Emile & Ferdinand - Décembre 2013

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Emile& Ferdinand Gazette du

Décembre 2013 | N°2 Bimestriel gratuit Bureau de dépôt : 3000 Leuven Masspost | P-916169

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Mon premier Code Claude Lamberts “Aurais-je été prédestiné aux Codes Larcier ?”

É chos de nos events Les 175 ans de la maison Bruylant “Un anniversaire royal“

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Culture Florence Cheval “Un crime contre l’art”

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Le mot de l’éditeur “Participez aux petits déjeuners-débats earlegal Philippe & Partners”

Hommage Emmanuel Cornu nous parle d'Antoine Braun “Nous avons perdu un être exceptionnel, un patron irremplaçable, un avocat qui a fait honneur au barreau.”

Et aussi

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’’ Actu

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Carte blanche de Patrick Henry, le nouveau président d'AVOCATS.BE

Il faut sauver le soldat Harpocrate !

3 © Erica Guilane-Nachez - Fotolia.com

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ÉDITO

Chers lecteurs, Chers auteurs, Nous sommes heureux de vous proposer le deuxième numéro de notre gazette

Émile & Ferdinand

Émile & Ferdinand vous souhaite une heureuse année 2014 ! Que cette année nouvelle soit remplie de belles aventures éditoriales !

Nous espérons que le premier numéro aura éveillé votre curiosité et suscité votre intérêt. En cette fin d’année 2013, Émile & Ferdinand vous a réservé un peu de lecture pour les fêtes. Côté actu, nous avons donné la parole au nouveau président d’AVOCATS.BE, Patrick Henry, fervent défenseur de la profession d’avocat, de l’accès à la justice et de la justice en général. Côté culture, Florence Cheval, historienne de l’art et conférencière, évoque, à travers deux procès fictifs, l’intérêt des artistes pour la forme du procès, notamment lorsqu’il permet de poser des questions quant au rôle et à la position de l’artiste dans la société.

Secrétaire de rédaction Anne-Laure Bastin Équipe rédactionnelle Anne-Laure Bastin, Élisabeth Courtens, Charlotte Claes et Muriel Devillers

© Groupe Larcier s.a. Éditeur responsable Marc-Olivier Lifrange, directeur général Groupe Larcier s.a. rue des Minimes 39 – 1000 Bruxelles Les envois destinés à la rédaction sont à adresser par voie électronique à emileetferdinand@larciergroup.com

Bonne lecture ! L’équipe marketing du Groupe Larcier

du comité de direction de notre revue Auteurs & Media, qui vient de recevoir le prix Rossel pour son roman « Monsieur Optimiste », publié chez Genèse Éditions. Il y raconte l’histoire de son père, immigré juif polonais arrivé en Belgique en 1928...

Rédacteur en chef Élisabeth Courtens

Dessins Johan De Moor

Côté mémoire, nous rendons hommage à Antoine Braun. Le monde de l’édition a perdu un auteur de qualité. Emmanuel Cornu nous parle de lui. Les deux avocats ont en effet fait route ensemble pendant plus de vingt-deux années de collaboration.

Toutes nos félicitations à Alain Berenboom, membre

colophon

Lay-out Julie-Cerise Moers (Cerise.be)

Côté Codes, Claude Lamberts, directeur de la célèbre collection des Codes Larcier, nous parle de son premier Code … un Bruylant !

Cette gazette est la vôtre ! N’hésitez pas à proposer des articles, à formuler des suggestions, à réagir aux articles publiés et, ainsi, à faire évoluer et faire grandir Émile & Ferdinand. Adressez-nous vos messages à l’adresse suivante : emileetferdinand@larciergroup.com

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Patrick Henry Président d’AVOCATS.BE

Il faut sauver

le soldat Harpocrate ! Émile & Ferdinand a donné la parole à Patrick Henry. Le nouveau Président d’AVOCATS.BE évoque la règle du secret professionnel imposée à l’avocat. « Les avocats prennent une part importante dans l’administration de la justice, ce qui justifie que les conditions d’accès et d’exercice à cette profession obéissent à des règles propres, différentes de celles qui régissent d’autres professions libérales … L’effectivité des droits de la défense de tout justiciable suppose nécessairement qu’une relation de confiance puisse être établie entre lui et l’avocat qui le conseille et le défend. Cette nécessaire relation de confiance ne peut être établie et maintenue que si le justiciable a la garantie que ce qu’il confiera à son avocat ne sera pas divulgué par celui-ci. Il en découle que la règle du secret professionnel imposée à l’avocat est un élément fondamental des droits de la défense », vient d’affirmer notre Cour constitutionnelle, dans son important arrêt du 26 septembre 20131.

Tant la Cour de cassation2 que la Cour européenne des droits de l’homme3 ont consacré les mêmes principes, en des termes à peu près identiques.

Et pourtant, Harpocrate, le dieu du silence, a de plus en plus de difficultés à résister aux assauts d’Astrée, la déesse de la transparence. Qu’on en juge plutôt. Le premier des arrêts cités a été prononcé dans la cadre d’un recours exercé par l’O.V.B. contre la loi du 28 novembre

2011 modifiant l’article 458bis du Code pénal pour élargir la dérogation au secret professionnel, permettant aux personnes qui ont examiné ou reçu les confidences d’un mineur d’informer le procureur du Roi en cas de danger grave et imminent pour son intégrité physique ou morale, d’une part à d’autres personnes vulnérables (en raison de leur âge, leur état de grossesse, d’une maladie, d’une infirmité ou d’une déficience physique ou mentale – la loi du 23 février 2012 y a ensuite ajouté les personnes vulnérables en raison de la violence entre partenaires), d’autre part lorsqu’il y a des indices d’un danger sérieux et réel que d’autres mineurs ou personnes vulnérables soient exposés à ce danger. Quant au troisième de ces arrêts, il s’agit de celui qui clôt, provisoirement en tout cas, la saga née de l’extension aux avocats des obligations de dénonciation imposées aux professionnels qui conçoivent le soupçon que certaines des opérations auxquelles leur concours est sollicité sont liées à des tentatives de blanchiment de

...

J .T., 2013, p. 682. Au moment où cet article est écrit, cet arrêt n’a encore été commenté que dans la Tribune d’AVOCATS.BE (n°39, 10 octobre 2013, P. Henry, « La Cour constitutionnelle rappelle à nouveau le caractère fondamental du secret professionnel des avocats »). Il le sera dans la J.L.M.B. (n° 40 du 13 décembre 2013), par Gilles Genicot et Evelyne Langenaken, et dans le J.T., par G.-A. Dal. 2 Cass., 13 juillet 2010, Pas., n°480 : « Le secret professionnel auquel sont tenus les membres du barreau repose sur la nécessité d’assurer une entière sécurité à ceux qui se confient à eux » . 3 Cour eur. D.H., 6 décembre 2012, J.T., 2013, p. 5, J.L.M.B., 2013, p. 16 et les obs. croisées de F. Delepière, « Le secret professionnel de l’avocat versus l’obligation de déclaration de soupçon : est-ce le seul et vrai problème ? Ne se trompe-t-on pas dangereusement de débat ? » et G.-A. Dal, « Le secret professionnel de l’avocat versus l’obligation de déclaration de soupçon : ne s’est-on pas trompé plutôt de législation ? ». 1

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capitaux liés au terrorisme ou au grand banditisme. Il consacre, d’une part, la limitation du champ d’application de cette obligation aux avocats aux hypothèses où ils agissent en dehors de leurs missions traditionnelles de défense et de conseil, d’autre part, le caractère indispensable du filtre du bâtonnier, chargé de vérifier que les conditions d’application de cette

Et pourtant, Harpocrate, le dieu du silence, a de plus en plus de difficultés à résister aux assauts d’Astrée, la déesse de la transparence. loi s’appliquent avant de transmettre les dénonciations à la CTIF4. Mais, alors même que les barreaux remportaient ces deux importantes victoires, deux autres fronts s’ouvraient. L’un dans le domaine du droit fiscal. Il est lié à la suppression de l’exonération de

la T.V.A. sur les prestations d’avocat. On sait que l’article 334 du CIR1992 prévoit que, lorsque l’administration fiscale souhaite saisir un document qu’un avocat considère comme couvert par le secret professionnel, le conflit est tranché par le bâtonnier. La Cour de cassation a récemment confirmé que la décision de ce dernier n’était, en l’état actuel de nos textes, soumise à aucun recours5. Logiquement, les Ordres ont demandé que l’application aux avocats de la T.V.A. soit accompagnée de l’adoption d’un texte à portée identique dans le code de la T.V.A. L’administration l’a admis assez facilement mais, revancharde, elle a exigé que cette adoption aille de pair avec l’instauration d’un droit de recours, devant le tribunal de première instance, contre les décisions du bâtonnier. Les Ordres ne peuvent évidemment l’admettre6-7. L’autre dans le domaine du droit économique. Le 24 octobre 2013, AVOCATS.BE a introduit un recours en annulation contre de l’article 12 de la loi du 3 avril 2013 adoptant les livres IV et V du code de droit économique, qui autorise l’Auditorat de la concurrence, à l’occasion des instructions qu’il mène, à prendre connaissance du contenu de pièces saisies illégalement – comme des avis d’avocat et la correspondance y afférente – et qui diffère le contrôle de la régularité de leur saisie au moment de la communication des griefs (qui clôt l’instruction), en la réduisant d’ailleurs aux données « effectivement » invoquées par l’Auditorat

Voyez déjà, dans le même sens, Cour constitutionnelle, 23 janvier 2008, J.L.M.B., 2008, p. 180 et obs. F. Abu Dalu, « À qui perd gagne ». Sur cette question, voyez aussi P. Henry, « La balance, c’est le bâtonnier ! », in rapport anniversaire de la CTIF, à paraître, 2013. 5 Cass., 19 octobre 2012, J.L.M.B., 2013, p. 1646. 6 Au moment où les présentes lignes sont écrites, il semble que l’on se dirige vers une solution de compromis, au terme de laquelle le droit de recours serait instauré, mais devant le conseil de discipline d’appel. 7 La suppression de l’exonération de la T.V.A. sur les honoraires d’avocat pose aussi la question, non résolue à ce jour, de la compatibilité avec le secret professionnel de l’obligation de transmettre à l’administration fiscale un listing des états d’honoraires adressés à des clients assujettis. 8 On sait qu’en règle générale, le bâtonnier ou son délégué assiste aux perquisitions effectuées dans les cabinets d’avocat et qu’il détermine quelles pièces sont couvertes par le secret professionnel (voyez circulaire du parquet général C.6/87D767 Cir.-L.G. du 5 mai 1987, reproduite dans Cahiers de déontologie, Barreau de Liège, n° 5, mai 2001 ; Cass., 24 mai 2007, inédit, RG 050431N), sans préjudice du droit de l’avocat de contester ultérieurement la régularité de la saisie, soit devant la chambre des mises en accusation, soit par la voie du référé pénal (article 61quater du Code d’instruction criminelle), soit devant le juge du fond (Cass., 2 novembre 2011, Rev. dr. pén., 2012, p. 208). L’arrêt André de la Cour européenne des droits de l’homme établit cette solution (Cour eur. D. H., 24 juillet 2008, J.T., 2008, p.550, J.L.M.B., 2009, p. 864 et obs. A. Jacobs et P. Henry, « Non, les cabinets d’avocats ne sont pas des banques de données ! »). Sur ces questions, voyez F. Krenc, « Les perquisitions et saisies chez l’avocat au crible de la Convention européenne des droits de l’homme », in Pourquoi Antigone ? Liber amicorum Édouard Jakhian, Bruylant, 2011, pp. 283-306, et D. Van Gerven, « Comment assurer le secret professionnel lors de la perquisition d’un cabinet d’avocat », in Liber amicorum François Glansdorff et Pierre Legros, pp.753 à 766, Bruylant, 2013. 4

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en soutien de ses griefs, aucun contrôle distinct de la légalité des saisies effectuées au cours des perquisitions n’étant prévu, contrairement à ce qui est prévu pour les autres procédures du même type8. Certes, le secret professionnel ne peut plus être considéré comme absolu. Selon l’expression de le Cour constitutionnelle, il cède « lorsqu’une nécessité l’impose ou lorsqu’une valeur jugée supérieure entre en conflit avec elle »9. Mais, on vient de le voir, nos juridictions supérieures sont à cet égard extrêmement prudentes. Elles n’ont admis de restriction au secret que dans des hypothèses exceptionnelles, en considération de nécessités impérieuses10. Et c’est heureux.

Le secret, c’est la flamme intérieure d’Antigone, le journal d’Anne Franck, ce qui fait survivre Diego ou, aujourd’hui, je l’espère, Gao Zhisheng et Abdolfattah Soltani, « libre dans sa tête », ce petit mot griffonné sur un bout de papier caché dans un wagon de la mort par un juif belge déporté à Auschwitz, « maman, je ne sais pas où l’on m’emmène mais je reviendrai », et que sa mère, à qui cette bouteille à la mer était finalement parvenue, garda contre son sein pendant des années, jusqu’au retour inespéré de son auteur.

Allo, Barack, tu m’entends ? Ne sois pas falot. Il faut sauver le soldat Harpocrate !

Le secret, c’est la liberté Et c’est aussi la condition d’une défense véritable. Il faut n’avoir jamais eu un client de pensée mais aussi, devant soi pour imaginer qu’une justice plus simplement, le droit qui se passerait du conciliabule secret entre l’avocat et son client pourrait être de ne pas exposer sa une bonne justice. Qui, parmi nous, n’a pas éprouvé cent fois le désarroi d’un jussouffrance, de garder ticiable – qu’il soit « mineur étranger non pour soi ses peines et accompagné », PDG d’une grande entreses joies, de protéger les prise ou ministre - incapable d’exprimer sa vérité, la motivation de tel acte ou la siens des attaques du pulsion qui l’a amené à accomplir tel fait, monde, de rêver à l’abri sans que son avocat, patiemment, reconsde l’oreille de la N.S.A. : truise avec lui tous les antécédents et tous mécanismes qui l’ont conduit à faire ce le mystère, la réserve, la les qu’il a fait, comme il l’a fait. discrétion, la pudeur, le « Ne nous trompons silence. pas : le véritable enjeu Comme l’écrit Serge Tisseron, « le droit au secret de chacun, adulte ou enfant, est du secret, c’est le droit essentiel. Il permet de protéger son iden- au Droit », disait le tité profonde des intrusions de l’environnement. Il est la première condition à la bâtonnier Dominique de possibilité de penser soi-même et pour la Garanderie12. soi-même »11.

Allo, Barack, tu m’entends ? Ne sois pas falot. Il faut sauver le soldat Harpocrate ! ■

Cour d’arbitrage, 3 mai 2000, J.L.M.B., 2000, p. 868. En matière de règlement collectif de dettes, voyez Cour d’arbitrage, 3 mai 2000, J.L.M.B., 2000, p. 868 ; R.G.D.C., 2002, p. 452 et obs. A. Thilly, « Une victoire pour le secret professionnel ? » ; voyez aussi les commentaires que G.A. Dal consacre à cet arrêt : G.A. Dal, « Le secret professionnel de l’avocat en Belgique », in Le secret professionnel de l’avocat dans le contexte européen, p. 6 ; voyez aussi C.A., 14 juin 2006 et 28 juillet 2006, J.L.M.B., 2006, p. 1128 et obs. J. Wildemeersch, et p. 1291. Le premier de ces arrêts est celui par lequel, pour la première fois, la Cour a fait usage de la possibilité de suspendre une loi « similaire » à une loi déjà annulée, sans qu’il soit besoin que le requérant invoque un préjudice grave et difficilement réparable. En matière de transparence des déclarations de conflits d’intérêts des curateurs de faillite, voyez C.A., 24 mars 2004, J.L.M.B., 2004, p. 1080. Voyez aussi, par exemple, Mons, 9 avril 2001, J.T., 2002, p. 409 ; Civ. Anvers, 7 avril 2000, Rev. dr. santé, 2004-2005, p. 126 ; Anvers, 14 juin 2001; Cass., 2 octobre 2002; Gand, 28 novembre 2003; Civ. Anvers, 22 octobre 2004, Rev. dr. santé, 2004-2005, p. 128, 131, 133, 136, et obs. T. Balthazar, « Het gedeeld beroepsgeheim is geen uitgesmeerd beroepsgeheim ». 11 S. Tisseron, Nos secrets de famille, Paris, Arthaud, 2004, cité par J. Lacouture, Éloge du secret, Bruxelles, Labor, 2005, p. 10. 12 Discours prononcé lors de la séance solennelle de rentrée de la Conférence du stage et du barreau de Paris, le 19 novembre 1999. V. Remacle (De l’obligation au secret professionnel, Lyon, 1900, cité par P. Lambert, « La protection des confidences du client à son avocat, au regard de la Convention européennes des droits de l’homme », in Liber amicorum Jozef Van Den Heuvel, p. 82.) écrivait déjà que sans la confiance totale que le client peut, en raison de l’existence de l’obligation au secret, accorder à son avocat, les communications entre eux seraient mêlées de réticences et de mensonges. Il n’y aurait alors plus qu’un simulacre de défense, préparant un simulacre de justice. C’est ainsi, encore, que David T. Morgan rappelle que toute atteinte au secret professionnel risque surtout de détourner les justiciables des cabinets d’avocats et d’ainsi porter atteinte à des droits fondamentaux, tels l’accès à la justice ou les droits de la défense. Toute érosion du secret professionnel risque de réduire le rôle de l’avocat à celui d’un simple informateur de la police… (D. T. Morgan, « The threat to the professionnal secrecy of lawyers in Europe », in Le secret professionnel de l’avocat dans le contexte européen, p. 172). 9

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Mon premier Code

Claude Lamberts

nous parle de son premier Code...

Les Compléments des Codes Larcier (à jour au 1er septembre 2013) viennent de sortir de presse. L’occasion pour Émile & Ferdinand de donner la parole à Claude Lamberts, l’un des directeurs juridiques de la collection.

Premier président honoraire de la Cour d’appel de Liège Directeur juridique du Bulletin législatif et des Codes Larcier

Aurais-je été prédestiné aux Codes Larcier ?

L ’ouvrage est désigné dans l’unité de production sous les initiales CL comme celles de mon nom, Claude Lamberts, et les deux premières lettres de mon prénom. Et cependant, mon premier code fut un Bruylant ! À 18 ans, me préparant à entrer à la Faculté de droit de l’Université de Liège, je trouvai irrésistible ce petit livre dodu et sombre dont la couverture s’ornait de lettres dorées, mais surtout, dont la tranche présentait des couleurs noir,

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jaune et rouge. J’étais fier de l’attacher au porte-bagages de ma bicyclette pour me rendre au cours. Muni d’un outil aussi beau et sérieux, comment aurais-je pu ne pas être pris, moi aussi, au sérieux ? Je l’annotais en couleurs variées, je l’agrémentais de signets afin de le rendre le plus opérationnel possible en vue des examens. Hélas, j’ai rapidement dû constater que certains professeurs s’opposaient à l’utilisation de codes durant ces épreuves. J’eus même un incident avec un examinateur qui, après s’être offusqué de me voir muni de mon code, me pria de lui exposer


Mon premier Code

« l’évolution historique » (sic !) de la compétence des sous-officiers de gendarmerie en matière de police judiciaire, invitation que je dus décliner en ayant l’audace de rappeler qu’il avait été dit au cours oral de passer cette matière inintéressante. Dès lors, il me demanda de lui parler de la participation criminelle. Me jugeant en toute hypothèse perdu, dans un geste absurde de révolte désespérée, je posai mon code sur la table et l’ouvris à la page contenant l’article 66 du Code pénal que j’avais bien entendu marquée d’un signet. Ne jetant sur le texte qu’un bref coup d’œil d’une seconde pour le principe, je refermai le livre et discourus pendant dix bonnes minutes sur la question… pour m’entendre dire que c’était correct, mais évidemment, puisque tout était dit dans mon code ! Cela remonte à plus de cinquante ans et j’espère que les choses ont changé.

Cela me fit un peu perdre le goût de mon beau bouquin et je me montrai plus sensible aux avantages pratiques d’une autre édition avec laquelle travaillait un ami et dont la présentation en A4 et trois colonnes me parut préférable. Je venais de mettre le pied sur le territoire Larcier. Je ne l’ai plus quitté.

Mon histoire universitaire se poursuivit, marquée décidément par les codes, car je ne puis passer sous silence une autre anecdote qui met en valeur les compléments des Codes Larcier, lesquels me tirèrent d’un curieux guêpier lorsque mon examen de droit fiscal débuta par une question portant sur les exceptions définies par tel article dont le numéro a pris le maquis dans ma mémoire. Je connaissais la matière et déclarai ab initio qu’elles étaient au nombre de cinq. Le remarquable et adorable professeur Gothot (j’ai eu la chance de bénéficier de sa dernière année de professorat) éclata de rire et, avec son accent inimitable, lança à l’adresse de son collègue qui occupait la table voisine : « Celui-ci, il va m’apprendre le droit fiscal ! ». J’étais glacé d’effroi, mais à son « Non Monsieur, il n’y en a que quatre », j’eus néanmoins le courage de répondre que je croyais disposer d’une bonne mémoire visuelle et que j’avais encore devant les yeux ce petit e) constituant la cinquième exception litigieuse. D’une voix balbutiante, je lui demandai s’il ne m’autoriserait pas à lui montrer le complément dans lequel j’avais étudié le texte. Riant de plus belle, il concéda : « Allez, courez Monsieur ! ».

Il émit un « Aaah » stupéfait, ajoutant aussitôt : « Brillant, Monsieur ; 18 ». Et c’est ainsi que je réussis haut la main mon examen de droit fiscal sans avoir même énoncé les exceptions en question. Merci Larcier ! Qu’il me soit permis d’ajouter hors sujet que la suite continua à justifier ces remerciements, car de 1970 à ce jour, depuis mon entrée dans l’équipe de rédaction (au départ correcteur du Bulletin législatif en surnombre, car à l’essai !) jusqu’à mon accession à la direction, je n’ai eu qu’à me féliciter de cet éditeur, particulièrement pour son souci permanent de faciliter le travail des auteurs.

Rendez-vous, cher lecteur, pour l’édition 2014 que vous trouverez sur bien des points innovante par une redistribution des textes en vue d’une meilleure logique de recherche. ■

La bibliothèque était toute proche, mais mon cœur battait d’autant plus la chamade que j’étais moi-même ahuri de mon culot lorsque je me jetai sur le complément, cherchai la page concernée… et découvrit le petit e) auquel j’avais lié mon sort ! D’un air faussement modeste, je rejoignis mon professeur et posai le texte devant lui sans trop savoir comment tout cela allait se terminer.

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Culture

art

Un crime contre l’ Florence Cheval, historienne de l'art, évoque l’intérêt des artistes pour la forme du procès, notamment lorsqu’il permet de poser des questions quant au rôle et à la position de l’artiste dans la société.

Florence Cheval est historienne de l'art, critique d'art et conférencière. Son projet de doctorat en Histoire de l'art à l'Université catholique de Louvain-la-Neuve s'intitule “L’événement, la preuve, le témoin : le procès dans l’art contemporain”.

1921 – Dada – Le faux procès de Maurice Barrès En 1921, à Paris, dans le cadre de la saison Dada, eut lieu un événement que l'on peut considérer comme pivot dans l'histoire des avant-gardes artistiques du 20ème siècle. Il s'agit d'un « faux » ou d'un simulacre de procès (mock trial, dit-on en anglais) intenté à l'écrivain et homme politique Maurice Barrès, qui fut intitulé ainsi par André Breton et ses comparses : « Mise en accusation et jugement de Maurice Barrès pour crime contre la sûreté de l'esprit ». Maurice Barrès, devenu à l'époque ultra-nationaliste, président de la Ligue des Patriotes, avait été autrefois très admiré par les dadaïstes, notamment par Aragon et Breton.

Il s'agissait « de déterminer dans quelle mesure un homme doit être tenu pour responsable lorsque son désir de pouvoir l'amène à défendre des valeurs conformistes diamétralement opposées à ses idées de jeunesse. »1

Comme le rappelle le critique d'art TJ Demos dans Dada's Event2, c'est au sein du mouvement Dada qu'apparurent les premiers exemples de transgression des frontières entre l'art et l'espace social - et ce faux procès en fait partie. Le but de l'événement Dada, c'était de sortir du théâtre, de faire entrer l'art dans l'espace public et plus généralement dans la vie. Ce procès fantoche attenté à Maurice Barrès, monté de toutes pièces par les dadaïstes, est aujourd'hui considéré comme l'événement qui signa la fin du mouvement Dada à Paris. C'est en effet dans le cadre de ce procès que s'exprimèrent ouvertement, pour la première fois, les dissensions à la fois esthétiques et politiques restées jusqu'ici sous-jacentes au sein du groupe.

« to determine the extent to which a man could be held accountable if his will to power led him to champion conformist values that diametrically opposed the ideas of his youth », André Breton cité par Claire Bishop in Artificial Hells. Participatory Art and the Politics of Spectatorship, Verso, 2012, p. 72. Traduction de l'auteur. 2 T.J. Demos, “Dada’s Event”, in Communities of Sense, éd. Jaleh Mansoor et al., Durham, N.C., Duke University Press, 2010, pp. 135-152. 1

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Culture

Le faux procès de Maurice Barrès fut annoncé au préalable dans divers journaux. André Breton avait pris le soin d'assister à de véritables audiences au Palais de Justice de Paris et d'étudier les procédures habituelles. On recueillit à l'avance des témoignages, on prépara les minutes du procès3. L'événement eût lieu le 13 mai 1921 à Paris, rue Danton, dans la Salle des Sociétés savantes. André Breton occupa la place du président du tribunal, Georges Ribemont-Dessaignes celle de l'accusateur public. Louis Aragon et Philippe Soupault incarnèrent les deux avocats de la défense. Les dadaïstes convoquèrent des témoins, qui étaient de véritables personnes du monde de l'art et de la littérature, favorables ou non à Maurice Barrès et à ses idées. Douze membres du public, désignés eux aussi préalablement, furent réunis pour incarner le jury. Les membres de la Cour furent vêtus de véritables costumes de cérémonie. Maurice Barrès, bien qu'officiellement convoqué, ne se présenta pas (il avait quitté Paris en hâte pour sa maison de campagne d'Aix-en-Provence). À sa place, on dépêcha un mannequin que l'on affubla d'une moustache et d'un nœud papillon. Benjamin Péret se présenta comme principal témoin à charge de l'accusé. Déguisé en soldat inconnu, revêtu d’une capote de poilu, un masque à gaz sur le visage, il parla en allemand, insultant Barrès en particulier et les patriotes en général – ce qui déclencha la fureur d'une partie du public4. Comme on peut le voir dans le soin apporté à la préparation et à la mise en scène du procès,

l'objectif d'André Breton était de rendre l'événement le plus proche possible de la réalité, dans le but de faire fusionner, en quelque sorte, l'art et la vie.

Il s'agissait d'investir une pratique sociale et de la détourner, afin d'extraire cette saison Dada de sa dimension théâtrale, afin de la sortir du cabaret dans laquelle elle était, à ses yeux, confinée. Il s'agissait, d'autre part, d'instaurer une nouvelle relation au public, de faire en sorte qu'il participe activement à l'œuvre d'art (notamment en tant que jury).

Invitation à la mise en accusation de Maurice Barrès par Dada, à Paris, 13 mai 1921. Enfin, Breton souhaitait déplacer la pratique dadaïste en l'éloignant de sa dimension purement nihiliste ou négative. C'est justement sur ce dernier point que se firent jour l'essentiel des dissensions au sein du mouvement. Francis Picabia avait déjà annoncé sa rupture d'avec Dada au moment des prépéparatifs du « procès ». Il affirma dans la revue Comœdia :

« Maintenant Dada a un tribunal, des avocats, bientôt probablement des gendarmes et un préposé à la guillotine! »5

Tristan Tzara accepta pour sa part de participer, mais non sans réticences. Il craignait que Dada ne s'éloigne, justement, de sa position purement négative. Il rejetait tout propos de nature explicitement éthique ou politique. Il comparut en tant que témoin, et fit en sorte de perturber autant que possible le dispositif. Il affirma qu'il n'avait aucune confiance en la justice, « même si cette justice est faite par Dada », puis il s'exclama : « Nous ne sommes tous qu'une bande de salauds et... salauds plus grands ou salauds plus petits ne fait pas grande différence. »6.

Pour Tzara, toute forme de procès ne pouvait qu'être tournée en dérision. L’idée même d’un tribunal, fut-il « révolutionnaire », était pour lui irrecevable.

Les échanges entre Tzara et Breton prirent la tournure d'un débat sur l'identité et le devenir de Dada. Breton craignait en effet que Dada ne sombre dans un nihilisme stérile, dans un simple art du scandale. Il voulait voir Dada prendre véritablement position.

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Informations tirées de l'article « Procès Barrès » par Julie Béret, in Dada, Catalogue de l'exposition présentée au Centre Pompidou, dir. Laurent Le Bon, Éditions du Centre Pompidou, 2005, p. 828. 4 D'après Matthew Josephson, « Ma vie parmi les surréalistes », 1962, in Marc Dachy, Archives Dada, Hazan, 2005, p. 442. 5 Cité par Matthew Josephson, « Ma vie parmi les surréalistes », 1962, in Marc Dachy, Archives Dada, op. cit., p. 441. 6 Francis Picabia, « Monsieur Picabia se sépare des Dadas », Comœdia, 11 mai 1921. 3

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Culture

...

Le « procès Barrès », 1921. De gauche à droite : Aragon, Pierre Delval, André Breton, Tristan Tzara, Philippe Soupault, Théodore Fraenkel, le mannequin représentant Barrès, Georges Ribemon-Dessaignes, Benjamin Péret, Jacques Rigaut, René Hilsum et Serge Charchoune.

Les débats, notamment ceux qui confrontèrent Breton et Tzara, se déplacèrent subrepticement vers les questions suivantes : si, comme l'affirma Tzara, tout se vaut, est-il encore possible de juger Barrès ? Est-il encore possible de se révolter ? L'art est-il en mesure de juger ? Tzara, pour sa part, trancha en achevant sa déposition en déclamant « une petite chanson dada »7. À l'issue de la procédure, Maurice Barrès fut toutefois déclaré coupable et condamné à 20 ans de travaux forcés – qu'il n'exécuta bien sûr pas, car là n'était pas l'objet. En août 1921, les dadaïstes publièrent l'acte d'accusation et les dépositions des témoins dans la revue Littérature. « Derrière cette parodie de justice se fait entendre la condamnation d'une époque et de valeurs incarnées par l'académicien Barrès, et dont la Grande Guerre a révélé toute la vanité. La mise en accusation qui s'est jouée n'aura pas tant été celle de Maurice Barrès, sommité littéraire déjà controversée, que, en quelque sorte, celle du mouvement dada, dont les ambiguïtés ont été mises à jour et les tensions intestines rendues publiques. Le procès Barrès annonce et prépare les grandes crises qui mèneront à la fin de Dada (…).8»

Mais cet événement Dada ne doit pas seulement être perçu comme un échec, bien qu'André Breton en sortit quelque peu déçu. On peut en effet considérer, comme le souligne TJ Demos9, que le déplacement des frontières qui s'opéra ce jourlà entre les procédures sociales, institutionnelles et les pratiques artistiques, contribua justement à rendre cet événement particulièrement riche, à la fois d'un point de vue politique et d'un point de vue esthétique. Pour TJ Demos, c'est justement ce semi-échec, Revue Littérature, 19 Mai 1921, cette impossibilité à trancher Ouverture de la saison Dada. entre l'art et la vie, entre l'esthétique et le politique, qui fait l'importance du procès Barrès, notamment en regard des pratiques artistiques contemporaines – comme on le verra plus loin. En effet, nous dit-il, c'est justement parce qu'il nourrit et se nourrit de la tension entre l'art et

Tristan Tzara cité in L'Affaire Barrès, Dossier préparé et présenté par Marguerite Bonnet, José Corti, Actual, 1987, non paginé. « Procès Barrès » par Julie Béret, in Dada, Catalogue de l'exposition présentée au Centre Pompidou, op. cit., p. 828. 9 Voir T.J. Demos, “Dada’s Event”, in Communities of Sense, ed. Jaleh Mansoor et al., Durham, op. cit., pp. 135-152. 7 8

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Culture

la vie, sans pour autant la résoudre, que ce faux procès acquiert toute son importance, c'est parce qu'il transgresse, tout en la perpétuant, la ligne de démarcation entre autonomie artistique et pratiques sociales. Le philosophe Jacques Rancière considère, en effet, qu'un art proprement politique passe par l'élaboration d'une forme expérimentale, basée sur l'expression publique de la division et du dissensus, qui garde par conséquent vivante l'antinomie entre art et politique. « Critique est l'art qui déplace les lignes de séparation, qui met de la séparation dans le tissu consensuel du réel, et, pour cela même, brouille les lignes de séparation qui configurent le champ consensuel du donné (...). »10 Le procès Barrès propose justement une reconfiguration esthétique du réel, qui refuse et récuse à la fois les normes esthétiques et les normes sociales habituelles.

2007 – A Crime Against Art – Une performance qui réitère le procès Barrès L'expérience du procès Barrès a été réitérée, dans un autre cadre et selon d'autres modalités, en 2007. Cette année-là a eu lieu à Madrid, durant une foire d'art contemporain, une performance intitulée A Crime Against Art. Cet événement revendiquait explicitement son inscription dans la lignée des dadaïstes et du procès Barrès. Organisée par l'artiste Anton Vidokle et l'écrivain et commissaire d'exposition Tirdad Zolghadr, cette performance visait à poser un certain nombre de questions quant à la configuration actuelle du monde de l'art, justement à l'occasion d'une foire, événement commercial par excellence. Il s'agissait de pointer l'éventuelle collusion du monde de l'art avec la bourgeoisie, et l'instrumentalisation possible de l'art, des artistes et de ses institutions. Cette fois-ci, ce sont les organisateurs de la performance euxmêmes, Anton Vidokle and Tirdad Zolghadr, qui prirent la place des accusés. Ils demandèrent au critique d'art Jan Verwoert de prendre la place du juge, aux commissaires (d'exposition) Vasif Kortun and Chus Martinez de prendre celle des procureurs, au commissaire Charles Esche celle d'avocat de la défense, et enfin à Maria Lind and Anselm Franke celle des témoins. L'événement a ensuite été restitué sous la forme d'un film monté par Hila Peleg11.

A Crime against Art, Madrid, 2007.

Le procès commence par l'affirmation qu'un crime a été commis. Toutefois, la nature de ce crime et les preuves avancées restent allusives. Aucune victime ne se présente. On comprend rapidement qu'il s'agit cette fois d'examiner le monde de l'art lui-même, le rôle de chacun de ses acteurs et la collusion éventuelle de tous avec un système considéré comme bourgeois ou commercial. Il s'agissait de se frotter, cette fois encore, via le principe d'une procédure judiciaire, à certaines questions d'ordre social et politique – en pointant cette fois non pas « l'ennemi » extérieur, Maurice Barrès, mais « l'ennemi » intérieur :

que peut encore l'art, à une époque où celui-ci est désormais inclus dans l'industrie de la culture ?

Un tribunal est un forum. Pour les Romains, le forum représentait la place publique où les citoyens se réunissaient pour marchander, mais aussi pour traiter d'affaires politiques ou économiques. C'est aussi sur le forum que se réunissaient les magistrats chargés de rendre la justice. Le tribunal – le forum – représente donc le lieu par excellence du débat contradictoire, de la controverse. D'ailleurs, le terme anglais « forensic », utilisé pour désigner les techniques d'expertise judiciaire, provient du latin qui signifie devant le forum. Le tribunal, c'est l'espace délimité au sein duquel s'exprime un débat contradictoire, une controverse. Là, deux voix doivent se confronter, à parts a priori égales. C'est là, peut-être, que se situe l'intérêt des artistes pour la forme du procès, notamment lorsqu'il permet de poser des questions quant au rôle et à la position de l'artiste dans la société. ■ Florence Cheval

10 11

Jacques Rancière, Le spectateur émancipé, éd. La Fabrique, 2008, p. 85. Il est visible en intégralité ici : http://unitednationsplaza.org/video/58/

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Le mot de l’éditeur

Participez

aux petits déjeuners-débats Earlegal Philippe & Partners

Le Groupe Larcier est partenaire des petits déjeuners-débats earlegal proposés aux juristes d’entreprise par Philippe & Partners. Ces petits déjeuners se déroulent, une fois par mois, jusqu'au mois de mars 2014, de 8h20 à 9h30, au cabinet Philippe & Partners et font l’objet d’une captation vidéo et d’une retransmission en direct le matin même sur le net par le biais d’une plateforme de streaming, sur le site du Groupe Larcier et sur le site Philippe & Partners. Les différentes vidéos sont également disponibles sur les deux sites quelques jours après chaque captation. Le premier petit déjeuner a eu lieu le 22 novembre dernier et a porté sur la thématique suivante : « Comment choisir et protéger efficacement ma marque, notamment sur internet ? »

Pourquoi earlegal ? • EARL[Y]gal parce que ce petit déjeuner vous est proposé tôt afin de ne pas trop empiéter sur votre journée de travail. • EARlegal parce que vous et votre entreprise devez avoir l’oreille de votre avocat et pas l’inverse. • earlEGAL parce que votre avocat ne pense pas que la solution à vos difficultés vienne seulement de lui mais également des autres participants à ce petit déjeuner.

Prochains petits déjeuners-débats :

➔ 20 décembre 2013 – Comment rendre mes conditions générales applicables à mes relations contractuelles sur internet ? ➔ 17 janvier 2014 – Comment contrôler légalement l’usage des TIC par les employés in & out of office ? ➔ 21 février 2014 – Comment anticiper la nouvelle réglementation relative à la protection de données et en tirer un avantage concurrentiel ? ➔ 21 mars 2014 – Comment mon entreprise peut-elle sécuriser l’exploitation des œuvres créées par ses employés ? ➔ 13, 14 et 16 janvier 2014 - Ouvriers et employés Statut unique : quoi de neuf ?

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Les orateurs, Alexandre Cruquenaire et Fanny Coton, nous parlent des marques. Vous n’avez pas eu l’occasion d’être présent le 22 novembre ? Suivez le débat : ou sur le site sur le site du Groupe Larcier Philippe & Partners


Échos de nos events

Les Éditions Bruylant ont fêté leurs 175 ans … Un anniversaire royal !

Le 16 octobre dernier, les Éditions Bruylant,

membre du Groupe Larcier, ont fêté leur 175e anniversaire, au Palais d’Egmont, en présence du Roi Albert, du Ministre des affaires étrangères Didier Reynders, du Vice-président de la Chambre Herman De Croo et de nombreux représentants du monde juridique. En véritable maître de cérémonie, Jean Vandeveld, président-directeur général des Établissements Émile Bruylant de 1994 à 2011, a introduit la séance académique en retraçant l’histoire de la maison d'édition. Ce fut l’occasion pour lui de remercier vivement tous les auteurs qui l’ont accompagné dans sa carrière, à la fois pour la qualité de leurs écrits et l’amitié qu'ils ont témoigné tout au long de ces années. Il a également remercié chaleureusement les collaborateurs, ouvriers et employés, actuels et plus anciens, pour leur dévoue-

ment, leur savoir et leur motivation pour la société Bruylant. Jean Vandeveld a ensuite cédé la parole à Monsieur Robert Andersen, Premier Président du Conseil d’État, qui a présidé la suite de la séance académique consacrée aux « grands chantiers du futur en droit international, européen et national ». De grands noms du droit ont ainsi pris la parole : Francis Delpérée, Jean-Victor Louis, Fabrice Picod, Jean Salmon, Serge Sur, Xavier Dieux, François Ost, Olivier Caprasse, Pierre Van Ommeslaghe et Jean-Jacques Masquelin. Le sérieux des discours a ensuite laissé place à la détente lors d'un cocktail dînatoire.

L’enseigne de Bruylant elle-même – un livre ouvert supportant une sphère, pourvu d’ailes, ceint de feuilles de chêne et de laurier encadrant un Nul doute que Bruylant représentera pommeau d’épée – longtemps encore une garantie d'excel- est perçue comme un lence et de confiance pour le public belge gage de sérieux et de et étranger. qualité dans le monde Merci encore à tous pour votre présence. entier. ” Jean Vandeveld

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Hommage

Hommage au bâtonnier Antoine Braun Emmanuel Cornu rend hommage à Antoine Braun. « Nous avons perdu un être exceptionnel, un patron irremplaçable, un avocat qui a fait honneur au barreau. »

Emmanuel Cornu Avocat au barreau de Bruxelles - associé

1

« La fréquentation effective du cabinet du patron n’est pas une obligation légale, mais elle est de tradition », enseignait-il dans son ouvrage sur « La profession d’avocat ». « La coutume ancienne qui met les jeunes avocats sous le patronage d’un ancien de l’Ordre et de suivre son cabinet est l’une des plus efficaces. Une bonne formation professionnelle ne se conçoit pas sans ce patron, et les relations qui naissent entre les patrons et les stagiaires, les anciens et les jeunes, sont l’un des charmes très particuliers de la profession et l’une des manifestations les meilleures de la confraternité »1.

Au cours de sa longue et brillante carrière professionnelle, le bâtonnier Antoine Braun forma de nombreux jeunes avocats. Depuis Ludovic De Gryse, son premier stagiaire en 1965, jusqu’à Éric De Gryse, son dernier stagiaire, plus d’une trentaine de stagiaires se sont succédé, parmi lesquels plusieurs auteurs des maisons Larcier et Bruylant, dont Jean-Jo Evrard, Fernand de Visscher, Thierry van Innis ou Dominique Kaesmacher.

Antoine Braun a été, et il reste pour tous ceux qui ont été ses stagiaires, un patron exceptionnel. Un patron jamais avare de son temps, ayant veillé de manière attentive à leur formation. Un patron soucieux de leur communiquer son art et son expérience. Art de la concision et du trait incisif. Culte du paradoxe. Fidélité aux traditions et usages du barreau, alliée à une grande ouverture d’esprit et une indépendance farouche. Art de ne pas se prendre au sérieux. Art de trouver l’équilibre du bon sens, doublé de celui de l’humour.

Certains de ses stagiaires sont devenus ses collaborateurs, puis ses associés, et ils ont suivi les quelques pérégrinations de son cabinet depuis le 116 de l’avenue de Broqueville où, d’abord avec son fidèle compagnon d’armes Raymond Sorel, puis avec Thierry Claeys et Louis Verbeke, il avait établi une des premières associations d’avocats de Bruxelles, jusqu’au cabinet « Simont Braun », avec John Bigwood et Lucien Simont, à l’avenue Louise.

La sagesse et le bon sens, Antoine Braun en avait une perception intuitive, et là résidait sans doute la clé de son succès. À la barre, lorsqu’après s’être parfois livré à des digressions apparemment étrangères au litige et que certains auraient pu croire dénuées de pertinence, mais qui exerçaient sur le juge une étonnante fascination, il relevait ensuite avec un art de la synthèse et un sens de la formule quelques vérités élémentaires que son adversaire avait ten-

A. Braun et F. Moreau, « La profession d’avocat », extrait du Répertoire pratique du droit belge, compl. t. VI, Bruylant, 1983, no 167.

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Hommage

dance à oublier, et il emportait comme par surprise la conviction du tribunal. Qui l’a entendu plaider se rappellera cette phrase qu’il assénait régulièrement, presque en s’excusant, aux adversaires qui lui opposaient des constructions juridiques parfois fumeuses : « la meilleure façon de comprendre un texte, c’est encore de le lire ». Du paradoxe se révélait la solution de bon sens. L  ’engagement professionnel d’Antoine Braun laissait peu de place aux loisirs, et ses loisirs il les consacrait à la lecture et à l’écriture. Si, chaque été, de juillet à septembre, Antoine Braun se retirait en Ardenne, à Maissin, dans cette belle propriété familiale où coule la Lesse et qui est encore envoûtée des rêves poétiques du bâtonnier Thomas Braun2, ce n’était pas pour faire du sport (il détestait le sport, qu’il considérait comme très mauvais pour la santé), mais bien pour rédiger ses ouvrages, principalement en droits intellectuels et sur le barreau. L ’Ardenne, le barreau, les droits intellectuels ; il s’agit là d’une histoire ancienne pour Antoine Braun. Depuis près d’un siècle et demi, la famille Braun est liée à la famille judiciaire et au droit de la propriété intellectuelle. Poursuivant cette tradition familiale, Antoine Braun y brilla comme le firent avant lui son père, le bâtonnier Thomas Braun, et son grand-père, le bâtonnier Alexandre Braun, qui chacun à leur époque, ont écrit en la matière des ouvrages qui ont fait autorité3. En 1971, Antoine Braun publiait la première édition du Précis des marques4,

Antoine Braun une étude inédite et complète du nouveau droit Benelux. Elle marqua son époque par son ampleur et son originalité. Elle ouvrit la voie à la jurisprudence. Sa cinquième et dernière édition parut en 20095. Cette tradition familiale à laquelle il était fort attaché et qu’il assuma pendant ses presque soixante-cinq années de barreau avec le même éclat, la même grandeur, que ses père et grand-père, il eut la vive satisfaction de la voir se poursuivre dans le même sens des valeurs avec son fils Thomas, dont il fut tellement heureux d’être l’associé, ainsi qu’avec sa petite-fille Marine, qu’il présenta au serment, fier de cette cinquième génération que la famille Braun offrait au palais.

Les relations que ses stagiaires et collaborateurs avaient la chance de nouer avec Antoine Braun étaient empreintes de simplicité, de sincérité

et de vérité. Nos liens allaient bien au-delà du plan professionnel. Avec Antoine Braun, nous avons fait route ensemble, pendant plus de vingtdeux années de collaboration. De cellesci, tenu par le secret professionnel, je ne puis rien dire, mais je voudrais très simplement en ces quelques lignes remercier Antoine Braun de ce parcours commun, au long de ces années de joie et parfois d’épreuves, les unes et les autres surmontées avec l’optimisme qui caractérisait Antoine Braun. Dans son avant-propos à la dernière édition du Précis des marques, Antoine Braun écrivait que « dans tout relais, les coureurs courent côte à côte pendant un certain temps avant que le témoin soit transmis ». Nous avons longtemps couru côte à côte. Aujourd’hui, le témoin est transmis, mais nous avons perdu un être exceptionnel, un patron irremplaçable, un avocat qui a fait honneur au barreau. ■

oy. silhouette d’Antoine Braun, J.T., 1996, p. 587. V Voy. notamment : A. Braun, Nouveau traité des marques de fabrique et de commerce, du droit commercial et de la concurrence déloyale, Bruxelles, Larcier, 1880 ; Th. Braun et A. Capitaine, Les marques de fabrique et de commerce, Bruxelles, Bruylant, 1908 ; Th. Braun et P. Struye, Précis des brevets d'inventions et de la contrefaçon industrielle, Bruxelles, Bruylant, 1935 ; Th. Braun, F. Bissot et J. Favart, Précis des marques de fabrique et de commerce, extraits des Novelles, « Droits intellectuels », Bruxelles, Larcier, 1936. 4 A. Braun, Précis des marques de produits, Larcier, 1971, 684 p. 5 A. Braun et E. Cornu, Précis des marques, 5e éd., Larcier, 2009, 1.070 p. 2 3

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Écouter, convaincre, concilier, expliquer, encadrer, diriger... L ’essentiel du travail du professionnel du droit réside bien souvent dans ces différentes tâches. Et elles sont d’autant plus difficiles à gérer qu’il faut pouvoir les conjuguer à une parfaite maîtrise des aspects techniques de son métier, tout en restant fiable et performant. Les formations en matière de gestion des rapports humains visent à acquérir une approche professionnelle de ces problèmes. Au-delà de l’apport personnel que l’on peut en retirer, elles permettent une amélioration durable des conditions de travail, de l’efficacité des collaborateurs, et une meilleure prévention des situations problématiques ou conflictuelles. ➔ Développer son intelligence émotionnelle 13 et 14 février 2014 ➔ L’affirmation de soi (assertivité) 18 et 25 mars 2014 ➔ Techniques de négociation 5 et 8 mai 2014 ➔ La médiation en pratique 12 et 26 mai 2014 ➔ L’écoute Uniquement en intra-entreprise Lieu : Ibis Styles Hotel & Meeting Center Louvain-la-Neuve Boulevard de Lauzelle 61 1348 Louvain-la-Neuve Formations agréées par AVOCATS.BE et la Commission Fédérale de Médiation (demandes en cours). Infos et inscriptions : formation@larciergroup.com ou sur www.larcier.com (onglet Formations-Colloques)

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