Les prescripteurs du roman ado

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c’était des textes vachement polémiques, noirs, beaucoup de réalisme social, etc. Donc même s’il y avait des gens très enthousiastes sur la qualité des textes, il y en avait plein d’autres qui ne voulaient pas y toucher. Mais d’un autre côté, ce n’était pas désagréable puisque ça faisait de

l’écho, même si on ne voulait pas y toucher, on était connu. Enfin en tout cas, à l’époque, c’est sûr qu’on ne rentrait pas dans les classes. Aujourd’hui on y est assez naturellement. 10 ans après, ce n’est pas qu’on est devenu consensuel ou quoi, parce qu’il y a encore des tas de gens qui ne nous connaissent pas ou qui ne veulent pas avoir à faire à nous, mais par rapport à avant,

on est beaucoup moins marginal quand même. Mais il a fallu passer par tout un discours, d’un côté on était offensif sur les textes et les thématiques et d’un autre côté on était rassurant en disant « non mais allez-y sans crainte, les jeunes adorent ça »…Maintenant ça ne m’arrive plus

du tout mais à l’époque, il y a eu bon nombre de fois où il fallait que j’aille parler des livres, où je

m’en prenais plein la gueule pendant les réunions, les conférences. Aujourd’hui ça ne se produit plus du tout. Mais je le savais, quand j’étais invitée dans une assemblée face à des libraires, des

bibliothécaires, dès qu’on donnait la parole à la salle, je recevais plein de remarques, ça pouvait être aggressif du genre « mais comment osez-vous publier de tels textes ? ».

Adèle Leproux : Finalement il y a eu deux vagues, il y a eu Cité nique-le-ciel qui a ouvert la

« doado » et puis une deuxième vague en 2006 qui fait écho avec la première avec Je mourrai

pas gibier qui ouvre la « doado Noir » et là, on retrouve la polémique qu’on a créée au tout début.

Sylvie Gracia : Oui, c’est vrai qu’on a eu plein de polémiques. Ça pouvait être violent, une fois

Danielle Dastugue a été obligée d’aller calmer une assemblée de libraires. Et puis, même avec

l’écho qu’on recevait « grâce » aux polémiques, les ventes restaient quand même calmes, les succès qu’on a aujourd’hui, on ne les avait pas du tout à l’époque.

Est-ce que c’est la production de « doado » qui s’est assagie ou est-ce que les prescripteurs sont plus ouverts aujourd’hui ? Sylvie Gracia : Notre production s’est très largement diversifiée en fait. Donc non, on ne s’est

pas forcément assagi, mais on ne fait plus uniquement du roman de réalisme social ou du roman noir, donc c’est plus calme.

Adèle Leproux : Avec Je mourrai pas gibier, finalement on a eu le prix Sorcière en 2007, qui est quand même une reconnaissance d’un corps de métier sur notre travail en « doado » et pourtant Guillaume Guéraud a toujours fait polémique et les Sorcières justement ont toujours été

un peu frileuses sur ses titres. Donc les choses ont aussi évolué, et elles passent de mieux en mieux finalement.

Sylvie Gracia : Mais justement, ce qui est intéressant sur le roman ado, c’est que dans les années 2000, il y a eu une ouverture, un développement des collections, on a vu entrer de nouveaux

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