence. Au printemps 2010, la Commission européenne a ainsi lancé une enquête sur la concurrence dans le secteur de l’eau et de l’assainissement. La Lyonnaise des Eaux (filiale de Suez Environnement), Veolia Environnement (ex-Compagnie générale des eaux) et la Saur, principalement présente dans les zones rurales et périurbaines, contrôlent plus de 98 % du marché des délégations de service public. Face à cette mainmise, plusieurs villes ont choisi un retour à une gestion municipale de leur eau, à l’image de Paris. « C’est une position de principe : Paris doit maîtriser et préserver la ressource. C’est un enjeu environnemental et sanitaire qui ne peut être conduit que par le public », défendent les services chargés de l’eau de la capitale.

L’ESSENTIEL N’EST PAS DANS LA DISTINCTION ENTRE LA GESTION PUBLIQUE OU PRIVÉE, MAIS DANS LA CAPACITÉ POUR LA PUISSANCE PUBLIQUE DE CONTRÔLER CETTE GESTION » Marie-Josée Roig, présidente (UMP) du Grand Avignon

2019 ; et ce, avant même la fin du contrat la liant à la Lyonnaise des Eaux, en vertu de l’arrêt Olivet du Conseil d’État. Celui-ci autorise les collectivités à rompre par anticipation et sous certaines conditions les contrats signés avant 1995 pour une durée supérieure à vingt ans. « L’eau est un bien particulier qui doit être géré par le public, ce n’est pas possible que l’on délègue encore sous des durées de vingt à trente ans », confie le président (PS) de la CUB, Vincent Feltesse. Sur cette base, Montbéliard a annoncé son intention de reprendre en régie directe dès 2015 la gestion de son réseau d’eau courante, attribuée à Veolia jusqu’en 2022. Une orientation qui fait à présent des émules au sein du Grand Lyon, dont « l’abonnement est le plus cher de France », dénonce son vice-président (communiste) Gérard Claisse, alors que se dessine la bataille pour le service public lyonnais de l’eau post-2015. Un passage en

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rité des approvisionnements et de la garantie de la qualité », expose Paul Coste (EELV) à Lyon. Mais pour son vice-président (Synergies-Avenir) Michel Reppelin, « La communauté urbaine ne peut pas prendre toutes les compétences. »

Orléans et Marseille Provence Métropole en DSP C’est ainsi qu’une majorité de collectivités demeurent en DSP. Le maire (UMP) d’Orléans, Serge Grouard, constate que « les DSP peuvent être aussi performantes que des régies, voire meilleures, d’autant qu’elles intègrent également le coût des investissements ». La communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM) a elle aussi reconduit le principe d’une délégation pour la gestion de l’eau. « Compte tenu de l’endettement de la communauté urbaine, nous n’avons pas les moyens de passer en régie », justifie Eugène Caselli, président (PS) de MPM.

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d’Issy-les-Moulineaux, qui dessert 4 millions d’habitants sur 142 communes. Outre une baisse de prix « significative », le nouvel accord apporte « plus de transparence, plus d’efficacité », indique Christian Cambon, sénateur-maire (UMP) de Saint-Maurice dans le Val-de-Marne. Un bras de fer entre les communes et les opérateurs privés qui a vu Antibes réaliser un tour de force sans précédent. En charge de la distribution de l’eau de la ville depuis 1927, Veolia a conservé la délégation moyennant une baisse du prix pouvant atteindre 43 %, une remise qui en fait l’eau la moins cher de France. Le contrat prendra effet au 1er janvier 2013 pour une durée de dix ans. « La baisse significative du prix tient compte de la fin des amortissements de la création du réseau et des travaux de mise aux normes », justifie le groupe, qui mentionne également « une diminution de la marge par les gains de productivité ».

Un débat citoyen dans le Vaucluse Conseillère municipale d’opposition (PS) à Avignon, Christine Lagrange plaide pour un grand débat citoyen sur la gestion de l’eau, avec en ligne de mire le retour à une gestion publique de sa distribution. « Je suis convaincue que c’est la bonne solution. » Pour

tôt dans la capacité pour la puissance publique de contrôler cette gestion. Les investissements conséquents que les collectivités ont à supporter pèsent et pèseront encore forcément sur les usagers, quel que soit le mode de gestion. » Alors que 75 % des délégations de service public en cours arrivent à échéance en 2015, Éric Grasset, président de la régie de Grenoble, compare les modes de gouvernance. « Les investissements ne se pensent pas de la même façon. Une régie fait toujours des amortissements longs parce qu’elle peut se projeter dans le temps. Si nous effectuons des bénéfices, on réinvestit dans la rénovation. Le délégataire entretient moins, il n’effectue pas de travaux quand il n’y a pas d’intérêt. » Entre régie publique, délégation et gestion mixte publique/privé, « Il y a beaucoup d’effets de manche qui perturbent la réalité des dossiers », juge Marc Reneaume, président de la FP2E. « Ce qu’il faut garder en tête, c’est que non seulement la réflexion d’une collectivité est logique, mais elle est même légale. Avant de reconduire un contrat de délégation, la loi fait obligation de se poser la question du mode de gestion », rappelle-t-il. Et d’analyser : « Ceux qui veulent faire croire qu’il y a un système qui est finissant et un autre qui serait émergent se trompent probablement assez lourdement. »

Ludovic Bellanger


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En bref

L’eau, source de solidarité entre l’Alsace et le Cameroun

LYON TESTE LE « COMBI FRET » G La livraison en mode vert a le vent en poupe. Après les triporteurs électriques à Paris, Lyon a testé au printemps un nouveau concept de logistique urbaine. Intégré au programme européen City Log, il visait à minimiser l’impact des transports de marchandises en ville. À Vaulx-en-Velin et Villeurbanne, le projet « Combi Fret » a ainsi permis l’utilisation de véhicules hybrides pour effectuer « le dernier kilomètre ».

n 2010, le dispositif « 1 % des factures d’eau » pour les pays en développement a généré 24 millions d’euros. « Mais le potentiel annuel est de 67 millions d’euros s’il était généralisé », relève Cassilde Brénière, responsable du secteur Eau à l’Agence française de développement (AFD). Avec 43 projets menés dans 22 pays, Paris y participe depuis l’origine, comme Lyon qui consacre 0,4 % de ses recettes des services de l’eau et de l’assainissement pour aider des communes de Madagascar notamment. En Alsace, les communes du Bas-Rhin, regroupées en syndicat, participent à l’amélioration de la gestion de l’eau du département du Mbam-et-Inoubou, au Cameroun. Les Alsaciens fournissent l’expertise, les ingénieurs camerounais viennent en formation en

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France. « On est clairement dans un souci de solidarité internationale, il n’y a pas d’intérêt lucratif, contrairement au privé. On ne vend pas de marché et on n’ira pas exploiter les services de l’eau de tel ou tel pays », commente Anne Le Strat, adjointe au maire de Paris qui aide au déploiement du réseau de distribution d’eau à Jéricho (en Cisjordanie). Si la France soutient l’adoption de la loi à l’échelle européenne, la solidarité n’est pas l’apanage des grandes villes : trois petites communes Bousbecque (Nord), Couëron (LoireAtlantique) et Verrières-le-Buisson (Essonne) – se mobilisent aux côtés des agences locales de l’eau et d’ONG. Au total, elles ont réuni un budget de 650 000 euros sur trois ans pour créer un service municipal de l’eau à Zorgho, au Burkina Faso.

REINNIER KAZE/AFP

Depuis 2005, plus de 200 communes appliquent la loi Oudin-Santini pour soutenir l’accès à l’eau des pays en voie de développement.

PRIORITÉ AUX TRANSPORTS COLLECTIFS À LILLE G « Si l’engorgement des accès continue, notre région va finir par devenir un cul-de-sac au lieu d’être un carrefour d’échanges ! » La remarque signée Philippe Vasseur, président de la CCI du Nord, a fait mouche. Asphyxiée, Lille mise sur ses transports en commun pour fluidifier son trafic. Outre le doublement des rames de métro, une centaine de bus supplémentaires sont prévus aux côtés du développement de l’autopartage. La métropole souhaite qu’un voyage sur cinq se fasse en transports publics d’ici 2020. UN FONDS DE SOUTIEN AUX JEUNES ENTREPRISES DE L’OUEST G Initié par les régions Pays de la Loire, Bretagne, Basse et Haute-Normandie, le fonds Go Capital Amorçage entend soutenir la création ou le développement d’activités technologiques innovantes. Dotée de 32 millions d’euros, l’initiative vise à pallier les difficultés de financement des jeunes entreprises. Une centaine de projets ont déjà été examinés.

L.B.

Un tarif social de l’eau en Île-de-France Après Libourne et Séquestre, 142 communes du sud de l’Île-de-France bénéficieront d’un tarif social de l’eau, pour que les plus démunis soient dispensés du paiement de leur facture. NICOLAS MESSYASZ/AFP

aptisé « Eau solidaire », le dispositif présenté par le Sedif garantit un prix social

B

de l’eau. « Nous sommes les premiers à mettre en place le droit à l’eau », se targue Christian Cambon, pre-

mier vice-président du syndicat. Le nouveau contrat liant l’Île-deFrance à Veolia prévoit le versement chaque année de plus de 2 millions d’euros. Un fond dédié aux clients en difficulté pour payer leurs factures d’eau, en particulier lorsque celles-ci dépassent 3 % de leurs ressources financières. Le programme concernerait près de 265 000 familles dans la région. À Antibes, la municipalité a opté pour un « ticket eau » qui dispense les foyers les plus modestes de s’acquitter de leur facture.

« L’eau n’est pas une marchandise »

Gilbert Mitterrand. L’adjoint socialiste au maire de Libourne est à l’origine de la tarification sociale et progressive de l’eau.

Une préoccupation sociale initiée à Séquestre, dans le Tarn, et à Libourne, en Gironde. Les deux communes ont développé une tarification progressive de l’eau. Une approche « socialement juste, économiquement viable et environ-

nementalement efficace », analyse Gérard Poujade, maire (PS) de Séquestre. « Notre logique a d’abord été d’affirmer un nouveau statut de l’eau », souligne pour sa part l’adjoint (PS) au maire de Libourne, Gilbert Mitterrand, à l’origine de la démarche. « Ce n’est pas une marchandise, c’est un bien commun de l’humanité qui doit être accessible à tous. C’est le service que nous faisons payer, car lui, il a un coût », poursuit l’élu. En fonction de la quantité d’eau consommée – vitale, utile ou de confort –, les tarifs évoluent. Pour cette raison, les associations d’usagers libournais dénoncent aujourd’hui « un cadeau imaginaire » dont la charge pèse sur les familles nombreuses, contraintes de payer au prix fort la deuxième tranche de consommation (jusqu’à 180 m3).

L.B.

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DU PAPIER INFALSIFIABLE TESTÉ EN MAIRIE G Afin de lutter contre la falsification des actes civils, les mairies de Garches (Hauts-de-Seine), Domont (Vald’Oise), Carrières-sur-Seine (Yvelines), Bourron-Marlotte (Seine-et-Marne) et Les Pennes-Mirabeau (Bouchesdu-Rhône) expérimentent depuis le printemps du papier inaltérable. Sept points de vérification sont prévus pour garantir son authenticité, parmi lesquels le mot « copie » qui apparaît quand on le photocopie, et une tache d’encre de contrôle qui disparaît quand on y appose le doigt. OPEN DATA : NANTES S’ASSOCIE AU DÉPARTEMENT ET À LA RÉGION G Pionnières en matière d’ouverture des données publiques (liées à l’économie, au tourisme, à la cartographie…), Nantes, la LoireAtlantique et la région des Pays de la Loire mutualisent leurs efforts. Un rapprochement inédit qui donnera naissance à une plate-forme Internet commune en fin d’année dotée de formats d’affichage plus lisibles. La lecture des informations restant à ce jour le point faible de l’e-démocratie.


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Finances locales Réforme de la taxe professionnelle

25 propositions du Sénat La mission d’information du Sénat avance toute une série de propositions destinées à opérer une transition entre la taxe professionnelle et la contribution économique territoriale.

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sionnelle et la contribution économique territoriale (CET). Concernant les entreprises, elle souhaite éviter la création de nouvelles impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux (IFER) sauf s’il était constaté, dans les prochaines années, de nouveaux secteurs économiques bénéficiant des gains anormaux à la suite de la réforme de la taxe professionnelle.

le dispositif de la base minimum de CFE et de renforcer les possibilités de modulation en fonction du chiffre d’affaires des entreprises. Il faut ainsi prévoir une entrée « en sifflet » dans le régime de droit commun pour les autoentrepreneurs. En ce qui concerne les collectivités locales, le rapporteur observe que « l’ampleur de la réforme de

ANTOINE ANTONIOL/AFP

ans son rapport*, la mission commune d’information du Sénat – constituée de 25 sénateurs représentatifs de l’équilibre des groupes politiques, présidée par Anne-Marie Escoffier, et son rapporteur Charles Guené – souligne que « 60 % des entreprises (soit environ 2 millions d’entreprises) sont gagnantes » après la réforme de la taxe professionnelle, tandis que

«

SI L’AUTONOMIE FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES A ÉTÉ PRÉSERVÉE, LEUR AUTONOMIE FISCALE S’EST, GLOBALEMENT, VUE FORTEMENT RÉDUITE. CE CONSTAT VAUT PRINCIPALEMENT POUR LES DÉPARTEMENTS ET LES RÉGIONS »

« 20 % (845 000 entreprises) sont perdantes, les 20 % d’entreprises restantes voient leur contribution économique stabiliser ». Elle constate aussi que « le secteur industriel apparaît comme le principal bénéficiaire de la réforme avec un allégement de 2,2 milliards d’euros », tandis que le secteur de prestations de services a vu sa contribution économique « augmenter, parfois dans des proportions considérables » (en particulier le secteur de l’intérim). En outre, le rapporteur souligne que « les collectivités ont appliqué les règles relatives à la cotisation minimale de CFE, sans toutefois en évaluer toutes les conséquences ». En conclusion, la mission avance 25 propositions pour opérer une transition entre la taxe profes-

Ce que propose en complément Charles Guené : Ajuster les paramètres du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) au regard des évaluations du fonctionnement du dispositif en 2012.

L’une des propositions vise aussi à simplifier les formalités de déclaration des effectifs par l’utilisation des déclarations annuelles des données sociales (DADS) ou de renforcer la connaissance du taux d’imposition moyen de la valeur ajoutée par secteur d’activité. Plus innovant encore, la mission préconise de ne pas mettre en place des dispositifs spécifiques pour certains secteurs d’activité, y compris l’intérim, et d’explorer toutes les pistes pour cibler la réforme sur les seules entreprises industrielles. Compte tenu de la situation des PME le rapport préconise de préserver les mécanismes de dégrèvement favorables aux petites et moyennes entreprises. Enfin, pour ces PME, il est souhaité d’expliciter par voie de circulaire

Renforcer les dispositifs départemental et régional de péréquation de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) et simuler leurs effets en amont de l’examen de la loi de finances pour 2013 pour garantir, d’une part, une péréquation efficace et, d’autre part, la sérénité du débat parlementaire. Remédier aux effets pervers du transfert au bloc communal de la part départementale de la

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la taxe professionnelle, conjuguée à la rapidité de sa mise en œuvre, a empêché toute simulation fiable de ses effets, maintenant les collectivités territoriales dans un état d’incertitude qui commence à peine à s’estomper ». Il constate que « les nouvelles impositions économiques locales sont plus inégalement réparties sur le territoire que ne l’était la taxe professionnelle », ce qui « rend nécessaire un renforcement des nouveaux dispositifs de péréquation créés dans le cadre de la réforme ». Selon Charles Guené, « si l’autonomie financière des collectivités territoriales a été préservée, leur autonomie fiscale s’est, globalement, vue fortement réduite. Ce constat vaut principalement pour les départements et les régions, le bloc communal (communes et établissements

taxe d’habitation, ce transfert ayant vocation à s’effectuer « à droit constant ».

Anne-Marie Escoffier, aujourd’hui ministre de la Décentralisation et présidente de la mission commune d’information du Sénat. publics de coopération intercommunale) disposant toujours d’importantes ressources fiscales dont il peut moduler les taux. »

Joël Genard figés actuels n’ayant aucune justification économique et risquant de susciter des débats incessants.

Adapter les modalités de répartition de la CVAE aux caractéristiques des groupes ; le mode actuel de répartition étant excessivement dépendant des choix d’organisation juridique des groupes et pénalisant certains territoires.

Modifier la règle de répartition de la CVAE pour favoriser les implantations nouvelles d’établissements classés « Seveso », pour maintenir une incitation fiscale à l’installation d’industries dangereuses sur les territoires.

Indexer les tarifs de l’ensemble des IFER sur l’inflation, les tarifs

Maintenir la dotation de compensation de la réforme de

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* Rapport d’information de Charles Guené, fait au nom de la mission commune d’information sur les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle n° 611 (2011-2012) - 26 juin 2012.

la taxe professionnelle (DCRTP) et le fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) hors de l’enveloppe normée des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales, afin de garantir la stabilité de leur montant. Poursuivre le processus de révision des valeurs locatives, les principaux impôts locaux étant désormais assis sur des assiettes obsolètes.


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Europe

L’Union européenne et la Hongrie : vers la réconciliation Les ministres des Finances de l’Union européenne (Écofin) ont levé les sanctions financières imposées à la Hongrie. 495 millions d’euros d’aide provenant du Fonds de cohésion européen avaient été gelés faute de discipline budgétaire suffisante. L’ambassadeur de Hongrie en France, László Trócsányi, se félicite de cette décision qui marque un tournant après plusieurs mois de tension diplomatique. Il s’en explique en exclusivité pour l’Hémicycle. Parmi les dossiers qui ont fait polémique, le premier fut celui de la législation sur les Églises…

Oui, pour l’essentiel nous avons levé les malentendus, mais il reste quelques divergences juridiques. Nous sommes allés trop vite sur certaines réformes et le législateur travaille sur de nouveaux textes.

C’est une question délicate car elle touche la liberté de conscience. Il y a vingt ans, nous avons voulu donner un maximum de droits aux citoyens. Avec cette libéralisation, il suffisait d’être une cen-

Nous avons voulu nommer un troisième vice-président. Cela a été contesté à Bruxelles, comme violant l’indépendance de l’institution. Nous sommes revenus làdessus. Autre point, nous avons diminué le salaire de son président. Avec la crise, nous avons plafonné les salaires des serviteurs de l’État,

DR

Avez-vous le sentiment que les tensions s’apaisent entre l’Union européenne et votre pays ?

«

L’INTÉGRATION EUROPÉENNE EST UNE TRÈS FORTE VALEUR POUR NOUS. C’EST POURQUOI NOUS VOULONS UNE EUROPE FORTE » László Trócsányi, ambassadeur de Hongrie en France

Cela étant dit, nous sommes un État de droit, démocratique et souverain. En 2010, nous avons élu une majorité de centre droit, le Fidesz, qui a remporté la majorité des deux tiers lui permettant de réformer la Constitution. Bien sûr, quand il y a des grandes réformes, il y a des oppositions. Nous avons ainsi dégagé un bloc de constitutionnalité autour de grands principes, de la même façon que votre Conseil constitutionnel a affirmé en 2006 qu’il existe une identité constitutionnelle, basée sur la laïcité, la solidarité et la République. Les traités internationaux doivent être conformes à ces principes. Au Parlement européen, des députés ont critiqué nos choix, mais le Parlement n’a pas de force juridique, c’est de la politique. Le Fidesz avait-il un mandat clair pour engager une telle réforme ?

Viktor Orbán avait clairement dit entre les deux tours que si le Fidesz avait la majorité des deux tiers, ces réformes seraient menées. Avant, le pays était dans une situation de blocage, les partis n’arrivant pas à se mettre d’accord. Aujourd’hui, cette majorité a une responsabilité très forte. Les citoyens ont dit : « Vous avez les commandes du navire, mais s’il n’avance pas, vous en serez les seuls responsables. »

taine pour créer une Église. Évidemment, la Hongrie est devenue le pays le plus religieux du monde ! Tout le monde recevait des avantages fiscaux. Nous avons appelé cela le « Business Church ». Nous avons donc pris en considération les religions représentatives, qui existent partout dans le monde. Nous avons touché là à des groupes organisés qui ont voulu faire croire à une persécution.

comme votre Président vient de le faire avec les ministres. 2 millions de forints c’est le maximum. Autrefois c’était 8 millions. Pour ce qui est des juges, nous avons changé la règle qui voulait que le président de la Cour suprême et du Conseil supérieur de la magistrature soient la même personne. Il y a désormais un président du CSM élu par le Parlement, idem pour la Cour.

Dans le même temps, les modes de nomination au Conseil de l’audiovisuel ont été modifiés et critiqués. Pourquoi ?

C’est vrai, elle a estimé que le président du CSM avait trop de pouvoirs. Nous en avons convenu, il sera donc accompagné de conseillers. Nous avons aussi une procédure d’infraction à Bruxelles sur l’âge de la retraite des juges pour motif de discrimination. Mais le préambule de la Constitution européenne prévoit que les États membres sont libres de fixer l’âge de la retraite… La situation était que, dès 62 ans, les juges pouvaient recevoir leur retraite et toucher encore leur salaire…

Y a-t-il quelque part des nominations neutres ? Nous avons décidé que c’est au Parlement d’élire les membres de ce CSA, donc il y aura une proximité avec la majorité. Vous remarquerez qu’il y a aussi une proximité entre cette majorité et les Hongrois qui ont voté pour elle… Cela étant dit, ces personnalités appartiennent à la société civile, regardons leurs carrières ! Ce ne sont pas des marionnettes. Nous avons proposé de faire une analyse comparative des nominations en Europe. Curieusement, personne n’a été intéressé… Les nominations à la Banque centrale et le statut des juges avaient été les principaux points de discorde…

La commission de Venise a pourtant critiqué la Hongrie sur cette question…

Toutes ces polémiques ont-elles éloigné la Hongrie de l’UE ?

Non, certainement pas, le sentiment eurosceptique traverse tout le continent, il est lié à la crise. L’intégration européenne est une très forte valeur pour nous, c’est pourquoi nous voulons une Europe forte.

On a vu, dans ce contexte, votre diplomatie se redéployer…

L’Europe est notre partenaire. Nous sommes membres du « club », nous avons des visions parfois divergentes, comme dans une famille. Pour autant, nous avons naturellement des relations avec les pays tiers. M. Orbán a eu des mots durs contre le projet de pipeline européen ?

Oui, Viktor Orbán dit ce qu’il pense, c’est son caractère. Pourquoi dire que quelque chose qui ne fonctionne pas marche ? Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à le dire. La Russie, comme le Kazakhstan et la Chine sont nos partenaires. Mais les États-Unis aussi. Nous sommes membres de l’Otan et présents en Afghanistan. Nous y sommes allés ensemble, nous sortirons ensemble. L’austérité en Hongrie est-elle la seule voie possible pour sortir de la crise ?

Nous estimons que l’endettement des États est un vrai problème. Un esclavage. De même que le déficit budgétaire. L’austérité reste un principe fort, après avoir connu les conséquences d’un déficit de 9 %, nous avons mis la règle d’or dans la Constitution.

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Dans ce contexte, la Hongrie a taxé les entreprises françaises. Sont-elles toujours mises à l’écart ?

Tous les secteurs ont été touchés. Nous voulons dire aux entreprises que nous voulons une relation sur la durée avec elles. Nous comprenons que ces taxes n’ont pas été une bonne surprise, mais elles étaient nécessaires autant qu’exceptionnelles. La page se tourne. Nous devons réduire le déficit de moitié, mais si nous avions augmenté les impôts, nous aurions perdu la majorité et l’espoir de mettre en place les réformes. Nous aurions aussi ouvert la voie aux extrémistes. Pour ce qui est de la relation avec la France, elle est importante sur tous les plans. Pour les échanges économiques, nous attendons beaucoup dans le domaine de la production. La Hongrie est un point logistique majeur avec le réseau autoroutier et le Danube. Nous sommes un pont entre l’Union européenne et l’Est. Début 2013, nous présiderons l’Initiative Europe centrale, nous voulons dire aux Français que nous les attendons, qu’il n’y a pas de priorité pour les entreprises allemandes…

Propos recueillis par Antoine Colonna


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Pratiques Les fiches thématiques de l’Hémicycle par Richard Kitaeff, Professeur à Sciences-Po Paris

Le cinéma et l’aide des collectivités locales

L

L’aide aux projets culturels d’intérêt local et aux salles de cinéma Quand des élus soutiennent des projets tels que l’éducation à l’image, les festivals ou les commissions du film, cela n’est pas considéré comme des aides aux entreprises mais comme des interventions qui entendent répondre à un intérêt public. Une délibération d’un conseil exécutif local, qu’il s’agisse de la commune, du département ou de la région, suffit à voter la subvention. S’inscrivant dans les articles L. 2121-29 et L. 3211-1 du Code général des collectivités territoriales, ces aides ne sont soumises à aucun encadrement particulier et relèvent de la politique culturelle. Les destinataires de l’aide sont la plupart du temps des associations. Concernant les subventions à des entreprises existantes ayant pour objet l’exploitation de salles cinématographiques, la notion d’entreprise se définit comme un établissement constitué en société et exclut les établissements exploités en régie qui sont soumis à une réglementation propre. Il doit s’agir de toute installation utilisée par l’exploitant en un lieu déterminé et qui fait l’objet d’une exploitation autonome. Les exploitations ambulantes (comme les « bus cinéma » ou autre) sont considérées comme de tels établissements. Au

niveau des conditions de l’octroi de l’aide, les entreprises doivent remplir deux conditions. D’abord, être titulaires de l’autorisation d’exercice délivrée par le Centre national de la cinématographie (CNC) pour chaque salle de l’établissement qui bénéficie d’une subvention. Ensuite, réaliser moins de 7 500 entrées (par semaine) ou faire l’objet d’un classement « Art et Essai ». Ce classement dépend d’un décret du ministre de la Culture, édicté le 22 avril 2002. Actuellement, plus de 1 000 établissements y sont énumérés en France (c’est-à-dire 40 % des écrans nationaux). La personne physique qui exploite l’établissement doit produire à l’appui de sa demande auprès de la collectivité un dossier complet (statuts de l’exploitation, description de l’équipement, comptes d’exploitation, relevé d’information sur les entrées hebdomadaires…). L’élément essentiel du dossier est le projet cinématographique présentant les actions prévues, en matière de programmation en direction de publics déterminés, de formation à la culture cinématographique ou de prospection des nouveaux publics. L’article R. 1511-42 prévoit que l’aide éventuelle est attribuée conformément aux stipulations d’une convention conclue entre l’exploitant et la collectivité locale qui doit fixer l’objet de l’aide, les objectifs correspondant au projet cinématographique, et les obligations que la collectivité peut fixer à l’exploitant (comme l’accueil des scolaires), son montant et les

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modalités de versement. Normalement conclue pour une période pluriannuelle, la convention prévoira généralement des dispositions permettant sa révision, notamment si la fréquentation évolue. On peut conseiller de stipuler que la subvention devra être remboursée, en cas de non-respect par l’exploitant de ses obligations. À propos du montant de l’aide, celle-ci pourra financer à la fois des dépenses de fonctionnement ou des dépenses d’investissement. En général, le montant annuel de l’aide apporté par une ou plusieurs collectivités ne peut excéder 30 % du chiffre d’affaires de l’établissement, ou 30 % du coût du projet si celuici porte exclusivement sur des travaux qui sont susceptibles de donner lieu à l’octroi d’un soutien financier de l’État.

Quel que soit le fondement juridique national de l’aide, leur notification devra respecter les règles communautaires de respect de la concurrence. La Commission a d’ailleurs confirmé la nature économique de ces aides (Communication de 2001 sur les œuvres cinématographiques ou audiovisuelles). Très complexes en cette matière, les règles com munau taires d’encadrement des régimes nationaux d’interventions économiques sont liées au droit des aides d’État. En revanche, il existe des fonds européens permettant un soutien

Bulletin d’abonnement 1 an (42 numéros*) pour 72 ¤ au lieu de 90,30 ¤ 2 ans (84 numéros*) pour 126 ¤ au lieu de 180,60 ¤ Tarif étudiant : 54 ¤ pour 42 numéros* Offre valable en France métropolitaine jusqu’au 31/12/2012

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La production cinématographique et l’Europe

Prénom

L’entreprise de production prend l’initiative de la responsabilité financière et artistique de l’œuvre. Elle est cessionnaire des droits des auteurs et conclut les différents contrats avec les techniciens et les artistes, ainsi que les différents contrats d’exploitation de l’œuvre. L’entreprise peut également intervenir en coproduction avec d’autres entreprises françaises ou étrangères. La collectivité attributaire, pour aider la production, précise quels sont les types d’entreprises concernés, le type d’activités faisant l’objet d’aides, les critères de sélection des demandes (intérêt artistique du projet, intérêt local pour la collectivité…).

Société

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direct de la part des institutions européennes. Le Conseil de l’Europe, par son fonds Eurimages, soutient la production et l’exploitation d’œuvres européennes (avec 1 350 longs-métrages soutenus depuis 1988). Le programme Media dépend de la Direction générale de l’Éducation et de la Culture de la Commission européenne : il est destiné à renforcer le cinéma et les œuvres interactives dans tous les États membres. Ses ressources sont importantes et il dispose d’antennes partout dans l’Union européenne et, en France, à Marseille et Strasbourg.

Fonction Adresse Code postal

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Date et signature Bulletin d’abonnement à retourner sous enveloppe affranchie à l’Hémicycle, 55, rue de Grenelle, 75007 Paris courriel : abonnement@lhemicycle.com Conformément à la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification pour toute information vous concernant.

À NOS LECTEURS L’Hémicycle s’interrompt pour cette période estivale. Rendez-vous le 19 septembre avec de nouvelles signatures et un objectif : faire de ce journal un lieu de débats et de réflexions politiques en respectant le pluralisme. N’oubliez pas de renouveler votre abonnement !

* Soit environ un an, en fonction du calendrier parlementaire.

e secteur cinématographique constitue un secteur économique regroupant la distribution de films, l’exploitation de salles et la production cinématographique. La légitimité des aides « politiques » à ce secteur s’appuie moins sur une carence de l’initiative privée que sur le rôle, fondamental, du cinéma dans l’expression des cultures. Ainsi, le traité de Maastricht du 7 février 1992 admet les aides d’État – normalement prohibées – bénéficiant au secteur cinématographique, à condition qu’elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun des membres de l’Union européenne.

PIXEL 4 IMAGES/SHUTTERSTOCK

Parmi les interventions économiques des élus, le cinéma et l’audiovisuel constituent une catégorie à part. Les aides à ce secteur, couvertes à la fois par les collectivités territoriales et les fonds européens, doivent tenir compte de considérations d’ordre culturel. Il peut s’agir aussi bien d’aides aux festivals, aux tournages, aux salles exploitantes…


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Culture

Le Brésil et Robert Doisneau s’invitent au festival Peuples et Nature Le Brésil et un Robert Doisneau inédit s’offrent jusqu’à la fin de l’été aux visiteurs curieux en 19 expositions photographiques gratuites, disséminées dans les ruelles ou dans la verdure, à La Gacilly (Morbihan), pour la 9e édition du festival photo Peuples et Nature. oli village dans le sud de la Bretagne, La Gacilly a mis entre autres le cap jusqu’au 30 septembre sur le Brésil. « La raison de ce choix ? Le fait que le Brésil, devenu sixième puissance mondiale, accueille en 2012 le prochain sommet des Nations unies sur le développement durable, vingt ans après celui, historique, de 1992 », justifie aisément Cyril Drouhet, commissaire du festival. Et pour parler du Brésil, qui pourrait mieux le faire que des Brésiliens ? Pour ce faire, Peuples et Nature remonte au XIXe siècle et aux premiers photographes brésiliens avec Marc Ferrez, dont les clichés nous présentent un Brésil des origines, encore préservé de l’interventionnisme humain. Rio y apparaît comme une tranquille

J

station balnéaire assoupie et une nature grandiose est immortalisée par le photographe. Plus proche de nous, José Medeiros – considéré comme « le pape du photojournalisme brésilien » – a figé le Brésil humain, celui de la mixité sociale, avec de nombreux portraits et des scènes de la vie quotidienne, depuis les années 1950 jusqu’à la dictature militaire qui renversa la Deuxième République, en 1964. Pour illustrer l’époque actuelle, le travail de l’agence brésilienne Tyba, fondée en 1991, ou encore celui de Julio Bittencourt, qui se penche sur les laissés-pour-compte de l’urbanisation. Sur le pignon d’une maison de La Gacilly, donnant de loin une impression de maison ancienne à colombages,

il présente un collage de la façade du 911 Prestes Maia, un immeuble de 22 étages de São Paulo, devenu en 2006 l’un des plus grands squats d’Amérique latine avec 750 familles hébergées dans les conditions les plus précaires.

« Une forme de symbole » « L’idée était de montrer comment nous occupons l’espace et les barrières que nous créons. Une forme de symbole », explique ce jeune photographe indépendant. Aujourd’hui, peut-être un peu grâce à celui qui considère la photo « comme une espèce de mégaphone pour donner la parole aux sans-voix », le Prestes Maia est fermé et ses habitants ont théoriquement été tous relogés. Dans une autre ruelle, où les fleurs

viennent rompre la sévérité des façades de schiste, une cinquantaine de photos inédites de Robert Doisneau réjouissent toujours autant : une fillette qui, tirant la langue sous l’effort, essaie de prendre son premier envol à bicyclette soutenue par son père ; un charbonnier au visage encore noirci qui savoure au zinc son petit verre de blanc ; une jeune fille au bouquet de roses surprise à Saint-Denis. « Mon père avait perdu sa mère à 8 ans. Il avait su d’emblée que la vie était dure. C’est pourquoi tout ce qu’il pouvait arracher de positif à la vie, il l’a fait […]. Il ne trouvait pas ça photogénique, la douleur. Toute sa vie, il a été à la recherche de la beauté fugitive de l’instant », confie Francine Doisneau, l’une des filles du photographe, dont on fête en 2012 le

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100e anniversaire de la naissance. Francine Doisneau et sa sœur, Annette, sont à la tête d’un fond extraordinaire de 450 000 clichés quand un fond de 200 000 est déjà considéré comme imposant. « Mon père s’est toujours considéré comme un modeste photographe, un artisan, qui allait faire des photos chez de grands artistes, comme Picasso, Braque ou Buster Keaton, dit encore Francine Doisneau. Il n’a jamais été en quête de reconnaissance. Ça ne l’intéressait pas. »

Pierre-Henry Drange Peuples et Nature du 1 juin au 30 septembre à La Gacilly (Morbihan) er

www.festivalphoto-lagacilly.com


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Politics online

L’adhésion en ligne : les raisons d’un échec Internet permet aux partis politiques de recruter en ligne de nouveaux adhérents. Les logiques privilégiées pour l’instant vont à l’encontre des us et coutumes de la Toile. Pas facile de mettre en place la démocratie participative si souvent évoquée durant la campagne de Ségolène Royal en 2006-2007. MYCHÈLE DANIAU/AFP

ombien de Français adhèrent à un parti politique ? Combien sont actifs, combien participent ? Pour chaque parti, les chiffres sont flous, notoirement réputés comme peu fiables car constamment soupçonnés d’être gonflés. Nous entendons ces propos de manière récurrente dans les médias qui suivent de près la vie politique française. Trois Français sur quatre ont un accès à Internet, 20 millions sont inscrits sur Facebook, le Web doit logiquement être un moyen massivement employé pour recruter de nouveaux adhérents.

C

Adhérer : rien moins de simple Les entreprises privées qui recrutent leurs clients sur Internet le savent : le processus d’adhésion est un moment crucial. L’internaute doit franchir cette étape en quelques clics, faute de quoi il se ravise et renonce. Et les informations demandées à ce moment-là doivent êtres clairement perçues comme nécessaires. PS, UMP, EELV, Modem et Parti de gauche mettent tous en avant la possibilité d’adhésion sur la page d’accueil de leur site. Le Nouveau Parti anticapitaliste et le Parti communiste n’ont pas fait ce choix. Le PC le place dans la rubrique « le Parti » et le NPA propose une rubrique « contact » qui permet d’écrire aux branches locales du parti. Le contact du parti au niveau national se trouve dans la rubrique « Qui sommes-nous ? ». Les partis qui permettent l’adhésion depuis leur site ont choisi différentes politiques : pour certains, il est possible d’adhérer directement en ligne alors que d’autres demandent aux internautes de laisser leurs coordonnées pour une reprise de contact ultérieure faite

Paradoxe : les partis politiques déploient plus d'imagination pour recruter sur les plages que sur Internet.

vraisemblablement par un responsable local. Les cotisations sont parfois libres, comme au Modem, avec un seuil minimum, ou bénéficient d’un « tarif d’appel » pour une primo adhésion – c’est le cas du PS qui a réactivé les adhésions à 20 euros. L’UMP et le Front national ont une grille fixe – 10 à 35 euros pour l’UMP, 15 à 250 euros pour le Front national. Ces grilles fixes donnent même des noms aux différentes catégories, tel l’adhésion « Prestige » à 250 euros pour le FN ou le tarif « couple » à 35 euros pour l’UMP. Un vocabulaire issu des usages marketing pour les clubs de services privés. Les partis de gauche privilégient une grille de cotisation en fonction des revenus. Exception notable, le PS ne donne pas le mode de calcul de cette cotisation conditionnée aux revenus. L’adhésion est à 20 euros la première année et les renouvellements de cotisation sont ensuite calculés au niveau de

chaque fédération (ce point n’est pas expliqué sur le site). Mais, d’une manière générale, les cotisations demandées grimpent rapidement et atteignent des montants bien supérieurs – plusieurs centaines d’euros – à ce que les partis de droite demandent.

L’argent, oui, mais sans rien dire de son utilisation Internet est un univers au sein duquel l’argent trouve difficilement sa place. Les entreprises privées l’ont bien compris : toute demande de cotisation pour adhérer à un club s’accompagne immanquablement d’un descriptif très clair des droits et avantages que cette cotisation va procurer. Un certain nombre d’associations ont elles aussi adopté cette logique. Client ou adhérent, l’acte de paiement ouvre droit à des contreparties. Sur Internet, presque tous les partis commencent leur dialogue avec

leurs futurs adhérents en parlant d’argent. En revanche, seul le Parti communiste explique l’intérêt d’une adhésion et détaille les droits de ses adhérents. Pour les autres partis, l’adhérent semble être en tout premier lieu un moyen de financement. Comment se passe la vie interne au mouvement ? Comment ces partis sont structurés ? Les réponses à ces questions n’existent pas, ou très peu. Tous les mouvements politiques ne publient pas leurs statuts, et quand ils le font, ces statuts se trouvent systématiquement dans les profondeurs du site. L’adhérent qui veut les connaître doit aller fouiller. Et l’information mise en avant concerne beaucoup plus les élus que l’action du collectif.

Militer ne veut pas dire participer La participation des militants n’est pas non plus un sujet que les partis mettent en avant. Certes, en

période électorale, beaucoup mettent à disposition sur leur site les tracts en PDF, des bannières publicitaires ou des vidéos que les militants blogueurs peuvent placer sur leur site. Mais la parole et les idées des adhérents semblent nettement moins les intéresser. Seuls le PS, le Modem et EELV disposent d’un réseau social qui leur est propre, et encore ces réseaux sociaux ne sont pas mis en valeur sur les sites. « La coopol » du PS est reléguée en bas de page d’accueil, le réseau « les Démocrates » du Modem est gratifié d’un petit « sticker » peu visible en milieu de colonne de droite et EELV place le lien de son réseau social dans la barre de rubrique mais sans l’identifier plus clairement qu’avec la mention générale « le réseau ». L’UMP compte sur ses pages Facebook qui ne rassemblent que quelques milliers de « fans ». Le mur de la page Facebook du parti est révélateur : les informations mises en avant ne suscitent que quelques dizaines de commentaires en moyenne alors que les sujets politiques dépassent souvent la centaine de commentaires d’internautes sur les sites des grands médias.

La politique sans les citoyens En définitive, le fonctionnement des partis politiques reste, sur ce point, en mode « top-down » : les militants sont sollicités pour soutenir, diffuser, relayer, mais pas vraiment pour donner leur opinion ou proposer des idées. La démocratie participative chère à Ségolène Royal durant sa campagne de 2006-2007 n’a, en fin de compte, pas accouché d’un changement significatif des us et coutumes des partis politiques en ligne. Manuel Singeot

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 12 582 ¤. RCS : Paris 443 984 117. 55, rue de Grenelle - 75007 Paris. Tél. 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle GÉRANT-DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Bruno Pelletier (brunopelletier@lhemicycle.com) RÉDACTEUR EN CHEF Joël Genard (joelgenard@lhemicycle.com) ÉDITORIALISTES/POINT DE VUE François Clemenceau, Bruno Jeudy, Gérard Leclerc, Fabrice Le Quintrec, Éric Maulin, Marc Tronchot AGORA Thomas Renou DOSSIERS Tatiana Kalouguine, Elsa Nathan INTERNATIONAL Philippe Dessaint, Patrick Simonin L’ADMIROIR Éric Fottorino COLLABORENT À L’HÉMICYCLE Ludovic Bellanger, Jean-Louis Caffier, Florence Cohen, Antoine Colonna, Axel de Tarlé, Pierre-Henry Drange, Anita Hausser, Richard Kitaeff, Manuel Singeot, Guillaume Tabard, Brice Teinturier, Philippe Tesson, Pascale Tournier CORRECTION Aurélie Carrier MAQUETTE David Dumand PARTENARIATS Violaine Parturier (violaineparturier@lhemicycle.com - Tél. : 01 45 49 96 09) IMPRESSION Roto Presse Numéris, 36-40, boulevard RobertSchumann, 93190 Livry-Gargan. Tél. : 01 49 36 26 70. Fax : 01 49 36 26 89 ACTIONNAIRE PRINCIPAL Agora SASU Parution chaque mercredi ABONNEMENTS abonnement@lhemicycle.com COMMISSION PARITAIRE 0413C79258 ISSN 1620-6479 Dépôt légal à parution

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Le Web efface les frontières entre vie privée et vie professionnelle Utilisation de terminaux personnels connectés en permanence, réseaux sociaux, télétravail, de plus en plus de collaborateurs ne coupent jamais vraiment le lien avec leur travail. Le législateur va devoir se pencher sur cette redéfinition de la limite entre vie privée et vie professionnelle. amener du travail à la maison n’est pas un fait nouveau. De nombreux cadres, de la fonction publique comme du privé, sont habitués à ces dossiers qui font la navette entre bureau et domicile. Mais Internet, dont la fonction première est de faciliter l’accès à l’information, est en train de changer la nature de ce travail fait chez soi. Désormais, ce n’est plus un dossier que l’on peut prendre sous le bras, c’est tout son bureau. Le Cloud en effet permet cela. De plus en plus d’entreprises déportent tout ou partie de leur système d’information dans un espace virtuel accessible via Internet selon des protocoles sécurisés. Ces informations sont disponibles partout, chez soi comme dans l’entreprise.

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La souplesse qu’apportent tous ces outils et services en ligne entre pourtant en contradiction avec la législation du travail. Par exemple, le droit français impose un temps de repos obligatoire de onze heures consécutives entre deux journées de travail. Un collaborateur qui lit donc tranquillement ses mails le soir à 22 heures chez lui et refait la même opération le lendemain matin à 8 heures pendant son petit déjeuner est en infraction avec le code du travail. Sans en avoir forcément conscience : il ne fait que lire ses mails et, le cas échéant, apporter une réponse succincte ou urgente. Nous assistons en réalité au choc frontal entre deux logiques : d’un côté, le droit du travail est là pour

encadrer l’activité professionnelle et éviter qu’un employé ne soit utilisé en permanence, et parfois sans rémunération. Durée légale du travail, temps de repos obligatoire, congés payés, toutes ces règles ont été édictées pour lutter contre l’ancienne exploitation qui a accompagné la révolution industrielle et sont désormais des acquis sociaux. En face, les nouveaux usages induits par la révolution numérique apportent de la souplesse aux employés et des gains de compétitivité à des entreprises qui en ont besoin, dans un contexte économique tendu résultant d’une compétition planétaire sans merci. Le législateur va pourtant devoir se pencher sur cette redéfinition de

la limite entre vie privée et vie professionnelle. Son impact est parfois non négligeable : un abonnement à un opérateur mobile permettant l’accès illimité à Internet coûte entre 30 et 80 euros par mois, prix auquel il faut parfois ajouter l’acquisition d’un smartphone. Et, pour des employés qui sont souvent en déplacement à l’étranger, le coût des communications explose. Qui va prendre en charge cette dépense ? L’employé, alors qu’une partie de l’utilisation se fait à titre professionnel, ou l’entreprise, même si le collaborateur emploie l’abonnement et le terminal à titre personnel ? Comment faire le ratio ? Comment aussi estimer la part de revenu liée à une activité en ligne sur les réseaux sociaux ?

Comment enfin assurer une sécurité suffisante des systèmes d’information des entreprises lorsque des quantités importantes d’informations parfois stratégiques sont lues sur des appareils non sécurisés ou dans des lieux où le collaborateur peut être espionné ? Certaines entreprises ont réagi et interdit ces activités en dehors des lieux et horaires de travail. Elles se privent pourtant d’une souplesse alors que certains concurrents étrangers n’ont pas ces scrupules. Ce dossier va arriver rapidement sur les bureaux de nos députés et sénateurs. Sa complexité va demander doigté, finesse et surtout des lois souples et protectrices. Un vrai défi pour la législature qui débute. M.S.

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PRÉVOYANCE SANTÉ ÉPARGNE RETRAITE

NUMÉRO 448, MERCREDI 4 JUILLET 2012 L’HÉMICYCLE

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