La Gazette de la Lucarne n° 66 - 15 janvier 2014

Page 1

La gazette de la

lucarne

15 janvier 2014 2 €

n  66 o

La Lucarne des Écrivains, 115 rue de l’Ourcq, 75019 Paris – tél. : 01 40 05 91 29 – http://lalucarnedesecrivains.wordpress.com

Éditorial

Belle épure

Accrochez-vous, chers Lucarnautes, l’an 14 commence et avec lui, son lot de textes initiatiques, pour mieux rêver, mieux (re) commencer, mieux s’engager… « Je recherche la pureté et la beauté », disait Lou Reed. Mais pour quoi faire ? Oyez, lisez, chers Armélites, le réalisme de Jacques Fiorentino, l’hommage à la création de Marc Albert-Levin ou d’Elodie Oberlé, le souffle vital de Patrice Ganot, la poésie du fin « limier » Alain Wexler, l’analyse crue mais non sans lumière – notre quête éternelle ! – de Maud Hofmann ! Découvrez la beauté de Bruno Testa, l’absolu de Michel Bérard, la douceur de Marie P. Zimmer qui dans le bruit du monde sait si bien nous réconcilier avec la vie… Mais perfection n’est pas perfectionnisme, rappelle René Bellaïche, et Michele Sebal de prévenir : « Attention aux mots ! » Loin du racisme et de l’antisémitisme qui renaît en ce début d’année, nous voulions vous donner un peu de fraîcheur, de ciel et d’aspirations enjouées pour 2014, que nous vous souhaitons « purement » magnifique et absolument « belle ». Sarah Mostrel

C

réer ! Pourquoi créer, sinon par nécessité ? Parce qu’audedans de soi, un impossible à étouffer se fraie un chemin vers la clarté. À ce stade, peu importe qu’on ait le sentiment d’avoir créé du pur, du beau. Pas de recherche, pas de quête. Créer, c’est tout ! Émergence immédiate ou laborieuse d’un souffle, une étincelle qui vivotait en soi, malgré soi et qui nous restait aussi inaccessible que la forme à l’intérieur d’un marbre dont l’élégance translucide retient le marteau. Alors relâcher, ne pas vouloir le beau, le pur, juste accepter de faire naître. On accouche, on vomit, on chie, on pleure, on crache, on sue, on murmure, on crie, on dit, on tremble, on saigne... Après seulement émergent en nous les formes vraies que nos souffrances ou nos joies ont générées. En Brassens ou Baudelaire, Sophie Calle ou Ron Mueck… Créations éponymes, journaux intimes où s’épanchent nos viscères. Soudain surgissent, évidents, simples, le son, le mouvement, le trait, la couleur, la

phrase, le mot vers ­lequel l’esprit, le corps, l’énergie se sont tendus. Puis trouver les lignes de force, les zones d’ombre, les sonorités, les accents, le doux, le dur, ce qui caresse ou ­déchire… Cela prend parfois du temps. Des jours, des années pour aller vers des éclairs de pureté, celle qui, telle le tintement d’une cloche tibétaine, fait ressentir une vibration à l’intérieur de soi, plexus, bas-ventre, nuque, corps entier, c’est selon. Pur parce que sans mensonge… Comment s­ inon, penser la pureté dans une ère où l’on sait que tout est combinaison d’entités ? Toucher la p­ ureté, c’est offrir à l’autre un a­ ccès à son art intime, un immédiat qui résonne en un langage universel, quels que soient les codes dont use l’artiste… La beauté en sus  ­ ?

Kryziz Bonny / CC

Michele Sebal

Suite page 3.


no 66

15 janvier 2014

Poser une telle question semble révéler un moral en Berne. Pour y répondre nous ne manquerons pas d’évoquer le pays qui en a fait le siège de son gouvernement fédéral. Mais, en premier lieu, secouons-nous un peu et, avec nous, secouons ledit M O R A L ! Devenu M A L R O, il nous propose le titre suivant :

Le xxie siècle aspirera à la beauté et à la pureté... ou ne sera pas P

atrice

Ganot

Magique, magico-religieux, religieux (sacré), ce qui allait devenir une « œuvre d’art » fut sans doute d’abord, pariétal ou rupestre, un intercesseur, ou plutôt, un moyen d’intercession. C’était utile. Ensuite, du dessin à l’écriture, il s’est agi d’expliquer le monde, de répondre au « d’où venons-nous ? » puis de ­répondre au « où allons-nous ? » C’est à partir du moment où les livres se sont attachés à répondre à cette deuxième question que les choses ont commencé à se gâter. Car, dans le même temps, les livres ont formalisé les dieux, organisé leurs vies et leur ont donné des exigences à l’égard des hommes. À quelques exceptions près, ils ont entrepris de les représenter. Narrations et descriptions pour une relation que leurs auteurs estimaient utile.

O

rson WELLES (Harry LIME) dans LE TROISIÈME HOMME : « L’Italie des Borgia a connu trente ans de terreur, de sang, mais en sont sortis Michel-Ange, Léonard de Vinci et la Renaissance. La Suisse a connu la fraternité et cinq cents ans de démocratie. Et ça a donné quoi ? Une pendulette qui fait coucou ! » Une œuvre d’art, ça ne se mange pas, ça ne se boit pas ; ça ne sert à rien. Alors ?… 2

Des hiérarchies théogoniques aux hiérarchies intrahumaines, l’œuvre d’art est descendue des olympes, est passée du sacré au profane. Les puissants, les riches de ce monde ont très tôt entrepris de flatter leur égo à coups d’œuvres d’art ; de l’architecture de leurs palais – y compris les jardins – aux objets qu’ils devaient contenir – y compris le mobilier – jusqu’aux livres de leurs somptueuses bibliothèques. N’oublions pas les portraits à la gloire, immortalisée, à défaut d’être immortels, des « princes ». La beauté, la pureté, au-delà de l’utilité, du sacré et du profane ? L’humanité, à travers ses artistes, des


no 66

SOMMAIRE

Suite de la page 1. Test, concours, voire canons de la beauté où, guerrier, le mot braque ses gueules noires prêtes à faire jaillir les codes assassins qui ­décapitent tout ce qui ne réunit pas a­ ssez de critères. Critères, vilain mot. À peine dit ou écrit, il musèle. Est-ce que je ne l’aime pas parce qu’il n’est pas beau ? Un mot est-il pur, laid, beau ? Que dire de la beauté, ­sinon que ce mot n’a de sens que s’il s’agit de parler à nos sens… et à notre inconscient. Lou said “Take a walk on the wild side”, avant « Je recherche la pureté et la beauté ».

15 janvier 2014

Allez savoir pourquoi, dans ma wild mind, ça résonne aussi sur un versant glauque, avec des accents scandant la pureté des êtres, des races, et leur beauté i­ntrinsèque… Heureusement qu’on ne peut soupçonner chez Lou Reed des tendances hygiénistes, car à se vouloir le chantre de la pureté et de la beauté, on pourrait se retrouver, le bras levé à la gloire de la race pure. La pureté et la beauté comme recherches personnelles, certes oui. Dès que ces mots sont brandis, attention danger ! M. Sebal

Page 1 

Édito de S. Mostrel

Belle épure, M. Sebal

Page 2-3 

Belle épure (suite) L

 e

xxi e siècle aspirera à la beauté

et à la pureté... ou ne sera pas,

P. Ganot Page 4-5 

La lime, A. Wexler

L ’émotion d’une jongleuse de proses,

M. P. Zimmer

Page 6 Pureté, beauté, le bon vieux temps,

B. Gasco

Page 7 Les soirées de la lucarne Page 8 « Prends mon âme avec ta Beauté ! », B. Testa Page 9 

Bonjour Monsieur, J. Fiorentino

Parfaitement, R. Bellaïche

Page 10

c­ réateurs cristallisant leurs imaginaires dans la matière, a éprouvé le besoin de peindre, de sculpter, d’harmoniser, d’écrire... De dépasser le réel, de le sublimer, de le transcender. Pour le rendre supportable. Elle a produit des œuvres qui n’avaient pas pour fonction première de flatter les puissants ni de louer les dieux. Au reste, nombre d’œuvres ont été d’opposition aux puissants, aux rois, aux tyrans, aux gouvernants de même que certaines ont été jugées impies...

Tant que les frontières de cette Suisse qu’évoque Harry Lime dans Le Troisième Homme ne dépasseront pas celles de ses cantons, tant que l’humanité sera ce qu’elle est dans un monde tel qu’il l’est, victime de hoquets plus ou moins violents, bref ! tant qu’il y aura des hommes (d’ici à l’éternité...) et, si j’en crois l’affiche de mai 68, tant qu’il y aura des rues, l’art sera une nécessité ­vitale. Comme de respirer, il sera vital, pour l’humanité de continuer à aspirer à la pureté et, pour ses créateurs, de lui permettre de « demeurer dans la beauté des choses. » 3

«  La création comme source d’épuration… »,

E. Oberlé

Un poème, M. Bérard

Page 11 Irrémédiablement, M. Hofmann Page 12 Pureté, beauté, à quoi ça peut encore servir ?

M. Albert-Levin


no 66

15 janvier 2014

Une limaille brillante, insinuante pleut sous la lime, Ainsi qu’épluchures d’oignon, copeaux s’enroulent, Cheveux à la coiffure. As tu mesuré la hauteur de ta fierté ? Rien que limaille et copeaux ! Tes mots ne sont que limaille et copeaux !

Abhisek Sarda / CC

4

Alain Wexler

La lime

Le nom ne pouvant être limé Je limerai la chose Pour qu’elle lui ressemble. Je limerai si bien la chose Qu’elle deviendra son modèle. La lime impose des frontières sûres, Un ordre mémorable. Des actes dûment signés devant témoins Faciliteraient tes opérations, Ô lime de liberté grande Qui abolis ta liberté ! Hérissée d’aspérités, Cette lame écorcherait la chose Avant qu’elle n’ait un nom. Son ingratitude Héritée de la matière la plus dure Jamais ne tempère Sa tendance à concrétiser, Bien qu’aucun objet, plus que la lime, Ne pousse aussi loin l’abstraction. La lime façonne l’objet Dont il ne restera que le nom. 4

La main pousse la lime Jusqu’au bord du vide Où tombe le nom de la chose Limaille plus blessante que la lime Près d’être perdue quoiqu’on l’emballe Dans du papier comme mesure de farine. Lime en main pour aimer. En main, la lime, aucune chose à nommer, Ne creuserait que tourmente. De l’amour, ne polirait que l’apparence. La lime, de la chose, ne laisse que le nom. Du corps, évoque le va et vient du temps Et son contraire. En quête d’un nouveau nom, Combien de fois es-tu né ? Plus belle parure Que le ventre de la femme, se peut-il ? Écoute le chant de la lime qui aiguise les sens. Au froid de la nudité, comme un coup de lime, ce cri. Écoute le chant de la lime qui aiguise le sens. La robe qu’il faut ôter. Nous nous habillerons de mots. Lime en main, j’ajusterai la clef et la serrure Pas plus haut qu’un enfant. Dehors, la tourmente fait rage. De l’enfant limé par sa naissance Ne restera que le nom. Dehors, la lime, en forçant les portes, Fait tomber limaille d’étoiles. 4

4


no 66

L’émotion d’une jongleuse de proses Marie P. Zimmer sen

La lime est chien qui gratte à la porte. Tremble le rideau des apparences À la limaille brillante. De l’enfant limé par sa naissance, Ne reste que le nom. Ingrate qui creuse encore, la lime ? À force de creuser, ne trouvera que du vide. Ou l’éclat du nom. Le plein ou le noir de la lumière. C’est en limant le plein que s’exprime la lumière. S’accrochant à la limaille comme à des miroirs. Elle est riche d’aspérités, la lime ! C’est son côté ronce. Quoique la ronce n’écorcherait pas, N’effacerait pas la peau, la terre Pour mettre un nom à la place. Ô lime de liberté grande Qui abolis la liberté, Tu jettes cette limaille Qui fut le prix de la nudité Sans te soucier qu’elle ne la cache un jour à jamais. 4 Lime, qui remets l’épaisseur en cause, Qui exhibes tes aspérités, Dix-mille tueurs dardant lame vers leurs proies, Tu ignores que sous la peau, sous l’écorce, Des racines poussent déjà vers la lumière Des arbres chargés de fruits.

vo y a ge

s

ons o ti m é

magie

J

e déploierai mes mots dans l’air des sensations. Ils vous viendront graciles et légers pour mieux vous emporter. Il faut de la pureté, de la beauté pour qu’ils vous touchent, vous atteignent en intime. Je veux de vos émotions partagées, je vous offre mon âme en mes lignes. Je les invente, je les triture, ces proses à vous surprendre, c’est l’alchimie qui fait la magie… Voyez comme soudain tout se bouscule, vous aviez tant enfouis en vos silences, ces larmes qui hantent, ces alchimie d’aimer… Ouvrez enfin vos sens à mes fusions, voyagez de moi. Mes ressentis sont vôtres désormais, faites-en comme bon vous semble, ils sont des oiseaux posés sur vos fenêtres afin de vous donner juste l’envie de les regarder s’envoler… Je ne sais ce qu’est la perfection, existe-t-elle quand on s’émeut ? Je ne me relis qu’après vos paroles ­offertes en retour, je vous les donne dans la liberté de mon imaginaire. J’ai mal, bien sûr, quand ils ne vous parlent pas, car ils n’ont de réalité qu’entre vos mains, fantômes déjà d’un moi à nouveau clos. Demain, d’autres sortiront de mon ventre, se mêleront à votre quotidien, là est leur place. Je veux de vos chemins dans la saveur de mes sens… et que demain vous ayez encore envie de venir vous ressourcer auprès de moi une nouvelle fois. 5

15 janvier 2014


no 66

15 janvier 2014

Pureté, beauté, le bon vieux temps

DR

Bernard Gasco

A

vaient-ils leur content de beauté et de pureté au xxe  siècle, le mien, alors qu’aujourd’hui le doute serait permis ?... L’être humain aurait-il changé ? Moins beau, moins pur ? La vision des arts ? Le marché ? Les pratiquants ? Trop d’amateurs ? De Moldaves ? De noirs ? De femmes ? Pourtant certaines sont pures chez les catholiques et toutes sont belles pour moi… Là, je vais agacer… Moins risqué, des exemples chez les morts, j’en connais davantage que des vivants… La beauté de la duchesse d’Albe, la pureté nue de la mignonne de Cranach. Les mots de Madame de la Fayette, un poème de Mallarmé… Au xxe, j’ai vu les Boches à Paris, la Libération, le Grand Palais qui flambe… J’écoutais la radio le 13 mai 1958… Puis cet immense calicot : « L’Odéon est ouvert ! »… Joli mois de mai, j’ai tenté de jouir sans entrave… Sur le mur : «  Cours, connard, ton patron t’attend… » Justement, je courais, j’avais un patron… Au Café du

Palais, la prostituée aux yeux cernés me souriait en écartant insensiblement les jambes… J’aimais sa culotte rose… Tout n’était pas pur, tout n’était pas beau… L’Histoire continuait… En peinture, Grosz, Dix, Schiele, Bacon… En littérature, Céline, Miller, Bukowski, Leduc… Le sexe existait déjà, il y avait des homosexuel(le)s depuis toujours… Mon ami Saïd tenait un bordel d’hommes à Paris près du café de mes parents… Dans le métropolitain parisien un monsieur m’a mis la main à la braguette derrière mon cartable, j’ai eu comme du plaisir… Bien plus tard, c’est moi qui me suis trouvé collé à une personne du « beau » sexe. Elle portait un imperméable bleu ciel, nous nous sommes compris… Ni de l’art ni de la littérature ? En êtes-vous si sûrs ? « L’Art contemporain », ces tuyaux d’arrosage, ce tas de fourrage. Cet urinoir au musée, qu’un visiteur utilise sous les applaudissements… Du grand art… Cet immense « bestseller », le narrateur dévore deux belles blanches où ça fait vraiment mal… Superbe littérature… Vous, les actuels, bonne chance pour la ­pureté avec vos petites lolitas (quel livre !)… La beauté, elles s’en occupent : short p­énétrant, col6

lant troué, lèvres peintes, devinez lesquelles... Nil novi sub sole… Catastrophes d’hier, ravages d’aujourd’hui, désastres de demain. La nature envoie un signal ici ou là mais Dieux merci, nous avons le choix, les religions apaisent… Tout n’a-t-il pas été toujours pour le mieux dans le meilleur… Aïe, je m’aperçois que je n’ai rien compris au sujet, il fallait lire, je simplifie : « Dans la décomposition massifiée de notre monde techniquement livré aux termites et cancrelats de l’argent, la corruption, les réseaux, le clientélisme, le népotisme, l’alcool, la drogue, la pornographie, la débauche, la “Toile”, j’en oublie, incubés dans le vieux couple “connerie et saloperie humaines”, une fleur de pureté, de beauté, peut-elle encore poindre en littérature, en peinture ou dans la culture des olives en Basse-Provence ? » Une fleur, oui, comme toujours sur le fumier.


no 66

Soirées de la Lucarne

un point de vue résolument masculin. Dans la deuxième partie, tirée de « La Légitimité esthétique du Mariage », au cours de conversations animées, Kierkegaard analyse avec acuité, mais tendresse, les péripéties des différents stades de la vie des couples mariés…

 Mercredi 15 janvier 2014 à 19 h 30

 Samedi 25 janvier de 14 h à 16 h

Une soirée littéraire en compagnie d’Albert Memmi pour Les coplas du jeune homme amoureux, paru aux éditions Al Manar, C’est le recueil du premier volet d’une trilogie intitulée Éloge des femmes consacrée par l’auteur à l’amour.

Venez participer à l’atelier d’écriture de Jean-Lou Guérin. Un moment chaleureux, pour trouver ou retrouver le plaisir d’écrire, mettre en forme ses souvenirs, faire confiance à son imagination. Prochaines dates : samedi 8 et 22 février, samedi 8 et 22 mars 2014, de 14 h à 16 h. Abonnement : 5 ateliers de deux heures : 50 €. Inscrivez-vous auprès d’Armel, au 01 40 05 91 29.

Soirée littéraire

 Samedi 18 janvier 2014 de 14 h à 16 h

« Sur l’art du bref »

Participez aux ateliers d’écriture de Sylvain Josserand L’objectif de cet atelier est d’apprendre aux participants à produire des objets littéraires, sous la forme de courts textes : fragments, poésies, haïku, anamnèses, contes, nouvelles,récits, monologues, dialogues sous la direction de Sylvain Josserand, poète-écrivain, auteur de recueils de nouvelles et de haïkus. Il est animateur d’ateliers d’écriture (formation Aleph-écritures), depuis quinze ans auprès d’adultes et de jeunes. Prochaines dates : samedi 1er et 15 février, samedi 1er et 15 mars 2014, de 14 h à 16 h. Abonnement : 5 ateliers de deux heures : 50 euros. Inscrivez-vous auprès d’Armel, au 01 40 05 91 29 ou 01 40 05 91 51.  Mercredi 22 janvier 2014 à 19 h 30

Soirée littéraire

organisée à l’occasion de la sortie du livre Atomium, de Constance Chlore, qui en lira quelques passages. Lors de cette soirée sera présenté le n°5 de la revue L’Intranquille, avec des lectures de Lucie Taïeb, Vianney Lacombe, Pierre Drogi, Herta Müller (prix Nobel 2009), Françoise Favretto lira les traductions de Andrea Zanzotto et de Alejandra Pizarnik (2014, Atelier de l’agneau éditeur).  Jeudi 23 janvier 2014 à 19 h 30

« D’écritures en écritures ! »

 Samedi 25 janvier à 17 h

Vernissage de l’exposition « Études » de Valentin Scarlatescu. Cet artiste a fait l’Institut des beaux-arts à Bucarest et a participé à des expositions de groupes en Roumanie et en France. Il est professeur de dessin et d’anatomie artistique et actuellement conservateur et restaurateur d’art, travaillant pour le patrimoine français, depuis 1988.  Vendredi 31 janvier 2014 à 19 h 30

Soirée Histoire

Révolution et contre-révolution en Allemagne : 1918-1920 de Paul Frölich, Rudolf Lindaw, Albert Schreiner et Jakob Walcher, avec les éditions science marxiste. Cet ouvrage analyse les événements qui vont de la révolution de novembre 1918 au putsch de Kapp en mars 1920.  Samedi 1er février 2014 à 19 h 30

Soirée Shakespearienne

Autour des sonnets de Shakespeare, Shakespeare et Son Double, traduits par Joël Hillion, et qu’il présentera.  Jeudi 6 février 2014 à 19 h 30

« Le livre, les libraires, les auteurs et les éditeurs ont-ils un avenir ? »

Soirée de lecture théâtrale autour des pièces Kaiser et L’Héritage (éditions de l’Amandier) d’Alexis Ragougneau, en compagnie de l’auteur.

avec Dominique Mazuet pour Critique de la raison numérique et Correspondance avec la classe dirigeante sur la destruction du livre et de ses métiers ; Paul Desalmand pour Éditez-moi ou je vous tue ! et Octave Grossous, pour Guide pratique de l’éditeur pour mieux pressurer les auteurs.

 Vendredi 24 janvier 2014 à 19 h 30

 Vendredi 14 février 2014 à 19 h 30

Soirée lecture théâtrale

Soirée lecture-spectacle-philo Amour ou mariage selon Kirkegaard. Quatre comédiennes sont tombées amoureuse du philosophe danois et nous font partager leur passion. Nul esoin d’être initié à la philosophie pour voir ce spectacle. La première partie, intitulée « In Vino Veritas » est

Le Feng Shui de l’amour !

Soirée organisée avec Annabelle, pour la Saint-Valentin. Adieu à la solitude, vive l’amour ! Aménagez votre chambre (et votre oreiller)… selon les principes du Feng Shui, grâce aux conseils avisés d’Annabelle.

Plus de détails sur : http://lalucarnedesecrivains.wordpress.com La Lucarne des Écrivains, 115 rue de l’Ourcq, 75019 Paris - Tél. : 01 40 05 91 51 7

15 janvier 2014


no 66

15 janvier 2014

« Prends mon âme avec ta Beauté ! »

scatto felino / CC

Bruno Testa

L

a quête de la beauté et de la pureté ? On la découvre d’autant mieux que l’on sait traverser l’Enfer. Enfer des apparences (mythe de la caverne de Platon), qui empêche de voir le Beau, le Vrai, le Bien. Enfer du prosaïque où se débat l’amour. Pour rejoindre Béatrice, Dante doit parcourir tous les cercles : cercles de l’Enfer, cercles du Purgatoire, et enfin, cercles du Paradis où trône sa Dame de cœur. À sa manière, Rimbaud nous dit la même chose : il faut traverser l’Enfer pour rejoindre la vraie beauté. Souvenez-vous  : «  Un Soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux. – Et je l’ai trouvée amère. – Et je l’ai injuriée. » C’est à ce moment là que commence réellement Une saison en Enfer. Plus tard, à la fin de « Délires II », quand s’achève presque la saison, Rimbaud peut dire : « Cela s’est passé. Je sais aujourd’hui saluer la beauté. »

Entre temps, on remarquera que la Beauté s’est singulièrement rétrécie. Elle ne porte plus de majuscule. Elle est devenue à hauteur d’homme. Elle n’a plus à se ­préoccuper de pureté dont on ne sait jamais trop bien ce que cela signifie. Chez Bukowski également, l’enfer n’est jamais loin dont l’amour se fait parfois le chien : l’enfer de la ville tentaculaire dont le nom Ville des Anges (Los Angeles) est d’autant plus dérisoire. Dans Les Contes de la folie ordinaire, film tiré des nouvelles de Bukowski, le cinéaste Marco Ferreri fait dire à Ornella Muti qui incarne la prostituée Cass, face au poète alcoolique Charles Serking incarné par Ben Gazzara : « Prends mon âme avec ta queue ! » Nul doute que cette phrase qui peut choquer certains est pourtant dans la droite ligne des apostrophes mystiques. Bien sûr Thérèse d’Avila se 8

contente de dire : « Et je meurs de ne pas ­mourir. » Angèle de Foligno : « C’était pendant le carême, j’étais sèche et sans amour. » Mais à la « queue » près, que l’on peut remplacer par le mot « Dieu », c’est bien de la même chose dont on parle, de désir d’absolu : « Prends mon âme avec ton Dieu ! » Et tous les chemins sont bons pour y parvenir. Jean de la Croix ne passe-til pas par La Nuit obscure pour atteindre la lumière ? La laideur (l’enfer  ?) de notre époque étant incommensurable (téléréalité, consumérisme outrancier, abêtissement programmé des masses), l’aspiration à la beauté devrait avoir de beaux jours devant elle. Après l’asservissement du p­olitique par le Marché, c’est même le seul programme révolutionnaire qui nous reste dont le mot d’ordre pourrait être : « Prends mon âme avec ta Beauté ! »


no 66

15 janvier 2014

Bonjour Monsieur, Parfaitement Jacques Fiorentino

René Bellaïche

neal fowler / CC

« B

onjour monsieur, voulez-vous bien patienter sur le banc, à droite ? » « Oui monsieur, c’est ainsi… » « Comment, vous ne devriez pas attendre ! Je suis désolé mais c’est ainsi, pas de passe-droit » « Bon voilà, c’est votre tour, monsieur, merci de venir vous asseoir devant mon bureau » « Donc vous êtes monsieur… Pourriez-vous me rappeler votre profession ?… Oui la dernière » « Critique de cinéma… C’est un métier, ça ??? » « Un moment, je vais ouvrir votre dossier dans notre fichier. Et bien si l’on analyse les éléments positifs et les négatifs, je suis au regret de vous annoncer que votre compte est débiteur et même largement débiteur. Oui, je sais, c’est toujours dur à apprendre ! » « Pourquoi ? Vous me demandez pourquoi ? C’est assez simple… Vous n’avez pas cessé d’écrire des critiques très acerbes sur nombre de films… Et comme vous avez un certain renom, vous avez au passage plombé des œuvres de qualité, forcément… On trouve même des carrières de réalisateurs et d’acteurs brisées. » « Comment ? Que dites-vous ? Ah oui, c’est au nom de la qualité. » « Vous, vous estimez que si une œuvre n’est pas parfaite à vos yeux, elle doit disparaître » « Oui j’ai bien compris… Mais que signifie pour vous la perfection au cinéma ? » « Ah, la pureté de la création, c’est cela ? Pour vous, une œuvre doit transcender la vie et il n’y a pas de place pour l’imperfection.» « Donc, pour vous, les critiques, les vrais comme vous, sont les seuls à déterminer parmi les œuvres celles qui doivent vivre et celles qui doivent mourir… En somme, vous êtes Dieu sur la planète cinéma. » « Une question, pensez-vous que la vie soit parfaite ? Tiens, par exemple, que pensez-vous de la vôtre ? » « Vous gardez le silence, c’est étrange… » « Ah, je me disais bien… » « Bon, je crois avoir bien compris. Nous allons donc ­arrêter là votre interrogatoire. Voici votre nouvelle carte d’identité perpétuelle avec votre nouvelle adresse. Veuillez signer ici pour confirmer l’avoir bien reçue. » « Comment… Vous ne comprenez pas l’adresse ?… Oui, c’est l’enfer. » « Bien sûr pour l’éternité. » « Adieu, monsieur. »

L

a pureté et la beauté sont des absolus, c’est-à-dire des objectifs inaccessibles, dont la « fonction » n’est pas d’être atteints, mais d’être poursuivis, c’est-à-dire de faire avancer, d’inventer. Poursuivre la pureté et la beauté est donc plus que légitime, nécessaire, à condition qu’il soit bien entendu qu’on ne saurait les atteindre. Si la recherche d’une certaine « perfection » conduit au totalitarisme, c’est précisément dans la mesure où cette perfection est supposée pouvoir et devoir être atteinte. Parce que la perfection réalisée est… irréaliste, la réalité étant finie et la perfection, par définition, absolue, c’est-à-dire infinie. Concrètement, un monde parfait serait un monde sans limites. Or, un monde sans limites est un monde sans contours, sans forme, un monde… inexistant. À tenter d’éliminer les imperfections, c’est-à-dire les limites, on en arrive à tout éliminer, puisque tout ce qui existe est par définition limité, donc imparfait. Chercher à créer un monde parfait revient donc à ­détruire le monde. La volonté d’atteindre la perfection est une des formes, et non la moindre, du nihilisme. La recherche de la perfection, d’une perfection pouvant être atteinte, est donc à proscrire. Mais le perfectionnisme, c’est-à-dire la volonté d’améliorer les choses autant que faire se peut, étant bien entendu qu’il ne saurait s’agir de les rendre parfaites, est à préconiser sans réserves, quels que puissent être, par ailleurs, ses inconvénients, que ses avantages contrebalancent largement ! 9


no 66

15 janvier 2014

«  La création comme source d’épuration…  » Elodie Oberlé

Ci-dessus : Une Valse en hiveral, d’Elodie Oberlé.

La peinture est un aspirateur à émotions ! Les couleurs sont celles de mon cœur. J’épure mes sentiments en créant. Méditation profonde qui laisse au corps exprimer son inconscient. Les peines et les joies s’y côtoient et la recherche vers la sagesse progresse. Quand mes pinceaux s’arrêtent et que je me réveille, je me sens toute neuve. Chaque toile achevée est une renaissance de mes sens et de mes sentiments. Et débarrassée de mes douleurs et de mes peurs, je me rejette dans la Vie avec envie et appétit. Rajeunie et épanouie, je savoure les jours et les nuits… Et un jour s’approchera l’ami…

10


no 66

15 janvier 2014

Irrémédiablement Maud Hofmann

La pureté, la beauté Quêtes humaines, édens inaccessibles, hors d atteinte Tels des chariots accrochés aux étoiles de l’espérance Jetés dans un monde impur et laid L’Homme transfigure le réel Transcende le relatif Rêve d un absolu D’un monde imaginaire, inventé par lui Dévêtu de ses oripeaux Monde beau, pur, parfait Illusions, chimères, utopies Cascades d’espérance... vaine Mais imaginons Sisyphe heureux Hissons avec lui le rocher Admirons-le se relever après s’être fracassé sur l’arête de la désespérance Admirons son désir irrépressible et irréfragable

L’Homme est contingent Il aspire à se dépasser Il aspire à la perfection, à la pureté, à la beauté Il n’en est rien ! « Ses ailes de géant l’empêchent de marcher » Comparable à un albatros qui se voit, L’homme se veut conquérant, géant Bravant cimes et sommets Défiant ses limites Mais ne peut avancer Ne peut réaliser son rêve Êtres imparfaits, obscurs, petits Poursuivons notre idéal de lumière Dans notre imaginaire luxuriant, foisonnant Uniquement Seulement Éternellement Irrémédiablement

Que serait un monde pur et beau ? Une terreur glacée, un ordre froid Un silence assourdissant Un isolement encombrant Où le rêve n’aurait plus sa place

Bulletin d’abonnement à retourner à : Jean-Baptiste Féline : (La Lucarne des Écrivains), 27 rue des Bluets, 75011 Paris. jbfeline2000@yahoo.fr (pour toute question relative aux abonnements). Nom : ............................................................................................. Prénom : ...............................................................................................................

Adresse :.............................................................................................................................................................................................................................. Ville :............................................................................................................. Code postal : ........................................................................................ Tél. : ........................................................................ Courriel :..........................................................................................................................................

❑ Je m’abonne pour un an à La Gazette de la Lucarne (abonnement électronique), soit 30 €. Ci-joint un chèque de .......................................... libellé à l’ordre de La Lucarne des Écrivains.

11

ISSN 2101-5201 La Gazette de La Lucarne mensuel de La Lucarne des Écrivains Rédaction et administration : 115 rue de L’Ourcq, 75019 Paris lalucarnedesecrivains@gmail.com Directeur de la publication : Armel Louis Coordination du numéro : Sarah Mostrel Maquettiste : Emmanuelle Sellal.


no 66

15 janvier 2014

M A -L Pureté, beauté, à quoi ça peut encore servir ? arc

P

ureté, beauté, de nos jours, on pourrait penser qu’il n’y a plus que les spots publicitaires qui s’en préoccupent, pour vendre de l’eau minérale ou des crèmes à effacer les rides. Et l’art lui-même, qu’est-ce que c’est ? Des travailleurs sociaux sont spécialement formés pour apprendre à des artistes récalcitrants à « faire le deuil de leur projet artistique », et les ré-aiguiller vers des activités plus rentables. J’ai une amie peintre qui a eu du mal à maîtriser sa colère quand on le lui a proposé. Teint pur, air pur, pour vendre du maquillage ou des séjours à la montagne, de cette pureté-là, on en ­entend toujours parler. Mais à part celle de la neige, la virginité n’est plus tellement appréciée. Et je risque de faire sourire si je répète un adage bouddhique que j’ai traduit et que j’admire : « Il n’y a pas de terre pure ou de terre impure en elles-mêmes, il n’y a que la pureté ou l’impureté de notre propre cœur. » Voilà-t-il pas qu’à quelques jours de 2014, un voisin vient me voir et me dit : « L’art pour moi ne sert à rien. À quoi ça sert à ton avis ? » Je lui réponds : « Tout simplement à redonner du goût et des couleurs à la vie. J’avais un grand ami, un saxophoniste

lbert

evin

afro­-américain du nom de Marion Brown. Un soir, après un concert au New Morning, un type est venu le voir et lui a dit : « Avant de vous entendre, je voulais me suicider. Mais après vous avoir entendu, j’ai décidé de redonner une chance à la vie. » Et voilà-t-il pas qu’en guise de bons vœux, j’ai reçu un petit livre de Paul Desalmand, auteur bien connu des lecteurs de notre Gazette, intitulé : Éditez-moi ou je vous tue ! Il y a un très beau chapitre sur « Le livre qui a changé leur vie ». Il y parle de l’effet qu’ont eu, entre autres, Cendrars sur Henri Miller, Renan sur George Steiner et Rimbaud sur Françoise Sagan. Voilà pour la pureté. Quant à la beauté, l’un des plus beaux morceaux de Thelonious Monk s’appelle Ugly Beauty (Hideuse Beauté). Et le tableau le plus célèbre d’un peintre flamand du xvie siècle, Quentin Matsys s’appelle La duchesse hideuse. Depuis toujours, certains artistes ont su transfigurer le quotidien, nous rendre la vie belle là où des yeux vulgaires ne voyaient que laideur et banalité. Grâce à de tels artistes, même lorsqu’ils ne sont plus de ce monde, il est possible de goûter la pure joie d’être en vie.

D'autres textes sur le thème, sur http://lalucarnedesecrivains.wordpress.com/Essais

12

Ci-contre : Marion Brown, Jazz Band, encres de couleur, 1984, coll. M. AlbertLevin.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.