La Russie d'Aujourd'hui

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Objectif braqué sur les Kalachnikovs Iouri Kozyrev, photographe des guerres et révolutions, engrange des récompenses. P. 7

La chanson à texte russe à Anvers Zemfira fait un tabac dans la jeunesse et ses chansons marchent aussi à l’export. P. 7

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Ce supplément est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Moscou, Russie) qui assume seule l'entière responsabilité de son contenu Mardi 25 octobre 2011

POLITIQUE & SOCIÉTÉ

Politique La Russie à l’aube d’une campagne dans laquelle les électeurs cherchent des points de repère

Des partis en quête d’idéologie

Le combat pour sauver la Mer d’Aral © REUTERS/VOSTOCK-PHOTO

On ne sait jamais très bien ce qui se cache derrière le nom des partis. En outre, ces derniers sont dépourvus d’une idéologie bien définie, ce qui déroute et surtout éloigne les électeurs. VLADIMIR ROUVINSKI

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Qu’attend-on d’un parti qui se nomme « libéral-démocrate » ? Qu’il prône des principes libéraux et démocratiques ? Pas en Russie, où la formation qui en porte le nom (LDPR en abrégé) se présente comme un « parti d’État » au service des intérêts du peuple. Or, il s’agit d’un parti proche des mouvements nationalistes. Son chef,Vladimir Jirinovski, a déclaré le 22 août dernier qu’il porterait à la Douma un projet de loi à résonance ethnocentriste de « soutien au peuple russe ». Qu’est censé représenter le Parti communiste ? En principe, la défense des intérêts des travailleurs dans une société sans classes et athée ? Eh bien, non.

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OPINIONS

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Le scientifique Nicolaï Aladine a consacré sa vie à sauver la mer d’Asie Centrale. Les premiers résultats positifs sont visibles.

Les chefs des partis représentés au Parlement en compagnie du Président Medvedev. À la pêche aux voix ?

PHOTO DU MOIS

La terre revient dans les affaires

Un océanarium loin des océans

Tableau typique de la campagne russe : vaches solitaires errantes, kolkhozes délabrés et jachères à perte de vue. Mais des investisseurs reprennent les choses en main. HEIDI BEHA

Une vache noiraude et maigrelette broute toute seule derrière une route du Sud-Ouest de la Russie, à 100 kilomètres de Koursk. Les fermiers Klaus John et Sergueï Iarovoï se rendent

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Table ronde des industriels Russie-UE

Le premier océanarium de Moscou sera inauguré le 28 octobre. Le sel de cet aquarium géant est spécialement importé

de la Mer Morte. Les visiteurs seront immergés dans un environnement marin grâce à de vastes tunnels aux parois transparentes.

Conquête du net

Crise étrangère

Patrie des écrivains

Un grand nombre de startups lancées par des femmes et pour les femmes font leur apparition sur l’Internet russe. Bien pratique pour gagner sa vie en élevant son enfant.

Les indicateurs macro-économiques restent encourageants, mais la Russie reste trop vulnérable aux influences extérieures.

Peu connue même dans son propre pays, la ville d’Oriol recèle de nombreux charmes avec son patrimoine architectural et ses sites naturels remarquables.

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AFFAIRES À SUIVRE

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SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

dans une exploitation appartenant à leur employeur Prodimex. Des pâturages, des champs de tournesols et des céréales prêtes à être récoltées longent la route de campagne bosselée. John pointe du doigt l’animal et dit : «Voilà à quoi ressemble l’industrie laitière russe ». Les Russes sont nombreux à produire eux-mêmes leur lait, mais aussi à planter des herbes et des patates dans leurs datchas. Plus de la moitié du bœuf russe provient d’abattoirs privés, et plus de 90% des patates poussent

Les experts Alexandre Strokanov et Ira Straus commentent l’article de Vladimir Poutine et sa conception d’une union nouvelle. PAGE 6

Agriculture Éclairage sur un secteur en plein redémarrage dans des jardins personnels. « Comme Pierre, le jeune berger gardant des chèvres dans les Alpes. Ça a l’air idyllique, mais ça ne nourrit pas le pays de 147 millions d’habitants », souligne John. Chaque année, la Russie doit importer un million de tonnes de porc rien qu’en provenance des États membres de l’Union européenne. C’est pourquoi le président Medvedev a inclus le principe d’autosuffisance dans la doctrine de sécurité alimentaire. Ainsi, d’ici 2020, 85% de la viande et 90% du lait devront être produits sur le territoire russe, ce qui représentera une augmentation de 20%.

L’Union eurasienne

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Le 8 novembre, l’Hôtel Renaissance de Bruxelles accueillera une table ronde consacrée aux relations Russie-UE avec la participation de hauts représentants russes et européens. Lisez davantage sur larussiedaujourdhui.be

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Politique & Société

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Des partis en quête d’idéologie SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

En Russie, le KPRF prend activement part au monde des affaires et soutient l’Église orthodoxe, que les communistes ont combattue avec acharnement sous le régime soviétique. L’observation vaut pour le parti Juste cause, qui regroupe les libéraux de droite. Or, quand le milliardaire Mikhaïl Prokhorov en a pris les rênes, il a produit un manifeste en porte-à-faux avec toute idéologie de droite, mettant l’accent sur les garanties sociales et affichant un anticléricalisme marqué. Selon l’institut de sondage « Opinion publique », l’électorat de Prokhorov serait constitué en majorité de citoyens dotés de revenus modestes mais d’un bon bagage éducatif. L’une des caractéristiques du système politique russe est donc l’inadéquation entre le nom du parti et son programme. Les partis sont dépourvus d’idéologie clairement définie. On mise tout sur la personnalité du chef. Exemple : Russie unie, le parti qui soutient Vladimir Poutine – celuici, qui n’en est même pas membre, se déclare centriste. Dans la pratique, Russie unie est le parti du pouvoir par excellence, sans programme réel. En période électorale, les partis laissent de côté l’idéologie pour se limiter à la publication de leur programme, sans débats publics. Conséquence : le désintérêt total des électeurs. Le politologue Nikolaï Petrov, de la fondation Carnegie à Moscou, explique que « l’idéologie au sein des partis a commencé à disparaître déjà sous Eltsine. Ce n’est pas la faute du pouvoir actuel mais une particularité de la Russie post-soviétique qui, contrairement aux autres républiques de l’ex-URSS, n’a toujours pas su trouver un ancrage idéologique ». Ces onze dernières années, le terrain politique russe a rétréci. Moins de joueurs, et des joueurs de plus en plus dociles. « Le gros du pouvoir politique était détenu par Russie unie, qui ne supporte pas la concurrence. D’autre part, il n’y avait pas de réelle revendication sociale en matière de partis indépendants. La mentalité russe est en mal de leaders charismatiques mais les gens en place s’avèrent plus faciles à contrôler », explique

Les principales formations politiques

La fraude électorale est devenue si manifeste que la population a perdu confiance dans la consultation Alexei Moukhine, directeur du Centre de l’Information politique. Parallèlement, les barrières électorales se renforcent. Il faut 7% de voix pour qu’un parti soit représenté à la Douma, et il devient de plus en plus difficile d’enregistrer une nouvelle formation. De fait, sept partis seront en lice aux élections parlementaires de décembre prochain, dont quatre sont déjà présents à la Douma : Russie unie, LDPR, KPRF, et Russie juste. Ce dernier, créé par l’équipe de Poutine sur le créneau

socialiste, est dirigé par des hommes loyaux envers le Premier ministre. Autre cas de parti piloté du Kremlin : Juste Cause, destiné à occuper la niche libérale. Mais son chef, l’oligarque Mikhaïl Prokhorov, vient d’en claquer la porte, ne supportant plus d’être instrumentalisé. Ce scandale prive le parti de toute chance de passer la barre des 7%. Selon les derniers résultats du centre d’analyse indépendant Levada, la moitié des Russes veut conserver le statu-quo politique, tandis que l’autre moitié se dit prête à de grands changements. Une priorité pour Russie unie : atteindre le taux de participation de 50% aux élections, ce qui lui permettrait de revendiquer le soutien de la majorité des électeurs. L’augmentation du taux de par-

ticipation intervenait souvent dans les régions à la faveur de pressions administratives, notamment sur la partie de l’électorat dont les salaires et minimas sociaux dépendent directement des décisions prises par le parti au pouvoir. Dans les régions de Tchétchénie et du Daghestan, le taux de participation aux élections régionales d’octobre 2010 a été égal et même par endroits supérieur à 100%, et 95% des suffrages se sont portés sur Russie unie. Face à ces résultats, les trois partis d’opposition ont quitté la Chambre de la Douma en signe de protestation en accusant Russie unie de fraude massive. La Commission électorale centrale et la Haute cour de justice ont pourtant confirmé la légitimité du scrutin et jugé insignifiantes les entorses aux règles électorales. À la suite

de quoi les partis d’opposition ont remis en cause l’indépendance des autorités, mais l’affaire resta sans suite. La fraude électorale est devenue si évidente en Russie que la population a perdu toute confiance dans le processus. D’après les données récentes du centre Levada, 52% des électeurs russes sont prêts à aller aux urnes contre 53% en 2007, le taux des indécis ayant grimpé de 5 points. Parmi ceux qui n’iront pas voter, 34% considèrent que leur participation n’aura aucune incidence sur la situation politique. Et une majorité écrasante des sondés (70%) sont persuadés que les députés « ne tiennent pas leurs promesses électorales ». Les politologues s’accordent à dire que de nombreux partis ont gauchisé leurs slogans pour répondre

aux revendications croissantes de la population, notamment en matière de justice sociale. Mais le courant porté par l’idéologie nationaliste dispose aussi de ses relais politiques. L’électorat nationaliste est courtisé par le LDPR qui propose de faire adopter des lois relatives à la défense du « peuple russe », par le KPRF qui prône un « socialisme russe », et par le parti Juste Cause qui s’oppose à l’immigration des Caucasiens et des Asiatiques. Une chose est certaine : le Kremlin a tiré les leçons des derniers scrutins qui ont eu lieu en Russie, en Ukraine et au Belarus. À savoir que le déroulement des élections convient d’autant mieux au pouvoir en place que les partis échappant à son contrôle sont moins nombreux à participer au vote.

Ex-URSS Moscou prend des mesures préventives avec ses voisins pour contrer militairement tout soulèvement populaire

L’ex-URSS a trouvé un vaccin contre le Printemps arabe ROMAN VOROBIEV

LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

L'Organisation du Traité de sécurité collective a été créée en 1992 en tant qu’analogue et contrepoids à l'OTAN dans l’espace postsoviétique. Toutefois, la conception de l'organisation reste jusqu'à présent assez floue. Les experts notent qu’actuellement, pas un seul pays membre de l’organisation n’est entièrement satisfait du modèle de fonctionnement de l'organisation. La nécessité d'une réforme de l’OTSC a été rappelée à la mémoire des sept dirigeants postsoviétiques à l’apogée du Printemps arabe. En août, le président bié-

lorusse Loukachenko a déclaré que les discussions en cours sont centrées autour des moyens d'éviter l'expérience "malheureuse" de leurs collègues de Tunisie, d'Egypte et de Libye. Les réformes proposées concernent le système de prise de décision de l'OTSC. Jusqu'à présent, l'organisme tranche toutes les questions par consensus. Suggestion est faite de fixer dans la charte le principe de prise de décision à la majorité simple. Comme l’a déclaré le politologue Igor Iourguens, « personne n’a besoin de l’OTSC sous la forme d'un club où l’on cause. Cette compréhension existe en Russie, elle grandit chez nos partenaires. Aussi avons-nous besoin d'un nouveau système de prise de décision ». Il s'agit d'autre part de transformer radicalement le modèle des relations entre l’OTSC et l'OTAN.

L'Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Russie, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan. Les effectifs totaux des Forces collectives de réaction rapide de l'OTSC s'élèvent à près de 20 000 hom-

IL L'A DIT

Dmitri Rogozine REPRÉSENTANT DE LA RUSSIE AUPRÈS DE L'OTAN

"

La Russie sait qu'elle ne doit pas uniquement assurer sa sécurité, mais aussi projeter sa propre sécurité sur les pays d'Asie centrale. Car c'est dans des contrées aussi éloignées que nous devrons arrêter les islamistes radicaux."

Initialement, la structure avait été créée comme un contrepoids à l'OTAN. Désormais, l'OTSC doit se fondre dans le programme de « redémarrage » des relations avec l'Occident, « afin de trouver une compatibilité au moins partielle

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La Russie veut reformer son "OTAN" régional (l'OTSC). Correction technique ou stratégie contre un "scénario arabe" sur le territoire de l'ex-URSS ?

Les sept pays membres de l'OTSC

Soldats kirghizes participant à des manoeuvres militaires de l'OTSC.

entre l’OTSC et les forces de réactions rapide de l’Alliance ». Les experts notent que les événements au Moyen-Orient ont constitué le principal moteur de la réforme de l'OTSC. D’ailleurs, les dirigeants de l’organisation sont loin d’être de simples observateurs extérieurs. La moitié des chefs d'États de la structure se distinguent par un long séjour au pouvoir, ce qui les rapproche du président tunisien Ben Ali en

fuite, de l'Egyptien Hosni Moubarak actuellement jugé ou du colonel libyen Kadhafi. Noursoultan Nazarbaïev, le président kazakh, est président depuis 20 ans. Alexandre Loukachenko et Emomali Rahmon dirigent respectivement le Belarus et le Tadjikistan depuis 17 ans. Le parallèle est assez éloquent pour forcer les leaders des anciennes républiques soviétiques à la réflexion, souligne une

mes. Selon la charte de l'organisation, l'OTSC peut utiliser la Force pour repousser une agression militaire directe, lors d'opérations antiterroristes, ou afin de combattre le trafic de drogue.

source dans les cercles diplomatiques. « Dans le passé, certains dirigeants percevaient l’appartenance à l'organisation comme un fardeau, les événements en Afrique les ont largement dégrisés ». Certains experts comme Fiodor Loukianov doutent que l'OTSC puisse atteindre ses objectifs. «Si les forces collectives de réaction rapide de l’OTSC obtiennent la possibilité d'intervenir dans les conflits internes, l'Organisation deviendra l'analogue du Conseil des États du Golfe mené par l'Arabie saoudite, qui a joué un rôle d'extincteur des incendies révolutionnaires. C’est une arme à double tranchant. Les pays d’Asie centrale ainsi que la Biélorussie ne voudront pas donner à la Russie l'occasion de s'immiscer dans leurs affaires intérieures ».


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Politique & Société

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Écologie Autrefois quatrième plus grand lac du monde, la mer d'Aral est aujourd'hui une image désastreuse de l'irresponsabilité humaine

CHRISTOPHER PALA

LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

Coincé entre la politique donnant la priorité au coton, qui a entraîné l’assèchement de la mer d’Aral, et l’effondrement de l’Union soviétique, le scientifique russe Nicolaï Aladine a été obligé d’effectuer ses recherches en secret depuis 1978. Son travail a cependant infl u e n c é c e u x qu i t e n t e n t aujourd'hui de faire revivre la partie nord de la mer. Nicolaï Aladine s’approche de l’épave d’un petit bateau rouillé où les mots « Otto Shmidt » sont encore lisibles sur la proue. Tout autour, on peut marcher sur ce qui constituait par le passé le fond de la mer d’Aral, qui s’étend désormais à l'horizon et se confond avec le désert qui l’entoure. Ce navire de recherche doit son nom au célèbre scientifique russe qui a exploré l’Arctique dans les années 1930. En 1996, lors d’une dernière croisière financée par des subsides japonais, il était le dernier à naviguer encore sur la mer d'Aral. « J’ai effectué 25 expéditions sur ce bateau », indique Aladine d’une voix puissante. Professeur à l’Institut de zoologie de l’Académie des sciences de SaintPétersbourg, Aladine a étudié la mer d’Aral plus longtemps que

Évolution du niveau de la mer d'Aral

Nicolaï Aladine a passé une grande partie de sa vie à remuer ciel et terre pour sauver la Mer d'Aral.

neur kazakh de construire, avec une poignée de bulldozers et peu d’expertise, une digue rudimentaire pour garder l’eau du Syr-Daria dans la partie nord de l’Aral. Résultat : la salinité baisse et certains poissons reviennent. Mais la digue se fissure chaque fois que le niveau de l’eau monte. La Banque mondiale décide finalement de financer la construction d’une digue en terre et d’une écluse en béton de près de 13 km, très efficaces. Dès 2005, la digue est achevée et permet d’accumuler l’eau dans la mer et de restaurer progressivement les écosystèmes originaux. Six ans plus tard, la quantité de poissons est passée de 3 500 à 18 000 tonnes, selon Zaualkhan

Iermakhanov, responsable du secteur local de la pêche. Les pêcheurs attrapent 6 000 tonnes de poisson par an en utilisant des filets rudimentaires. Les villages de la région construisent de nouvelles maisons, des écoles et des antennes satellite, et une usine de transformation du poisson à Aralsk a permis de créer 41 emplois. « Le premier barrage était expérimental », indique Aladine. « Nous voulions prouver que les désastres perpétrés par l’homme pouvaient être réparés par l’homme. Je suis très fier qu’ils aient construit une digue efficace ». Aujourd’hui, le gouvernement kazakh, financièrement à l'aise grâce à ses pétrodollars, envisage d’accélérer la ré-

Femmes L’apparition des start-up féminines sur Internet constitue une tendance lourde

Les femmes entrepreneurs prennent l'Internet d’assaut Les boutiques de lingerie ou de vêtements sur le net sont moins coûteuses qu'une vraie boutique, mais bien suffisantes pour gagner son pain et nourrir son enfant. ELENA NOVIKOVA

Tatiana Smolova, 30 ans, ne s’imaginait pas femme d’affaires. Après des études à la faculté de lettres, elle démarre comme assistante du directeur d’une petite entreprise. Puis elle trouve un emploi mieux payé, mais tombe enceinte au bout d’un mois. Elle se trouve du coup obligée de trouver un emploi qui lui permette d’élever seule son fils. C’est ainsi que son idée de monter sa propre affaire sur Internet est née. Aujourd’hui, cela fait quelques mois que Tania a ouvert sa boutique en ligne pour femmes enceintes. Une affaire qui lui permet de vivre correctement tout en consacrant du temps à son enfant. Des centaines de start-up lancées par des femmes sont apparues sur l’Internet russe au cours des trois dernières années. Ce sont souvent des produits et services proposés par des femmes et destinés à des femmes. Vêtements de grossesse et d’allaitement, chaussures d’enfants d’occasion, couches et jouets, offres de garde d’enfants...

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LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

Alena Popova, journaliste de formation, e-entrepreneur par vocation.

EN CHIFFRES

70%

c'est la proportion de femmes travaillant dans les RH ou le marketing, secteurs fortement frappés par la crise.

Créer un business en ligne est moins coûteux qu’ouvrir une vraie boutique, mais aussi et surtout,le fait de travailler en ligne procure aux jeunes mères indépendance et liberté : grâce à Internet, elles peuvent travailler de chez elles à n’importe quelle heure, selon leur disponibilité. Alena Popova a 29 ans. Elle est

journaliste. Après avoir terminé l’université, elle a travaillé pour la télévision puis a lancé sa propre affaire sur Internet. Elle gère à présent onze nouveaux projets en ligne dont le plus connu, Startup Women, existe depuis trois mois. C’est une école en ligne pour les femmes entrepreneurs qui leur donne toutes les informations nécessaires et leur apporte de l'aide, y compris financière, pour lancer leurs propres projets. Son idée est née lors de la crise de 2008, alors que plusieurs de ses amis perdirent leur travail. Selon Alena, trouver un bon emploi est plus difficile pour une femme que pour un homme. Surtout si elle a des enfants et qu’elle les élève seule. Elle a donc décidé de prouver qu’une startup est une bonne opportunité, surtout en province où la situation sur le marché du travail est pire que dans la capitale. L’initiatrice des startups féminines se rend souvent à des conférences et des séminaires en dehors de Moscou pour convaincre les femmes d’utiliser plus activement les possibilités offertes par Internet. Mais 70 à 80% des nouvelles entreprises en ligne ferment dès leurs premiers mois. L’épreuve la plus difficile est de traverser « la vallée de la mort », c’est-à-dire de survivre au-delà d’un an.

Avant 1960, la mer d’Aral occupait une superficie de 67 000 km2. Elle fournissait 50 000 tonnes de poisson par an. Le secteur de la pêche employait alors 60 000 personnes. Près de 5 millions d’hectares de terres sont cultivées en amont. 1960 : Moscou augmente massivement l’irrigation et veut transformer la mer en un lac d’eau salée, partant du principe que le coton vaut 100 fois plus que le poisson.

1987 : la superficie de la mer a diminué de deux tiers. La surface irriguée a doublé, la salinité a triplé, le secteur de la pêche a disparu. Les maladies intestinales et cancers de la gorge se multiplient. 2011 : le Nord de l’Aral, dont la superficie est aujourd’hui de 3 300 km2, a été ramené à la vie grâce à une digue qui a permis une chute de la salinité et le retour d’une vingtaine d’espèces de poissons.

habilitation de la mer d’Aral. Deux plans sont à l’étude. Dans le premier, on envisage d’élever la digue de Kokaral pour que le niveau de la mer augmente d’environ 6 mètres, étendant sa surface de 5 500 km2 à plus de 8 000 km2. L’autre plan consiste à creuser un

canal au Nord qui détournerait le Syr-Daria pour ramener la mer à Aralsk, rendant à la ville son rôle de port. Aladine, qui continue à se rendre tous les ans dans l’Aral, participe à des conférences scientifiques où il presse d’adopter les deux plans l’un après l’autre.

EN BREF SONDAGE MONTÉE DE L'INTOLÉRANCE : DES STATISTIQUES INQUIÉTANTES Selon un sondage récent commandé par la mairie de Moscou, un tiers des habitants de la capitale se dit hostile envers les immigrés au sens large, c'est à dire venant de l’étranger comme de la province russe. En 2010, les données de VTSIOM ont montré que le problème migratoire préoccupe davantage les habitants de Moscou que le chômage, l’écologie ou la corruption. En janvier 2011, 11% ont répondu que « le maire Sobianine devait tout d'abord gérer le flux migratoire provenant des pays asiatiques (comme le Tadjikistan, l'Ouzbekistan...) ».

Dans ce dernier sondage, 17 % des personnes interrogés pensent que le flux des migrants de l'ex-URSS est le problème essentiel. D'après Alexandre Verkhovski, directeur du centre Sova (spécialisé dans l'observation des problèmes liés à la xénophobie), les résultats du sondage moscovite sont proches des données générales du pays : 35% de la population a une attitude négative par rapport aux étrangers. Le nationalisme est déjà largement utilisé par plusieurs partis russe de droite comme de gauche et sera un élément central des élections légistalives de décembre.

ÉDUCATION 15 000 ENFANTS SCOLARISÉS À MOSCOU NE PARLENT PAS RUSSE Près de 28 000 écoliers moscovites n’ont pas la citoyenneté russe, et 15 000 d’entre eux ne parlent pas la langue, a déclaré l’adjointe au maire de la capitale, chargée des questions de l’éducation et de la santé, Olga Golodets. « Des cours supplémentaires de langue russe sont prévus pour ces enfants », a-t-elle indiqué. Elle a également précisé que l’apprentissage du russe avait déjà été organisé dans 245 écoles de la ville. Il y a peu, les autorités ont pris une série de mesures sociales pour favoriser l’adaptation des arrivants, et elles ont notamment l’intention de continuer à ouvrir

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n’importe qui. Il la découvre en 1978 quand, prenant des vacances après avoir défendu sa thèse, il se rend à Aralsk, le port du Nord, pour faire de la plongée. Quatrième plus grand lac du monde, la mer d'Aral est située dans le désert à l’Est de la mer Caspienne - Aral signifie « île » en kazakh. Elle est alimentée par les deux plus grands fleuves coulant vers l’Ouest de l’Asie centrale, le Syr-Daria et l’Amou-Daria, dont les eaux proviennent des glaciers des montagnes du Pamir, voisines de l’Himalaya. Mais à partir de 1960, les autorités soviétiques commencent à détourner l’eau des deux fleuves pour produire du coton, en sachant pertinemment que la mer disparaîtrait. « Lorsque je suis arrivé à Aralsk », se rappelle Aladine, « le port était asséché et la mer à plus de 30 km». De retour à Saint-Pétersbourg, il réalise que les autorités essaient d’empêcher les études sur les conséquences de leur politique pour l’écologie et les populations locales. Aladine était parfois autorisé à lire les conclusions de ses recherches, pas à les publier. Tout change avec la « glasnost ». Mais peu de temps après, l’Union soviétique s’effondre et ce qui restait d’Aral – trois lacs – est divisé par la frontière entre l’Ouzbékistan et le Kazakhstan. Les autorités scientifiques russes se désintéressent du problème et enjoignent à Aladine d'« étudier la Caspienne », ce qu'il est obligé de faire. En 1993, il convainc un gouver-

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Depuis des années le scientifique Nicolaï Aladine lutte pour sauver la mer d'Aral, autrefois le 4e plus grand lac du monde, en danger depuis l'assèchement des fleuves qui l'alimentaient.

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Un combat archarné pour sauver la mer d’Aral

des classes de russe pour les étrangers. Un suivi du programme est en cours pour déterminer les besoins éducatifs des enfants issus de familles immigrées.


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Économie

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Crise Les indicateurs macro-économiques pour la Russie restent encourageants même si les nuages s'amoncellent

La Russie dépend trop des influences extérieures

NADEJDA PETROVA

KOMMERSANT DENGUI

Trois ans après le choc de 2008, la Russie n’a toujours pas retrouvé son niveau de PIB d’avant la crise. Au vu des résultats du premier semestre 2011, il manque 2%. Le taux de croissance reste assez faible (+ 3,7% par rapport au premier semestre 2010) et continue de ralentir (+ 4,1% au premier trimestre mais seulement + 3,4% au deuxième). Les autres indicateurs macro-économiques inspirent des conclusions plus optimistes et permettent aux politiques de prétendre que la crise s'achèvera d’ici le début 2012. C’est ce qu’a laissé entendre Vladimir Poutine, lors du dernier meeting de son parti Russie unie à Tcherepovets, en annonçant, avec optimisme, que « la croissance du PIB cette année dépassera les 4% » et en promettant ainsi « qu’au début de 2012, notre économie sera entièrement sortie de la récession ». À première vue, la Russie paraît en meilleure santé économique que bien d’autres pays. Les statistiques montrent que pour la

période de janvier à juin 2011, le volume de production industrielle en Russie ne se différencie que de quelques dixièmes de pourcents du niveau d’avant la crise. La production d’électricité, de gaz et d’eau a atteint le même niveau. Tandis que le secteur primaire a connu une croissance de 4% , avec une hausse de la production pétrolière de 4,2%.

Une croissance basée sur les ressources naturelles

Le Centre de l’analyse macroéconomique et des prévisions à court terme note que « les bons résultats du secteur industriel sont portés par les ressources naturelles ». En effet, c’est le secteur primaire qui a permis à l’industrie de revenir aux volumes de production d’avant la crise, d’accroître les taux d’investissements et d'atteindre un rentabilité acceptable, bien que légèrement inférieure au niveau de 2008. Les calculs du Centre de recherche structurelles de l’Institut d’économie et de droit de Moscou confirment ce résultat : au premier semestre 2011, le secteur primaire a dépassé de 4% son niveau de 2008, tandis que le secondaire est resté 10% en dessous. Mais même dans ce secteur, on note des exceptions. Notamment, les biens de consommation,

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La Russie paraît, à première vue, en meilleure santé que bien des pays occidentaux. Mais le flux des investissements se tarit et il y a bien des raisons pour s'inquiéter.

Conséquences de la crise de 2008

L'impact de la crise en Occident commence à se faire sentir en Russie. Faut-il s'en inquiéter ?

le traitement des hydrocarbures et la construction automobile sont des segments qui se portent plutôt bien : les premiers parce qu’ils sont orientés vers le marché local, les seconds grâce à la croissance des volumes de production, les troisièmes grâce aux programmes de soutien du gouvernement. Selon l’experte Olga Berezinskaïa, « ces secteurs continueront, à l’avenir, à constituer les moteurs de la croissance ». Dans le secondaire, les industries qui restent à la traîne sont les équipements, les matériaux de construction, la métallurgie. Comme le signale le directeur adjoint du Centre d’analyses macroéconomiques,Vladimir Salnikov : « Ce sont surtout les segments nécessitant des investissements ». Il précise que « les investissements stratégiques, un indice essentiel

EN CHIFFRES

14%

C'est la chute des investissements en comparaison avec la progression du PIB depuis le premier semestre 2008.

pour les prévisions de la dynamique du développement économique, continuent de constituer le point noir ». Selon les données, les investissements stratégiques du secteur secondaire sont inférieurs de 7,5% au niveau de 2008, le taux de rentabilité est d’un quart inférieur, et le retour sur investissement d’un tiers.

La terre revient en force dans les affaires

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SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

L’État alloue des crédits bon marché, en particulier pour maintenir le cheptel. Par le passé, Moscou accordait environ 7 milliards d’euros au secteur agricole, soit un budget considérablement inférieur à celui de l’UE. En effet, Bruxelles donne chaque année 100 milliards d’euros aux fermiers. « En Russie, vous pouvez déjà produire aux prix du marché mondial », précise John. L’agriculture russe peut être compétitive, même sans subvention. Le pays reste néanmoins l’un des plus gros importateurs de produits agricoles au monde. Avec 11 millions de vaches, on est très loin des 42 millions de vaches laitières existant au moment de l’effondrement de l’URSS. Selon les experts, le lait, le soja

et le bœuf devront encore être importés longtemps. Mais dans dix ans, la Russie devrait être capable de produire assez de porc pour sa consommation domestique. Ces dernières années, la production de porc a augmenté de 8,6%, alors que la volaille a connu une hausse de 375 000 tonnes, soit environ 10%. Les céréales et le colza sont déjà produits en abondance et exportés. En 2009, 108 millions de tonnes de céréales ont été récoltées, contre 60 millions en 2010 à cause de la sécheresse et des feux de forêt. Le niveau de 117 millions de tonnes de 1990 a presque été rattrapé. Les investisseurs tablent sur une forte valorisation du secteur. Cependant, une grande partie de la campagne russe n’est toujours pas cultivée, déclare Sergueï Iarovoï.

L’agriculture russe peut être compétitive, pourtant le pays reste l’un des plus gros importateurs du monde « On pourrait augmenter la production de plus de 40% dans la région des Terres noires ». John et Iarovoï ont souvent des surprises en arrivant dans les fermes : dans les rangées où les conducteurs de camions n’ont pas répandu des pesticides, tout pousse sauf les betteraves sucrières. Vers l’heure du déjeuner, la moissonneuse batteuse reste immobile pendant des heures : c’est la pause. Les moissonneusesbatteuses coûtent beaucoup plus cher qu'en Europe Centrale, alors qu’elles sont en moyenne deux

fois moins efficaces. Il s'agit malgré tout d'un investissement rentable. La structure du secteur agricole contribue également à l’inefficacité : les exploitations privées sont trop petites et les entreprises agricoles existantes sont trop grandes. Pour une société possédant des champs aussi grands que des provinces, il est difficile de contrôler chaque sous-division ou de gérer les variations de recettes. De plus, les sociétés cotées en bourse partagent les gains entre les actionnaires, ce qui ne laisse aucune réserve en cas de périodes plus difficiles. La situation est devenue plus claire suite à la crise financière de 2008 et ses répercussions. Certains groupes n’avaient plus les moyens de payer les salaires pendant des mois. C’est pourquoi les spécialistes dans le domaine invitent à assurer plus de stabilité en partant du bas : les petites exploitations privées devraient s’associer pour former des moyennes entreprises et commercialiser leurs produits. Les agronomes travaillant pour des grandes entreprises se plaignent du vieillissement de la population dans les régions rurales. « Nous ne trouvons pas assez de personnes qualifiées capables d’utiliser des machines agricoles et les dernières technologies », se plaint Alexander Musnik de l’entreprise agricole Soldatskaya située près de Koursk. Beaucoup de parents comme Iuyukina ne voient cependant aucun futur pour leurs enfants dans les champs. Son fils a grandi entouré de vaches, de tracteurs et de foin. Il étudie actuellement en ville. « Il devrait devenir manager », dit sa mère. En effet, rares sont ceux qui veulent retourner à la campagne après leurs études.

Difficultés venues de l'étranger

La Russie, comme de nombreux pays, est « soumise à la situation économique en Europe et aux États-Unis », explique Salnikov. Si la situation dans ces régions empire ou dans le cas d’une chute de croissance en Chine, une correction des prix sur le marché des matières premières sera inévitable. Ce serait un coup dur pour une économie russe très fortement dépendante du prix des hydrocarbures. Or, le pays n'a aucun moyen d'action sur cette influence. Toutefois, Salnikov reste optimiste : « Le potentiel de croissance dans les pays en développement est largement supérieur aux pays occidentaux. Et, c’est ce que les investisseurs regardent en premier. La Russie semble en bonne position. La seule condi-

tion en cas de crise internationale est de pouvoir fournir des garanties de stabilité pouvant rassurer les investisseurs ». Pour le moment, force est de constater que le flux des investissements s’est tari. Malgré une hausse nominale de 3,3 milliards de roubles (77 millions d’euros) au premier semestre 2008 à 3,6 milliards (84 millions d’euros) pour le premier semestre 2011, si l’on compare au volume du PIB, selon les calculs du journal économique Dengui, on observe une chute de 14%. « Cette régression se prolonge. Personne ne sait combien de temps il nous faudra pour revenir à une hausse des investissements stragétiques», reconnaît Salnikov. Article publié dans Kommersant Dengui

Acquisition Accord russo-germanique

Eurochem hérite du secteur des engrais de BASF La récession qui s’annonce a été déterminante dans la décision du groupe allemand BASF de céder au géant chimique russe ses activités dans les engrais minéraux à un prix avantageux. ANASTASSIA GUERASSIMOVA IZVESTIA

La société russe Eurochem a annoncé fin septembre qu’elle allait acquérir toutes les activités que mène BASF à Anvers (Belgique) dans le secteur des engrais minéraux. Eurochem compte également racheter au groupe allemand sa participation de 50% dans la joint-venture PEC-Rhin à Ottmarsheim (France). Il s’agit d’une co-entreprise entre BASF et la société française GPN (filiale de Total). Le montant de la transaction a été estimé à seulement 700 millions d’euros, alors que la reprise des actifs de BASF aurait pu atteindre les 950 millions d’euros, assure Konstantin Iouminov, analyste chez Reiffeisen Bank. Mais la menace d’une crise de grande ampleur a incité BASF à vendre au plus vite, explique une source proche des négociations. Pour Eurochem, qui est contrôlée par l’homme d’affaires russe Andreï Melnitchenko, cette transaction est une aubaine. Le rachat valorise fortement un groupe qui prévoit une introduction en

bourse en 2014. Le volume de la production des sites vendus par BASF représente 2,5 millions de tonnes. La production d’Eurochem en 2010 était de 7,2 millions de tonnes. Mais le vrai « plus », c’est l’accès au marché européen et aux infrastructures connexes. Anvers est le cinquième port mondial, et le deuxième en Europe. C’est par lui que transitent la plupart des produits à destination du continent américain. À l’avenir, et grâce à une logistique bien structurée, les usines seront capables de réduire les pertes liées à une baisse de la rentabilité, notamment causée par la hausse des prix du gaz, principale matière première du secteur industriel. « Cet accord donne accès à des clients phares, en plein cœur de l’Europe. En outre, les sites sont construits selon les technologies de BASF, de sorte qu’ils s’agit d’un réel accès aux technologies du groupe, et c’est une expérience unique », estime le PDG d’Eurochem Dmitri Strejnev. La transaction sera finalisée en mars 2012. Mais un aspect essentiel est déjà réglé : le financement a été sécurisé. En juillet, Eurochem a reçu un crédit syndiqué de 1,3 milliards de dollars. Article publié dans Izvestia


Régions

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Voyage Patrie de grands écrivains russes, Oriol reste aujourd'hui l'une des destinations à ne pas manquer Voir notre diaporama sur larussiedaujourdhui.be

La discrète patrie des écrivains © LORI/LEGION MEDIA

IRINA FILATOVA

THE MOSCOW TIMES

Oriol et ses nombreux ponts s’étendent sur les rives du fleuve Oka et de son affluent, l’Orlik, qui traversent le centre de la ville et sont parsemés de pêcheurs. Mais il existe aussi une autre Oriol, celle associée aux légendes et mystères. En se promenant dans ses rues accueillantes et propres où les trams rouges et jaunes cotoient les maisons basses, on a du mal à imaginer que l’on marche sur des kilomètres de grottes et de lacs souterrains. « La ville abrite deux grottes principales accessibles aux visiteurs aventuriers via des entrées étroites, alors que de nombreuses autres cavernes restent encore inconnues », explique Mikhaïl Sakharov, spéléologue qui

enseigne également l’histoire dans une école locale. Les grottes et tunnels ont été creusés au XVIIIème siècle, lorsque les habitants de la ville commencèrent à extraire du calcaire pour les travaux de construction. Mais peu d’habitants d’Oriol osent explorer ces paysages souterrains. « Certains sentimentaux veulent les voir, mais ils sont très peu », indique Sakharov. Il existe cependant des aventuriers comme lui qui sont prêts à passer des heures à se balader avec une lampe de poche le long de ces passages sombres, et ce malgré les légendes mystérieuses qui entourent ces lieux. Selon l’une d’elles datant du début du XXème siècle, une jeune femme habillée de blanc serait soudainement apparue devant un homme se promenant dans la rue et aurait essayé de le séduire. Refusant ses avances, il se serait retrouvé enfermé dans ces passages souterrains. Un autre mystère, qui laisse les spéléologues locaux perplexes, entoure les points blancs inex-

Le musée Ivan Tourgueniev, situé dans la ville natale de l'écrivain.

pliqués qui volent dans les grottes. Invisibles à l’œil nu, ils peuvent cependant être vus dans les photos prises dans ces souterrains. Toutefois, personne ne met en doute les origines d’Oriol. La ville a été fondée en 1566 lorsqu’Ivan le Terrible ordonna de construire une forteresse au confluent des deux cours d’eau, et ce afin de protéger les frontières du Sud de la Moscovie. Beaucoup pensent que la ville tient

Il fait bon vivre à Oriol malgré l'éloignement © SERVICE DE PRESSE

La directrice générale de Sanofi-Aventis Vostok, une filiale locale du groupe pharmaceutique français, relate son expérience sur place. Que préférez-vous dans le fait de travailler à Oriol ? Mes collègues locaux sans hési-

Quelles difficultés avez-vous rencontrées en travaillant à Oriol ? Un manque d’infrastructures de transport. Il n’y a aucun aéroport à Oriol, et je dois me déplacer en voiture ou en train, ce qui revient à cinq heures de trajet pour aller à Moscou. Nous espérons que l’aéroport de la ville rouvrira et que la route entre Moscou et Oriol sera transformée en autoroute pour faciliter et raccourcir les trajets en voitures. De plus, il faudrait amé-

Des trains rapides font tous les jours la navette entre Moscou et Koursk ou Oriol en partant de la gare de Koursk. Le seul aéroport de la ville est actuellement fermé et en cours de rénovation.

Oriol compte cinq musées dédiés à des écrivains célèbres comme Tourgueniev, Leskov, Andreïev et Bounine. Si vous désirez passer du temps en dehors de la ville, vous pouvez toujours visiter la maison ancestrale de Tourgueniev dans le village de Spasskoe-Loutovinovo, située à 50 kilomètres au Nord d’Oriol. Cette demeure dans laquelle Tourgueniev a passé son enfance avant d’y retourner plus tard pour trouver de l’inspiration, est désormais un musée dédié à l’écrivain. Une maison en bois avec une mezzanine et des terrasses sculptées a accueilli plusieurs invités célèbres, dont les écrivains Nikolaï Nekrassov et Léon Tolstoï. Vous pouvez également vous rendre au parc national « Orlovskoe Polesie » qui se trouve hors de la ville. Vous pourrez vous y promener autour de la forêt, louer un bateau pour voguer sur un de ses lacs, ou vous adonner à la pêche.

Où se loger

Où dîner

ENTRETIEN MAGDALENA HALASZOVA

ter. Les membres du personnel sont extrêmement motivés, très ouverts et toujours prêts à travailler. De plus, je sens qu’ils sont fiers de notre entreprise et de ce que nous avons réalisé ensemble.

À voir

L’hôtel Oriol à proximité des principaux lieux à visiter se situe dans un bâtiment de l’époque soviétique. L’hôtel Grinn est situé dans la périphérie, à 10 minutes de taxi du centre ville.

© LORI/LEGION MEDIA

Pourquoi ne pas passer un weekend à Oriol, une ville à 328 km de Moscou ? Farcie de légendes, cette ville possède à la fois des sites naturels remarquables et un patrimoine culturel important.

Pour s’y rendre

liorer les compétences en langues des habitants de la ville pour simplifier le travail des entreprises étrangères. Décrivez-nous la vie dans cette ville ? Est-elle agréable ? Oriol est une ville où il fait bon vivre. Elle ressemble beaucoup à certaines villes d’Europe occidentale en termes de taille. Elle offre un grand choix de bons commerces et magasins d’alimentation, même si les prix sont plus élevés qu’à Moscou par exemple. En plus, il n’est pas difficile de trouver un logement confortable et de qualité. Si vous avez une voiture, vous pouvez trouver toutes les commodités possibles ou visiter certains des beaux endroits à proximité d’Oriol.

son nom de l’Orleya, ancien nom de l’Orlik. Mais les plus romantiques soutiennent que son nom, qui signifie « aigle » en russe, viendrait de cet oiseau majestueux. Selon une légende ancienne, Ivan le Terrible aurait décidé d’appeler la ville Oriol après qu’un grand aigle s’est posé au sommet d’un chêne sur le point d’être abattu par les paysans pour faire de la place à la forteresse. L’oiseau est devenu ainsi le symbole non-officiel de la ville. Quel que soit l’origine de son nom, Oriol a plusieurs fois prouvé sa capacité à repousser les ennemis du pays. Plusieurs batailles s’y sont déroulées durant la Seconde Guerre mondiale, lorsque la ville était occupée par les troupes nazies en 1941 et presqu’entièrement détruite par les bombardements. La ville a été libérée deux ans plus tard après la fameuse bataille de Koursk, Moscou célébrant cette victoire avec des feux d’artifice pour la première fois depuis le début de la Seconde Guerre mondiale. Oriol, qui a ensuite reçu le titre de « ville de la gloire militaire », est d’ailleurs souvent appelée « la ville des premiers feux d’artifice ». Oriol a acquis son aspect actuel après la guerre, un grand nombre des bâtiments détruits ayant été reconstruits dans les années 50. En effet, la ville a préservé l’ambiance de cette époque grâce à ses maisons jaunes pâles de deux ou trois étages et leurs escaliers en bois. Certains coins de la ville vous ramènent néanmoins à l’époque prérévolutionnaire, période où Oriol a vu des écrivains exceptionnels se promener dans ses rues vertes et bordées d’arbres. La ville, dans laquelle Ivan Tourgueniev et Leonid Andreïev sont

Le Riviera propose une cuisine méditerranéenne. Au centre ville, le Venue est un bon restaurant de poisson. Pour une pizza, rendez-vous dans le restaurant italien Mezonin. Les expatriés apprécient également les business lunchs du Labirint.

3

FAITS SUR LA VILLE D' ORIOL

1

La ville est fondée en 1566 par Ivan IV de Russie, l'un des plus grands tyrans de l'Ancienne Russie, surnommé Ivan le Terrible, dans le dessein de protéger les frontières Sud de l'actuelle Moscou.

2

Oriol compte 17 ponts disséminés à travers la ville et offrant des vues magnifiques, en particulier dans le centre. Le petit pont situé près de la cathédrale Bogoïavlenski, propose l’un des plus beaux spectacles avec une vue sur l’Orlik coulant tranquillement dans son lit aux bords escarpés.

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Oriol est la patrie d'une pléiade de grands écrivains russes dont Ivan Tourgueniev, Leonid Andreïev et Nikolaï Leskov, aisni que du peintre et sculpteur Antoine Pevzner. La région d'Oriol est également la terre natale de la famille Bounine.

Oriol est témoin de plusieurs événements hisoriques, elle est reconnue comme "ville de la gloire militaire" Les sites naturelles de la ville comme des grottes et lacs souterrains peu explorés sont entourés de nombreux légendes

nés et où Nikolaï Leskov a passé sa jeune enfance, est à juste titre considérée comme la Mecque de la littérature. Arrivé à Oriol en 1989 pour travailler en tant que rédacteur dans un journal local, Leskov a plus tard décrit la ville de manière très précise dans l'un de ses romans. Beaucoup pensent qu’un jardin public et une tonnelle situés sur la rive gauche de l’Orlik faisaient partie de l’ancienne propriété décrite dans le roman de Tourgueniev Nid de gentils hommes. Les efforts déployés pour préserver les traditions historiques n’ont pas empêché la ville de se développer économiquement. L’économie d’Oriol est en grande partie basée sur l’industrie, qui emploie presqu’un quart de sa population. Parmi les principales industries, on trouve la production de machines et d’équipements, la production alimentaire et la confection d’objets en métal. De grandes entreprises russes se sont installées à Oriol, dont celle qui détient le monopole du diamant Alrosa, le producteur laitier Unimilk et Severstal, un des plus grands groupes sidérurgiques du pays. Oriol attire aussi de grandes sociétés étrangères. Le plus ancien groupe présent dans la ville est Coca-Cola. Son usine locale, qui a ouvert ses portes il y a 15 ans, est la plus grande que le géant américain possède en Russie. En 2009, le groupe pharmaceutique français Sanofi-Aventis a racheté une usine locale pour produire et emballer de l’insuline. Quant au fabricant italien de carrelages Marazzi Group et au producteur de réfrigérateurs grec Frigoglass, ils y possèdent également des usines.


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Opinions

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débat portée des nouvelles ambitions russes dans l'ex-urss

L'union eurasienne de Poutine Le Premier ministre Vladimir Poutine a publié début octobre dans le quotidien Izvestia un article intitulé "Un nouveau projet d'intégration pour l'Eurasie". L'article est consacré au projet d'Espace économique commun, voué à donner le jour à l’Union eurasienne, « maillon de la ­Grande Europe, unie par les valeurs de liberté, de démocratie et les lois du marché ». L’Union

eurasienne est conçue par Poutine comme « une puissante union supranationale, capable de se muer en un des pôles du monde moderne et de jouer le rôle de connecteur efficace entre l'Europe et L'Asie ».

pragmatisme nécessaire Alexandre Strokanov

L

Russia profile

’article de Poutine est sans doute le premier d’une série de pas qui vont déterminer sa présidence à venir. Il faut reconnaître que c’est un acte positif, qui rencontrera l’approbation des gens dans différents coins de l’ex-URSS. Il sera également soutenu par la majorité des hommes d’affaire russes et la société en général. La nécessité d’une nouvelle forme d’intégration dans la région est évide nt e et a tt endue depuis longtemps, ne manquait que la volonté politique des dirigeants des pays concernés.

C’est un acte positif, qui rencontrera l’approbation des gens dans différents coins de l’ex-URSS Les tentatives précédentes, comme l’Union douanière ou l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), ont été importantes mais présentaient peu de perspective de développement et un caractère fragmenté. Dans son article, Poutine a présenté clairement son dessein, élaboré sur une structure similaire à celle de l’UE. Si le projet réussit, Poutine pourra ajouter à sa liste d’honneurs un nouvel accomplissement qui aura un auditoire beaucoup plus large. Il deviendra non seulement un héros russe, mais eurasien. Qui plus est, Poutine est fait pour ras-

sembler les morceaux éclatés de l’ancienne Union soviétique. Dans cette perspective, le changement de pouvoir qui devrait advenir en Russie en 2012 est cohérent. La succession politique au Kazakhstan ne devrait pas poser beaucoup de problèmes parce que les élites locales comprennent que l’existence d’une telle union garantit l’intégrité territoriale et la paix intérieure au pays. Le Belarus est plus imprévisible, mais néanmoins, la majorité des gens vont soutenir le projet et le pouvoir de Minsk, quel qu’il soit, sera forcé de suivre l’orientation géopolitique de la société. Aussi brillant soit-il, ce projet devra faire face à un grand ­nombre d’obstacles, dont les dirigeants du Tadjikistan et du Kirghizstan, et plus encore de l’Ouzbékistan et du Turkménistan (qui n’ont même pas été mentionnés dans l’article). Les tensions entre les voisins d’Asie centrale sont un problème autrement plus grave que les questions de succession dans les pays ­membres de l’Union douanière. Une situation similaire persiste aux frontières occidentales. Mais dans le même temps, l’Union eurasienne pourrait ouvrir la voie à une résolution du conflit autour du Nagorny Karabakh, tandis que la Moldavie pourrait régler ses problèmes avec la Transdniestrie. En attendant, tous ces conflits et tensions sont autant d'embûches pour le développement d’une communauté des nations dans l’ancien espace soviétique. Les pays qui choisiront de ne pas participer au projet risquent de se retrouver marginalisés dans la mondialisation et perdants sur

l e s © niyaz karim avantages de l’intégration. Ce serait toutefois une mauvaise idée de forcer qui que ce soit à rejoindre l’Union. C’est une décision qui doit s’appuyer sur un référendum populaire et non sur un vote parlementaire ou un décret présidentiel. Il n’y a aucune urgence à étendre l’Union, qui doit se développer naturellement, et seuls les pays qui y sont prêts doivent être autorisés à y entrer. Le facteur chinois est essentiel également, car la Chine joue un rôle de plus en plus important en Asie centrale, tout en élaborant des projets de rapprochement avec le lointain Belarus. Néanmoins, j’espère que les dirigeants centrasiatiques comprennent bien que la Chine

ne pourra jamais leur offrir les mêmes opportunités que la Russie. La Chine est une autre civilisation et une interaction profonde entre des peuples musulmans et les Chinois est peu probable. L’Union européenne, quant à elle, doit prendre acte des bénéfices d’une Union eurasienne, et accepter les limites à sa propre expansion. Il va de soi, par exemple, que l’Ukraine ne pourrait jamais faire partie de l’UE. Ce simple fait doit être accepté à Bruxelles et l’entretien de faux espoirs abandonné. Alexandre Strokanov est professeur d’histoire, et directeur de l’Institut des langue, histoire, et culture russes à l’université Lyndon State College au Vermont, États-Unis.

Bercé par de vieilles illusions Ira Straus

P

Russia Profile

outine propose deux définitions géopolitiques contradictoires de son Union eurasienne : elle est à la fois un pôle au sein d’un monde multipolaire et une partie d’un espace européen uni. Selon lui, l’Union eurasienne sera une « structure puissante supranationale capable de devenir l’un des pôles du monde contemporain et un lien entre l’Europe et la dynamique zone Asie-Pacifique ». De plus, elle est sensée faire partie intégrante de « la grande

Europe unie par des valeurs communes en matière de liberté, de démocratie et de lois du marché », et permettre à ses membres d’intégrer plus vite l’Europe. Cette antinomie est typique de la politique étrangère de la Russie sous l’ère Lavrov. L’espace européen uni – parfois décrit avec grandiloquence comme une unification de la chrétienté et de ses trois « gros morceaux » que sont l’Amérique, l’Europe et la Russie – a été conçu par Lavrov et Poutine pour « unifier » un équilibre classique des pouvoirs avec toutes les contradictions internes et intrinsèques que cela sous-entend ; c’est-à-dire sans tenir

lu dans la presse rÈglements de comptes au sommet Ioulia Timochenko, ex-Premier ministre et chef de l’opposition ukrainienne, a été condamnée à sept ans de prison et à une ­amende de 137 millions d’euros, accusée d’avoir signé des contrats gaziers désavantageux avec la Russie. On soupçonne le Président Ianoukovitch d’utiliser la justice contre sa rivale à des fins politiques. Les relations de l’Ukraine avec la Russie d’une part, et avec l’Union européenne de l’autre, devraient en pâtir.

Préparé par Veronika Dorman

Victoire douteuse

lE martyre de sainte ioulia

L’ue se sent trahie

vedomosti

moskovsky komsomolets

kommersant

En utilisant le tribunal pour régler son compte à sa rivale, Ianouko­ vitch a remporté une victoire indé­ niable. Mais le prix de ­cette victoire est la dégradation de l’institution judiciaire en tant que pouvoir in­ dépendant. Peut-être Ianouko­ vitch et Timochenko sont-ils en­ core en train de négocier en privé et le verdict sera-t-il allégé. Der­ rière le conflit politique se ­cache une l­utte pour les actifs et les in­ térêts, et l’histoire n’est pas termi­ née. Mais à la surface, on ne voit que l’emprisonnement d’un concur­ rent poli­tique. Ianoukovitch a re­ joint la ­bande nombreuse des diri­ geants qui, en accédant au pouvoir, envoient derrière les barreaux leurs rivaux d’hier.

En envoyant Timochenko en pri­ son, Ianoukovitch lui a infligé une souffrance physique et morale. Mais du point de vue politique, il s’est tiré une balle dans le pied. Les chances de la « martyre » Ti­ mochenko de devenir le prochain leader de l’Ukraine se sont accrues considérablement. Rien ne sert de faire peur à Timochenko en l’incar­ cérant : elle n’a pas hésité à aller derrière les barreaux sous l’ancien Président Koutchma, alors qu’elle était vice-Premier ministre du pays. Et ce séjour l’avait renforcée politi­ quement, en lui conférant le statut de victime, souffrant pour la véri­ té, et persécutée par les « mauvais gnomes » de l’administration pré­ sidentielle.

« L’Europe ne va pas mettre en danger ses relations avec l’Uk­ raine au nom de Timochenko », assure une source au sein du gou­ vernement ukrainien, « l’UE ne va pas isoler l’Ukraine et la pousser dans les bras de la Russie pour une fonctionnaire corrompue ». ­Côté européen, on n’est pas du tout d’accord. « L’Ukraine a plus besoin de l’UE que l’inverse », a déclaré un membre du Parlement euro­ péen. La Commission européenne compte sur un règlement de la si­ tuation en appel, grâce à la décri­ minalisation de l’article du code pénal en vertu duquel l’ex-Premier ministre a été condamnée. Kiev a exactement deux mois pour sauver ses relations avec l’UE.

Éditorial

Mikhail Rostovsky

compte et, dans une large mesure, en opposition avec l’unité actuelle cons­ truite autour de l’OTAN, étant donné que l’équilibre des pouvoirs a disparu pendant la Première Guerre mondiale. La véritable unité occidentale a la volonté de s’intégrer et a dépassé les contradictions vieilles de plusieurs siècles des politiciens des puissances européennes. Ce qui est nouveau dans l’utilisation par Poutine de ces définitions opposées est qu’il renforce encore plus la contradic-

L'ambition de s’élargir au-delà de ses frontières risque de rester une utopie pour la Russie tion de Lavrov. Il en fait un paradoxe au cœur de ce qui est sensé devenir le principal projet de la Russie, pas seulement une contradiction dans sa rhétorique de politique étrangère, et ce en gardant ses options ouvertes. Poutine fait maintenant des déclarations rappelant les appels à l’unité de la chrétienté souvent passionnés mais toujours vides de Lavrov. Elles ressemblent aussi beaucoup à l’appel de l'ancien Premier ministre français Edouard Balladur, initiateur de la transformation de la Communauté européenne en Union europé­enne, pour former une Union de l’Occident, et ce afin de maintenir l’influence nécessaire et le rôle positif de l’Ouest dans le système mondial, empêchant ainsi qu’ils se ré­duisent trop ou soient perdus au profit d’autres pays et régions en pleine croissance. Balladur a un autre point commun avec Poutine : dans un style typiquement français, il accepte et embrasse la multipolarité. Mais une grande différence subsiste. En effet, Balladur évite d’utiliser la multipolarité de manière destructrice. Il était dans le bon camp (celui des gagnants) durant la guerre en Libye, contrairement au gaullisme naïf et suicidaire de la Russie actuelle qui, au nom d’une résistance acharnée contre l’unipolarité, se place du côté des perdants.

Certains ont prétendu que l’Union eurasienne visait un autre objectif plus concret : établir la domination russe dans les pays et politiques étrangères de l’espace post-soviétique sans s’immiscer dans leurs affaires intérieures. Dans la pratique, même une « union » aussi limitée ne devrait pas donner beaucoup de résultats. En effet, le nationalisme est trop présent dans la région, tout comme une méfiance viscérale envers la Russie. Cette tentative aura des conséquences, comme ce fut le cas dans un passé récent. Il reste à espérer que la Russie et l’Occident ont tiré la leçon après les buts qu’ils ont marqués contre leur propre camp en essayant chacun d’empiéter sur l’espace de l’autre. Cette « union » vise-t-elle à exclure l’influence occidentale de son espace ? Bien sûr. L’exclusion de toutes les puissances étran­gères, dont la Chine, est normale dans une véritable union. Immédiatement après avoir annoncé les objectifs de l’Union, Poutine s’est rendu en Chine pour flatter son rôle géostratégique. L’idéologie multipolaire est toujours orientée dans ce domaine. Elle n’est pas neutre, mais concrètement contre l’Occident, le seul réel pôle existant actuellement dans le monde. C’est la raison pour laquelle la multipolarité mènera à un échec, l’unipolarité étant la maison naturelle de la Russie. Malgré tous les échecs essuyés depuis 1991, c’est précisément à cette union unipolaire émer­gente de l’espace occidental – l’union de la grande expansion de la culture européenne, dans les domaines où cette culture a évolué vers une forme politique et économique moderne – qu’appartient la Russie en tant que pays de culture européenne. C’est la destination de la Russie, la direction que la boussole indiquera toujours. C’est sa destinée à long ou moyen terme, bien qu’elle puisse continuer à la repousser à plus tard. Pour l’instant, elle ne peut que s’attacher à sa maison naturelle en tant qu’allié stratégique dans des formes partielles et prélimi­naires, mais toujours sé­rieuses. Il serait préférable pour la Russie de prendre cet engagement de manière cohérente, sinon elle se tirera une fois de plus une balle dans le pied. Retrouvez l'article originale sur RussiaProfile.org

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Elena Tchernenko

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Culture

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CHRONIQUE LITTÉRAIRE

Musique Zemfira, la rockstar russe en concert à Anvers le 29 novembre

Violence comprise

Alors qu’elle domine la scène pop-rock russe depuis ses débuts, Zemfira, la Kurt Cobain en jupe comme l’appellent les critiques musicaux, exporte aujourd’hui sa voix brisée et ses histoires sombres en Europe.

jouer ses chansons. Aujourd’hui, au bout de treize ans de carrière professionnelle et après cinq albums à succès, elle a élaboré un style très personnel qui la détache nettement du lot des rockers contemporains. Qu’on ne s’y méprenne pas à sa dégaine de garçon manqué et ses cheveux

VERONIKA DORMAN

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

Sa voix puissante sort de ses entrailles tandis que ses textes sont envoutants et énigmatiques

Si le pop-rock russe avait un visage de femme, ce serait celui de Zemfira, éternellement adolescent et un peu androgyne. Propulsée par un premier album au succès fou, en 1999 (« Zemfira »), la chanteuse originaire de Bachkirie, qui a aujourd’hui 35 ans, s’est hissée au sommet de la scène rock russe pour y rester. Héritière des grands groupes russes comme Moumy Trol, Akvarioum ou Kino, Zemfira s’est inspirée aussi de Radiohead et Deep Purple pour composer, écrire et

en pétard : sa voix puissante sort de ses entrailles et vous prend aux tripes, tandis que ses textes sont envoutants et énigmatiques. Par le lyrisme de ses albums, la chanteuse a réussi à exprimer les problèmes de toute une généra-

tion. Tellement qu’en 2004, elle a été mentionnée dans un manuel d’histoire pour collégiens, dans le chapitre «Vie spirituelle », en tant que fondatrice d’une jeune culture musicale totalement inédite. Adulée par des milliers de fans, Zemfira a néanmoins la réputation d’être un peu sauvage, abrupte, et très exigeante. Elle ne s’entend ni avec les producteurs ni avec les journalistes. Aux interviews publiques et conférences de presse, elle préfère aujourd’hui la communication virtuelle, et demeure très réservée. Zemfira tient elle-même sa page officielle (www.zemfira.ru), sur laquelle elle commente ses concerts, son calendrier de tournées ou d’enregistrement. Et répond aux questions de ses groupies. Est-il possible de l’attendre en bas de chez elle pour lui offrir

© KOMMERSANT

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Le pop-rock russe à la conquête de l'Europe

TITRE : DES CHAUSSURES PLEINES DE VODKA CHAUDE AUTEUR : ZAKHAR PRILEPINE ÉDITIONS ACTES SUD TRADUIT PAR JOËLLE DUBLANCHET

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ELLE L'A DIT

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Je suis très reconnaissante : envers les autres, envers moi-même. Le perfectionnisme est mon défaut, c'est la croix que je porte. Parfois je pense même que c'est une sorte de maladie mentale. "

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Il faut juger une personne sur ses actes, dans mon cas - mes chansons. C'est pour cela que je les défends, que je lutte pour elles, je les porte comme des idées parce que c'est là mon portrait le plus fidèle et le plus profond.

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Je sais très bien qui je suis, c'est ma place, je le sais et j'en suis sûre. Et ça, c'est ma plus grande vérité et ma plus grande force. Savoir qui je suis. Et je vais continuer à chanter et je chanterai beaucoup."

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J'ai beaucoup de forces. Il y a encore beaucoup de choses à faire."

LE FILM DE RENATA LITVINOVA SUR ZEMFIRA ZE-

LENY TEATR V ZEMFIRE.

des fleurs ? Réponse : « Non merci, cela m’irriterait. J’aime la solitude, même si j’ai choisi un métier public. À moins que ce soit lui qui m’ait choisie ? Je serais très reconnaissante si on me laissait tranquille entre les concerts ». Et des concerts, elle en fait régulièrement, à Moscou, à Saint-Pétersbourg et ailleurs en Russie, dans des stades ou des salles plus intimistes. En novembre-décembre, elle a prévu une tournée européenne avec douze dates en Russie, Tchéquie, Belgique (le 29 novembre) et Allemagne. En attendant, elle travaille d’arrache pied à son prochain album. « Je travaille sans cesse, confiet-elle à ses fans. Certaines chansons sont réécrites deux, trois fois. Le problème c’est que je dois faire beaucoup de choses moimême. Ce sera vraiment un album d’auteur, je joue beaucoup, j’enregistre, j’édite. Je dois tout contrôler ». La date de sortie n’est pas encore fixée, mais la chanteuse a déjà prévenu que ce sera son dernier disque grand format. À l’avenir, elle compte se limiter au EP (sept ou huit pistes).

Photojournalisme Depuis plus de vingt ans, Iouri Kozyrev couvre les conflits armés à travers le monde

Un objectif face aux Kalachnikovs Le photographe russe Iouri Kozyrev a récemment reçu le prix Bayeux-Calvados. Il avait remporté le Visa d’or dans la catégorie « News » pour ses reportages sur le printemps arabe. ANNA NEMTSOVA

L’exposition des travaux de Iouri Kozyrev en France.

photographe de guerre poétique. Ses images sont pleines d’un lyrisme et d’une poésie que je n’avais jamais vus auparavant… Iouri a les capacités pour devenir l’un des plus grands photographes de guerre ».

© ITAR-TASS

Après la chute de l’Union soviétique, Kozyrev s’est mis à photographier une série de guerres de l’ère post-soviétique en Arménie, en Moldavie, au Tadjikistan et en Géorgie. Depuis lors, il n’a pas cessé d’aller d’un conflit à un autre. Parcourant le monde sans relâche, Iouri Kozyrev a acquis la réputation d’un témoin intuitif des drames humains et de l’histoire en marche. Selon Stanley Greene, qui travaille à l’agence NOOR avec Kozyrev, « Iouri a placé la barre plus haut dans le domaine du reportage dans les zones de conflit. Grâce à lui, nous avons tous repensé notre manière de couvrir ces événements. C’est un

© AFP/EASTNEWS

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Les clichés de Iouri Kozyrev sont profonds et démontrent un sens de la composition d’autant plus étonnant quand on sait les conditions périlleuses dans lesquelles il travaille. Photojournaliste depuis plus de 20 ans, il a couvert les conflits les plus importants de l’espace post-soviétique, et notamment les deux guerres de Tchétchénie. Il a également décrit la chute des Talibans il y a dix ans et vécu pendant près de huit ans à Bagdad avant et après l’invasion américaine, pour revenir à Moscou en 2009. Mari Bastachevski, un photographe indépendant danois qui a travaillé dans le désert libyen avec Kozyrev au printemps dernier, souligne l’éthique du photographe russe : « Il reste au front jusqu’à 9 heures du soir, et rédige ensuite des articles jusqu’à minuit. Et c’est comme ça tous les jours ». Kozyrev est connu pour vouloir être en permanence au cœur de l’action. Ses photos sont apparues

dans un grand nombre de publications, dont Newsweek et La Russie d’Aujourd’hui. La couverture des manifestations antigouvernementales dans les pays arabes pour Time a constitué l’une de ses missions les plus dangereuses. En Libye par exemple, il s’est fait tirer dessus ; il a par ailleurs été détenu au Bahreïn et en Arabie saoudite. En outre, il a perdu des collègues, dont ses amis Chris Hondros et Tim Hetherington, deux photographes tués en avril durant une mission dans la ville libyenne de Misrata. Qu’est-ce qui pousse cet homme de 47 ans à continuer de mettre sa vie en péril ? Andreï Polikanov, directeur de la photographie au sein du magazine Russki Reporter, attribue à la loyauté et au dévouement inconditionnels de Kozyrev envers le journalisme sa capacité à garder intacte la motivation qui le conduit systématiquement sur la piste des conflits et des révolutions.

On retrouve dans le dernier recueil de nouvelles de Zakhar Prilepine les héros de ses précédents livres, des jeunes hommes qui tentent à leur façon de se construire ou de survivre dans un pays qui se délite. « Le pays était pauvre et nous étions tellement jeunes que nous n’entendions pas le vacarme du ciel au-dessus de nos têtes ». Prilepine développe ses thèmes de prédilection : les amitiés viriles, l’amour, la guerre, l’alcool, l’adolescence, la nostalgie de la ruralité et de l’enfance : « On marchait … à travers une prairie d’une beauté insoutenable… l’immense joie du monde nous avait pour la dernière fois peutêtre rendus bons, honnêtes, joyeux, et pas du tout, mais alors pas du tout adultes ». Quelque chose se flétrit à l’âge adulte ; veulerie, mal de vivre, absence totale de projet, sauf celui récurrent de se saouler. On boit une bière et on rate le train ; quelques bières plus loin, on manque l’arrêt ; on s’endort ivre mort dans un cendrier ou dans la neige, laissant filer le moment tant attendu de coucher avec une fille. Un des trois lascars de « Récit de garçons » emprunte de l’argent à sa mère pour monter une petite affaire de réparation de voitures. Bien entendu, la première voiture qu’il acquiert après moult péripéties finit dans un ravin. Fin des ambitions entrepreneuriales. Chez Prilepine, la vie a peu de prix au regard des émotions qu’elle offre : le bonheur fugace d’un rayon de soleil, l’amitié, l’amour, la peur. Le livre n’est pas sans rappeler une certaine littérature américaine, mais ici le héros n’est pas un « bad boy ». S’il décrit, jusqu’à la nausée, d’épaisses brutes sans les justifier ni les condamner, il y a en lui un trop plein d’amour qui l’amène à absoudre l’autre simplement parce qu’au fond de la plus sombre brute il y a quelque chose d’humain. Auteur controversé pour son engagement politique au sein du parti national bolchévique Zakhar, Prilepine est aussi emblématique de la Russie actuelle. Le jury qui lui a décerné cette année le prix Super Bestseller National consacrant un des dix auteurs de la décennie ne s’y est pas trompé. Prilepine s’inscrit dans la tradition de la littérature russe par son écriture et par le mépris de la vie, et de l’argent, par le fatalisme, l’absence d’espoir, l’amour immodéré de la Russie, la fierté de souffrir d’elle et pour elle. Christine Mestre Découvrez d’autres chroniques sur larussiedaujourdhui.be


Culture & Loisirs

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Théâtre Le Rock'n'Roll de Tom Stoppard est chargé de thèmes politiques

La dissidence tchèque sur les planches moscovites

Tom Stoppard met semble-t-il en pratique ce qu'il prêche : à Moscou, il met un scène une comédie musicale sur une société totalitaire très proche de chez nous...

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ALENA LEGOSTAEVA

Un fragment de la mise en scène moscovite de la pièce Rock'n Roll de Tom Stoppard.

Académique de la Jeunesse de Moscou, le metteur en scène Alexeï Borodine. C’est également ce que pense le Fonds d’aide aux grands malades Vera (La foi), qui soutient des hospices dans 14 villes de Russie pour que les patients incurables puissent recevoir des soins médicaux, sociaux, psychologiques, juridi-

ques, et bénéficier d’un accompagnement spirituel. « Ce n’est pas un hasard si les hospices font partie de ce projet, c’est parce qu’ils sont également un élément de culture de la société. C’est une question véritablement culturelle, et non médicale », - dit la présidente du Fonds russe Vera, Niuta Federmesser.

› www.stanislavskyfestival.ru

CONTACT Rédaction : redac@larussiedaujourdhui.fr Service de publicité sales@rbth.ru tél. +7 (495) 775 31 14

ALINA ORLOVA

LES CONCERTS BRODSKY DU 16 AU 26 NOVEMBRE LE THÉÂTRE NATIONAL DE CHAILLOT, PARIS

19 OCTOBRE, BRUXELLES

Alina Orlova, une jeune femme de 23 ans originaire de Lithuanie, s'est fait depuis quelque temps une place sur la scène russe avec ses chansons mi-pop mi-folk en russe, anglais et lithuanien qu'elle interprète elle-même. Alina part donc en tournée avec 12 concerts en France et 1 concert à Bruxelles. À ne pas rater.

Le théâtre National de Chaillot présente une coproduction du Grand Théâtre de Luxembourg, deSingel (Anvers) et du Centre de Recherches et Formation Musicales de Wallonie (Liège) : un concert de poésie et de musique de Kris Defoort (piano) et Dirk Roofthooft (dramaturgie du texte) sur les vers de Joseph Brodsky.

› www.myspace.com/alinaorlova

› www.theatre-chaillot.fr

Jennifer Eremeeva

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

En cuisine, les Russes manifestent leur internationalisme et se débarrassent de toutes les tendances indigènes, tout comme ils se débarrassent de leurs chaussures en entrant dans une maison. Des relations moins que cordiales avec les anciennes républiques soviétiques n’ont aucun impact sur l’appétit des Russes pour le plov ouzbek, les khinkali géorgiens, le hareng estonien ou le vin de Crimée. La cuisine traditionnelle russe n’est pas réputée pour ses épices et saveurs exotiques, mais à travers les siècles, les Russes ont assimilé avec succès les techniques et les arômes de leurs voisins proches en important quelques spécialités. Au bonheur des cuistots et des gourmands, dans la cuisine russe, les épices relevées d’Asie centrale et les saveurs musquées du Caucase sont aussi omniprésentes que l’épaisse crème fraîche ou les malosols. Le khartcho, une soupe riche et savoureuse à la viande et à la tomate, presque un ragoût, est l’exemple parfait du plat célébré bien au-delà des frontières de sa Géorgie natale. En Russie, le khartcho est aussi bien l’aliment

DU 22 AU 27 NOVEMBRE GRAND GRENIER À SEL, HONFLEUR

Préparation :

Le programme du festival mérite cette année une attention particulière : Faust de Sokourov et Elena de Zviaguintsev en avant-première, sans compter la liste de films en compétition, les premiers films de jeunes cinéastes, etc... › www.festival-honfleur.fr TOUS LES DÉTAILS SUR NOTRE SITE

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1. Faites tremper d’un côté les pruneaux et abricots, de l’autre le zeste de tamarin, dans de l’eau chaude et laissez de côté. 2. Faites chauffez l’huile dans une marmite en fonte, pendant ce temps séchez la viande avec un torchon, salez et poivrez 3. Quand l’huile commence à crépiter, jetez-y les morceaux de viande, en vous assurant qu’ils sont tous en contact avec l’huile. Faites sauter jusqu’à ce que la viande brunisse (3-5 minutes). 4. Réduisez le feu au minimum, ajoutez l’oignon et l’ail. En mélangeant souvent, faites revenir

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29 Novembre

les oignons jusqu’à ce qu’ils soient dorés. 5. Ajoutez les tomates et le concentré de tomate, mélangez bien. 6. Ajoutez le bouillon, les épices, les noix et laissez mijoter. 7. Videz presque toute l’eau de trempage des fruits secs puis placez-les dans un mixeur et battez jusqu’à obtention d’une confiture. Ajoutez à la soupe. 8. Ajoutez le tamarin, couvrez, baissez le feu et laissez mijoter pendant 45 minutes. 9. Pendant que la soupe cuit, préparez le millet. Faites le dorer dans l’huile jusqu’à ce que quelques graines explosent. Ajoutez 500 ml d’eau, couvrez, réduisez le feu, et laissez cuire jusqu’à l’absorption totale de l’eau (15-20 min). 10. Au bout de 45 minutes de cuisson de la soupe, ajoutez le jus de citron et de grenade. Rectifiez l’assaisonnement sel et poivre. 11. Pour servir, faites chauffez des bols profonds au four. Placez un monticule de millet au centre du bol, puis versez le khartcho. Garnissez d’herbes fraîches. Autres recettes sur larussiedaujourdhui.be

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Le métro de Moscou dévoile ses secrets larussiedaujourdhui.fr

de base d’une cantine ouvrière que la suggestion du chef sur une carte de restaurant chic, ou encore le déjeuné préféré d’une famille de trois générations. Je l’apprécie particulièrement en hiver, car rien ne réchauffe aussi bien qu’un bol de khartcho chaud, après une journée à s’enliser dans la neige. Chaque cuisinier a sa propre recette. Il n’y a même pas de consensus sur les ingrédients de base, agneau ou bœuf, riz ou millet, plus traditionnel, ou encore pain sec trempé dans du fromage blanc, considéré par les historiens culinaires comme l’ingrédient originel. Ce qui est sûr, toutefois, c’est que le khartcho acquiert son arôme sucré-salé grâce aux fruits secs : pruneaux, abricots, jus de grenade ou zeste de tamarin. Si vous optez comme moi pour le millet, essayez de le préparer séparément et de l’ajouter à la soupe juste avant de servir. Ainsi, le millet n’absorbe pas tout le liquide en transformant la soupe en ragoût. Prévoyez beaucoup de coriandre, persil, menthe et aneth frais. Le khartcho est l’un de ces plats qui sont meilleurs le lendemain, et encore meilleurs le surlendemain. N’hésitez pas, préparez-en beaucoup !

Ingrédients :

LE FESTIVAL DU CINÉMA RUSSE À HONFLEUR

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Comme chaque année, le Festival Stanislavski, précédé du Prix Stanislavski, offre au public moscovite un choix intéressant de premières théâtrales. Cette année, la VIIe édition il acueille un grand nombre de spectacles de réalisateurs russes, mais aussi des créations internationales, dont un spectacle belge.

Le public moscovite, toutes générations confondues, est d'humeur sarcastique dans l'attente de sa leçon d’histoire par un dramaturge britannique, Tom Stoppard. Sa pièce Rock’n’roll se présente comme la suite du spectacle Sur les rives de l’Utopie. Tout ce que les Russes ont toujours voulu savoir sur le régime politique grâce aux allusions historiques - sans avoir eu le courage d’exprimer. Stoppard résume l’histoire de la pensée russe en provocant une avalanche de fou rires. Sa pièce sur l’invasion de Prague par les chars soviétiques en

Khartcho, ou la paix avec le voisin géorgien

2 litres de bouillon de poulet ou bœuf, ou un mélange des deux • 1 kg de bœuf et d’agneau, dépecé et coupé en cubes de 1,5 cm • 2 gros oignons jaunes • 10 tomates bien mûres, fraîches ou en conserve, épépinées, pelées et découpées en cubes • 3 c. à soupe de bonne huile d’olive • 60 g de pruneaux et abricots • 4 gousses d’ail écrasées • 2 c. à soupe de zeste de tamarin • 3 c. à soupe de concentré de tomate • ¼ c. à soupe de piment de Cayenne • ¼ c. à soupe de paprika • ½ c. à soupe d’estragon sec • ¾ c. à soupe de graines de coriandre écrasées • ¼ c. à soupe de graines de fenouil écrasées • ¼ de tasse de noix pilées • sel, poivre • 3 c. à soupe de jus de citron • 2 tasses de jus de grenade • 2 ½ tasses de millet • 1 c. à soupe d’huile végétale ou d’olive • 2 tasses d’herbes fraiches pour garnir : menthe, persil, coriandre, et aneth

1968 se regarde comme une analyse pointue de l’actualité russe. « Aucun doute que le public russe comprendra parfaitement cette pièce », écrivait Vàclav Havel. L’interprétation d’éléments scéniques varie d’une génération à l’autre. La jeune fille de 20 ans verra dans l’étrange structure gonflable un marteau. Mais les allusions au régime de Poutine, tous le monde les voit de la même manière. L’optique est claire. Le rock contre le régime politique, contre l’insensibilité et l’indifférence. La résistance intellectuelle, musicale, stylistique, c’est la même qu’aujourd’hui. Le cynisme infini de la sécurité nationale. Aujourd’hui encore ils ont et le pouvoir et l’argent.

Andreï Kolesnikov

" La solidarité est une question véritablement culturelle ", - souligne Niuta Federmesser (Fondation Vera)

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DU 17 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE MOSCOU

Leçon d'histoire pour public moscovite cynique VEDOMOSTI

À L'AFFICHE LES SAISONS STANISLAVKI

CRITIQUE

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Tom Stoppard n’est pas souvent de passage en Russie : les répétitions de la mise en scène de sa pièce Rock’n Roll au Théâtre Académique de la Jeunesse de Moscou (RAMT) et le dramaturge britannique s’est entièrement investi dans cette aventure. Au lendemain de la première du spectacle, Tom Stoppard a offert un concert en faveur des hospices de Russie, auquel participent tous les héros de la pièce, soit le très fameux groupe de rock tchèque Plastic People of the Universe, ainsi que des chanteurs de rock populaires en Russie. L’oeuvre s’ouvre à Cambridge en 1968, lorsque les troupes soviétiques envahissent la Tchécoslovaquie, et se termine à Prague en 1990 au concert des Rolling Stones. En tout, quinze scènes dramatiques se succèdent au travers de fragments musicaux des Beach Boys, Pink Floyd, Bob Dylan et autres. « Si on laisse de côté le rock’n roll, il me semble que l’idée centrale est que, dans une société totalitaire, les hommes ne peuvent pas être séparés, se distinguer de cette société. Il existe une opposition officielle qui, en réalité, fait partie du jeu. Les musiciens le disent très bien : "Ce que vous faites ne nous intéresse pas, nous voulons juste jouer du rock’n roll" ». « Dans ma pièce, j’essaie de montrer que cette position n’est pas possible : si tu ne fais pas partie du jeu, cela veut dire que tu es contre. Il est impossible de dire : nous ne sommes pas contre, simplement cela ne nous intéresse pas », explique l’auteur de la pièce. « Lorsque le théâtre n’est plus seulement du théâtre, alors, notre but est atteint », déclare le directeur artistique du Théâtre

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RECETTE

© JENNIFFER EREMEEVA

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