KIBLIND 44

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printemps 2013

— CULTURE   VISUELLE   &  VISION   CULTURELLE

IN THE STAR MANIFESTE BIBENDUM BRAIN SAUVAGE ARRÊT SUR IMAGE FREE DÔME CDI

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GRATUIT kiblind.com





SIMON ROUSSIN

E N CO UV E RT U R E Rodéo de Simon Roussin Création originale

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imon Roussin est né en 1987. Ce qui ne fait certes pas de lui un être exceptionnel, mais plutôt un jeune homme plein d'avenir. Et le sien est pavé d'or, au vue de ses innombrables projets et du succès critique qui auréole chacun d'eux. Fraîchement sorti de l'illustre ESAD de Strasbourg, ce dessinateur et auteur de Bande Dessinée a intelligemment choisi de se doter de talent et de prouver celui-ci prestement. Son premier coup de semonce fut Robin Hood aux éditions L'Employé du Mois en 2010. Ont suivi les excellents Lemon Jefferson et la grande aventure en 2011 aux Éditions 2024 et Les Aventuriers chez Magnani en 2012. En parallèle, avec Marion Fayolle et Matthias Malingrëy, Simon Roussin lance en 2009 la puissante revue Nyctalope, véritable mine de talents. L'année 2013 sera la sienne, avec la sortie en avril d'Heartbreak Valley 01 aux Éditions 2024, et celle du Bandit au Colt d'Or 02 chez Magnani, disponible dès maintenant. Le Bandit au Colt d'Or, justement, est le point de départ artistique de notre couverture. Ce dessin original, réalisé au feutre puis retravaillé numériquement, permet de constater toute la flamboyance dont est capable Simon Roussin. Un visuel feu, flamme et rodéo, pour un Kiblind 44 qui promet au moins autant, n'est-ce pas là une belle concordance ? Pour fêter une si belle collaboration, nous organiserons une exposition avec Simon Roussin et les artistes de nos Pages Blanches, du 10 au 14.04 au Point Éphémère. Arts Factory lui consacrera par ailleurs une exhibition retrospective du 14.05 au 8.06 à la Galerie Lavignes-Bastille pour Heroes & Villains.

www.simon-roussin.com

01 HEARTBREAK VALLEY Éditions 2024, sortie 2013

02 LE BANDIT AU COLT D'OR Éditions Magnani, sortie 2013

• Le Bandit au Colt d'Or, livre illustré, 64 pages, éditions Magnani, sorti le 16 mars 2013 ; Heartbreak Valley, bande dessinée, noir et blanc, 76 pages, éditions 2024, sortie début avril 2013.

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ÉDI TO - SOMMA IRE

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Texte : M. Sandjivy

En 1998, un siècle après l'apparition du Bibendum, l'entreprise partenaire Renault nous a demandé « si le vrai luxe c'était l'espace ? ». Cette question, nous y avons déjà répondu à plusieurs reprises : avant et après : - En 1789, quand on portait des bonnets phrygiens, qu'on était torse nu et que le luxe c'était effectivement la liberté. L'espace dans son sens originel, infini, et irrémédiablement libre. On écrivait des pamphlets, des lettres ouvertes, des manifestes. On s'indignait, on avait des convictions à en perdre la tête et on tombait par terre, la faute à Voltaire. - En 1977, quand le premier film Star Wars : un nouvel espoir est sorti. On avait des sabres laser bleus, rouges et verts, des vaisseaux, des Wookies et la Force. On se battait contre le sosie de Benoit XVI, contre un grand mec en noir joué par un Blanc doublé par un Noir, pour la liberté dans l'espace et pour la liberté des Ewoks contre l'Empire. - En 1983, quand l'Internet a été officialisé. On avait des chemises à carreaux rouges, des lunettes carrée et on était mal rasé. On faisait des sites et des programmes noir et vert : c'était la porte ouverte à toutes les fenêtres et un empire est né. On s'est battu, on a gagné et ils ont dû partager. - En 2013. C'est le retour des sites. Il y a eu des sites faits avec Photoshop, des pubs pour Photoshop, des photos de pubs photoshopées, des sites avec des photos mal photoshopées, des sites qui dénoncent les photos mal photoshopées, des journaux qui parlent des sites qui dénoncent les photos mal photoshopées et donc des sites qui parlent des journaux qui parlent des sites qui dénoncent les photos mal photoshopées.

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On a toujours des chemises à carreaux, des lunettes carrées et on est mal rasé. On se bat moins car on n'a pas de sabres laser mais des téléphones qui vont sur Internet. On s'en sert pour se souvenir de ce qu'on était avant. Pour se souvenir de notre liberté. Free is free.

— DISNEY IN THE STAR

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E. DAVIS & K. GUILLEN 22 VTF 23 BENJAMIN SCHMUCK 24 ALEX GIBBS 25 TIM LAHAN 26 LUCA MASSARO 27 LARGE 28 MATTHEW FEYLD 29 MARTIN SZTAJMAN 30 TOM PREGIATO 31 MARC BUCHY 32 EUGÈNE RIOUSSE 33

STAFF Directeur de la publication : Jérémie Martinez Rédacteurs en chef  : Jean Tourette  - Gabriel Viry - Jérémie Martinez Rédacteur en chef Mode : Baptiste Viry

Rédaction Kiblind  : Maxime Gueugneau Gabriel Viry - Jean Tourette - Jérémie Martinez Olivier Trias  - Simon Bournel-Bosson Matthieu Sandjivy - Marlène Cottin. Cahier Mode : DA / Baptiste Viry  Photographe / Laurent Croisier Styliste  / Alix Devallois

Relecture   : Frédéric Gude  Merci à : Baptiste Alchourroun - Anaïs Bourgeois Simon Chambon-Andréani - David Chauvet Arnaud Giroud - François Huguet. Direction artistique : Agence Klar (www.agence-klar.com)


REVUE DE PR ESS E

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— UN MANIFESTE POUR LA PAIX

— NUNC EST BIBENDUM

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— FESTIVAL DE LA BANDE DESSINÉE D'ANGOULÊME

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— DÉCRYPTAGE

— FREE DÔME

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55 — BERCAIL 55 BIBLIOTHÈQUE 56 CORDIALEMENT 57 EMPATHIE 58

LABORATOIRE 59 MONTS 61 MYSTÈRE 62 NUITS SONORES 63

PLACE 64 STRASBOURG 65 SURPRISE-PARTIE 66

INFOS Barbou Impressions  - 8, rue Marcel Dassault 93140 BONDY - 01 48 02 14 14 fabrication2@barbou-impressions.fr Le magazine Kiblind est édité à 40 000 exemplaires par Kiblind Édition & Klar Communication. SARL au capital de 15 000 euros - 507 472 249 RCS Lyon .

27 rue Bouteille - 69001 Lyon  04 78 27 69 82  - www.kiblind.com  Le magazine est diffusé à Paris, Lyon, Marseille, Montpellier, Bordeaux, Toulouse, Rennes, Nantes, Lille, Strasbourg, Bruxelles et Genève. Ce numéro comprend un supplément spécial de 28 pages pour la région Rhône-Alpes.

ISSN : 1628-4146 // Les textes ainsi que l’ensemble des publications n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits strictement réservés. THX CBS. Ulysse au pays des merveilles. Contact : redaction@kiblind.com


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Infographie : J. Martinez & M. Cottin

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orsque Walt et son frère Roy créent le Disney Brother Studio à Los Angeles en 1923, ils ne s'imaginaient sûrement pas un jour pouvoir se déplacer dans leur propre T-Fighter. Après 1928 et l'apparition de Mortimer (renommé immédiatement Mickey par la femme de Walt), 1937 et le premier long métrage en couleur de l'histoire du dessin animé (Blanche-neige et les sept nains, l'ouverture de Disneyland à Anaheim en 1953 et enfin la mort de Walt en 1966, 2012 est un nouveau tournant majeur dans l'histoire de la firme. Et que dire de la retraite de Georges Lucas ? En vendant à Disney sa société Lucasfilm Ltd (dont il était propriétaire à 100%), notre barbu à lunettes peut carrément offrir un X-Wing à tout homme qui le mérite. Il faut dire que 4 milliards de dollars, ça aide à devenir philanthrope.

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R EV UE DE P R ESSE Texte : M. Gueugneau

MANIFESTE POUR LA PAIX

PRENDRE LA PRESSE POUR CE QU’ELLE EST : UNE SOURCE D’INFORMATIONS ET D’INSPIRATIONS. PROFUSION DE SAVEURS DE NOS PARUTIONS NATIONALES, SOUS LA FORME D’UN COURT RÉCIT, RÉSULTAT DU FUMET DÉGAGÉ PAR NOS LECTURES.

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10 11 01 . CAMERA n° 1 Janvier/Mars 2013 camera-publications.fr

02. DESPORTS N°1 Janvier/Mai 2013 revuedesports.com

03. DÉFENSE ET SÉCURITÉ INTERNATIONALE N°90 Mars 2013 dsi-presse.com

ernièrement, « le gouvernement belge a donné son autorisation à une série d'achats pour le compte des forces navale et terrestre » 03 . Pourquoi ? Contre qui le royaume du plat pays compte-t-il se battre ? Pour quelles obscures raisons décident-ils de montrer les muscles ? Certes on pourra toujours nous opposer qu'il faut toujours se renforcer sinon « les meilleurs, une fois qu'ils ont pris les devants, ils t'enfoncent. » 08 Mais il faut cesser de penser en ces termes belliqueux car la guerre est le pire des maux. Ici, nous prenons la plume pour dire stop. Nous prenons la plume pour qu'« une vie de famille où les enfants s'amusent, lisent et se rendent à une fête d'anniversaire, où papa pose du carrelage dans la salle de bain, pendant que maman prépare un goûter » 09 soit encore possible. Nous prenons la plume parce qu'« elle paraît d'une force inouïe, capable de dresser les montagnes, voire de les accorder à son gré, si c'est nécessaire » 01 . Nous prenons la plume pour la paix. Guerre. Six lettres : Guerre. Six lettres qui font trembler le monde. « Efficaces, elles ont progressé sans rencontrer de résis-

tance » 03 et règnent maintenant en maître sur l'humanité. Un trône acquis durant le XXe siècle, celui de l'horreur absolue. Quand on pense que « l'esprit derrière Blanche-Neige, Pinocchio, Bambi, Peter Pan, et responsable de beaucoup des fantaisies de votre enfance, a été viré du Kansas City Star parce qu'il “ manquait d'imagination et n'avait pas de bonnes idées ” » 04 , ce siècle était de toute façon mal parti. Mais que ce soit au XXe ou avant, l'Homme a toujours eu ça en lui, la colère, le mal, la méchanceté.

« LES CRIS PEUVENT AUSSI VRAIMENT DÉRANGER LE PUBLIC » TENNIS REVUE, n°3, Mai/Mars 2013

Dès sa prime jeunesse, « pour mener ses batailles, bonnes ou mauvaises, il comprend très vite qu'il lui faut une armée à sa botte » 02 . Et « aujourd'hui, il n'est pas question de faire comme il y a mille ans, évidemment » 07 : unités, chars d'assaut, tanks, hélicoptères, le


génie humain de l'atroce n'a plus de limite. « Mais inutile de faire les vierges effarouchées, c'est la même rengaine depuis le mur de Berlin ou celui de l'Apartheid » 06 , et aujourd'hui il est temps de mettre le holà, de crier au monde notre dégoût. « Les cris peuvent aussi vraiment déranger le public » 08 , et nous sommes là pour que les gens prennent conscience de cette terrible réalité. « Peu importe si les lois de la nature veulent qu'ils soient tous prédateurs ou proies les uns des autres, après tout » 01 , la paix et l'amour doivent triompher, un point c'est tout. Nous nous battrons pour ça.

« LE GOUVERNEMENT BELGE A DONNÉ SON AUTORISATION À UNE SÉRIE D'ACHATS POUR LE COMPTE DES FORCES NAVALE ET TERRESTRE » DÉFENSE ET SÉCURITÉ INTERNATIONALE, n°90, Mars 2013

Paix. La bataille qui s'engage pour la paix dans le monde commence maintenant. La paix est ce trésor, cette formule magique qui « permet, entre autres, de voir les amis, de passer un moment convivial avec eux » 08 , ou encore d'évoluer dans « un univers naturel, spontané, harmonieux et fonctionnel pour le quotidien où l'on crée, mélange, personnalise et s'amuse » 09 . Elle mérite qu'on se batte pour elle. Bien sûr, « à force d'entendre toute la journée s'exprimer l'inquiétude des [gens], leur défiance vis-à-vis du pouvoir politique,

04. FRANKIE N°50 Novembre/Décembre 2012 frankiepress.com.au

leur critique de la mondialisation, de commenter les mauvais benchmark internationaux sur le moral des troupes ou de ressasser notre consommation record d'antidépresseurs, on finit par croire que la mauvaise conjoncture emporte tout sur son passage » 05 . Mais ce n'est pas vrai, l'amour et le vivre-ensemble l'emporteront à la fin. Certains diront peut-être que nous sommes de doux rêveurs, des bambins. C'est vrai, « nous pourrions avoir huit ans, l'histoire serait la même, les émotions identiques. Mais nous en avons trente, quarante, cinquante, et formons un mélange hétéroclite de professions, de classes, sociales, de conditions physiques. » 02. Et ce sont cette maturité et cette multiplicité qui font notre force. Aussi, unissons-nous pour qu' « à un moment donné, avec des envies qui vont dans une même direction, avec une énergie qui est compatible » 06 , nous l'emportions. «Notre génération a eu un rôle de sensibilisation et d'éveil, mais étant donné l'impasse dans laquelle on se trouve, il faut trouver autre chose et inventer une nouvelle philosophie de vivre qui ne soit pas empreinte de fatalisme » 05 : une philosophie de la paix, une philosophie de l'amour. Oui, faisons nôtre la vieille antienne « faites l'amour pas la guerre » car « tomber amoureux est quelque chose de très beau parce qu'on se tient la main, on fait des projets et on fait l'amour à des arrêts de tram » 04 . Tout le contraire d'une guerre qui ne veut que la mort et la destruction. Portons donc fièrement l'étendard de l'amour, pour que la paix triomphe enfin. Ensuite, « c'est à chacun d'ébaucher quelques hypothèses, de traquer ses propres rêves, d'imaginer ses propres histoires. » 01

RETROUVEZ LA SÉLECTION EN DÉTAIL SUR WWW.KIBLIND.COM

05. INFLUENCIA N°4 Janvier/Mars 2013 influencia.net

06. OFIVE N°2 Décembre 2012 ofive.tv

07. QUI NE DIT MOT CONSENT N°1 Mars/Septembre 2013 qndmc.com

08. TENNIS REVUE N°3 Mars/Mai 2013 lafontpresse.fr

09. TOC-TOC-TOC ! N°7 Janvier 2013 toctoctoc-mag.com


NUNC EST BIBENDUM

R ÉC L AME Texte : J. Tourette visuels : ©MICHELIN

DÉMESURÉ, JOVIAL ET SYMPATHIQUE, LE BONHOMME DE MICHELIN FAIT PARTIE DES FIGURES INCONTOURNABLES DE LA PUBLICITÉ MONDIALE. ET AVEC 115 BOUGIES CETTE ANNÉE, IL A SU TRAVERSER LE SIÈCLE SANS PERDRE SON SOUFFLE.

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12 13 01 Affiche de O’Galop, 1898

Vo i l à B i b e n d u m  !   » L’exclamation a fait le tour de la France des années 70 et 80, quand surgissant d’un virage, les bras en éventail et debout sur sa moto, apparaissait enfin la silhouette pneumatique et imposante du bonhomme à l’écharpe jaune et bleue. C’était pour la Grande Boucle, au rendez-vous annuel qui courbe l’hexagone et traverse ses villages et ses villes. Amassés sur le bord des routes, passionnés ou non par la compétition à deux roues, ceux qui ont une fois assisté à la parade sportive se souviennent certainement de la « Caravane Michelin » : des tacots de la belle époque (une Brasier et une Hochkiss), un camion de pompier et partout ses bonshommes blancs qui jetaient dans la foule des cadeaux promotionnels, dont le fameux porte-clef Bibendum que chaque petit Auvergnat a déjà vu une fois pendouil-

ler non loin d’une serrure ou sous un volant. « Voilà Bibendum ! », c’est bien la traduction que recevrait maintenant le vers d’Horace, non plus dédié à la victoire d’Octave à Actium en l’an 31 avant notre ère, ni même à la célébration de la mort de Cléopâtre… Mais bien à l’homme-pneu de la firme auvergnate, qui s’est approprié le verbe latin pour en faire un nom propre, à tel point popularisé qu’il en devint commun. Le Bib, Bibendum, le bonhomme Michelin ou Michelin Man (outre-Atlantique), le personnage fait partie des icônes internationales les plus populaires, si ce n’est des plus anciennes. À 115 ans aujourd’hui, la mascotte a déjà reçu le titre élogieux de « logo du siècle », décerné en 2000 par un jury international du Financial Times, et a figuré plus récemment parmi les rôles principaux de Logorama, le sublime court-métrage d’animation du studio H5 oscarisé en 2010. La naissance de Bibendum, qui tient à la fois de l’anecdote et de la légende, repose comme bien souvent sur une situation imprévue. En 1889, Édouard Michelin a repris la fabrique de caoutchouc de Clermont-Ferrand, alors déclinante, et fondé Michelin et Cie. Deux ans plus tard il est rejoint par son frère André, qui participe au développement commercial et publicitaire de


la marque. Il faut préciser qu’en cette année 1891, Charles Terront vient de remporter haut la main la première course Paris-Brest-Paris, et en attribue ouvertement le mérite au tout nouveau pneumatique « Démontable » Michelin, avec lequel il a équipé sa bicyclette Humber. La marque a donc une sacrée cote chez les deux roues et ambitionne déjà d’investir le marché à peine naissant de l’automobile. En 1894, les deux frères visitent l’exposition universelle et coloniale de Lyon. Arrivés devant le stand de leur marque, ils constatent que leur représentant, pour rendre l’ensemble original et attractif, a orné l’entrée de deux grandes colonnes de pneus. Surpris et amusé, Édouard lance à son frère : « Regarde, avec des bras, cela ferait un bonhomme ! » La scène aurait pu rester sans suite, mais quelques mois plus tard André reçoit un dessinateur venu lui présenter des croquis publicitaires. Il s’agit de Marius Rossillon, plus connu à l’époque sous le pseudonyme de O’Galop. Parmi les dessins que celui-ci lui présente, Édouard s’arrête sur une caricature non retenue que l’artiste avait initialement réalisée pour une brasserie de Munich : un personnage jovial et imposant est attablé au centre de l’image, brandissant une chope en s’exclamant « Nunc est bibendum !  », littéralement « c’est maintenant qu’il faut boire ». Entre l’opulente silhouette et la pile de pneus, l’imagination du communicant a fait le reste. Même l’évocation de la formule latine empruntée à Horace lui remémore quelques mots qu’il avait eus à l’issue d’une récente présentation : « le pneumatique boit l’obstacle ! » Le personnage était trouvé. L’affiche paraît donc en avril 1898 : un étrange bonhomme de pneus lève une coupe remplie de clous, de tessons, et lance à l’assemblée la célèbre formule latine accompagnée du slogan « Le pneu Michelin boit l’obstacle ». 01 Quelques mois plus tard, et suite à cette campagne, tout le monde l’avait baptisé Bibendum.

Plus d’un siècle après – et des dizaines de milliers de dessins – le personnage a évolué mais n’a pas essentiellement changé. Pour Stéphane Nicolas, directeur du Service Patrimoine de Michelin, « Bibendum avait dès sa naissance tous les éléments pour traverser les époques et les pays, et devenir une icône universelle. Le secret de cette vitalité, de cette longévité, c’est qu’il a toujours représenté à la fois le produit, le client et l’époque. Il s’est par conséquent toujours adapté et a su rester en phase. » Et pour preuve. À partir de 1923, date à laquelle les ingénieurs Michelin mettent au point le pneu « Confort » à bande de roulement plus large, les pneus qui composent Bibendum s’élargissent eux aussi. Le dessin d’Albert Philibert 02 illustre assez bien ce phénomène, qui témoigne du lien étroit qui unit la mascotte au produit. Mais Bibendum représente également le client : comme le « voituriste » intrépide et aventureux de 1900, il porte des lorgnons, des bottines, quelques fois des manchettes avec boutons, et toujours un cigare ; des accessoires qui vont disparaître au fur et à mesure que la conduite se démocratisera et que l’automobiliste perdra ses signes extérieurs de distinction sociale. Quant à l’époque, les campagnes de communication colorées des années 80 avec un Bibendum fonceur 03 et celles d’aujourd’hui en 3D 04 montrent que la mode et la technologie ont accompagné le personnage.

04 Bibendum est en 3D depuis 1998

03 Bibendum vu par l’agence BDDP, 1986

Qu’il soit sur roue, sur carte ou sur guide, en 2D ou en 3D, à la mode 1900 ou en fluo, Bibendum s’est non seulement forgé une réputation de compagnon universel de l’automobiliste, mais plus largement de mascotte internationale à la vitalité exemplaire. Son dernier fait de gloire ? En octobre 2011, il a été désigné « icône de l’année » par le magazine Advertising Week et s’est vu offrir une plaque en bronze à son nom sur le Madison Avenue Advertising Walk of Fame. Alors, comme on dit : Buvons ! 02 Affiche d’Albert Philibert, 1925



BRAIN MAGAZINE

P O RT RA IT Texte : O. Trias Visuels : Maisonbrain

CITÉ DANS UN RÉCENT ARTICLE DU NOUVEL OBSERVATEUR PRÉSENTANT LES 5 PURE PLAYERS À SUIVRE EN 2013, BRAIN MAGAZINE PEUT S'ENORGUEILLIR D'ÊTRE RECONNU COMME UN MEDIA CULTUREL RÉFÉRENT. MAIS LES MEMBRES DE L'ÉQUIPE COMPTENT BIEN FAIRE PARLER D'EUX AU-DELÀ DU WEB…

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naïs Carayon a créé Brain Magazine, en juin 2007, avec l'idée de « prendre le contre-pied d'une presse musicale papier trop figée ». Au départ simple blog sur l'actualité musicale, elle a développé petit à petit ce projet en s'entourant, au gré de ses rencontres, d'une trentaine de contributeurs dans différents domaines (rédacteurs, webmasters, graphistes, photographes, illustrateurs, stylistes…). Progressivement, le magazine s'est orienté sur une ligne éditoriale plus ouverte, « plus grand public », et l'ironie et la dérision sont devenues les spécialités de la rédaction : « Au départ, on avait pas spécialement vocation à être un magazine rigolo, mais on s'est rendu compte qu'on aimait bien se marrer. Le fait qu'on prenne le droit de se moquer d'un artiste est donc venu assez naturellement ». Avec l'apparition des rubriques « Page Pute » et « Page Président », ce penchant s'est accentué un peu plus, et le magazine oscille désormais entre des reportages sérieux, des articles pointus, et un contenu beaucoup plus léger, « un mélange de conneries, de trucs people ou de petits chats ». Des drôleries, simples et efficaces, qui drainent un maximum de gens sur le site. « C'est parfois désolant par rapport au travail fourni, mais une interview fleuve est beaucoup moins virale. Alors qu'un chat qui pète, tout le monde partage ce truc sur facebook. Ca crée beaucoup plus de trafic. En fait, on a vraiment passé un cap grâce à ces rubriques ». En effet, les statistiques de fréquentation du site sont aujourd'hui particulièrement éloquentes : 5 000 000 de pages vues par mois, 500 000 visiteurs uniques. Des chiffres qui valorisent considérablement le travail de l'équipe, et leur confèrent surtout beaucoup de crédit : « C'est agréable. Aujourd'hui, les gens nous écoutent, s'intéressent davantage à nous quand on leur présente un projet ». Et ça tombe bien, car des projets, l'équipe de Brain en a « plein les tiroirs » : des soirées (Decade au Social Club, Brain Roller Party au Wanderlust, Basement Sessions au Lautrec), des expos (Cheese au Point FMR), des tee-shirts (avec la marque Kulte et maintenant en solo), de l'éditorial, des vidéos, et plus par-

ticulièrement en ce moment, de l'édition… Après avoir vendu les 2 000 exemplaires de leur livre publié en indépendant Comment devenir un ninja gratuitement, le bouquin vient d'être racheté par Flammarion et ressort en juin, avec de nouvelles illustrations de leur DA, Olivier Laude. Une nouvelle collaboration ô combien satisfaisante : « c'était notre rêve, on va être présent en supermarché ! » S'en suivront un deuxième projet de bouquin avec Flammarion, « qui tournera autour de la photo et des animaux », ainsi qu'un cahier de vacances « bien débile », chez Delcours. Afin « d'officialiser » tous ces projets qui sont faits autour de Brain et de montrer qu'ils disposent d'un « réseau de gens talentueux dans différents domaines », ils ont créé, en octobre dernier, Maison Brain, leur propre agence de communication. La même entité ni plus ni moins, mais sous un autre nom, dans le but de mettre en place pour des marques des projets qui n'impliqueraient pas le magazine : « on fait un peu un travail d'agent, on met en lien des gens avec nos collaborateurs. » « Au début on était contents, on se disait qu'on faisait un magazine cool… mais ca ne suffit pas. L'idéal serait de continuer à se développer, dans une certaine diversité, tout en gardant toujours une logique d'amusement ». C'est tout ce qu'on leur souhaite.

PORTFOLIO SUR WWW.KIBLIND.COM

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R EP ORTAG E G RAPH I Q U E Texte : M. Gueugneau Visuel : S. Bournel-Bosson


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Kiblind magaZine Présente

Exposition CoLLECtiVE FREE IS FREE D u 1 1 a u 1 4 aV r i L 2 0 1 3 À p o i n t É p h É m è r E - pa r i s 1 0 V E r n i s s a g E L E j E u D i 1 1 aV r i L À pa r t i r D E 1 9 h À l'occasion de la sortie de son nouveau numéro PrintemPs 2013, Kiblind Présente Free is Free avec simon roussin, la velvetyne tyPe Foundry et tous les artistes des Pages blanches. WWW.Kiblind.com ou WWW.PointePhemere.org

ma gazine


INTRÉPIDES

ET PALIMPSESTE.

L’ÉPOQUE AGUICHEUSE

NOUS DÉFIONS SANS PLUS TARDER

COIFFÉS D’UN FEUTRE À PLUMES DE BÉZIER,

ET D’ARBALÈTES À CASSEAUX,

TOUS FORMIDABLES, ARMÉS DE HALLEBARDES-BIC

et auriges du script et,

sur un char gigantesque nous accueillons amazones

t e l b e n h ur

et des conventions arbitraires

LES CARACTERES du joug des règlements iniques

NOUS POURSUIVONS, À LA VITESSE DE L’ÉLECTRON, CET ILLUSTRE CORTÈGE.

tel spartacus, nous libérons

DE LA GENERATION POSTSCRIPT

REJETONS

nous

PAGES B L AN C H ES

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— ELEANOR DAVIS & KATHERINE GUILLEN Diplopia www.doing-fine.com & www.katherineguillen.com


nous

REJETONS

INTRÉPIDES

DE LA GENERATION POSTSCRIPT

tel spartacus, nous libérons NOUS POURSUIVONS, À LA VITESSE DE L’ÉLECTRON, CET ILLUSTRE CORTÈGE.

LES CARACTERES du joug des règlements iniques et des conventions arbitraires

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ET D’ARBALÈTES À CASSEAUX,

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NOUS DÉFIONS SANS PLUS TARDER

L’ÉPOQUE AGUICHEUSE

ET PALIMPSESTE.

— VELVETYNE TYPE FOUNDRY Création Originale (Curated by Clikclk) www.velvetyne.fr


— BENJAMIN SCHMUCK La Vague www.schmuck.fr


— ALEX GIBBS Smoke in the toilet like a Chinese man www.alex-gibbs.com


— TIM LAHAN The Olympic Fencing book (Extract) www.trademark-trademark.com


— LUCA MASSARO Osaka www.lucamassaro.net


— LARGE Temps mort (Création Originale) www.laaaarge.com


— MATTHEW FEYLD Sans-Titre http://matthewfeyld.blogspot.fr


— MARTIN SZTAJMAN 057 http://laviedusens.blogspot.fr


— TOM PREGIATO Phone Arts - GoogleArt VI (Curated by Clikclk) http://tommygun.tumblr.com


— MARC BUCHY b.o.u.m. www.marcbuchy.com


— EUGENE RIOUSSE Ooooooooooo ! (Création Originale) www.eugeneriousse.com


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DOSSIER Texte : G. Viry Visuel : Baptiste Alchourroun

DÉ CR YP TA GE ET SI LE JOB DE DANIEL SCHNEIDERMANN, STRATÉGIES ET CIE ÉTAIT DEVENU L’AFFAIRE D’UN MILLIARD D’HOMMES EN RÉSEAU ? CAR SI LE WEB SEMBLE FILER DROIT VERS UN INCOMMENSURABLE MUR D’IMAGES, DE NOUVEAUX MIRADORS SE DRESSENT EN EFFET SUR SON PASSAGE. LES COMMUNICANTS VEILLENT AUSSI…


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février 2012, 9h38 : reconstitution d’un « crime » parfait. Armé d’un simple tweet, Jean Saurien (@schloren) altère, vivante, l’affiche officielle de campagne de Sarkozy, publiée deux heures plus tôt sur le site du Figaro. L’internaute découvre en effet que la France Forte, incarnée par le Président-candidat, est

profilée sur un paysage de Mer Egée, au moment où la Grèce touche justement les grands fonds. « J’ai un plugin sur mon navigateur qui m’affiche un symbole lorsque des données Exif sont présentes derrière une image. C’était le cas pour cette photo, ce qui m’a permis d’identifier immédiatement sa provenance. Un journaliste du Figaro

s’en était aussi aperçu lorsqu’il avait obtenu le cliché : il avait fait un tweet discret, quelques minutes avant le mien, mais était visiblement soulagé que la paternité de la découverte me soit attribuée. » Figure incontournable des nouveaux médias (Arrêt sur Images, Europe 1, Huffington Post) et follower de schloren, Guy Birenbaum


EN QUELQUES CHIFFRES 300

millions NOMBRE MOYEN D’IMAGES PUBLIÉES, CHAQUE JOUR, SUR LE PREMIER SITE MONDIAL DE PARTAGE DE PHOTOS : FLICKR

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millions AVEC 4 MILLIONS DE LIKE FACEBOOK ET 780 000 RETWEETS, LA PHOTO DU COUPLE OBAMA ENLACÉ, « FOUR MORE YEARS » (NOVEMBRE 2012), EST L’IMAGE LA PLUS PARTAGÉE DE L’HISTOIRE DU WEB 2.0.

40

millions de vues LE RECORD DE CONSULTATION D’UN SPOT PUBLICITAIRE, SUR YOUTUBE : UN ENFANT DÉGUISÉ EN DARK VADOR, POUR VOLKSWAGEN, DIFFUSÉ PENDANT LE SUPERBOWL 2011

82% 36

PROPORTION DES INTERNAUTES FRANÇAIS CONNECTÉS QUOTIDIENNEMENT SUR UN OU PLUSIEURS RÉSEAUX SOCIAUX (30 MINUTES, EN MOYENNE)

300 000 LE NOMBRE DE COMMENTAIRES OBTENUS, EN AOÛT 2012, SUR FACEBOOK, PAR UN SUPERMARCHÉ LOCAL, CORA RENNES, APRÈS LA PUBLICATION D’UN CASSE-TÊTE VISUEL : « LES CARRÉS DE LA DISCORDE »

30 000 NOMBRE D’ABONNÉS SUR ARRETSURIMAGES.NET, PREMIER SITE D’INFORMATION FRANÇAIS PAYANT, APRÈS MÉDIAPART (65 000 ABONNÉS)

prend alors le relais : « J’ai reçu l’info, j’ai vérifié et j’ai balancé : tous les médias l’ont repris et ça a fait la journée ? Les journalistes s’intéressent à ce qui se passe sur Twitter, encore davantage lorsqu’il s’agit d’une image, facile à montrer. » Si Jean Saurien a, en l’espèce, commis un crime, il ne reposerait que sur un acte de lèse-majesté ou le début, en image, d’une mort d’homme providentiel, tant la mer grecque a inspiré dans la foulée une vague de détournements compulsifs qui a fait le tour du web hexagonal : Sarkozy et le Costa Concordia, Sarkozy et Merkel en mode Titanic, Sarkozy et la saucisse (La Francfort), Sarkozy en Brice de Nice, etc. En résumé, tout le monde a bien ri, un peu moins quand la même histoire d’Exif conduit, outreAtlantique, à l’arrestation de John MacAfee, consécutive à un bug de l’an 2000 chez Vice Magazine. Après avoir fait fortune dans les anti-virus, aux États-Unis, MacAfee s’est fait plaisir à Belize, dans une retraite explosive composée notamment d’amphétamines, d’armes à feu et de jeunes conquêtes en proie à la génération Y-Z. De quoi intéresser Vice qui le suit en cavale lorsque l’homme est recherché par la police dans une affaire d’homicide. Le 3 décembre, le site publie fièrement une photo de son rédacteur en chef en compagnie de MacAfee, sans masquer les données : Simple Nomad, un twittos heavy métalleux, les repère tout de suite (« Check the metadata in the photo. Oops… »), ce qui conduit inévitablement à l’arrestation, deux jours plus tard, au Guatemala. MacAfee est en prison, la maison Sarkozy tourne désormais à l’arrêt, mais ces deux images montrent, audelà des erreurs, que le public intervient aujourd’hui dans un nouveau rôle : un écran de veille, à proprement parler, une sorte de contre-pouvoir spontané face à l’image, une armée de « décrypteurs » dont les rangs se grossissent à mesure que le flot visuel se remplit. Bien au-delà des spécialistes, la communauté web serait ainsi en train de révéler sa capacité à ouvrir l’œil et lire entre les pixels, en parta-

geant massivement ses trouvailles. « Le phénomène est tout à fait nouveau, explique Guy Birenbaum. Ce type de réflexe a toujours existé, mais le public n’avait pas d’espace avant les réseaux sociaux pour s’exprimer, au-delà de son environnement immédiat ou de son bureau. » En plus, la force et le déploiement des réseaux reposant largement sur l’image, ils lui offrent intrinsèquement une ressource proche de l’infini. Plus de 250 millions de visuels, par exemple, sont postés sur Facebook ; même type d’indice chez Tumblr ou Pinterest (+ 380 % de membres en 2012) qui profitent de leur statut « visuel » pour enregistrer actuellement une vitesse de rayonnement proche de la lumière. En résumé, plus les réseaux turbinent, plus la prolifération de l’image acquiert une puissance atomique. Rien d’étonnant, dans ce contexte, à ce qu’un utilisateur anonyme, plus ou moins irradié, puisse tomber sur une pépite, s’improviser en service de décryptage et faire l’effet d’une bombe, ou d’un simple pétard…

ARÊTES SUR IMAGES ­­­— N’en déplaise à Bernard Montiel, les images de chatons et de bébés « golri » n’ont pas encore colonisé toute la surface visuelle du web mondial. Il reste, entre autres, la publicité. Et, plus largement, toute l’iconographie relative à la communication, politique, médiatique ou commerciale. Si certains estiment que Sarkozy a bien mérité sa saucisse, d’autres préfèreront révéler, par l’image, qu’un mastodonte comme L’Oréal (9e annonceur mondial) vaut tellement bien ses shampoings qu’on peut lui chercher des poux. Ainsi Joe La Pompe, figure emblématique et préhistorique du décryptage publicitaire, remarqua qu’un spot viral pour le gel Indestructible de Studioline ressemblait étrangement à un film d’Electronic Arts, en 2008, pour le nouveau FIFA. La marque est également souvent épinglée sur Photoshop Disasters, le site de référence de l’excès de sébum


DOSSIER

sur palettes graphiques, pour avoir notamment transformé Beyoncé en égérie quasi-caucasienne ou allongé le cou, en mode girafe subsaharienne, de Penelope Cruz. Ces exemples montrent que l’image publicitaire constitue, sur le web, un terrain d’observation privilégié, entre activisme décontracté et supercheries méga-LOL ; l’offre des trouble-fête s’y est même structurée, autour de quelques balises bien affutées. Dès 2006, au moment où Facebook dénombre 20 millions d’abonnés (1 milliard aujourd’hui) et pendant que Twitter commence à peine à frémir, une petite équipe de blogueurs lancent Photoshop Disasters (PSD). « Ce fut le premier espace mondial entièrement consacré à la mauvaise retouche photographique, se souvient Beverly Jenkins. Nous publions les pires erreurs, repérées sur le web, grâce à une communauté active de contributeurs qui, comme nous, ne manquent pas d’humour, tout en stigmatisant l’utilisation abusive de Photoshop dans les campagnes publicitaires ou les médias ». Tous les deux jours, en moyenne, PSD diffuse ainsi un désastre visuel qui se joue souvent des principes ordinaires de l’anatomie : main à six doigts, modèle à une jambe, sexe masculin émanant d’une petite robe légère sur une plage caribéenne, etc. Tout le monde y passe et le plus saisissant, justement, est que les images soient passées. Brad Pitt et son « evil twin » portant, dans un magazine allemand, deux fois le même enfant. Ou un mannequin du japonais Shiseido, le plus vieux producteur de cosmétiques, dont la position fœtale laisse pourtant jaillir une immense jambe dans le vide. « Avec les réseaux sociaux, les images circulent de plus en plus vite, bien au-delà de notre public (1,2 millions de visiteurs, chaque mois), si bien que le label « Photoshop Disaster » n’est pas franchement un cadeau ». Entre ses « Greatest hits », introduits par un mannequin totalement désarticulé chez Ralph Lauren, son palmarès annuel des pires photoshopages et son flux d’absurdités, toujours imagées, le site reçoit ainsi régulière-

LE PRIX WORLD PRESS PHOTO 2013, attribué en février dernier au suédois Paul Hansen, fait débat, depuis que la photo originale, retouchée pour le concours (désaturation des couleurs, ciel assombri, etc.), circule sur le web.

ment des messages colériques, voire des menaces de procès. Les créateurs en sourient, mais ils ont sûrement contribué à répandre un petit jeu, accessible à tous (cherchez l’erreur), voire carrément à changer certaines règles. À l’automne dernier, une publicité Dior a été censurée, en Grande-Bretagne, à cause des cils trop longs de Natalie Portman. Simultanément, aux ÉtatsUnis, le chercheur Hany Farid lançait FourMatch, le premier logiciel capable d’authentifier une image grâce à un module d’identification des retouches. Si PSD peut faire figure de pionnier, l’image publicitaire semble aujourd’hui évoluer dans un viseur encore plus large, ressemblant parfois à une promenade estivale dans un champ de mines, où n’importe quel objet IP serait prêt à sauter : décrypteurs du dimanche qui énumèrent, sur le web, les résultats hasardeux mis en image par Apple pour la promotion de son outil de reconnaissance vocale ; utilisateurs d’Instagram qui repèrent un personnage de Kit Kat

ARRÊT SUR IMAGES Dans le dernier numéro de Numéro, Arrêt sur Images repère qu’un modèle star hongrois, Ondria Hardin, a été déguisée en noire pour une série mode sur le thème «African Queen», sans aucun commentaire, ni explication. Bizarre.


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ressemblant, étrangement, à Pedobear, la mascotte virtuelle de la pédophilie, etc. Une constellation de blogueurs, développeurs et autres objets mouvants, pas toujours faciles à identifier, s’est même positionnée sur cet axe de com’. Advertising Times, par exemple, thématise les ratés publicitaires sous forme de palmarès cinglants, comme celui des « 25 plus mauvaises traductions », dans lequel on apprend, entre autres, qu’une affiche de Renault Koleos peut s’entendre, en Grèce, comme la promotion d’un Renault « vagin ». Pundo 3000 ou Photos Non Contractuelles (PNC) se sont spécialisés, de leur côté, dans la radiographie des visuels produits. « L’idée m’est venue fin 2010, explique Xavier Deneux, développeur informatique, dans un restaurant d’entreprise : les images présentes sur les emballages n’avaient rien à voir avec les aliments. » Il lance alors PNC, une plateforme communautaire permettant de diffuser des photos, sur le mode « avant / après », en révélant les flagrants délits de la publicité. La version réaliste du Quick n’Foie Gras, par exemple, est tout à fait rebutante, sans parler des lasagnes bio et végétariennes de Leclerc qui s’ouvrent, en vrai, sur une « flaque gélatineuse », à la frontière d’un Chili et d’un ragoût. « Le site a connu le buzz, début 2011, lorsque David Abiker, chroniqueur à Arrêt sur Images, a repris l’info. » Il continue à accueillir 60 000 visiteurs, en moyenne, chaque mois et à couper fréquemment l’appétit sur Facebook : « Ce midi, on ne mangera sans doute pas de blanquette de poulet… »

FAILURE NOTICE — Was this planned? Was this not? Were we duped? Was it a fuck-up? ». Après l’arrestation de John MacAfee et sa prise de distance publique avec le magazine, la réaction officielle de Vice ne contribue pas franchement à lever le doute sur la nature de sa « bourde ». D’aucuns ont même évoqué une erreur suspecte compte tenu de l’exclusivité mise en scène par le média, de la photo

litigieuse à l’arrestation en direct sous l’œil de ses caméras. Quoi qu’il en soit, le sujet a suscité un certain bruit de fond qui, au-delà de l’anecdote, pourrait bien nous plonger dans une troisième dimension. 1/ Le web 2.0. et les réseaux sociaux constituent un nouveau souffle, cyclonique, en matière de communication. 2/ Le public suit, partage et, entre les deux, arrête les images. 3/ L’erreur fait gazouiller, souvent plus largement qu’une copie parfaite. Parfois, on pourrait même éviter de la corriger… « La Redoute fait fort ? ». Le 4 janvier 2012, ce petit tweet, posté au milieu de la nuit, va enflammer le web francophone et lancer le buzz de l’année. Il est en effet accompagné d’un lien hypertexte vers une photo du catalogue en ligne, dans lequel un internaute a découvert un petit détail grâce au zoom intégré : derrière la plage où quatre enfants courent, complices et souriants, un homme sort de l’eau, entièrement nu ? En quelques heures, l’image fait le tour des réseaux sociaux, puis des médias, à tel point qu’elle devient, le jour même, le 2e sujet mondial le plus exposé sur Twitter. Averti rapidement d’une activité virale spectaculaire, autour de la marque, La Redoute supprime immédiatement la photo et présente ses excuses. Mais le mirage est lancé : parodies, fausses publicités et même vraies campagnes, autour de l’homme nu, comme celle des 3 Suisses, qui lui colle sans tarder un superbe slip de bain à moins de 10 euros. Pendant ce temps, La Redoute prépare le coup d’après : dès le 1er février, elle rebondit et parie sur son « bad buzz » en lançant un jeu-concours pour rechercher 15 autres erreurs dissimulées, volontairement, sur le site. L’opération est un succès massif : le trafic augmente de 70 %, les 15 gagnants sont entièrement rhabillés et les communicants de tout poil acclament cette campagne réflexe, retournant un bug fracassant en habile stratégie de promotion. Malgré l’enquête interne, annoncée par l’entreprise, l’origine de la « blague » peut rester tranquillement inconnue. Pas inconcevable sur un catalogue

DOSSIER

RETOUCHES Photoshop fait des désastres dans la publicité et les médias. Depuis 2006, une communauté virtuelle les surveille : www.psdisasters.com


JOE LA POMPE BLOGUEUR RECONNU, JOE LA POMPE EST UN PRÉCURSEUR DU DÉCRYPTAGE PUBLICITAIRE SUR LE WEB, ÉPINGLANT LES COÏNCIDENCES TROUBLANTES ENTRE LES « CRÉATIONS ».

POURQUOI AVOIR CRÉÉ CE PERSONNAGE ? J’étais créatif en agence et j’entendais tout le temps : « cette idée, c’est du déjà-vu », sans que personne ne puisse dire où et quand. Je me suis rendu compte qu’il n’existait pas de site équivalent : il fallait donc le créer avant de me faire piquer l’idée ? Lancé en 1999, le projet me semblait aussi utile pour mettre en lumière certaines pratiques douteuses du métier. Étant donné qu’il repose sur de l’auto-congratulation permanente (festivals, prix, clubs de créatifs), il est légitime que certains acteurs puisse décerner, en contrepartie, des « mauvais points ».

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POURQUOI AVANCEZ-VOUS MASQUÉ ? À cause de l’aspect polémique de la démarche. Aujourd’hui, mon travail est bien compris mais au début, il a déchainé les passions. J’ai reçu des menaces, certaines assez violentes. Je me suis donc dit que je serais plus tranquille et libre en étant masqué. Et puis, je trouve cela ironique de ne pas se mettre en avant dans un milieu où beaucoup tueraient père et mère pour se faire un nom ? Je ne me vois pas comme un procureur, ni comme un bourreau, mais plutôt comme un gentil emmerdeur, un empêcheur de tourner en rond, un trublion. Je suis, avant tout, un amoureux de la pub originale et créative, certainement pas un anti-pub primaire. COMMENT ALIMENTEZ-VOUS LE SITE ? Au début de l’aventure, c’était assez compliqué. J’ai du m’acheter des centaines de livres, m’abonner à des revues, collectionner les images. Heureusement, avec le développement d’Internet, j’ai eu accès à une multitude d’infos, des bases de données et des contributions spontanées. Elles sont originaires, aujourd’hui, du monde entier. Par ailleurs, les réseaux sociaux ont pas mal boosté mes recherches en interagissant avec ma communauté ! AVEZ-VOUS RENCONTRÉ DES ENNUIS AVEC LES ANNONCEURS OU LES PUBLICITAIRES ? J’ai à peu près tout eu : menaces de mort ou de poursuites en justice, hackers, etc. Heureusement, tout cela relève surtout de l’intimidation et du jeu. En réalité, les gens n’ont pas trop intérêt à me faire de la pub et, s’ils ont été épinglés, ils savent que ça peut tomber, le lendemain, sur le voisin. Je n’épargne personne, mais je ne m’acharne sur personne. En librairie : 100 visual ideas, 1000 great ads, Maison Moderne / Gestalten. www.jœ.maisonmoderne.lu

"L’HOMME NU" DE LA REDOUTE

de 34 000 références et une armée de sous-traitants. Très opportune, pour d’autres, juste avant les Soldes et de la part d’une marque déjà remarquée pour son incubation virale. Tant que le doute subsiste, il n’est pas absurde de se demander, en effet, si l’erreur initiale était une vraie surprise, un simple laisser-passer ou une opération savamment orchestrée. « Les internautes ont souvent le sens du complot, commente Guy Birenbaum, car il ne faut pas sous-estimer la capacité des gens à faire des conneries, ni oublier que l’erreur est rarement positive, loin de là, en matière de communication. Cela ne signifie pas que nous devons être dupes. À titre d’exemple, il m’arrive fréquemment de recevoir des messages qui me disent « regarde, dans le coin à droite » et de constater que l’expéditeur n’est généralement pas très loin de celui qui a mis le truc dans le coin ? ». Sur le web, dans tous les cas, l’ombre du doute se situe généralement

à proximité de la lumière. D’ailleurs, le succès redoutable de « l’homme nu » et d’autres bad buzz retentissants, basés sur une erreur plus ou moins contrôlée, sont susceptibles de donner d’autres idées. Le « shockvertising », à la Benetton, pourrait ainsi laisser place à une communication post-moderne, codée, dont l’enjeu principal consisterait à appréhender la manière dont elle sera décryptée. Certains « fails publicitaires », identifiés comme tels, semblent déjà nous la mettre à l’envers. Quand un internaute est tout content de capturer une pub de Rolex®, sur lemonde.fr, en face d’un article sur la droitisation de Sarkozy, poings fermés, on peut en effet se demander d’où vient la vraie valeur pour « la montre des leaders » : de l’encart ou, maintenant, de la copie d’écran ?



CAHI E R M ODE

FREE DÔME DA : Baptiste Viry I Photo : Laurent Croisier Styliste : Alix Devallois Models : Clara I Thierry I Hubert Texte : Jérémie Martinez

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FREE Le cow-boy est un Américain épris de liberté qui s’attache parfois trop à ses bêtes, jusqu’à en manger du foin. Une constante cependant, il aime le Jean petit qui danse brut, robuste et n’aime pas être lavé, comme lui. Et ce dernier le lui rend bien. Le cow-boy des temps modernes ainsi affublé traverse les champs de la publicité de masse, chevauchant tour à tour, sans distinction, une monture sauvage, stylée ou simplement bête. Le père spirituel du Jean, c’est Oscar Levi Strauss, un immigrant bavarois fraîchement installé en Californie lorsqu’il développe, en 1853, un pantalon de toile résistant. Ce dernier s’avère très pratique pour les chercheurs d’or et autres travailleurs du nouveau continent 02. Cet esprit pionnier est une composante majeure des campagnes de la marque à l’étiquette rouge (« red tab » apparue en 1930 04). Après la perte de son brevet en 1890, qui justifiait jusqu’alors le marquage des rivets sur la toile, la famille Levi’s conforte le mythe du cowboy 01. Elle décide d’imprimer à jamais sur l’étiquette de la fesse droite deux voitures à cheval tirant chacune sur une jambe de la fameuse « paire de Jean » 03. Un symbole fort reconnaissable pour le nouvel immigrant ne parlant pas encore la langue de Jack Kerouac. Le Jean devient dans les années 50 un outil de propagande beatnik accompagnant les mouvements contestataires et ses icônes (Marlon Brando, James Dean, etc.) 07. En 1966, Levi’s diffuse son premier spot télé. Et les campagnes revêtent les doux habits du rêve américain 05 : «  We still build the Levi’s jeans that helped build America » ou « Go ahead, choose a dream in Levi’s jeans » ponctuent les écrans de publicité du monde entier dans les années 80 06. Mais le rebelle peut aussi faire preuve de sensualité et se mettre tout naturellement en boxer dans une laverie afin de nettoyer son blue jean souillé par le labeur, le tout sur un bon Marvin Gay 08. Cette campagne marque un tournant dans la communication de Levi’s qui va débuter une petite période muy caliente. Finie l’image du cow-boy besogneux et aride. Bienvenue au pur-sang bourré de style et de sex-appeal, comme Brad Pitt en 1991. Mais à trop en faire, Levi’s y perd sa clientèle, moins concernée par ces bellâtres et autres sucreries indigestes. Un jeune Duvauchelle 09 et un petit Gondry 10 plus tard, nous revoici parcourant les campagnes de l’ouest lointain aux côtés du vrai client Levi’s, un adolescent fantasmé, sorte de chimère guevariste triomphante d’avoir enfin coupé le cordon : libre, rebelle et surtout acteur de sa destinée. Le très beau film shakespirien Midsummer Night’s Dream (2005) 11 et la campagne « Live Unbottened » (2008) 12 confirment ce retour

01 L-1905

02 L-1950

03 L-1899

04 L-1940’S

05 L-1950’S

06 L-1981

07 L-PIERRE PEYROLLE 1989

08 L-1985

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DUMB 11 L-2005

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15 W-2009

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18 D-2011

19 D-2012

en force. Ne restait plus qu’à boucler la boucle de sa ceinture et enfiler le Jean : « Go Forth ». En 2009, l’agence Wieden + Kennedy synthétise l’ADN de Levi’s en transformant le client actuel en pionnier des temps modernes 13. Tout y est, y compris le retour malicieux aux racines de la marque. Le monde contemporain est un immense terrain vague qu’il faut à tout prix conquérir 14. Poèmes de Walt Whitman, photographies de Ryan McGinley, soutien et hommage aux habitants de la Braddock en Pennsylvanie (reconnus pour leur action collective contre la crise) et, évidemment, The Laughing Heart de Bukowski... Le Redwashing (et hop, on te fait une marque de révolutionnaire), c’est bien fait, c’est beau, et ça a permis au cow-boy Bukowski de se payer un bon rodéo dans sa tombe. À moins qu’il ne se torde de rire devant la bêtise assumée des campagnes lancées par les concurrents directs de la marque au 501. Car, tandis que Levi’s conforte sa récente stratégie en l’adoucissant quelque peu et en la parant d’un malicieux « This is a pair of Levi’s », Wrangler ou Diesel ont, quant à eux, choisi la stupidité. Une autre composante possible de cette fumeuse liberté. Associés initialement à l’image du rodéo, les jeans Wrangler ont été popularisés par la firme américaine Blue Bell au milieu des années 1940. Aujourd’hui, la firme appartient à la VF Corporation, qui détient également les marques Lee, Vans, The North Face, ou Timberland. En 2009, c’est le binôme french hardcore de la communication, Funky Family dit Fred & Farid, qui récupère le bébé. Il signe le nouveau slogan de la marque : « We are animals ». L’homme devient bête  15-16. Avec la campagne Stunt en 2011, il ne craint même plus rien. Il peut tour à tour s’immoler 17, se défenestrer, exploser, peu importe... Il met de côté ce truc qui ne sert à rien, qui nous différencie de l’animal, pour vivre pleinement des émotions vraies, suivre ses instincts primaires et devenir ainsi un héros kamikaze sans cerveau. Cela se confirme avec les dernières vidéos de la marque : « Mark your territory » et « Stop thinking ». Si le côté peau de bête brulée vous ennuie, il vous reste l’humour. Car Diesel, l’autre marque du Jean, carbure à la bêtise assumée. En 2010, à l’occasion de la collection printemps/été 2010, l’agence Anomaly London fait basculer la marque italienne dans la stupidité, et l’affiche haut et fort. D’abord en constituant une communauté de stupides sur la désormais fameuse Stupid Island 18 puis en scandant des slogans valorisant des actes stupides sur fond de couleurs vives 19. « Smart may have the brains, but stupid has the balls ». Faire du cow-boy, une figure étêtée, sans chapeau, même en Jean, c’est vache.



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CENTRE DE DOCUMENTATION ET D’INFORMATION RÉDIGÉ PAR MAXIME GUEUGNEAU & CO

BERCAIL n.m. (berbicale), bergerie (vieilli) ; (par ext.) foyer doux foyer. Ex : « Ça fait du bien de rentrer au bercail » Gérard Depardieu. Se dit aussi de labels où le rock garage se sent chez lui, de festivals où l’électro est comme à la maison, ou d’événements où l’art numérique est à l’aise.

Fig.2 : Electron Festival _

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Fig. 1 : Prix Cube _ [ A R T N U M É R I Q U E ] . La culture numérique, parce qu’elle est la petite dernière de la famille, a tendance à se retrouver flouée. Peu d’événements d’envergure, peu de récompenses, peu de visibilité. Dieu soit loué, le mouvement est en marche. Au devant de cette foule d’amateurs, d’artistes et de professionnels, nous retrouvons Le Cube, centre de création numérique d’Issy-Les-Moulineaux, brandissant haut l’oriflamme de la culture du XXIe siècle. Sa dernière flamboyance : la création du Prix Cube, dotant un artiste de moins de 35 ans d’une reconnaissance internationale et d’un joli chèque de 10 000 euros. Pour cette première édition, le choix parmi les 150 propositions fut cornélien, mais il a bien eu lieu. Le huis-clos interactif et trop humain Stay Behind The Line de l’Anglais Reynir Hutber, la désincarnation cartographique du volcan Eyjafjallajökull par la Française Joanie Lemercier, l’opéra micro-organique Microscopic Opera du Hollandais Matthijs Munnik, la bande dessinée dont vous êtes le héros Ideogenetic Machine de la Néo-Zélandaise Nova Jiang et, enfin, le récit amoureux Algorithmic Search For Love de l’Autrichien Julian Palacz forment ainsi le quinté gagnant de l’art numérique de demain. Après désignation du gagnant final, les cinq œuvres resteront cinq jours à la portée de tout le monde. Pour que celui-ci enfin s’aperçoive que l’avenir est là, mis à disposition par Le Cube. • Remise des prix le 26.03 et exposition à l’Espace Saint‑Sauveur d’Issy-les-Moulineaux du 27 au 31.03 www.prixcube.com ; www.lecube.com

[ M U S I Q U E ] . Le festival de culture électronique genevois Electron n’a jamais demandé que la liberté. Et pour son 10e anniversaire, il insiste. Car oui, la création numérique est née libre mais, quasiment partout, elle est dans les fers. Très peu pour Electron qui fête en 2013 dix années de diversité, de chemins de traverse, d’audace et d’exigence. Cette édition fait donc office de manifeste dans le même temps qu’elle dresse le bilan symbolique de ce héraut de la différence artistique. À jeter un œil sur la programmation, on peut dire que tout y est. L’histoire de la musique se parera ainsi d’un grand H puisque viendront des légendes de type mastoc, à l’image de Derrick Carter, LFO, DJ Sneak, Genesis P-Orridge, Theo Parrish, Atari Teenage Riot ou encore du label Kompakt (Sascha Funke, Justus Köhncke, etc.) qui fêtera là ses 20 ans. En guise de valeurs électroniques solides, le festival suisse pourra également se targuer d’accueillir Erol Alkan, Anja Schneider (Mobilee), Jimmy Edgar & Machinedrum, Mala, Egyptology (O.Lamm & Domotic), Otto von Schirach, etc. Electron n’oubliera évidemment pas la nouvelle garde puisque Rone, Salva, UZ, Spitzer, Attaque ou encore Jon Convex seront eux aussi de la partie. Mais Electron sait aller au-delà de la seule musique et propose, entre autres, projections, expositions et performances, dont une collaboration Murcof/Gilles Jobin qui sent bon le large. Une programmation pharamineuse et lumineuse qu’Electron est un des seuls festivals européens à nous proposer. • Festival Electron, du 28 au 30.03 à Genève. www.electronfestival.ch

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Crédits : © Florian Fournier

Fig. 3 : XVIII Records – [ M U S I Q U E ] . La France est certes un beau pays. Sa campagne vallonnée, ses montagnes riantes, ses villes remplies d’Histoire, tout cela fait du pays du fromage un excellent lieu de villégiature. Pourtant, il y a peu, manquait encore à ce paysage idyllique une scène garage de bon aloi. Mais comme la jeunesse est pleine de ressources, nous avons vu éclore ces dernières années mille petits bourgeons (Born Bad, Teenage Menopause, etc.) qui faisaient croire à l’incroyable. XVIII Records (prononcez «  Eighteen  ») est, par exemple, une des manifestations les plus probantes de cette intervention paranormale. Venue directement du ciel, voilà une machine de beauté capable de sortir le Garage/Synth Punk/Power Pop/etc. qu’il nous fallait. Prenons quelques-unes des sorties qui ont émaillé les deux ans d’existence du label pour prouver nos dires. Entre le deuxième et percutant album de Yussuf Jerusalem, A Blast From The Past, l’album génial et éponyme de La Secte du Futur, le capharnaüm électrique Reflecting The Light de Black Bug, XVIII records a fait le sacré bon dieu de job. Et la suite ne peut laisser de marbre : Club Passion, TV.Colours, Lunatics on Pogostics sont au programme de cet avenir qui semble en tout point radieux. Il suffisait d’un peu de rock, voilà tout. • Les disques de TV.Colours et Club Passion sortent en avril. Concerts : Nobunny + Bad Sports le 25.03 à l’Espace B, à Paris.  www.eighteenrecords.com ; www.facebook.com/xviiirecords

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BIBLIOTHÈQUE

n.f. (βιβλιοθήκη), meuble ou endroit où sont conservés les livres ; collection organisée de livre. Ex : « Je passe une temporalité folle dans les bibliothèques » Eve Angeli. Se dit aussi d’une liste de livres à lire absolument.

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L’inénarrable maison d’édition poitevine The Hoochie Coochie aime bouleverser les codes de la Bande Dessinée. Preuve en est, une nouvelle fois, avec le deuxième volume de sa collection 3 qui rassemble le newbie Sylvain de la Porte, et les experts Yoann Constantin et Olivier Philipponneau autour du thème de l’oie. N&B, 114p., 12 euros. thehoochiecoochie.com

02

Nobrow Press a toujours fait de la qualité le maître mot de ses sorties. La parution du Jeune Fantôme de Robert Hunter ne trahit pas ce point de vue. D’une beauté graphique époustouflante, le petit livre (24p.) de l’Américain Robert Hunter peut également se vanter de son scénario, poétique à souhait. Couleur, 24p., 12,5 euros. www.nobrow.net

03

Un nouveau numéro d’Arbitraire sort grosso merdo tous les ans, il s’agit de ne pas en rater un. Il est donc temps de se jeter sur le n°11, avec la team Arbitraire (Géraud, Julien Nem, Charles Papier, Antoine Marchalot, etc.) et des contributeurs de goût (Dan Rhett, Benoît Preteseille, Matt Furie, Marthès Bathori, etc.). Couleur, bichromie, n&b. 160p. 13 euros. www.arbitraire.fr

04

Vincent Pianina est le genre d’homme qui sait se faire écouter. La moustache fine mais juste, la barbe courte mais drue, son style en impose. Aussi, quand il a affirmé que le titre du conte était 40 Ali Baba et le voleur, personne n’a pipé mot. Mieux, L’Association lui a demandé d’en faire l’adaptation BD. Et elle est géniale, bien sûr. Sortie prévue en juin. www.lassociation.fr

05

L’excellent magazine The Shelf est né de l’amour des livres de leur deux fondateurs Colin Caradec et Morgane Rébulard. Le livre, oui, mais le livre comme objet graphique. Convoquant le passé et le présent pour envisager le futur, The Shelf se paie de plus le luxe d’être lui-même un exemple d’édition audacieuse. Une beauté. Couleur, bilingue, 124p., 18 euros. www.theshelf.fr

06

Voilà qu’avec Sorcières, B42 se penche sur l’occultisme. Mais plus que la sorcellerie elle-même, c’est la figure métaphorique de la sorcière qui est scrutée ici par Latifa Laâbassi, Olivier Marbœuf, Marina Warner et consorts. Et de ce sujet parfait, B42 en a fait comme d’habitude un objet d’art. N&B, couleurs, bilingue, 168p., 15 euros. www.editions-b42.com


CORDIALEMENT ∆

adv. (cor, cordis) Amicalement, chaleureusement, qui vient du cœur. Ex : « J’ai toujours agit cordialement avec mes adversaires » - Mike Tyson. Se dit aussi d’une revue qui fait appel à la collaboration, ou de la façon d’agir d’un label avec ses artistes.

Fig. 1 : Correspondances #1 –

CDI

• Correspondances #1 est sorti en Février  www.revue-correspondances.fr

Fig. 2 : Antinote Recordings – [ M U S I Q U E ] . Le monde est peuplé de mélomanes mais rares sont ceux qui sautent le pas de la diffusion labellisée. Plus rares encore sont ceux qui le font avec élégance. Zaltan est de ceux-là, qui se construisent peu à peu une connaissance musicale multiverse, solide, et insondable avant de se lancer dans le grand bain : le saut en devient simple, naturel et gracieux. Car Zaltan aime la musique, l’embrasse volontiers dans les coins, la caresse ici et là au grès de ses envies. Antinote Recordings, le label qu’il a fondé, se veut être une authentique demande en mariage. Les enfants sont déjà là, beaux comme des dieux, avec chacun leur charme, chacun leur caractère. Peu enclin à la monomanie, Antinote place ses billes dans moult genres, pourvu que le son soit bon et inédit. La première sortie, morceaux inédits du factotum Iueke, a ainsi claqué comme un coup de fouet dans les oreilles des technophiles. Ceux-ci, assoiffés, attendait d’Antinote une resucée pour sa deuxième sortie. Peine perdue, Zaltan ne veut pas cadenasser son bijou dans un écrin trop étroit et sort dans la foulée la pop synthétique et sirupeuse de Syracuse. Pour compléter ce premier pas de trois, le boss d’Antinote est encore allé fureter ailleurs, du côté de la house afro-centriste d’Albinos, comme pour perdre encore un peu plus ceux qui croyaient en avoir cerné la mœlle. Mais Antinote ne peut être enchainé : le label court, vole, pour couvrir la Musique dans son entier et en épouser les formes les plus excitantes. Ce vêtement concocté par Zaltan peut en rendre fou plus d’un. • Albinos, Ritual House vol.1 est sorti début mars.  antinote.net

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Crédits : © Steffie Brocoli & Laïs Duruy

[PRINT]. L’édition de livres et revues d’art est une discipline que l’on n’éprouvera sans doute jamais. Nouvel exemple de l’infinie créativité de nos jeunes pousses : l’excellente revue Correspondances qui vient de lancer son premier numéro. Steffie Brocoli et Laïs Duruy, fraîchement diplômées de l’École Estienne, ont eu un matin la belle idée d’innover. Point de patchwork artistique ici, mais un joli rail éditorial sur lequel glisseront cinq illustrateurs et cinq écrivains, dans le style dit du « téléphone arabe ». Correspondances a en effet été pensée comme suit : un premier texte est soumis à un illustrateur qui en réalise la version visuelle ; celle-ci est ensuite transmise à un écrivain qui compose à partir de cette image ; ce nouveau texte vole jusqu’à un autre dessinateur qui le retranscrit à son tour, etc. le tout dure dix semaines. Au-delà de la bonne idée, Correspondances brille également par le choix de ses protagonistes. Au programme de ce premier numéro, nous trouvons par exemple les illustrateurs Jean Jullien, Laurent Moreau, Shobo Shobo, la chanteuse Kumi Solo, le chercheur en neuroscience Thierry Bal ou encore les graphistes Les JeanClode. Typiquement le genre de personnes qu’on aimerait voir discuter. Ça tombe bien.


EMPATHIE

Fig. 1 : Biennale du Design –

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[ D E S I G N ] . Le design est une discipline à part dans le domaine de la création. La croisée des chemins est son quotidien et le dilemme sa routine. La Biennale du Design de Saint-Étienne, moment de réflexion et de partage, se saisit à chacune de ses éditions d’une de ces nombreuses problématiques qui jalonnent la vie des designers. L’empathie est ainsi le thème de cette nouvelle session. Le chacun pour soi était une valeur sûre des années 80 ou le sourire bright prenait le dessus sur toutes les politesses du monde. Nous, pauvres gens, nous sommes laissé conforter dans une vision du monde egocentrée, bien pratique il est vrai. Les événements récents, pourtant, nous engagent à reconsidérer cette dimension égoïste de notre pensée. Le souci de l’autre, notion surannée s’il en est, doit aujourd’hui impérativement prendre le dessus. C’est à ce constat cryptoaltruiste que la Biennale du Design a voulu confronter le design moderne. Le designer se situe en effet à la limite entre le « je », le « nous » et le « vous ». Artiste, il se doit d’accorder une large part de son travail à la création, personnelle par définition. Producteur, ses créations sont tournées vers l’usage fonctionnel de ses œuvres. Citoyen, il doit penser ses objets pour la communauté. À partir de là, les synapses peuvent commencer à chauffer. Pour discuter de tout cela, plus de 50 expositions seront accessibles, parmi lesquelles : Type in Process du Bureau 205, Sixième Sens conçue par Isabelle Gomez et Bernard Laroche, Charlotte Perriand et le Japon au MAM, Les Éditeurs Stéphanois ou encore la solide Demain c’est aujourd’hui #4 avec pour commissaire Claire Fayolle. • Biennale du Design de Saint-Étienne jusqu’au 31.03  www.biennale-design.com

Fig. 2 : La réunification des deux Corées – Crédits : © Elisabeth Carecchio

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n.f. (ἐν + πάθoς, calque de einfühlung) Capacité à comprendre, à ressentir les sentiments d’un autre. Ex : « J’ai beaucoup d’empathie avec le canard » Lana del Rey. Se dit aussi de la compassion de Joël Pommerat pour ses personnages ou du thème de la Biennale du Design.

[ T H É Â T R E ] . « Quand on s’est rencontrés c’était parfait c’était drôle. On était comme deux moitiés qui s’étaient perdues et qui se retrouvaient. C’était merveilleux… » On ne peut dévoiler ici le sens de ce titre énigmatique, La réunification des deux Corées, sans percer un mystère qui doit être préservé et nourrir l’imaginaire jusqu’à la représentation. Mais, on vous l’avoue tout de suite, dans sa dernière création, l’auteur et metteur en scène Joël Pommerat, niveau géopolitique, va plus redessiner sous nos yeux la carte complexe de la relation amoureuse que celle de la tristement célèbre péninsule du Sud-Est asiatique. Dans un dispositif bifrontal, avec au centre un couloir de 20m de long, des scènes d’amour, de rencontres, de disputes, de mariages, de séparations, de prostitutions durant deux heures vont se succéder sous nos yeux. De saynète en saynète (une vingtaine en tout) nous, public, de part et d’autre de ce champ d’expérimentations, nous assistons à la naissance ou à la déliquescence de ces liens amoureux et à cette expérience alchimique toujours renouvelée autour de cette obsession qui nous unit ou nous déchire. Des personnages sans nom vont sans cesse se débattre avec leurs passions, perversions, mensonges ou pulsions. Tous ces éléments avec lesquels ils vont devoir composer pour avancer sur une carte du tendre ou du sexe sans cesse en mouvement. Ce long couloir nous permet alors de mesurer la distance entre ces protagonistes, la femme amnésique, l’ancien amant disparu, la mariée trahie, le curé pas très catholique ou la prostituée perdue, qui vont se rapprocher, se séparer, fusionner ou se détruire sur une ligne qui implacablement, telle l’échelle de Richter, va nous montrer les vrais distances et leurs évolutions. Avec Cendrillon, Cet enfant ou Les marchands, Joël Pommerat écrit une œuvre. Il est devenu spectacle après spectacle un auteur et metteur en scène majeur dans la création contemporaine. À force de chefs d’œuvre successifs, il en devient une pièce incontournable. David Chauvet La réunification des deux Corées a été créé le 17.01.13 aux Ateliers Berthier de l’Odéon – Théâtre de l’Europe.  www.theatre-odeon.eu


LABORATOIRE

n.m. (laboratorium), lieu d’exercice de chercheurs où sont réalisées des observations ou des expériences. Ex : « À l’US Postal on fonctionnait comme un petit laboratoire » Lance Armstrong. Se dit aussi d’expositions revisitant chimiquement l’histoire de la BD ou de festivals qui tentent l’art de demain.

Fig. 1 : Bouillants #5 – [ A R T N U M É R I Q U E ] . Le temps est, comme toute dimension, une notion ambigüe. S’il n’existe que par notre perception, il nous apparaît pourtant comme intouchable, imperceptible, supérieur. « Halte-là » s’écrie Bouillants, le festival d’arts numériques et multimédia d’Ille-et-Vilaine, qui remet le temps à sa place : simple jouet dans nos mains. Pour sa cinquième édition, Bouillants a donc choisi le thème du « temps », celui qui passe, celui qui vient, celui qui détruit, celui qui crée. Si le numérique est lui aussi soumis à cette donnée universelle, ce dernier est une des rares façons de pouvoir agir sur elle en retour. Et les artistes présents ce printemps en Bretagne ne s’en priveront pas. Avec Vincent Lévy et ses Fantômes venus du présent comme du futur ; la destinée anti-horaire du monde selon Gisela Motta & Leandro Lima et leur Anti-horario : the counterclockwise ; la Facebox du duo Fur qui redonne du temps à nos relations sociales ou encore le symbole du temps perdu Standard Time de Mark Formanek, le temps devient palpable, modulable, docile. De grand méchant loup, il devient, pendant les deux mois du Festival Bouillant, un doux agneau.

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• Bouillants #5 du 7.04 au 9.06 à laiterie Les Bouillants, au Volume, tous deux à Vern-sur-Seiche (proche Rennes) et du 3.05 au 9.06 aux Champs Libres, et le 23.05 à La Cantine Numérique, tous deux à Rennes.  www.bouillants.fr

[ E X P O ] . Jochen Gerner, en plus d’être un admirable illustrateur, pratique de belle manière le noble art de l’oxymore. Jadis déjà, Mehr Licht !, montrée au Lux de Valence en 2011, utilisait l’obscurité comme révélateur de lumière. Chloroforme Mazout, sa nouvelle exposition à la toujours excellente Galerie My.Monkey, pousse cette étonnante vertu jusqu’au vice. De lumière, il n’est (presque) plus question : Jochen Gerner travaille ici sur l’apparition du message, la mise en avant du particulier, la relation à l’absence. Des surfaces préexistantes se parent d’un voile noir (Mazout) ou s’évaporent (Chloroforme) pour ne laisser entrevoir qu’une partie de leur message et, surtout, en créer un nouveau. Des planches du Lotus Bleu, de Zig et Puce, de Franquin, des cartes de positions militaires subissent ainsi la métamorphose du discours voulue par Jochen Gerner. Son travail, qui compose avec l’histoire du 9e art, recrée une narration alternative et revendique le médium comme outil rhétorique. Une relecture pour le moins puissante. • Chloroforme Mazout jusqu’au 29.03 à la galerie My.Monkey à Nancy  www.jochengerner.com ; www.mymonkey.fr

Crédits : © Jochen Gerner

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Fig. 2 : Chlorophorme Mazout – Jochen Gerner –



MONTS

n.m. (mons), montagne, colline, butte, etc. Ex : « Le mont velu, ouais, je connais ouais » - Patrice Evra. Se dit aussi d’endroits pentus qui accueillent des manifestations séduisantes.

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Fig. 1 : Assises Internationales Du Roman – [ L I T T É R A T U R E ] . À la fin mai, la très belle colline de la CroixRousse – que certains rattachent à Lyon – se transforme en un bouillonnant espace de réflexion. Ses verts pâturages se nimbent soudain d’une couche persistante de petites cellules grises et en ressortent des idées fraîches et nouvelles. Ce phénomène a un nom : Les Assises Internationales du Roman qu’organisent conjointement la Villa Gillet et le quotidien Le Monde, en co-réalisation avec Les Subsistances. Durant cinq jours, la manifestation accueille chaque année la crème des intellectuels du monde entier. Et penser qu’en 2013, la pensée se morfond, voilà qui est impensable. Comment le pourrait-elle, en effet, alors que du 27.05 au 2.06 quelques-uns des plus beaux cerveaux de notre chic planète débattront des heures durant des sujets les plus importants. Ces 7e Assises ne feront d’ailleurs pas semblant bien longtemps, commençant d’emblée avec une conférence sur « la question de la vérité » avec l’écrivaine anglaise A.S. Byatt et le magnifique essayiste Michel Pastoureau. Un démarrage en trombe suivi rapidement par d’autres tables rondes du même acabit : « entre le présent et l’éternité, faut-il choisir ? », avec Craig Bourne et Tristan Garcia, « le sentiment de la vie » avec Mia Couto, Sylvie Germain et Jon Kalman Stefansson, une « petite conversation avec les revenants » avec Pierre Bergounioux, les désormais fameux « dialogues d’écrivains » avec une rencontre très attendue entre Richard Powers et Bruno Latour et une deuxième tout aussi séduisante entre Tzvetan Todorov et Antonio Munoz Molina, et bien d’autres réjouissances. C’est bien vrai que l’AIR frais redonne goût à la vie. • Assises Internationales du Roman, du 27.05 au 2.06, à Lyon.  www.villagillet.net

Fig. 2 : Electrosnow – [ M U S I Q U E ] . De ce pays d’Andorre, dont François Hollande est le Prince, nous ne savons pas grandchose. Une nouvelle nous est pourtant parvenue il y a peu : il abrite un festival à l’allure majestueuse. EletroSnow est une manifestation comme il en existe peu en Europe, brassant d’une prise le froid de la neige et la chaleur des clubs. De ce puissant alliage entre ski et musique électronique ressort un sentiment de bien-être absolu. Le ski, parce que c’est bien, et la musique électronique, parce qu’elle est choisie avec goût. Oui, pour cette première édition, ElectroSnow a eu l’élégance de construire une programmation qui mêle stars et outsiders, musiques de fête et musiques subtiles. Au rang des célébrités, le festival andorran peut se targuer d’avoir convaincu les gros poissons Carl Craig, Nina Kravitz, Michael Mayer (cofondateur de Kompakt), Sound Pellegrino Thermal Team (Orgasmic & Teki Latex), Nôze ou encore Miss Kittin & The Hacker. Baleines aux côtés desquelles les jeunes mais robustes requins Bambounou, Martyn, Fairmont, Pablo Bolivar, avec une mention spéciale pour les excellents Horla & Bruma du toulousain Cabanon, sauront montrer leur gracieuses canines. Le pays de l’amour franco-hispanique, dont François Hollande est le Prince, revêtira pour trois jours, l’habit de la fête. Et cela lui sied à merveille. • ElectroSnow, du 30.03 au 1.04, à Grandvila (Andorre) avec aussi Wankelmut, Departure Brothers, Undo, Le K, etc.  www.electrosnow.com

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n.m. (mysterium), ce qui est caché ; précaution que l’on prend pour n’être pas vu, pas observé ; secret à découvrir. Ex : « J’aime rester mystérieuse  » - Clara Morgane. Se dit aussi de choses qui se passent ou d’une techno parisienne qui avance masquée.

Crédits : © Guillaume Chauchat

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MYSTÈRE

Fig. 1 : Il se passe des Choses par Guillaume Chauchat –

[ P R I N T ] . Guillaume Chauchat est un type brillant et les Éditions 2024 ont du goût. Si ce genre de déclaration frôle le conflit d’intérêts (Guillaume réalise les illustrations ci-dessus), les arguments objectifs ne manquent pourtant pas. D’un côté nous avons les strasbourgeoises Éditions 2024, maison mère, entre autres, des bijoux Jim Curious de Matthias Picard et Canne de Fer et Lucifer de Léon Maret. De l’autre, il y a Guillaume Chauchat, auteur du fabuleux et inachevé Le Prisonnier, Prix Jeunes Talents 2010 à Angoulême et père d’Il se passe des choses, merveille en trois parties à paraître aux Éditions 2024. Issue d’un travail commencé dans le cadre de la revue Belles Illustrations #5 (à paraître tantôt), la première bande dessinée de Guillaume Chauchat est un retour à la simplicité, aussi bien graphique que narrative. Mais le trait d’une candeur absolue et les simples «  choses  » contées ici ne doivent point tromper sur la trame narrative et le vocabulaire graphique utilisés, plus compliqués qu’ils n’y paraissent. Au détour de ces tranches de vie communes, le récit se fait jour, un nouveau monde se crée, total, fantastique, légendaire. Là est la force de Guillaume Chauchat : avec l’air de ne pas y toucher, celui-ci prend gentiment le contrôle de notre esprit. Nous, on se laisse faire, le sourire aux lèvres. • Il se passe des choses – 1ère partie, sortie prévue en mai aux Éditions 2024.  guillaumechauchat.com ; editions2024.com

Fig. 2 : Zadig – Interview With a Mad Man – [ M U S I Q U E ] . Bien loin de ces marécages du passé aux relents délétères, dans lesquels s’enlisent péniblement la plupart des musiques qu’on appelle actuelles, la techno francophone ne semble pas encore disposée à laisser sonner l’heure de sa perte d’haleine. Sylvain Peltier, dont la candeur et l’expérience en font l’un de ses plus prompts représentants contemporains, s’inscrit dans la restreinte catégorie d’artistes au flair incessamment sensible. De la fertile mélodie séraphique de Dagon, des nitescents arômes synthétiques de Beyond The Wall Of Sleep, aux fumets rythmiques acrimonieux de The Whisperer In Darkness, c’est une délicieuse fragrance de Detroit qu’exhale à l’unisson chacun de ces trois titres, sans pour autant recouvrir le jouissif parfum que produisent des

effluves inédites. Interview With a Mad Man est un maxi qui, comme le reste de ses prédécesseurs, effleure les sens avec une telle subtilité qu’ils s’y confondent et s’entrelacent. L’odeur fusionne avec le bruit ; ce qui parvient à nos oreilles nous frappe en pleine poitrine, nous attrape à la gorge, et nous embaume d’un souffle salvateur. Zadig, pseudonyme auquel il a lui même choisi de se destiner, brûle d’une essence qu’il fait bon respirer à poumons grand ouverts. Simon Chambon-Andreani • Zadig, Interview With a Mad Man, sorti début mars sur son label, Construct Re-Form.  soundcloud.com/zadig-construct_re-form


NUITS SONORES n.f. + adj. (noctem + sonorus), festival de cultures électroniques et indie qui donne aux Lyonnais un printemps radieux. « Nuits Sonores au début on a commencé, on avait 10 000 spectateurs, et aujourd’hui on est à, je sais pas, 70 000, 80 000. » - Agoria. Se dit aussi d’un des meilleurs fesitvals de musique européen.

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[ M U S I Q U E ] . Fini le charme désuet des printemps monotones, fini le pâle ennui de ces interminables jeudis de l’Ascension, finis les chants pénibles de ces hirondelles en transe : depuis 11 ans, le festival Nuits Sonores d’Arty Farty s’occupe d’élargir le panorama de nos activités pré-estivales. Fiers mélomanes de tous pays, unissez-vous donc, car Nuits Sonores revient encore une fois égayer notre mois de mai 2013. Et qui se plaindrait, d’ailleurs, d’un tel déploiement de musiques électroniques et de cultures numériques, alors même que quatre jours de congés se profilent pour les plus chanceux. Personne, d’autant que l’exigence artistique n’est pas la moindre des qualités de ce rendez-vous printanier. La 11e édition de Nuits Sonores ne manquera pas, de ce point de vue, d’en ravir quelques uns. Comme l’année dernière, le festival lyonnais a choisi de scinder sa programmation en deux, comme une double dose de bonheur offerte à nous, badauds. Les NS Days, nom donné aux concerts de jour, n’ont d’ailleurs rien à envier aux concerts de nuit, tant s’enchevêtrent ici aussi la légende, l’émergence, la danse, la grâce et le choix judicieux. Les NS Days frappent fort d’entrée de jeu, avec un premier jour où se croiseront l’histoire de la musique électronique, Laurent Garnier et Carl Cox, et ses dérivés indépendants les plus excitants, JC Satan et People Like Us notamment. Un premier jour qui prophétise une déferlante de musiciens affriolants pour les suivants : Seth Troxler, PALMA, The Raveonettes, Shifted, Planetary Assault System (a.k.a. Luke Slater), Civil Civic, K-X-P, Vitalic, Tale Of Us, Ryan Crosson, Ben Klock, et d’autres de la même trempe. Venons-en aux Nuits à présent, celles qui précisément donnent leur nom au festival lyonnais. Et une fois encore, Arty Farty n’a pas fait la fine bouche sur le côté sonore des choses. AlunaGeorge, Evian Christ, Boston Bun, Nosaj Thing, Disclosure, King Krule, SBTRKT, Villanova ou encore Käpäk se chargeront ainsi de souffler le joli vent de la jeunesse sur les joues riantes des amateurs de nouveautés. Spitzer, Daphni, Rone, Steffi, Scuba, Motor City Drum Ensemble, Jamie XX, Gangpol und Mit, Lindstrom, Todd Terje, Mos Def, Busy P, Connan Mockasin, ou Steve Bug, feront eux le taf des darons qu’ils sont. Ces vaillantes festivités se teinteront par ailleurs d’une touche Bruxelloise avec la Carte Blanche dédiée qui conviera BRNS, Lefto, The Experimental Tropical Blues Band et Squeaky Lobster, parmi d’autres. Pour symboliser le printemps, Nuits Sonores vaut quand même mieux que quatre foutues hirondelles. • Nuits Sonores, du 7 au 12.05 à Lyon.  www.nuits-sonores.com

Crédits : © Superscript2

Fig. 1 : Édition 2013 –

VINCENT CARRY DIRECTEUR DU FESTIVAL NUITS SONORES. - POUVEZ-VOUS, EN QUELQUES MOTS, PRÉSENTER LE FESTIVAL ? Nuits Sonores est historiquement un festival de culture électronique et indépendante. Mais au fil des éditions il est devenu de plus en plus ouvert, trandisciplinaire. Il est devenu un hub pour tous les projets et toutes les formes créatives innovantes. Sa plus grande singularité, c’est son urbanité. Le festival investit le territoire de Lyon pendant une petite semaine, son espace public, les fleurons de son patrimoine architectural et industriel. - DE QUOI ÊTES-VOUS LE PLUS FIER DANS LE PROJET NUITS SONORES ? De l’intégrité globale du projet et de son intransigeance artistique. Une intransigeance et une liberté dans la programmation qui est rendue possible par la confiance que le public nous accorde. Nous sommes un des rarissimes festivals qui n’est pas obligé d’envoyer des cachets indécents pour finir avec un empilement de têtes d’affiche sans queue ni tête. Ce n’est pas ce qu’attend le public de Nuits sonores. Ce public est curieux et exigeant. C’est à la fois une chance et une grosse pression ! - QUELS SONT LES IMMANQUABLES DE CETTE ANNÉE ? Je défends toujours ” l’objet ” Nuits sonores dans sa globalité et dans sa cohérence. Mais si je devais donner quelques coups de cœur, je dirais le live audiovisuel de Breton le mercredi soir et Dj Harvey le samedi soir, les deux aux usines Brossette. Ou en journée aux Subsistances, Anika le jeudi, Planetary Assault Systems le vendredi, et bien sûr le bal2Vieux le dimanche après-midi, avec Moustic, Rémy Kolpa et mon pote Jackie Berroyer.

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n.f. (platea), espace, lieu public découvert ; endroit, lieu que doit occuper une personne. Ex : « Faut que ça le fasse, je suis en place » - François Hollande. Se dit aussi d’un lieu fondateur de la révolution égyptienne ou d’un commerce de bon aloi à l’ambition sympathique.

Crédits : © Jean Jullien

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PLACE

Fig. 1 : Sergeant Paper – [ P R I N T ] . Jean Jullien est un mythe. Casse-cou et aventurier de première classe, celui-ci n’hésite pas à partir sur un coup de tête en terres étrangères pour en parcourir les sentiers hostiles. Londres, par exemple, où le jeune briscard s’est construit une hutte de première nécessité, a bénéficié tout récemment d’une de ses singulières missions civilisatrices. Ayant quelques dons pour le dessin, il est allé, le courage en bandoulière, s’y exposer dans un boui-boui répondant au nom de Kemistry Gallery. Et quelle ne fut pas sa surprise quand son exposition Allo ? recueillit les hourras de la foule indigène réunie. L’illustrateur nantais avait réussi son pari : mettre à genou le peuple anglais devant la force de ses créations. Fier du poulain qu’elle soutient depuis des lustres, l’ArtStore Sergeant Paper entend bien faire rayonner cette victoire historique sur la perfide Albion. C’est dans son antre de la rue Quincampoix et sur l’Internet qu’elle cédera au plus offrant les vestiges de cet acte de bravoure unique. Sergeant Paper proposera ainsi, en collaboration avec la Kemistry Gallery, dix tirages numériques des illustrations glorieuses qui ont fait la légende de Jean Jullien. Celles-ci trôneront au milieu des multiples œuvres déjà proposées, réalisées par McBess, Appelle Moi Papa, Honet, Kid Acne, Hell’O Monsters, Amélie Fontaine, et bien d’autres dont les noms brillent déjà parmi les étoiles de l’art visuel. Achetez-vous l’histoire en marche.

• ArtStore Sergeant Paper, 38 rue Quincampoix, 75004 Paris  www.sergeantpaper.com ; www.jeanjullien.com

Fig. 2 : Sout El Shabab (La voix des jeunes) – [ É C R A N ] . Qu’est ce qu’une image « latente » ? À quoi renvoie ce concept d’image « en devenir » représenté par le film photographique qui n’est pas encore développé ? Hier et aujourd’hui, des individus de tous bords (dont les activistes des pays arabes, les indignés, ceux d’Occupy Wall Street) déployaient des dispositifs, souvent tragiques, parfois comiques, comme autant de façons de nous exhorter à ne pas rester de simples spectateurs des violences en cours ; ils nous prenaient comme témoins de leurs soulèvements. Installées en Egypte depuis de nombreuses années, quatre jeunes journalistes viennent quant à elles de finir un web documentaire rempli d’histoires et d’images sur la jeunesse actuelle de ce pays. Dans Sout el Shabab, film interactif qui mêle et démêle le souffle de la révolution, elles rendent compte des doutes,

des espoirs, des gestes intimes et des voix silencieuses d’égyptiens qui ont « fait » révolution. L’image en devenir du pays mère du Monde est peut-être là, dans cette navigation hybride et dans les témoignages des protagonistes du film qui ont entraîné tout leur pays dans la révolte, déboulonnant Hosni Moubarak, pharaon indétrônable depuis près de trente ans, en seulement 18 jours de soulèvement. Sout el Shebab est un web documentaire lumineux, nous en sommes témoins. François Huguet • Sout El Shabab (La voix des jeunes), un web documentaire de Pauline Beugnies, Rachida El Azzouzi, Nina Hubinet et Marion Guénard.  Projet en ligne sur le site internet de France Culture : egypte.franceculture.fr


STRASBOURG

de la France, chef-lieu de la région Alsace et du département du Bas-Rhin. Ex : « Je suis né à Strasbourg » Matt Pokora. Est aussi la ville de l’ESAD, école mère de nos revues d’illustration préférées.

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Crédits : ©Léon Ma ret Crédits : ©Anne-Margot Ramstein

Crédits : © Simon Thomson

• Belles Illustrations #5, sortie en mai 2013  bellesillustrations.free.fr

Crédits : ©Bénédicte Muller

Fig. 1 : Belles Illustration #5 – [ P R I N T ] . Pour lancer cette belle trinité strasbourgeoise, quoi de mieux que Belles Illustrations, qui sortira son 5e numéro en mai. La revue qui accueille d’aussi belles personnes que Bettina Henni, Léon Maret, Guillaume Chauchat, Sylvestre Bouquet ou encore Alexis Beauclair revient après un trop long moment d’absence. Au programme, un numéro plus petit, plus gros et plus beau encore que les précédents, avec les participations des amis sus-cités ainsi que celles de Simon Thomson, Baptiste Virot, AnneMargot Ramstein, etc.

n.p. (Straßburg, château des routes), ville de l’est

Crédits : © Eugène Riousse

Fig. 2 : Vignette #4 – [ P R I N T ] . Après Belles Illustrations (Bettina Henni, Léon Maret, Guillaume Chauchat, etc.), Psoriasis (Zad Coquart, Fanny Blanc, Baptiste Virot, etc.) et Nyctalope (Marion Fayolle, Simon Roussin, Mathias Malingrëy, etc.), la revue Vignette continue la prestigieuse lignée des publications strasbourgeoises de bon goût. Ce nouveau chapitre écrit par Baptiste Filippi, Eugène Riousse (dernier Prix Jeune Talent à Angoulême) et Alice Saey, tous trois également étudiants de l’ESADS, est simplement brillant. Lancée en juin 2011, Vignette porte en

elle l’incroyable diversité de l’illustration alsacienne. Son quatrième numéro en marque d’ailleurs la solide santé avec, notamment, les contributions des trois fondateurs ainsi que celles de leurs compères Jonathan Daviau, Matthieu Chiara, Aurélien Cantou ou Nathalie Sebayashi. Le mythe strasbourgeois se poursuit donc et révèle toujours le futur de la Bande Dessinée. Une revue précieuse à tout point de vue. • Vignette #4 est sorti le 28.01. 114 pages, 12 euros, dans quelques excellentes librairies  www.collectif-vignette.fr

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Fig. 3 : Nyctalope #6 –

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Crédits : © Matthias Malingrëy

[ P R I N T ] . L’honnêteté est une des valeurs-clés de la presse. Aussi, il serait difficile de cacher plus longtemps que Nyctalope est un des meilleurs magazines d’illustrations et de Bandes Dessinées qu’il nous ait été donnés de voir. Plus de tabous, donc, il est temps de lâcher les chevaux de notre cœur. Né en juin 2009, Nyctalope est le fait de trois étudiants de l’inénarrable ESAD de Strasbourg : Marion Fayolle, Matthias Malingrëy et Simon Roussin. Et il faut avouer que ceux-là, en plus d’être d’admirables illustrateurs (cf. la couverture de Simon Roussin de ce Kiblind n°44, la page blanche de Matthias Malingrëy du n°43), ont l’œil acéré et la ligne éditoriale juste. Après des collaborations de Yann Kebbi (couverture du Nyctalope #4) ou de Jérémie Fischer (celle du n°2), ce 6e Nyctalope regorge lui aussi d’artistes aux grands traits. La cofondatrice d’Icinori Mayumi Otero donne, par exemple, de sa douce et dingue personne, alors que Clémence Pollet plane entre rêve et cirque et que Clément Vuillier éteint les incendies de son trait majestueux. Nous pouvons également citer l’admirable Bénédicte Muller, l’indescriptible John Broadley ou encore la délicieuse Annabelle Buxton ; nous pouvons citer tant et plus : Nyctalope est une mine. Sans mentir. • Nyctalope #6 est sorti en Janvier 2013 aux Éditions Magnani ; Couleurs, n&b, 98p., 18 euros  nyctalopemagazine.fr

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n.f. (surprise-party), moment de joies et d’allégresses partagées. Ex : « Les boums je trouve ça nul, je préfère les surprises-partie » Sophie Marceau. Se dit aussi d’évènements immanquables.

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Le festival hip-hop lyonnais L’Original fête ses dix ans en grande pompe ! Sont annoncés 1995, MF Doom, Public Enemy, Oxmo Puccino, Keny Arkana, Sages Poètes de la Rue, etc. Can't Stop, Won't Stop. Du 28.03 au 1.04.

SURPRISE-PARTIE

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Deux très belles soirées en cette fin mars au Social Club, à Paris : une spécial label Greco-Roman avec Totally Enormous Extinct Dinosaurs et Roosevelt, le 29.03 et la 1-800 Dinosaur avec James Blake, Airhead et The Chain, le 30.03.

03

Le très grand Chris Ware (Jimmy Corrigan, Quimby The Mouse, etc.) expose en ce moment même à la très chanceuse Galerie Martel, à Paris. Jusqu’au 4.05

04

L’excellent site mélomane Gouru ! a décidé de fêter ses 3 ans de bien belle manière. Les participants à la boum seront Fairmont, Remote, Lasofff, Ouztrap et Thomas. Le 30.03 à La Machine du Moulin Rouge à Paris.

05

Le magazine Snatch et Mercredi Productions s’en vont à Lyon faire plaisir à l’autochtone. Un plateau 100% lyonnais pour un Club 69 qui a de la gueule : Agoria, Gesaffelstein, Everydayz, Kosme, Reworks, etc. Le 12.04 au Transbordeur à Villeurbanne.

06

Le Musée d’Art Moderne de Saint‑Étienne rend un bel hommage à la designer Charlotte Perriand et à son amour pour le Japon. Charlotte Perriand et le Japon jusqu’au 26.05.


Vue par Brecht eVens (5 / 6)



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