La Zone de Boxe vol 39

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Le seul magazine au Québec dédié uniquement à la boxe Mai , 2013 Numéro 39

SPÉCIAL PASCAL VSBUTE LA PAGE DU BOXEUR PAR FRANK COTRONI LA BOXE ET MOI PAR IAN EDERY DIRECTEUR DES OPÉRATIONS D’INTERBOX LA ZONE SUR LA ROUTE RETOUR SUR UNE CARIÈRE INSPIRANTE, GAÉTAN HART LA GALERIE DES PHOTOGRAPHES

LA ZONE DE BOXE - MAI 2013

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MAI 2013 - LA ZONE DE BOXE


SOMMAIRE MAI 2013, NUMÉRO 39

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MAGAZINE LA ZONE DE BOXE 2755 Clermont Mascouche (Québec) J7K 1C1 info@lazonedeboxe.com ÉDITEUR RÉDACTEUR EN CHEF

Benoit Dussault Jean-Luc Autret

COLLABORATEURS Martin Achard

Russ Anber

Douggy Bernèche Mike Bilodeau

Frank Cotroni

CORRECTEUR/ RÉVISEUR

Ian Edery Benoît Dussault

GRAPHISTE Marie-Claude Gratton PHOTOGRAPHES

Vincent Éthier Robert Lévesque Stéphane Lalonde

Le magazine la Zone de boxe fut fondée en 2004 à Mascouche par François Picanza. Ce magazine est maintenant offert gratuitement sur le web.

Sommaire

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Mot du rédacteur en chef

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Mot de l’éditeur

Avantage Bute par Mike Bilodeau

Avantage Pascal par Martin Archard

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Les camps d’entraînement en photos

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La page du boxeur par Frank Cotroni

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Le plus grand combat de l’histoire, vraiment?

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La zone sur la route

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Retour sur une carrière inspirante, Gaétan Hart

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La boxe vue de l’intérieur par Douggy Bernèche

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La boxe et moi par Ian Edery

La galerie des photographes

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8e ANNÉE, NUMÉRO 39 MAI 2013

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MOT DE L’ÉDITEUR Benoît Dussault, éditeur du Magazine en compagnie du regretté Bert Sugar, éditeur du Ring magazine 1979-1983

C’est un réel plaisir de vous offir ce 39e numéro du magazine de la Zone de boxe. La boxe professionnelle est plus vivante que jamais à Montréal et nous sommes très choyés d’en être si près. Bien entendu, le choc de titans entre Jean Pascal et Lucian Bute que nous attendons tous depuis des années aura enfin lieu le 25 mai. La dernière fois où nous avons vu un tel engouement pour un évènement de boxe, il faut probablement remonter au « Brawl in Montreal » de 1980 entre les mains de pierre Roberto Duran et Sugar Ray Leonard. Je suis convaincu que nous parlerons encore du combat Bute-Pascal dans plusieurs années puisque tous les ingrédients sont réunis pour en faire un évènement magique. Jean-Luc Autret et moi avons eu la chance de passer quelques jours en compagnie de TEAM BUTE à West Palm Beach et nous pouvons vous affirmer que le Roumain a du feu dans les yeux. J’en profite pour souligner la grande classe de tout l’entourage Bute. Malheureusement, notre emploi du temps ne nous a pas permis de nous rendre au camp de TEAM PASCAL dans le

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Nevada. Cependant, notre contact sur place nous confirme que Jean ne lésine sur rien et n’accepte aucun compromis quant à sa préparation. On dit même qu’il mange du lion à tous les matins.

Finalement, Dierry Jean se bat dans un combat éliminatoire le 10 mai prochain en Oklahoma. On doit aussi décerner une mention plus qu’honorable à Antonin Décarie, qui malgré la défaite, a offert un grand combat à Luis La grosse machine HBO se dépla- Abregu chez lui en Argentine. cera à Montréal deux fois en moins Malheureusement pour Décarie, d’un mois. D’abord pour le choc les caméras de HBO n’ont pas difPascal-Bute, puis deux semaines fusé le combat tel qu’annoncé. Ce plus tard, alors que la ville sera à n’est que partie remise. Décarie a peine remise de la secousse, Ado- épaté devant Alex Perez sur ESPN nis Stevenson affrontera le cham- et une fois de plus en Argentine. Il pion des mi-lourds de WBC Bad peut marcher la tête haute. Je suis Chad Dawson. Une victoire contre certain que le téléphone sonnera Dawson rendrait les choses drô- bientôt. lement intéressantes pour nous. Nous aurions droit à un « Super Les prochains mois réservent Four made in Montreal» Bute, aussi de très belles promesses Pascal, Alvarez et Stevenson. pour Kevin Bizier, David Lemieux et Mikeal Zewski. En tout dernier Je ne voudrais pas passer sous lieu, la carte du 8 juin nous prosilence la superbe victoire de Ber- pose Yuri Gamboa, Tyson Fury et mane Stiverne aux dépends de un duel de poids lourds entre DiChris Arreola à la fin avril en Cali- dier Bence et Eric Barrack. fornie. Stiverne a dominé Arreola grâce à sa vitesse. Comme quoi, Qui a dit que la boxe était moriau royaume des tortues, les escar- bonde au Québec ? gots sont marchands de vitesse. Espérons maintenant que le géant Ukrainien daigne bien lui accorder un combat.

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MOT DU RÉDACTEUR EN CHEF Par Jean-Luc Autret Certains amateurs de boxe ont parfois l’impression qu’il n’existe que deux organisations au Québec qui soient en mesure de mettre sur pied des soirées de boxe. C’est bien loin d’être le cas et depuis trois ans, plusieurs entraîneurs se sont faits promoteurs pour diverses raisons. Voici six hommes qui permettent à la relève de gravir les échelons et qui leur donnent la chance de rêver aux plus grands honneurs.

scène, le fils d’Ali, Mitch est aussi à surveiller pour le futur. CAMILLE ESTEPHAN, L’AMBITIEUX

Gérant de boxeur depuis 2008, Camille Estephan a progressé rapidement dans le monde de la boxe. Aujourd’hui, avec plus d’une dizaine de boxeurs dont les David Lemieux, Antonin Décarie et Bermane Stiverne, il organise des galas depuis l’automne 2010. Sa série « Fight Club », à Pointe-Claire ALI NESTOR CHARLES, l’an dernier, a permis à Dierry LE PIONNIER Jean d’intégrer le top 15 mondial Depuis douze ans, Ali Nestor au sein des grandes associations. Charles et son organisation l’Ul- Le 10 mai, il sera impliqué dans time Génération Combat (UGC) un combat pour devenir l’aspioffrent aux jeunes athlètes de rant obligatoire de l’IBF. La série boxe et de combats ultimes deux « Fight Club » de cette année, à trois galas par année. Le 10 mai, maintenant domiciliée à proxiNestor présentera sera le 32e gala mité du casino du Lac Leamy à UGC qui a notamment permis à Gatineau, a pour objectif de faire Lucian Bute, Dierry Jean, Arash progresser tout aussi rapidement Usmanee et Yves Jabouin (cinq Ghislain Maduma. combats en UFC) de progresser. Certainement qu’Eye of the TiLa philosophie d’Ali Nestor est ger Management a les moyens, simple, il ouvre ses portes à ceux les athlètes, l’organisation et le qui n’ont pas de promoteurs professionnalisme pour passer tout en priorisant évidemment du stade où il est actuellement à ses protégés qui fréquentent celui de joueur majeur au même quotidiennement son gymnase, titre qu’InterBox et que le Groupe l’Académie Ness Martial. Sa plus Yvon Michel. La récente victoire grande fierté est d’avoir main- de Bermane Stiverne en Calitenu une constance à travers la fornie n’amènera probablement dernière décennie et un peu plus. pas Vitali Klitschko à se battre Depuis quelques galas, Roody à Montréal, mais ça aura des Pierre-Paul (7-0-0 4K.O.), un 135 conséquences positives pour tous livres, a souvent été mis à l’avant- les boxeurs de l’organisation.

MICHEL DESGAGNÉ, LE VÉTÉRAN ET LE PETIT NOUVEAU À LA FOIS Président et entraîneur du club de boxe de Chicoutimi depuis des lustres, Michel Desgagné s’est récemment associé avec David Grenon, un homme d’affaire saguenéen et entraîneur au sein de son club. La présence de cet associé a fait la différence dans la mise en application de ce projet vieux de plusieurs années. Le groupe Impact Sport Productions a présenté son premier gala le 3 février dernier à l’aréna Pierre-Lavoie sur le site de l’UQAC. Évidemment, la principale motivation du duo est de permettre à Francy Ntetu de se battre régulièrement, et ce, face à des rivaux de qualité. De plus, ils permettent des boxeurs amateurs (John Alejando Gonzalez et Guillaume Coudé) de la région de goûter au plaisir de la boxe professionnelle. Signe de la croissance de la jeune organisation, le prochain gala aura lieu le 3 mai et sera présenté à la télévision communautaire. Un autre gala devrait avoir lieu dès l’automne prochain.

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MARC SEYER, LE MÉTRONOME La population de Saint-Hyacinthe entend parler de boxe locale depuis plus d’une trentaine d’années. Marc Seyer a pris la relève de Bernard Barré depuis longtemps et il a organisé à de nombreuses reprises des compétitions nationales au niveau de la boxe olympique. Depuis trois ans, grâce à la présence dans son gym de deux boxeurs, l’ancien entraîneur de Sébastien Demers a mis au point des galas impliquant des boxeurs professionnels. Les Mick Gadbois (9-0-0, 3 K.O.) et Alex Hamel (3-0-0, 3 K.O.) sont toujours au cœur de la programmation de la soirée et ils attirent de 1000 à 1500 spectateurs à chaque fois.

son organisation. Maintenant installé dans le bas de la côte NéréeTremblay depuis novembre 2011, Duguay et ses deux associés peuvent compter sur des locaux de haut niveau. Dans le but de favoriser la progression de Sébastien Bouchard et de Nicolas Valcourt, deux galas ont été organisés dans l’enceinte du gym. Suite au triomphe à Calgary d’Éric Martel, Duguay souhaite organiser une troisième soirée de boxe professionnelle le 14 juin prochain. Si tout se passe bien, à l’automne, nous aurons droit à une soirée impliquant Sébastien Bouchard et Éric Martel. DOUGGY BERNECHE, L’IMPORT-EXPORT

Le propriétaire et entraîneur du club de boxe l’Est à Montréal ne fait pas les choses pas comme les autres. Il y a environ cinq ans, Douggy Berneche a invité le quintuple champion canadien amateur d’origine afghane, Arash Usmanee (20-1-0, 10 K.O.), à s’installer à Montréal et à gravir les échelons de la scène internationale. Après avoir investi des milliers de dollars, Douggy Berneche s’est mis à organiser des galas alors qu’Usmanee avait une fiche de 14-0. Les soirées au Chapiteau Maissoneuve ont facilité la vie du FRANÇOIS DUGUAY, gérant qui croyait au potentiel de LE PERSÉVÉRANT son protégé. Sans le soutien d’un promoteur autre que Douggy, UsInstallé à Québec depuis 2004, manee a été en mesure d’obtenir François Duguay avait une longue un titre mineur à Atlanta et, en expérience dans le milieu de la janvier dernier, il a fait la finale de boxe avant d’ouvrir son gymFriday Night Fight à ESPN. La finanase dans la capitale nationale. lité de son combat contre Rances Bien connu pour être l’entraîneur Barthelemy est bien connue et d’Apou Côté, Duguay a déménagé démontre que l’on peut faire des ses sacs de sable à trois reprises miracles avec beaucoup de perséavant de trouver le lieu idéal pour vérance. Le gaucher Gadbois participera à son dixième combat lors du gala présenté à l’aréna C-A Gauvin le 1er juin prochain. Évidemment, c’est de plus de plus difficile de trouver des adversaires à celui qui est monté à deux reprises sur le ring du Centre Bell. L’autre tête d’affiche, Alex Hamel fera la finale d’un gala à Shediac au NouveauBrunswick le 11 mai prochain, il se mesura à Chris Norrad (11-00, 6 K.O.), puis sera de retour à St-Hyacinthe trois semaines plus tard.

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Les six galas en 13 mois présentés par Douggy Berneche n’ont pas seulement permis à Usmanee de progresser, Steven Harvey à aussi pu se battre à trois reprises. De nombreux autres boxeurs comme Kevin Lavallée et Frank Cotroni ont pu mettre les gants à plusieurs reprises. Fait à noter, le premier gala s’est organisé en seulement 19 jours. Une prochaine soirée se dessine pour le mois de juin afin de permettre à Steven Harvey de monter de nouveau sur le ring. DES HAUTS ET DES BAS

Chacun de ces passionnés ont vécus de grandes émotions lors du triomphe de leurs protégés mais encore plus d’embûches avant de se rendre là. La difficulté la plus souvent rencontrée est certainement le « matchmaking ». Faire venir des boxeurs de l’étranger entraine des coûts importants liés à l’hébergement, au transport, aux allocations budgétaires et c’est sans compter sur les problèmes liés aux visas. Certains ont plus de difficultés avec la lourdeur administrative de leur entreprise alors que d’autres c’est relié à la recherche de commanditaires pour permettre l’autofinancement de leur soirée. Peu importe les difficultés rencontrées, nous nous devons de souligner et de remercier ces hommes de boxe qui permettent à la relève de grandir et de garder bien en vie la boxe québécoise. Dans les prochaines semaines, ils nous offriront tous un gala de boxe, n’hésiter pas à investir quelques dollars pour les encourager.

Bonne boxe


AVANTAGE BUTE Tout d’abord, je vois avouer que ce combat est très difficile à prédire pour moi puisque mon cœur balance énormément entre les deux! J’ai donc fait cette analyse avec ma tête plutôt qu’avec mon coeur. Même en analysant froidement les forces en présence, on conclut rapidement que toutes les issues sont possibles dans ce combat. Du K.O., d’un côté ou de l’autre, à la décision en passant par le combat nul! « STYLES MAKE FIGHTS » Le gaucher face au droitier, le boxeur cérébral devant le boxeur instinctif, le technicien vis-à-vis le bagarreur. Que demander de mieux ? On aura beau faire des règles de trois à qui mieux mieux, cela ne servira à rien puisque les

styles font les combats. Dans le cas qui nous intéresse, rien de mois que Lucian Bute face à Jean Pascal! Est-ce que le poids sera un facteur? Pascal a longtemps boxé à 168 livres avant de faire le saut à 175 livres, il y a quelques années. Bute a une grosse charpente de 6 pieds 2 qui lui permettra de prendre les livres supplémentaires sans que ce ne devienne un inconvénient. En fait, le soir du combat les deux boxeurs pèseront autour de 182-184 livres.

Prenons tout d’abord le temps de mettre une chose au clair, Jean Pascal est le favori pour ce combat. Il possède indéniablement certains avantages dont une plus grande expérience dans la catégorie des mi-lourds; des adversaires bien supérieurs à ceux de Bute. Quant à Bute, il y a lieu de se poser des questions sur sa confiance et sa mâchoire. Sur ce dernier point, avant de conclure que Bute n’a pas de mâchoire en se basant sur son combat contre Carl Froch, il faudrait bien compter le nombre de coups de puissance portés par l’Anglais sur la cible. On réalise que Bute est demeuré debout pendant cinq rounds sans mettre un genou au sol. Un boxeur « pas de mâchoire » serait tombé dès le premier round. Ceci étant dit, Jean possède un meilleur menton, encaisse mieux les coups et

Par Mike Bilodeau

récupère donc mieux lorsqu’il se fait frapper. Lucian prend plus de temps à revenir lorsqu’il est ébranlé! UNE QUESTION DE CONFIANCE

À Nottingham, face à Froch, Bute et son équipe n’étaient visiblement pas prêt. Lucian semblait trop confiant, comme si le seul résultat possible était une victoire par KO en sa faveur… Dieu sait que ce fut tout le contraire! On pouvait voir le vide dans les yeux de Bute lors du face à face à TVA Sports, même chose lors de la pesée et au moment de monter sur le ring. Il semblait éteint comme s’il allait

«L’ancien champion de l’IBF devra toucher solidement Pascal au corps en début de combat pour le ralentir et en récolter les dividendes en deuxième moitié de combat.»

crédit photo :Robert Lévesque

LA ZONE DE BOXE - MAI 2013

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crédit photo :Robert Lévesque

«On sait que Jean est un boxeur explosif qui a tendance à prendre des moments de repos. Bute devra mettre de la pression sur lui quand il sera en mode relaxation.»

simplement faire un job, sans plus. Quand vous avez quelqu’un en face de vous qui espère vous faire subir une commotion cérébrale, disons que ce n’est pas un job comme les autres. Il faut du feu dans les yeux.

niveau bourré de talent. Cela ne fait aucun doute. UNE BAGARRE OU UN DUEL TECHNIQUE ?

Le début du combat sera crucial pour les deux boxeurs. Sachant que Bute débute habituellement Face à Denis Grachev, un boxeur ses batailles lentement contraicoriace, Lucian avait besoin de rement à Pascal qui amorce ses retrouver ses repères et de regacombats en lion. Il sera intéresgner sa confiance. Il n’a pas été sant de voir si Pascal se lancera impressionnant dans ce combat, immédiatement sur son rival. sauf au dernier round où il a boxé Dans une partie d’échec entre comme il en est capable. Est-ce deux grands maîtres, quand on assez pour conclure que le Lucian veut faire échec et mat en trois des beaux jours est de retour? coups, on risque fort de se faire Du côté du boxeur né à Port-au- surprendre. Prince, ses récentes blessures Jean mettra constamment de ne sont pas très rassurantes et la pression sur Lucian qui va n’oublions pas que le soir du comcontre-attaquer et se déplacer. bat, il en sera seulement à son Il est évident que les deux tentedeuxième combat en 24 mois. En ront d’établir leur stratégie, reste pleine santé, Pascal est un boxeur à voir s’ils seront en mesure de ultra doué, rapide, puissant et le faire! On sait que Jean est un imprévisible doté d’une mâchoire boxeur explosif qui a tendance à de granit! Il est un athlète de haut 8 MAI 2013 - LA ZONE DE BOXE

prendre des moments de repos. Bute devra mettre de la pression sur Pascal quand il sera en mode relaxation.

L’ancien champion de l’IBF devra toucher solidement Pascal au corps en début de combat pour le ralentir et en récolter les dividendes en deuxième moitié de combat. Il est clair que les quatre ou cinq premiers rounds seront dangereux pour Bute. Je suis convaincu que le Roumain et son équipe en sont aussi bien conscients. Ils ont voulu échanger avec Froch et ils en ont payé le gros prix. Ils ne feront pas la même erreur avec Pascal. Bute avait l’habitude en début de carrière de garder sa main droite plus haute, il devra le faire de nouveau le 25 mai. De plus, il ne devra pas surutiliser son uppercut au corps, mais l’utiliser efficacement, surtout en contre-attaque après une main droite de Jean. Le


crédit photo :Robert Lévesque Crédit photo : Courtoisie

Roumain de 33 ans se fera cogner durement dans ce combat, tout comme Pascal, qui va sûrement tenter de transformer le combat en véritable guerre. Si Lucian embarque dans le jeu de Pascal, le résultat en sera brutal! LA FORCE DU MENTAL

«C›est le plus grand défi de Lucian», a lancé son entraineur, Stephan Larouche avant le combat face à Froch. Espérons pour eux que cette fois, il livrera la marchandise.

Les clés de la victoire pour Bute seront d’éviter d’entrer dans une guerre avec Pascal, de ne pas rester dans les câbles, de contre-attaquer et de demeurer concentrer pendant douze rounds. Il devra surtout dominer techniquement et respecter son plan de match en tout temps. Si Bute applique ces principes le soir du combat et s’il est remis mentalement de sa

défaite face à Froch, il l’emportera, mais avec des si, on va à Paris! Bute est le négligé et ce sera un réel avantage car cela lui procurera une motivation supplémentaire pour prouver que les gens ont tort.

SPÉCIAL PASCAL VSBUTE

J’adore les deux boxeurs et un verdict nul ne ferait que mon bonheur et celui des promoteurs! En prenant pour acquis que la condition physique des deux boxeurs sera au maximum et bien que la grande majorité des connaisseurs de boxe choisissent Pascal, je choisi Bute, le technicien, par décision. Ma prédiction peut changer d’ici le 25 mai, puisque beaucoup d’imprévus peuvent arriver. Chacun sait qu’un combat se joue souvent au niveau mental. Celui qui l’emportera sera celui qui voudra le plus l’emporter. Nous aurons toutes nos réponses dans le ring du Centre Bell le 25 mai prochain.

«Celui qui veut le plus gagner dans les deux… c’est LA grande question!»

crédit photo Jean-Luc Autret LA ZONE DE BOXE - MAI 2013

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AVANTAGE PASCAL 2) l’interaction entre les styles, très contrastés, des deux boxeurs (facteur résumé en anglais par l’adage « styles make fights »). À la lumière de ces deux paramètres, il existe à mon sens des raisons fortes de croire que Jean Pascal possède un avantage très net, ce qui pourrait donner lieu à un dénouement rapide et décisif. Voici mes explications. PARTICULARITÉS D’UN AFFRONTEMENT ENTRE DROITIER ET GAUCHER

Par Martin Achard Les preneurs aux livres ont établi Jean Pascal comme étant légèrement favori contre Lucian Bute. Ce pronostic paraît raisonnable si l’on procède à une analyse classique de l’affrontement, basée sur une comparaison point par point des deux boxeurs en fonction des catégories habituelles (offensive, défensive, jeu de jambes, force de frappe, qualité du menton, vitesse, et endurance), et prenant par ailleurs en compte des données comme les mensurations, de même que l’expérience respective des deux combattants dans des combats d’envergure.

Il est courant d’entendre dire que les boxeurs gauchers possèdent un avantage en boxe, car les gauchers ont l’habitude d’affronter des droitiers, alors que les droitiers n’ont pas celle d’affronter des gauchers. Cette explication tient évidemment la route et se vérifie à tous les niveaux, sauf … au niveau de l’élite ! Il est en effet frappant de constater que, dans l’histoire du noble art, très peu

Je crois toutefois que ce type d’analyse n’est pas le plus approprié dans le cas du combat Pascal-Bute, dont le déroulement risque en fait d’être déterminé par deux facteurs : 1) les particularités techniques et stratégiques d’un affrontement entre droitier (Pascal) et gaucher (Bute) ; et

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de grands boxeurs étaient gauchers (les quatre plus illustres sont probablement Tiger Flowers, Marvelous Marvin Hagler, Pernell Whitaker et Manny Pacquiao). L’explication de ce fait réside dans le principe suivant : pour neutraliser un gaucher, il suffit pour un droitier de placer son pied avant (le gauche) à l’extérieur du pied avant de son adversaire (le droit). Lorsqu’un boxeur droitier réussit à établir cette position contre un gaucher, il peut alors facilement atteindre son adversaire des deux mains, tout en étant pour sa part extrêmement difficile à frapper. Or (pour des raisons que je pourrais expliquer ailleurs) les boxeurs droitiers les plus talentueux sont souvent capables d’exécuter cette stratégie avec succès contre les gauchers. L’une des habiletés les plus sous-estimées de Jean Pascal est son très bon jeu de jambes, et particulièrement


«L’une des habiletés les plus sousestimées de Jean Pascal est son très bon jeu de jambes.»

sa capacité à se déplacer latéralement et en cercle, qui est supérieure à celle de Bute. Pour cette raison, Pascal devrait pouvoir manœuvrer de façon à maintenir la plupart du temps son pied avant à l’extérieur de celui de son adversaire. Rappelons d’ailleurs que le protégé du Groupe GYM a déjà offert, lors de sa victoire contre Chad Dawson, une éclatante démonstration de sa capacité à utiliser efficacement cette stratégie contre un boxeur gaucher. Il s’agissait bien entendu, contre « Bad Chad », d’un plan de match parfaitement conscient et délibéré : on peut clairement entendre, entre les rounds du combat, l’entraîneur Marc Ramsay rappeler à Pascal de boxer « simplement » et de « suivre son plan », à savoir ne pas « demeurer immobile » devant le jab de Dawson (autrement dit, effectuer de petits déplacements latéraux), et surtout (je cite ici mot à mot Marc Ramsay) « terminer ses combinai-

sons avec le crochet de la gauche pour sortir à l’extérieur du pied ».

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pour les neutraliser, et pour demeurer hors de portée de l’uppercut de la gauche de « Mister KO », qui constitue, et de loin, son meilleur coup de puissance. La boxe est un sport où une seule capacité permet quelquefois de contrecarrer plusieurs des avantages d’un adversaire. Or si Jean Pascal s’est montré capable de positionner, la plupart du temps, son pied gauche à l’extérieur contre un aussi fin boxeur que Chad Dawson, il n’existe à mon sens aucune raison de croire qu’il sera incapable de le faire contre Lucian Bute.

Selon beaucoup des observateurs qui se sont exprimés jusqu’ici sur le combat, Lucian Bute aurait, en attaque, une technique de boxe supérieure à celle de Jean Pascal, notamment quant aux aspects suivants : la qualité de son jab, la diversité de ses combinaisons, la précision et le caractère compact de ses coups, et sa capacité à contre-attaquer. Sans nier la véracité de la plupart de ces points, il m’apparaît qu’une telle analyse sous-estime en fait un certain nombre d’autres aspects tech- Quand un boxeur droitier affronte niques, liés à l’offensive, que Jean un boxeur gaucher, une autre straPascal maîtrise aussi bien, ou même tégie classique pour le droitier mieux, que Lucian Bute. Mais un tel consiste à utiliser abondamment la débat ne me semble avoir, au fond, main arrière, étant donné l’aligneque peu d’utilité, car même si on re- ment souvent idéal qui existe entre connaît au protégé d’Interbox tous la tête du boxeur gaucher et la main les avantages offensifs énumérés droite du boxeur droitier. Dans le plus haut, il suffira à Pascal de posi- cas du combat Pascal-Bute, l’efficationner son pied avant à l’extérieur cité potentielle de cette autre stratéLA ZONE DE BOXE - MAI 2013 11


crédit photo : Vincent Éthier

SPÉCIAL PASCAL VSBUTE gie que pourra utiliser le Québécois d’origine haïtienne s’évalue mieux lorsqu’on considère le style des deux boxeurs. STYLE DES DEUX BOXEURS Lucian Bute aime pratiquer un style de boxe basé sur un contrôle strict de la distance. Grâce à des petits pas, et en boxant à un rythme constant, il cherche à s’approcher tout juste suffisamment de son adversaire (qui idéalement tente de jouer le même jeu) pour toucher avec son jab et ses combinaisons plus rapides, et, lorsque l’occasion se présente, pour placer son puissant uppercut de la gauche. L’essentiel de sa défensive reflète ce style : il bouge constamment le tronc et la tête pour présenter une cible mobile à son adversaire, et s’assurer ainsi que, lorsque son adversaire et lui sont suffisamment proches pour s’atteindre, il touche plus souvent la cible et rem-

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porte l’échange, avant de se remettre hors de portée grâce à d’autres petits pas, pour ensuite recommencer à s’approcher, encore une fois grâce à des petits pas... Comment contrer un tel style ? Carl Froch l’a bien démontré à Nottingham en mai 2012 : il s’agit, tout simplement, d’empêcher Bute de pratiquer son style ! « The Cobra » a réussi à le faire de manière on ne peut plus simple : plutôt que de jouer le jeu du Roumain, il alternait au cours du combat entre des phases où il demeurait hors de portée et ne cherchait même pas à s’approcher – ce qui rendait inutile le balancement du tronc continu de Bute et lui donnait dans les circonstances des airs d’amateur – et des phases où il chargeait subitement et rapidement vers l’avant, afin de bousculer les habitudes du « tombeur » de trois façons : 1) en le privant du temps de réaction nécessaire pour contrôler

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la distance ; 2) en lui présentant un changement brusque et très marqué de rythme (ce que déteste Bute, qui a alors tendance à figer) ; et 3) en neutralisant sa capacité à se protéger efficacement à l’aide de petits mouvements de la tête et du tronc (ce type de défensive, en effet, fonctionne mieux à longue distance). En outre, lors de ses charges, Froch entamait quasi systématiquement ses combinaisons avec la droite, appliquant ainsi la stratégie classique contre un gaucher à laquelle je faisais allusion dans la section précédente. Il est inutile de rappeler ici tout le succès obtenu, lors de son combat contre Bute, par « le shérif de Nottingham ». De par son style et ses habiletés physiques, Jean Pascal possède toutes les armes requises pour reproduire l’approche utilisée par l’Anglais contre Bute. L’ancien champion des mi-lourds est même un boxeur plus


crédit photo : Robert Lévesque

«Pascal possède toutes les armes requises pour reproduire l’approche utilisée par l’Anglais contre Bute.»

explosif que Froch, qui excelle dans l’art d’effectuer des changements de rythme inattendus et surprenants, d’où les comparaisons occasionnelles entre son style et celui de Roy Jones Jr. (qui, rappelons-le, était particulièrement efficace contre les boxeurs gauchers, et qui participe actuellement au camp d’entraînement de Pascal). Le natif de Portau-Prince possède également une très bonne droite, qu’il est au besoin capable de décocher sans la faire précéder d’un jab. L’efficacité de sa main arrière contre un boxeur gaucher ressort encore une fois clairement de son combat contre Chad Dawson, et particulièrement des septième et huitième rounds de cet affrontement, au cours desquels Pascal a réussi à ébranler « Bad Chad » et à stopper son momentum, alors que l’Américain pouvait sembler en voie de renverser la vapeur et de prendre l’ascendant.

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PRÉDICTION Plusieurs impondérables peuvent évidemment influencer le résultat d’un combat de boxe. On sait ainsi que Jean Pascal a subi une blessure à l’épaule gauche lors de son dernier combat contre Aleksy Kuziemski, qui l’a forcé à se battre avec une seule main pendant la majeure partie de l’affrontement, et, depuis quelques années, les blessures paraissent récurrentes chez lui. On pourrait également se questionner sur sa capacité actuelle à descendre à 175 livres sans trop d’affaiblir, considérant qu’il s’est avéré incapable de respecter une limite de poids de 180 livres contre Kuziemsky. Je crois toutefois que Pascal, motivé par ce combat contre Bute qu’il attend (et réclame !) depuis plusieurs années, et galvanisé par la présence à ses côtés de son idole Roy Jones Jr.,

connaîtra l’un des meilleurs camps d’entraînement de sa carrière, ce qui lui permettra d’éviter les blessures graves et de perdre graduellement et intelligemment son surplus de poids. Le soir du 25 mai, aidé par sa plus grande expérience contre des boxeurs d’élite (il compte, en effet, quarante-sept rounds au total contre Carl Froch, Chad Dawson et Bernard Hopkins), il saura mettre calmement en application son plan de match, à savoir demeurer à l’extérieur du pied avant de Bute, et le surprendre grâce à des charges inopinées où il lancera sa droite. Étant défavorisé sur les plans de la force physique et de la capacité à encaisser (rappelons que Pascal n’a jamais visité le plancher en trente combats professionnels), Bute se retrouvera rapidement débordé et ne pourra offrir une grande résistance. Ma prédiction : Pascal par K.O. dans les cinq premiers rounds.

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LES CAMPS

crédit photo : Jean-Luc Autrec


D’ENTRAÎNEMENT

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LA ZONE DE BOXE - MAI 2013 crédit photo : Russ Ander

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crédit photo : Robert Lévesque

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LE PLUS GRAND COMBAT DE L’HISTOIRE DU CANADA, VRAIMENT ? L’affrontement entre Jean Pascal et Lucian Bute est présenté par certains médias comme un des combats de boxe les plus importants et les plus prestigieux jamais présentés en sol canadien. Il s’agira, bien entendu, d’un évènement de grande envergure qui jouira d’une couverture médiatique exceptionnelle. La seule façon de situer adéquatement cet évènement dans l’histoire sportive canadienne est de prendre le temps d’analyser, dans leur contexte historique, les combats de grande envergure qui se sont déroulés au Canada. Ensuite, il faut définir ce qui est entendu par « le plus important ». Pour les besoins de cette chronique, l’importance d’un combat sera mesurée par son rayonnement international et la marque indélébile laissée dans l’histoire du sport canadien. Il ne s’agit donc pas d’identifier le meilleur combat ou encore le plus excitant.

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Par Benoit Dussault

THÉÂTRE DE GRANDS COMBATS Le Canada, et principalement Montréal, a été l’hôte depuis les années 1940 de grands affrontements pugilistiques. De très grands boxeurs comme Muhammad Ali et Archie Moore sont venus se battre ici pour y affronter des canadiens fiers et tenaces, tel qu’Yvon Durelle et de George Chuvalo. Les Jack LaMotta, Sugar Ray Leonard, Roberto Duran et Marcel Cerdan se sont aussi battus en sol canadien. Les plus vieux se souviendront des deux affrontements de Durelle face à Archie Moore en 58 et en 59 au Forum de Montréal. Qui pourrait passer sous silence Big George Chuvalo et ses duels historiques face à Muhammad Ali, Le Plus Grand de Tous les Temps, en 1966 à Toronto, puis à Vancouver en 1972 ?

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GEORGE CHUVALO CONTRE MUHAMMAD ALI Le combat entre George Chuvalo et Muhammad Ali disputé à Toronto en 1966 est sans contredit celui qui a fait couler le plus d’encre au Canada, probablement davantage pour des raisons politiques que pugilistiques. En 1966, Ali était persona non grata dans son propre pays. Ses prises de position contre la guerre du Vietnam, son désormais célèbre « I ain’t got no quarrel with them Vietcong », ce qui équivaut à « Les Vietcongs ne m’ont rien fait » et sa conversion à l’Islam l’avaient, à toutes fins pratiques, banni d’à peu près tous les rings des ÉtatsUnis. Ses promoteurs ont bien tenté d’organiser malgré tout un combat entre lui et l’aspirant Ernie


Terrell à Chicago. Peine perdue, le combat a dû être annulé devant les pressions exercées par l’État de l’Illinois. C’est ainsi que les promoteurs d’Ali se sont tournés vers le Canada et le torontois George Chuvalo. Une chance inespérée pour Big George qui avec seulement trois semaines d’avis, s’est retrouvé devant Ali dans un Maple Leaf Garden rempli à capacité. Cependant, Ali était beaucoup trop rapide pour le Canadien et a outrageusement dominé tous les rounds. L’exploit de Chuvalo aura été de rester debout malgré les nombreux coups de puissance que lui balançait Ali à la tête. Leur combat revanche, six ans plus tard au Pacific Coliseum de Vancouver, a donné sensiblement les mêmes résultats. Chuvalo aura tout de même réussi à encaisser les bombes du Plus Grand de Tous les Temps pendant 27 rounds sans mettre un genou au tapis au seule fois. YVON DURELLE CONTRE ARCHIE MOORE

Lorsqu’Yvon Durelle, le « fighting fisherman » de Baie SainteAnne au Nouveau-Brunswick, s’est mesuré à Archie Moore, personne ne donnait cher de sa peau. Il tenait le rôle du négligé et devait s’incliner rapidement devant « The Old Mangoose ». Durelle devait être une 174e victime facile pour Moore. Pourtant, dès le premier round, Durelle envoie Moore au plancher à trois reprises. Moore, l’infatigable vétéran, se relève à chaque fois, mais retourne au canevas à la 4e ronde. Il se relèvera une autre fois, pour ne plus tomber et reprendra graduellement contrôle du combat. Épuisé, Durelle tombera à son tour. Il ira, lui aussi, quatre fois au

plancher avant de s’incliner par 1949, puis contre Johny Greco au TKO à la 11e reprise. Stade Delorimier cette même année. Dauthuille, un français insLa performance incroyable du tallé à Montréal depuis trois ans, sympathique pêcheur en fait un commence à être connu au pays des combats les plus mémorables lorsqu’il combat Jake LaMotta au de la boxe professionnelle au Ca- Forum de Montréal. Il dispute nada. Leur second affrontement alors seulement son troisième combat au Canada. Malheureusement pour le cousin, aucune ceinture n’est à l’enjeu.

hautement médiatisé a lieu six mois plus tard au Forum de Montréal. Cette fois, Durelle, préoccupé par le désastre d’Escuminac (2) qui a emporté plusieurs de ses amis, s’est peu entraîné et n’est vraiment pas dans le coup. Il s’inclinera par K.O. au 3e round.

Il passera bien près de devenir champion du monde l’année suivante, mais s’inclinera par K.O. au 14e round à Détroit devant ce même LaMotta après avoir gagné la majorité des treize premiers rounds. Ce combat revanche est choisi « combat de l’année » par le Ring magazine. C’est Dauthuille qui a pavé la voie à l’affrontement LaMotta contre Marcel Cerdan. De retour en France, Dauthuille dit Le Tarzan de Buzenval, consacre davantage ses énergies au pastis qu’à l’entraînement. Il meurt dans l’anonymat le plus complet en 1971.

SUGAR RAY LEONARD VS ROBERTO DURAN

The Brawl in Montreal le 20 juin 1980, entre Sugar Ray Leonard et Roberto Duran a attiré une foule record de 46 317 au Stade Olympique et a joui d’une couverture médiatique sans précédent pour LAURENT DAUTHUILLE CONTRE l’époque. Ce combat doit assuréJAKE LAMOTTA ment être considéré parmi les plus grands combats de notre Peu de gens, outre peut-être le histoire, même si les combattants vénérable Jean-Paul Chartrand n’étaient pas canadiens. Leonard, Père, se souviennent de la victoire le boxeur académique contre les de Laurent Dauthuille contre Jake mains de pierre et la brutalité de LaMotta au forum de Montréal en Duran. LA ZONE DE BOXE - MAI 2013

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crédit photo Robert Lévesque

LaMotta contre Dauthuille

Cet affrontement extraordinaire a été couvert par les médias des cinq continents. Quatre ans après la tenue des Jeux Olympiques et un mois jour pour jour après le premier référendum, les yeux du monde entier étaient de nouveau rivés sur le Québec.

«Pour une des rares fois en sol canadien, un boxeur classé parmi les dix meilleurs au monde, « livre pour livre », a affronté un Canadien dans un combat de championnat du monde.»

LA TRILOGIE HILTON CONTRE OUELLET

Bien que ces trois confrontations entre les deux pugilistes aient été marquantes pour le Québec, ces combats n’avaient pas de reconnaissance internationale et revêtaient bien peu d’intérêt Il faut aussi se souvenir que la pour celui qui n’habitait pas la sous-carte de ce gala était à sa- belle province. Ils s’agissaient de veur locale et très attendue des combats à saveur locale dont la amateurs. Elle opposait Fernand notoriété n’a jamais dépassé les Marcotte à Eddie Melo et Gaétan frontières québécoises. Ces renHart à Cleveland Denny. Ce der- contres presque mythiques pour nier devait mourir deux semaines nous, Québécois, sont déroulées plus tard des séquelles du com- dans l’anonymat le plus complet hors de nos murs. Malgré tout, ces bat. affrontements doivent être consiMATTHEW HILTON CONTRE dérés parmi les plus importants BUSTER DRAYTON puisqu’ils resteront à jamais graTous se souviennent de la vés dans l’imaginaire populaire conquête du titre mondial par des Québécois. Combien d’amaMatthew Hilton contre Buster teurs de sports de ma génération Drayton au vieux Forum à l’été ont commencé à s’intéresser à la 1987, dans l’un des derniers com- boxe grâce à cette immense rivabats de 15 assauts disputés à lité ? Montréal. Drayton, alors champion IBF, défend son titre pour la LES AUTRES CANADIENS quatrième fois. Hilton, alors âgé de 21 ans, bat le champion par décision unanime devant un pu- Il faut aussi mentionner que plublic montréalais en délire. sieurs boxeurs canadiens ont marqué l’histoire de la boxe à L’année précédente, Hilton a fait leur façon en traversant les fronvibrer tout le Québec avec sa vic- tières pour aller affronter de très toire par K.O. contre Wilfredo Be- grands champions, dans des comnitez au Centre Paul-Sauvé. bats qui ont capté l’attention de

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SPÉCIAL PASCAL VSBUTE

la planète boxe. Le premier nom qui nous vient en tête est probablement celui du regretté montréalais Arturo Gatti qui a été, à maintes reprises, l’attraction principale de prestigieux combats à Atlantic City et à New York. Gatti ne s’est battu qu’une seule fois à Montréal devant les siens, une véritable frénésie s’est alors emparée de Montréal, la Gattimania. Stéphane Ouellet et Davey Hilton ont dû partager la vedette avec lui pour leur 3e et dernier affrontement. Rappelons-nous les combats d’Éric Lucas face à Roy Jones fils et à Fabrice Tiozzo alors qu’ils étaient au sommet de leur carrière. De Gaétan Hart face à Aaron Pryor ; du Golden Boy, Donny Lalonde, et de Fernand Marcotte contre Sugar Ray Leonard ; de Sébastien Demers contre le Roi Arthur Abraham ; d’Otis Grant vis-à-vis Roy Jones Jr. Ajoutez à cette liste les Benoît Gaudet, Steve Molitor, Billy Irwin et plusieurs autres, la liste est longue. Par contre, tous ces boxeurs, à l›exception de Gatti, tenaient plus souvent qu’autrement le rôle de négligé. Aucun d›eux, même dans leurs rêves les plus fous, n›a pensé pouvoir l›emporter.


crédit photo : Vincent Éthier

PASCAL CONTRE BUTE Revenons à l’objectif principal de cet article, soit de situer l’importance de l’affrontement du 25 mai entre Jean Pascal et Lucian Bute dans l’histoire de la boxe canadienne. Il ne s’agit pas d’identifier le meilleur combat ou le plus excitant, mais celui qui, par son rayonnement, marque d’une manière indélébile l’histoire du sport. Rappelons d’abord et avant tout, qu’il est quasi-impossible de comparer Hopkins à Archie Moore, ou Jean Pascal à Yvon Durelle, ou encore Lucian Bute à Ray Leonard en rapport à ce qu’ils ont représenté pour leur époque, leur communauté ou pour leur sport. Toute comparaison serait bancal puisque tout a tellement changé depuis 50 ans, les mœurs, les façons de faire, les communications, le sport lui-même. Analysons brièvement les forces en présence pour le combat du 25 mai. Jean Pascal, ancien champion du monde des mi-lourds WBC, 175 livres a déjà écrit son propre chapitre de l’histoire de boxe au Canada au cours des dernières années. Il en a d’abord écrit les premières pages le 14 août 2010, lors de son duel contre Bad Chad Dawson. Pour une des rares fois en sol canadien, un boxeur classé parmi les dix meilleurs au monde, « livre pour livre », affrontait un Canadien dans un combat de championnat du monde*. Qui plus est, c’est le Québécois Jean Pascal qui détenait le titre de champion des mi-lourds de la WBC. L’Américain, considéré comme le meil-

leur de sa division et 5e meilleur toute catégorie de poids confondue, était largement favori. Les preneurs aux livres avaient établi la cote à 6 contre 1 en faveur de Dawson.

Québec et le second à Montréal. On estime que chaque combat a été vu par près de 60 millions de téléspectateurs dont 20 millions de téléspectateurs aux États-Unis uniquement. La notoriété de Pascal est indéniable. Il est connu et reconnu par les amateurs de boxe à travers le monde. De son côté, Lucian Bute a aussi écrit des passages importants de l’histoire de la boxe professionnelle au Canada. Son plus grand fait d’armes demeure sans contredit les neuf défenses consécutives de son titre de champion du monde des supers mi-moyens, version IBF. Un exploit tout à fait remarquable en soi.

On se souviendra que Pascal a remporté la victoire haut la main, gagnant 7 des 11 rounds avant que l’arbitre ne mette fin au combat à cause d’une très mauvaise coupure à l’arcade sourcilière de Dawson.

Ce combat a été vu par des millions de spectateurs à travers le monde, particulièrement aux États-Unis, grâce au réseau HBO qui a présenté le combat comme évènement principal de sa série Championship Boxing, une autre première canadienne. Cette victoire a pavé la voie aux deux rendez-vous épiques face à Bernard Hopkins. Le premier à

Son combat le plus médiatisé, tant ici qu’à l’étranger, aura propablement été celui contre le Colombien Edison « Pantera » Miranda au Centre Bell en avril 2010 diffusé sur le réseau américain HBO. Sa victoire spectaculaire par TKO dès le 3e round légitimisait son statut de champion aux yeux du monde entier et aux États-Unis de surcroît où Miranda jouissait d’une crédibilité enviable. Ce combat devait être un prélude à de grands combats mondialement médiatisés pour Bute dont un premier contre l’enfant chéri des Américains, Kelly « The ghost » Pavlik. Malheureusement, le soir même où Bute passe le K.O. à Miranda, Pavlik encaisse une défaite aux mains de Sergio « la merveille » Martinez, enlevant ainsi tout intérêt à un éventuel affrontement Pavlik –Bute.

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crédit photo : Vincent Éthier

La suite pour Lucian Bute, se fera dans l’ombre du championnat des Super Six organisé par le réseau américain Showtime auquel il n’a pas été invité à participer. Les défenses de son titre IBF se font contre des boxeurs peu connus ou de calibre nettement inférieur. Une fois le fameux tournoi terminé, Bute obtient la chance de croiser le fer avec l’anglais Carl « The Cobra » Froch, finaliste du tournoi. Encore une fois, les yeux des amateurs de boxe du monde entier sont braqués sur ce combat et les images font rapidement le tour du monde. Malheureusement pour lui, Bute s’effondre dès le 5e round sous la pluie des coups de puissance de Froch.

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Du côté international, l’engouement est présent, mais peut-être pas autant que l’auraient souhaité les promoteurs. Le réseau HBO s’y intéresse et entend bien en faire un évènement de grande envergure en misant à la fois sur les accomplissements précédents des deux anciens champions du monde, mais aussi sur la rivalité locale. Deux grands champions, trop grands pour une seule ville. Deux boxeurs locaux, mais aussi HBO aura un travail de markedeux organisations locales, mais ting important à accomplir pour rivales. Du côté de la promotion, faire oublier que les deux boxeurs les deux organisations sont aux ont subi des défaites difficiles à antipodes. Nous ne reviendrons leur avant dernier combat ; que pas sur les évènements qui ont les deux ont perdu aux mains de mené à la création du Groupe Carl Froch qui a lui-même perdu Yvon Michel, disons seulement devant l’Américain Andre Ward. que ce fût un épisode humaine- Encore plus vrai dans le cas de ment difficile pour les gens imMalgré cette défaite aux mains pliqués, notamment Yvon Michel Bute dont la défaite a suscité bien de Froch et les critiques lui re- et Stephan Larouche. Devant la des doutes et pour qui le surnom prochant des défenses de cham- caméra, ils diront que la hache de « tombeur » a pris une toute pionnat contre des adversaires de guerre est enterrée, mais les nouvelle signification depuis Notde second niveau, Bute bénéficie bonnes relations ne tiennent qu’à tingham. encore d’une réputation fort en- un fil et l’amertume est encore En conclusion viable et est toujours considéré bien présente. Les deux promocomme un grand champion, no- teurs se disputent le marché de- Si ce combat avait eu lieu deux ans tamment en Europe. Au Québec puis des années sans se faire de plus tôt alors que Bute et Pascal où sa notoriété dépasse de beau- cadeaux. Yvon Michel, véritable détenaient des ceintures de chamcoup le cercle de la boxe, il est icône de la boxe au Québec face pion de monde ; avant que Bute ne encensé, respecté et aimé. à InterBox et son président Jean se couche devant Froch ; avant que Hopkins ne domine Pascal devant Le combat entre Pascal et Bute a Bédard. Yvon Michel, l’homme de les seins deux fois consécutive de particulier qu’il conjugue à la boxe qui s’intéresse aux affaires. nous aurions alors eu droit à un fois la formule gagnante de com- Jean Bédard l’homme d’affaires évènement tout à fait grandiose battants locaux et un choc entre qui s’intéresse à la boxe. et d’une ampleur beaucoup supédeux anciens du monde. Du côté local, tous les éléments rieure à ce que nous aurons droit. sont réunis pour créer un engouement monstre. Les amateurs Du point de vue local, si les com- devront se ranger derrière l’un bats entre Hilton et Ouellet ont ou l’autre. Pascal ou Bute ; Interfait vibrer la fibre nationaliste, Box ou GYM ; Coach Larouche ou opposant l’anglophone au franco- Coach Ramsey.

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phone, le voyou violent au poète tourmenté, le mal contre le bien, ou presque. Cette fois, les deux sont boxeurs sont francophones, Québécois et fiers de l’être. Ils s’adressent tous les deux à la même clientèle. Pascal « la grande gueule », un peu trop arrogant au goût de certains et Bute, le gentil garçon que tous les papas aimeraient voir épouser leur fille.

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Archie Moore face à Yvon Durelle

«Yvon Michel, l’homme de boxe qui s’intéresse aux affaires. Jean Bédard l’homme d’affaires qui s’intéresse à la boxe.» PREMIÈRE PLACE – ALI CONTRE CHUVALO 29 MARS 1966MAPLE LEAF GARDENS TORONTO Il faut rendre à César Muhammad Ali ce qui appartient à César. Ali est plus grand que nature et sa présence à Toronto en 1966, marque à jamais un jalon dans l’histoire sportive canadienne. Les médias de partout à travers le monde ont couvert cet évènement. Pour tout ce que représentait Ali à cette époque et pour tout ce qu’il représente encore aujourd’hui, le combat de 1966 contre Chuvalo, doit arriver en tête de liste des combats les plus importants dans l’histoire de la boxe canadienne. DEUXIÈME PLACE- LEONARD CONTRE DURAN LE 20 JUIN 1980 STADE OLYMPIQUE DE MONTRÉAL

TROISIÈME PLACE- LES AFFRONTEMENTS ENTRE PASCAL ET HOPKINS AU COLISÉE DE QUÉBEC LE 18 DÉCEMBRE 2010 ET AU CENTRE BELL DE MONTRÉAL LE 21 MAI 2011

notoriété des deux athlètes est considérable et les amateurs de partout veulent assister à ce combat. Des dizaines de milliers de téléspectateurs débourseront pour voir ces deux géants se mesurer. Pascal contre Hopkins. Hopkins Nous avons la chance que ces est déjà une légende lorsqu’il deux géants soient Québécois. J’ai s’amène à Québec la première comme l’impression que l’acte II fois. La fin controversée du pre- sera encore plus extraordinaire. mier combat, alimentée par la SIXIÈME PLACE : PASCAL CONTRE grosse machine de Golden Boy DAWSON LE 14 AOÛT 2010 CENTRE BELL DE MONTRÉAL Promotions a capté l’attention des amateurs de boxe de partout sur la planète et parfaitement mis Jean Pascal défend sa ceinture de la table pour la reprise six mois champion du monde des mi-lourds, plus tard. version WBC contre l’Américain Dawson, classé parmi les 5 meilQUATRIÈME PLACE– LES AFFRONTEMENTS ENTRE ARCHIE leurs boxeurs « livre pour livre ». MOORE ET YVON DURELLE AU FORUM DE MONTRÉAL LE 10 7E PLACE : À VOUS DE JUGER ! DÉCEMBRE 1958 ET JUIN 1959

Peut-être par nostalgie, mais (1) Le classement « livre pour livre » les affrontements entres Archie n’est pas si clair en 1958 et en 1966. Le Moore et Yvon Durelle doivent se nombre d’associations est également beaucoup moindre. On peut affirmer The Brawl in Montreal a capté classer dans le top cinq. Simple- sans se tromper qu’Ali et Moore étaient l’attention du monde entier. Il ment parce que Moore était un considérés parmi les meilleurs livre opposait deux boxeurs d’excep- véritable monument, une légende pour livre quand ils sont venus au Cation au faîte de leur art. Une vivante. nada. CINQUIÈME PLACE: PASCAL foule inégalée pour un comBUTE- LE 25 MAI 2013 – (2) Le désastre d’Escuminac est la plus bat de boxe au Canada. Une CONTRE CENTRE BELL DE MONTRÉAL exposure sans précédant. Un grande tragédie maritime du Nouveauévènement historique sans Un combat local, oui, mais à la Brunswick. Ce désastre a eu lieu durant précédent même si aucun des différence des affrontements la nuit du 19 au 20 juin 1959 au large boxeurs n’était un boxeur lo- entre Hilton et Ouellet ou celui d’Escuminac et entraîna 35 pêcheurs cal. Simplement incomparable. entre Marcotte et Melo, le choc dans la mort. (Wikipedia) Pascal et Bute ne restera pas un secret bien gardé entre Nous. La LA ZONE DE BOXE - MAI 2013 21


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LA PAGE DU BOXEUR FRANK COTRONI Par Frank Cotroni

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C’est avec beaucoup de plaisir que j’ai accepté la proposition du magazine de vous parler de moi. Je tiens à remercier l’équipe de la Zone de boxe de m’offrir cette tribune qui me permettra de mieux me faire connaître.

UNE FAMILLE BIEN CONNUE Avant de vous parler de moi, je trouve essentiel d’apporter quelques petites précisions à propos de ma famille. Effectivement, je suis l’un des petitsfils de Frank Cotroni, alors que mes parents sont Rosina Cotroni et Nick Bruno. La tradition italienne est bien précise dans le choix du prénom d’un nouveau-né. L’aîné de la famille porte le même prénom que son père, puis les autres enfants portent celui de leur parrain. Bref, comme mon grand-père et mon oncle, mon nom officiel est Francesco, mais mon entourage m’appelle simplement Frank. UN PARCOURS REMPLI D’OBSTACLES

Ma famille a toujours été passionnée par la boxe. J’ai grandi en côtoyant les frères Hilton et leur père. Dès l’âge de 5 ans, je souhaitais faire de la boxe, mais ma mère a préféré m’inscrire à des cours de karaté. Jusqu’à 12 ans, j’ai fait mon chemin dans cette discipline au point d’obtenir une ceinture noire.

À l’âge de 13 ans, je déménage à Edmonton avec mon père. Souhaitant continuer le karaté, je m’inscris à la seule école que je trouve dans la capitale albertaine. Puisque le professeur est d’un niveau inférieur au mien, il n’a qu’une ceinture bleue, soit deux grades en-dessous de la noire, je décide plutôt de m’inscrire au Cougar boxing club.

Je suis rapidement passionné par mon nouveau sport et je me sens prêt à faire mes débuts amateurs après un an d’entraînement. Malheureusement, un accident va brusquement interrompre mes projets. Alors que je prenais une marche avec ma copine de l’époque au plus grand centre d’achats au monde, le West Edmonton Mail, je suis victime d’une attaque armée de la part d’un groupe asiatique. J’en suis ressorti avec de nombreuses coupures aux deux bras. Pendant environ un an, mes deux bras ont dû être immobilisés en position horizontale. Cet accident et les nombreuses opérations qui ont suivies, m’ont ramené à Montréal. Quelques années plus tard, une fois bien rétabli, j’ai repris l’entraînement de boxe avec comme mentor Dave Hilton Sr, qui avait encore à l’époque son gymnase à ville Lasalle. C’est lui qui m’a enseigné les fondements de la boxe. Nous sommes alors en 2000 et j’ai le privilège de m’entraîner régulièrement avec Dave Hilton Jr qui remportera le titre mondial de la WBC en décembre contre la rose de Soweto, Dingaan Thobela.

Plusieurs années plus tard, ma progression est de nouveau interrompue. Par contre, cette fois-ci, l’obstacle n’est pas physique, mais judicaire et j’en suis pleinement responsable. À l’été 2007, alors que j’étais sans-emploi, j’ai par-

crédit photo : Robert Lévesque

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Frank Cotroni en compagnie de ses hommes de coin, Éric Huard à sa gauche, Richard Blouin à sa droite.

ticipé à une plantation de marijuana au nord de La Tuque. J’ai été arrêté lors de la cueillette, ce n’est qu’à l’automne 2011 que le procès s’est terminé. J’ai été condamné à une peine de six mois. J’ai obtenu une libération pour bonne conduite au tiers de ma peine.

boxeur sérieux, je rêve de devenir champion du monde et je m’y rendrai une étape à la fois.

club d’Éric à Mascouche. J’y deviendrai entraîneur par la suite.

Ma carrière en boxe amateur se conclue avec une fiche de 22-7 répartie sur un peu plus de trois Après avoir appris les rudiments ans. Ma conception de la boxe de la boxe pendant près de deux amateur est plus liée à la praans avec le paternel Hilton, je tique, chaque défaite me permet GRANDIR EN SURMONTANT LES m’inscris au club de boxe de l’Est, de comprendre mes erreurs et ÉPREUVES dirigé par Douggy Berneche. J’ai de les corriger. Ainsi, je peux proAujourd’hui, quand je fais le bilan alors 18 ans, c’est avec lui que je gresser en ayant une vision poside ces nombreuses épreuves qui fais réellement mes premiers pas tive face à l’échec. Mon plus imont considérablement ralenties dans le monde de la boxe. Loin portant fait d’arme amateur est ma progression dans le monde d’être le meilleur, j’ai une fiche probablement ma victoire à une la boxe, cela me rend encore plus de 3-3 après six combats. Par compétition Québec - Alberta. fier de mon parcours. Depuis contre, je comprends rapidement PLUSIEURS PROJETS CHEZ LES 2008, j’ai le privilège de m’entraî- ma valeur puisque je me retrouve PROS ner quotidiennement ainsi que presque toujours en finale, mon d’enseigner le noble art à des plus nom de famille et ma capacité à Au début 2011, je reçois une jeunes. vendre des billets font la diffé- proposition intéressante de Stéphane Payette de SP Promotion rence. Je suis très reconnaissant envers pour faire mes débuts chez les Éric Huard qui m’offre l’oppor- Alors que je suis impliqué dans professionnels lors du premier tunité de gagner ma vie en pra- deux galas dans la même fin de gala de son organisation. Une tiquant le sport que j’aime. Je semaine, je me rends seul à St-Jé- douzaine d’adversaires sont ensuis bien conscient du privilège rôme pour mon second duel. J’y visagés, malheureusement, il n’a que j’ai et je me rappelle régu- rencontre Éric Huard et la chimie jamais été possible de finaliser lièrement que je dois poursuivre entre nous deux est instanta- ce premier contrat professionphoto cette déception, je dans cette voie pour atteindre les née. Dans les jours qui suivent, je crédit nel. Malgré plus hauts sommets. Comme tout change de club pour rejoindre le continue les démarches pour ob-

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UN BREF PARCOURS CHEZ LES AMATEURS

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«Dave Hilton Sr m’a enseigné les fondements de la boxe.» tenir mon permis. J’obtiens mon premier combat professionnel en août 2011 lors d’un gala organisé par mon bon ami Douggy Berneche.

En 2011 et 2012, j’ai pu me battre à six reprises grâce aux séries « La relève » et « Émergence » organisées par Douggy au chapiteau CCSE. En ajoutant une présence au Centre Claude-Robillard sur une carte d’Ali Nestor et mon récent combat à Moncton, j’ai présentement une fiche de 7-1-0, 4 KO. Avant de vous parler de mes combats, je me dois de mentionner que l’été dernier j’ai été approché pour affronter Stéphane Ouellet. Malheureusement, une blessure à l’entraînement l’a forcé à réviser ce projet. Considérant ma proximité avec les Hilton, vous pouvez imaginer l’importance et les conséquences qu’un tel combat aurait pu avoir sur ma carrière! En juin 2012, après avoir accumulé quatre victoires, j’ai l’occasion de progresser en affrontant

l’expérimenté Mariusz Biskupski, un Polonais ayant une fiche de 16-20-1. Après un bon premier round, j’ai pris mon rival à la légère et j’en ai payé durement le prix. Je me suis retrouvé au plancher à trois reprises et une longue coupure à l’œil droit a forcé le médecin à recommander l’arrêt du combat à 2m16 du quatrième round. Cette défaite, et mon engagement auprès des jeunes que j’entraîne quotidiennement des jeunes, m’ont amené à délaisser le style « cogneur » pour développer un style plus technique et boxer plus intelligemment. Depuis mon revers, j’ai pu compléter un six rounds face au coriace Chris Aucoin. En étant plus patient, j’ai bien géré ce combat et je l’ai remporté par décision unanime. Plus récemment, j’ai reçu une proposition alléchante pour me battre dans les maritimes. On m’a offert de me rendre à Halifax en avion, une bourse importante et le titre vacant de la National Boxing Authority m’y

attendaient. Le gala est tombé à l’eau, mais un second promoteur, Last Round Boxer, a repris le projet. Ma bourse a fondu de moitié et j’ai dû me rendre à Moncton en voiture, mais j’étais déterminé à remporter ce premier titre.

Mon adversaire Rory Coverney, un gaucher d’Edmonton, avait une fiche de 10-1. J’étais vraiment bien préparé pour ce combat, j’avais fait plusieurs entraînements avec des gauchers et cela a porté fruit car j’ai dominé l’adversaire. Je suis sorti grandi de ce combat, D’abord, j’ai obtenu un premier titre et j’ai eu la confirmation que je possède la condition physique nécessaire pour performer durant dix rounds et que je ne suis pas incommodé devant un boxeur gaucher. PROFITER DE CHAQUE JOUR

Quotidiennement, je me rappelle que je suis très chanceux de faire le métier que j’aime et que je suis privilégié de gagner ma vie en enseignant la boxe et en étant dans le gymnase à tous les jours. En fait,

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crédit photo : Robert Lévesque

«Je réalise un rêve en consacrant ma vie à la boxe.»

je réalise un rêve en consacrant ma vie à la boxe. De plus, je suis conscient que j’ai un avantage sur la plupart de mes adversaires qui doivent gagner leur vie avant de se rendre au gymnase en soirée ou encore se concentrer à la boxe quelques semaines avant leur combat.

Maintenant que je détiens un titre, je suis prêt à passer à une autre étape en affrontant Sébastien Bouchard, un boxeur de Québec, et ça aura lieu le 25 mai !!! Me battre au Centre Bell est un rêve que je caresse depuis mes débuts pros, avoir le privilège de le réaliser sur la même carte que PascalBute est inévitablement magique.

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Ça fait bien deux ans qu’il y a des pourparlers entre le clan de Sébastien Bouchard et le mien. Vous pouvez vous attendre à un combat fort spectaculaire. Je serai motivé comme jamais pour faire ma marque devant des dizaines de milliers de spectateurs. Cette occasion unique représente beaucoup pour moi, le gagnant de ce combat sera considéré comme le meilleur 154 livres au Québec, je n’aurais pas le droit de commettre des erreurs. Bien que je serai concentré à 100% sur ma préparation dans les prochaines semaines, j’ai encerclé à mon agenda la date du 1er juin. Ce soir-là, au Hersey Center à Mississauga en Ontario, Fitz

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Vanderpool et Brandon Cook se battront pour un titre canadien chez les 154 livres. Le gagnant de ce duel pourrait croiser ma route avant longtemps. En conclusion, je désire mener ma carrière de façon à ne pas avoir de regrets plus tard. J’ai dû surmonter beaucoup d’obstacles avant de devenir boxeur professionnel, je comprends l’importance de vivre le moment présent et c’est pourquoi je profite de chaque jour en travaillant sérieusement pour me rendre le plus loin possible.



LA ZONE SUR LA ROUTE Par Jean-Luc Autret

UN NOUVEAU PROMOTEUR À CHICOUTIMI Saguenay, 2 février 2013 – L’aréna Pierre-Lavoie dans l’enceinte de l’Université du Québec à Chicoutimi accueille le premier gala d’Impact Sport Production, une nouvelle équipe de promotion saguenéenne créée par Michel Desgagné et David Grenon. L’objectif premier de ce duo est de permettre à Francy Ntetu de se battre régulièrement dans sa propre région, de trois à quatre fois en 2013.

Cette soirée, sous forme Pro-Am, a mis en vedette deux boxeurs locaux, Ntetu et les débuts pros de John Alejando Gonzalez ainsi que la visite de l’excitant Montréalais Ghislain Maduma. Ntetu a bien progressé suite à son triomphe sur Schiller Hyppolite quelques mois plutôt et il a boxé intelligemment pour obtenir un KO technique au 5e round sur Michael Walchuk. Quant à Maduma, il a dominé un hongrois étonnamment combattif. De son côté, Gonzalez a su quoi faire pour obtenir un premier gain chez les pros par décision majoritaire. La prochaine soirée est déjà annoncée, ce sera le vendredi 3 mai. Ntetu et Gonzalez seront de retour, s’ajouteront à la carte Guillaume Coudé, un combattant de la région bien connu dans le monde du hockey. Les deux promoteurs souhaitent ajouter un à deux autres combats pros à la carte.

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EYE OF THE TIGER MANAGEMENT S’INSTALLE À GATINEAU Gatineau, 16 février 2013 – La salle de bal de l’hôtel Hilton, limitrophe au Casino du Lac Leamy, a vu s’établir l’organisation de Camille Estephan. Après avoir fait progresser Dierry Jean et de nombreux autres de ses protégés à Pointe-Claire, Eye of the tiger management (EOTTM) préfère le marché de la capitale canadienne pour la seconde année de sa série « Fight Club ». En plus des Jean, Cheiko, Hyppolite et Hussein, les locaux Andrew Gardiner d’Ottawa et le Gatinois Pascal Villeneuve ont pu compter sur l’appui d’une foule bruyante de plus de 1200 spectateurs. Notons les victoires expéditives de Dierry Jean, Schiller Hyppolite, Francis Lafrenière et de Pascal Villeneuve. La prochaine visite de la boxe pros à Gatineau est prévue pour le 17 mai. Cette fois-ci, c’est Ghislain Maduma qui fera les frais de la finale. Baha Laham, Andrew Gardiner, Pascal Villeneuve, Tony Luis, Mian Hussein, Schiller Hyppolite et le nouveau venu Zach Bunce démontreront alors leur savoir faire. De plus, les fans présents verront en action le champion olympique britannique de 2008, James Degale (14-1-0, 9 KO). Il détient actuellement le titre Argent de la WBC des 168 livres, en plus d’être classé 3e à la WBO et 6e à l’IBF.

crédit photo Jean-Luc Autret, Vincent Éthier et Robert Lévesque

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LE CENTRE SPORTIF EMPIRE SE FAIT PROMOTEUR Québec, 30 mars 2013 – Pour une seconde occasion en sept mois, François Duguay et son équipe du Centre Sportif Empire présente un Pro-Am dans l’enceinte du Club installé dans le bas de la côte Nérée-Tremblay depuis novembre 2011. Tout comme en septembre dernier, Sébastien Bouchard et Nicolas Valcourt sont montés sur le ring. De plus, Alexandre Bouvier a fat un retour après une inactivité professionnel de plus de sept ans. Ces trois boxeurs ont remportés leur combat par décision unanime. Mention spécial à Alexandre Bouvier pour sa détermination et son regard de feu ainsi qu’à la performance de Mélissa Guillemette, quadruple championne canadienne et l’une de nos représentante aux Championnats du monde de boxe amateur disputés en Chine en mai dernier.

crédit photo Jean-Luc Autret

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TORONTO – LE 4 MARS 2013 Une nouvelle tendance semble vouloir se dessiner, la présentation de combats de boxe lors d’évènements corporatifs. La Zone a eu la chance d’assister au banquet de clôture du congrès de l’association des sociétés minières au Ritz Carleton de Toronto. Quatre combats à l’affiche dont la finale mettant en vedette Ghislain Maduma face à Josafat Perez.

Assez particulier d’assister à un combat de boxe dans une ambiance feutrée. Les habituels sièges d’aréna sont remplacés par des tables rondes dans la grande salle de bal du Ritz. Entre les petites bouchées et la bisque de homard Denton Daly sert une sévère correction à Richard Hall. Je compte au moins vingt card girls légèrement vêtues qui déambulent entre les congressistes en vantant différentes compagnies minières. Sur place, George Chuvalo, Irish Mickey Ward et Azumah Nelson serrent la main des congressistes. Le combat de Maduma débute au moment où on nous sert le filet mignon et remplit mon verre de rouge pour une énième fois. L’adversaire de Maduma est plus coriace que le steak, qui se coupe à la fourchette. Maduma en viendra finalement à bout.

Belle soirée de boxe, le pique-assiette en moi est bien rassasié. Je rentre à l’hôtel avec le sentiment amer qu’il y a des redevances qui se perdent! TORONTO- LE 9 AVRIL

Le Shaw Boxing Evening, présente la 28e édition cet évènement charitable annuel servant à amasser des fonds pour le Shaw festival, un des les plus grands festivals de théâtre en Amérique. Cette soirée mettait en vedette Samuel Vargas en finale et marquait le retour d’Olivier Lontchi après une pause de plus de deux ans face au Canadien, Tyler Asselstine. Cette fois, c’est l’hôtel Royal York au cœur du quartier financier de Toronto, qui est l’hôte de ce gala. Moins de chance qu’au gala précédent, les familles et les médias sont relégués au balcon de la salle de bal. Sur le plancher de la grande salle de bal, le gratin de Toronto s’amuse ferme. Chaque billet coûte mille dollars et les convives participent généreusement à l’encan silencieux. Un curieux printemps de boxe à Toronto. Le retour à la normale se fera le premier juin au Hershey Arena alors que le vieux Syd Vanderpool se mesurera à la vedette montante Brandon Cook pour le titre canadien. crédit photo Benoit Dussault

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Trois collègues de longues dates chez InterBox, David Messier, Ian Edery et Pierre Bouchard. Crédit photo :Jean-Luc Autret

LA BOXE ET MOI

par Ian Edery

C’est avec plaisir que j’ai accepté la proposition du magazine de vous parler de l’importance que la boxe a pris dans ma vie au cours des quinze dernières années. Avant de commencer à vous raconter mon histoire, je crois qu’il est nécessaire de mentionner que je suis le directeur des opérations d’InterBox depuis 2004. UN PAS À LA FOIS

Unilingue anglophone de l’Ouest de l’île de Montréal, j’ai pris une décision importante à l’âge de 24 ans. Alors que j’étais incapable de m’exprimer en français, j’ai choisi d’étudier le droit civil à Ottawa et dans la langue de Molière de surcroît. Cela a été difficile pour mon parcours académique, mais très formateur pour mon apprentissage du français. Après mon périple dans la capitale, je suis revenu m’installer à Montréal pour travailler. Grâce

à mes connaissances en droit et en espagnol, mon oncle, HansKarl Mühlegg, m’a offert de gérer d’immenses terrains lui appartenant dans le West Island.

«J’ai d’abord commencé à m’impliquer en offrant mes services comme chauffeur pour aller chercher à l’aéroport les boxeurs qui arrivaient de l’étranger.»

Nous sommes alors en 1998 et puisque je partage les locaux avec l’équipe de la toute nouvelle entreprise de mon oncle, InterBox, je côtoie autant les boxeurs que les entraîneurs ainsi que les autres membres de l’organisation naissante. À l’époque, les Régis Lévesque, Henry Spitzer, Yvon Michel, Bernard Barré s’occupent de boxeurs comme Stéphane Ouel-

let, Éric Lucas, Leonard Dorin, Shane Sutcliffe, Hercules Kyvelos et Fathi Missaoui.

J’ai d’abord commencé à m’impliquer en offrant mes services comme chauffeur pour aller chercher à l’aéroport les boxeurs qui arrivaient de l’étranger. Progressivement, on m’a demandé de donner un coup de main avec les documents d’immigration, de rédiger des lettres d’invitation et d’aider avec la traduction de documents en espagnol pour communiquer avec les adversaires latins et la WBC, et du français vers l’anglais pour nos communiqués de presse. Il faut se rappeler qu’à l’époque la compagnie organisait beaucoup d’événements, seulement à l’automne 1998, cinq galas ont été présentés. Hans et Yvon Michel ont constaté rapidement que j’étais un passionné mon intérêt et ils m’ont

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Ian Edery en compagnie de Pierre Bouchard, Marie-Josée Fontaine, Stéphane Larouche et David Messier. crédit photo : Courtoisie

confiés des dossiers comme le transport et les médicaux. Au début de la compagnie, lors des réunions de travail, il pouvait y avoir jusqu’à vingt personnes autour de la table et chacun avait la responsabilité d’un dossier. Les années passent et pour des raisons économiques et d’efficacité la table rapetisse, il y a de moins en moins de personnes pour s’occuper des dossiers. En 2004, c’est Steven Benoit, le comptable, Stephan Larouche, l’entraîneur en chef, et moi qui nous nous occupions de l’ensemble des dossiers.

Six mois plus tard, le retrait inattendu de Léonard Dorin à la pesée en vue du combat contre Miguel Callist en Roumanie a confirmé pour Hans-Karl Mühlegg qu’il devait mettre un terme à cette aventure. Yvon Michel a convaincu Hans Mühlegg d’organiser le gala du 20 décembre avec l’Australien Danny Green contre Éric Lucas. La conclusion de ce combat est bien connue. Lucas a perdu par TKO au 6e alors qu’il était blessé.

Lucas et lui a proposé de devenir le propriétaire de la compagnie. Dans les semaines qui ont suivis, Éric Lucas et Stéphane Larouche m’ont rencontré et c’est ainsi que j’ai poursuivi mon aventure dans le monde de la boxe jusqu’à aujourd’hui. LE MATCHMAKING

Sans avoir de profondes connaissances pugilistiques comme nos entraîneurs, j’ai commencé à faire du matchmaking doucement lors À propos de ce gala, je vous raconte du premier combat de Lucian une anecdote. Par contrat, Danny Bute, c’était en novembre 2003. Green n’avait pas le droit d’avoir J’avais dû lui trouver un adverLA FIN D’UNE AVENTURE un tatou dans le dos annonçant saire 48 heures avant le combat. le casino virtuel Golden Palace. Les huit derniers mois de la preNotre commanditaire, le Casino Avec la nouvelle entité d’Intermière mouture d’InterBox ont de Montréal était évidemment Box, nous avons développé une été très pénibles pour Hans-Karl furieux. J’ai eu un violent échange méthode qui fonctionne bien. Ma Mühlegg. C’était évident qu’il vouavec le promoteur de Green au force est de dénicher cinq boxeurs lait se retirer de ce projet qui était point où il m’a frappé. Après cet pour chaque combat, ensuite devenu un puits sans fond pour événement, la régie a changé les Pierre Bouchard analyse chacun lui. Le premier événement qui règles et c’est maintenant eux qui d’eux et en discute au besoin avec affecta la compagnie fut évidemremettent les bourses aux ath- Stephan Larouche pour choisir ment le combat en Allemagne lètes. le meilleur adversaire pour nos entre Marcus Beyer et Éric Lucas. L’absence de clause de revanche Après ce fiasco, Hans-Karl boxeurs. Ma collaboration avec a mécontenté tout le monde au Mühlegg a mandaté Yvon Michel Jean Bédard est aussi bien définie. Il s’occupe de tout ce qui concerne Québec. pour dénicher un acheteur pour la négociation. Je suis responsable la compagnie InterBox. Par la de la rédaction des contrats, de la suite, M. Mühlegg a rencontré Éric 36 MAI 2013 - LA ZONE DE BOXE


Crédit photo : Courtoisie

L’ensemble de l’équipe InterBox lors du combat de Lucian Bute en Roumanie en juillet 2011. Crédit : Courtoisie

signature de toutes les parties et de la mise en application des opérations avec mon équipe.

La préparation de la sous-carte commence tôt pour être en mesure d’avoir les meilleurs adversaires possibles pour nos boxeurs. Je communique avec nos nombreux contacts à travers la planète pour qu’ils me suggèrent des adversaires. Après quelques semaines, la liste se rétrécit d’elle-même et souvent un mois avant le combat tous les contrats sont signés. Personnellement, j’ai une préférence pour les combats locaux. D’abord, cela augmente l’intérêt du public et réduit les coûts liés au transport en avion, aux chambres d’hôtel, à la gestion des visas, etc. Tout cela fait en sorte que ça ne coûte pas nécessaire plus cher pour nous.

LE 25 MAI J’ai vécu de beaux moments à travers toutes ces années, mais clairement on a construit cette entreprise dans le but de mettre sur pied ce type d’événement historique.

Avant même que le gala n’aie lieu, je suis déjà convaincu que ce sera historique, certainement ce sera mon plus beau souvenir. Je vis pour ce genre de défi. C’est un peu comme repêcher Wayne Gretzky !!! C’est comme Hilton c. Ouellet, mais en beaucoup plus gros et surtout avec un intérêt de la scène internationale et la présence d’HBO. Au plaisir de vous y voir nombreux !!!

«Le 25 mai, c’est un peu comme repêcher Wayne Gretzky !!!»

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«Après huit combats, sa fiche est de 3-4-1 (1 K.O.).»

GAÉTAN HART, RETOUR SUR UNE INSPIRANTE CARRIÈRE Bien trop d’amateurs de boxe ont l’impression que la boxe québécoise est active depuis seulement quelques années. Dans le but de rendre hommage à des boxeurs, des entraîneurs, des promoteurs et d’autres personnalités qui ont marqué l’histoire plus que centenaire de la boxe québécoise, la Zone de Boxe inaugure une nouvelle série qui se souviendra du parcours de personnalités marquantes.

immaculée, ou encore d’avoir détenu une ceinture de champion du monde, pour frapper positivement l’imagination du public et réussir brillamment sa carrière dans le noble art. Dans l’histoire de la boxe québécoise, très peu de combattants illustrent aussi bien cette vérité que Gaétan Hart.

Depuis près de deux ans, Mélanie Hart prépare la biographie de son père, qui devrait paraître en 2014 ou en 2015. En attendant cet ouLa boxe est un sport ingrat dans vrage, qui donnera le fin mot sur lequel les défaites attirent sou- la carrière du « King de Buckingvent des critiques ou même des ham », et constituera, à n’en pas insultes parfaitement injustes aux douter, une source d’inspiration boxeurs. Des aspirants-connais- et de motivation pour tous les seurs sont souvent portés à avoir boxeurs, nous vous offrons une un regard rempli de mépris en- rétrospective de sa carrière. vers les boxeurs qui subissent la Rappelons-nous les plus impordéfaite et pire encore face à ceux tants faits d’armes de Hart, qui qui jouent le rôle d’adversaire montrent comment sa passion et provenant de l’extérieur. Bien cu- sa persévérance lui ont permis, rieux sport à certains égards que sans qu’il bénéficie de l’appui la boxe, où une fiche de 12-6, par systématique d’un promoteur, et exemple, y est souvent considérée en dépit d’un bon lot de défaites, comme ordinaire (« il a déjà subi d’effectuer un long parcours en six défaites ! »), alors qu’elle se- boxe, ponctué de beaux succès rait jugée plus que satisfaisante dont il peut tirer une grande fiau hockey ou au football. Pour- erté. tant, nul besoin d’avoir une fiche

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DES DÉBUTS DIFFICILES C’est en décembre 1972 que Hart entame sa carrière professionnelle, à Hull, en subissant la défaite par K.O. au cinquième round contre Paul Colette. Après huit combats, sa fiche est de 3-4-1 (1 K.O.), et ses quatre revers ont été encaissés avant la limite. Mais Hart s’accroche : il remporte ensuite, en 1974, quatre victoires d’affilée en l’espace de deux mois, incluant une décision en huit rounds contre Cornell Hall, un boxeur possédant une fiche fort respectable de 22-4-1 (8. K.O.). Plus tard dans la même année, il livre son premier combat en dehors du Canada, en Pennsylvanie, au cours duquel il se voit infliger une défaite par K.O. à la troisième reprise contre Rudy Bolds (21-30, 16 K.O.). En mai 1975, il voyage en Italie pour y affronter, en remplacement de dernière minute, le champion WBC des super légers Bruno Arcari (65-2-0, 36 K.O.), dans un combat où le titre n’est pas à l’enjeu. Il s’incline alors par K.O. au premier round, puis subit une autre défaite, aux points, con-


crédit photo : Courtoisie

«Le retour de Gaétan Hart à la compétition contre Galarneau constitue l’objet de l’excellent documentaire Le Steak de Pierre Falardeau.»

tre un adversaire local à Ottawa quelques jours dans le coma après onze jours plus tard, ce qui porte l’affrontement et devra mettre sa fiche à 10-10-1 (4 K.O.). un terme à sa carrière, alors que Denis sera déclaré mort seize Mais l’expérience acquise à la jours après le duel, livré au Stade dure par Hart commence à porter Olympique en sous-carte du comfruit. Il remporte ses quatre com- bat mythique opposant Roberto bats suivants, incluant deux vic- Duran à Sugar Ray Leonard. toires aux États-Unis contre les « prospects » George Anderson (9- Ces tristes évènements colle0-1, 5 K.O.), qu’il défait aux points ront malheureusement à la peau en six rounds, et Ron Jones (7-1-0, de Hart, qui n’a pourtant jamais 6 K.O.), qu’il met K.O. dès la pre- abordé la boxe autrement que mière reprise. dans une logique purement sportive, caractérisée par le respect L’ANNÉE 1980 de ses adversaires et un désir de saine compétition. 1980 est clairement l’année la plus marquante de la carrière de En novembre de la même année, Hart. Il se réapproprie d’abord le Hart se voit offrir la chance d’une titre canadien en mars par déci- vie : un combat de championnat sion partagée contre Furlano, du monde, mais contre l’un des puis stoppe en mai et en juin ses boxeurs les plus doués de l’hisvieux adversaires Ralph Racine toire, le légendaire Aaron « The (K.O. 12) et Cleveland Denis (K.O. Hawk » Pryor (26-0-0, 24 K.O.), 10), dans deux combats à l’issue titulaire de la ceinture WBA des tragique : Racine passera en effet super légers. Hart offre une per-

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formance particulièrement courageuse (soulignée en direct à la télé américaine par le grand entraîneur et analyste Gil Glancy), avant de s’incliner au sixième round. FIN DE CARRIÈRE DU « STEAK »

Épuisé par sa difficile année 1980, Hart subit au début de 1981 une seconde défaite, par K.O. cette fois (au troisième round) contre Claude Noel, qui le force à mettre une croix sur ses aspirations à un titre mondial. Il remporte néanmoins ses sept combats suivants, incluant deux défenses de son titre canadien, à l’aréna Paul Sauvé de Montréal, contre Michel Lalonde (10-0-1, 1 K.O.), qu’il défait par décision en douze rounds, et contre Jean Lapointe, dont il triomphe une seconde fois, par K.O. au troisième.

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crédit photo : Courtoisie

Gaëtan Hart et son coach Éric Thibault à son dernier combat

À partir de 1982, Hart – qui a alors effectué près de quatrevingts combats professionnels – commence toutefois à ralentir, et amassera une fiche de 5-9-1 (1 K.O.) dans le dernier chapitre de sa carrière. Cette période est quand même ponctuée, en 1983, par une victoire par K.O. au septième round contre Paul Colette (17-3-1, 10 K.O.), qui permet au « King de Buckingham » de venger la défaite qu’il avait endurée lors de son tout premier combat professionnel ; et d’une victoire par décision en dix rounds (après six années d’inactivité) contre Michel Galarneau (7-0-0, 4 K.O.). On notera que le retour de Hart à la compétition contre Galarneau

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constitue l’objet de l’excellent documentaire de Pierre Falardeau, Le Steak, qui a remporté deux prix au festival du film sportif de Turin en 1992.

Aujourd’hui, Hart vit toujours à Buckingham.Il travaille dans le domaine de la construction et continue à transmettre sa passion pour la boxe en enseignant dans des clubs de l’Outaouais. L’homme de 59 ans, a accroché définitivement ses gants récemment suite à un combat d’exhibition face à son ami Deano Clavet. Le duel, qui s’est terminé par un verdict nul, a eu lieu samedi le 6 avril à Gatineau, lors d’une carte de boxe amateur organisée par

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la compagnie de vêtements Hard Lock et le club Les Gants Dorés au Centre Communautaire Père Arthur Guertin. Son dernier combat ce voulait son dernier adieu au public de sa région, à qui il est reconnaissant de l’avoir toujours appuyé et supporté.

«Aujourd’hui, Hart vit toujours à Buckingham, il travail dans le domaine de la construction et il continue à transmettre sa passion pour la boxe.»


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LA GALERIE DES Phot og ra phes

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Par Douggy Bernèche

LA BOXE VU DE L’INTÉRIEUR

Il me fait plaisir de compléter le quatrième et dernier volet de ma série de chroniques sur les dessous du monde de la boxe. Dans cette chronique, j’aborderai les tâches auxquelles fait face le boxeur et les responsabilités liées à ses propres engagements. Bien sûr, le boxeur est la pierre angulaire de notre sport. Sans lui, rien n’est possible. Peu importe les efforts mis en œuvre par le promoteur, le gérant et l’entraineur, si le boxeur n’est pas dans le gymnase, rien n’est possible.

En premier lieu, l’athlète doit avoir confiance en son équipe d’entraineurs, c’est la base. La confiance définit le type de relation et, généralement, des bonnes relations naissent de bons résultats. L’entente avec le gérant et le promoteur sont aussi importantes, mais moins essentielle, car ils ne se côtoient pas au quotidien comme le font l’entraineur et le boxeur. Au final, c’est le boxeur qui monte dans le ring et qui encaissera les coups, il est tout à fait normal qu’il valide toutes les décisions. Bien entendu, son entourage pour le conseiller, mais au bout du compte, c’est le boxeur et personne d’autre que lui, qui devra vivre avec les conséquences physiques et psychologiques en cas d’accident. En contrepartie, quand un athlète choisi son équipe, c’est parce qu’il sait qu’il peut avoir confiance et compter sur eux. Si ce n’est pas le cas, les questions deviendront des divergences d’opinions et ce n’est jamais bon pour le « mental » du boxeur.

Le boxeur doit être dédié à temps complet à son sport. Cela signifie qu’il doit s’entraîner sans répit et suivre à la lettre le plan préalablement établi entre l’équipe et lui. Il y a beaucoup de gens qui souhaitent devenir de grands boxeurs, mais seulement dans un ring. Ce gens-là commentent un une grave erreur, un véritable boxeur est un athlète dans la vie de tous les jours, pas seulement durant les six à huit semaines du camp d’entrainement, mais bien 365 jours par année.

crédit photo Robert Lévesque Bien entendu, dans le but d’alléger l’aspect mental et psychologique de l’athlète et pour garder un bon moral, le boxeur peut et doit prendre des moments de répit. Mais attention! On peut lâcher la bride ou donner un peu de mou à l’occasion, mais les excès n’ont jamais leur place dans un sport sans lendemain.

Certains boxeurs ont la chance de vivre de leur sport, soit par l’aide de leur gérant, des commandites ou arrivent à vivre de leurs bourses s’ils ont atteint un certian niveau. La plupart des boxeurs n’ont pas cette chance. Ils doivent jongler entre un travail externe à la boxe et les entrainements, et bien souvent, conjuguer avec femme et enfants. Comme vous le voyez, la tâche n’est pas de tout repos. Plusieurs boxeurs n’ont jamais réussi à percer, malgré un talent indéniable à cause de ces difficultés. Atteindre le sommet demande énormément de sacrifices de la part du boxeur, mais aussi de tout son entourage. Sa famille, ses amis et sa vie sociale en prennent un coup. Sachant qu’une carrière dure généralement dix ans, est-ce que le jeu en vaut la chandelle ? Vautil la peine de consacrer 10 ans de sa vie avec tous les sacrifices que cela comporte pour toucher à son rêve? Bonne boxe

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