Reflexe Fevrier 2009

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REFLEXE

p.46 La chute du modèle britannique

Voir, découvrir, réfléchir

NUCLÉAIRE UN 2E EPR

LES NOUVELLES PLANÈTES L’ÉROTISME EN LIBRAIRIE

LE ROCK EN 2009

L ’Am ér iq ue la ti ne s’éman ci pe N°1 - Février 2009 - www.reflexemagazine.free.fr



Sommaire

Actu ..................................................................... Obama et l’Amérique latine ............................. #ippon ni mauvais ............................................. #PA, le facteur X ............................................... La chute du modèle britannique ...................... Le néo-keynésianisme ........................................ Les BD érotiques ................................................ Faux et usage de faux ......................................... Criminalisation du mouvement social ............. Revue des toilettes parisiennes .......................... Une pilule qui ne passe pas ................................ Deuxième EPR en #ormandie .......................... Les exoplanètes ................................................... Deezer, le jude-box en ligne ............................... Quel avenir pour la presse gratuite ? ............... Le pignon fixe, tendance urbaine ..................... La bande-son de 2009 ........................................ Les chroniques CD ............................................. Bob Dylan au Palais des Congrès ..................... Les sorties littéraires de février ........................ Remake, fais-moi peur ....................................... Le cinéma sur téléphone .................................... Les sorties de films ............................................. Les « convenience-store » .................................. Body Hacking ..................................................... Billet d’humeur ..................................................

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R e f l ex e 9 rue Alexandre Parodi, 75010 Paris Standard : 01 44 84 30 59 Directeur de la rédaction : Eric Ouzounian Rédacteur en chef : Olivier Tesquet Chef des informations : Caroline Vigoureux Directeur Artistique : Nicolas Sbarra Rédaction : Audrey Achekian, Alexandre Bellity, Steffy Beneat, Jérôme Corbin, Anne-Laure Falgayrettes, Antoine Ginekis, Mégal Grouchka, Laurie Haslé, Barbara Huet, Steven Lambert, Anthony Mansuy, Emeline Marceau, Hélène Mariani, William Molinié, Magalie Oger, Gregory Raymond, Gregory Rozières, Barbara Stec, Gregory Szeps, Adrien Toffolet, Alexandre Vau, Quentin Weinsanto, Arthur Zadvat Maquette : Steven Lambert, William Molinié, Nicolas Sbarra Secrétariat de rédaction : Steven Lambert, Emeline Marceau Conseillère de la rédaction : Anne Taverne Numéro d’enregistrement à la commission paritaire : à venir Diffusion : Mur du 9 Parodi, www.reflexemagazine.free.fr et pdf itinérants.

Edito

Le premier numéro d’un magazine concrétise une ambition. Celle de REFLEXE est d’informer et d’analyser. Pour que nos lecteurs puissent être à même de forger leur propre opinion, sans être parasités par un flux continuel d’informations, oubliées immédiatement, l’une chassant l’autre. Faire découvrir, faire connaître, donner à voir, montrer ce à quoi nous avons assisté, recouper les faits, faire notre métier de journalistes. Eviter ainsi de se perdre dans le labyrinthe de la communication, des demi-mensonges ânonnés comme des mantras, du caquetage régurgitant de consternantes inepties d’un Frédéric Lefèbvre. Le vent dévastateur qui souffle sur ce vieux monde qui s’était cru devenu un marché globalisé, où le capitalisme était l’horizon indépassable, amène un espoir nouveau sur le continent sud-américain. Le nouveau président américain devra oublier l’habituel réflexe de propriétaire qui caractérisait le comportement des USA dans cette partie du monde.

L’Europe élira bientôt ses députés. Le vieux continent à l’abri de murailles de l’Euroland commence à constater que ces dernières s’effritent sous les coups des tentations protectionnistes et des prémices de stagflation. En France, le NPA se prépare à occuper l’espace laissé vacant par le vieux parti communiste, la justice affûte un arsenal juridique prêt à affronter le mouvement social et les économistes keynesiens recouvrent la parole. Pour le reste, on fait maintenant du vélo sans les freins, il y aura beaucoup de groupes à écouter en 2009, on découvre de nouvelles planètes, l’apocalypse est pour demain. Frédéric Lefèvre à la radio aussi, hélas.

Youri Lee Gothemi

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INTERNATIONAL EN BREF

Tzipi Livni fausse gagnante

Elections en Afrique du Sud le 22 avril Le 22 avril, les 22 millions d’électeurs sud-africains sont appelés à renouveler l’Assemblée nationale et les parlements des neuf provinces, a annoncé mardi le président Kgalema Motlanthe. Ces élections devraient être les plus disputées depuis 1994. Les députés élus désigneront ensuite premier président de la République.

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L'Iran prêt au dialogue Mardi 10 février, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a déclaré être prêt au dialogue avec les Etats-Unis. Il a prévenu que « le changement doit être réel et non tactique ». Cette déclaration fait suite à la proposition de Barack Obama de reprendre les discussions avec la République islamique.

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’est quasiment une certitude, B e n y a m i n Netanyahou sera, malgré sa défaite, le prochain Premier ministre israélien. Son parti, le Likoud, bien que favori des sondages, n’a pu obtenir que 27 sièges à la Knesset, devancé d’une très courte tête par le parti Kadima de Tzipi Livni, avec ses 28 sièges. Malgré tout, au moment de nommer le parlementaire le plus à même de former un gouvernement, le président Shimon Peres désignera sans aucun doute le faucon Netanyahu. Le mode de scrutin en Israël est fait de telle manière que le Premier ministre n’est pas nécessairement issu du parti majoritaire, mais de la coalition la

plus large. Et, dans ce domaine, Tzipi Livni ne peut miser avec certitude que sur le soutien d’un parti travailliste aux abois, qui n’a pu obtenir que 13 fauteuils dans la nouvelle assemblée. Quant aux 11 députés arabes, elle avait annoncé durant la campagne « refuser toute alliance » avec eux. De son côté, le Likoud sait qu’il pourra compter sur le soutien des partis religieux et sur le parti d’extrême droite nationaliste « Israël Béyétenou » d’Avidgor Lieberman, désormais troisième force politique du pays avec ses 15 sièges.

JEU D’ALLIANCE

L’autre hypothèse résiderait dans un gouvernement d’Union Nationale entre Kadima, le Likoud et les Travaillistes. Une alliance où Netanyahu et Livni cohabiteraient, l’un au poste de Premier ministre, l’autre aux affaires étrangères. Une éventualité difficile à imaginer tant les désac-

cords sur la question palestinienne sont profonds. Ariel Sharon avait d’ailleurs créé Kadima après avoir quitté un Likoud qui n’était pas prêt à lui pardonner le retrait israélien de la bande de Gaza. Une alliance droiteextrême droite a donc toute la chance de prendre le pouvoir en Israël, une mauvaise nouvelle pour le processus de paix. Benyamin Netanyahu traine l’image d’un faucon, pour qui une vie palestinienne ne vaut pas grand-chose à côté de la sécurité d’Israël. Mais il apparaît comme un enfant de cœur à côté de Lieberman. Le leader d’extrême droite ne cache pas son aversion des Palestiniens, et a su capter l’attention grâce à ses attaques répétées concernant le soi-disant manque de loyauté des arabes israéliens, qui représentent 20% de la population.

Alexandre Bellity

Malgré la victoire du parti centriste Kadima aux élections législatives, Tzipi Livni ne devrait pas accéder au poste de Premier ministre d’Israël.

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Sarkozy en visite à Bagdad Le président de la République était mardi en visite surprise à Bagdad. Nicolas Sarkozy a proposé au gouvernement irakien une « collaboration sans limite » pour la reconstruction du pays. Notamment dans les domaines économiques et de la sécurité, a-t-il précisé en présence de son homologue irakien Jalal Talabani.

Les élections législatives israéliennes ont débouché sur la victoire du parti centriste Kadima, mais devraient permettre à Benyamin #etanyahou, le leader du Likoud (droite), d’accéder au poste de premier ministre.


INTERNATIONAL

Début du dialogue à Madagascar

EN BREF

Le président chinois en Afrique Mardi 10 février, le président chinois a entamé une tournée d’une semaine dans quatre pays d’Afrique et en Arabie Saoudite. Il doit visiter le Mali, le Sénégal, la Tanzanie et l’Ile Maurice d’ici le 17 février afin de montrer que l’intérêt pour le continent n’est pas seulement dû aux ressources énergétiques.

Les négociations ont commencé depuis jeudi 12 février entre le président malgache Marc Ravalomanana et son opposant Andry Rajoelina, maire de la capitale. Des pourparlers qui interviennent après une semaine chargée de tensions et d’affrontements.

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Parmi les premières avancées, le président malgache s’est dit prêt à revenir sur le mandat d’arrêt du maire d’Antananarivo, vraisemblablement signé dans la journée de dimanche dernier. De son côté, Andry Rajoelina s’est engagé à ne pas marcher sur les ministères avec ses partisans afin d’éviter de nouveaux affrontements et bains de sang. Le but initial était de prendre les offices gouvernementaux pour y installer son propre cabinet. Malgré tout, le site anglophone Africa news annonçait dans l’après-midi 4 morts et 5 blessés, après que la police de l’île ait ouvert le feu sur des manifestants.

Tout au long de la deuxième semaine de février, les partisans du président malgache Marc Ravalomanana et ceux du maire de la capitale Andry Rajoelina se sont affrontés violemment.

BAIN DE SANG

Samedi dernier, une manifestation favorable au jeune élu de 34 ans s’est terminée dans un bain de sang. Arrivé place du 13 mai, haut lieu de contestation politique, les forces de l’ordre ont tiré sur la foule faisant au moins 28 morts et une centaine de blessés, parmi les 20 000 manifestants. Mardi, Andry Rajoelina

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e regard attentif de l’Union africaine et de la France -ancienne puissance colonialeauront fait leur effet. Les négociations sont placées sous la médiation des Eglises, « très puissantes ici », selon le secrétaire d’Etat français à la Coopération, Alain Joyandet.

a provoqué le président, en nommant quatre ministres dont un chef de gouvernement. En effet, depuis le 31 janvier, il s’est autoproclamé chef de l’Etat. Une déclaration sur laquelle il s’est appuyé pour faire du 11 janvier « un jour de deuil national ».

Le jour même, Marc Ravalomanana a pris sa revanche, en réunissant pas moins de 40.000 personnes dans le stade Mahamasima à Antananarivo. Un mois après le début du conflit, il s’agit du premier rassemblement des militants du parti du président de Madagascar.

Jérôme Corbin

Décès de six militaires colombiens Lundi 9 février, six militaires colombiens ont trouvé la mort lors d’une attaque des Farc (forces armées révolutionnaires de Colombie). Les combats se sont déroulés dans la localité de Morales, à 700 km au sud de Bogota, vers une heure du matin, selon une source de l’armée colombienne. Deux soldats tués en Afghanistan Deux soldats de l’Otan ont été tués, mardi 10 février, suite à l’explosion d’une bombe dans une province de l’Est de l’Afghanistan. Le lieutenant-colonel Rumi Neilson-Green n’a pas précisé à l’AFP la nationalité des victimes, ni le lieu exact de l’attentat. L’Otan en laisse effectivement toujours le soin aux gouvernements concernés.

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INTERNATIONAL

La propagande chinoise face à ses limites

La propagande d’Etat en Chine ne fonctionne pas toujours. Alors que les autorités chinoises tentaient de cacher l’incendie d’un chantier d’un immeuble de 29 étages, 20 millions de Pékinois ont filmé le brasier en direct et l’ont publié sur Internet. Depuis, les blagues fusent sur le web chinois. De quoi ridiculiser les autorités et leur censure… pas toujours efficace.

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C’est le nombre d e soldats expulsés chaque année de l’armée américaine. Leur tort ? Etre homosexuels. Après Bill Clinton en 1992, c’est au tour du nouveau président Barack Obama de vouloir changer la donne. Le chef d’Etat a annoncé sur le site de la Maison Blanche qu’il lèverait dans les prochains mois l’interdiction aux gays et lesbiennes d’intégrer l’armée américaine. Le 44e président en avait fait la promesse lors de sa campagne.

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c e de Après retour u n e abs l ’ O rg à l’OT e n a (OTA nisation d ce de 43 AN ? N), la u a n s T r s a princi ur les Franc ité d L’Hexpaux au se e pourrait e l’Atlant bancs de r i i l’OTAagone, do n du commetrouver deque Nord n Génér N jusqu’à t la capit andement ux postes a l’Alli al de Gau son retrai le fut le militaire. e s t charg d Commalle, occup en 1966 iège de é e n sous e r d a it d T r e j o i nl’Alliance.e piloter ransforma la tête le Les F les tran tion (A de Lisbo d r e u n n n c e o , m m a n rançais p sformatio CT), centre qui ab n d e v r a d’analyse rite la For d e m e n t r é ourraient s de c i g s d u S t c o n f i r m de phot e de réact i o n a l b a aussi 3 e t o m m e t d e r s o n os satellite ion rapide s é à à Stras 4 a v r i l e l ’ O TA i n t e n t i o n . La Fran et un ce N bourg lors et Keh p r o c h a i n , l e s l.

t touchée L’Australie es ier par vr fé 7 le is depu plus les ies les incend son hismeurtriers de pourrait toire. Le bilan 0 morts. 20 atteindre les ratures pé m te s de ec Av ès de pr C 7° record (4 flammes Melbourne), les 0 ha. 00 5 36 gé va ont ra

lancer les USA e r r u o p s d r a i l l i m 789 k osé par Barac

du relance, prop Le plan de adopté par les dirigeants siObama, a été février dernier. Selon le pré ur Congrès, le 12-Unis, ce compromis à hautene dent des Etats ds de dollars, « constitue u ade 789 milliartive majeur ». Il avait, auparce victoire législa ion sur le Congrès pour que u'il vant, fait press au plus vite, soulignant q ». plan soit voté pour éviter une catastrophe était « crucial

C’est dit !

AVIGDOR LIEBERMAN CHEF DU PARTI ISRAEL BEITENOU

« Les Arabes ont tous les droits, mais ils n'ont pas de droit sur la terre d'Israël »



EUROPE EN BREF

Une présidence mal aimée

Le Traité de Lisbonne attaqué La Cour constitutionnelle allemande a examiné le 10 février une plainte d’opposants au Traité de Lisbonne. Elle remet en question la ratification définitive du Traité. Il a déjà été ratifié par les deux chambres du parlement allemand, mais le président Horst Köhler n’enverra l’acte de ratification qu’après la décision des juges.

Deuxième des nouveaux entrants à exercer la Présidence de l'Union Européenne, la République Tchèque multiplie les déclarations hasardeuses.

La Suisse dit « oui » Dimanche 8 février, lors du référendum sur la reconduction de la libre circulation des travailleurs entre la Confédération et l’Union Européenne, le « oui » l’a emporté à 59,6% des suffrages. Les observateurs pensaient pourtant à un repli de la population confrontée à une augmentation du chômage.

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L'affaire du gaz entre la Russie et l’Ukraine a eu, elle aussi, son lot de déclarations malencontreuses. « Il n'y a aucune raison de s'inquiéter pour l'instant », annonçait alors un des représentants tchèques, en appelant à « faciliter le transit du

gaz », des termes à doubletranchant. Prague semble donc toujours avoir du mal à s'imposer à la tête de l'Europe. En refusant de hisser le drapeau étoilé sur sa résidence du château de Prague, le Président antieuropéen Vaclav Klaus avait voulu donner un symbole fort, qui n'était pas au goût de tout le monde. Il suffit de rappeler que la République Tchèque n'appartient ni à la zone euro ni au traité de Lisbonne pour comprendre les inquiétudes du Parlement. Néanmoins, le gouvernement de M. Topolanek a encore jusqu'à juin pour faire ses preuves. Et faire oublier l'étiquette d'eurosceptique qui colle à son pays. Quentin Weinsanto

Grèce : la crise dans la crise n décembre, les mouvements des étudiants grecs ont révélé une crise profonde, marquant la rupture entre la jeunesse d’un pays et son gouvernement. Au cœur des débats : les difficultés d’embauche et des scandales de corruption qui ébranlent un peu plus le gouvernement conservateur. D’autant plus que son Premier ministre,

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L'antisémitisme toujours présent en Europe Selon un récent sondage de la Ligue anti-diffamation américaine, l’antisémitisme en Europe reste fort. 31% des sondés estiment que la crise économique mondiale est due aux Juifs. Et ils sont 40% à penser que les Juifs ont trop de pouvoir dans le monde des affaires. 3 500 Européens de sept pays ont été interrogés.

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e n'est pas toujours facile de s'imposer face aux « anciens » de l'Europe. La Présidence tchèque, qui ne cache pas sa volonté de bien faire, subit pourtant des rafales de critiques face à des pays qui n'hésitent pas à pointer du d oigt sa méconnaissance sur de nombreux dossiers. Premier

écueil en date, le porteparole du Premier ministre Tchèque avait estimé que l'opération terrestre des soldats d'Israël dans la bande de Gaza était un acte « défensif ». Soulevant des tollés d'indignation, le ministère des affaires étrangères avait alors parlé de « malentendu », puis évoqué des « erreurs très graves ». Et pour finir, des excuses officielles de la part du porteparole du Premier ministre.

Kostas Karamanlis, avait déjà été affaibli par son incapacité à réagir, lors des incendies de forêts en 2007. Aujourd’hui, force est de constater que la crise se mue également en crise de l'euro.

LA CRISE DIVISE L’EUROPE

Dix ans après l'adoption de la monnaie européenne, les critères de Maastricht et le pacte de stabilité, qui devaient permettre aux Etats d'harmoniser leurs politiques économiques, se sont finalement soldés par un échec total. En réalité, les écarts de compétitivité

entre les pays Nord (Allemagne, Pays-Bas, Autriche) de la zone euro et les pays Sud (Italie, Espagne, Grèce) n'ont cessé de se creuser. La crise économique ne pourra qu’agrandir ce fossé. La Grèce devra probablement financer la relance de son économie par un nouvel accroissement de sa dette, augmentant ainsi ses intérêts. Elle devra aussi payer deux fois plus que l'Allemagne pour rembourser ses emprunts d'Etat. Un décalage qui risque fort de mettre à mal les relations entre les pays de l’Union européenne.

Steffy Beneat


Eluana est décédée

Eluana Englaro, la depuis 17 ans, es jeune femme qui était dans un co (Italie). La famille t décédée lundi 9 février à 20 ma végétatif par un arrêt défi avait obtenu le droit de cesser deh10 à Udine 2008. Depuis plusnitif de la Cour de cassation le 13l’alimenter, l’euthanasie en It ieurs jours, son cas avait relancé novembre majorité ont déclalie et divisé le pays. Plusieurs m le débat sur Benoît XVI évoq aré que « Eluana a été assassin embres de la Le sénat italien auait, quant à lui, un « acte indigne é ». Le pape loi, présenté par d’ailleurs commencé à examinerde l'homme ». empêcher la mortle gouvernement de Silvio Berlusc le projet de oni, visant à d’Eluana.

Nouvelles

incursi

ons russes L a G é o rg en Géorgi ie a c c use des m séparatiste e il la journé d’Ossétie du Su itaires russes bas construiree du mercredi 11 d d’avoir pénétré és dans la républi gouverne des « fortificatio février. Les soldsur son territoire que se sont r ment de Tbilissi, s ns » selon le com ats se seraient mdans l’adminisetirées dans le co ans autres précisiomuniqué fournit p is à u a tr cesser leu ation géorgienne rs de l’après-mid ns. Les troupes ru r le ss i. rs activité a s illégale depuis « invité le Le porte-parole des s » sur so s autorité n sol. s russes àe

C’est dit !

VACLAV KLAUS PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE ACTUELLEMENT À LA TÊTE DE L’UE

“ Je sais que icolas Sarkozy aimerait rester u n « prés ident permanen t » d e l ' U n i o n européenne. C’est très humain ”

EUROPE

825

L’ o r g a n i s a t i o n basque armée ETA est accusée d’avoir tué 825 personnes en 40 ans. Selon le Ministre de l’Intérieur, Alfredo Perez Rubalcaba, l’ETA est à l’origine des derniers attentats de Madrid à la voiture piégée, du lundi 9 févier, dans le quartier des affaires. Cependant, ces derniers n’ont pas fait de victime.

ion prend t a r g i m m i Italie r:aLg’e sécuritaire un vi

s désormai t n o r r u n o ecins p migrés cla L e s m é dà la police les im nés . S i le s dénoncer u’ils auront s oig en tout car. a q il s , n é ti s r s e e ie d r dern controv core très italien le 5 févrie de loi a n e te s e r principe uvé par le sénat rité », le projet ins et de été approle « paquet sécu l’Ordre des médec Baptisé l’indignation de alienne. provoquéence épiscopale it la confér

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Le porte-avion français Clémenceau es t arrivé dimanch e 7 février au chan tier de démolition anglais de Gra ythorp, au Nord-Est de l’Angleterre, douze ans aprè s sa mise à la retraite. Pendan t deux mois, il sera dépollué et démonté.

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POLITIQUE EN BREF

Rama Yade, première de la classe La secrétaire d’Etat aux droits de l’homme est selon le classement Ipsos/Le Point, la personnalité politique préférée des Français. Avec 60% d’opinion favorable, elle devance le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, ainsi que le maire de Paris, Bertrand Delanoë.

Fabius en colère « M. Sarkozy s'est félicité que désormais le président de l'audiovisuel public soit nommé avec l'approbation des 3/5 des commissions parlementaires », explique le député PS, Laurent Fabius. Ce qui est faux : selon le texte voté par le parlement, le nom du président de France Télévisions peut être refusé à une majorité de 3/5… et non accepté. Forcément, ça change tout.

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Valérie Pécresse est bien mal partie dans la course aux primaires UMP pour les régionales de 2010. Huée lors de son premier débat face à Roger Karoutchi, elle essuie aujourd’hui la colère des Universités. Résultat, l’UMP a décidé d’annuler les débats entre les deux adversaires.

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inalement, c’était plutôt une mauvaise idée. Xavier Bertrand, le patron de l’UMP, a demandé aux deux protagonistes de la campagne des primaires en Ile-de-France de bien vouloir retourner à leurs dossiers de ministres. Valérie Pécresse et Roger Karoutchi, candidats à l’investiture UMP pour les régionales de 2010, ont donc dû mettre entre parenthèses leurs « débats contradictoires ».

La raison officielle - qui émanerait directement de l’Elysée - invoque « le risque important d’émeutes de jeunes » lors des prochaines rencontres prévues à Marly-le-Roi (78) et à Rueil-Malmaison (92). Vu la « situation difficile » que traverse la ministre de l’Enseignement supérieur avec les enseignants-chercheurs, « il est préférable de suspendre les rencontres », a-t-on jugé dans les rangs de l’UMP. En coulisses, et principalement chez les casquettes bleues de Roger Karoutchi, on

La tension monte entre les deux candidats à l’investiture UMP pour les régionales de 2010, Valérie Pécresse et Roger Karoutchi.

conteste cette décision. « Je regrette qu’il n’y ait pas de débats, pourtant essentiels dans une primaire », expliquait au lendemain de l’annonce, le principal intéressé.

1-0 POUR KAROUTCHI

En tout, huit débats devaient avoir lieu avant le vote définitif des militants entre le 16 et le 21 mars. Le premier d’entre eux, qui s’est tenu le 3 février dernier au Raincy (93) s’est achevé dans une ambiance électrique largement acquise au secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement. « %ous étions beaucoup plus nombreux et mobilisés. L’avantage pour Roger est bien réel », se targue Pierre Bouzin, le responsable du groupe de soutien baptisé « JFK », les « Jeunes franciliens avec Karoutchi ». Du coup, dans le camp Pécresse, il fallait réagir. Et vite. Un mail,

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« Un président absent » L’eurodéputé PS, Vincent Peillon, a vivement critiqué le Chef de l’Etat sur sa politique en Guadeloupe. Affirmant qu’il « gouverne mal », il a expliqué sur i-Télé le 11 février « qu’on voit qu'il y a le Premier Ministre en coupe-feu entre le secrétaire d'Etat maladroit et le président de la République absent ».

Pécresse sauvée par l’UMP

appelant à la (re)mobilisation a même été envoyé aux soutiens de la ministre : « Les supporters de Roger Karoutchi étaient largement plus nombreux que nous et cela s'est entendu et vu ! […] Nous allons mettre une stratégie en place pour occuper la salle, se répartir des pancartes, des signes extérieurs de ralliement [...]. Nous devons être plus nombreux ». Les tensions montent entre les deux ministres. Et les groupes de soutien sont entrés dans une guerre de la communication. Facebook oblige, la course aux amis virtuels a démarré. Avec un premier avantage à Valérie Pécresse. Mais son adversaire gagne la palme d’or du groupe au nom le plus farfelu : « Pour que Roger Karoutchi monte les Champs-Élysées tout nu s’il gagne les élections ». Prometteur…

William Molinié



POLITIQUE

L’impossible dialogue ?

Alors que Nicolas Sarkozy tente de poursuivre ses objectifs pour mener à bien le chantier de la relance, les syndicats réclament plus de décisions concrètes. Une confrontation qui se traduit par un dialogue de sourds. L’exécutif tente de gagner du temps tandis que les syndicats envisagent une journée de mobilisation générale. 1ère proposition de #icolas Sarkozy : La suppression de 30 600 emplois publics en 2009.

2ème proposition : La suppression de la taxe professionnelle

Réponse des syndicats: - Jean-Claude Mailly, secrétaire général FO : « Il faut faire un moratoire sur les licenciements en attendant les résultats ». - Annie Thomas, secrétaire nationale de la CFDT : « La diminution de l’emploi public est une grosse déception pour nombre de manifestants ».

3ème proposition : « C’est une crise de confiance sans précédent, les Français doivent savoir qu’elle aura des conséquences sur la croissance et le chômage ».

4ème proposition : « Les partenaires sociaux doivent aborder le sujet essentiel du partage des profits, le compte n'y est pas pour les salariés, il faut appliquer la règle des trois tiers ». (Un tiers pour l’entreprise, un tiers pour les actionnaires, un tiers pour les salariés).

Réponse des syndicats : - Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT : « Le Medef a demandé jeudi matin la suppression de la taxe professionnelle, il a obtenu satisfaction le soir même. %ous, nous attendons encore ». Réponse des syndicats : - Bernard Thibault : « Il serait temps de revoir la politique de l’emploi ». - Gerard Ashieri, secrétaire général de la FSU, syndicat enseignant : « J’ai entendu beaucoup de bonnes intentions mais en revanche, rien sur le Smic et la situation des fonctionnaires ».

Réponse des syndicats : - La CFTC : « Les entreprises devraient avoir l'obligation d'avoir conclu un accord salarial, au minimum vieux de trois ans, avant toute distribution de participation ou d'intéressement ». - La CGT : « Cette mesure est aléatoire, destinée aux seuls salariés stables des entreprises, inégale selon le type d'entreprise et la stratégie de gestion des directions, cette forme de rémunération va se développer au détriment des autres formes de rémunération et notamment des salaires ».

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Par Anne-Laure Falgayrettes


POLITIQUE

« Kouchner, c’est le treillis sous la blouse blanche »

En publiant « La politique selon K », le journaliste Pierre Péan a suscité une controverse politicomédiatique. Auteur de vingt-cinq ouvrages, dont « Noires fureurs, blancs menteurs » sur la question rwandaise, son enquête le mènera au monde de Kouchner et finalement à la politique selon K.

L’illégalité des affaires de Bernard Kouchner n’a pu être prouvée. Alors pourquoi un tel livre à charge ? Je ne me place pas sur le plan pénal mais sur celui de la morale républicaine. Bien qu’il ait reconnu avoir touché de l’argent de l’Imeda (société de conseil), plusieurs manœuvres restent douteuses. La nomination de Christine Ockrent comme numéro deux de la holding France Monde est totalement inadmissible. Quand il nomme Eric Danon et Jacques Baudouin, deux amis avec qui il fait des affaires, le premier ambassadeur à Monaco et le second dans son cabinet au Quai d’Orsay, il franchit à nouveau la limite. Comment a réagi le Ministre des Affaires étrangères après la parution de votre livre ? Ces mots violents prononcés par Kouchner détournent tout simplement le sujet de mon enquête : montrer la distorsion entre l’icône et la réalité. Dans ce livre, j’attache beaucoup d’importance à son côté va-t-en

SÉGOLÈNE ROYAL PRÉSIDENTE

DU

guerre. Les Français ont l’image de la blouse blanche alors que dessous, il porte le treillis. Parce que je ne suis pas d’accord avec ses choix, je devrais être taxé de révisionniste. Je précise quand même que pour mon livre « Noires fureurs, blancs menteurs », j’ai été poursuivi pour complicité de diffamation raciale, et par la suite, relaxé.

Pensez-vous que l’argent et la politique ont corrompu les idéaux du « french doctor » ? Notre Ministre des Affaires étrangères agit comme s’il était toujours président de Médecins du monde car c’est là que son image s’est construite. Il a bâti toute sa carrière sur la lutte contre la raison d’état et j’ai la sensation qu’il balance ça aux orties, à l’image de son comportement récent envers Rama Yade. Il donne le sentiment de tirer un trait sur toute une partie de sa vie.

C’est dit !

OU -C HA REN TES CONSEIL RÉGIONAL DE POIT

vendre des frigidaires « Sarkozy serait capable de à des esquimaux »

Sarkozy n’arrive pas à convaincre

Nicolas Sarkozy n’arrive pas à remonter dans les sondages. Malgré l’intervention télévisée du chef de l’état, qui avait rassemblé 15 millions de téléspectateurs, il n’a visiblement pas réussi à convaincre la majorité des Français. Quatre sondages confirment cette tendance. Dans une enquête Ipsos, le président de la République perd neuf points avec 36% d'opinions favorables, contre 45% en janvier. Les autres instituts de sondages (LH2, Viavoice, Opinion Way) observent tous un recul d’environ cinq points depuis le mois de janvier.

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Steffy Beneat

millions d’euros. Une somme qui pourrait définitivement plomber la trésorerie du Front National. La cour d’appel de Versailles a condamné, mardi, le parti d’extrême droite à verser cette dette au député frontiste, Fernand Le Rachinel. Ce vieux compagnon de route de Jean-Marie Le Pen avait saisi le tribunal, réclamant cet argent, que le FN refusait de lui payer, évoquant des « surfacturations ». 13


JUSTICE

EN BREF Burgaud de l’autre côté de la barre Le procès du juge Burgaud, mis en cause dans le fiasco judiciaire de l’Affaire d’Outreau, suscite une controverse. Les acteurs du système judicaire soutiennent qu’aucune faute n’a été commise. Pourtant, 13 innocents ont été emprisonnés entre 2001 et 2004. Le Conseil supérieur de la magistrature rendra son jugement le 27 mars. Vingt ans de prison pour l’agresseur de Chahrazad Mushtaq Amer Butt, 28 ans, a été condamné, jeudi 12 février, à 20 ans de prison pour tentative d’assassinat. Le procès de la victime, Chahrazad brûlée vive en 2005, a débuté mardi 10 février. La jeune femme, aujourd’hui âgée de 21 ans, a été brulée sur 60% de son corps.

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Une mise en scène dans laquelle les époux Tiberi seraient irréprochables. Voici la pièce qui se joue au tribunal correctionnel de Paris. Le premier acte du procès des faux électeurs du 5e arrondis sement de Par is, ouvert le 2 février dernier, a révélé un casting de choc.

T

out d’abord, le maître de cérémonie, Jean. Alternativement maire de Paris et du 5e arrondissement depuis 1983, il est sur le banc des accusés. On lui reproche d’avoir fait voter des faux électeurs aux municipales de 1995 et aux législatives de 1997, alors qu’il dirigeait l’Hôtel de Ville. Avec la courtoisie qu’on lui connaît, il réfute de but en blanc. « J’ai toujours été élu régulièrement », lance-t-il à la barre, calmement. Il doit y avoir un malen-

tendu. Les avocats des parties civiles se heurtent à un mur, totalement lisse. Le dialogue est bien huilé, parfaitement répété.

A ses côtés, sa femme, Xavière. Tailleur droit bleu marine, jupe bien repassée, elle triture sans arrêt un pendentif accroché à son collier de perles. Elle bouillonne Madame Tiberi. Un mélange de pathos, de colère contenue et de tragédie faussement larmoyante. Du haut de sa petite taille, elle ne lâche rien. « Ce sont des billevesées. Fariboles ! Comment peut-on dire des choses pareilles ? », ose-t-elle dans une gestuelle parfois un peu surjouée. Mais le ton y est. Le vocabulaire aussi.

En face, de l’autre côté de la barre, c’est le traître. « La balance », le « menteur », selon les termes du camp adverse.

Jean Tiberi est resté inébranlable devant l’accusation des parties civiles.

Le seul à avoir dénoncé la fraude présumée. Raymond Nentien, 63 ans, l’ancien secrétaire général de la mairie d u 5ème. Cheveux courts, lunettes rondes, les oreilles légèrement décollées, il est plutôt mal à l’aise. Il s’en veut encore de n’avoir avoué la fraude qu’après les élections.

Tous, ou presque, ont versé la larmichette. Mais peu à peu, les alexandrins cornéliens laissent place aux didascalies ionesciennes. Pas de cantatrice, ni de rhinocéros, mais le registre de l’absurde et l’imbroglio incompréhensible réveillent les zygomatiques du spectateur. On y décrit une « ruche » - la mairie du 5ème - où les abeilles du premier étage ne croisent jamais celles du rez-dechaussée. Où le maire « potiche », Jean-Charles Bardon - le re m p l a ç a n t d e Jean Tibéri dans le 5ème de 1995 à 2001 -, n ’a aucun pouvoir. Et où enfin, la p r e m i è r e adjointe, Anne-Marie Affret, a des pertes chroniques de mémoire.

Le rideau se ferme sur les onze prévenus. L’acte II devrait mettre en lumière les petites mains ouvrières qui ont perpétré la fraude quand M. Tiberi était à l’hôtel de Ville. Une intrigue difficile qui promet moult rebondissements et coups de théâtre. Fin de partie le 4 mars prochain. © DR

Un procès politique « Je suis l’assassin du préfet, Sarkozy l’a dit », a lancé lors de son procès Yvan Colonna, accusé de l’assassinat du préfet Claude Erignac, le 6 février 1998 à Ajaccio. Le berger de Cargèse a choisi de placer sa défense sur un terrain essentiellement politique. L’audience doit se prolonger jusqu’au 13 mars.

Les Tiberi sereins à la barre

William Molinié



ECONOMIE EN BREF

« Isoler la dette » Dans l’hebdomadaire l’Express, Edouard Balladur, l’ancien Premier ministre, propose « d’isoler dans une caisse d'amortissement, la partie de la dette née du déficit résultant des plans de relance. Pour lui, "l'endettement excessif est un risque pour les Etats, qui vont payer plus cher leurs emprunts ». Perte record pour le crédit Suisse En 2008, le Credit Suisse a enregistré une perte record de 8,2 milliards de francs suisses (5,48 milliards d'euros). 6 milliards (4 milliards d'euros) ont été perdu durant le 4ème trimestre. En 2007, la banque Suisse avait réalisé un bénéfice de 7,8 milliards (5,21 milliards d'euros).

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L’île est entrée dans sa troisième semaine de grève. Ses habitants doivent faire face à un service public et une économie paralysés.

L

a Guadeloupe sortira-t-elle de la crise dans laquelle elle est engouffrée ? La question se pose même si les négociations entre le gouvernement et les syndicats de l’île laissent présager une éventuelle sortie de crise. Mardi 10 février, le secrétaire d’Etat à l’Outremer, Yves Jégo, et deux médiateurs ont été dépêchés en Guadeloupe par le Premier Ministre François Fillon. Leur but : mettre fin à la grève générale, initiée le 20 janvier par le comité Lyannaj Kont Pwofitasyon (LKP).

Si au sein du gouvernement on tente de rester placide, le son de cloche est très différent du côté des Guadeloupéens qui affichent leur vive inquiétude. Une inquiétude d’autant plus contagieuse que la grogne s’étend désormais dans d’autres départements d’Outre-Mer.

130 MILLIONS D’EUROS PERDUS

Réunis en un « collectif contre l’exploitation outrancière », manifestants, syndicats et partis locaux réclament une meilleure situation socioéconomique de leur île, confrontée notamment à de forts taux de

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chômage (27%) et de pauvreté (12,5 %) et à des prix trente fois plus chers qu’en métropole. Chaque jour, le conflit s’amplifie si bien que la Guadeloupe aurait déjà perdu 130 millions d’euros depuis le début de la contestation. Stationsservices en rade d’essence, grandes surfaces, banques, universités, tous ces secteurs sont fermés et paralysent l’économie du pays et le quotidien des habitants excédés par la situation.

Pour apaiser les tensions, le gouvernement a d’ores et déjà validé plusieurs mesures en faveur des Guadeloupéens dont une baisse du prix du carburant, une revalorisation de 20% des aides à la restauration scolaire et la mise en place du RSA. Le coût de leur mise en place s’élèverait, selon l’entourage d’Yves Jégo, à 100 millions d’euros. Mais la principale doléance des contesta-

© DR

Les bonus des traders seront encadrés Les professionnels de la banque et de la finance ont convenu d’un accord pour moraliser les bonus des traders. Ces nouvelles « règles du jeu » seront applicables en 2010. Le Royaume Uni a décidé à son tour de s’attaquer aux bonus des banquiers, selon Alistair Darling, le ministre des Finances britanniques.

La Guadeloupe s’enlise

taires - qui porte sur une augmentation de 200 euros pour les bas salaires - est toujours confrontée à un véto gouvernemental. « L’Etat ne saurait se substituer aux partenaires sociaux », a expliqué François Fillon.

SORTIE DE CRISE DIFFICILE

Pour amplifier le conflit, un document accusant les compagnies pétrolières de s’enrichir sur le dos des consommateurs a été rendu au secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, mercredi 11 février. Le texte indique que « les services de l’Etat sont incapables de justifier la base de calculs » servant à la fixation, par les préfets, des prix du carburant en Guadeloupe, Martinique et Guyane. Yves Jégo devra prendre son mal en patience et s’attendre à des jours encore difficiles.

Emeline Marceau


E

ECONOMIE

Inquiétudes sur la Taxe Pro

n annonçant la suppression de la taxe professionnelle (TP) d’ici 2010, Nicolas Sarkozy a fait son effet… sans rassurer personne. Même le gouvernement semble avoir été pris de cours par l’annonce du président. Dès mardi 10 f é v r i e r, l e P r e m i e r ministre François Fillon a ainsi affirmé que la suppression de la TP serait « intégralement compensée aux collectivités locales. » Mais en attendant la remise des propositions du comité Balladur - sur la réforme des institutions - le chef du gouvernement n’a pas annoncé de décisions concrètes

pour appuyer ses propos. Mairies et conseils généraux sont donc, pour l’heure, contraints à la patience, en espérant qu’il ne s’agisse pas seulement de paroles en l’air.

L’APPRÉHENSION DES PATRONS

La TP représente actuellement une manne de 24,8 milliards d’euros pour les institutions territoriales, provenant directement des entreprises. Sa disparition laisserait alors les impôts locaux comme unique recette pour les municipalités. P l u s s u r p r e nant, les ch efs d ’en-

treprises, aussi, semblent douter de la mesure. Jean-François Gaudi, PDG d’une firme de BTP à Dourdan (91), est même véhément : « Ca ne va pas pousser l’investissement, la TP ne représente qu’1% des charges totales de mon entreprise. »

L’appauvrissement des collectivités territoriales, clients réguliers et importants dans le BTP, suscite aussi l’inquiétude : « Les projets prévus pour 2010 sont actuellement ouverts et calculés avec les recettes d’aujourd’hui. Sans la TP, ça ne pourra plus se faire ». Antoine Ginékis

Think tank économique Fondé au milieu des années 90, le think tank Europa 2020 regroupe des économistes indépendants des pouvoirs politiques qui réfléchissent sur l’évolution à long terme de l’Union Européenne. Leur directeur, Frank Biancheri, annonce même « la fin du monde occidental tel qu’on le connaît depuis 1945 ».

Quels sont les raisons de votre soudaine notoriété ? Au premier semestre 2006, la quasi-totalité de la sphère économique et financière nous a tiré dessus à boulets rouges. À l’époque, Lehman Brothers a été l'une des très rares grandes banques à s'intéresser à nos analyses sur la crise immobilière US, les subprimes.

Peut on imaginer des alternatives au chaos économique ? À ce stade, c'est plutôt du chacun pour soi. L'anticipation vise à pouvoir agir à temps... C'est-à-dire longtemps avant les problèmes quand il s'agit de grands systèmes comme l'UE, les États-Unis, la Chine ... et à plus forte raison la

planète. Donc en ce qui concerne les causes de la crise systémique globale, il est désormais trop tard pour agir. Il aurait fallu s'en inquiéter il y a dix ou vingt ans. Quelle est la situation des USA ? Les Etats-Unis sont entrés dans une très grande dépression socio-économique. Le deuxième pilier du monde d'après 1945 est en train de tomber. L'Occident, conçu comme un duopole USA-Europe de l'Ouest dirigeant les affaires de la planète avec les Etats-Unis comme leader et les pays d'Europe de l'Ouest comme suiveurs - suit le même chemin.

Youri Lee Gothemi

EN BREF

Perte de 343 millions d’euros pour PSA Le groupe PSA Peugeot-Citroën annonce une perte de 343 millions d’euros, au 31 décembre 2008. Son chiffre d’affaire est de 54 365 millions d'euros, en recul de 7,4% par rapport à 2007. Le président du directoire de PSA a également ajouté que le 1er semestre 2009 allait être « particulièrement difficile pour le groupe ».

Alcatel-Lucent France supprime 200 emplois de cadres Alcatel-Lucent France, principale filiale de l’équipementier franco-américain, va supprimer 200 emplois de cadres et 400 autres chez les sous-traitants. Ce plan de sauvegarde de l'emploi vise à favoriser les départs volontaires. Une intersyndicale a appelé à des débrayages. Plus de 9 000 emplois supprimés chez ArcelorMittal Les suppressions d'emplois chez ArcelorMittal pourraient être plus importantes que prévu, a expliqué, début février, le directeur financier du géant mondial de l'acier. En novembre, ArcelorMittal avait annoncé vouloir supprimer 9 000 emplois dans le monde, dont 1 400 en France, dans le cadre d'un guichet de départs.

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ECONOMIE

Chez « Little Bay » c’est comme vous voulez

A chacun sa façon de lutter contre la crise. Afin de limiter la baisse de fréquentation, le « Little Bay », une petite enseigne londonienne située dans le quartier de Farringdon, a décidé de ne plus apporter d’addition à ses clients, durant tout le mois de février. « Tout ce que je demande, c'est qu'ils me paient ce qu'ils considèrent être la valeur de la nourriture et du service », explique ainsi Peter Ilic, propriétaire du restaurant, à la presse britannique. Reste à savoir si les clients feront preuve de générosité…

C’est le probable « très mauvais chiffre de la croissance au 4ème trimestre 2008 », a déclaré Christine Lagarde, ministre de l’économie, le 11 février sur Canal+. L’effondrement de la production industrielle, les arrêts de fabrication dans plusieurs usines, la stabilisation de la consommation et la diminution des exportations en seraient les causes.

D e s b i l l e ts de d u M o n o p o l y c o nt r e vr a i s b i l l e t s !

e sexagénaire Au Danemark, un n pour gagner a trouvé la solutio ment. Elle a de l’argent facile hangé dans tout simplement éc endborg, des une banque à Sv0 co ur on ne s bi ll et s de 2 00 ros) provesuédoises (185 euy, contre de nant du Monopol . Voyant que vrais billets danoistionné elle a sa ruse avait fonc , d’échanger retenté, sans succès 0 couronnes dès le lendemain 8 00opoly. (740 euros) du Mon

C’est dit !

EILLE, JACQUES MARS TE ECONOMIS

va se purger é h rc a m le , se ri « Grâce à la c eurs ». ien Source : Le Paris et corriger ses err 18

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-1,2%

Airbu sa l’A 40 admis qu’ il 0 de liv qu’à partir ne pourrait raison de 201 li qui po dysfon 2. Un vrer in d c mère tionnements te à nouvea élai d’ u pour l’ Airbus, com d’EADS, m les aison A 380 me ce fut le cas

Bénéfice historique pour Total Toutes les entreprises ne sont pas touchées par la crise. La preuve : en 2008, Total a enregistré un bénéfice record de 13,92 milliards d’euros, soit une hausse de 14%, par rapport à 2007. 37% de ces bénéfices soit plsu de 5 milliards - seront directement versés aux actionnaires. De quoi relancer la polémique sur la distribution des bénéfices très élevés pour les sociétés privées.



SOCIÉTÉ EN BREF

30 mois de prison pour atteinte sexuelle Un Marocain de 29 ans a été condamné mercredi soir à deux ans et demi de prison ferme par le tribunal correctionnel d'Evry. Il était accusé d'atteinte sexuelle sur une adolescente de 14 ans, avec qui il s'était « marié » religieusement en 2000. Il avait bénéficié de l'appartement de son frère pour pouvoir passer sa nuit de noces.

Des médecins moins « volontaires » L'Ordre des médecins a constaté, dans une enquête récente, une baisse du volontariat des médecins pour les gardes et astreintes. « L'engagement des médecins généralistes dans la permanence est une réalité fragilisée par une démographie médicale déclinante », explique l'Ordre dans son communiqué.

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Alors qu'une médiatrice nommée par le gouvernement rouvre le dialogue avec le monde universitaire, de nouvelles menaces de journées de mobilisation plane sur les débats. Pourtant, chaque partie s'accorde sur le besoin de réformer…

M

algré son actuel recul sur la réforme du statut des enseignantschercheurs, Valérie Pécresse, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, continue d'essuyer la grogne des universitaires. Le dialogue semble être rompu. De nouvelles journées de mobilisation sont toujours programmées après le succès de celle du mardi 10 février (43 à 100 000 personnes dans la rue). Profs et étudiants ne croient pas aux négociations annoncées avec la nouvelle médiatrice nommée par la ministre, Claire BazyMalaurie.

Jeudi 11 février, 128 membres de l'Institut universitaire de France (IUF) ajoutaient leur pierre à l'édifice de la colère et signaient une lettre dénonçant le mépris et les sarcasmes du président à l'égard des chercheurs. Même si chacun s’accorde sur le besoin de réformer, les syndicats craignent de se voir imposer des cours en plus, au détriment de la recherche. Les directeurs d’université auront désormais la

charge d’adapter l’emploi du temps entre enseignement, recherche et autres tâches.

30 MILLIONS D’EUROS PERDUS

Autre point d’achoppement : le niveau demandé aux profs du primaire et du secondaire. Ils devront dorénavant atteindre le bac+5 (au lieu de Bac+3, sauf pour les agrégés). Or ceux qui avaient le Capes (Certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré) avaient souvent un niveau d’étude supérieur à ce diplôme. Le gouvernement assure que cette revalorisation est donc au bénéfice des professeurs qui, embauchés à un plus haut niveau, seront mieux payés. Malheureusement, en contrepartie, le concours de recrutement des professeurs a été simplifié et la nouvelle formation est perçue par les profs comme un rabais. D'autant que nombre de stages ont été supprimés, ainsi que

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Découverte macabre dans le Finistère La grand-mère et son petit-fils disparus dans le Finistère depuis mardi ont été retrouvés morts jeudi, dans une voiture tombée dans un canal. Après avoir découvert des traces de pneus sur le bord du canal de Nantes, à Brest, les gendarmes ont envoyé des plongeurs qui ont finalement retrouvé les deux corps dans la voiture.

Chercheurs toujours en colère

l'indemnisation qui va avec.

Le budget apparaît aussi comme l’un des sujets de discorde de cette réforme. Valérie Pécresse affirme que le gouvernement consacre un « effort sans précédent à la recherche et les universités ». Les professeurs d'université affirment le contraire et sont ulcérés par le nombre de réductions d'emplois prévues dans les facs (environ 1000 en 2009) sur lesquelles reposent les nouveaux calculs budgétaires.

En vrac, les grévistes reprochent aussi à Nicolas Sarkozy sa volonté de fractionner le CNRS (Centre national de recherche scientifique), véritable colonne vertébrale de la recherche française, en différents instituts dont les crédits seront âprement votés en fonction de leurs sujets d'étude… Enfin, malgré une revalorisation effective des bourses étudiantes sur des critères sociaux, les étudiants continuent à vivre mal, voire très mal.

Anne Taverne


SOCIÉTÉ

La fin des déserts médicaux ? HPST une future privatisation de la santé. Des suppositions niées par Roselyne Bachelot, qui a annoncé une augmentation de 3,1% des crédits hospitaliers cette année.

Cette réforme tend à réorganiser les hôpitaux, dont les défauts de fonctionnement ont été m i s e n r e l i e f c e s dernières semaines dans la presse. La future loi comprend la création en 2010 des Agences régionales de santé (ARS), qui seront le lien entre la médecine de ville, les infrastructures hospitalières et les institutions médico-sociales comme le Centre d’Aide par le

Roselyne Bachelot

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«

Face à l’inégale répartition des professionnels de santé sur le territoire », la ministre de la santé défend depuis mardi son projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires » face à l’Assemblée Nationale. Des bourses de 1200 euros pourraient être versées aux étudiants qui s’engageraient à exercer dans des zones en manque de médecins. Malgré le soutien de la Fédération Hospitalière de France (FHF), ces propositions provoquent la grogne des médecins libéraux et du personnel hospitalier, qui craignent pour leur liberté d’installation et voient en la loi

EN BREF

travail (CAT). La ministre compte également faciliter les coopérations entre l’hôpital public et le privé, modifier la gérance des établissements hospitaliers et répartir plus efficacement les professionnels de la santé sur l’Hexagone afin de pallier aux inégalités d’accès aux soins. Laurie Haslé

Des bandes plus violentes

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U

Marin, qui révèle un durcissement des rixes entre bandes rivales depuis 2006 dans la capitale. Déjà, en 2007, un rapport avait alarmé les renseignements généraux. Et la tendance se confirme.

Gare du Nord

n rapport met en relief le durcissement des règlements de compte entre bandes ennemies dans Paris.

Des affrontements de plus en plus violents. C’est le constat du rapport remis au procureur de la République de Paris, Jean-Claude

Même si le nombre de bagarres n’a pas augmenté (35 en 2008 contre 51 deux ans plus tôt), plusieurs éléments graves sont soulignés par l’étude réalisée par François-Michel Delécolle, commissaire de police et Françoise Duvigneau, directeur de la protection judiciaire de la jeunesse. Parmi les faits importants, la banalisation des armes utilisées. Il est ainsi courant d’assister à des règlements de compte

au couteau, au sécateur, à la batte de baseball ou, pire, au fusil. Le dossier révèle l’implication de personnes de plus en plus jeunes dans ces violences, qui opposent souvent des bandes de quartiers différents mais aussi de part et d’autre du périphérique parisien. Âgés de 14 à 22 ans, les individus interpellés revendiquent une appartenance à un quart i e r qu’ils veulent défendre. Les disputes, souvent sanglantes, se déclenchent après une consommation excessive d’alcool, un simple vol ou un différend sur des trafics de stupéfiants. Des violences qui ont causé la mort de deux hommes en 2008.

Laurie Haslé

Les Maoris récupèrent leur haka Langue pendante, yeux exorbités… le haka scandé par les All Blacks avant chaque match de rugby a été rendu aux descendants de son inventeur, la tribu maori, qui en réclamait la propriété depuis 160 ans. Le gouvernement néo zélandais ne pourra plus exploiter cette danse rituelle dans un but commercial.

Pré-ados présumés dealers Des chiens renifleurs à la sortie du bus scolaire… Voilà ce qu’ont subi les élèves d’un collège des Pyrénées Atlantique, à Arthez de Bearn, le 11 février dernier. La multiplication de ces contrôles antidrogue musclés, menés par les gendarmes au sein ou à l’entrée des collèges, provoque la colère des parents. L’insolente santé des rats Good Lord ! De plus en plus de rats noirs et de rats d’égouts infestent le RoyaumeUni. La lenteur du ramassage des poubelles dans de nombreuses communes alimente généreusement ces rongeurs qui pullulent et menacent l’hygiène nationale.

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SOCIÉTÉ

Hausse du taux de suicides sur les voies de la SNCF

Le nombre de suicides sur le réseau SNCF de l’Île-de-France a augmenté de 22% en 2008, par rapport à l’année précédente. La SNCF, pour limiter ces drames qui entraînent des interruptions du trafic pendant plusieurs heures, a examiné des mesures préventives qui existent à l'étranger. La France pourrait s’inspirer du Canada. Avec de la pédagogie et l’aide d’associations, le pays a réussi à diminuer le taux de suicides sur les voies ferrées.

273 200 € C’est la somme à laquelle le « nez » du paquebot France a été adjugé. Rebaptisé « Norway », l’ancien fleuron de la flotte française a été divisé en lots et mis aux enchères le 8 février dernier. Avec ses 315 mètres de long, une propulsion de 160 000 chevaux et 31 nœuds de vitesse, le « France » était le transatlantique le plus rapide de son époque.

partie de La tempête a balayé une s la nuit du dan , nce Fra la de t l’Oues rier. 608 000 fév 10 edi mardi au mercr lectricité. Des d’é vés pri été ont ers foy ont continué de vents de 130 km heures de la France. Est souffler sur le #ord-

ture tire l u c i r g de l’A n o l a S rme a l a Le ’ d e t t ’hui, la sonne a u j o u rd

e es p ro d u i r ». C’est sur cre, , e r u t l urs ! icultu gricu t i o n a especter toe ujoalon de l’Agr les agria r é n é èm S ,r e, « G demain tte anné le 49 2007, nourrir ue s’ouvrirear ars 2009. Ce simple : en faim. mots q évrier au 1 md’un constat ouffert de la tions du 21 f s sont partis sonnes ont s uver des soluantité culteur illions de per t donc de tro ité et en qu 9 2 3 m d u s a l o n e s b o n n e q u a lv i r o n n e m e n t . L’enjeuroduire de la spectant l’en pour pnte, tout en re s u ff i s a

ui fait polémique q t r o p p a r e l : M OG Telle

GM ! » du Lobby pro-O e rc ort de fo e d p u s é aprè le rappnitaire « Un co v o B sé Jo e d n était la réactio çaise pour la sécurité sa ue de an fr ce ansgéniq l’Agen que le maïs tr américain, est e m ti es i u q ), cier (Afssa ut cas fameux semen Monsanto, le ur la santé. Un avis qui en to arde, sans danger po en cause » la clause de sauvegrier le « ne remet pas culture, a indiqué jeudi 11 fév suspendant sa écologie. ministère de l’

RICHARD WILLIAMSO#, ÉVÊQUE.

C’est dit !

« Je pense que 200 000 à 300 000 Juifs ont péri dans les

camps de concentration mais pas un seul dans les chambres à gaz »

Source: Der Spiegel

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ENVIRONNEMENT

Ma rgu erit e et so n g ro s pot d e lait

Avis aux fermiers : les n’ont pas. Surprenant? vaches qui ont un petit nom donnent plus de et Peter Rowlinson, C’est en tout cas ce que confirme une étudelait que celles qui n’en interrogé 516 fermiers,de l’Université de Newcastle, en Grande-Bde Catherine Douglas « partie de la famille »,ils ont conclu que ceux qui considéraient leu retagne. Après avoir r animal comme faisant obtenaient de meilleurs rendements…

93%

DR

C’est dit !

YANNICK ROUSSELET,

CHARGÉ DES QUESTIONS NUCLÉAIRES,

GREENPEACE

« Tous prétendent que l'EPR va produire moins de déchets, mais personne ne précise q u ' i l s s e r o n t s e p t f o i s p l u s radioactifs que ceux générés par les réacteurs classiques ». Source : Le Parisien

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SOS dau phins au x Philipp ines 200 daup h in s d’électr e n v o ie e, d e d is p a r it io une espèce échoués m n, eaux peu ardi 10 février ds e s o n t p Manille. C rofondes de la ans les à un tremb ette catastrophe se baie de qui aurait lement de terre sou rait due et ainsi fa endommagé leurs tys-marin tation. De ussé leur système mpans les ont aid s centaines de Phd’orienil és à regag ner le larg ippins e.

des effectifs de manchots empereurs sont amenés à disparaître d’ici 2100. C’est le constat alarmiste qu’ont fait des chercheurs américains et français suite à de nombreuses études. On ne comptera plus que 400 couples reproducteurs de manchots, contre 6000 en 1962. En cause, la fonte de la banquise. Les manchots ne vivant qu’en Antarctique, leur seul moyen de survie consisterait à s’adapter à ces changements de température via des migrations ou des évolutions de leurs cycles de vie.

J a r d i n s v e r t i c a u x à M ex i c o

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La sécheres se touche le centre et le trois mois. 43% des ré n coltes hiver ord de la Chine depu sont menac is nales de cé ées et 4,29 réales du p millions de manque d’e ays personnes au potable souffrent d u

500 000 immeubles de la capitale mexicaine vont devenir é c o l o s : jardins verticaux, panneaux solaires et système de récupération des eaux pluviales seront installés pour lutter contre la pollution. Un plan qui apparaît comme indispensable, puisque l’agglomération génère à elle seule 1,5% des gaz à effet de serre de la planète. Roberto Lopez, responsable du projet, souhaite « réduire la pollution et améliorer la qualité de vie des habitants ».


SCIENCES Docteurs maboules

Cette photo de la NASA nous montre le Mont Redouté (Redoubt en anglais) en Alaska. Le volcan situé à 150 km d’Anchorage, menace la ville de 280 000 habitants. Il est prévu une éruption aussi violente que celle de 1989/90, qui avait duré cinq mois.

ERIC WOERTH MINISTRE DU BUDGET

C’est dit !

Les chirurgiens anglais font perdre la tête à leurs patients. Selon le Daily Telegraph, les docteurs auraient une nette tendance à ouvrir les crânes du mauvais côté. Selon les médecins, le marquage indique le côté à opérer… ou à ne pas opérer. Selon la NPSA, agence chargée de la sécurité des patients, cette erreur est due à l’absence de normes.

« ous souhaitons créer un sentiment d’insécurité pour les cyberdélinquants », à propos de Cyberdouane, nouvelle arme contre la cyberdélinquance.

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tonne de sang froid et 13 mètre de long. Le python découvert en Colombie est le serpent de tous les records. Surtout, le Titanoboa cerrejonensis remet en cause les connaissances actuelles sur l’évolution du climat tropical. Disparu il y a 60 millions d’années, les 13m du reptile prouvent que la température ambiante était aux alentours des 35°C. Une moyenne plus importante qu’aujourd’hui.

Au clair de la Lune

Ça se bouscule à la porte de la Lune. Après les Etats-Unis, l’Inde et la Chine et avant l’Europe en juin, la Russie a annoncé le 7 février dernier son attention de s’y faire une place. Le but de Moscou est de s’installer durablement sur notre satellite avant Pékin. Début du voyage en 2025.

Darwin à la Cité d

es sciences

D’où vient l’Hom Charles Darwin, me ? A l’occasion du bicentenai des sciences et l’exposition « La ruée vers l’Homre de la naissance de naturelle en Fran de l’industrie et dans quatorze me » ouvre à la Cité point sur les dernce, du 12 février au 7 juin 2009. L’muséums d’histoire l’Homme, alors ières recherches en paléoanthrop occasion de faire un ologie et l’avenir continue, notamm que la contestation sur la théo en rie de l’évolutiode t vi a des mouvements et le néo-création n tels que l’Intellig nisme. ent Design

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TENDANCES EN BREF

Dépendants aux portables Les Français accro aux téléphones portables ? C’est en tout cas ce que révèle une étude de l’Autorité de régulation des télécoms : 91,3% de la population est client d’un opérateur de téléphonie mobile. Un nombre en constante augmentation : nous étions 58,07 millions en 2008 et 87,6% en 2007.

Les lunettes UV selon Tom Ford Les adeptes des cabines de bronzage vont en raffoler : deux paires de lunettes anti-UV créées par Tom Ford sont en vente ! Elles sont légères et fonctionnelles mais surtout très tendances. Disponibles en deux coloris, elles sont en vente chez Colette au prix de 227 euros.

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Masaya Kuroki et Gildas Loaec sont les fondateurs de Kitsuné

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Qui veut des sex-toys ? Sex-toys gratuits ! A l’occasion de la SaintValentin, le site sexyprive.com va distribuer gratuitement plus de 6000 joujoux érotiques à Paris. Envie de se faire plaisir seul ou à deux ? Rendez-vous au 32 rue des Archives à Paris, dès 14h samedi. Plus d’infos sur le site : www.sexyprive.com.

La mode labélisée

Des labels de musique qui se lancent dans le prêt-à-porter, des marques qui produisent des artistes, les niches s’entrechoquent pour créer les structures de demain. Parmi elles, Kitsuné et Tigersushi se posent en précurseurs.

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e duo francojaponais est un pionnier en la matière. Depuis 2002, Gildas Loaec (ancien manager de Daft Punk) et Masaya Kuroki ont uni leurs univers respectifs pour mettre sur pied ce label novateur, à mi-chemin entre défrichage électro et classicisme à la Brooks Brothers. Aux commandes de la section stylisme, Masaya joue la carte des basiques intemporels, à contresens des grandes marques, à l’affût des dernières tendances. Preuve de sa notoriété grandissante, Kitsuné collabore désor-

mais avec des pointures comme Pierre Hardy ou Jean Touitou (A.P.C.). Le label au renard (son logo) est aussi reconnaissable par son identité musicale. C'est le travail de Gildas, prescripteur musical qui a déjà révélé Hot Chip, Digitalism ou encore The Teenagers. Leur dernière compilation, la sixième déjà, propose son lot de révélations, de l'anglaise La Roux au trio australien Pnau notamment. Le rêve des deux compères : « Dans 20 ans, retrouver nos vêtements dans une friperie et nos compilations chez un bon vieux disquaire. »

ÉLECTRO-POP BOURGEOISE

Dans un autre genre, plus « artisanal », Tigersushi vient aussi de se lancer dans l’aventure textile. Joakim,

l’éminence grise du label parisien (qui a révélé Poni Hoax), a ainsi embauché sa cousine, Laurène Bouaziz, pour mettre sur pied une collection audacieuse. Le résultat, Tigersushi Furs décline des cardigans, des jeans et autres t-shirts sur un mode collège très 50’s. La collection entend asseoir l’image du label : décomplexé mais pointu. « Tigersushi Furs a été conçue pour les félines, les félins, les passionnés de mode un peu nerd sur les bords », affirmaient ses créateurs juste avant l’ouverture de leur concept store du Marais, à l’automne dernier.

LA SECONDE PEAU D’UN LABEL

Concepts transversaux inédits en France, ces labels « multi fonctions » existent déjà depuis plus de 10 ans au Japon (à travers des marques street comme « A Bathing Ape » notamment). Mais la tendance ne risque pas de s’arrêter. April 77, la marque de prêtà-porter rock n’ roll, vient de se lancer dans la production de disques, tandis que Vanessa Bruno, la prêtresse des fashionistas parisiennes, met les doigts dans le folk.

Mégal Grouchka

Kitsune, 52 rue de Richelieu 75001 Paris

Tigersushi Furs 27 rue Saintonge 75003 Paris



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Ob ama face au dĂŠ

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éfi sud-américain Inimaginable il y a encore 10 ans, l'émancipation de l'Amérique Latine est en marche. Le nouveau Président des Etats-Unis reste pour le moment très discret sur le dossier sud-américain. Barack Obama doit bien mesurer sa marge de manœuvre s'il veut réussir à renouer le dialogue avec un continent qui ne se laissera plus dicter sa conduite. Six pays ont déjà rejoint l'Alternative Bolivarienne pour les Amériques lancée par le Vénézuelien Hugo Chavez. Un organisme au sein duquel les Etats-Unis ne sont pas les bienvenus. Le Continent tourne le dos à son voisin du Nord, en rejetant le néocapitalisme pour un « socialisme du XXIème siècle ». Même les gouvernements de gauche « modérée » commencent à durcir le ton, pour satisfaire un électorat très sensible au discours de Chavez et Morales.

Simón Bolivar, « Libertador » de l’Amérique Latine au début du XIXème siècle / © DR

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'est un des chantiers de la nouvelle administration américaine : sauver l'influence des États-Unis dans cette arrière cour devenue, en une décennie, la principale zone de rejet du modèle néolibéral américain. Après l'échec de l'administration Bush dans la mise en place de la zone de libre échange économique américaine (ZLEA), Obama à promis de restaurer le leadership des Etats-Unis au sein des Amériques. Le 23 mai 2008, celui qui n’était encore qu’un candidat aux primaires démocrates déclarait ses intentions vis-à-vis de l’Amérique Latine. Au menu, respect mutuel, collaboration et autodétermination du souscontinent. « Ce qui est bon pour les peuples des Amériques est bon pour les Etats-Unis », affirmait-il alors.

Dans le sens des aiguilles d’une montre : Hugo Chavez (Vénézuela), Luiz Inacio Da Silva « Lula » (Brésil), Evo Morales (Bolivie), Rafael Correa (Equateur) 30

« On attend de voir pour le croire », déclarait un Chavez laconique après l’élection de Barack Obama. Une manière de faire savoir au nouveau président que l'Amérique Latine était définitivement sortie du giron de son encombrant voisin. Le continent sud-américain a probablement été le moins enclin à succomber à l'Obamania qui à submergé la planète dès l'année dernière. L'accession d'un noir à la MaisonBlanche, tout démocrate et orateur de talent fût-il, ne pouvait suffire à effacer une histoire commune entachée par l'interventionnisme américain (voir encadré). En ce sens, les deux mandats de George W. Bush doivent être considérés comme un tournant pour le continent sud-américain. Incapable d'appréhender les changements qui se jouent en interne et trop occuper à mener sa guerre contre le terrorisme, l'administration républicaine laisse s’installer dans son arrière cour des gouvernements ouvertement antilibéraux, portés au pouvoir « par une popu-


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lation globalement anti-américaine et lassée des inégalités » analyse Paula Capra, doctorante spécialiste de l’Amérique Latine. Hugo Chavez au Venezuela, Evo Morales au Chili, Fernando Lugo au Paraguay, Rafael Correa en Equateur et Daniel Ortega, de retour à la tête du Nicaragua, se dressent comme autant d'obstacles à l'influence américaine dans la région. Un basculement à gauche initié par le Brésil qui, dès 2002, avait placé à sa tête Lula, ancien métallo devenu président de la première puissance régionale.

Avant de s'attaquer de front à l’épineux problème de l'Amérique Latine, Obama manœuvre en sous-main. « La nouvelle administration communique très peu sur ces dossiers, et les quelques déclarations contredisent la ligne soutenue avant le scrutin », analyse Christophe Ventura, journaliste au Monde Diplomatique et membre d’ATTAC France. Entre le discours prononcé à Miami par le candidat démocrate en mai dernier, faisant la part belle à l’ouverture et au respect mutuel, et les déclarations de son administration depuis son élection, le Président américain pourrait avoir changé son fusil d'épaule. Le 13 janvier dernier, devant un parterre de journalistes américains, le 44ème président des États-Unis n’hésitait pas à attaquer ouvertement Hugo Chavez : « Il a interrompu le progrès dans la région et exporte le terrorisme ». En ligne de mire, le soutien du leader vénézuélien aux Farc et l'axe CaracasTéhéran, qui inquiète la diplomatie américaine. Rappelons que George W. Bush avait tenté, en vain, de renverser Hugo Chavez en soutenant l'opposition vénézuélienne. Vingt quatre heures après le putsch, Chavez reprenait le pouvoir avec le soutien populaire et infligeait du même coup un véritable camouflet

aux Américains. En plus du cas Vénézuélien, Barack Obama va devoir gérer le celui de Cuba. Fidel Castro retiré, c'est son frère Raul qui est à la tête du pays. Celui-ci semble un peu plus disposé à la négociation, et milite pour la levée de l'embargo américain sur l'île, soutenu en ce sens par plusieurs pays d'Amérique Latine, le Brésil et le Venezuela en tête. « Les Américains hésitent eux-mêmes sur la stratégie à adopter avec Cuba. Si Obama a annoncé qu'il facilitera les mouvements de fonds depuis les Etats-Unis vers Cuba ainsi que l'obtention de visas pour les universitaires. Il doit également composer avec le

très puissant lobby cubain de Miami, qui rêve toujours de voir tomber le régime », poursuit Christophe Ventura.

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UN CONTINENT ÉMANCIPÉ ET DÉCOMPLEXÉ

Aujourd’hui, l’administration Obama doit faire face à un continent émancipé et totalement décomplexé. « A dire vrai, les États-Unis n'ont plus que le Pérou et la Colombie comme partenaires fiables en Amérique du Sud. Et encore, pour certains éléments de l'aile gauche du parti démocrate, Alvaro Uribe est devenu infréquentable ». Depuis l'échec de la ZLEA, les ÉtatsUnis se contentent de Traités de Libre Commerce (TLC) bilatéraux, moins ambitieux, avec une

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poignée d’Etats. Celui conclu avec la Colombie est d’ores et déjà contesté par certains, dont la toute nouvelle secrétaire d'État Hillary Clinton, qui réclame à Uribe des garanties en matière de Droits de l'Homme.

BOYCOTT DU FORUM ÉCONOMIQUE DE DAVOS

De leur côté, les leaders des gouvernements sud-américains travaillent à une coopération politique économique et militaire affranchie de la tutelle américaine. Six pays d'Amérique Latine ont déjà rejoint l'ALBA (Alternative Bolivarienne pour les Amériques) lancée par Hugo Chavez. En parallèle, les 12 pays d'Amérique du Sud ont adhéré à l'Unasur, projet d'intégration politique à l'échelle continentale dont sont exclus les États-Unis. C'est dans ce cadre qu'a également était créé le Conseil de Défense sud-américain, fin mai 2008. Les déclarations positives de certains dirigeants à l'égard de Barack Obama, comme celle d'Evo Morales, qui s'est dit prêt à discuter « d'égal à égal » avec le

nouveau président américain, sont à replacer dans ce contexte précis. Celui d'une Amérique Latine suffisamment sûre de son modèle pour un affrontement idéologique avec les États-Unis. Même les tenants d'une ligne modérée, dont Lula a longtemps été le leader, aux côtés du Chili de Michelle Bachelet, semblent

désormais emboîter le pas de Chavez et Morales. En atteste le boycott du forum économique de Davos par le président brésilien fin janvier, qui a préféré rester dans son pays pour participer au forum social de Belém, en compagnie des autres leaders de la gauche sud-américaine. « J'en ai marre d'aller à %ew York ou à

L’arrière-cour des Etats-Unis

Les États-Unis se sont toujours efforcés d'exercer leur contrôle sur le sous-continent. La Guerre Froide a vu les administrations américaines successives balayer un à un les gouvernements sud-américains inscrits à gauche, au nom de la théorie des dominos. (Selon Eisenhower, la conversion d’un Etat au communisme pouvait provoquer un risque de contagion chez ses voisins). Dès 1961, Kennedy et la CIA tentent de renverser le régime castriste en organisant le débarquement de la Baie des Cochons. L’opération est un échec, mais le climat de défiance est installé entre les EtatsUnis et leurs « vassaux ». Le 11 septembre 1973, l'administration Nixon soutient au Chili le putsch d'Augusto Pinochet contre le gouvernement socialiste démocratiquement élu de Salvador Allende. Pendant les trois décennies suivantes, le Général tiendra le pays d'une main de fer, emprisonnant et torturant près de 30 000 opposants politiques. Dans les années 80, Ronald Reagan refuse de reconnaitre l'élection du sandiniste Daniel Ortega à la tête du

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Nicaragua. Le régime socialiste finira par tomber lors des élections de février 90, après dix ans à gouverner sous embargo. Durant cette période, la dictature argentine et les États-Unis financeront massivement la guérilla menée par plus de 20 000 Contras opposés au gouvernement d'Ortega. La chute du bloc communiste et l'avènement du capitalisme comme modèle unique au début des années 90 a provoqué un changement dans la forme de domination employée par les États-Unis. « La fin du XXème siècle a vu les théories néolibérales se faire une place de choix dans les économies sud-américaines », explique Paula Capra, doctorante spécialiste de l’Amérique Latine. C'est l’époque du consensus de Washington (1992), quand l'Amérique pense pouvoir exporter son modèle, moteur de la croissance économique et du progrès social. Bill Clinton en profite pour mettre sur les rails son grand projet de zone de libre échange du Canada à la Terre de Feu, la ZLEA.


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Londres, de voir des jeunes banquiers m'expliquer comment je dois gérer mon pays, alors qu’ils n’ont jamais mis les pieds au Brésil », s'est emporté Lula devant une salle bouillante de 8 000 personnes. Dans l'incapacité de se représenter aux élections de 2010, Lula se doit de mettre un coup de barre à gauche s'il veut voir le Parti des Travailleurs remporter le scrutin.

« Les gouvernements de gauche en difficulté en Amérique du Sud sont ceux ayant opté pour une ligne social-démocrate un peu molle. C'est le cas de Michelle Bachelet au Chili, et cela explique en partie le virage à gauche de Lula. Il a beau être très populaire, il sait que son parti, sans lui, peut perdre les prochaines élections », souligne Christophe Ventura. En attendant, le Brésil, nouvel état pétrolier, est conscient d'être un pion stratégique majeur dans la région, et en profite pour mener une politique commerciale agressive. Pour asseoir son statut de puissance régionale, il n’hésite pas à tisser des liens avec le reste du monde, Union Européenne et Asie en tête.

La marge de manœuvre de l'administration américaine semble aujourd'hui extrêmement ténue en Amérique Latine. Barack Obama n'arrive pas en position de force et les nombreuses échéances électorales prévues dans la région en 2009 ne semblent pas vraiment en mesure de changer la donne. Comme un symbole, le 25 janvier, cinq jours seulement après l'investiture d'Obama, la nouvelle constitution bolivienne d'Evo Morales était adoptée par référendum populaire.

Ce mois-ci c'est vers le Venezuela que les projecteurs seront tournés. Hugo Chavez demandera pour la deuxième fois à ses concitoyens l'autorisation de faire sauter la limitation de deux mandats consécutifs pour un président, après leur refus en 2006. Une victoire du oui renforcerait encore un peu plus le front anti-américain. Dans ce contexte opaque, tous les acteurs régionaux ont pris rendez vous le 17 avril à Trinité et Tobago. Le cinquième sommet des Amériques qui s’y tiendra devrait permettre de dissiper le brouillard. Alexandre Bellity

L’enjeu du narcotrafic Le « Plan Colombie », mis en place en 1999 par Bill Clinton, a fait du pays dirigé par Alvaro Uribe le premier bénéficiaire de l’aide militaire des Etats-Unis en Amérique Latine. Ayant déjà coûté près de cinq milliards de dollars au contribuable américain, ce plan vise à combattre les narcotrafiquants colombiens, qui fournissent toujours à 90% de la cocaïne consommée aux Etats-Unis. Très contesté pour ses conséquences néfastes sur le respect des Droits de l’Homme, ce plan a servi à George W. Bush pour imaginer son « Plan Merida ». Copie conforme du premier, doté d’un milliard et demi de dollars, il est destiné à combattre les narcotrafiquants au Mexique, par tous les moyens. L’été dernier, un quotidien mexicain diffusait ainsi une vidéo montrant un formateur issu d’une entreprise privée américaine, Risk Incorporated, apprendre les techniques de torture à des membres des forces de l’ordre mexicaines.

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Sushis d ans la colle

Après dix ans d’une longue récession qui a vu son système bancaire frôler l’agonie, le géant nippon souffre de nouveau. Entre une jeunesse à la pointe du high tech et une culture millénaire toujours présente, le Japon n’en finit pas d’évoluer

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La tradition reste très prégnante au Japon / © DR

e 15 janvier 2009, des policiers d’Osaka découvraient, à son domicile, le cadavre d’un chômeur, mort depuis plusieurs semaines. Le réfrigérateur de son appartement était vide, comme son

1868

Abdication du 15ème Shogun Tokugawa, hostile à l’occidentalisation du pays. L’ère Meiji s’ouvre officiellement à l’industrialisation « à l’occidentale ».

Années 1970

La crise pétrolière, dont l’économie souffrira à moindre mesure grâce à l’importance de ses exportations, pousse l’industrie à la reconversion. Avec le soutien de l’Etat, la consommation d’énergie est minimisée et le haut-de-gamme, à forte valeur ajoutée, devient une priorité.

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estomac. Déshonoré par la perte de son emploi, il n’avait pas osé demander d’allocations sociales aux services départementaux et s’était laissé mourir de faim. Au cours des dernières années, plusieurs faits divers de ce genre ont éveillé les consciences japonaises quant à la pression sociale et l’isolement qu’elle engendre. Dans un pays qui recense 30 000 suicides par an (8ème rang mondial), le Premier ministre Taro Aso déclarait en janvier aspirer à une « société de paix d’esprit et de vitalité ». Le succès économique, qui repose sur la dette publique la plus lourde du monde (estimée à 180% du PIB), jure avec une véritable crise sociale.

Tandis que le Japon s’appuie toujours sur une société d’entre-

1945

prise méritocratique et presque féodalisée, la modernité semble y avoir exacerbé les traditions, mais aussi les inégalités. Elle a notamment transféré une partie du lien communautaire vers les nouvelles technologies, et bouleversé la culture populaire.

LE SOLEIL NE SE COUCHE JAMAIS SUR LE JAPON

Deuxième géant économique et dernier empire du monde, le Japon est aussi traditionnellement défini par un fort nationalisme, qu’il a fallu redécouvrir après la lourde défaite de la Seconde Guerre Mondiale. Sous l’autorité du Commandement Suprême des Puissances Alliées, la politique et l’industrie qui

3 février 1947

Little Boy et Fat Man s’abattent sur Hiroshima et Nagasaki. Le pays est occupé par les Américains, qui feront de l’île d’Okinawa une possession et base militaire des Etats-Unis. La reconstruction du Japon est supervisée par le SCAP.

La nouvelle Constitution soumise par le Général McArthur est ratifiée par l’empereur Showâ (Hirohito), et adoptée par la Diète. La « clause pacifiste » (art. 9) fait l’une des originalités du texte.

Décès de l’empereur Showâ, dit Hirohito. Il est remplacé par son fils, Akihito, toujours souverain aujourd’hui.

La conjoncture économique voit le faible taux de chômage du pays augmenter. Il est aujourd’hui de 3,9%.

1989

1990-2002


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Depuis 1945, la société japonaise est de plus contrastée / © DR

avaient fait le lit du militarisme sont d’abord démantelées, puis refondées et contrôlées par l’Etat. Le pouvoir décisionnel, déjà centralisé, l’est aussi pour l’économie et le commerce. Déjà acquis aux principes industriels occidentaux depuis la réforme Meiji de 1868, le pays, occupé par les Etats-Unis jusqu’en 1952, s’ouvre peu à peu aux idéologies étrangères. En démantelant les zaibatsu enrichies par la guerre, et en

1952

décrétant une loi antitrust interdisant la prise de participation des banques dans les entreprises, l'administration refonde le système de financement économique. Le pays s'engage sur la voie d'un capitalisme d'ingénieur, plus attaché à l'amélioration de son appareil de production qu'à la recherche du profit maximal immédiat. Le Japon devient un partenaire privilégié des EtatsUnis, qui absorbent aujourd’hui 35% de ses exportations.

1964

Fin de l’occupation américaine. Le Japon tente de retrouver ses marques, notamment dans l’enseignement d’une histoire et d’un passé colonial ambiguës. Okinawa sera restituée.

Tokyo accueille les Jeux Olympiques, le Shinkansen, première ligne ferroviaire à grande vitesse du monde, est inaugurée.

Juillet 2003

2006

600 soldats des « forces d’autodéfense » du Japon sont envoyés en Irak après adoption d’une loi par le gouvernement Junichiro.

Le ministre des affaires étrangères Taro Aso tient un discours intitulé « construire un arc de la liberté et de la prospérité », l’horizon de la diplomatie japonaise s’élargit à l’Europe de l’Est. Deux ans plus tard, en tant que Premier ministre, Aso abordera l’aide à l’Afrique et la coopération avec le Moyen-Orient.

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En 1960, le Japon passe au second rang des grandes puissances. Le développement technique, notamment à partir du choc pétrolier de 1970, et la réorientation des priorités de l’industrie vers une production moins dispendieuse, permettent une large production et diffusion de la culture populaire. Les événements internationaux qu’il accueille, des Jeux Olympiques au protocole de Kyoto, participent à célébrer la grandeur de la nation japonaise. Déjà ouvert aux traditionnelles estampes, que Claude Monet collectionnait, et aux films d’Ozu et Kurosawa, l’Occident voit apparaître peu à peu les produits technologiques et culturels d’un nouveau Japon éblouissant.

LA CONSCIENCE NIPPONE

A Tokyô, le quartier de Shinjuku est bondé, de jour comme de nuit. Dans toute la ville, les grandes enseignes multinationales et les panneaux publicitaires jouxtent les fast-food, les bars et les grands restaurants. Dans la mégapole, si le costume-cravate est de rigueur en semaine, les couleurs s’animent le week-end. Kimonos

1969

Tentative de coup d’Etat par la milice de l’écrivain Yukio Mishima, d’origine paysanne et samouraï. Il dévoue son action à la restauration du pouvoir impérial traditionnel. Il se fera seppuku après un échec.

2008

La première chaîne japonaise d’information et de divertissement à vocation mondiale NHK-World voit le jour, 90% de ses programmes sont en anglais. Le Japon, contributeur actif et à volonté pacifiste du développement international, en manque de communication, entend désormais faire parler de lui, et se réapproprier sa culture.

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t yakuza sont responsables de près du tiers des créances irrécupérables. Dans la société même, « le lien familial a commencé à souffrir du manque de contact entre les générations, les gens se sont isolés de plus en plus dans trop de travail ou de divertissement », explique Atsué.

La culture d’entreprise repose sur la méritocratie / © DR

traditionnels et déguisements futuristes se croisent aux carrefours, dans le métro et les jardins. Les salariés sortant du bureau, se rendent dans les bars jusqu’à l’ivresse, et le karaoké continue de faire des adeptes depuis les années 1980. Le cosplay (pour costume play) des adolescents, qui arborent chevelures et vêtements fluorescents, traduisent l’influence des dessins actuels. Ils montrent surtout le succès d’une vision post-moderne très présente dans la culture populaire des anime, des mangas et des jeux vidéos, symboles du soft power japonais, massivement exporté.

Pour autant, le modernisme des grandes villes n’empêche pas au Japon de conserver des valeurs ancestrales. Le pays est aussi, dans les consciences, imprégné de valeurs imperturbables. Ainsi, selon Atsué, employée dans un quotidien japonais, il est inconcevable de critiquer l’Empereur dans les médias : « C’est presque impossible, c’est un symbole sacré qui n’a a priori aucun pouvoir politique ». L’héritage historique se ressent jusque dans les foyers, puisque « chaque maison, ou presque, possède un autel dans une salle réservée à la

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mémoire des défunts », explique Kaline, étudiante à Paris. Par ailleurs, les cérémonies shintoïstes traversent les rues des grandes villes, les geishas - qui sont passées de plusieurs milliers à quelques centaines entre 1980 et 2007 - enchantent encore le quartier de Gion à Kyoto. Les familles yakuza, qui ont longtemps servi les intérêts politiques et économiques du pays, en fournissant de la main d’œuvre aux entreprises, en nettoyant les quartiers dominés par la triade chinoise et la mafia coréenne, ou en tirant les ficelles de la politique locale, occupent aujourd’hui, et malgré les restrictions posées par la loi antigang de 1992, leurs bureaux d’associations déclarées, à Kobe, dans le Kansai, à Tokyô et ailleurs.

LE CULTE DE L’IDENTITÉ JAPONAISE

Il faut remonter au début des années 90 pour trouver les premiers symptômes du malaise social. La conjoncture économique entre 1991 et 2002 a révélé bon nombre de scandales financiers, impliquant politiques, financiers et groupes de pression. On estime en 1998, que les

De part et d’autre de la société, le culte de l’entreprise a peu à peu réduit l’identité japonaise à son système économique. Ainsi, des milliers de jeunes citoyens refusent de courber l’échine sous le poids d’une société séculaire, en adoptant le système à leur façon. Certains termes pour les définir sont ainsi entrés dans le vocabulaire courant. On peut d’abord citer les freeters, de jeunes diplômés qui choisissent d'occuper à vie des petits jobs sans grande responsabilité, afin de subir le moins de contraintes possibles. Il y a aussi les neet (not in education, employment or training), qui vivent au crochet de leurs parents. Les hikikomori, enfin, sont considérés comme des reclus, enfermés chez eux, ne communicant presque jamais avec l’extérieur. Ce caractère, qui touche environ 1% de la population, dévoile l’incapacité pour beaucoup d’aborder leur avenir sereinement, compte tenu de l’exigence sociale.

Aujourd’hui, pendant que les jeunes s’adonnent à « la mode folle de vendre des sous-vêtements sales ou de se prostituer au lycée », comme le révèle Atsué, les baby-boomers connaissent une recrudescence de la criminalité. Selon une étude nationale rapportée par Le Monde en décembre 2008, de plus en plus de vieillards se font volontairement incarcérer, faute de moyens, pour fuir leur solitude. La prison serait devenue un lieu sûr, où on sert trois repas par jour, où on peut travailler, et où le lien communautaire a encore le temps d’exister.

Arthur Zadvat



EUROPE

L’Europe oubliée Depuis 1999, le taux de participation aux élections européennes ne cesse de baisser. Les Français boudent-ils pour autant l’Europe ? L’Histoire a montré qu’un vrai débat de fond, comme en 2005 avec le référendum, pouvait mobiliser. A quatre mois des échéances, la plupart des partis français ont préféré présenter des têtes d’affiche plutôt que d’annoncer un programme électoral. Dominique Baudis (UMP), Jean-François Kahn (Modem), Harlem Désir (PS), Daniel Cohn-Bendit (Verts)… Les matches de personnalités pourraient bien faire oublier le principal : l’Europe.

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EUROPE

des europĂŠennes

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EUROPE

«

En Allemagne, député européen est un choix de carrière. On se fait élire pour trois mandats : le premier pour apprendre, le second pour être efficace, le troisième pour transmettre ». C’est ce qu’a l’habitude de dire Jean Quatremer, observateur de la politique européenne et correspondant de Libération à Bruxelles. En France, c’est tout l’inverse. Pour un candidat, un siège au Parlement européen, c’est surtout 28 000 euros par an, des structures et une équipe sous ses ordres pour asseoir ou renforcer sa présence dans l’Hexagone.

Si bien que dans chaque camp, on joue des coudes pour figurer en haut de la liste. Le Modem, qui a annoncé ses candidats le 8 février dernier, assume pleinement d’avoir fait le choix des personnalités. « Je suis contre le basisme », répondait alors François Bayrou à un militant qui s’interrogeait sur la faible présence de la base dans les listes. Résultat, certains candidats jugés plus compétents en matière européenne ont été distancés. C’est le cas d’Olivier Heno, le maire de Saint-André (59) : il a dû céder sa place en haut de la liste Nord à Corinne Lepage, ancienne Ministre de l’écologie. « C’est dramatique car on ne parle pas des sujets de fond.

C’est très grave et les grands partis politiques voient avant tout la logique électorale », s’indigne Alain Mourguy, président de l’UDG (Union des Gens) qui présentera 72 candidats dans les huit eurorégions.

Afin de redorer l’image de ces élections européennes, les députés UMP avaient modifié le mode de scrutin en 2003, en créant 8 circonscriptions régionales afin de rapprocher l’Europe des électeurs. « Aujourd’hui, ça ne veut plus rien dire. Il n’y a qu’à voir les têtes de listes des

Un mode de scrutin particulier

Habituellement marquées par une abstention record (57,3% en 2004), les élections européennes, en France, suivent un mode de scrutin complexe. Modifié en 2003, il n’offre que peu de places aux partis moins importants. La France est divisée en huit grandes régions disposant chacune d’un nombre de sièges déterminé par décret. Chaque électeur doit donc choisir une liste et non une seule personne, au suffrage universel direct, à la proportionnelle et lors d’un tour unique de vote. Cette année, avec six sièges de moins - 72 contre 78 en 2004 - il n’y aura guère plus de trois places « éligibles » par liste. Surtout que seules les listes obtenant un minimum de 5% des suffrages exprimés seront admises dans la répartition finale des députés. D’où l’avalanche de « noms » lancés par les principaux partis du pays, bien décidés à ne laisser que des miettes aux autres postulants.

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grands partis », explique-t-on au centre des journalistes européens. Ainsi, Michel Barnier se retrouve à conduire une liste en Île-deFrance, alors qu’il a bâti toute sa carrière politique en Savoie, département qu’il a dirigé pendant 17 ans.

TÊTES DE LISTE OU TÊTES D’AFFICHE ?

Autre incohérence, la correction infligée à Alain Lamassoure (UMP), considéré comme le penseur du traité simplifié de Lisbonne mais aussi comme l’un des meilleurs eurodéputés français. Il voulait se représenter dans sa région du Sud-Ouest. Il n’en sera rien. Le médiatique Dominique Baudis, ancien maire de Toulouse et proche de Sarkozy, lui a été préféré. Catherine Pégard, la conseillère du président de la République a d’ailleurs utilisé les termes de « locomotive électorale », en parlant de l’ancien président du CSA. « Être une locomotive électorale et faire un boulot suivi au Parlement européen, ce n'est pas le même genre de beauté », relève amèrement Alain Lamassoure.


EUROPE © DR

Au début, il était question qu’il figure à la troisième ou quatrième place. Finalement, il ne sera même pas éligible.

Au Modem, le constat est le même. Les têtes de liste préétablies ont laissé leurs places aux personnalités proches de François Bayrou. Le journaliste Jean-François Kahn se présentera dans l’Est, l’ancien vert, JeanLuc Bennahmias conduira une liste dans le Sud-Est, et Rober Rochefort, le directeur du Credoc (Centre de recherche sur les conditions de vie), se lancera dans la politique dans le SudOuest.

Si les stratégies de l’UMP et du Modem sont essentiellement basées sur le facteur de notoriété, celle du Parti Socialiste (PS) tarde vraiment à se dévoiler. Le parti de la rose n’annoncera ses listes de candidatures que le 28 février. Martine Roure, Vice-Présidente du Parlement Européen socialiste, explique : « Martine Aubry veut des élus qui s'engagent vraiment. C'est ainsi que les désignations se feront ». Pour s’assurer de la réelle volonté des candidats lors de ce

suffrage européen, la nouvelle première secrétaire a d’ailleurs mis en place une « charte ».

PRISES DE BEC

La parité, la diversité, le noncumul des mandats ainsi que la nouveauté - chaque liste socialiste devra comporter au moins une nouvelle figure à une place éligible - seront autant de mots d’ordre. Les listes devront également refléter, à la proportionnelle, les résultats des scores des motions du Congrès de Reims. Un point, immédiatement repris par les partisans de Ségolène Royal, qui fait déjà débat. Martine Aubry a d’ailleurs entrepris de nuancer cette position trop catégorique à son goût. Martine Roure reprend la version officielle : « La proportionnelle n'est pas à ignorer mais l'intelligence collective existe et si un député sortant était excellent, je ne crois pas qu'il soit évacué pour placer un nouveau d'un courant qui doit absolument être représenté ». Pourtant Vincent Peillon, actuel eurodéputé et candidat à la tête de liste Nord-

Les extrêmes

Le Front #ational se déchire dans le #ord Nouvelle à la tête du parti frontiste, Marine Le Pen voit déjà son leadership vaciller. En préférant se présenter dans la région Nord-Ouest et ainsi éviter une probable déroute en Ile de France face à des candidats très populaires, la fille de l’ancien leader a provoqué le courroux de Carl Lang, actuel eurodéputé de la circonscription. Si ce membre historique ne souhaite pas quitter le parti, la rupture semble bel et bien consommée puisqu’il présentait, jeudi 13 novembre, sa propre liste dans la région, créée sans l’appui du parti.

Le #PA pourrait y aller seul A quatre mois des élections, le NPA hésite encore à s’allier avec le PCF, le PG et la L.O, pour mener « un front de gauche ». Olivier Besancenot requiert une union durable, se poursuivant au-delà de l’échéance européenne afin, notamment, de garantir une totale indépendance vis-à-vis du Parti Socialiste. Concernant une possible candidature du postier, l’intéressé rétorque : « Ce n’est pas d’actualité. Après les discussions sur notre orientation, je verrai où je suis le plus utile ». Un sondage, commandé par le PG, crédite un éventuel « front commun » de 14,5 %. Ouest, l’affirmait dès le 3 février sur LCI : « Il nous en faut effectivement, en fonction des listes, un tiers (des places éligibles) ».

En d’autres termes, les négociations entre la minorité, les « Royalistes », et la majorité, partisans de Martine Aubry et de Bertrand Delanoë, continuent. Et 41


EUROPE Taux de participation aux élections européennes :

60,7% (1979) ; 56,7% (1984) ; 48,7% (1989) ; 52,7% (1994) ; 46,8% (1999) ; 43,1% (2004)

l’eurodéputé est d’ailleurs en première ligne. Elu du NordOuest, Vincent Peillon devrait voir Gilles Pargneaux, premier secrétaire fédéral du Nord et surtout proche de Martine Aubry, lui chiper la tête de liste. Le PS pensait lui trouver une planche de salut dans la région Sud-Est, mais Patrick Menucci, un autre partisan de Ségolène Royal, s’y est opposé. Un vrai casse-tête qui semble bien se répéter ailleurs en France. Ainsi dans la région Ouest, un autre choix devra s’effectuer entre le « Royaliste » Jean-Pierre Mignard et Stéphane Le Foll, ancien directeur de cabinet de

Ile-de-France

François Hollande. Seule l’Île de France possède d’ores et déjà sa tête de liste. Harlem Désir, proche du Maire de Paris et ancien président de SOS Racisme, semble assuré du poste.

LES VERTS Y CROIENT

A un peu plus de deux semaines de la date butoir, c’est mince et personne n’a encore émis… le début d’un programme. S’il veut éviter une nouvelle illustration de sa division et limiter la casse par rapport à son excellent score de 2004 (28% soit 31 sièges), le PS doit enfin se montrer efficace.

Dans les urnes, le PS pourrait pâtir de la concurrence écologiste. Portés par un leader médiatique de circonstance (dans l’optique du rassemblement EuropeEcologie), Daniel Cohn-Bendit, les Verts sont confiants. « %ous espérons dépasser le score de 1999 (9,75%) », clame ainsi le porte-parole, Alain Lipietz. Le parti écologiste voit ces élections européennes comme un rendezvous prépondérant pour replacer les problèmes environnementaux au centre du débat politique : « Depuis la présidentielle de 2007, nous luttons contre l’opinion de %icolas Hulot selon laquelle l’écologie n’a pas sa place en politique, continue l’ac-

Les têtes de liste

Michel Barnier (UMP), Harlem Désir ou Benoît Hamon (PS), Marielle de Sarnez (Modem), Daniel Cohn-Bendit (Verts)

Est

Joseph Daul (UMP), Jean-François Kahn (Modem)

Sud-Est

Françoise Grossetête (UMP), Patrick Mennucci ou Vincent Peillon (PS), Jean-Luc Bennahmias (Modem)

Centre

Jean-Pierre Audy (UMP), André Laignel ou Laurent Baumel (PS), Jean-Marie Beaupuy (Modem)

Sud-Ouest

Dominique Baudis (UMP), Robert Rochefort (Modem)

Ouest

Christophe Déchu (UMP), Jean-Pierre Mignard ou Stéphane Le Foll (PS), Sylvie Goulard (Modem)

#ord-Ouest

Dominique Riquet (UMP), Vincent Peillon ou Gilles Pargneaux ou Henri Weber (PS), Corinne Lepage (Modem) (3) : nombre de sièges par Eurorégion

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Outre-Mer

Margie Sudre (UMP), non désigné (Modem - PS)


EUROPE tuel eurodéputé, l’échec du Grenelle qui n’a abouti sur rien, nous pousse à vouloir être beaucoup plus présents ». Pour y parvenir, les Verts compteront sur quelques « stars », comme José Bové dans le Sud-Ouest, et sur un panel de candidats élargi à « tous ceux qui incarnent l’écologie ».

Chaque liste accueille ainsi bon nombre de personnalités issues de la société civile. Et pour bien se différencier des autres partis, les Verts, eux, possèdent même un programme : « %ous proposons un %ew Deal vert, explique Alain Lipietz. Face à la crise économique, nous proposons un

plan basé sur la reconquête de la durabilité. Sur une économie plus saine et durable… ». Reste à savoir si le fait d’avoir un programme séduira des Français qui, depuis 1999, boudent massivement les élections européennes.

Antoine Ginekis & William Molinié

» L’Europe est considérée comme un dépotoir »

Sara Pini est spécialiste des politiques européennes et chargée de recherche à la Fondation pour l’innovation politique. Diplômée de Sciences-Po, elle regrette que les élections européennes soient reléguées au rôle de second ordre par les politiques français. Pire, que certains eurodéputés désertent Bruxelles.

Comment expliquez-vous qu’à quatre mois des élections européennes, les grands partis français n’aient toujours pas l’ébauche d’un programme à présenter ? C’est une question de mentalité politique. Le problème, c’est que les élections européennes sont considérées comme des élections de second ordre. Non seulement par les électeurs mais aussi par les partis. En France, ce n’est pas forcément ceux qui ont envie de s’engager au niveau européen qui sont placés en tête de liste. On se plaint souvent que les députés allemands sont plus influents que nos eurodéputés à Bruxelles. Mais c’est logique. Eux y sont toute la semaine et pas deux jours. Surtout, ils y vont avec des jeunes parlementaires dynamiques. Alors que nous, on a plutôt tendance à envoyer ceux qu’on ne veut plus au gouvernement ou ceux qui n’ont pas réussi à se faire élire. L’Europe est considérée un peu comme le dépotoir. C’est soit la mise au placard, soit l’endroit où se ranger en attendant de revenir.

Comment redonner de l’intérêt à l’Europe ? En créant un duel politique. La politique doit être une confrontation. Elle intéresse seulement quand on peut mettre un visage sur une idée et un autre sur une autre idée. Ce qui compte, c’est l’engagement, le duel, la confrontation. Une élection, ça se prépare un an à l’avance. A quatre mois de

l’échéance, on ne peut pas dire que la campagne ait commencée. Ils sont en train de décider qui va participer. Ca doit se préparer dans le temps et ça se nourrit petit à petit. Déjà, uniquement afin que la population soit au courant de la tenue d’élections. Selon l’eurobaromètre d’avril 2008, 75% des Européens ne savaient pas qu’il y avait des élections cette année. C’est dramatique !

La France passera de 78 à 74 sièges au Parlement européen. Les eurosceptiques ont peur que la France ne perde à terme son influence… Il y a un marchandage du nombre de sièges de députés européens parce qu’on continue de penser qu’un eurodéputé, c’est avant tout un député de son pays. Il est logique qu’il ait une certaine sensibilité mais il n’est pas là pour défendre les intérêts du pays. Sinon, on ne siègerait pas par partis européens. On siègerait par nations. Tant qu’il n’y aura pas cet affrontement entre des idées et non pas entre des pays, ça va être très difficile de faire des élections européennes un enjeu véritable. Au Parlement européen, il faut représenter des idées et des familles politiques. Le reflexe français consiste à voir la politique européenne comme une politique de puissance entre grands pays. Mais l’Europe, c’est une union à 27 où chacun a la même dignité.

Propos recueillis par William Molinié

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POLITIQUE

x

NPA, le fact eur X

© Réflexe

En gestation depuis l’été 2007, le Nouveau Parti Anticapitaliste a été officiellement lancé le 8 février dernier, à la Plaine Saint-Denis. Au terme d’une révolution copernicienne à l’extrême-gauche, le nouveau parti entend bien s’appuyer sur la personnalité d’Olivier Besancenot pour exister sur l’échiquier politique.

J

eudi 5 février 2009, La Plaine-Saint-Denis. Si elle n’était pas sur le point d’être dissoute, la LCR préparerait les festivités de son 40ème anniversaire. La Ligue, créée dans le sillage de mai 68, cède la place au NPA, voulu de longue date par Olivier Besancenot.

Henri Pascal, est « un ancien » de la LCR. Actif depuis le tout début, il a été l’un de ses délégués permanents. Il l’a ensuite quittée « un peu fatigué », avant de la retrouver, en 2007. L’élément déclencheur ? « L’élection de 44

%icolas Sarkozy. Un bon recruteur, celui-là, vous savez ». Ce sociologue à la retraite est lucide : la cohabitation entre les militants de la LCR, les Français syndiqués et les novices de l’engagement politique est l’un des défis du NPA. Son ami de longue date, Bernard Knockaert, est ravi : « Ce parti, c’est l’ouverture dont je rêvais depuis longtemps ». Ce ressortissant belge, d’une soixantaine d’années, est installé en France depuis huit ans. Il a participé à la fondation de la Ligue Révolutionnaire des Travailleurs, l’équivalent de la LCR en Belgique. Lassé de se battre seul,

trop longtemps bercé aux illusions du Grand Soir, le militant voit dans le NPA « un projet plus souple, qui ne craint pas d’évacuer son vieux trotskisme ».

RUPTURE AVEC LA LIGUE

Pour autant, si ce nouveau parti se veut plus ouvert que son ancêtre, pas question, cependant, de faire des concessions idéologiques. Emilien et Eléonore, deux jeunes militants, se félicitent que le Nouveau Parti Anticapitaliste représente « un levier beaucoup plus prometteur, puisque adapté à


x

POLITIQUE

Les chiffres clés

A ce jour, le Nouveau Parti Anticapitaliste revendique 9 123 adhérents (et 11 677 souscripteurs à sa newsletter). Un chiffre qui multiplie d’ores et déjà par trois le nombre de membres de la Ligue Communiste Révolutionnaire. Le NPA est implanté dans chacun des départements français, et compte 467 comités. Les plus importants sont ceux de Paris, de la HauteGaronne, de la Gironde et des Bouches-du-Rhône. Obtenir la parité homme/femme est l’un des défis du parti, puisque celui-ci ne recense pour l’instant que 35% de femmes. Par ailleurs, la moitié des adhérents sont des salariés du privé.

notre époque ». Néanmoins, ces deux ex-LCR lyonnais le reconnaissent : ils ont fait le déplacement pour s’assurer que le projet part sur « des bases claires ». Autrement dit, que la révolution est toujours d’actualité.

Pas de reniements donc, même si une vraie rupture avec la Ligue est revendiquée. Premier point de clivage, le NPA ne sera pas la section française de la IVe Internationale. Un coup de grisou que vient pondérer cette militante, libraire du congrès le temps du week-end : « Les classiques de Marx et Lafargue sont toujours les ouvrages les plus plébiscités ».

Les militants ont procédé au vote des différents amendements / © Réflexe

Aujourd’hui, la priorité est d’être anticapitaliste, une terminologie fédératrice. Tant et si bien que le nom du parti, au départ provisoire, a été entériné par le vote des militants. Pour 50 petites voix, il ne s’appellera pas le Parti Anticapitaliste Révolutionnaire. On s’attarde ici, simplement sur la forme, prévient Olivier Besancenot : « Il s’agit juste d’un nom qui reflète mieux, dorénavant, notre identité : une vraie rupture avec le capitalisme ». Et d’ajouter, que « le %PA rassemble plus […] pour mener à bien la transformation révolutionnaire de la société ».

« LA STAR ARRIVE »

Au premier jour du congrès, l’ancien porte-parole de la LCR doit intervenir à 11h. Il a quelques minutes de retard : « Les postiers des Hauts-de-Seine sont en grève reconductible depuis mi-janvier. Olivier Besancenot est actuellement en pleine assemblée générale », précise-t-on au micro. Il fait son entrée une demi-heure plus tard, et le « camarade » guadeloupéen qui

Quelques points du programme

Lors du congrès, Olivier Besancenot a notamment parlé des « trois piliers du parti » : « Que la majorité de la population puisse se répartir égalitairement les richesses, qu’elle les contrôle, et qu’elle se les approprie ». Son souhait, « participer à la création d’un troisième modèle ». En somme, « inverser la tendance actuelle, où la minorité des individus décide pour la majorité de la population, décentraliser le pouvoir ». Quelques exemple du « plan de mesure d’urgence » : - augmenter les revenus de 300 euros nets par mois - développer le service public - établir l’égalité des droits entre les hommes et les femmes et entre Français et immigrés.

parle de la grève sans précèdent que connaît son île, doit s’interrompre : « La star arrive », lâchet-il dans un sourire. Effectivement, les flashs et caméras n’en ont plus que pour l’ex-candidat aux présidentielles de 2002 et 2007.

« PASSER DE BESANCENOT AUX IDÉES »

Par précaution, l’intéressé anticipe les critiques et balaie d’un revers de main les risques de personnalisation : « %ous ne tomberons pas dans ce piège, le %PA n’est pas et ne sera pas le parti d’Olivier Besancenot. D’ailleurs bientôt, à partir du 7 mars prochain, nous définirons les porte-paroles du parti, et il y en aura plusieurs. %otre projet aura différents visages ». De son côté, Henri Pascal a bien conscience que Besancenot a largement contribué à sortir la LCR du tunnel, à la fin des années 90 : « Il est très fédérateur et reflète parfaitement le nouveau contexte dans lequel nous vivons. Reste à passer de Besancenot aux idées », estime l’ancien sociologue, à l’adresse des nouvelles recrues séduites par le charisme du leader. Dans ces conditions, Besancenot est-il un point d’accroche ou un danger pour le NPA ? Le discours du facteur est sans ambages : « Je suis plus que jamais révolutionnaire, et quand je vois la situation actuelle, je pense que nous avons 40 fois plus de raisons d’être révoltés aujourd’hui qu’en mai 68 ». Bernard Knockaert entendra encore parler du Grand Soir pendant quelque temps.

Barbara Huet

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ECONOMIE

Should I stay or should I go *

Les turbulences traversées par les banques poussent de plus en plus d’expatriés à rentrer en France. Les premières séquelles d’un modèle britannique à bout de souffle.

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ECONOMIE

L

ondres n’est plus l’eldorado des Français et, à l’image du livre du journaliste Jacques Monin, « Le naufrage britannique », le temps est plutôt à la tempête. Fini le faste des années Blair, celui du boom économique, du plein emploi et des salaires avantageux, la question fatidique commence à se poser du bout des lèvres : fautil quitter la Perfide Albion ?

DE NOUVEAUX ELDORADOS ?

Exode massif ou simple retour au bercail des déçus de la flexisécurité, le nombre de 50 000 départs a été évoqué en début d’année par les médias. Une annonce qui ne permet pas pour autant de dégager une tendance, tant les chiffres officiels sont à prendre avec des pincettes. Alors que les procédures d’immigrations ont été simplifiées, il est toujours facultatif de s’inscrire sur les listes consulaires, ce qui rend le comptage du nombre de Français en Angleterre aléatoire. Un flou généralisé bien différent de l’Asie ou de l’Amérique du sud, où le choc culturel et le faible nombre de Français poussent les expatriés à prendre le maximum de précautions. « En janvier 2009, 108 529 Français, dont les deux tiers vivent à Londres, sont inscrits au consulat, soit 1000 de plus que l’année dernière », annonce Bertrand Cochery, le consul général de France à Londres. Mais au total, près de 200 000 « Frenchies » vivraient dans la capitale britannique…

Pour Katy Creswick, directrice du Centre Charles Péguy, chargée de trouver un travail et un logement aux jeunes Français migrant à Londres, « c’est devenu beaucoup moins facile qu’il y à cinq ou six ans. D’ailleurs, à cette époque, les Polonais venus travailler en nombre dans le secteur de la construction sont repartis massivement. Depuis octobre, ils seraient 50 000 à être

rentrés au pays. » A l’heure actuelle, et malgré les prévisions pessimistes, il est encore trop tôt pour évoquer un départ massif des Français : « Il faut vraiment être désespéré pour partir avant la fin de l’année scolaire, lorsqu’on a des enfants. En juin, les choses seront plus claires et on verra alors s’il s’agit de départs massifs », prévoit Rémy, trader à Londres. Des prévisions qui semblent confirmées par la nature même des expatriés français, constitués d’un très grand nombre d’étudiants partis perfectionner leur anglais dans la capitale britannique, pour seulement un an ou deux. Une réalité que confirme Jacques Monin, correspondant de Radio-France à Londres : « Il y a cette espèce de culte de la flexibilité dans le travail qui attire les jeunes. Pour les Français issus de l’immigration, on ne regarde pas la couleur de votre peau ou de celle de votre enfant, et on ne vous juge pas que sur vos diplômes. Il y a aussi une autre réalité avec deux types de population : d’un côté les adultes doivent absolument trouver un bon travail et de l’autre les jeunes sont presque toujours obligés de vivre en colocation. » Pour trouver des éléments d’explication à la désertion des « francolondoniens », il faut se rendre à la

City. Il y a encore quelques mois, le poumon perforé de la finance mondiale accueillait près de 60 000 employés originaires de l’Hexagone. La faillite de Lehman Brothers et les fusions en urgence d’établissements bancaires au bord du dépôt de bilan ont depuis enclenché un mouvement de licenciements et de relocalisations. « La chute de l’activité financière et l’aversion des clients pour le risque fait que nous nous retrouvons dans une position d’attente. J’ai toujours mon job, mais je suis sur un siège éjectable », s’inquiète Sébastien, structureur dans une banque anglaise de la City. Comme d’autres cols blancs hautement spécialisés, il redoute une vague de licenciements comparable à celle qui a frappé la banque en décembre. « Si je dois faire la même chose qu’en France pour le même salaire, autant y retourner », ajoute Sébastien.

LA CHUTE D'UN MODÈLE

Si les « expats » subissent de plein fouet une récession qui commence à dire son nom, cette nouvelle réalité est encore plus difficile à appréhender pour les Britanniques. Après quinze ans de croissance ininterrompue, une économie proche du plein

Le pouvoir d’achat en berne force les Britanniques à limiter leurs dépenses / © Réflexe

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ECONOMIE

Conséquence des difficultés du marché anglais, de nombreux magasins sont obligés de fermer dans tout le pays / © Réflexe

emploi, la prolifération du nombre de millionnaires, l’explosion du marché de l'immobilier et l'accession de Londres au rang de capitale mondiale de la finance, la chute pourrait être tout aussi brutale. Et les sujets de sa Majesté de réapprendre à vivre avec le vocabulaire de la dépression, « chômage » et « crise » ne sont plus des mots anodins et réservés aux voisins d’outremanche.

UNE MULTIPLICATION DES PLANS DE RELANCE

Depuis plusieurs semaines, les médias multiplient les conseils pour consommer malin et faire des économies. Pour trouver les prémices de cette chute annoncée, il faut remonter à septembre 2007, quand la Northern Rock avait tutoyé l’abîme et frôlé la faillite. Depuis, le tableau ne cesse de s’assombrir, et les ménages doivent régler une facture impayée pendant des années. Alors que la croissance s’est réduite comme peau de chagrin, à 1% en 2008 (contre 3,1% en 2007), l'annonce de 600 000 suppressions d'emplois n’a fait 48

qu’entériner les prévisions les plus pessimistes. Sur le dernier trimestre 2008, le nombre de faillites d’entreprises a augmenté de 125%. Quant aux 12 millions de propriétaires anglais, avec la chute brutale des prix de l’immobilier (qui avaient triplé entre 1997 et 2007) ils subissent une forte dévaluation de leurs biens.

Comme le reconnaissait le Premier ministre Gordon Brown en janvier, « le problème essentiel, c’est que le crédit redémarre ». Après avoir injecté 37 m i l l i a r d s de livres (41 milliards d'euros) dans les banques en octobre dernier, un second « plan Brown » a été mis en place afin de garantir les milliards de livres d’actifs bancaires « risqués ». Un effort qui n'a pu empêcher l'effondrement de la Royal Bank of Scotland le 19 janvier dernier, après une chute de 66% de ses actions. Parallèlement, la Banque d'Angleterre a baissé le 5 février son taux directeur d'un demipoint pour atteindre 1%, le chiffre le plus bas depuis la création de l'institution britannique, il y a près de trois siècles. Malgré tout, les autorités monétaires planchent sur une

nouvelle baisse, afin de pousser les ménages à consommer et à investir davantage, un signal probablement insuffisant. Selon les prévisions du Fonds Monétaire International, le produit intérieur brut (PIB) britannique risque de se contracter de 2,8% cette année. Le FMI rappelle par ailleurs que « les plans de relance financés par les Etats doivent être conçus comme des dispositifs temporaires ».

DOPÉE AU CRÉDIT, L’ÉCONOMIE S’EFFONDRE

Une tendance confirmée par l'Institut d'études sur les finances publiques, qui prévoit un doublement de la dette du Royaume-Uni entre 2000 et 2012, date à laquelle elle représentera 60 % du PIB. Dopée au crédit, l’économie britannique est aujourd’hui vouée aux gémonies, après avoir été vantée pendant les deux dernières décennies. La prospérité trompeuse des marchés immobiliers et financiers a fait place à un amas de dettes, que la livre sterling mettra des années à déblayer.

Quentin Weinsanto


ECONOMIE

» La Grande-Bretagne était un p ays dopé » Jacques Monin, envoyé spécial permanent à Londres pour Radio-France, a écrit Le naufrage britannique publié aux éditions La Table Ronde. Un livre qui décrit la chute du modèle britannique bien avant la crise actuelle. Quelles sont les différences notables entre la France et l’Angleterre ? Nous avons une vision différente des choses. En France, avant de prendre une décision, on regarde si elle est conforme à nos principes avant de mesurer son efficacité. En Grande-Bretagne, c’est l’inverse, les principes s’amendent plus que les textes. Il y a quelques exemples très simples outre-Manche, tels que l’utilisation, dans une vingtaine de communes, de détecteurs de mensonge afin de vérifier si les allocataires au logement ne trichent pas pour les obtenir. L’argument c’est de se dire qu’à partir du moment où cela nous fait économiser de l’argent, pourquoi ne pas se permettre d’utiliser un moyen qui nous évite la triche et la fraude ? En France, on voit immédiatement dans cet appareil la connotation péjorative qu’il a, c'est-à-dire qu’il soit utilisé essentiellement pour les criminels, et donc que l’on traite l’allocataire comme un suspect… Cette mesure devient ainsi moralement inacceptable. D’où vient cette fascination pour le modèle anglais ? Quand Nicolas Sarkozy est venu à Westminster, il a clairement dit dans son discours : « Ce que vous avez fait durant ces 20 dernières années est formidable et nous devons nous en inspirer. » Mais

le Président faisait essentiellement référence au côté économique et politique de la GrandeBretagne. En fait, ce pays a essentiellement deux grandes leçons à nous donner: la diversité et la transparence politique. Ici, les institutions font que le Premier Ministre rend des comptes, qu’il est bousculé par l’opposition, elle-même beaucoup plus visible qu’en France. Pour le reste, Nicolas Sarkozy pensait effectivement que le modèle économique anglais aurait pu nous être profitable, car il est vrai que pendant 10 ans la Grande Bretagne affichait une croissance affolante, tout en étant proche du plein emploi. Cela faisait envie aux autres pays européens, et certaines élites françaises pensaient qu’il y aurait un certain nombre d’idées qui auraient pu être profitable à la France.

Comment les Anglais vivent-ils la crise aujourd’hui ? Ils tombent de haut. En 2006, tout était formidable : le taux de chômage était de 5%, c’était la course au business et à l’emploi, l’argent coulait à flots. Depuis novembre, le vent à tourné, comme en témoignent les 600 000 suppressions d’emplois prévues cette année. Si elles se confirment, le pays comptera quasiment autant de chômeurs qu’en France. Durant plus de 10 ans, la Grande-Bretagne a

fonctionné comme un pays dopé, le produit s’appelant le crédit. Il a mis à genoux le système bancaire, et les ménages sont pris à la gorge avec un taux de surendettement de 174% du revenu intérieur brut. Fin 2008, 45 000 maisons ont été saisies, deux fois plus qu’en 2007, et 75 000 sont redoutées en 2009. Aujourd’hui on trouve des conseils pour dépenser moins, la consommation diminue, des magasins ferment. 27 enseignes risquent de fermer chez Marks & Spencer, Nissan annonce la suppression de 12 000 emplois, tout le monde doit apprendre à vivre avec un sentiment oublié, le doute.

Dans Le naufrage britannique, vous affirmez que le pays n’a pas attendu la crise pour prendre l’eau… Oui, car le niveau d’endettement des ménages britanniques était bien connu avant la crise. Il y a un modèle économique qui s’effondre et qui montre que, finalement, la Grande-Bretagne n’était pas le bon élève que l’on croyait. C’est une société qui connaît des problèmes d’alcoolisme pandémiques, la jeunesse est en perte de repères, l’obésité devient problématique, l’argent a investi le milieu du football à des niveaux faramineux.

Propos recueillis par Quentin Weinsanto

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ECONOMIE

» Un Etat inconscient

»

Jacques Généreux analyse pour Réflexe le plan de soutien à l’industrie automobile annoncé par Nicolas Sarkozy. Cet économiste keynésien, ancien membre du PS aujourd’hui rallié au Parti de Gauche, constate le manque de moyens accordés aux entreprises et déplore la vision à court terme de l’Etat.

Que pensez vous du prêt de six milliards que vient d’accorder l’Etat à l’industrie automobile ? L’automobile représente 10% des emplois en France, on ne peut laisser tomber ce secteur en temps de crise. Le gouvernement a une vision à court terme et propose une mesure qui évite seulement la cessation de paiement pour l’entreprise. Mais cela ne permet pas de maintenir l’emploi. On est face à un Etat inconscient. Le Président réagit à grand renfort de communication car l’Etat est surpris lui-même du retournement d’un système auquel il croyait sans réserve.

Malgré un plan d’aide massif au secteur bancaire, destiné à soutenir le crédit, on se rend compte que les industries en difficultés doivent recourir à l’aide de l’Etat. A quoi sert l’argent donné aux banques ? Le gouvernement est dépassé. On a sauvé le marché monétaire et fait croire que grâce à cela les banques allaient de nouveau prêter aux entreprises. Or, beaucoup de sociétés ne trouvent pas de crédits, notamment les PME. Les banques sont confrontées à l’avenir incertain des entreprises, et l’Etat propose un plan de relance ridicule qui atteint à peine les 0,5% du PIB de 2009. La crise actuelle aurait mérité au moins 5%. La solution serait de mettre en place un système de garantie publique aux PME, qui donnerait une sorte d’assurance aux banques.

Votre confrère Bernard Maris affirme qu’injecter des milliards dans l’automobile revient à jeter l’argent par les fenêtres, ce secteur de l’industrie occidentale étant condamné à ses yeux. Partagez-vous cette analyse ? Il faut distinguer le court terme du long terme. Devant le risque des cessations de paiement, l’Etat devait parer au plus pressé. Mais les perspectives du secteur automobiles sont mauvaises, puisque les marchés en croissance se trouvent dans les pays émergents, en Inde par exemple (à travers l’exemple de Tata, NDLR). Il faut maintenant investir dans les transports collectifs et les énergies 50

Une chaîne de production dans le sud de la France / © DR

nouvelles. Il faut entamer une reconversion des emplois avec la création de nouveaux secteurs de production, comme le recyclage ou la recherche pour les énergies nouvelles. Malheureusement le gouvernement reste bloqué dans une logique ultralibérale et ne veut pas dépenser un sou de plus. Surtout pas dans une reconversion industrielle et écologique qui serait pourtant un investissement sur le long terme.

Le gouvernement a annoncé que le prêt au secteur automobile se ferait sous conditions. Parmi elles, l’interdiction de délocaliser la production et ne pas licencier dans l’Hexagone. Dans ce contexte, comment doit-on appréhender l’annonce d’un « plan social » chez PSA ? On se moque du monde. Si 11 000 personnes avaient eu projet de partir, elles l’auraient fait. Ce sont évidemment des licenciements déguisés en départs volontaires, ce qui permet de respecter l’engagement. Cela montre le mensonge et le manque de compréhension du gouvernement. Les fonds dégagés permettront à Renault et PSA de tenir 9 mois, tout au plus. Ces entreprises vont devoir trouver plus pour les besoins de la trésorerie.

Propos recueillis par Anne Laure Falgayrettes et Alexandre Bellity


ECONOMIE

La résurrection de Keynes

L

a crise économique qui frappe actuellement la planète est, de l'avis des analystes, d'une puissance au moins égale à la grande crise des années 30. En 1929 déjà, c'est l'effondrement des marchés financiers aux EtatsUnis qui avait plongé l'économie réelle dans le chaos. La thèse alors défendue par l'économiste anglais John Maynard Keynes, selon laquelle l'endettement de l'Etat est un bon outil pour relancer la machine économique, est privilégiée par Roosevelt pour sortir son pays de la crise. C'est en 1933 que le président américain lancera son « New Deal », politique visant à soutenir l'économie par un investissement massif de l'Etat fédéral. Aide à l'emploi des chômeurs, augmentation du pouvoir d'achat, politique des grands travaux, l'administration démocrate d'alors n'hésite pas à creuser le déficit pour relancer

Le new deal memorial / © DR

l'économie. Roosevelt ira même jusqu'à mettre en place l'embryon d'un État providence au Etats-Unis. Selon Keynes, l'effort consenti par l'Etat est, a terme, largement compensé par la hausse des revenus fiscaux. Le « New Deal » sera un succès, qui inspirera les plupart des politiques économiques occidentales jusqu'à la fin des Trente Glorieuses. C’est le premier krach pétrolier qui entrainera un désamour des gouvernants pour les politiques keynésiennes, au profit de thèses néolibérales qui renvoient peu à peu l'Etat à ses fonctions régaliennes. L'ampleur de la crise actuelle force maintenant les gouvernements des pays les plus riches à revoir leur copie. L’Union Européenne, la Chine et les Etats-Unis ont tour à tour annoncé un plan de relance pour soutenir leurs économies.

D'inspiration keynésienne, ces mesures sont malheureusement hétérogènes selon les pays. Si les Etats-Unis semblent avoir pris la mesure de la tâche, le plan annoncé pour la France par Nicolas Sarkozy semble bien trop faible pour répondre à l'ampleur de la crise. Pourtant privilégiées par les gouvernements français depuis 25 ans, poussées en cela par les règles communautaires européennes, les politiques libérales n'ont jamais été en mesure de réduire la dette de l'Etat. En progression constante depuis 1981, celle-ci atteint aujourd'hui près de 1500 milliards d'euros. Nicolas Sarkozy avait promis pendant sa campagne qu'il ferait son possible pour réduire ce déficit abyssal. Une promesse qui limite drastiquement les marges de manœuvres du gouvernement.

Alexandre Bellity

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SOCIETE

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A poil la censure +

Parfois, elle rallonge les robes, à d'autres, elle rabote les poitrines. Par moments plus énervée, c'est un magazine qui doit rester à l'imprimerie. La censure et la bande dessinée érotique sont les meilleures ennemies du monde, elles se croisent et s'évitent mieux que personne. C'est bien connu, jusque dans les années 70, il ne fallait pas trop regarder vers le bas, par peur du Très Haut. A chaque époque sa censure. Même aujourd'hui, la BD érotique ne circule que dans certains cercles d'amateurs. Petit cours d'histoire sur un chassé-croisé permanent. DES ANNÉES 10 AUX ANNÉES 30 : LA BD ÉROTIQUE EST TIMIDE

États-Unis, et se refilent sous le manteau ou dans certains cercles huppés. Mais pourquoi ? La loi française du 16 juillet 1949 est passée par là. En substance, elle servira à réprimer tout écrit contraire aux bonnes mœurs, et considère la bande dessinée comme un sous-genre littéraire exclusivement réservé aux enfants. Quelques tentatives très timides apparaîtront dans les pages du quotidien France Soir, avec les bandes verticales « les Amours célèbres ». C'est l’époque des « eightpagers » américains (fréquemment nommés « Tijuana Bibles » car ils étaient distribués à l'origine aux gentils touristes américains du nord du Mexique). Ils mettent en scène des « stars » du genre, telles que Mickey Mouse ou Popeye, en plein effort avec leurs dulcinées respectives. Shocking !

Dessin extrait de Frou-Frou / © DR

Pendant près de 20 ans, c'est la bande dessinée polissonne qui l'emporte sur le reste. Nouvelles et illustrations restent prudentes, quelques épaules se dévoilent, quelques cuisses s’exhibent. Dans ce climat charmant, les principales courroies de transmission se nomment Paris Plaisirs, Vie de garnison, Frou-Frou, ou encore Sans Gêne. La répression est ainsi contournée grâce aux précautions des auteurs, qui donnent plus dans l'autocensure, à la fois en retenant leurs coups de crayons et en employant des pseudonymes.

LES ANNÉES 50 : LE CONTRECOUP DE LA LOI DE 1949

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En France, c'est rien du tout. L’immense majorité des productions dessinées et dénudées arrivent des


n LES ANNÉES 60 : LA RÉVOLUTION BARBARELLA

En 1962, le trimestriel V Magazine voit le jour et réveille le genre. Dans la foulée, on assiste à l’apparition de la mythique Barbarella de Jean-Claude Forest, qui apparaît ponctuellement dans un magazine faiblement distribué. Mais la révolution du genre a bel et bien lieu en 1964. L'album Barbarella sort cette année là, aux éditions Eric Losfeld (qui publiait aussi Vian et Ionesco). C'est la première bande dessinée franco-française exclusivement réservée aux adultes, où la belle bourlingue à travers différentes planètes et découvre « l’orgasmotron », également appelé « machine excessive ». Encore une fois, la censure s'exerce, mais elle perd du terrain : Barbarella mettra quatre ans (entre 1964 et 1968) à remettre ses sous-vêtements. Le mal est fait.

SOCIETE

LES ANNÉES 70 : CHARLIE MENSUEL, ELVIFRANCE ET GISCARD

Dans le sillage de la révolution sexuelle, c’est au tour de Charlie Mensuel de se frayer un chemin dans les kiosques. La pulpeuse et richissime Paulette fait sa première apparition dans le numéro 12 du mensuel, en 1970. La même année, l'HaraKiri Hebdo, interdit par la censure, renait sous le nom de Charlie Hebdo, et la société d’édition Elvifrance - qui publiait majoritairement les très prolifiques auteurs italiens (Angioloni, Cubbino, Fenzo) - voit le jour. L’élection de Valéry Giscard d'Estaing en 1974 marque un nouveau tournant, lui qui avait promis pendant sa campagne un assouplissement de la censure. Malgré tout (et notamment la sortie du célèbre Emmanuelle de Just Jaeckin), le laxisme de surface laisse souvent place à la répression en sous-main. Elvifrance deviendra alors le partenaire favori de la commission de censure : plus de 170 titres seront interdits à l'affichage.

Barbarella en 1964 / © DR

La couverture du Charlie Mensuel de décembre 1975 / © DR Barbarella en 1968 / © DR

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SOCIETE

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LES ANNÉES 2000 : LA PRESSION DES ASSOCIATIONS CATHOLIQUES INTÉGRISTES

Aujourd'hui, peu nombreux sont ceux qui pourraient indiquer sans se tromper où trouver de la BD de cul. Les grandes surfaces ont banni la BD de charme de leurs rayons, et la FNAC ne les vend plus ou presque. L'explication ? En 2000, deux procès ont été intentés contre les FNAC d'Avignon et de Lyon, pour le motif suivant : ils vendaient de la bande dessinée pour adultes. Les plaignants étaient deux associations peu portées sur la chose : « Promouvoir » (qui avait fait retirer son visa d'exploitation au film « Baise-moi ») et « Action pour la dignité humaine ». Elles ont obtenu gain de cause, sur le principe suivant : la bande dessinée peut se consulter dans le magasin, contrairement à la vidéo qui ne peut être visionnée sur place, et le livre érotique, qui ne comporte que des lettres imprimées sur du papier.

Tout au long du XXe siècle, la censure sous toutes ses formes a été à la fois le pire cauchemar et la meilleure alliée des auteurs de bandes dessinées pour adultes. Si la censure est polymorphe, la BD érotique l'est aussi, mais elle ressort de cet affrontement permanent avec une force de revendication, de provocation et d'exploration qui lui confèrent un attrait particulier. Elle a ce charme des parutions qui se refilent sous le manteau, cette mystique de l'interdit, de « l’underground ». En clair, et c'est simple : elle nous fait bander dessiné. Anthony Mansuy

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Couvertures de Paris Plaisirs

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SOCIETE

Derrière le judas de la Musardine

La Musardine, nichée dans le 11ème arrondissement de Paris, fait partie de ces lieux parisiens insolites. Et pour cause, elle est la seule librairie de la capitale à s'être spécialisée dans les ouvrages érotiques et pornographiques de tous genres. Rien de glauque, la déco est plutôt austère, on n'y vend ni sextoys, ni tenues en cuir. Ici, la recette est simple : de la littérature, des essais, et de la BD.

S

ur le papier, la Musardine est une librairie. Quelques ouvrages en vitrine, une poignée de chalands muets et studieux tournent des pages, au son d’une musique passepartout. Le libraire se fait discret, presque obséquieux. Puis l'œil s'attarde sur un espace d’une cinquantaine de mètres carrés, où ceux branchés par la chose viennent défier le diktat du porno sordide et bon marché. La Musardine se veut un tant soit peu chic, mais pas du tout bon genre. « Une musardine, c'est une femme aux mœurs légères qui se balade dans les forêts et vend ses charmes », badine Frédéric Lévêque, le responsable de la librairie. Un mot pimpant, sibyllin, coquin. Presque le titre d'une berceuse (pour adultes).

Mais la Musardine n'est pas que marchande de fantasmes. Retour dans les années 80. Média 1000, maison d'édition portée sur la littérature de cul pour le cul, vraiment rien de distingué, marche très fort mais souffre de n'être distribuée que dans les kiosques et certaines gares. L'ambition est alors de trouver des locaux pour ouvrir une librairie, et dans la foulée de monter un second label du même nom, une étiquette un peu plus élégante, un peu plus littéraire. Et voilà comment, en 1995, la Musardine prend ses quartiers dans l'interminable rue

La Musardine est une des principales librairies érotiques de Paris / © Réflexe

du Chemin Vert. A deux pas du Père-Lachaise qui, aux dernières nouvelles, se retourne encore dans sa tombe.

LA MUSARDINE VIENT À NOUS, PAS L'INVERSE

Étonnamment, la Musardine - la maison d'édition - fait partie des 150 plus gros éditeurs français. « Les gens qui s'en occupent font très attention au fond, ils lancent des rééditions, et le plus souvent possible, de nouvelles collections », explique Frédéric Lévêque. L'entreprise tourne bien, mais s'est exilée loin des grands axes de circulation parisiens et des quartiers historiquement « hot » de la capitale. C'est donc la Musardine qui vient à nous, pas l'inverse.

« Quand on pense sex-shop, on pense à quelque chose de crasseux, qui montre une image de misère sexuelle », observe le libraire. On trouvera bien quelques DVD, « qui se vendent très bien », mais à part ça, pas grand chose à voir. La Musardine est à mi-chemin entre le sexshop et la librairie de quartier. Les classiques, essais de sciences humaines et recueils de poèmes, côtoient des parutions plus légères, du type « Osez la sodomie » ou « Une épouse très soumise ». La maison cultive cette image d'érotique chic, et le public ne s'y trompe pas : « La clientèle féminine représente un tiers de nos clients, alors que la proportion est inversée dans des librairies conventionnelles ».

Anthony Mansuy

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SOCIETE

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Faux et usage de faux

Dans le petit monde des légendes urbaines, les « fakes » tiennent une place à part. Ces fausses informations, plus vraies que nature, voient leur impact démultiplié par l’outil Internet. Au point, parfois, de devenir des infos ? À l’heure de la confusion des genres et du storytelling permanent, nous avons vérifié nos sources pour dresser le palmarès. Par Laurie Haslé

Sosie malgré soi

Elle est jolie, élégante, et promène tranquillement son chien. La jeune femme en une du journal sportif L’Equipe daté du 22 janvier a tout de la nageuse Laure Manaudou. Pourtant, la ressemblance s’arrête là. Pris sur le vif à Marseille, le cliché utilisé pour illustrer une interview de la jeune femme montre une inconnue. Outre le fait qu’un journaliste ait tenté de la prendre en photo à son insu, Laure Manaudou reproche au journal de s’être trompé de personne. Interviewée par la chaîne de télévision LCI, la médaillée olympique a exprimé son étonnement : « C'est une autre femme avec un autre chien que ma chienne sur la couverture. Ils me connaissent et ils savent très bien que ce n'était pas moi... Enfin, j'espère qu'ils le savent maintenant ».

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La starfuckeuse mythomane

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Alexandra Paressant n’est pas une habitante du Creusot comme les autres. Cet ancien top model de Victoria’s Secret et Dolce & Gabbana a prétendu pendant plusieurs années entretenir des liaisons avec plusieurs célébrités du monde du sport. Thierry Henry, Tony Parker ou encore Ronaldinho, tous seraient passés dans le lit de la jeune femme. L’affaire a fait grand bruit et a secoué ce petit monde très lucratif. Les journalistes people se sont arrachés ses propos, et la miss a récolté plusieurs milliers d’euros en deux ans grâce à ses prétendues frasques. Le couple Parker est allé jusqu’à publier des communiqués pour se défendre des allégations du top model en décembre 2007. Elle assurait avoir eu une relation sexuelle avec la star du basket, dans un grand hôtel parisien, lors de son passage dans la capitale pour recevoir la Légion d’Honneur. Malgré un portefeuille bien rempli, Alexandra atterrit en prison en octobre 2008 pour vol de chéquiers et billets de train impayés. Un journaliste de So Foot découvre entretemps l’imposture de la jeune femme, qui décide d’avouer la vérité à sa sortie de détention : toutes ses déclarations n’étaient que des mensonges. Mais l’argent est toujours bon à prendre. Sa biographie, intitulée « Sexe, mensonges et Internet » est sortie le 22 janvier aux éditions du Rocher. Un ouvrage-confession dans lequel elle avoue sa mythomanie et son cynisme.


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SOCIETE

Un président victime de Facebook

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Usurper l’identité d’un VIP sur Facebook n’est pas toujours un acte anodin. Le chef d’Etat du Guyana, petit pays coincé entre le Surinam et le Venezuela, a demandé l’ouverture d’une enquête sur le créateur d’une fausse page à son nom sur le réseau social Facebook. Le fameux profil de Bharrat Jagdeo, fort de ses 170 membres, comporte une biographie et des photos du président. L’année dernière, Fouad Mourtada, un ingénieur, avait été emprisonné pendant 43 jours au Maroc. Son tort : avoir créé une page sur Facebook en se faisant passer pour le prince Moulay Rachid, le frère du roi Mohamed VI. Le jeune homme de 26 ans ne pensait pas que son affaire irait si loin : « C’était une plaisanterie, une blague ». Il avait été déclaré coupable devant le tribunal de Casablanca « d’offense à la famille royale » en février et condamné à trois ans de prison ferme. Heureusement, une grâce royale prononcée le 18 mars 2008 était venue écourter sa peine.

Un ado dans la police de Chicago

© Patr ick M cD onoug h

C’est vêtu d’un simple déguisement de policier qu’un adolescent de quatorze ans s’est infiltré début janvier dans une patrouille de police de Chicago, aux Etats-Unis. Vincent avait porté son choix sur le district du Grand Crossing Station pour effectuer sa visite interdite. En se faisant passer pour un agent issu d’une autre équipe, le jeune homme a réussi à partir pendant cinq heures en patrouille avec d’autres officiers, muni d’une radio et d’un carnet de contraventions. Ce ne sont que deux détails qui ont permis à ses collègues d’un jour de découvrir l’imposture : l’absence totale de ses diplômes et le non-port d’une insigne obligatoire sur son uniforme. L’adolescent est actuellement poursuivi en justice pour usurpation d’identité, mais il pourra suivre un programme adressé aux jeunes qui souhaitent découvrir le métier de policier.

Le faux jumeau du New York Times

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Les usagers du métro new-yorkais ont dû être surpris. Le 13 novembre 2008, une fausse édition du célèbre journal le New York Times datée du 4 juillet 2009 a été distribuée dans les stations de métro de la mégalopole américaine, ainsi qu’à Los Angeles, San Francisco, Chicago, Philadelphie et Washington. Sa une : « La guerre en Irak est terminée ». Illustré par une photo d’hélicoptères militaires évoluant dans un ciel crépusculaire, l’article continue sur sa lancée ironique en utilisant de fausses citations de l’ancien président George W. Bush : « Aller là-bas a été à l'évidence une grande erreur […] J’irai moi-même à la recherche d’Oussama Ben Laden ». Le vrai faux journal a été distribué par des militants des droits de l’Homme, dont les Yes Men, un groupe altermondialiste déjà réputé pour ses actions atypiques. Tiré à 1,2 millions d’exemplaires, c’est la réplique exacte du New York Times officiel. Le contenu a été détourné jusqu’aux messages véhiculés par les publicités. La réclame du diamantaire De Beers annonce ainsi que « l'achat d'un diamant (...) aidera à modeler et entretenir une prothèse pour un Africain dont la main a été arrachée dans un des violents conflits pour le contrôle du commerce des diamants ». Le vrai New York Times a dû également faire les frais d’un usurpateur d’identité l’année dernière. Jason Blair, un plaisantin, avait envoyé à la rédaction du prestigieux journal un faux mail du maire de Paris, Bertrand Delanoë, dans lequel il critiquait la candidature de Caroline Kennedy au siège de sénateur de New York. 57




JUSTICE N

Réaction direct e

L’augmentation du nombre de gardes à vue et la récente affaire Julien Coupat montrent un durcissement de la politique sécuritaire. Au nom de considérations sémantiques, plusieurs associations sont prises dans le collimateur de la justice.

1%

de la population française a été placé en garde à vue en 2008, selon Le Monde. En huit ans, elles ont augmenté de 55%. « Cette augmentation est due à un effet mécanique car le système a changé : maintenant toutes les personnes que nous devons interroger sont obligatoirement mises en garde à vue, exceptés les témoins », affirme Pierre Guiziou, commissaire divisionnaire au service de communication de la police. Une garde à vue qui peut durer jusqu’à six jours pour les faits terroristes.

La dernière affaire dénonçant des « faits terroristes » est également la plus médiatisée. Elle concerne l’inculpation de neuf personnes soupçonnées du sabotage de caténaires SNCF au mois de novembre dernier. Julien Coupat, le leader de la « cellule invisible », est le seul à être encore détenu. Le gouvernement semble bien décidé à marquer le coup : après qu’un juge des libertés et de la détention se soit prononcé en faveur de sa libération, un nouveau magistrat a été désigné, décidant en janvier de le maintenir en détention à la Prison de la Santé. « Pour Julien Coupat, on a utilisé la législation antiterroriste alors qu’il aurait fallu simplement le juger pour une infraction de droit commun », explique Gaël Kostic, professeur de droit. De plus, selon le Code Pénal, le terrorisme est une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur. Un terme, 60

Le chef d’inculpation « faits terroristes » est de plus en plus répandu pour des affaires de droit commun / © DR

bien spécifique, qui n’est pas forcément approprié pour tous les accusés de « faits terroristes ».

ARRÊTÉS AU HASARD

Mais l’affaire Coupat n’est pas qu’un cas isolé. Lors d’une manifestation de soutien à la jeunesse grecque le 12 décembre, six jeunes sont interpellés. Motif ? « Dégradation de biens publics, jets d’objets et refus de se soumettre à des prélèvements d’AD% ». Pour le syndicat SUD,

les manifestants ont été arrêtés « au hasard », coupables d’avoir dessiné un signe « Peace and Love » au feutre rose sur un bouclier de CRS. Thierry Lescant, membre du secrétariat national du syndicat souligne « qu’il est désormais fréquent que des jeunes militants soient arrêtés pendant les manifestations, sans raison particulière ». La police, elle, dément : « Il y a des règles strictes lorsqu’on arrête quelqu’un. %ous devons par exemple avoir la preuve irréfutable qu’il a commis une infra-


N JUSTICE ction. En réalité, il y a très peu d’interpellations lors des manifestations », se défend le commissaire Pierre Guiziou.

Alain Weber, avocat, observe pourtant que « ces derniers mois, il y a eu de vraies atteintes aux libertés, une volonté affichée de porter atteinte aux manifestants. La police pense qu’elle peut attraper n’importe quel manifestant. Pour moi, ce sont les personnes qui courent le moins vite qui sont prises. Le vrai problème aujourd’hui, c’est que l’on peut très vite être accusé d’être en situation de rébellion ». Pierre Lauret, professeur de philosophie, en a fait l’expérience. Après avoir demandé, à un policier pourquoi un passager africain était menotté dans un avion en direction de Kinshasa, il a été débarqué et placé en garde à vue. Les autorités aéroportuaires l’informent alors qu’il est inculpé pour « opposition à une mesure de reconduite à la frontière et entrave à la circulation d’un aéronef ».

PAS D’APPEL À LA LUTTE ARMÉE

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, 18 lois sur la sécurité ont été adoptées. Elles s’inscrivent toutes dans une volonté du gouvernement de maintenir l’ordre social. Parmi cet arsenal juridique, on peut noter le durcissement des lois antiterroristes en 2006 (notamment en ce qui concerne les tests ADN), ou encore le fichier ELOI, qui répertorie les personnes rendant visite aux détenus.

Pour Laurence Mollaret, viceprésidente du Syndicat de la Magistrature il y a « une volonté particulière de ce gouvernement de tout centraliser et d’éliminer les contre-pouvoirs tels que les médias ou la justice ». Le syndicat dénonce par ailleurs l’utilisation de qualifications pénales outrancières visant à intimider et juguler

Selon les spécialistes, la crise est le terreau de la contestation... et de la répression / © DR

les mouvements sociaux. L’association RESF (Réseau éducation sans frontières, qui défend les élèves sans-papiers) a par exemple été décrite comme « une organisation quasi-terroriste » par le porte-parole de l’UMP, Frédéric Lefebvre. Thierry Lescant de SUD, le confirme : « Maintenant, c’est à la mode. Dès que l’on conteste, on nous qualifie de terroriste. Pourtant aucune association n’appelle à la lutte armée ».

PRÉSUMÉ COUPABLE

Selon certains spécialistes, la volonté de discréditer les mouvements sociaux n’est pas l’apanage du gouvernement actuel. Jean-Paul Damaggio, historien, enseignant syndicaliste et auteur du livre « De la répression à la criminalisation » rappelle ainsi qu’ « avant le terme de criminalisation on parlait plus simplement de répression. En 1905, on envoyait par exemple l’armée contre les grévistes. De 1850 à 1980, cette répression a été peu à peu encadrée par la loi. ». Aux yeux de l’historien, le climat de crise est le terreau de la contestation, et par extension de la répression : « Actuellement, le

gouvernement met tout en œuvre pour faire taire toutes les luttes car il sait très bien que les difficultés sociales vont croître, donc il faut prévenir tout en sachant qu’on ne va pas guérir ».

Eric Hazan et Alain Badiou, écrivain et philosophe, soutiennent également cette thèse dans le magazine Politis du 24 décembre. Pour eux, « ceux qui tiennent aujourd’hui en main l’appareil d’État ont conscience de l’impopularité sans précédent […] des réformes. Ils savent qu’une étincelle peut mettre le feu à toute la plaine. Ils mettent en place un système terroriste pour prévenir et traiter les troubles graves qu’ils prévoient ».

Mais sous prétexte d’endiguer une possible menace de révolte populaire, peut-on porter atteinte aux libertés individuelles ? Au début du mois, Robert Badinter, posait la question dans Le Monde : « %ous passons d’une justice de responsabilité à une justice de sûreté. Que devient la présomption d’innocence, quand on est le présumé coupable d’un crime virtuel ? »

Audrey Achekian et Hélène Mariani

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PORTFOLIO

Goûts de Paris regorge de restaurants et de bars en tout genre, mais malgré cette diversité, il y a toujours un air de déjà vu.

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chiott es

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Par Quentin Weinsanto

C’est donc souvent les toilettes qui nous permettent de nous faire un avis sur un établissement. Kitchs, calmes, rustiques ou encore luxueuses, les propriétaires ne manquent pas d’idées pour nous faire apprécier cette pièce universelle que nous fréquentons tous.

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Un décor classique, presque anodin, pour un étron en toute intimité. Au Yonno, situé dans le Marais, c’est avant tout le confort qui prime. Les dessins de poissons sur le mur carrelé permettent de s’évader quelques instants de la jungle de Paris. Le miroir (en haut à droite) du lavabo vaut lui aussi le détour, et colle bien à l’ambiance du bar. Des toilettes pour utilisateurs avertis, qui sauront à coup sûr apprécier leurs qualités. Le Yonno, 37 rue Vieille du Temple, - 75004 Paris -

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Un aquarium au-dessus du trône, c’est ce que proposent les WC originales du Baxo. Pour ceux qui ne supportent pas de se sentir seul, vous pourrez au moins avoir la compagnie de ce gentil poisson rouge qui vous accompagnera dans toutes vos péripéties. Le Baxo, 21 rue Juliette Dodu, 75010 Paris

Aux Piétons, rue des Lombards, tout est typique: le décor constitué d'affiches de férias, les tapas, les cocktails et les... toilettes. Loin de la classe et de l'esthétisme affiché par d'autres établissements, ici, c'est l'efficacité et le minimalisme qui compte. Un établissement pour les amateurs de plaisirs simples et qui ne s'attardent pas sur les détails. Les Piétons, 8 rue des Lombards, 75004 Paris

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À droite, le Curieux Spaghetti Bar. Un repère de voyeurs ? C’est ce que l’on pourrait croire lorsqu’on se retrouve face à ces dizaines de miroirs. Mais au moins, il y en a pour toutes les tailles. Avec une propreté irréprochable, cela permet au moins de se refaire une beauté après être passé au petit coin, un atout indéniable pour les clients qui veulent plus que de simples toilettes. Le Curieux Spaghetti Bar, 14 rue Saint Merri, 75004 Paris

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Un lieu qui ressemble à un bunker, pour parer aux assauts d’une bombe atomique… A l’Etoile Manquante, les toilettes valent largement le détour, et se classent immanquablement parmi les WC les plus marquants de la capitale. Pour cause, la porte particulièrement lourde à dû donner quelques sueurs froides à ceux qui ont eu peur de ne pas pouvoir en ressortir. Pour les mégalomanes, le lavabo permet aussi de s’observer en train de se laver les mains, via une caméra qui retranscrit tous vos gestes sur les trois écrans situés dans votre dos… L’Etoile Manquante, 30 rue Vieille du Temple, 75004 Paris

PORTFOLIO Refaîtes-vous

une beauté après être passé

au petit coin... Le Curieux Spaghetti Bar

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SANTÉ

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Une pilule dure à avaler pour les obèses

Grande première en France, un médicament contre le surpoids va être vendu dès le mois de mai sans ordonnance dans les pharmacies. Entre les craintes des nutritionnistes et la suspicion des associations, Alli n’a pas que des alliés parmi les spécialistes de la santé.

A

trois mois de la mise en vente d’Alli en France, la polémique enfle. Pour la première fois, un médicament anti-obésité va être vendu sans ordonnance. Fin janvier, la Commission européenne a autorisé le laboratoire GlaxoSmithKline (GSK) à mettre sur le marché la pilule controversée, une version allégée de la molécule Orlistat (60 au lieu de 120 mg), jusqu’ici prescrite par les médecins sous le nom de Xenical.

Contrairement au Xenical, Alli sera vendu sans ordonnance / © Réflexe

LES PHARMACIENS DEVRONT ÊTRE FORMÉS

Selon la dernière enquête ObEpi réalisée pendant l’été 2008, la moitié de la population française

ACOMPLIA

est en surcharge pondérale. Ce qui fait dire à Agnès Espiasse, chargée de la communication extérieure du laboratoire GlaxoSmithKline, que la vente d’Alli sans ordonnance va dans le bon sens : « Ce médicament permet aux personnes qui n’ont pas envie de parler de leur

surpoids avec leur médecin de pouvoir se procurer une pilule pour maigrir. Il suffit de l’utiliser en complément d’un régime pauvre en graisses ». Selon le laboratoire GSK, la pilule brûle 25 % des graisses directement dans les intestins, ensuite éliminées par voies naturelles. A titre d’exemple, si une personne veut perdre 4kg, la pilule permettrait d’en perdre 6.

« Les pharmaciens seront formés pour vendre ce médicament. Ils auront à leur disposition des outils pour calculer l’Indice de Masse Corporelle (IMC). La pilule Alli est indiquée pour les personnes ayant un IMC supérieur à 30 », poursuit la représentante du laboratoire GSK. Un

Des médicaments sous surveillance

Le Rimonabant (Acomplia) a été retiré du marché européen le 23 octobre 2008, en raison d’un risque trop important de troubles psychiatriques graves. Ce produit coupe-faim était indiqué dans le traitement des patients obèses ou en surpoids en association à un régime et à des exercices physiques.

MODERATA#, PREFAMO#E CHRO#ULES, TE#UATE DOSPA#

Retirés de la vente en 1999, le Moderatan, le Prefamone Chronules et le Tenuate Dospan étaient eux aussi utilisés en complément d’un régime chez les personnes obèses. Selon l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), ils pouvaient causer une hypertension artérielle pulmonaire.

SIBUTRAL

Placé sous surveillance au Canada, le Sibutral a été provisoirement retiré de la vente en Italie. Prescriptible sur une durée maximale d’un an, il pourrait provoquer nombre d’effets secondaires, parmi lesquels une augmentation de la pression artérielle et des palpitations cardiaques, mais aussi anxiété et insomnies.

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. discours qui ne dissipe pas les craintes de Camille Crasson, pharmacienne à Orléans : « %ous ne sommes pas qualifiés pour vendre ce médicament. Il y a des risques de surdosage car les personnes ne sont pas suivies par un médecin ».

Les nutritionnistes sont, euxaussi, contre la vente en libreservice de la pilule. Pour ces spécialistes de la diététique, l’absence d’avis médical pourrait donner lieu à un recours injustifié à la molécule miracle : « De nombreuses femmes viennent me voir pour avoir la solution miracle et perdre plusieurs kilos dans la semaine. Alli va donc avoir beaucoup de succès, et attirer à coup sûr beaucoup de

jeunes femmes qui ne sont pas forcément en surpoids », déclare ainsi Catherine Mézières, nutritionniste à Paris. « Je ne conseillerais à aucun de mes patients de prendre cette pilule », précise-telle dans la foulée.

ANXIÉTÉ, FATIGUE ET MAUX DE TÊTE

Comme ses prédécesseurs (voir encadré), Alli pourrait être riche en effets secondaires. Anxiété, fatigue, maux de tête et de ventre, la palette est large. De son côté, GlaxoSmithKline se veut rassurant, et s’appuie sur l’aval des instances juridiques européennes. « Le produit est sûr. Il existe

SANTÉ

depuis 10 ans et il n’y a jamais eu d’accident grave. Alli n’agit pas sur le cerveau ou sur le cœur. Elle agit seulement sur le système digestif. Elle a une action locale », souligne Agnès Espiasse, du laboratoire GlaxoSmithKline.

Désespérée par la décision de vendre la version allégée de l’Orlistat sans ordonnance (voir interview), Viviane Gacquière, présidente de l’association Allegro Fortissimo, doute de la bonne foi du conglomérat pharmaceutique : « C’est du pur angélisme. La pilule miracle n’existe pas ». Mais ses consommateurs potentiels ne manquent pas.

Steven Lambert et Hélène Mariani

» Des résultats peu concluants »

Présidente de l’association Allegro Fortissimo, Viviane Gacquière s’est indignée de la décision prise par la Commission européenne dans une lettre adressée à Roselyne Bachelot. Selon elle, l’heure est venue pour les laboratoires pharmaceutiques de rendre des comptes.

Que vous inspire la mise en vente sans ordonnance de la pilule Alli ? Je suis très inquiète de la décision prise par la Commission européenne. Ce nouveau médicament est une illusion. GlaxoSmithKline fait du neuf avec du vieux : le Xenical. C’est complètement inefficace. A 60 euros la boîte, le laboratoire veut seulement faire du chiffre au détriment du conseil au patient.

Vous avez essayé le Xenical. Quels ont été les résultats ? J’avais mis de gros espoirs dans ce médicament, comme beaucoup de bénévoles à l’association, mais les résultats n’ont vraiment pas été concluants. Il y a ce qu’on appelle un effet

rebond. Au final, on prend plus de kilos qu’on en perd. Autant faire du sport…

Y a-t-il des effets secondaires ? Lorsqu’on prend ce médicament, on est victime de maux de ventre et de diarrhées. Pour l’instant, aucun effet néfaste n’a encore été décelé en France. En revanche, aux Etats-Unis, plusieurs spécialistes soupçonnent ces pilules d’être à l’origine de certains cancers du colon.

Selon vous, quels sont les risques de la vente en libreservice d’Alli ? Plusieurs personnes peuvent prendre cette pilule sans le contrôle d’un médecin ou d’un nutritionniste. A cause de

la décision de la Commission européenne, des gamines pourront se procurer le médicament alors qu’elles n’en n’ont pas besoin, c’est la porte ouverte à un usage complètement déraisonné. Vous avez fait part de votre inquiétude à la Ministre de la Santé par l’intermédiaire d’une lettre, quel est désormais votre programme ? Nous espérons continuer notre lutte aux côtés des médecins. S’il le faut, nous déposerons une plainte. Enfin, nous allons tenter de s’unir avec l’UFC Que Choisir pour mener une action de grande ampleur.

Propos recueillis par Steven Lambert

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ENVIRONNEMENT

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Deuxième EPR en Normandie

Après une première annonce en juillet 2008, Nicolas Sarkozy a confirmé le lancement d’un deuxième réacteur nucléaire de type EPR en France. Il sera construit sur le site existant de Penly en Seine-Maritime. Coût de l’opération : quatre milliards d’euros, et des protestations.

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Le chantier du premier EPR, à Flamanville, est suspendu depuis plusieurs semaines / © DR

ndépendante en matière d’énergie depuis 1970. La France est aujourd’hui à la pointe technologique de l’Europe dans le secteur nucléaire. Aujourd’hui, 58 réacteurs nucléaires répartis dans 19 centrales fournissent plus des trois quarts de l’électricité

utilisée par les Français, qui paient l’une des factures les moins chères au monde. Pourtant, des voix s’élèvent contre l’énergie nucléaire. Elles se font plus présentes notamment après l’annonce de la construction en 2012 d’un deuxième EPR en France. Pour

Stéphane Lhomme, porte parole du réseau Sortir du nucléaire*, l’objectif principal de cette nouvelle génération - la sûreté est oublié : « Selon une étude de la section allemande des Médecins internationaux pour la prévention de la guerre %ucléaire (IPP%W), l’améliora-

L’EPR, qu’est-ce que c’est ?

Conçu et développé par Areva au cours des années 90, l’EPR est un réacteur pressurisé européen de troisième génération. La première génération a été développée dans les années 1950, alors même que la technologie industrielle d’enrichissement de l’uranium n’était pas au point. Les réacteurs fonctionnaient à l’uranium naturel, donc non enrichi. La deuxième génération de réacteurs a été déployée dans les années 1970-1980. Elle constitue aujourd’hui la majorité du parc d’exploitation nucléaire mondial. Cette génération est celle des réacteurs à eau pressurisée, les REP et des réacteurs à eau bouillante, les REB. Le principe de fonctionnement est simple : cette eau normale sert à refroidir le cœur en ralentissant le mouvement des neutrons et ainsi maîtriser la puissance du réacteur. Les centrales françaises ont été construites pour la plupart au cours des années 1980 et devaient avoir une durée de vie de 30 ans. Même si EDF a décidé unilatéralement de faire durer ces installations jusqu’à 40 ans, il est aujourd’hui nécessaire de les remplacer. La troisième génération voit alors le jour. Ce réacteur dit « évolutionnaire », ne produit pas moins de 1600 mégawatts électriques à l’heure contre 1550 pour l’ancienne. Le principe est le même, c’est un réacteur à eau pressurisée. La seule différence, c’est une amélioration de la rentabilité économique et de la sûreté, notamment en cas d’accident. 70


r ENVIRONNEMENT tion de sûreté n’est pas assurée. En effet, cette étude a démontré qu’une explosion de vapeur d’eau à l’intérieur du réacteur était possible ». Si l’on en croit les études menées par l’IPPNW en 2000 puis en 2005, ce type d’explosion peut aboutir à une rupture de l’enceinte de confinement. Un problème « identifié et résolu », selon le CEA. Dans l’éventualité d’une attaque terroriste de type World Trade Center, Areva et EDF soutiennent que le réacteur résisterait au crash d’un avion gros porteur. Pourtant, le réseau Sortir du nucléaire avait obtenu et publié en 2006 un document interne à EDF, classé confidentiel Défense, qui démontrait que l’EPR n’était pas conçu pour résister à ce type d’impact. Là encore, EDF se défend en affirmant que « l’EPR prend en compte la chute d’un avion commercial et comporte des dispositions pour se prémunir contre les effets et conséquences d’un tel choc ».

Même si Stéphane Lhomme reconnaît dans l’EPR une forme de progrès, il n’en demeure pas moins sceptique à l’égard de la terminologie qui l’accompagne : « Vers 2001, un forum de l’industrie nucléaire internationale a décidé de présenter cette évolution sous forme de génération pour rendre le nucléaire plus attractif. Rétrospectivement, les EPR des années 1950 et d’aujourd’hui, ont pris l’appellation de première et deuxième génération ». Pour autant, il existe des avancées technologiques concrètes. Ayant pris en compte le risque d’accidents graves, Areva a traité le problème de fusion du cœur du réacteur. Un cendrier, appelé « Core catcher », permet de contenir la radioactivité à l’intérieur du bâtiment, en évitant toute contamination extérieure. « Dans la deuxième génération, rien ne démontrait que la matière radioactive provenant de la fusion du cœur serait restée à

La centrale nucléaire de Penly accueillera le deuxième réacteur EPR © Google Earth

l’intérieur », admet Bertrand Barré, conseiller technique chez Areva.

VERS UNE QUATRIÈME GÉNÉRATION

Pour Bertrand Barré, conseiller scientifique chez Areva, une vingtaine de réacteurs de troisième génération sont indispensables pour répondre à la consommation d’électricité actuelle et à venir en France. « Tout dépend de l’arrivée à maturité commerciale de la quatrième génération », ajoute-t-il. Car une quatrième génération de réacteurs est bel et bien à l’étude. Et cette fois, le principe serait révolutionnaire. Les réacteurs actuels et de troisième génération n’utilisent que 1 % d’uranium 235. Or les 99 % d’uranium 238 restants, nécessaires à la réaction nucléaire, ne sont pas utilisés par la suite. La quatrième génération pourrait venir pallier à ce mauvais usage, en permettant de dégager de l’énergie grâce à la fission nucléaire. Mais le progrès ne s’arrête pas là, puisque ce réacteur est à l’étude pour remplir d’autres fonctions telles que le dessalement de l’eau de

mer ou encore la fabrication d’hydrogène de synthèse. « Pour le moment, nous évaluons l’arrivée de cette technologie plus complexe, vers 2040 en France », assure Bertrand Barré.

Comme pour le réacteur de Flamanville, c’est EDF, en association avec GDF-Suez, qui s’est vu confier la réalisation des travaux. Une décision qui intervient alors que le premier chantier est momentanément suspendu suite à des problèmes de conformité dans un contrôle qualité opéré par l’Aurorité de Sûreté Nucléaire. Principale raison : un bétonnage défectueux au niveau de la dalle du réacteur. Tandis qu’Anne Lauvergeon, présidente du directoire d’Areva, prévoit un retard d’un an, EDF dément, et confirme la fin des travaux pour 2012.

LE DANGER DE LA SOUS-TRAITANCE

Aujourd’hui, les syndicats d’EDF dénoncent un recours de plus en plus fréquent à la sous-traitance. Des personnels peu qualifiés et mal payés remplacent progressivement les agents statutaires. 71


ENVIRONNEMENT

r

Or, selon la CGT Mines-Energie, la sous-traitance constitue le principal facteur de risque dans l’industrie nucléaire. Lorsque EDF a été créé, le 8 avril 1946, sa mission était de produire, de transporter et de distribuer de l’électricité, pour tous et au moindre coût. Mais les temps changent. « A l’intérieur de l’entreprise, un glissement s’est opéré : les scientifiques et les techniciens ne détiennent plus la réalité du pouvoir, qui est désormais aux mains des financiers, déplore le journaliste Eric Ouzounian, dans son ouvrage « Vers un Tchernobyl français ». Les critères de gestion changent et la logistique à court terme de l’actionnaire s’impose ». Dans un souci de diminution des coûts d’exploitation, EDF réalise des économies au détriment de la sûreté. Pire encore, la sous-traitance utilisée pour les opérations

Les projets d’EPR se heurtent aux protestations des associations écologistes / © Greenpeace

de maintenance conduit à des manquements aux règles de sécurité, régulièrement constatées par l’ASN. Areva et Bouygues, les sociétés accusées de négligence lors de la construction du réacteur de Flamanville, sont des sociétés privées. On est alors en droit de se demander si le

nucléaire n’est pas un secteur industriel trop dangereux pour être confié à des sociétés commerciales. A but lucratif.

Magalie Oger

* principale association française anti-nucléaire, www.sortirdunucleaire.org

» La vitrine du nucléaire » Après l’annonce de la mise en chantier du deuxième EPR sur le site de Penly, Patrick Boulier, président de l’Agglomération dieppoise, se félicite du savoir-faire de la région Haute-Normandie. Qu’est ce que ce chantier va apporter à la région ? Le pôle nucléaire existant va être conforté dans l’excellence. Il y aura un apport démographique très intéressant. Lors du chantier, 1500 emplois vont être créés. Par la suite, 400 emplois pérennes seront prévus pour le fonctionnement du réacteur. Les habitants de la région se réjouissent de cette reconnaissance exprimée par le président de la République. Nous serons en quelque sorte la vitrine du nucléaire.

Avez-vous déjà pris en compte l’éventualité d’un accident une fois ce réacteur de troisième génération mis en service ? Je travaille depuis longtemps avec EDF et depuis le temps que la centrale de Penly existe, nous

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n’avons jamais eu de problèmes. Je pense que la sûreté du nucléaire est largement maîtrisée par ces opérateurs, il faut leur faire confiance. Certes, le risque zéro n’existe pas, mais les procédures de contrôle vont être renforcées.

Que pensez-vous alors d’une éventuelle attaque terroriste venant du ciel ? L’interdiction totale de survoler la zone fait partie des procédures qui vont être dûment appliquées. A Penly, nous avons actuellement six réacteurs. L’EPR sera le septième, donc nous connaissons déjà les modalités de fonctionnement. Tout va être mis en œuvre pour parer à cette éventualité.

Propos recueillis par Magalie Oger



SCIENCES e

Une planèt e, deux planèt es… trois cents planèt es

Une planète inférieure à deux fois la taille de la Terre a été découverte hors du système solaire. Ce nouvel exploit est dû à une discipline scientifique fort méconnue du grand public : l’exo-planètologie. le télescope de 80 cm de L’Institut d’Astrophysique des Iles Canarie et le CanadaFrance-Hawaï Telescope à Hawaï.

AU-DELÀ DU SYSTÈME SOLAIRE

E

Au centre : l’étoile Beta Pictoris

xiste-t-il d’autres Terre dans la Voie Lactée ? Depuis le début des années 1990, les scientifiques de tous pays fixent le ciel en espérant le Graal de l’astronomie : trouver une grande sœur à la Terre avec continents, océans, oxygène. Un pas de plus dans cette direction a été réalisé grâce au satellite français Corot. Une équipe de scientifiques européens à découvert la plus petite planète située en dehors de notre système solaire détectée à ce jour. Tristement baptisée Corot-exo-7b, l’astre en question est à peine deux fois plus grosse que la planète bleue. Jusqu’ici, seules des planètes géantes gazeuses ressemblant à

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Point blanc : sa planète / © DR

Jupiter étaient découvertes. Les dimensions de Corot-exo-7b la rapprochent donc des standards terriens. Elle est aussi extrêmement proche de son étoile orangée, la température à sa surface tourne aux alentours des 1500°C. Une fournaise qui ne laisse guère d’espoir quant à son climat. Au choix, soit de la lave en fusion, soit de la vapeur d’eau. Pour Daniel Rouan, chercheur à l’Observatoire de Paris, « Corot-exo-7b appartient à une catégorie dont l’existence était soupçonnée depuis quelques temps ». Pour réaliser cet exploit, il a fallu pas moins de 3 télescopes terrestres en soutien à Corot, à savoir le European Southern Observatory au Chili,

Corot-exo-7b est ce que l’on appelle une exo-planète, à savoir une planète qui évolue autour d’une étoile autre que notre soleil. La présence d’autres planètes en dehors de notre système solaire était soupçonnée depuis longtemps, mais ce n’est que depuis une vingtaine d’années que la technologie permet de prouver leur existence. La première des exo-planètes a été découverte en 1995 par les Suisses Michel Mayor et Didier Queloz. Depuis, plus de trois cents planètes sont venues s’ajouter à une liste qui ne cesse d’augmenter de mois en mois. Une discipline a même été créée : l’exo-planètologie.

Comment fait-on pour « voir » une planète ? Jusqu’en novembre dernier on ne pouvait tout simplement pas. Une équipe internationale a alors réussi à prendre en photo trois exoplanètes grâce au célèbre télescope spatial Hubble et ses homologues terrestres Keck (NASA, Hawaï) et Gemini (Agence Spatial Européenne, Chili). Une grande première qui, malgré la mauvaise qualité des clichés, laisse augurer du meil-


e SCIENCES leur. Parmi les prochaines avancées, l’une des plus prometteuses est le futur télescope spatial Kepler. Construit par la NASA, son unique job sera de rechercher des planètes semblables à la Terre, c’est-à-dire de même dimension. Même si ce n’est pas demain que vous pourrez admirer les plaines et les rivières de planètes situées à des centaines d’années lumières de nous.

LE CO₂₂ C’EST LA VIE

Trois planètes prises en photos… Et pour les autres ? Les chercheurs utilisent deux processus pour trouver une planète, comme l’explique Daniel Rouan : « Les méthodes les plus utilisées jusqu’ici sont celles dites de la vitesse radiale et du transit astronomique ». La vitesse radiale consiste à « étudier les mouvements des étoiles ». Lorsqu’une planète gravite autour d’un soleil, celle-ci influence ses déplacements dans l’espace. Pour la trouver, il suffit donc de repérer des variations dans le déplacement de son étoile. Mais le procédé a ses limites : il ne fonctionne que pour les planètes de grosse taille, au moins aussi massives que Jupiter. Le transit astronomique, lui, est l’observation des variations de luminosité d’une étoile. Au moment où une planète passe devant elle, la lumière qu’elle émet faiblit. C’est grâce au transit astrono-

A. L’étoile T taurii GQ Lupi

B. une exo-planète (jusqu’à 40 fois Jupiter)

mique que Corot-exo-7b a été découverte par le CNES.

L’exo-planètologie ne se contente pas de trouver des planètes, mais elle définit aussi la composition de leur atmosphère. Ainsi, grâce à Hubble (encore lui), l’américain Mark Swain du Jet Propulsion Laboratory de Pasadena en Californie a détecté la présence de dioxyde de carbone (CO₂). L’heureuse élue, qui a reçu le doux nom de HD 189733b est une planète semblable à notre Jupiter, autrement dit une géante gazeuse sur laquelle la vie n’a probablement pu se développer. Mais l’intérêt, comme la vérité, est ailleurs. Le CO₂ est à la base de la vie sur Terre. Elle l’est peut être sur une autre planète. Les petits hommes verts ne sont pas loin. Dans les années qui vien-

/ © DR

nent, l’espace restera une des grandes priorités des puissances spatiales. Chine, EtatsUnis, Russie, Europe, Inde, une nouvelle course pour les étoiles semble lancée 20 ans après celle qui opposa les EtatsUnis à l’URRS. Si l’enjeu en est aujourd’hui la Lune, celleci devrait servir de base avancée pour la recherche d’exoplanètes. Enfin, devrait bientôt démarrer un projet pharaonique. Les USA et l’Union européenne devraient lancer dans les deux ans une myriade de satellites dans le vide spatial séparant la Terre du Soleil. Ainsi disposés, ils constitueront un télescope géant d’une précision encore inégalée. Il permettra sans aucun doute de passer à l’étape suivante : obtenir une image nette d’une planète extrasolaire.

Jérôme Corbin

Mars, planète morte ?

Dérivée de l’exo-planètologie, l’exo-biologie ne s’est véritablement développée que ces dernières années. Cette discipline consiste en l’étude de formes de vie en dehors de notre planète. Contrairement à sa grande sœur, tout ce qui est d’origine extraterrestre, extra ou intra solaire l’intéresse. Même si, jusqu’à aujourd’hui, aucune forme de vie formelle n’a été détectée, les indices y menant ne cessent de se multiplier. Et tous les regards se tournent vers la petite sœur de la Terre. Sur Mars, il y a quatre milliards d’années, l’eau coulait à flot. Ce qui laisse à penser que la vie a pu s’y développer. En décembre 2008, des carbonates ont été trouvés sur la planète. Ce qui prouve que l’eau martienne est plus douce que prévu. Comme pour les exo-planètes, plusieurs missions sont à venir. Au cœur de la course spatiale, la conquête de Mars a une place à part : prouver que la vie ailleurs est possible.

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HIGH TECH

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L’heure de Deezer

Réussir à trouver un équilibre économique sur Internet n'est pas chose aisée. Encore moins quand il s'agit de contenu multimédia. Les fonctionnalités offertes par le web ne font pas bon ménage avec les procédures complexes de diffusion d'un contenu musical ou vidéo. C'est pourtant le pari qu'a fait Deezer, l'un des plus gros sites d'écoute de musique en ligne.

A

vec plus de 4 millions de titres disponibles gratuitement, Deezer a connu un essor exceptionnel depuis sa création en août 2007. Créé par deux Français, Daniel Marhely et Jonathan Benassaya, son principe parait extrêmement simple : proposer un contenu multimédia en streaming, c’està-dire sans téléchargement, à n’importe quel utilisateur, le site

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étant rémunéré par la publicité en ligne. Il suffit de s’y connecter pour utiliser son moteur de recherche et lire instantanément une musique. Des possibilités supplémentaires comme la création de playlists et l’importation de fichiers MP3 personnels sont possibles en s’inscrivant gratuitement sur le site. Pourtant, à partir du moment où le site doit traiter avec l’industrie du

disque, l’idée devient difficile à appliquer.

Les deux géniteurs de Deezer ont d’abord dû persuader les ayants droits que ce système de diffusion était rentable. Les plus grosses entreprises de l’industrie du disque n’ont d’ailleurs pas collaboré directement avec Deezer. Il a fallu attendre près d’un an pour qu’Universal


_ Music, la plus importante des quatre majors du disque, accepte de signer un contrat d’utilisation de son catalogue. Quatre mois après, c’était au tour de Warner Music Group d’engager un partenariat avec la plateforme.

DES ÉDITEURS FRILEUX

Si les utilisateurs étaient satisfaits du nombre grandissant de titres à leur disposition, plusieurs problèmes sont survenus auprès des dirigeants du site d’écoute en ligne. Les majors, incapables d’enrayer le téléchargement illégal omniprésent sur le web, souhaitaient toujours davantage de garanties quant au respect des copyrights. Deezer a alors été confronté à un choix : continuer à fournir aux utilisateurs la même qualité de contenu, quitte à se mettre à dos les maisons de disques, ou bien couper la poire en deux, afin de ne pas se mettre en porte-à-faux. Les deux fondateurs du site ont ainsi choisi de se plier à certaines des exigences des ayants-droits, afin de contin u er à p r o p o s e r un contenu gratuit et légal.

Afin de trouver un terrain d’entente, Deezer a commencé à restructurer son site. Des modifications pas toujours au goût des utilisateurs de la première heure, qui estiment qu’elles touchent à l’intégrité même du site. L’un des

premiers amendements a été l’impossibilité de transférer les MP3 importés de son ordinateur à d’autres utilisateurs de Deezer. La nouvelle a créé une véritable vague de mécontentement sur les forums du site lors de sa mise en application, le 10 décembre. L’équipe s’est très vite expliquée, en indiquant que cette fonctionnalité a été modifiée afin d’éviter l’envoi de copies illégales d’un ordinateur à un autre. Les créateurs du site le précisent ainsi sur leur blog : « Sachez que cette exigence provient d’une maison de disque (nous ne la nommerons pas par courtoisie) ». Même si la pilule a été dure à avaler pour les usagers du site, il faut au moins admettre que Deezer a toujours joué carte sur table avec ses utilisateurs. Mais malgré ce geste, les maisons de disque continuent à vouloir tirer la couverture de leur côté. Deezer, dans sa démarche de négociations, a donc réalisé d’autres modifications. Le 9 janvier 2009, le site a subi de profonds changements. Tout d’abord, le moteur du site et son interface ont été modifiés afin de permettre aux usagers une meilleure navigation. Une chose qui aurait pu plaire aux utilisateurs, si cette refonte ne s’était pas accompagnée d’une série de nouvelles règles. Aujourd’hui, il n’est en effet plus possible d’écouter de la musique sans créer

Le filon de la VOD

HIGH TECH

de compte (gratuit, mais référençant des informations personnelles) . De même, c e r ta i n e s musiques ne sont plus accessibles en fonction du pays de l’utilisateur. Cette dernière modification, encore une fois, est du seul ressort des maisons de disque. Certains catalogues n’étant pas disponibles sur tous les territoires, les majors ont souhaité que cette règle de diffusion soit maintenue sur Internet.

UN PROJET DE PUBLICITÉ AUDIO

De plus, afin de permettre au site de trouver un équilibre économique, qui n’est actuellement pas atteint, les deux créateurs souhaitent instaurer de la publicité audio entre les chansons (les publicités actuelles sont de simples bandeaux publicitaires). Le pari est risqué, car un tel changement pourrait entrainer une défection des utilisateurs vers d’autres plateformes tel que Jiwa, l’un des concurrents directs de Deezer. Pourtant, rentabiliser le site est nécessaire. En six mois, Deezer aurait touché 875 00 0 € d e recettes publicitaires et en aurait reversé 70 000 € à la SACEM. Une somme encourageante, mais trop faible pour rémunérer efficacement les ayants-droits.

Grégory Rozières

Deezer a lancé l’idée qu’un mixte entre gratuité pour l’utilisateur et rémunération des ayantsdroits était possible dans le monde de la musique. La révolution commence même à gagner la vidéo. En effet, le système de la VOD (Video On Demand) payante, lancé depuis le début des années 2000 à coup d’énormes investissements par la plupart des diffuseurs (TF1, Canal +, Free, etc.) n’a toujours pas réussi à percer. Des projets de VOD gratuite, financée par la publicité, sont lancés depuis l’essor sans précédent de Deezer. CDiscount, le site d’achat en ligne, propose gratuitement, depuis décembre 2008, trois à quatre films par semaine en streaming. Les longs métrages sont précédés de 15 secondes de publicité en faveur d’un sponsor qui finance l’opération (NRJ, Be2, etc). Si l’on est encore loin d’un catalogue de films équivalent au catalogue musical de Deezer, ces initiatives laissent penser que la diffusion en streaming, financée par la publicité, de programmes audiovisuels va s’accroitre au cours des années à venir.

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MEDIAS

Les gratuits p aient l’addition

Les journaux gratuits connaissent leur premier couac : le recul du marché de la publicité. Avec un financement exclusivement basé sur les recettes publicitaires, les gratuits pourraient à terme être en péril.

D

epuis 2002, les journaux gratuits sont devenus des compagnons familiers des usagers des transports, au point de faire partie intégrante du paysage médiatique. Dans le sillage de Metro, p i o n n i e r d u ge n re, et de son concurrent direct 20 minutes, Vincent Bolloré a lancé Direct Soir en juin 2006, puis Matin Plus (devenu Direct Matin Plus) en février 2007. Depuis l'arrivée des quotidiens gratuits, leur développement a été continu et exponentiel. Selon un rapport publié en juin dernier par l’Association Mondiale des Journaux (AMJ), le nombre de gratuits dans le monde s'élève à 312, et ils seraient diffusés à 41,04 millions d'exemplaires chaque jour. En cinq ans, leur distribution a progressé de 173%. Selon le blog de Piet Bakker, professeur de journalisme aux Pays-Bas, les gratuits seraient lus par 80 millions de personnes dans le monde.

LE RISQUE DE PURGE

Néanmoins, ces derniers mois, plus d'une dizaine de titres gratuits en faillite ont dû mettre la clé sous la porte, conséquence directe de l'effondrement de leurs recettes publicitaires. Dernière victime en date, l'édition espagnole de Metro. Au Canada, le Metro de Toronto continue de paraître, mais vient de licencier tous ses journalistes, les remplaçant par des stagiaires. Faut-il y voir les prémices d’une faillite du système ? Au regard de leur 78

« Nécrologie : ci-gît la presse gratuite » / © Grégory Szeps

importance (les gratuits représentent 23% des quotidiens en Europe), les gratuits ne devraient pas disparaître du jour au lendemain.

P o u r J e a n - C l é m e n t Te x i e r, banquier spécialiste des médias, il ne faut pas remettre en cause la viabilité des gratuits car « ils ont conquit une vraie place sur le marché. Le problème, ajoute-il, c'est qu'il y a trop de titres. Avec la crise, le marché est plus limité. Je crois que la crise appelle à une consolidation pour certains, le fusionnement ou la fin pour d'autres. Il n'y a pas de place pour tout le monde. Globalement, je pense que pas mal de titres disparaîtront d'ici à la fin de l'année ». Chez 20 minutes, « On n'est pas inquiets », comme l’af-

firme Julie Coste, directrice marketing et communication du leader des gratuits français. 20 minutes est le quotidien le plus lu dans l'Hexagone avec pas moins de 2 617 000 lecteurs par jour. Si le journal constate un léger fléchissement en janvier 2009, il a été bénéficiaire pour la première fois en 2008. Deuxième titre d'investissement publicitaire derrière le Figaro et devant le Parisien-Aujourd'hui en France, 20 minutes se considère « en position de force ». Le journal a même enregistré une croissance du volume publicitaire de 7% brut sur le papier. En dépit de ces résultats, Julie Coste tient tout de même à pondérer : « %ous ressentons les difficultés du marché de la publicité, beaucoup d'annonceurs annulent leur campagne de


MEDIAS pub au dernier moment ». Dans ces conditions, 20 minutes fait de la résistance et se veut inflexible sur le prix moyen de la page de publicité, quitte à refuser des pages d'annonceurs. Parallèlement, le journal continue de développer des services, comme celui de l'application sur l'Iphone.

UN INVESTISSEMENT PUBLICITAIRE EN BAISSE

Dans sa dernière note de conjoncture du marché de la publicité, le groupe Havas (deuxième groupe publicitaire français) annonce un recul de 6.9% au premier trimestre 2009 par rapport au premier trimestre 2008. La presse magazine devrait être la plus touchée au niveau de l'investissement publicitaire, au

Les journaux gratuits sont quotidiennement distribués dans les transports en commun / © DR

profit des médias réactifs - sur Internet -, privilégiés en temps de crise. Concernant la presse quotidienne nationale et régionale, l'évolution est moins défavorable. La note précise ainsi que « la presse gratuite d’information reste le segment dynamique du secteur ». En janvier 2009,

l'investissement publicitaire a reculé de 1% dans la presse quotidienne. Tandis que la presse payante accuse une baisse de 6,5%, les gratuits constatent une plus-value de 8%. Tout en sachant que l’arbre cache la forêt.

Barbara Stec

» Le modèle des gratuits n’est p as en péril »

Le groupe Metro a été le premier à lancer un quotidien gratuit. Quatorze ans plus tard, établi dans 23 pays avec 84 éditions et en 18 langues, l'éditeur suédois rencontre ses premières difficultés. Metro France a vu son chiffre d'affaires reculer de 3% en 2008. Sophie Sachnine, directrice générale des publications, reste optimiste.

Après la suppression des éditions espagnoles et croates, le groupe Metro est-il en difficulté ? La raison pour laquelle on arrête une opération, c'est quand justement elle n'est pas rentable. C'est ainsi qu'on améliore la santé financière du groupe. Metro est une entreprise internationale qui ouvre des opérations, comme c'est le cas actuellement à Moscou, et en ferme ailleurs, comme en Espagne. C'est la vie normale d'une entreprise internationale.

Avec la crise et la baisse des recettes publicitaires, pensez-vous que le modèle des journaux gratuits est en péril ? Non, toutes les entreprises sont mises à mal en période de crise. Ou alors, posons-nous la question

de savoir si le modèle des radios est en danger car les radios privées sont elles aussi exclusivement financées par la pub. Nous sommes affectés par la situation du marché, mais je ne pense pas que le modèle soit en péril. Avec la concurrence et l'actuel recul de la publicité, avez-vous dû baisser le prix de vos pages de pub ? Non, nous n'avons pas baissé le prix moyen de nos pages. De plus, je pense qu'il y a de la place pour trois quotidiens gratuits du matin. Le marché de la presse quotidienne en France, gratuite ou payante, est à mon sens loin d'être saturé !

Propos recueillis par Barbara Stec

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SPORT

Q

Les accros du fixe

Sans roue libre ni frein, le « fixe » débarque à Paris. S’il n’a rien d’urbain à l’origine, ce vélo fait de plus en plus d’adeptes en ville. Dans la capitale, une communauté de rouleurs s’est formée autour du phénomène. Tour de chauffe.

UN VÉLO HORS-LA-LOI

© Réflexe

C

Un détournement qui s’est opérée « en grande partie grâce au film américain Mash SF », explique Thomas. Avec son compère Monos, ils ont ouvert il y a un an Cyclope, le premier magasin de fixe à Paris, devenant par là-même les pionniers du mouvement dans la capitale. « Mash SF a été le premier beau film à avoir montré au public des gars rouler en fixe », dans les rues de San Francisco.

’est la nouvelle mode à Paris : se faire un fixe ! Sans aucune allusion toxicologique, le fixe, que l’on appelle également pignon fixe, est une sorte de vélo. Pourquoi un tel nom ? A l’origine, le pignon est le support sur lequel tourne la roue arrière. Ici, on l’appelle fixe car il ne déclenche pas de roue libre, au contraire de la plupart des vélos commercialisés. « Les premiers utilisateurs de ce système sont les pistards, rappelle le journaliste cycliste Amel Gonnet, des pros du vélo ». Les cyclo-messagers de New York et San Francisco ont ensuite suivi le mouvement, « pour minimiser le risque de se faire voler leurs deux-roues », précise Amel Gonnet.

Certes, le fixe est un vélo pour le moins minimaliste : un cadre, deux roues, une chaine, des manivelles, deux pédales, ni vitesses ni freins - un sacrilège. 80

Mais cela n’abaisse pas sa valeur, bien au contraire. Outre la dimension sentimentale, chacun customise le sien à sa façon. Certains laissent ainsi courir leur imagination : monture vert fluo, dorée ou noire, et roues à bâtons comme celle des coureurs de contre-la-montre. « Ca t’apprend à bricoler », souligne Seb, 35 ans, qui a monté son premier fixe il y a un peu plus d’un an. Par ailleurs, ces vélos ont une valeur pécuniaire conséquente. « Une fois que tu sais changer les pièces, tu as du mal à résister et à ne pas en acheter d’autres », témoigne Jules, un lycéen. Depuis deux mois, il investit toutes ses économies dans son fixe. Pour en acquérir ou en monter un, il faut compter un budget minimum de 700 euros. Mais dans ce milieu, l’hédonisme n’a pas de prix. Avec le fixe, le vélo va bien au-delà de sa fonction utilitaire.

En fixe, les sensations n’ont rien à voir avec une balade en VTT ou en vélo hollandais. En plus de rendre le rétropédalage possible, le pignon fixe oblige à pédaler en permanence. Avec une vitesse pure qui augmente de manière exponentielle - et sans poignée de freins - il est primordial d’apprendre à s’arrêter. Pour stopper la machine, il faut ainsi bloquer la roue arrière en encaissant dans les mollets l’enchaînement du pédalier (une technique qu’on appelle « skid »). Un concept radical et pas sans risque, ce que reconnaît Seb : « Je me suis fait quelques frayeurs ». Encore fautil préciser qu’en ville, la loi interdit de rouler sans freins, ce que Jules a appris à ses dépends. Il y a deux mois, il s’est fait arrêter de nuit sans freins et sans lumière. « Au total, j’aurais pu en avoir pour 300 euros d’amende », souffle-t-il. Cela n’empêche pas le phénomène de percer dans les grandes villes. On recense 2 000 rouleurs à Londres, autant à Zurich et Genève. Et déjà 200 à Paris, de 15 à 40 ans


Q

SPORT

© Réflexe

© Réflexe

en moyenne. L’année dernière, quand Seb allait rouler le jeudi soir près de Palais Royal, ils n’étaient que quatre ou cinq. « Aujourd’hui, nous sommes plus de 40 chaque semaine ».

MODE URBAINE, ART DE RUE…

Alexandre Vau

© Réflexe

A Paris, quelques magasins se chargent de ravitailler les rouleurs. « Bicloune », ou encore la référence « Cyclope», qui vend à prix prohibitifs cadres,

Pour rester dans le lexique cycliste, on dira que le coup de pédale initial a été donné et qu’aujourd’hui le pignon fixe n’est pas prêt de s’arrêter de tourner. Alors que l’écologie est de plus au cœur du débat démocratique, cette mode s’inscrit parfaitement dans le moment présent et surfe sur le retour du vélo en ville. La construction de 200 kilomètres de pistes cyclables d’ici 2013, annoncée par la mairie de Paris, devrait alors renforcer l’addiction de certains « fixeurs ». « Ton vélo devient vite ta femme. Quand je le laisse à réparer, au bout de trois jours, je deviens fou », lâche Seb qui, désormais, ne peut plus prendre le métro. Pas de risques de grèves, plus d’amende à payer pour excès de vitesse, le fixe a tous les avantages du vélo. De quoi fédérer au-delà d’une poignée (de frein) d’aficionados.

© Réflexe

Pour autant, le phénomène ne parvient pas encore à franchir les portes des villes, et le fixe joue la carte de la mode urbaine. Les Parisiens, eux, copient le style vestimentaire des coursiers en y apportant leur touche personnelle. Il faut dire qu’ils sont un peu plus coquets que les premiers « bike messengers ». Chemise à carreaux cintrée, jean, Vans, on retrouve chez eux plusieurs éléments de leurs pères spirituels, les premiers skateurs (on pense ici aux Z-Boys). Une image pourtant bien éloignée du style des coursiers originels, qui portaient le perfecto et repeignaient leurs bécanes à la bombe en y collant quelques stickers. Pour Amel Gonnet, « ce revirement du fixe est intéressant même si un tel vélo est totalement « out » pour des cyclistes traditionnels. On est complètement dans la contre culture du vélo ».

fourches, cintres, selles, grips et autres cale-pieds. L’autre rendezvous des rouleurs est à chercher sur Internet. Le fixe possède son forum (www.pignonfixe.com). C’est à cette adresse que les asphalteurs se retrouvent pour acheter ou revendre leurs pièces, se donner rendez-vous pour aller rouler ou encore se renseigner sur les courses à venir. En quelque sorte, le vade-mecum essentiel aux pratiquants, qu’ils soient débutants ou chevronnés.

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MUSIQUE

La b ande son de 2009

Qu’ils soient Français ou étrangers, seuls ou en groupe, rockstars en devenir ou alchimistes électroniques, grosses pointures FM ou jeunes tombés du nid, ces artistes sont à suivre à la trace en 2009. Le nez creux

FLAIRS > ELECTRO–POP / FRANCE

Bassiste de Mellow, d'Alex Gopher ou encore des Hushpuppies et de Benjamin Diamond, Flairs a déjà eu une carrière d’homme de l’ombre avant de se retrouver dans la lumière. Dans la foulée de l’hilarant single « Better Than Prince » (dont le clip a été tourné par les petits malins Jonas & François, déjà à l’origine du D.A.N.C.E. de Justice), il vient de sortir « Sweat Symphony », un premier album remarqué, aux confluents de Bowie, Human League et Roxy Music. En deux mots, moite et flamboyant.

Soprano pop

FREDO VIOLA > POP / ÉTATS-UNIS

De sang italien et américain, c’est pourtant à Londres que ce jeune musicien est né. En Amérique où il grandit, il apprend le piano et le violon et fait partie d’une chorale. Son expérience se ressent d’emblée sur son premier single, « The Sad Song », qui repose presque uniquement sur sa voix, enveloppée et mélancolique. Son nouvel album, « The Turn », paru en février sur le label Because, est un bijou de pop symphonique et d’electronica. Et comme ce musicien ne fait pas les choses à moitié, l’artiste vient également de sortir un DVD de vidéos bricolées à la maison.

Les retrouvailles

DAVID BYRNE & BRIAN ENO > ROCK / ANGLETERRE

Voilà 27 ans que les deux argentiers en chef n’avaient plus travaillé ensemble. En 1981, Brian Eno débarqué de Roxy Music et David Byrne affranchi des Talking Heads sortaient « My Life In The Bush of Ghosts », album séminal aux sonorités mystiques. Les deux compères viennent de remettre la machine en route avec une nouvelle collaboration, « Everything That Happens Will Happens Will Happen Today ». Comme pour illustrer ce titre prémonitoire, ils seront en concert à l’Olympia de Paris le 25 mars. Un moment rare.

Loser

ESSER > ÉLECTRO-POP / ANGLETERRE

Armé d’un look étrange, d’une coiffure atypique et d’une musique pop parsemée de diversions électroniques et de gimmicks rockab, Esser fait partie d'une nouvelle génération d'artistes transgenre impossible à étiqueter. D'abord percussionniste au sein de Lady Fuzz, ce jeune Anglais s'exerce aujourd'hui en solo sur des titres terriblement accrocheurs et extatiques. « Headlock » ou « I Love You » ressuscitent Beck, et son premier album, programmé pour le mois d’avril, devrait redonner envie d’aimer les losers. 82


MUSIQUE Ressac

PJ HARVEY > ROCK / ANGLETERRE

Attendue au tournant depuis la sortie en 2007 de « White Chalk », son sublime album de folk épuré au piano, l’Anglaise devrait incarner la première grosse surprise de ce printemps 2009. Elle rebranchera les guitares et retrouvera sa rage d’antan sur son nouvel album à paraître en mars. Intitulé « A Woman A Man Walked By », il sera composé avec son fidèle collaborateur John Parish. Pour juger de son retour aux sources, deux dates au Bataclan de Paris sont prévues le 17 et 18 mai prochain.

Sur le ring

OASIS-BLUR > BRIT-POP / ANGLETERRE

Au milieu des années 90, Oasis et Blur se disputent la place de roi de la britpop, à grands coups de « Parklife » et de « Wonderwall ». Presque 15 ans plus tard, Oasis donne dans le stadium rock de patachon tandis que Blur se reforme après des mois d’atermoiements. Si les deux groupes portent sur eux le poids des années, voilà peut-être l’occasion d’organiser un round supplémentaire dans leur lutte à mort.

Patience

JEREMY JAY > POP / ÉTATS-UNIS

Tout vient à point à qui sait attendre. Jeremy Jay doit connaître ce proverbe sur le bout de la langue. Et pour cause, si on lui reconnaît aujourd’hui un talent de compositeur, il a longtemps persévéré avant d’obtenir le moindre succès d’estime. Peintre en bâtiment dans le civil, le californien laid-back et anachronique a sorti en 2008 « A Place Where We Could Go », un bijou de pop lo-fi. Fourmillant d’idées, son nouvel album, à paraître en 2009, y incorpore des éléments de disco glaciale. D’ores et déjà l’un des plus beaux albums de l’année.

Icône et classe

MORRISSEY > CROONER / ANGLETERRE

Chanteur emblématique des Smiths jusqu’à la séparation du groupe en 1988, Morrissey s’est bâti en deux décennies une image de héraut pop, voix des parias. Si le dandy secret a connu plus de bas que de hauts dans les années 90 (malgré des cohortes de fans dévoués corps et âmes), il revient aujourd’hui plus confiant que jamais. « Years of Funeral », son nouvel album, creuse le sillon qui a fait sa légende : nonchalant et sophistiqué.

Le romantisme de l’ange

ANTONY AND THE JOHNSONS > POP LYRIQUE / ÉTATS-UNIS

Personnage d'une grande sensibilité, artiste à l'androgynie largement affichée, Antony Hegarty a tout du freak inadapté. Repéré par Lou Reed en 2001, le crooner lunaire retrouve les Johnsons, après avoir mis les doigts dans le disco grand luxe pour « Hercules & Love Affair ». Déchirant, « The Crying Light » pourrait même surpasser « I Am A Bird Now ». Preuve de l’attente générée par le phénomène, sa date au Grand Rex est d’ores et déjà complète. 83


MUSIQUE L’homme-niscient

DAVID SITEK > ROCK / ÉTATS-UNIS

Enfant du creuset américain, David Sitek pourrait n’être que l’énième homme à tout faire du gotha de Brooklyn : arty et vain. Classé dans le top 10 des personnalités indie les plus influentes par le NME en 2008, le guitariste de TV On The Radio a récemment troqué ses pédales d’effet pour une casquette de producteurs. Après les Yeah Yeah Yeahs, les Liars ou Scarlett Johansson cette année, il remet le couvert avec le prometteur duo Telepathe et Iran, le groupe de Kyp Malone… de TV On The Radio.

Gymnastique

LA ROUX > ELECTRO-POP / ANGLETERRE

Cette jeune Londonienne aux faux airs d’Annie Lennox truste déjà tous les calendriers prévisionnels de la presse anglo-saxonne, du Guardian au NME. De son vrai nom Elly Jackson, La Roux a d’ores et déjà dévoilé l’étendue de son potentiel sur « Quicksand », un hymne synth-pop décomplexé qui conjugue Madonna au plus-que-parfait. A tout juste 20 ans, cette demoiselle qui a commencé dans les house parties de Londres ne perd pas de temps, puisque c'est Polydor qui a décroché la timbale pour son premier album « In For The Kill » dont la sortie est imminente. Assurément, l’aube d’une carrière sur les chapeaux de roue(x).

Le grand soir

FRANZ FERDINAND > ROCK / ÉCOSSE

Du retour du rock amorcé en 2001, il ne reste plus beaucoup de cadors : les Strokes et Franz Ferdinand. Après deux albums superbement ouvragés qui les ont catapultés dans les grandes arènes, les Ecossais reviennent cet hiver avec « Tonight : Franz Ferdinand », un troisième album plus épique et cavalier. Ce qui leur permet, sans trop se forcer, de conserver une longueur d’avance sur la meute des poursuivants.

Voyage au bout de la nuit

TURZI > KRAUTROCK / FRANCE

Entre un EP martial en 2007 (« Made Under Authority ») et un album remarquable et remarqué, le très sobrement nommé « A », Romain Turzi et ses sbires ressortent de leur tanière pour poursuivre leur entreprise de construction d’un psychédélisme à la française. Explorant toujours une veine krautrock obscurantiste, « B » devrait tenir toutes ses promesses de voyage mental.

Confirmation

FLEET FOXES > PSYCHÉ-FOLK / ÉTATS-UNIS

Adoubés par la presse spécialisée et propulsés meilleur groupe de 2008 à la sortie de leur premier album, les Américains de Fleet Foxes devront prouver cette année que les espoirs reposant sur eux sont à la hauteur de leur réputation. Têtes d’affiche de plusieurs festivals européens, les post-hippies de Seattle doivent maintenant prouver qu’ils valent mieux que le pot-un-peu-trop-pourri de la pop pastorale et du folk contemplatif.

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Emeline Marceau et Olivier Tesquet


La sélection du mois par Olivier Tesquet Nos années collège

College « Secret Diary »

College réécrit la bande-son d’une adolescence flippée.

David Grellier, l’homme qui se cache derrière College, est un pote de Minitel Rose, ce qui explique la typo pétasse. C’est aussi lui qui a créé Valerie, la structure qui ressemble étrangement à un Italians Do It Better nantais. Mais moins aguicheur que ses camarades de jeu, il propose une relecture des génériques de séries US qui ont marqué son enfance. Parker Lewis ne perd jamais ? Grellier a beau avoir été imprégné par Larry Koubiak ou Code Quantum, il a probablement veillé tard le soir pour regarder des séries Z en cachette. Chez lui, K2000 est réalisé par John Carpenter, et David Hasselhoff joue dans Invasion Los Angeles. Dans ce panorama plein de néons et d’effets spéciaux artisanaux, on n’entend pas vraiment la french touch. Dans les 80’s déjà, les mômes se foutaient des séries françaises.

Meilleur morceau : « Something Wrong Tonight » (Futur / La Baleine)

Typical Girls

Vivian Girls « Vivian Girls »

Les Vivian Girls, des filles pop à l’attitude punk.

Quand on parle des girl groups sixties, on pense aux Crystals, aux Ronettes, et surtout à Phil Spector, leur pourvoyeur officiel en hits. Un demi-siècle plus tard, le « Howard Hughes du rock » a délaissé les studios pour les tribunaux et les riot grrrls ont réhabilité la moustache. Self-made women du moment, les Vivian Girls ont troqué le mur du son pour le do-it-yourself. Oubliez les Pipettes et leurs dégaines de Shangri-Las, ces Girls-là ne donnent pas dans le pastiche. En 20 grosses minutes de chœurs bubblegum et d’entrain college rock, la triplette de Brooklyn convoque les Slits et les Vaselines, Sleater-Kinney et les…Minutemen. Non, les filles qui rock ne sont pas obligées de porter tenue de suffragette et Doc coquées pour taper où ça fait mal. Ca ferait presque du bien. Meilleur morceau : « Tell The World » (In The Red)

MUSIQUE Naufragés volontaires Seeland « Tomorrow Today »

La vie aquatique selon Seeland

Dans les manuels officieux de géographie, Sealand est une microscopique principauté autoproclammée, une ancienne base militaire perdue au large des côtes britanniques. Pour la cosmogonie de la pop, Seeland aurait pu ne rester que la coquille vide d’un usurpateur de bernard l’ermite. Avec un ex-Broadcast et un exPlone aux commandes, ce fragile vaisseau spage age va-t-il s’échouer sur les hauts-fonds de la tapisserie sonore ? Certes, Seeland doit beaucoup à ses contemporains. Du maelström analogique de Stereolab aux génériques du BBC Radiophonic Workshop en passant par les incantations intégristes de la paire Pierce/Kember, le duo remonte le courant de cette pop d’alchimiste. Mais à l’inverse de Sonic Boom ou E.A.R., les yeux rivés vers la stratosphère, Seeland plonge plutôt dans l’onde délicate du dernier Spiritualized. Et pour ceux qui penseraient qu’il ne s’agit que d’un éternel ressac, on précisera que dans le cas de Seeland, le coefficient de la marée est particulièrement élevé.

Meilleur morceau : « Library » (LoAF Recordings)

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MUSIQUE

Un crépuscule irradiant

Le « Never Ending Tour » de Bob Dylan, commencé en 1988, sera au Palais des Congrès les 7 et 8 avril prochain. A soixante-sept ans, le poète n’abandonne pas son public, il tourne en permanence. Au soir de sa carrière, l’hommage est unanime.

T

ous les observateurs de la culture et de la contreculture réunis s’accordent depuis la fin des années soixante pour reconnaître que Dylan est le poète le plus important de la seconde moitié du vingtième siècle. Au printemps 2009, rock stars de toutes obédiences, rock critics blasés et exégètes de l’histoire contemporaine ont enfin admis que le débat n’avait plus cours : Bob Dylan est effectivement hors d’atteinte. Les seuls icônes à même de tutoyer le maître sont morts depuis des décennies. Certains peuplent le Panthéon musical, d’autres ont rejoint le néant dont ils n’auraient jamais du sortir. Seuls, les fantômes de Jimi Hendrix, dont Dylan reprend riff pour riff la version d’ « All Along

The Watchtower », et de John Lennon, dont les paroles subirent une véritable révolution copernicienne après sa rencontre avec Dylan lors d’un printemps londonien embrumé par l’herbe et les amphétamines, semblent avoir été en mesure d’humer les effluves d’une telle altitude. De « Love, love me do, You know, I love You », les textes des Beatles évolueront jusqu’à « I wanna make a revolution » du White Album, et au testament solo « Imagine ». Sauf que même cette proximité avec les artistes ultimes des sixties, qui furent la décennie de diamant du siècle, ne suffit pas tout à fait à percevoir ce que Dylan apportera à l’histoire. On peut raisonnablement alléguer que sans lui, le rock’n’roll serait resté une posture adolescente, évanescente et velléitaire, qui n’aurait jamais à ce point marqué le vingtième siècle.

L’ASCENSION

Robert Allen Zimmerman pour l’état civil naquit le 24 mai 1941 à Duluth, Minnesota. On cherchera en vain d’autres exemples de célébrités dans ce cul de basse fosse culturel du Middle West. Sa famille émigre rapidement à Hibbing, anodine bourgade proche de la frontière cana86

dienne, d’où le jeune Robert fugue à l’âge de dix ans, pour rejoindre Chicago, la capitale du Blues. A quelques mois de ses vingt ans, il sillonne les USA en stop et rencontre Woody Guthrie, pape du protest-song et songwriter hors pair.

LE TOURNANT ÉLECTRIQUE

C’est qu’à cette époque, le folksong est le vecteur naturel de la chanson dite « à texte » ou « engagée », quand le rock’n’roll balbutiant peine à sortir des thématiques récurrentes de l’adolescence libidineuse, genre « Love me tender » ou « Sweet Little sixteen » : les filles, les bagnoles et les beuveries du week-end. Début d’une carrière de folk singer au cœur de Greenwich Village, le pendant germanopratin de Manhattan, sous le pseudonyme de Bob Dylan, en référence au poète gallois Dylan Thomas.

Si le premier album éponyme, tout de même produit par John Hammond, peine à trouver son public, le second « The Freewheelin’ » est un carton essentiel. Promu sur l’épaule protectrice et accueillante de Joan Baez, les premières chansons restent arrangées guitares et harmonica, mais seront abondamment reprises par les ténors de l’acid rock, Byrds en tête. Mais c’est paradoxalement au moment où son succès se confirme au sein d’un public déjà rance et confiné de proto-hippies sectaires que Dylan va délaisser l’acoustique et écrire les plus lumineuses


MUSIQUE constellations du rock. En 1964, lors du festival de Newport, il apparaît épaulé par une solide formation électrique, et chante « Like a Rolling Stone ». Un quarteron de babas abrutis le traitera de Judas, mais d’Allen Ginsberg à Neil Cassidy en passant par Warhol, Nico et les Stones, ses pairs adoubent le génie. En 66, la star écrase sa Triumph Bonneville sur l’asphalte du Nouveau Mexique, l’accident de moto le laisse à moitié mort. Il endure une longue convalescence chez lui, à Woodstock, seulement entouré des membres du Band, le groupe qui l’accompagnera sur ses disques suivants. A partir de là, chaque album est un monument d’histoire : « John Wesley Harding », « Nashville Skyline », « Blood On The Tracks », jusqu’à « Desire » en 1975. Il signera au passage la bande originale de « Pat Garrett & Billy The Kid », de Sam Peckinpah, immortalisée par le single « Knockin’ on Heaven’s Door » dont une reprise honteusement beuglée par les Guns’n’Roses polluera les ondes quelques années plus tard. La religion le rattrape, et sa quête de foi produira trois disques controversés à l’époque, mais néanmoins très importants à la lumière des années passées, puisqu’on y découvre une dimension inédite de la spiritualité de Dylan.

LA MATURITÉ

Les longues années 80 seront un purgatoire pour l’ensemble du rock, d’où n’émergeront que quelques épiphénomènes vaguement dispensables. Il faudra attendre la fin des 90’s pour que Dylan revienne en force, auréolé de la maturité et du poids du silence. En 1997, « Time out of Mind » marque le retour en grâce du poète américain. La voix évolue aux limites d’une assonance maîtrisée, mais les textes sonnent comme l’Amérique de Faulkner et de Gregory Corso.

« Modern Times » sort en 2006, dans une ambiance crépusculaire où la sagesse rôde comme un vautour. Mais les plus éminents critiques saluent à cette occasion un album quasi parfait.

Bob Dylan a 67 ans. Il était en novembre dernier à New York et à Montréal. Des concerts où pour les fans de tous âges, la voix sépulcrale qui s’élève souffle sur la nuque comme le vent de l’histoire. Du haut de ces deux heures de concert, quarante cinq ans de chansons qui ont changé le monde contemplent le spectateur. Elles

ont changé les USA, la jeunesse, le monde. Si comme le proclamait Léo Ferré, son avatar francophone, la lumière ne se fait que sur les tombes, on étudiera bientôt les œuvres de Bob Dylan dans les lycées, comme on le fit un jour de Rimbaud et de Jack Kerouac. Il reste chez Dylan l’insondable mystère d’un homme qui se moqua des médias, mais ne se coupa jamais d’un lien essentiel avec son public, puisqu’il reste l’un des rares artistes de sa génération à tourner à un rythme effréné.

Youri Lee Gothemi

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LITTERATURE

La sélection du mois par Steffy Beneat

Les sorties de février

Il y a une vie en dehors de la rentrée littéraire. Les deux premiers mois de l'année 2009 proposent pas moins de 347 productions françaises et plus de 550 nouveautés. « Réflexe » en a sélectionné quelques-unes, sans oublier de varier les plaisirs. HARLAN COBEN SANS UN MOT

(BELFOND NOIR)

Interviews, salon du livre, dédicaces en librairie... un c o p i e u x programme attend Harlan Coben pour sa prochaine venue en France, début mars, à l'occasion du lancement de « Sans un mot », son nouveau roman, marqué par l’absence de son héros récurrent Myron Bolitar. Le livre sortira le 5 mars et dès la semaine suivante, l'auteur américain sera dix jours à Paris. Auparavant, il débutera son périple promotionnel par un passage à la Foire du Livre de Bruxelles (du 5 au 9 mars). Père de quatre jeunes enfants, l’auteur aborde dans « Sans un mot » (« Hold Tight » en anglais) un sujet de bon père de famille : les dangers d'internet. « Boucle-la et tu risques rien ». Voilà le message inquiétant que Mike et Tia découvrent dans l’ordinateur de leur fils de seize ans, Adam, pour qui ils s’inquiètent depuis le suicide de son meilleur ami, Spencer. Il est devenu très renfermé, et ne se confie qu’à son ordinateur. Ses parents décident alors de surveiller ses faits et gestes sur le net. Et alors que ses parents s’interrogent sur lui, le jeune garçon disparaît sans un mot... Mike et Tia vont le rechercher partout et découvrir que leur chère progéniture s’est mise dans un sacré pétrin. Au même moment, Marianne est attablée dans un bar en compagnie d’un couple. Elle ne sait pas qu’elle a affaire à ses assassins.

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L’avis de Philippe Lemaire, journaliste au Parisien : « Chaque année, Harlan Coben publie un nouveau best-seller. Et chaque année, il vient en assurer la promo en France, un pays qui lui réussit puisque ses livres y font partie des meilleures ventes. C’est un peu le pape du polar. Et « Sans un mot » a de fortes chances de connaître le même succès. Il sait tourner ses intrigues et anticiper la psychologie du lecteur et ainsi le surprendre de la première à la dernière page ».

ROBBERT FORTIN PERSONNE N’A TROUVÉ D’ANGLE À LA BEAUTÉ (HEXAGONE)

Robbert Fortin est décédé le 14 avril 2008 à l’âge de 62 ans. Poète, peintre et graveur, il était, selon l’écrivain Tony Tremblay, un artiste intense, entier, rassembleur et charismatique. Il a su créer, au sein de la France et dans le cœur des poètes dont il aimait être entouré, un espace de liberté, de création audacieuse, de parole rigoureuse, d’amitié sincère et de fraternité humaine, qui a su rallier toute une nouvelle génération de poètes. Son dernier recueil contient des poèmes de voyages, inspirés de lieux et de moments qui l’ont marqué. Ce poète, qui veut « être à la hauteur des couchers


LITTERATURE de soleil », s’attarde ainsi sur la beauté du monde, que ce soit « devant un tableau de la Tate Gallery à Londres ou encore devant un mendiant ». On le suit dans un voyage qui le mène du Québec à l’Angleterre puis en France et en Espagne en passant par l’Italie et la Suisse. Éloge à la vie, à la nature, ces poèmes d’un flâneur témoignent d’une grandeur d’âme et d’un regard sur le monde attentif aux petits détails…

FOCUS SUR LA RUSSIE EDOUARD LIMONOV MES PRISONS

(ACTES SUD)

Malgré ses activités politiques, Edouard Limonov, né en 1943 n’a jamais cessé d’écrire. Forcé à l’exil à l’époque de Brejnev - d’abord aux Etats-Unis puis en France - le leader radical n’a effectué son retour sur la scène publique russe qu’en 2001 (après son ralliement à Garry Kasparov dans le forum L’Autre Russie). Il est alors incarcéré jusqu’en 2003. Il lui aura fallu cinq ans pour raconter son expérience carcérale en Russie, dans « Mes Prisons ». Après avoir été effleurée par Emmanuel Carrère dans un portrait pour le magazine XXI l’année dernière, la détention de Limonov prend une tournure quotidienne sous la plume de l’éternel dissident. S’il se revendique « révolutionnaire », les

prisonniers qu’il rencontre, à l’exception des Tchétchènes, sont tous des assassins, des voleurs, des délinquants sexuels, et des pauvres gens. « La prison, c’est le domaine du gros plan. Tout y est proche et forcément exagéré», écrit-il. Au bout du compte ce « raté lumineux » (comme il se décrit) propose ce qui pourrait être la postface de « L’Archipel du Goulag » de Soljenitsyne, toujours d’actualité. 35 ans plus tard, la population carcérale russe tutoie encore le million.

Steffy Beneat

MARTIN AMIS KOBA LA TERREUR

(L’ŒUVRE LITTÉRAIRE)

Que peut bien apporter l’œil de Martin Amis à l’histoire, densément archivée, de l’URSS stalinienne ? Cette question légitime, celui qu’on étiquette facilement comme le Houellebecq britannique la balaie d’un revers de main. « Koba La Terreur » n’est pas un livre d’histoire attaché aux faits, c’est un livre d’histoires. Celle de son père d’abord, Kingsley Amis, militant communiste repenti, figure tutélaire que le fils repousse en même temps qu’il l’embrasse. Il aura fallu plus de deux ans pour qu’un éditeur français ose publier la traduction de cet ouvrage controversé. Parcellaire, erroné, noyé sous l’arrogance, « Koba » a dû essuyer le feu des critiques britanniques, peu réceptifs à sa démarche. Il convient alors de rendre à Martin Amis le rôle qui lui appartient, et qu’il a lui-même choisi : celui de passeur. Il s’efface derrière l’Histoire pour assumer une fonction de passerelle. « La mort c’est une tragédie, un million c’est une statistique », aimait à dire Staline. Amis lui répond ainsi : « un million de morts représente à tout le moins un million de tragédies ». Bien loin du villagePotemkine, « Koba la Terreur » est cela : un livre intime, aussi important pour la mémoire collective que les récits de la Kolyma.

Olivier Tesquet

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CINEMA

De « La Colline a des yeux » à « Vendredi 13 », le film d’angoisse devient plus que jamais le terrain de jeu des stakhanovistes du remake. Au point de devenir un genre à part entière.

L

« L’Attaque des Tomates tueuses » figure également en bonne place au palmarès. Bien que réputé pour sa version de 1988 (qui a révélé George Clooney), le film est pourtant sorti initialement en 1978. Et un nouveau remake devrait voir le jour d’ici 2010, concocté par le truculent John De Bello.

LA RENAISSANCE DES « SLASHERS »

Halloween est le précurseur des « slashers », mettant en scène un tueur sanguinaire et des étudiants / © DR

e remake est inscrit au patrimoine génétique du ci n é m a contemporain, parfois pour le meilleur, souvent pour le pire. Trop longtemps laissé entre les mains d’artisans maladroits de la série Z, il devient aujourd’hui un genre autonome. Après huit « Halloween », dix « Vendredi 13 » et sept « Freddy », le public avait fini par se lasser. Mais qu’est-ce qu’un remake au cinéma ? Avant tout, c’est faire du neuf avec du vieux, contenter les puristes et rameuter les néophytes.

« LES PROFANATEURS DE SÉPULTURES »

L’un des premiers films d’angoisse à avoir été repris est sans doute « L’invasion des profanateurs de sépultures » (1956) de Don Siegel. Chef d’œuvre nourri à la phobie communiste de l’époque, on l’a vu réadapté en 1978, en 1993 par Abel Ferrara et en 2007 sous le nom de « Invasion », avec Daniel Craig et Nicole Kidman. Mais si ce film 90

est toujours le mètre-étalon de nombreux cinéphages, il n’est pas le premier.

« Nosferatu » (1922) est réellement le précurseur. Directement inspiré du « Dracula » de Bram Stoker (le roman, ndlr), le film de l’expressionniste allemand Murnau avait dû évacuer cette référence faute de droits, tout en conservant la substance. S’en est suivi un nombre presque incalculable d’adaptations et de suites. Tod Browning réalise le premier Dracula « officiel » en 1931, avec l’inoubliable Bela Lugosi dans le rôle titre. A partir de la fin des années 1950 et la reprise de la licence par la Hammer, c’est Christopher Lee qui immortalise le fameux vampire. La dernière œuvre notable revient à Francis Ford Coppola qui célèbre le mythe 1992, à travers une distribution somptuaire (Gary Oldman, Winona Ryder, Keanu Reeves, Anthony Hopkins, Monica Bellucci). En tout et pour tout, on peut recenser plus de 200 films basés sur le comte de Transylvanie.

L’excellent « Village des damnées » (1960) s’est vu pour sa part adapté par John Carpenter en 1995. Au regard du naufrage, on préfère que Carpenter initie plutôt qu’il ne reprenne. En effet, le « Halloween, la nuit des masques » séminal (1978) fait aujourd’hui figure de pierre fondatrice du « slasher », ce sous-genre qui prend pour protagonistes un tueur sanguinaire à la poursuite de jeunes étudiants. « Vendredi 13 », « Les Griffes de la Nuit », « Scream », « Urban Legend » ou encore « Souvienstoi l’été dernier » sont unanimement considérés comme les héritiers de cette œuvre majeure. « Halloween » a été brillamment dépoussiéré en 2007 par le gourou metal/réalisateur Rob Zombie, avec une analyse psychologique plus fine du tueur Michael Myers.

Dans la même tradition, « Massacre à la tronçonneuse » a peut-être joué un rôle de catalyseur vers le passé, tout en étant lui aussi remis à jour en 2003, par Marcus Nispel et le producteur pyrotechnique Michael Bay.


CINEMA

Depuis 5 ans, le phénomène s’est amplifié. « L’Armée des Morts », « Amityville », « La Maison de Cire », « Fog », « La Colline a des Yeux », « Hitcher », « Halloween » et « Invasion », tous ces films cultes des années 70 et 80 ont été réadaptés. Signe d’une mise en abyme de plus en plus vertigineuse, des suites de remakes ont même vu le jour, avec « Massacre à la tronçonneuse : le commencement » et « La Colline a des Yeux 2 ».

PARFOIS MEILLEUR QUE L’ORIGINAL

Est-ce pour autant la fin de la créativité ? Heureusement non. Preuve en est faite avec le remake de « La Colline a des Yeux » en 2006. Réalisé par le Français Alexandre Aja, ce petit bijou a dépassé esthétiquement et techniquement son illustre ancêtre, pourtant né devant la caméra de Wes Craven en 1977. « L’Armée des Morts » (2003) n’a pas non plus à rougir. Inspiré du « Zombie » de George Romero, on y suit toujours un petit groupe d’humains retranchés dans un centre commercial pour se protéger d’une invasion massive de morts vivants. La critique du système de consom-

mation est toujours là, le mythe revisité avec des yeux neufs, la réussite presque totale. Peut-être est-ce parce que le réalisateur se nomme… George Romero.

Dans le domaine du remake, l’orfèvre du film de survie décline depuis des années l’image du mort-vivant, qu’il a pour ainsi dire créée. Depuis « La Nuit des Morts-Vivants » en 1968, il a accouché de « Zombie » (1978) et de « L’Armée des Morts » (2003). « Le Jour des MortsVivants » (1986) « ressortira » pour sa part dans les salles obscures en 2009.

Un remake souffre bien sûr d’un manque d’originalité qui fait flirter le genre avec la frontière ténue du conformisme. Les récents « Hostel », « Wolf Creek », « REC », « Myst » ou « Morse » ont certes prouvé que le cinéma d’horreur n’était pas mort. Mais ce souffle d’innovation va devoir essuyer une nouvelle vague de remakes dans les deux ans à venir : « My Bloody Valentine », « Wolfman », « Piranha », « Les Oiseaux », « Les Griffes de la Nuit », « The Thing », « Hellraiser », ou encore « Scanners ». Trop c’est trop ?

Grégory Raymond

Les oubliés

Le locataire

Roman Polanski (1976) Le réalisateur endosse le costume d'acteur pour interpréter le rôle de Trelkovosky, un juif polonais, persécuté par des voisins qui ont déjà poussée l'ancienne locataire de l’appartement au suicide. Dans une atmosphère glauque qui va crescendo, il tombe peu à peu dans la paranoïa.

Les frissons de l'angoisse

Dario Argento (1977) Le sanglant italien signe à l'époque un film très angoissant, et visuellement exceptionnel. La qualité du scénario, la bande-son et les scènes de meurtres particulièrement riches en hémoglobine ont contribué à faire de ce film une référence pour les amateurs du genre.

Le prince des ténèbres

John Carpenter (1987) Un groupe d'étudiants mené par un prêtre et leur professeur décide d'analyser le contenu d'une mystérieux cylindre jusque là précieusement gardé par une secte religieuse. L'objet renfermerait le fils de Satan en personne... Troisième volet de la « Trilogie de l’Apocalypse » du cinéaste américain.

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© DR

CINEMA

Le téléphone fait son cinéma

La cinquième édition du Festival du Pocket Film, qui se tiendra au Forum des Images du 13 au 15 juin à Paris, propose au public de réaliser son propre film via un téléphone mobile vidéo. Les participants ont jusqu'au 2 mars pour déposer leur candidature.

L

a France est-elle en passe de démocratiser un cinéma de poche ? Peut-être bien. La cinquième édition du Festival du Pocket Film, qui se tiendra au Forum des Images de Paris du 13 au 15 juin prochain, entend promouvoir un nouveau modèle du septième art : réaliser le film avec un téléphone mobile vidéo.

Une idée qui, en soi, n'a rien de révolutionnaire ni de totalement original - la vidéo via un téléphone mobile est désormais bien installée dans nos sociétés - mais qui tire sa force de sa dimension sociale, démocratique et créative : « Cette manifestation s'inscrit dans une relation qui lie le cinéma à la société. Des festivals de nouvelles images, il y en a toujours eu, mais pas avec le téléphone. Son côté démocratique est très important en ce sens que le téléphone portable est un objet très répandu, qu'on a toujours sur soi et qui peut amener à faire des projets spontanés et à privilégier la créativité plutôt que le voyeurisme », avance Benoît Labourdette, producteur-réalisateur 92

de films et coordinateur du festival depuis sa création en 2005.

1200 FILMS DÉJÀ REÇUS

Cinéastes amateurs ou confirmés, plasticiens, photographes, quiconque se sent l'envie de participer à l'événement peut envoyer son film avant le 2 mars, date de clôture des inscriptions. 1200 vidéos réalisées avec un téléphone ont déjà été inscrites. Mieux vaut donc s'y prendre à l'avance pour peaufiner son œuvre, car « tous les ans, les bons projets ne manquent pas ». Courts-métrages de fictions, documentaires, films expérimentaux, et même quelques longs-métrages, autant dire que le Forum des images a l'embarras du choix pour désigner ses vainqueurs (dans l'ordre, Grand prix, deuxième prix, prix du public et prix SFR, l'opérateur de téléphone mobile partenaire du Pocket Film Festival). « Le fond du film, l'émotion qu'il transmet, sa poésie, seront des éléments essentiels à notre sélection », explique le responsable du festival. A la clé, entre 1000 et 1500 euros sont à

gagner ainsi qu'un téléphone mobile. De quoi booster la créativité d'artistes audiovisuels en herbe.

Si le Pocket Film Festival draine de plus en plus de spectateurs, il a fallu les convaincre de la qualité des films téléphoniques : « Au départ, on a eu du mal à intéresser le public et les journalistes. On leur a donc montré des films tournés avec un téléphone portable. L'effet boule de neige a fait le reste », se souvient le grand ordonnateur de l'événement. D'abord réservé à un public français, l'événement s'est ouvert à l'international en 2007 et reçoit aujourd'hui des œuvres venues du monde entier. « %otre réseau s'agrandit de plus en plus, se félicite Benoît Labourdette. On nous propose même de faire des cartes blanches, notamment pour la chaîne de télévision Arte ». Déjà fort d’un joli succès, le Pocket Film Festival devrait donc à terme bénéficier d’une grande visibilité et se hisser en haut des festvals internationaux de cinéma indépendant.

Emeline Marceau


La sélection du mois par Steven Lambert

CINEMA

Clap de fin pour Clint Eastwood

Gran Torino

Réalisation : Clint Eastwood Interprètes : Clint Eastwood (Walk Kowalski), Bee Vang (Tao Vang Lor), Geraldine Hugues (Karen Kowalski), Cory Hardrict (Duke) Attention événement ! Quatre ans après sa dernière apparition devant la caméra dans Million Dollar Baby, Clint Eastwood s’apprête à ranger ses habits d’acteur. Son dernier rôle sera celui de Walt Kowalski, vétéran de la guerre de Corée et retraité de l’industrie automobile qui n’attend plus rien de la vie dans Gran Torino. A bientôt 80 ans, le dernier des cinéastes classiques de Hollywood signe ici une œuvre crépusculaire basée sur l’émotion et la sensibilité. Mais comme toujours depuis le début de sa très longue carrière, mieux vaut ne pas énerver l’exinspecteur Harry. Opposé à un gang asiatique qui a tenté de lui voler sa voiture, une Gran Torino de collection, Clint Eastwood montre une dernière fois toute la puissance de son jeu d’acteur et son sens de la réplique qui fait mouche. Amoureux du cinéma ou simple fan du cinéaste, Gran Torino n’est à manquer sous Sortie le 25 février 2009 aucun prétexte !

A table +

Le Code a changé

Réalisation : Danièle Thompson Interprètes : Karin Viard (ML), Dany Boon (Piotr), Marina Foïs (Mélanie), Patrick Bruel (Alain), Emmanuelle Seigner (Sarah), Christopher Thompson (Lucas), Pierre Arditi (Henri) Danièle Thompson vous invite à dîner ! Trois ans après avoir connu le succès grâce à Fauteuils d’orchestre et ses deux millions d’entrées, la réalisatrice revient encore plus forte avec Le Code a changé. Doté d’un casting époustouflant (Dany Boon, Marina Foïs, Karin Viard, Patrick Bruel, etc.), la comédie s’annonce déjà comme une des réussites de cette année 2009. Au menu du long-métrage, un dîner entre amis où vérités et mensonges ne manqueront pas de The Wrestler bousculer certains de nos comportements dans la Réalisation : Darren Aronofsky vie de tous les jours. Si tout semble magnifique au Interprètes : Mickey Rourke (Randy), moment de passer à table, le chemin du retour est pimenté par les mesquineries de chacun. Bourré Marisa Tomei (Cassidy), Evan Rachel d’humour et de personnages tous Wood (Stephanie), Mark Margolis aussi différents les uns que les (Lenny), Todd Barry (Wayne) autres, Le Code a changé ne On le croyait fini pour le cinéma, ravagé par l’alcool et la chirurgie contourne aucune discusesthétique. Pourtant, Mickey Rourke signe sa rédemption d’acteur sions. Du rapport de couple aux relations famipar le biais de The Wrestler. Portrait d’un catcheur physiquement liales, tout le monde se et émotionnellement au bout du rouleau, le film est porté par reconnaitra dans une l’interprétation sans concession de l’acteur qui se positionne comédie qui a tout pour d’ores et déjà comme un sérieux prétendant à l’Oscar. Troublante plaire à un large public. d’humanité, l’histoire de Randy est un concentré de sensibilité qui Sortie le 18 février 2009 dévoile le sort d’un catcheur has been qui tente de sauver son âme. Le parallèle entre l’acteur et son personnage est saisissant. Comparé à Marlon Brando pour son interprétation dans Rusty James de Francis Ford Coppola dans les années 80, le comédien n’a jamais su gérer son succès. Dernièrement vu dans Sin City (2005), Mickey Rourke renaît pour faire taire ses détracteurs et Sortie le 18 février 2009 prouver une fois pour toutes son immense talent.

Mickey Rourke de retour

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CONSOMMATION

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Les » convenience stores déb arquent à Paris

«

Calqués sur le modèle anglo-saxon des « convenience stores », les magasins urbains de proximité se développent à Paris. Leur but ? Vous faciliter la vie en proposant tout ce dont vous avez besoin : courses express, sandwiches, cigarettes, café, loto, fleurs. Le tout réuni en un seul et même endroit.

Convenience ». Entendez par là « f a c i l i t é », « commodité ».

L’expression vient tout droit des pays anglo-saxons. Au départ, la formule américaine désignait un « magasin de proximité urbaine ». « Depuis que les magasins Tesco [le grand frère britannique de Carrefour] sont sortis des centres-villes, beaucoup de petits épiciers qui vendaient de tout ont fait leur apparition aux abords des stations de métro », se souvient Naïke, un expatrié français qui travaille dans le centre de Londres. C’était il y a une dizaine d’années.

Aujourd’hui, à Paris, la formule « made in France » est encore à l’ébauche. Ou au moins à l’essai. Après Monop’ et U Express, Carrefour a ouvert fin janvier le premier Carrefour City dans un ancien Shopi de 410 mètres carrés, avenue Malakoff (16ème arrondissement). La première moitié du magasin privilégie les courses-express : sandwiches, boissons, traiteur frais, confiseries, desserts, etc. La seconde, 94

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Un magasin Carrefour City et une enseigne « Chez Jean » / © Réflexe

elle, est consacrée à la restauration rapide. « C’est plutôt pratique, le matin, j’y prends mon café, mon journal et parfois un fruit. Ca me fait gagner un temps fou ! », se réjouit l’opticien du trottoir d’en face. Les horaires sont aussi très flexibles : de 7h à 23h du lundi au samedi. Le midi, les clients peuvent même faire réchauffer leurs plats dans des fours à micro-ondes mis à leur disposition. Pour l’instant à l’essai, Carrefour City se laisse six mois avant d’envisager un élargissement. Fin avril, un deuxième magasin devrait ouvrir à Paris, avenue de la Motte Picquet (15ème).

CAFETIER-ÉPICIER

Une autre chaîne, plus aboutie, de « convenience store » à la française vient concurrencer les marques connues, dénuées de cachet. Détenue par Relay et Casino, l’enseigne « Chez Jean » a ouvert fin janvier en haut de l’avenue de la République (11ème). Chez ce cafetier-épicier, vous pouvez faire toutes vos

courses de la journée en quelques minutes seulement : produits frais, surgelés, fruits et légumes, sandwiches, vins et champagne, cigarettes, smartbox, fleurs... Un distributeur de billets est même disponible à l’intérieur. « C’est une sorte de mélange entre une brasserie parisienne, Starbucks, WHSmith et Marks & Spencer », juge Antoine, un étudiant qui y déjeune parfois le midi.

Le cadre, très coloré, est assez branché. « %otre but est de faciliter le quotidien de notre clientèle », souligne une vendeuse sur fond de musique électro. Pour cela, la maison met au frais votre bouteille de champagne le matin. Quand vous la récupérez le soir, elle est à température idéale. Et si un jour vous passez non loin de là, profitez-en pour faire un tour aux toilettes, accessibles même sans achat. Elles sont, en rentrant, sur la droite. Puis au fond à gauche. Mais chut ! On n’en dit pas plus. On vous laisse les découvrir par vous-même…

William Molinié



TENDANCES

Hacktivisme corporel

Phénomène peu connu de la contre-culture, le body hacking s’est imposé aussi bien chez les freaks passionnés d’art que chez ceux fascinés par les technologies, au point de mélanger les deux domaines.

L

es modifications corporelles ne datent pas d’aujourd’hui, ni même d’hier. Mais si leur tradition est séculaire dans certaines régions du globe, leur développement a été plus contrarié dans les pays occidentaux. Longtemps fustigées par les sociétés puritaines, c’est sous le terme de « body hacking » que les formes les plus poussées de transformations corporelles sont désormais connues aujourd’hui. Entre activisme scientifique et artistique de la contre-culture, ceux que l’on appelle « body hackers » ou « body hacktivists » défendent un mouvement basé sur l’implication partielle, voire totale, du corps.

En remontant le cours de l’histoire, le piercing trouve ses racines chez bien des peuples : en Afrique, en guise d’ornement à la lèvre ou à l’oreille, en Inde, porté sur le nez par les castes supérieures, ou encore chez les civili-

Une scarification creusée / © Chamor

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Une scarification bombée / © Chamor

sations précolombiennes qui les portaient comme bijoux. Mais en Occident, les modifications corporelles ne se sont vraiment démocratisées qu’à partir des années 1960 chez les hippies, puis avec le mouvement punk des années 1970. Durant la décennie suivante, le piercing et le tatouage sont véhiculés par l’image du rebelle. Mis en avant, ils sont rapidement médiatisés par des musiciens, à l’image du chaotique groupe Mötley Crüe qui participa à les populariser. Mais le mouvement sera bientôt dépassé par une forme de transformation plus évoluée.

Le body hacking naît au début du nouveau millénaire dans l’esprit d’artistes, penseurs et scientifiques. Bien loin des piercings et tatouages conventionnels, la mouvance cherche et pratique de multiples transformations corporelles. Parmi ces pratiques plus ou moins douloureuses, on trouve en premier lieu les implants. De plus en plus répandus, ils existent sous trois formes : un objet visible en relief sous la peau (3D

body art), un bijou placé sous la peau mais dont une partie dépasse (Transdermal implant), et enfin, un implant électronique ou aimant mis sous l’épiderme (Implant technologique). Autre pratique qui entre dans le cadre du body hacking, la scarification. Exécutée de deux sortes, le cutting (incision) et le burning (brûlure), elle a comme unique but l’esthétisme qui en ressort. Si l’implant technologique n’a que vocation scientifique, les autres pratiques restent de l’ordre de l’artistique.

PERFORMANCE ARTISTIQUE ET SCIENTIFIQUE

L’art corporel ou « body art » rassemble toutes ces transformations artistiques du corps. Les artistes utilisent leur corps comme élément de performance : c’est l’implication physique totale de l’homme à son art. La pratique du body hacking en tant qu’art a été très influencée, d’abord par les cultures tribales, mais aussi plus récemment par la science-fiction avec, entre autres, des films et des séries comme Star Wars ou Star Trek, la culture manga, la bande dessinée, et bien sur la littérature. Peaux colorées,

Une suspension / © DR


TENDANCES autres « cyberpunks ». La science et les progrès qui l’accompagnent permettent d’envisager une évolution de l’homme. Un homme mutant, moitié humain et moitié machine, proche du cyborg. Certains comme l’artiste australien Stelarc travaillent ainsi à soumettre le corps, constitué de pièces détachables, aux différentes technologies. L’homme devient modifiable à l’infini, un véhicule permettant de dépasser les limites biologiques du corps. Troisième bras, puces incorporées, corps relié à des machines, tel est l’avenir de l’être humain qui souhaite survivre au futur. Mais au-delà de l’aspect éthique, ces pratiques, souvent doulour euses physiquemen t comme psychologiquement, ne sont pas sans risques.

Lucky Diamond Rich, l’homme le plus tatoué du monde / © DR

cornes métalliques, langues coupées en deux, implants souscutanés imitant une forme de visage extraterrestre, tous les moyens sont bons pour faire évoluer le corps afin de l’éloigner des canons esthétiques traditionnels. Des artistes comme Lukas Zpira, l’Homme Lézard, ou Lucky Diamond Rich ont utilisé leur corps au maximum, au point de voir entrer ce dernier au Guinness Book des records comme l’homme le plus tatoué au monde. Il confiait récemment à nos confrères de laspirale.org sa vision concernant son rôle d’artiste dans la société : « Etre la personne la plus tatouée au

monde me confère la responsabilité de montrer ces tatouages, mon art et mes performances dans le monde entier, et de transmettre une énergie positive à toutes les personnes que je croise ». Pour Lukas Zpira, figure incontournable du mouvement, qui se revendique hacker corporel, le corps est un puzzle à monter et démonter, une matière à métamorphoser de façon permanente.

PRATIQUES À RISQUE

La métamorphose a une signification différente pour une autre catégorie du mouvement body hacking : les scientifiques et

Au niveau sociologique, l’impact du body hacking prend énormément d’ampleur, surtout auprès du public jeune. Selon Laurie Haslé, tatoueuse et pierceuse indépendante de la région parisienne, « certaines pratiques sont devenues à la mode ». De plus en plus de jeunes, gothiques en majorité, ont pratiqué la technique de la « suspension » qui consiste à être ma i nt e n u à plusieurs mètres de hauteur par la peau à différents endroits. Très douloureux, le pres t i g e d e l a suspension entraine les adeptes à dépasser les limites de l’art. « Ca relève de la performance artistique, mais ça reste dangereux pour les jeunes », précise Laurie Haslé.

En parallèle, l’essor des ces nouvelles pratiques implique une formation spécifique pour les e ncadrer. Mais a v e c la demande grandissante, la tentation pour certains professionnels de « se faire la main » sur les clients augmente proportionnellement. L’occasion de rappeler que ces pratiques extrêmes soustendent une rigueur qui l’est tout autant.

Adrien Toffolet

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HUMEUR

Querelles d’experts

L

exicalement, l’expertise suggère un savoir, mais aussi un savoir-faire. En ce sens, un géomètre ou un comptable sont des experts, compétents dans un domaine d’action pour lequel ils sont formés. Mais depuis quelques années déjà, on voudrait nous faire croire qu’un expert est un expert, intrinsèquement. Brandi comme une oriflamme par des apprentis spin doctors, le terme est dévoyé, mué en un titre honorifique apposé sur des cartes de visite. Granuleuses, calligraphiées, corps 12.

Le plus fameux d’entre eux, le plus expert aussi, est un véritable marronnier, arbre centenaire du jardin politico-médiatique. Pendant des mois, sur les ondes ou les plateaux de télévision, Jacques Attali n’a cessé de répéter qu’il avait anticipé, et même prédit – tel un oracle – les dangers de la bulle spéculative. Une omnipotence qui ressemblait furieusement à une opération promotionnelle rondement menée, destinée à vendre au grand public le rapport – à tiroirs – sur la libération de la croissance, commandé par Nicolas Sarkozy. L’attaque pourrait sembler gratuite s’il n’était pas urgent et nécessaire de dénoncer les impostures, celles qui agitent des mains rompues au media training. Parce que sondage et pouvoir ne font pas bon(s) ménage(s), l’officine OpinionWay – un gros mot classé au rang des instituts reconnus – se pose en outsider dans la catégorie des cartomanciens accrédités. Tout comme Nicolas Baverez dans celle des méta-économistes jongleurs de concepts. Ennemi farouche des antilibéraux et funambule cross-media, il est l’apôtre du « Que Faire » dans la collection des « Que Sais-Je ? »

Sur les manchettes de journaux ou à 24 images par seconde, les experts autoproclamés frottent ainsi les plis de leur front érudit, la tête alourdie par le poids d’une connaissance universelle, qu’on n’oserait qualifier de…globalisée. Fruit gâté d’une génération d’énarques consanguins, cette nouvelle élite de pythies cravatées jouent à merveille leur partition de manches à air. Surtout, ces prescripteurs du rien, grands vizirs de la prospection à tous crins, ne ressentent jamais le besoin de justifier. Ni leurs théories volatiles, ni leur empirisme embrouillé, et encore moins leur illégitimité. Car s’il est une caste qui échappe aux règles du suffrage universel, c’est bien celle des experts, fondée sur la cooptation et l’autosatisfaction ronronnante. Dans cette volonté toujours plus croissante de vulgariser la pensée jusqu’à la rendre vulgaire, d’expliquer vite et mal, la France sarkozyste a perdu de vue le débat d’idées. Il est révolu, le temps des duels en hautes sphères entre Aron et Sartre, des joutes structuralistes entre Deleuze et Foucault. Le champ des intellectuels laissé en jachère, des experts au dents longues et brillantes se sont emparés de la réflexion pour en faire un concours de foire, un cirque médiatique où la qualité se mesure à l’aune de la rhétorique. Se profile alors un atavisme dangereux, terreau boueux de golems aux concepts bien fragiles. Parole d’expert.

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Olivier Tesquet




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