Forêt.Nature n° 135

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Avril-Juin 2015

135

ÉCOLOGIE Les nouvelles zones bioclimatiques en Wallonie SOCIÉTÉ Les aires de faulde en forêt wallonne

SYLVICULTURE La typologie des peuplements pour mieux connaître les chênaies

PRATIQUE Les outils météo

Forêt.Nature est une revue trimestrielle éditée par l’asbl Forêt Wallonne – Bureau de dépôt : 3000 Leuven Masspost – n° d’agréation : P202241


Forêt Wallonne devient FORÊT.NATURE, votre revue de vulgarisation scientifique consacrée à la gestion durable des espaces forestiers et naturels. Notre mission : apporter aux gestionnaires de terrain les éléments nécessaires pour poser des choix de gestion en connaissance de cause. Nos atouts : • 4 numéros par an de 60 à 80 pages au format A4, en couleur, • des contenus adaptés aux préoccupations des gestionnaires forestiers et des espaces naturels,

• un triple niveau de lecture : découverte (la porte d’entrée plus accessible), technique (les résultats de recherche mis à disposition des gestionnaires) et pratique (du concret, directement utile sur le terrain), • des focus qui concentrent l’essentiel des articles : résumés, points forts, tableaux, figures et encarts, • plus d’articles, de photos et d’infographies pour une meilleure lisibilité, • des trucs et astuces : indicateur d’accessibilité et de durée de lecture, tags et bibliographie renforcée pour ceux qui veulent approfondir un sujet sur www.foretwallonne.be

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FORÊT.NATURE n° 135 AVRIL-MAI-JUIN 2015

Édito Bienvenue dans Forêt.Nature !

la nature, d’une part, vers des sujets de société (aménagement du territoire, par exemple), d’autre part.

Cela faisait 11 ans que la revue Forêt Wallonne n’avait pas changé de format. Créée à l’été 1988, elle paraît dans un format A4 noir et blanc. La couleur fait son apparition 10 ans plus tard et en 2004 elle passe en format « poche ». Au fil du temps, le contenu de votre revue a également évolué. Lancée pour aborder l’ensemble du biotope forestier, Forêt Wallonne a réussi le pari de devenir la revue technique et scientifique de référence en Wallonie aux yeux des agents du Département de la Nature et des Forêts et de nombreux autres acteurs publics ou privés investis dans la gestion de la nature. Sylviculture et gestion forestière, conservation de la nature et biodiversité en sont les sujets phares. Forte de votre soutien, la revue poursuit son développement selon trois axes. Tout d’abord, en devenant « Forêt.Nature », votre revue reflète la diversité des tâches qui incombent aux agents du DNF aujourd’hui. Sylviculteurs, bien sûr, mais surtout des professionnels dont la compétence n’a cessé de s’étendre en matière de conservation de

FORÊT.NATURE est éditée par Forêt Wallonne asbl ISSN 1372-8903 Rédaction Rue Nanon, 98 | B-5000 Namur info@foretwallonne.be T +32 (0)81 390 800 Rédacteur en chef Christophe Heyninck c.heyninck@foretwallonne.be T +32 (0)81 390 802 Directeur (éditeur responsable) Marc Bussers m.bussers@foretwallonne.be T +32 (0)81 390 800

Cotisation (4 numéros/an) Belgique : 32 € (étudiant : 16 €) Europe : 45 € | Autres pays : 60 € Vente au numéro : 10 € (+ port) Commande via la librairie en ligne www.foretwallonne.be/librairie ou par téléphone : +32 (0)81 390 800. IBAN : BE60-0682-0576-0770 Conseil d’administration Hugues Claessens (ULg-GxABT) Benjamin de Potter (DNF) Étienne Gérard Didier Marchal (DNF) Étienne Orban de Xivry Quentin Ponette (UCL-ELIe) Stéphane Vanwijnsberghe

Ensuite, et c’est le plus visible, avec un changement de format. Il était, en effet, devenu nécessaire de vous proposer des illustrations (photos et infographies) plus explicites et lisibles afin d’augmenter encore le confort de lecture et l’appropriation des contenus par le lecteur. La périodicité change également : votre revue passe à quatre numéros par an pour contenir plus d’articles, plus d’illustrations et plus de sujets abordés. Vous découvrirez une foule d’innovations destinées à faciliter votre lecture et aussi de nombreux liens vers foretwallonne.be pour approfondir les sujets traités. Enfin, nous voulons séduire de nouveaux lecteurs, privés ou publics, entreprises ou personnes physiques, professionnels ou passionnés par la forêt et la conservation de la nature, et établir des ponts entre gestionnaires de milieux adjacents pour faciliter l’échange et le dialogue. Une nouvelle aventure commence, grâce à vous et pour vous ! Christophe Heyninck

Collaborateurs Sébastien Petit (formation) s.petit@foretwallonne.be T +32 (0)81 390 803 Christine Sanchez (Pro Silva, formation) c.sanchez@foretwallonne.be T +32 (0)81 390 804

La reproduction ou la mise en ligne totale ou partielle des textes et des illustrations est soumise à l’autorisation de la rédaction.

Photo de couverture © Martin Dellicour.

La revue FORÊT.NATURE est réalisée avec le soutien de l’Accord-cadre de recherches et vulgarisation forestières.

Impression Artoos-Hayez | www.hayez.be

La rédaction remercie les auteurs et les photographes pour leur contribution.

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O U T I L S P O U R U N E G E S T I O N R É S I L I E N T E D E S E S PA C E S N AT U R E L S

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FORÊT.NATURE n° 135 AVRIL-MAI-JUIN 2015

Sommaire FORÊT.NATURE n° 135 Avril-juin 2015

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Brèves

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Les Ateliers Forestiers : programme de formations du 2e semestre 2015

Découverte

10

10 La forêt wallonne, composante vitale de la sidérurgie préindustrielle Brieuc Hardy, Joseph Dufey

20’

19 Les aires de faulde en forêt wallonne : repérage, morphologie et distribution spatiale Brieuc Hardy, Joseph Dufey

25’

Technique 31 La typologie des peuplements : un outil pour mieux connaître l’état des chênaies à l’échelle régionale Sylvain Gaudin

30’

19 Suivez le signe Temps de lecture de l’article en fonction de sa longueur et de sa difficulté technique. Article découverte Article technique Article pratique Renvoie à une référence à consulter sur www.foretwallonne.be Société Sol

Tags de l’article pour sa recherche sur www.foretwallonne.be

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FORÊT.NATURE n° 135 AVRIL-MAI-JUIN 2015

40 ForEstimator : un nouvel outil cartographique pour mieux connaître la forêt wallonne Laurent Dedry, Olivier De Thier, Jérôme Perin,

15’

Adrien Michez, Stéphanie Bonnet, Philippe Lejeune

47 La carte bioclimatique de Wallonie : un nouveau découpage écologique du territoire pour le choix des essences forestières Raphaèle Van der Perre, Stephen Bythell, Patrick Bogaert, Hugues Claessens, François Ridremont, Christian Tricot,

35’

Caroline Vincke, Quentin Ponette

59 LIFE Elia : analyse coûts-bénéfices d’une gestion au profit de la biodiversité sous les lignes à haute-tension 15’

Simon de Voghel, Sébastien Pirot, Christophe Bauffe

40

Pratique 68 Outils de prévision météo pour les gestionnaires de terrain 5’

Marc Bussers

70 « Au nom du cerf » Philippe Moës, Gérard Jadoul

73 Parutions 75 Demo Forest, les 28 et 29 juillet 2015 à Bertrix

47

70

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FORÊT.NATURE n° 135 AVRIL-MAI-JUIN 2015

Brèves

L’atlas climatique de l’IRM L’IRM a mis en ligne un atlas climatique reprenant une mine d’informations statistiques sur le climat en Belgique. L’idée est de proposer des cartes de la répartition géographique des normales de différentes variables météorologiques : température de l’air, précipitations, rayonnement solaire et orage. Les normales sont définies par rapport à la période de référence 1981-2010, afin d’être représentatives du climat actuel. www.meteo.be/climatlas n

Une initiative citoyenne pour créer une réserve forestière intégrale L’asbl Les Muscardins lance un appel de fond afin d’acquérir une chênaie d’une trentaine d’hectares sur un coteau sud-ouest en Thiérache. On y trouve des (gros) chênes, des hêtres, du bouleau et du charme avec un sous-étage de sorbier, noisetier et houx. L’acquisition permettra d’éviter une conversion en épicéa et douglas. Le massif longe un ruisseau, seul affluent non enrésiné d’un autre ruisseau classé en Natura 2000. Il est situé en bordure d’une zone d’habitats dont les occupants sont sensibles à la qualité de leur environnement. Si vous souhaitez participer : www.lesmuscardins.be n

Phytolicence : dernier délai pour bénéficier des mesures transitoires !

L’interview du Dr Roucher est en ligne Lors du dernier Festival du Film Nature de Namur, un colloque sur l’équilibre forêt-gibier a réuni une brochette d’experts sur la question. Parmi eux, se trouvait une interview du Dr Roucher, auteur, notamment, de l’ouvrage « Cervidés et forêt, rétablir une harmonie » paru chez AgroParisTech. Cette interview est accessible via www.foretwallonne.be n

Vous êtes sylviculteur, gestionnaire forestier ou agriculteur, vous utilisez, conseillez ou vendez des produits phytopharmaceutiques à usage professionnel, dans ce cas, demandez sans attendre votre phytolicence. Effectuez votre demande avant le 31 août 2015 afin de pouvoir bénéficier des mesures transitoires plus souples. Les demandes peuvent être introduites via www.phytolicence.be ou via un formulaire papier disponible sur demande. Information et aide : Comité régional PHYTO T +32 (0)10 473 754 | crphyto@uclouvain.be | www.crphyto.be n

Abonnez vous gratuitement à Forêt-MAIL sur www.foretwallonne.be et recevez tous les mois un condensé des principaux articles techniques et scientifiques parus dans la presse spécialisée



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FORÊT.NATURE n° 135 AVRIL-MAI-JUIN 2015

Prix moyens des bois sur pied : En hausse p | En baisse q | Stable u printemps-été 2015 FEUILLUS (PRIX MOYEN €/M3) C150

100-119

PRINTEMPS-ÉTÉ 2015 120-149

150-179

180-199

200-219

220-249

250 et +

Chêne de qualité

30-40 p

50-70 p

100-120 p

120-150 p

150-180 p

150-180 p

150-180 p

Chêne industriel

30-40 p

40-50 p

45-65 p

65-85 p

70-90 u

70-90 u

70-90 u

Chêne d’Amérique

30-40 p

40-50 p

70-80 p

90-110 p

90-110 u

90-110 u

90-110 u

Hêtre blanc

25-30 u

30-35 u

35-45 u

55-75 u

60-80 u

60-80 u

60-80 u

Hêtres rouge et industriel

25-30 u

25-30 u

30-35 u

40-50 u

40-50 u

40-50 u

40-50 u

Frêne de qualité

30-35 u

45-65 u

70-90 q

70-90 q

80-100 q

80-100 q

80-100 q

Frêne industriel

25-30 u

30-35 u

40-55 u

50-60 u

50-60 u

50-60 u

50-60 u

Peuplier élagué

15-20 u

25-30 u

35-45 u

35-45 u

35-45 u

35-45 u

35-45 u

Peuplier non élagué

15-20

20-30 u

25-30 u

25-30 u

25-30 u

25-30 u

25-30 u

Érable

25-30 u

25-30 u

40-60 u

60-80 u

60-80 u

60-80 u

60-80 u

Merisier

25-30 u

25-30 u

40-60 u

60-80 u

60-80 u

60-80 u

60-80 u

Bois de chauffage : 10 à 20 €/m3 apparent (Wallonie) u | 12 à 30 €/m3 apparent (Flandre) u Baliveaux (70-100 cm de circonférence) : 20 à 30 €/m3 u Trituration (feuillus) : 6 à 10 €/tonne q ÉPICÉA (PRIX MOYEN €/M3) C150

PRINTEMPS-ÉTÉ 2015 20-39 40-59 Éclaircie

60-69 70-89 90-119 | Mise à blanc : + 10 % |

120-149 150-179 Mise à blanc

180 et +

Épicéa (Ardenne)

1-5 u

15-20 u

35-45 u

45-55 u

65-75 u

75-85 u

75-85 q

75-85 q

Épicéa (Moy. Belgique)

1-5 u

12-20 u

30-40 u

40-50 u

50-60 u

60-70 u

60-70 u

60-70 u

AUTRES RÉSINEUX (PRIX MOYEN €/M3) (mise à blanc : + 10 %) C150

20-39

60-69

70-89

90-119

7-12 u

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27-32 u

30-42 u

40-50 u

40-50 u

45-50 u

0-3 u

7-12 u

15-30 u

25-30 u

30-40 u

30-40 u

30-40 u

30-40 u

Pin de Corse

0-0 u

7-12 u

15-30 u

25-30 u

30-40 u

30-40 u

30-40 u

30-40 u

Douglas et Mélèze d’Europe

1-5 u

9-15 u

20-35 q

37-47 q

50-60 q

60-70 q

70-80 q

70-90 q

Mélèze du Japon et Abies grandis

0-3 u

Pin sylvestre

Remarques préalables Les flèches à côté de chaque intervalle de prix indiquent l’évolution depuis la liste établie lors de la période précédente. Ces prix sont proposés : 1. Pour des conditions d’exploitation aisées (terrain plat ou en légère pente, facilement accessible, sans contrainte spéciale d’abattage...). 2. Pour des conditions normales de marché (délai de paiement, frais de vente, cautionnement, délai et période d’exploitation). 3. Pour des lots d’un volume suffisant. Résineux • Les prix sont donnés sur base d’un volume marchand sur écorce. • Les bois doivent être de bonne qualité, peu branchus, d’un défilement normal, exempts de pourriture et de mitraille. • Pour l’épicéa, les prix sont présentés pour des éclaircies pour les catégories 20-39, 40-59, 60-69 et 70-89 (ajouter 10 % pour les prix des mises à

40-59

PRINTEMPS-ÉTÉ 2015

blanc pour les catégories 60-69 et 70-89) et pour des mises à blanc pour les catégories 90-119, 120149, 150-179, 180 et plus. • Pour les autres résineux, les prix sont présentés pour des bois d’éclaircie. Pour les mises à blanc, ajouter 10 %. • Les lots importants (plus de 1000 m3) se vendent proportionnellement plus cher que les lots de faible volume. • Pour les bois chablis, il convient d’appliquer une décote. L’importance de la décote est très variable en fonction des circonstances. Feuillus • Les prix sont donnés pour des grumes entières (culée et surbille). • Les intervalles de prix sont, pour un lot déterminé, fonction du pourcentage de bois de qualité spéciale (couleur, tranchage, déroulage, ébénisterie...). Pour des bois exceptionnels (chênes, merisiers, noyers...), les valeurs ne peuvent être déterminées que par une analyse approfondie de chaque bille de pied.

120-149

150-179

180 et +

Bois de chauffage Le haut de la fourchette concerne les ventes de petits lots à des particuliers. Important : il existe de fortes différences en fonction des régions et de la situation (proximité d’une grosse agglomération, facilité d’accès, relief, végétation adventice, dispersion des bois...) et de la qualité des coupes (houppiers, taillis, baliveaux, proportion de bois durs). Bois de trituration Pour les bois de trituration, les prix sont exprimés en euro par tonne, tous types de bois confondus, au lieu d’euro par mètre cube apparent afin de correspondre aux pratiques habituelles en matière de vente de ce type de produit et limiter les marges d’erreurs dans la conversion des unités de mesures (m3 vers m3 apparent vers tonne). Fédération Nationale des Experts Forestiers Avenue Gouverneur Bovesse, 112/18 | 5100 Jambes info@experts-forestiers.be | T 081 313 158 www.experts-forestiers.be


FORÊT.NATURE n° 135 AVRIL-MAI-JUIN 2015

Forêt Wallonne vous invite à son quatrième

cocktail forestier le mardi 28 juil let

2015 à 11h30

sur notre stand aux Démos Forestières de Libramont Avec le soutien de la bière Curtius

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FORÊT.NATURE n° 135 AVRIL-MAI-JUIN 2015

Les Ateliers forestiers ee

Programme des formations du 2 semestre 2015 Inscription et renseignements : www.foretwallonne.be/ateliers-forestiers Depuis plus de 15 ans, l’asbl Forêt Wallonne assure la formation professionnelle continue des agents du Département de la Nature et des Forêts dans tous les domaines qui touchent à la sylviculture et à la gestion forestière. Ces formations sont principalement développées dans le contexte de l’Accord-cadre de recherches et vulgarisation forestières qui lie le DNF aux universités de Liège et Louvain et à l’asbl Forêt Wallonne.

Durée

Date

Lieu

Prix

Sept.Déc. 2015

Les formations proposées par l’asbl Forêt Wallonne sont ouvertes à tous, gestionnaires professionnels et propriétaires avertis. Elles répondent aux préoccupations de terrain des forestiers. Elles veulent être au plus près de la réalité vécue par les gestionnaires. Chaque formation proposée a été mise au point durant plusieurs semaines, en partenariat avec les chercheurs des universités et les agents de terrain. n

Niveau requis

Nombre de participants

Régénération du chêne Objectifs La journée d’échange sur la régénération du chêne a pour but d’exposer les différentes problématiques auxquelles les gestionnaires sont confrontés lors de leurs tentatives de régénération et de leur apporter des solutions concrètes, applicables sur le terrain. Tout cela, en tenant compte des différents contextes qu’ils rencontrent. Des itinéraires techniques sont proposés pour chaque type de peuplement afin d’assurer au mieux l’installation et le développement des semis de chêne. Méthode • Visites de peuplements. • Historique de la régénération. • Analyse de cas et solutions pour le rattrapage.

1 jour Dates à confirmer. Inscrivez-vous sur www.foretwallonne.be pour être tenu au courant des prochaines dates de formation Lieu de rdv indiqué lors de la confirmation 100 € (gratuit pour les agents DNF) Aucun niveau requis 10-20 participants


FORÊT.NATURE n° 135 AVRIL-MAI-JUIN 2015

Marteloscope : exercice de martelage en futaie irrégulière feuillue Objectifs Alimentée par les échanges entre les participants, cette journée a pour but de présenter les principales dynamiques qui régissent l’évolution des futaies irrégulières. Les participants pourront acquérir les connaissances nécessaires à la conduite d’un martelage dans ce type de peuplements. Méthode • Réalisation d’un exercice de martelage par équipe, en futaie irrégulière feuillue, dans un dispositif d’un hectare. • Analyse des résultats de chaque équipe : aspects économique, sylvicole et écologique. L’analyse se fait à l’aide d’un programme informatique et est suivie d’une mise en situation sur le terrain.

1 jour Rance (chênaie-charmaie) : 8 octobre 2015 Vecmont (hêtraie-chênaie ) : 20 novembre 2015 Le lieu de rendez-vous est indiqué dans la confirmation d’inscription 100 € (gratuit pour les agents DNF) Maîtrise des notions de surface terrière et expérience du martelage 8-25 participants

Journée d’information sur la « circulaire Pro Silva » du DNF Objectifs pédagogiques • Comprendre l’intérêt de la sylviculture Pro Silva. • Comprendre le champ d’application de la circulaire. • Comprendre les mesures sylvicoles constituant la circulaire. • Connaître le projet de réseau de compartiments pilotes. • Visite de plusieurs parcelles forestières pour illustrer les notions théoriques. Méthode • Matin : exposé en salle, suivi d’une séance de questions/réponses. • Après-midi : visite de plusieurs parcelles en forêt.

1 jour 10 septembre 2015 Namur et environs 60 € (gratuit pour les agents DNF) Aucun niveau requis 10-20 participants

Réception des plants forestiers Objectifs • Savoir comparer et retenir une offre parmi diverses offres reçues de différents pépiniéristes. • Savoir analyser les bordereaux de réception et Documents fournisseurs livrés par le pépiniériste. • Assimiler le déroulement correct et complet d’une réception de plants en bonne et due forme. • Savoir réaliser le test statistique permettant d’évaluer la qualité des plants proposés. • Savoir tirer les conclusions pour accepter ou refuser les plants sur base de critères objectifs.

1 jour DNF Only (par Direction) : Mons : 17 nov. 2015 | Arlon et Neufchâteau : 20 nov. 2015 | Namur et Dinant : 23 nov. 2015 | Malmedy et Liège : 26 nov. 2015 | Marche : 30 nov. 2015 Tout public : 2 décembre 2015 Lieu de rdv indiqué lors de la confirmation 100 € (gratuit pour les agents DNF)

Méthode Matinée en salle sur la commande de plants, après-midi en hangar, avec présentation des formulaires utilisés, manipulation de plants de diverses essences.

Aucun niveau requis 12-20 participants

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La forêt wallonne, composante vitale de la sidérurgie préindustrielle Brieuc Hardy | Joseph Dufey UCL, Earth & Life Institute, Environmental Sciences

Durant tout le 18e siècle, la forêt a été une composante vitale de la sidérurgie préindustrielle en Wallonie et a fortement contribué à son développement. À l’inverse, cette activité eut une influence déterminante sur la sylviculture et l’exploitation des forêts.


Histoire

Sol

Société

20’

En

certaines régions de Wallonie, il est fréquent d’observer des terres agricoles marquées de taches noirâtres de 20 à 40 mètres de diamètre visibles à l’époque des labours et de la préparation des semis. Ces « stigmates » s’observent exclusivement sur d’anciennes zones forestières telles que cartographiées par Ferraris vers 1775 et qui ont été défrichées dans le courant du 19e siècle pour la mise en culture. Il s’agit en réalité d’empreintes d’anciennes charbonnières, ou aires de faulde, où se pratiquait la fabrication de charbon de bois par la technique de la meule forestière abondamment documentée dans la littérature et qui a été détaillée dans la revue « Forêt Wallonne » par Arnaud Delvaux2. La figure 1 illustre une reconstitution de cette pratique en forêt de Chaux, dans le Jura. Sous forêt, les anciennes charbonnières se présentent le plus souvent sous forme de bombement circulaire d’une dizaine de mètres de diamètre. Sur pente, même légère, la construction de meules de carbonisation* nécessitait l’aménagement préalable de petites terrasses planes. Le sol y présente typiquement un horizon superficiel très foncé, de quelques dizaines de centimètres d’épaisseur, constitué d’un mélange de résidus de charbon de bois (fragments et poussières) et de terre dont était couverte la meule avant sa mise à feu (figure 2). Un deuxième article dans cette revue12 est consacré à la description de la diversité morphologique des aires de faulde rencontrées dans nos forêts. Dès le début de nos travaux sur les aires de faulde, suite à nos propres observations et à une enquête

RÉSUMÉ L’apogée de la sidérurgie au bois en Wallonie se situe dans les années 1750 à 1830. La forêt wallonne a fortement contribué à fournir le charbon de bois nécessaire à la sidérurgie préindustrielle, avant l’adoption du charbon de terre, la houille, au cours du XIXe siècle. Le charbon de bois était utilisé pour la fusion du minerai et pour l’affinage de la fonte. Des données statistiques anciennes ont permis d’établir qu’il fallait de l’ordre de 3 tonnes de charbon de bois pour la production et l’affinage d’une tonne de fonte. Un hautfourneau produisant en moyenne à cette époque 500 à 550 tonnes de fonte par an, les besoins en charbon de bois sont estimés à environ 1 600 tonnes par an et par fourneau, soit l’équivalent de quelque 20 000 stères de

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exploratoire auprès des cantonnements forestiers de Wallonie, nous avons été interpellés par l’ubiquité et l’ampleur du phénomène. L’examen d’images aériennes sur parcelles agricoles nues ou peu couvertes révèle quasi systématiquement la présence d’aires de faulde dans les zones de conversion de la forêt ancienne (référence à la carte de Ferraris) en terres de culture, zones délimitées sur la récente carte de mutation de la forêt wallonne16. De même, nos repérages d’aires de faulde dans les forêts anciennes basés sur le microrelief et la forme des sites ont presque toujours été couronnés de succès. Ainsi plus de deux cents anciennes charbonnières ont été localisées sur différents types de substrats géopédologiques. L’ubiquité de ces vestiges de carbonisation témoigne que l’histoire de nos forêts a été profondément impactée par la fabrication de charbon de bois, particulièrement au 18e siècle comme le montre la figure 319. Le charbon de bois était le seul combustible à être utilisé pour la sidérurgie avant le recours progressif au coke, produit de distillation de la houille, au 19e siècle en Wallonie. Il est aussi vraisemblable que du charbon de bois était utilisé pour la cuisson de briques en tas6 principalement en région limoneuse, le loess étant une bonne « terre à brique », alors que le minerai de fer abondait en de nombreuses régions dans la partie Sud de la Wallonie. Nos recherches sur les aires de faulde, initiées en 2010, ont été soutenues par une convention avec le Service public de Wallonie dont un rapport détaillé a été déposé en novembre 201311. Ce rapport aborde diverses facettes de la thématique, avec un approfondissement des aspects pédologiques. Dans

ion consiste * La carbonisat une matière à transformer arbon. organique en ch i de pyrolyse. On parle auss bois. Avec 73 hauts-fourneaux actifs en Wallonie, les besoins en charbon de bois sont ainsi évalués à environ 117 000 tonnes par an, soit près de 1 500 000 stères de bois. Ce bois est issu de taillis dont la révolution est estimée à une vingtaine d’années. La production d’un taillis de cet âge sur sol moyen se situant dans une gamme de 80 à 100 stères par hectare, les besoins en surface forestière sont estimés en moyenne à 4 444 ha par fourneau. Compte tenu des 73 fourneaux actifs en Wallonie, l’estimation d’une superficie totale de l’ordre de 325 000 ha de forêt peut être considérée comme réaliste pour répondre aux besoins de la sidérurgie préindustrielle, soit de l’ordre des trois quarts de la forêt wallonne de l’époque.


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Figure 1. Reconstitution de la technique de la meule charbonnière en forêt de Chaux (la Vieille-Loye, Baraques du 14, août 2012). 1 et 2 : dressage de la meule autour d’un pilier central et d’un assemblage triangulaire de petites bûches formant une cheminée. 3 et 4 : « habillage » ou « bougeage » de la meule avec des feuilles et un mélange de terre et de fraisil maintenu en place par un quadrillage de bûchettes. 5 et 6 : allumage de la meule avec des braises et du petit bois introduits dans la cheminée centrale après enlèvement du mat. 7, 8 et 9 : obturation de la cheminée et « cuisson » du charbon à l’étouffée guidée par le charbonnier. 10, 11 et 12 : meule fortement affaissée en fin de cuisson, refroidissement et extraction du charbon de bois à l’aide de rateaux ou « arcs ». Note : la meule comportait ici une douzaine de stères de bois, volume nettement inférieur à ce qui se pratiquait en forêt wallonne.


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Figure 2. Aires de faulde sur terre agricole et sous forêt. À gauche : photographie aérienne à Saint-Denis (orthophoto SPW) et parcelle à Ermeton-sur-Biert. À droite : tranchée pédologique sur aire de faulde en bas de versant dans le bois de Lauzelle (Louvain-la-Neuve) avec horizon charbonnier de 40-50 cm ; à noter la topographie en terrasse plane surplombant un chemin forestier en contrebas vers lequel était dégagé le charbon de bois.

le présent article, nous développons toutefois un aspect plus historique, visant à quantifier, en termes de besoins en charbon de bois et en surface forestière, l’énorme pression exercée sur nos forêts par la sidérurgie préindustrielle, à son apogée dans les années 1750-1830. Une version détaillée de cette étude a été publiée dans la Revue Forestière Française9, 10 ; nous en reprenons ici les éléments clés.

La méthodologie suivie, le principe Les documents relatifs aux forges anciennes comportent la plupart du temps des données relatives à la production annuelle de fonte par les hauts-fourneaux, alors que les données relatives à la consommation de charbon de bois sont moins fréquentes. Nous avons donc choisi une approche assez classique dans des études similaires, à savoir l’évaluation de la production de fonte par les hauts-fourneaux en activité à l’époque sur le territoire actuel de la Wallonie pour en déduire les besoins en charbon de bois compte tenu des divers stades où il est principalement consommé dans le processus sidérurgique. Une fois les besoins en charbon de bois établis, nous avons tenté d’évaluer les surfaces forestières nécessaires à sa production, ce qui suppose une estimation du rendement

en charbon de bois à partir du bois coupé à cet effet, de la surface nécessaire pour fournir ce bois et, bien entendu, de la durée nécessaire à la reconstitution de la ressource ligneuse au stade adéquat pour la fabrication de charbon.

Combien de hauts-fourneaux en Wallonie ? Et quelle production de fonte ? La Wallonie comporte de nombreux sites témoins d’activités sidérurgiques préindustrielles. Evrard4 a dressé un répertoire des forges anciennes de Wallonie et du Grand-Duché de Luxembourg dont les vestiges se limitent quelquefois à des étangs aménagés pour les besoins en énergie hydraulique des forges et fourneaux (figure 4). Notons que toutes les anciennes forges localisées sur la figure 4 ne comprenaient pas nécessairement de hauts-fourneaux. Ceux-ci se situaient très majoritairement dans les provinces actuelles de Luxembourg et de Namur, et dans la botte du Hainaut, l’activité sidérurgique dans la région de Charleroi et surtout de Liège étant largement orientée vers la production de produits finis à partir de la fonte et du fer fournis

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par les autres provinces. Un grand nombre de hautsfourneaux se situaient dans l’Entre-Sambre-etMeuse, territoire le plus riche en minerai de fer d’Europe selon Heuschling et Van der Maelen13. Le sud de la province du Luxembourg connaissait aussi une activité sidérurgique très intense liée à l’abondance du minerai. En témoigne, par exemple, le fait que les forges d’Orval occupaient le premier rang des producteurs de fonte en Europe dans les années 1750. Selon une étude historique très détaillée de Hansotte8, près de nonante hauts-fourneaux étaient actifs dans les Pays-Bas autrichiens et dans les pays de Liège et de Stavelot en 1790. En procédant à un recoupage territorial de ces données selon les limites actuelles de la Wallonie, nous obtenons une estimation de septante-trois hauts-fourneaux actifs en 1790. Cet auteur rapporte des productions annuelles de 400 à 650 tonnes de fonte par fourneau durant les années 1760-1790. Par ailleurs, les données de production de fonte dont nous disposons dans l’ouvrage de Evrard4 fournissent, mathématiquement, une production moyenne annuelle de 528 tonnes de fonte (écart-type de 120 tonnes) par haut-fourneau, ce qui s’accorde parfaitement avec l’estimation de Hansotte8.

Du bois et du charbon de bois… Quelle quantité pour un fourneau ? Nos estimations des besoins en bois et en charbon de bois pour la production de fonte et de fer s’appuient sur une large enquête réalisée en 1811 dans l’ancien département des Forêts qui s’étendait sur les territoires actuels du Grand-Duché de Luxembourg et d’une bonne partie de la province du Luxembourg. Selon les sites sidérurgiques, les besoins en combustibles

sont exprimés en stère de bois ou en kilogramme de charbon de bois. Un rendement de 80 kg de charbon par stère de bois dur est pris comme référence dans ces statistiques. Plusieurs sources bibliographiques indépendantes, dont des mesures expérimentales nombreuses et détaillées réalisées à l’époque dans les départements des Ardennes et de la Meuse, confirment le bien-fondé de cette valeur repère pour le facteur de rendement en charbon de bois par la technique de la meule forestière. Cette valeur correspond à un rendement en masse de l’ordre de 20 %. Il est intéressant de noter que la technique de la meule charbonnière encore pratiquée dans de nombreux pays du Sud conduit à des rendements du même ordre de grandeur18. Les données de l’enquête de 1811 rapportées par Wagner20 permettent de calculer que les besoins des hauts-fourneaux étaient en moyenne de 24,8 stères de bois, ou 1,98 tonne de charbon de bois, par tonne de fonte produite. Pour affiner la fonte en fer par chauffage et martelage, il fallait en moyenne 13,2 stères de bois, ou 1,05 tonne de charbon de bois, par tonne de fonte passant à l’affinage. Il faut savoir que toute la production de fonte ne passait pas à l’affinage ; certains hauts-fourneaux produisaient de la fonte de moulage pour la fabrication de divers objets tels que chenets, poteries, canons et boulets… mais la production de fonte de moulage était plus consommatrice de charbon de bois que la production de fonte destinée à l’affinage. Considérant des données relevées pour quelques forges produisant de la fonte de moulage et de la fonte d’affinage, il apparaît que la quantité totale de combustible était quasi similaire pour la production d’une tonne de fonte de moulage et pour la production et l’affinage d’une tonne de fonte classique. Après l’affinage, le fer était travaillé principalement dans les platineries* et les fenderies** dont la con-

* Qui permettait de réduire l’épaisseur des plaques de fer. Figure 3. Évolution de l’utilisation industrielle du bois dans nos régions (adapté de Tallier19).

ndait le fer ** Là où l’on fe en barre.


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Origine des données : SPW-DGO3-DEMNA & Evrard4.

Figure 4. Anciennes forges de Wallonie répertoriés par Evrard4 et superficies forestières cartographiées par Ferraris16 (carte composée par Hardy et Dufey9).

sommation en charbon de bois ne représentait toutefois que de l’ordre de 1 à 2 % du combustible total utilisé par les forges et fourneaux. Ainsi, nous pouvons déjà estimer qu’il fallait chaque année de l’ordre de 1 600 tonnes de charbon de bois ou 20 000 stères de bois pour la fusion du minerai et l’affinage de la fonte produite par un fourneau de capacité moyenne. À l’échelle de la Wallonie, retenant le chiffre de septante-trois hauts-fourneaux à la fin du 18e siècle, c’est près de 1 500 000 stères de bois que fournissaient annuellement nos forêts à la sidérurgie.

Quel bois pour faire du charbon ? Les bûches – « la charbonnette » – empilées en meules pour la carbonisation étaient tirées de l’exploitation de taillis. Leur circonférence était de l’ordre de 10 à 30 cm, soit des diamètres de 3 à 10 cm, avec des longueurs variables le plus souvent de l’ordre de 70 à 80 cm. La révolution du taillis pour atteindre ce stade était d’une vingtaine d’années7, 17. Le charbon tiré de bois dur était particulièrement adapté à la fusion et à la réduction du minerai dans le haut-fourneau, alors que le charbon de bois tendre était apprécié pour l’affinage de la fonte en fer. En de nombreuses régions, le régime de taillis-sousfutaie a progressivement évolué vers des futaies clai-

étales et orga* Brûlis des matières vég vue d’une mise niques superficielles en deux années. en culture pour une ou

res, voire des taillis purs sous la pression de la demande croissante en charbon de bois. Le revenu du taillis en était devenu supérieur à celui du bois d’œuvre. Les arbres de la futaie ont aussi souffert de l’ouverture et de l’extension de clairières pour les activités de charbonnage, ainsi que d’incendies inhérents aux risques des opérations de carbonisation, et aux pratiques d’essartage* après les coupes de taillis. Pour traduire les besoins en bois en superficie forestière équivalente, il faut clairement disposer d’une estimation de la quantité de bois produite par unité de surface. Le recoupement de plusieurs sources bibliographiques, dont des données d’époque, nous amène à retenir une fourchette de production de bois carbonisable de 80 à 100 stères par hectare pour un taillis de 20 ans, soit une capacité de production de charbon de bois de l’ordre de 6 à 8 tonnes par hectare tous les 20 ans.

Quelle surface forestière pour les besoins d’un fourneau ? Tous les paramètres sont ainsi réunis pour pouvoir avancer une estimation de la surface forestière nécessaire à la production de fonte, et à son affinage, par un haut-fourneau moyen. Ainsi, si 3,03 tonnes de charbon de bois sont nécessaires pour produire et affiner une tonne de fonte, si un stère de bois produit 0,08 ton-


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ne de charbon de bois, si un taillis de 20 ans produit 90 stères de bois carbonisable, le fonctionnement d’un haut-fourneau produisant 528 tonnes de fonte par an nécessite une surface forestière de 222 hectares pour ses besoins annuels en combustible. Si l’on considère que 20 années sont nécessaires pour la régénération du taillis, la surface forestière qui doit être associée aux activités sidérurgiques générées par un fourneau de capacité moyenne est de 4 444 hectares. D’autres auteurs font état d’un impact territorial forestier de la sidérurgie au bois du même ordre de grandeur que notre estimation ; le détail des calculs, et surtout la source des données originales, sont toutefois rarement exposés. Par ailleurs, d’autres documents, presque toujours sans référence, rapportent des estimations plus faibles que la nôtre. C’est le cas de l’encart figurant dans l’article de Delvaux publié en 19982 où une estimation de 1 440 hectares par fourneau est citée. Ce chiffre est calculé sur la base d’une production annuelle de 280 tonnes de fonte par fourneau. La source de cette valeur n’est pas citée mais elle pourrait peut-être correspondre à la production d’un fourneau anglais en 17205. Il s’agit clairement d’une très large sous-estimation de la capacité d’un fourneau wallon en fin du 18e siècle. Aussi, les besoins en charbon de bois sont estimés à 1,8 tonne par tonne de fonte ; une telle estimation n’est manifestement plausible que pour la production de fonte brute (c’est-à-dire les seuls besoins du haut-fourneau) et omet de considérer les besoins en charbon de bois pour l’affinage de la fonte en fer.

Et à l’échelle de la Wallonie ? Considérant l’estimation de septante-trois hautsfourneaux actifs en Wallonie à la fin du 18e siècle, ceci nous conduit mathématiquement au chiffre de 324 412 hectares de taillis forestier nécessaires à la satisfaction des besoins en combustible de la sidérurgie préindustrielle en Wallonie. La fiabilité de cette estimation est évidemment tributaire des imprécisions affectant chaque paramètre nécessaire à son calcul ; ceux-ci ont cependant été établis chaque fois que possible sur la base de données sources originales plutôt que sur des citations référant à d’autres études. Quoi qu’il en soit, même en admettant une marge d’erreur raisonnable, une telle superficie représente une proportion notoire de la forêt wallonne de l’époque. À cet égard, la source la plus fiable dont nous disposons pour estimer la superficie de la forêt wallonne en fin de 18e siècle est la carte de Ferraris géoréférencée depuis peu et dont les superficies forestières ont été vectorisées par Kervyn16. Notons qu’une superficie de l’ordre de 60 000 hectares n’a pas été cartographiée

par Ferraris, comprenant notamment le duché de Bouillon. En attribuant à ces lacunes un taux de boisement identique – selon les chiffres de l’époque – à celui de la région naturelle où elles se situent, la superficie totale de la forêt wallonne vers 1775 serait de 432 000 hectares. Ce serait donc de l’ordre de 75 % de la surface de la forêt wallonne qui auraient été nécessaires à l’activité sidérurgique en fin de 18e siècle. On mesure ainsi à quel point l’activité charbonnière était intense dans nos forêts, et on comprend que les aires de faulde soient omniprésentes dans les reliquats actuels de la forêt de Ferraris, surface estimée à environ 305 000 hectares, soit un peu plus de la moitié de la forêt actuelle. Des données LiDAR (télémétrie LASER) ont été acquises très récemment sur l’ensemble de la Wallonie, permettant de produire un modèle numérique de terrain (MNT) avec une résolution d’un mètre dont une vue en estompage de pente (hillshade) permet de percevoir les dénivellations du microrelief à l’échelle d’une dizaine de centimètres. Les cartes ainsi produites sont disponibles sur le geoportail de Wallonie depuis janvier 2015*. Les résolutions spatiales et verticales des cartes disponibles sont suffisamment fines pour rendre les aires de faulde détectables sous forêt dans de bonnes conditions d’acquisition du signal. De telles images font saisir la portée impressionnante de l’occupation de la forêt par les charbonniers ; plusieurs illustrations en seront données dans l’article suivant12. allonie.be

* geoportail.w

En principe, il est inutile de rechercher des aires de faulde dans de très nombreuses parcelles boisées actuelles, établies postérieurement à l’époque de la sidérurgie au bois. Affirmation à nuancer tout de même, vu que la fabrication de charbon de bois a été reprise, à une échelle modeste, pour alimenter les véhicules à gazogène principalement durant la Deuxième Guerre mondiale. Et il y eut toujours quelques charbonniers pratiquant la technique de la meule pour répondre à des demandes très locales. Ainsi Victor Wauthoz21 raconte comment, à 12 ans, en 1906, il fut envoyé dans les coupes de Corbion, près de Bouillon, pour y effectuer des travaux de vacances avec les charbonniers. L’utilisation de charbon de bois pour la cuisson des briques en meules est très peu documentée, de sorte qu’il est difficile de fixer l’époque à laquelle le recours à la houille, charbon de terre, se généralisa pour ce type de cuisson encore pratiquée actuellement.

En conclusion Notre étude historique démontre à quel point la forêt a été une composante vitale de la sidérurgie préindustrielle en Wallonie, et par voie de conséquence, a


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Quelle surface forestière pour la sidérurgie préindustrielle en Wallonie au 18e siècle ? En 1790, 73 hauts-fourneaux avec une production annuelle moyenne par haut-fourneau de 528 tonnes de fonte (écart-type de 120 tonnes). Rendement de 80 kg de charbon pour 1 stère de bois dur (rendement masse de l’ordre de 20 %). Besoins pour un haut-fourneau : production de 1 tonne de fonte : 1,98 tonne de charbon ou 24,8 stères de bois, affinage de 1 tonne de fonte : 1,05 tonne de charbon ou 13,2 stères de bois.

• •

Total pour 528 tonnes annuelles de fonte : 1 600 tonnes de charbon ou 20 000 stères de bois.

Superficie forestière nécessaire : 324 412 ha

Pour les 73 hauts-fourneaux que compte la Wallonie au 18e siècle : 1 500 000 stères de bois par an. Révolution du taillis : 20 ans (circonférence de 10 à 30 cm). Production à 20 ans : 80-100 stères par hectare ou 6-8 t/ha de charbon. Surface de taillis nécessaire : 222 ha/an pour un haut-fourneau. Tenant compte des 20 ans de régénération du taillis : 4 444 ha par haut-fourneau.

75 % de la forêt à la fin du 18e siècle

Pour les 73 hauts-fourneaux de Wallonie : 324 412 ha, soit 75 % de la surface forestière à la fin du 18e siècle (surface forestière totale : 432 000 ha).

contribué à la position de leadership de nos régions dans l’industrie sidérurgique mondiale, position maintenue et même confortée ensuite lorsque nos ressources houillères ont pris le relai de nos ressources forestières.

régions du Nord-Est de la France, Belhoste1 voit les choses comme ceci : « En quelques années, ce fut la ruine de toute la sidérurgie au bois ; les forêts qui l’alimentaient, privées de leur débouché ancestral, s’en trouvèrent comme abandonnées. »

Si l’on ajoute à ceux de la sidérurgie les besoins en bois d’autres activités industrielles, domestiques et agricoles, on comprend que la forêt wallonne soit devenue quasi exsangue à l’approche des années 1800. Ainsi certains auteurs ont décrit l’état de déliquescence de nos forêts à cette époque et les conflits qui ont marqué la lutte pour cette précieuse ressource naturelle. En 1953, Hoyois15 écrivait : « Il semblait qu’une conjuration générale eût tramé la ruine de la forêt » ; et, en 1988, Dorban3 concluait : « L’agonie, puis la mort de la sidérurgie au bois sauvent la forêt et permettent sans aucun doute d’éviter des conflits sociaux graves. »

Question de point de vue ! Toujours ouverte.

Néanmoins, certains auteurs français ont nuancé une vision aussi négative de cette tranche d’histoire de nos forêts. En fait, la sidérurgie préindustrielle peut aussi être considérée comme un débouché jamais égalé pour nos ressources forestières, et par là même une source très importante de revenus pour les propriétaires de bois, et une source de travail pour les bûcherons et charbonniers (une forge avec hautfourneau occupait quelques centaines de bûcherons et quelques dizaines de charbonniers). À propos des

En tout état de cause, la sidérurgie au bois, comme toute autre utilisation de la forêt, dont les pratiques liées à l’agriculture de l’époque (essartage, écobuage*,

POINTS-CLEFS Ñ La forêt est une composante vitale de la sidérurgie préindustrielle en Wallonie. Ñ 73 hauts-fourneaux sont présents sur notre territoire en 1790. Ñ Environ 75 % de la surface de la forêt wallonne étaient nécessaires à l’activité sidérurgique en fin de 18e siècle. Ñ L’ensemble des besoins en bois (industriels, domestiques et agricoles) ont laissé la forêt wallonne quasi exsangue à l’approche des années 1800. Ñ La sidérurgie préindustrielle peut aussi être considérée comme comme un débouché jamais égalé pour nos ressources forestières.

* Carbonisation de petites meules de matières végétales et de pelades organo-minérales, dont les cendres étaient utilisées comme fertilisant.

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pacage des animaux…), eut une influence déterminante sur la sylviculture, très largement au détriment de la futaie dont la restauration devint une priorité après cette longue période de pression intense sur nos forêts. Par ailleurs, comme le montre la figure 3, de nouvelles demandes de bois virent le jour dans le courant du 19e siècle, notamment pour les mines et les papeteries, ce qui conduisit, après une période d’incitation au défrichement, à l’enrésinement de vastes superficies occupées au 18e siècle par la forêt feuillue et par les « bruyères » ou « incultes » à la marge entre la forêt et l’agriculture14. n

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Bibliographie 16 1

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Les auteurs remercient la Direction générale opérationnelle de l’Agriculture, des Ressources naturelles et de l’Environnement (DGO3) du Service Public de Wallonie pour le soutien apporté à la présente étude. Ils remercient également Pierre Lhoir, Alain Goy et les Bons Cousins de la forêt de Chaux (Jura) pour leur accueil chaleureux et l’initiation à la pratique de « l’art du charbonnier ». Crédits photos. B. Hardy et J. Dufey.

Brieuc Hardy brieuc.hardy@uclouvain.be Joseph Dufey joseph.dufey@uclouvain.be UCL, Earth & Life Institute, Environmental Sciences Croix du Sud 2, L7.05.10 | B-1348 Louvain-la-Neuve


Les aires de faulde en forêt wallonne : repérage, morphologie et distribution spatiale Brieuc Hardy | Joseph Dufey UCL, Earth & Life Institute, Environmental Sciences

Avec, au 18e siècle, les trois quarts de sa superficie forestière consacrée à la production de charbon de bois, la Wallonie représente un formidable terrain d’étude pour caractériser les aires de faulde dans une grande diversité de situations. RÉSUMÉ En 2012 et 2013, les auteurs ont prospectés les forêts anciennes en Wallonie afin d’y repérer les différents types d’aires de faulde en fonction des conditions de terrain. Un peu plus de deux cents aires ont été identifiées, décrites et geolocalisées sur tous les grands types de substrats présents sur notre territoire.

Les mesures montrent que la profondeur moyenne de l’horizon charbonnier (résidus et poussière de charbon de bois mélangé à de la terre calcinée) est de 35 cm. Elle varie selon le type de substrat et vraisemblablement l’intensité d’utilisation de l’aire de faulde. Le diamètre moyen de ces aires est de 10 mètres.

Sur cette base, leur diversité morphologique a été mise en relation avec la topographie et le substrat géopédologique, ce qui reflète la diversité des usages et des adaptations que les charbonniers ont développés pour s’adapter aux différentes situations.

Dans un second temps, et suite à la mise à disposition du modèle numérique de terrain de haute résolution dérivé du LiDAR sur toute la Wallonie, les auteurs ont pu estimer la densité spatiale des aires de faulde, qui varie le plus souvent entre 1 et 3 unités par hectare.


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Dans

l’article qui précède4, nous avons montré à quel point la forêt wallonne fut mise à contribution pour fournir le combustible aux forges et hauts-fourneaux jusqu’à ce que la houille, charbon de terre, prenne le relai du charbon de bois dans la première moitié du 19e siècle. Les aires de faulde, sites de fabrication de charbon de bois, sont en quelque sorte les stigmates de cette période d’intense pression industrielle, ainsi que les témoins d’une vie bien différente de l’actuelle dans nos forêts. Les charbonniers, et très souvent leur famille, vivaient sur place durant la période propice aux activités de charbonnage qui s’étendait approximativement de mars à octobre. Les bûcherons œuvraient quant à eux durant les mois de repos de végétation, de la mi-automne à la fin de l’hiver ; le charbon était ainsi fabriqué à partir de bois coupé en moyenne 6 mois auparavant5.

25’

Histoire

Sol

Télédétection

fiées comme faisant partie de la forêt ancienne sur la carte de Ferraris – un critère nécessaire puisque les aires de faulde étaient intimement liées à l’utilisation des ressources forestières pour la sidérurgie préindustrielle – et de repérer des sites charbonniers potentiels sur la base d’indices morpho-topographiques, parfois de végétation, mais aussi d’intuition… Un rapide sondage du sol confirmait – ou le plus souvent infirmait – la présence d’une aire de faulde. Un horizon superficiel noirâtre traduisait – ou trahissait – de façon quasi indubitable le passé charbonnier de l’endroit, une totale conviction étant acquise par la présence de fragments de charbon de bois. À titre anecdotique, notre « intuition » fut parfois aidée par l’affleurement de terre charbonneuse récemment fouie par un animal : sanglier, taupe… (figure 1). Quelquefois, ce fut un chablis qui nous révéla la présence d’une aire de faulde (figure 2).

Repérage des aires de faulde Le repérage visuel des aires de faulde en forêt ne peut se faire que par « un œil averti ». En dehors des agents forestiers, rares sont en effet les personnes, même très familières du milieu forestier, qui rapportent leur perplexité suite à des observations de modelés de relief particuliers. Même avec l’expérience, le repérage ne s’avère pas pour autant une opération aisée sauf en des sites particuliers qui seront illustrés plus loin. Les aires de faulde peuvent laisser des traces très variables selon l’intensité de l’activité de charbonnage qu’elles ont connues, et notamment le nombre de meules qui ont été carbonisées au même endroit, en principe à chaque révolution du taillis, soit tous les vingt ans environ. Le volume des meules, et donc leur emprise au sol, est aussi une source de variabilité des reliquats actuels. Les opérations sylvicoles qu’ont connues les parcelles forestières depuis quelque 200 ans affectent très clairement le degré de conservation des aires de faulde. Ainsi, nous avons rarement relevé des morphologies visibles d’aires de faulde dans des parcelles enrésinées, pourtant implantées dans la forêt ancienne ; il est vraisemblable que les travaux d’éclaircie, de coupe, de débardage, et de replantation – plus fréquents que sous feuillus – aient gommé les modelés d’anciennes places à charbon. Les aménagements fonciers, notamment le creusement de fossés de drainage, entraîne aussi de sérieuses perturbations du relief préexistant. Lors de notre campagne de terrain, notre ligne directrice a été de couvrir une large diversité d’environnements géopédologiques et topographiques à l’échelle du territoire wallon. Notre méthode de prospection était de ratisser des parcelles préalablement identi-

LiDAR et Modèle Numérique de Terrain (MNT) L’acquisition récente par le Service Public de Wallonie de données altimétriques à haute résolution spatiale sur l’ensemble du territoire wallon grâce à la technologie LiDAR (Light Detection And Ranging) a permis de dériver un Modèle Numérique de Terrain (MNT) d’une précision métrique, suffisante pour détecter le microrelief des aires de faulde par photo-interprétation, après une étape simple de transformation du MNT en carte ombragée du relief (hillshade) faisant apparaître des dénivellations de l’ordre de 10 cm. Ces cartes sont disponibles sur le geoportail de Wallonie du SPW (geoportail.wallonie.be). Notons toutefois que la détection des sites dépend de la qualité du signal, qui a une moindre probabilité d’atteindre le sol sous une végétation très dense (pessière, par exemple), ou qui peut être bruité par une végétation herbacée foisonnante (ronces ou fougères, par exemple). Toutes les photos de cet article sont accompagnées d’une vue de l’aire de faulde correspondante telle qu’elle apparaît sur le MNT ombragé à l’échelle 1:2500. Les côtés du carré ont une longueur de 50 mètres. La légende des figures comporte aussi le sigle de la Cartographie numérique des sols de Wallonie (CNSW) définissant le type de sol local, ainsi que les coordonnées XY Lambert 1972.


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Figure 1. Terre charbonneuse révélant la présence d’une aire de faulde suite au fouissement par un sanglier, à gauche (bois Taille aux Galettes au Sud de Rosée ; sigle de la Carte numérique des sols de Wallonie (CNSW) : Gbap2 ; position : X 172771, Y 100330), et par des taupes, à droite (sur un gagnage forestier, La Rouge Croix, au Nord-Ouest de Laneuville-au-Bois ; taupinières sur et en dehors de l’aire de faulde ; sigle CNSW : Gbbr0_1 ; position : X 228022, Y 87378).

Figure 2. Chablis faisant apparaître l’horizon charbonnier d’une aire de faulde (Bois de la Veuve, à l’Ouest de Spy ; sigle CNSW : Gbbk4 ; position : X 171782, Y 130357).

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Il est utile de signaler que nos prospections se sont déroulées en 2012 et 2013, à une époque où le Modèle Numérique de Terrain (MNT) établi à partir d’une détection aérienne par la technologie LiDAR sur toute la Wallonie n’était pas encore disponible ; les cartes visualisant le MNT n’ont été mises à disposition du public qu’en ce début d’année 2015 (voir encart page 20). Ces nouvelles données permettent de compléter avantageusement nos observations de terrain par des vues aériennes des sites. Un peu plus de deux cents aires de faulde ont ainsi été repérées sur le terrain et ont fait l’objet d’une localisation GPS et d’une caractérisation morphologique élémentaire. Nous avons réussi à identifier des aires de faulde sur tous les grands types de substrats de Wallonie, sachant toutefois que certains contextes étaient manifestement moins favorables que d’autres à l’implantation de meules charbonnières. Il en est ainsi des terrains excessivement caillouteux présentant des affleurements rocheux, des sols très argileux, des fonds de vallées engorgés d’eau et des pentes très accentuées.

Fabrication du charbon de bois par la technique de la meule charbonnière Pour comprendre l’apparence actuelle des aires de faulde, et leur diversité, il est nécessaire de se référer

à la technique de préparation de la place de charbonnage, de l’édification ou « dressage » de la meule de bûches, de sa carbonisation ou « cuisson » et de la récolte du charbon de bois. Ces techniques sont détaillées dans de très nombreux documents avec une bonne convergence des descriptions malgré les époques et les lieux très différents où elles étaient – ou sont encore – pratiquées. Une référence de premier choix est certainement la description exhaustive de Duhamel du Monceau2 qui consacre une soixantaine de pages à « l’Art du Charbonnier » dans « Les Descriptions des Arts et Métiers » tels que pratiqués dans la deuxième moitié du 18e siècle. Une planche illustrative de ces techniques tirée de l’encyclopédie méthodique de Panckoucke6 est présentée en figure 3. Des photos d’une reconstitution récente de meule charbonnière ont été présentées dans l’article précédent4. Avant toute édification de meule charbonnière sur un site vierge, il fallait d’abord préparer une aire circulaire rigoureusement plane dont on avait décapé les horizons surperficiels organiques et organominéraux. Selon un ancien charbonnier, la moindre pente « faisait couler le feu » et provoquait des « incuits »1. Hormis sur terrain strictement horizontal, il était nécessaire de procéder à des travaux de terrassement et de remblai d’autant plus importants que la pente était prononcée. Pour éviter tout risque d’intrusion d’eau sous la meule par ruissellement en cas de fortes précipitations, la place était généralement ceinturée par un fossé circulaire en légère

Figure 3. Représentation schématique de la technique de fabrication de charbon de bois en meule conique (Panckoucke6 ; lithographie originale J. Dufey). À gauche : la préparation de la place à charbon, le dressage et le bougeage (la couverture) de la meule. À droite : la mise à feu et la cuisson du charbon sous surveillance continue. En arrière-plan : les cordes de bois à charbonner. Notons que dans nos régions, les meules présentaient selon toute vraisemblance une forme plus arrondie que le cône.


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dépression. Cela permettait aussi de recueillir les jus pyrolytiques en excès qui ne se seraient pas infiltrés dans le sol sous la meule. Après empilement des bûches, la meule était couverte de matériaux végétaux (feuilles, ramilles, mousses, fougères et autres espèces herbacées…) qui servaient de lit à une couche de terre de couverture d’une dizaine de centimètres d’épaisseur, opération appelée « bougeage ». Après cuisson et refroidissement, le charbon de bois était tiré de la meule affaissée, avec des rateaux ou « arcs ». Restait donc sur la place un mélange de terre et de végétaux calcinés de couverture, et de petits fragments et poussière de charbon de bois, le « fraisil » ou « frasil ». Lors du dressage de meules ultérieures au même endroit, le fraisil était d’abord retiré sur le pourtour de la place à charbon avant d’être repris totalement ou partiellement comme matériau de couverture, avec un éventuel complément de terre nouvellement récoltée aux alentours. C’est ce fraisil qui constitue l’horizon superficiel noirâtre typique des anciennes aires de faulde dans nos forêts.

Diamètre des aires de faulde et épaisseur de l’horizon charbonnier Selon nos observations, la profondeur de l’horizon charbonnier au centre de l’aire de faulde est, en moyenne, de l’ordre de 35 cm, avec une valeur minimale observée de 10 cm et une valeur maximale de 80 cm (figure 4). Cette épaisseur est logiquement à mettre en rapport avec l’intensité de l’activité de charbonnage, c’est-à-dire la fréquence et la durée d’utilisation du même site de carbonisation, mais aussi avec le type de substrat sur lequel la meule était établie. Nous n’avons pas de critère valable pour nous prononcer sur le nombre de meules qui ont été éri-

gées sur une même aire de faulde, si ce n’est que de très faibles épaisseurs d’horizon charbonnier témoignent vraisemblablement d’une activité de charbonnage unique ou du moins très limitée. Le diamètre d’une aire de faulde tel que nous le mesurons aujourd’hui doit être lié à l’emprise de la meule au sol, et donc à son volume, tout en considérant qu’un espace de dégagement était nécessaire autour de la meule pour accumuler le fraisil ancien avant de l’étendre sur la nouvelle meule. La majorité des aires de faulde font une dizaine de mètres de diamètre, avec des valeurs extrêmes de 4 et 16 mètres (figure 4). À titre indicatif, le diamètre d’une meule dressée sur une aire de 10 mètres pourrait être de l’ordre de 78 mètres et son volume serait de 40-70 m3, pour une hauteur de 2 à 3 mètres au centre. La forme de la meule influe le calcul du volume, les modèles théoriques extrêmes étant d’une part, le cône, modèle le plus pointu, et d’autre part, la calotte sphérique, modèle le plus arrondi. Lepoivre5 rapporte une formule empirique de volume de meule (V = π r2 h/2, où r et h sont le rayon de la base circulaire et la hauteur au centre) mais sans en citer la source, intermédiaire entre celle du cône (V = π r2 h/3) et celle de la calotte sphérique (V = π r2 h/2 + π h3/6).

Diversité morphologique des aires de faulde en relation avec la topographie et le substrat géopédologique Les figures 5 et 6 illustrent le modelé d’aires de faulde sur terrain plat en sol peu ou pas caillouteux.

Figure 4. Histogramme des épaisseurs d’horizon charbonnier au centre des aires de faulde répertoriées sous forêt (n = 111, à gauche) et histogramme de leurs diamètres (n = 114, à droite).

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L’ancienne place à charbon se présente sous forme d’un bombement circulaire, souvent ceinturé par une légère dépression de drainage. On note que l’horizon charbonnier, Acharb, repose directement sur un horizon minéral, en continuité avec l’horizon minéral sous-jacent à l’horizon de surface, Ah, à l’extérieur de l’aire de faulde. Il est vraisemblable qu’il s’agisse de la morphologie de l’aire de faulde telle qu’elle subsistait après la dernière opération de carbonisation. Le fraisil était laissé sur place et grossièrement nivelé, après la récupération du charbon de bois. Comme expliqué ci-dessus, les places préparées pour l’édification des meules devaient être rigoureusement horizontales, de sorte que les aires de faulde sur pente, même très légères, occupent des plateformes en surplomb d’autant plus faciles à distinguer que les versants sont abrupts. Nous avons observé des aires de faulde sur des pentes atteignant une trentaine de pourcents (figures 7 et 8). L’horizon charbonnier se prolonge sur le rebord de la terrasse vers la pente, ce qui s’explique naturellement par le dégagement du charbon de bois vers le bas. On observe ainsi souvent un horizon charbonnier particulièrement épais, formant un bourrelet, à la rupture entre la plateforme et la pente.

Il n’est pas rare de trouver des aires de faulde obstruant des thalwegs (figures 9 et 10). La plateforme de charbonnage empiète alors sur les deux versants. Une telle position est de prime abord étonnante vu que cela peut constituer des barrages aux écoulements d’eau lors de fortes précipitations. Il était donc certainement nécessaire de canaliser les ruissellements de part et d’autre de la meule. Les banquettes alluviales ne semblent pas avoir été évitées a priori par les charbonniers pour l’édification des meules, à condition que l’engorgement en eau ne soit pas excessif. Une telle position présente l’avantage de ne pas nécessiter de travaux de terrassement et de remblai vu la topographie naturellement plane. Par contre le risque d’inondation devait y être pris en compte, et il se pourrait donc que les charbonniers n’occupaient ces places qu’à partir de la fin du printemps et en été. Il pourrait en être de même des thalwegs. Ceci donne à penser qu’une campagne de charbonnage requérait une bonne gestion spatiale et saisonnière, les positions de plateau étant sans doute privilégiées pour le dressage des premières meules à la sortie de l’hiver. Sur des topographies très accentuées, nous avons souvent observé des densités d’aires de faulde par-

Figure 5. Schéma d’une aire de faulde sur sol peu ou pas caillouteux de topographie plane (échelle verticale exagérée d’environ 2,5 fois par rapport à l’échelle horizontale).

Figure 6. Aires de faulde sur sol peu ou pas caillouteux de topographie relativement plane. À gauche : aire de faulde sur limon délimitée par des piquets jaunes dans le bois de Grand-Leez (sigle CNSW : Aba(b)0 ; position : X 179602, Y 142710). À droite : aire de faulde sur sable particulièrement proéminente (horizon charbonnier de 70 cm) dans le bois d’Ardenne entre Étalle et Virton (sigle CNSW : Sba ; position : X 234442, Y 35552).


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Figure 7. Schéma d’une aire de faulde sur terrain en pente (échelle verticale exagérée d’environ 2,5 fois par rapport à l’échelle horizontale).

Figure 8. Aires de faulde aménagées sur une terrasse plane en terrain pentu. À gauche : aire de faulde sur sol très caillouteux en forte pente (30-35 %) dans le bois de la Part du Prince entre Bande et Champlon (sigle CNSW : GbFq2U ; position : X 227250, Y 92382). À droite : aire de faulde sur sol sableux en pente (environ 25 %) dans le bois d’Ardenne entre Étalle et Virton (sigle CNSW : Zba ; position : X 234392, Y 35363).

Figure 9. Schéma d’une aire de faulde dans un thalweg resserré (échelle verticale exagérée d’environ 2,5 fois par rapport à l’échelle horizontale).

Figure 10. Aire de faulde dans l’axe d’un thalweg resserré dans le Bois de Virton au lieu-dit Croix Rouge, entre Étalle et Virton (sigle CNSW : ZBa(r) ; position : X 235209, Y 35235).

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Figure 11. Aires de faulde en bas de versant bordant un chemin forestier en contrebas. À gauche : aires de faulde contigües dans le bois de Lauzelle, Louvain-la-Neuve (sigle CNSW : Aba0 ; position : X 166243, Y 151924). À droite : bois Fainage à l’Est de Harre (sigle CNSW : Gbbfi1 ; position : X 244211, Y 116914).

ticulièrement élevées en bas de versant, quelquefois alignées en bordure d’un chemin forestier propice à l’évacuation du charbon de bois (figure 11). Une telle position permettait de descendre le bois coupé sur le versant vers la place de carbonisation. Un modèle de brouette particulier était utilisé à cet effet ; les pieds courbés vers l’arrière faisaient office de patins dont la résistance au glissement sur la pente était réglée par la pression exercée sur les bras de la brouette. Même si l’on observe des aires de faulde dans quasi toutes les positions topographiques, il est clair que la préférence allait autant que possible aux zones basses,

sachant qu’il est plus aisé de descendre du bois vers la place de charbonnage et d’évacuer le charbon de bois même s’il faut remonter une pente que l’opération inverse. Ainsi un stère de bois dur, sec de quelques mois, pèse plus de 400 kg, alors que le charbon de bois qui en est tiré ne pèse qu’environ 80 kg. En volume également, la réduction est de l’ordre d’un facteur trois entre le bois et le charbon de bois. La figure 12 montre un alignement serré d’une bonne douzaine d’aires de faulde dans un thalweg évasé, alors que le versant en comporte très peu. Une autre photo montre un alignement de cinq aires de faulde dans le thalweg d’une terre de culture après défrichement de la forêt ancienne.

Figure 12. À gauche : distribution d’aires de faulde sur une toposéquence ; répartition régulière sur le plateau (cercles bleus) ; peu d’aires de faulde sur le versant (cercles rouges) ; chapelet d’aires de faulde dans le thalweg (cercles jaunes) ; Bois d’Ardenne entre Étalle et Virton (sigles CNSW : Zba et Sbp au centre ; position : X 234364, Y 35387). À droite : alignement de cinq aires de faulde dans le thalweg d’une parcelle cultivée au Sud d’Ermeton-sur-Biert (sigle CNSW : A-Gbp ; position : X 175963, Y 106283).

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Figure 13. Schéma d’une aire de faulde typique sur subtrat très caillouteux (échelle verticale exagérée d’environ 2,5 fois par rapport à l’échelle horizontale).

Figure 14. Aires de faulde en dépression avec anneau périphérique de fraisil sur sol caillouteux. À gauche : bois de Staneu, au Sud-Est de Theux (sigle CNSW : Gbbf2 ; position : X 256723, Y 133862). À droite : lieu-dit la Rouge Croix, au Nord-Ouest de Laneuville-au-Bois avec aires de faulde de plus de 15 mètres de diamètre (sigle CNSW : Gbbr0_1 ; position : X 228097, Y 87247).

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Les sols très caillouteux superficiels se prêtent en principe mal à l’édification de meules charbonnières. Le manque de terre fine pour assurer la couverture de la meule est certainement une contrainte majeure. Également, la présence importante de cailloux dans le sol sous l’aire de charbonnage augmente la conductivité thermique du substrat, alors qu’un matériau plus isolant est sans doute davantage favorable à une bonne carbonisation. Il n’empêche que nous avons relevé des aires de faulde sur des sols réellement très caillouteux et superficiels, y compris sur des pentes accentuées dont on imagine les difficultés de terrassement pour établir des plateformes. Sur ces substrats (figures 13 et 14), les aires de faulde apparaissent généralement comme de légères dépressions circulaires avec un horizon charbonnier très mince, d’une dizaine de centimètres, reposant directement sur le substrat minéral caillouteux. Un bourrelet de fraisil est généralement présent, formant un anneau périphérique ; l’épaisseur de l’horizon charbonnier peut y atteindre quelques dizaines de centimètres.

Ce type d’aire de faulde témoigne d’une gestion très parcimonieuse de la terre fine de couverture, dépourvue de tous cailloux grossiers, qui a pu être récoltée ailleurs que directement sur la place de charbonnage, par exemple dans des zones de coulées limoneuses en provenance de la rupture avec le plateau. Il arrivait même que le fraisil était transporté d’une meule à une autre dans de tels milieux. Le tamisage préalable de la terre de couverture est aussi une hypothèse plausible. L’accumulation du fraisil en anneau périphérique donne à penser que la place était préparée pour accueillir une prochaine meule. Un modelé très particulier, en double anneau, a été observé sur des aires de faulde en un endroit visité au Sud-Est de Bande – ce qui ne signifie pas que ce modelé ne soit pas présent ailleurs – sur un substrat à forte charge quartzo-gréseuse (figures 15 et 16). On observe un bourrelet de fraisil formant un anneau interne à l’anneau périphérique délimitant l’aire de faulde. L’horizon charbonnier central était relati-

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Figure 15. Schéma d’une aire de faulde « en double anneau » sur substrat très caillouteux (échelle verticale exagérée d’environ 2,5 fois par rapport à l’échelle horizontale).

Figure 16. Aire de faulde en double anneau sur sol très caillouteux dans le bois de la Part du Prince entre Bande et Champlon (sigle CNSW : GbFq2U ; position : X 227338, Y 92596).

vement mince, alors que sur l’anneau interne, son épaisseur pouvait atteindre une cinquantaine de centimètres. L’interprétation de cette morphologie n’est pas évidente. Il se pourrait qu’une meule de petite dimension ait été érigée sur une aire préexistante.

Densité spatiale des aires de faulde Nous n’avons pas effectué de prospection systématique de superficie déterminée afin d’évaluer la densité spatiale – le nombre par hectare – des aires de faulde en forêt. Un travail de terrain considérable, avec sondages systématiques, serait nécessaire pour obtenir des résultats statistiquement fondés, et d’en évaluer les vraisemblables variations régionales, voire très locales. Cet exercice est toutefois possible sur les terres de culture occupées par la forêt au moins jusqu’au début du 19e siècle, pour autant que l’on dispose de photos aériennes en période de sol nu. Les densités observées peuvent varier dans une assez large mesure. Ainsi, nous avons relevé des densités à peine supérieures à une aire de faulde par hectare dans l’ancienne ceinture boisée au Sud-Est de Gembloux et jusqu’à près de trois aires par hectare sur certaines parcelles agricoles de Gaume, ce qui correspond à des distances moyennes entre aires de faulde de

l’ordre de 60 à 100 mètres. Des densités plus élevées encore ont été relevées en Thiérache par Dussart et Wilmet3, en incluant des tâches assez estompées alors que nos calculs se réfèrent à des aires de faulde bien marquées sur images aériennes. Il est plausible que la densité des aires de faulde dans les forêts anciennes voisines des terres défrichées soit du même ordre de grandeur que nos observations sous culture. Toutefois, le défrichement ne s’est évidemment pas réalisé aléatoirement au sein de la forêt ancienne ; ce sont les terres les plus propices à l’agriculture qui ont changé d’affectation, ce qui suppose une sélectivité de substrat et de topographie, facteurs susceptibles d’affecter l’implantation des aires de charbonnage. La disponibilité du Modèle Numérique de Terrain (MNT) à l’échelle du mètre sur toute la Wallonie ouvre maintenant de belles perspectives d’étude de la distribution spatiale des aires de faulde en forêt, avec la possibilité de multiplier les facteurs potentiels de variation sur un territoire bien plus vaste et moins sélectif que les terres labourées – les prairies sont évidemment exclues de l’analyse des images aériennes – défrichées au cours du 19e siècle. Un examen exploratoire des cartes dérivées du MNT montre cependant des conditions très variables de repérage des aires de faulde par ce nouvel outil, du moins en l’état actuel du produit ac-


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Figure 17. Illustration de densités variables d’aires de faulde apparaissant sur des cartes MNT ombragées. Superficies de 15 hectares. À gauche : Franche-Forêt au Sud-Ouest de Oignies-en-Thiérache (sigle CNSW : Gbbfi0_1 ; position : X 165550 Y 75450). À droite : Vallon des Bourriques au Nord-Est de Ethe (sigle CNSW : Sbaz ; position : X 239450 Y 33150).

cessible au public. Sur certaines zones que nous avons prospectées, les aires de faulde ressortent mal ou pas du tout sur le MNT alors qu’en d’autres endroits le repérage des aires de faulde est beaucoup plus évident. À titre d’illustration, nous présentons deux images à densités d’aires de faulde contrastées (figure 17), de l’ordre de 1,6 aire/ha pour l’une et 2,9 aires/ha pour l’autre. Ces cartes, bien que sélectionnées pour leur qualité, illustrent cependant aussi l’incertitude inhérente au comptage visuel des aires de faulde par cet outil même dans des conditions idéales. Il serait intéressant de vérifier s’il existe une liaison entre la densité des aires de faulde et leur emprise au sol. En effet, les meules étaient en principe dressées à partir du bois collecté dans son environnement direct. Ainsi pour des densités de 1,6 et de 2,9 aires/ha, il est plausible de supposer que les meules étaient édifiées avec le bois collecté sur des superficies respectives d’environ deux tiers et un tiers d’hectare. Dans l’article précédent4, la production d’un taillis de 20 ans a été estimée à 80-100 stères de bois carbonisable. Les meules correspondant aux densités d’aires de faulde citées ci-dessus contiendraient donc de l’ordre de 60 et 30 stères respectivement. La carte MNT présentée à la figure 14 montre des aires de faulde distantes d’une centaine de mètres, soit une densité de l’ordre d’une aire par hectare. Ces aires de faulde présentent toutes un diamètre supérieur à 15 mètres et résulteraient logiquement du dressage de meules particulièrement volumineuses (des meules de plus d’une centaine de stères étaient fréquentes en cer-

taines contrées), ce qui tend à appuyer la liaison entre densité et dimension des aires de faulde. Il s’agit évidemment d’une hypothèse grossière puisqu’elle suppose une production du taillis identique sur tous les substrats et une occupation de toutes les places à charbon antérieures à chaque campagne de charbonnage dans les mêmes parcelles. À cet égard, il est évident que les anciennes places à charbon étaient prioritairement utilisées pour le dressage de nouvelles meules puisque cela ne requérait plus d’opérations de terrassement et que le bougeage était grandement facilité par l’utilisation du fraisil ancien. Les cartes obtenues par ombrage du MNT confirment aussi nos observations sur images aériennes de parcelles agricoles en ce qui concerne la régularité de la distribution des aires de faulde à l’échelle des parcelles. Même s’il existe quelques situations privilégiées pour l’implantation des aires de charbonnage comme on l’a montré plus haut, la grande majorité des aires de faulde sont dispersées de façon homogène sur les parcelles, ce qui s’accorde très bien avec la pratique de carboniser le bois sur place au plus proche de sa récolte de façon à minimiser le travail de transport du bois, beaucoup plus pénible que le transport du charbon de bois correspondant.

En conclusion Notre étude basée sur l’observation ouvre de nombreuses pistes de recherche sur les pratiques de char-

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POINTS-CLEFS Ñ Les aires de faulde ont en moyenne une épaisseur de 35 cm et un diamètre de 10 mètres. Ñ Leur morphologie est reliée à la topographie et au substrat du lieu où elles sont implantées. Ñ Selon les régions, on compte, de façon forcément imprécise, entre 1 et 3 aires de faulde par hectare. Ñ La Wallonie est un excellent terrain d’étude avec les trois quarts de sa superficie forestière consacrée à la production de charbon de bois au 18e siècle.

bonnage dans nos forêts anciennes. Malgré les nombreuses références disponibles dans la littérature sur les activités des charbonniers, il existe peu de documents strictement focalisés sur notre région, et nos sous-régions. C’est pourtant une tranche marquante de notre histoire forestière tant sur les plans technique et économique que sur le plan social. Le visage de la forêt, sa face humaine, devait être tellement différent de son côté un peu désertique actuel lorsque les charbonniers s’y activaient durant la belle saison, avec femmes et enfants, relayés par les bûcherons dès la chute des feuilles. Le territoire wallon est un véritable laboratoire de terrain à cet égard dans la mesure où il ne doit guère y avoir d’autres exemples où les trois quarts de la forêt locale était dédiée à la production de charbon de bois, et où d’importants défrichements postérieurs ont mis à jour les traces quasi indélébiles de cette histoire sur les labours. Les forêts gardaient très largement le secret de leurs stigmates de cette longue période préindustrielle, jusqu’il y a quelques mois, secret que l’établissement d’un MNT sur toute la Wallonie vient de dévoiler dans une large mesure. n

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Lepoivre M. (1940). Le charbon de bois. La Nature 3064 : 1-35. Panckoucke C.-J. (1783). Encyclopédie méthodique. Planches. Publication : à Paris, chez Panckoucke, libraire, hôtel de Thou, rue des Poitevins ; à Liège, chez Plomteux, imprimeur des États.

Les auteurs remercient la Direction générale opérationnelle de l’Agriculture, des Ressources naturelles et de l’Environnement (DGO3) du Service Public de Wallonie pour le soutien apporté à la présente étude, ainsi que les responsables du Département de la Géomatique du Service Public de Wallonie pour l’ouverture au public de nombreuses données sur le geoportail de Wallonie. Ils remercient aussi J.-Th. Cornélis, D. Houben, A. Lannoye, P. Populaire, G. Rousseau, H. Titeux et plusieurs agents du Département de la Nature et des Forêts (DNF) pour leur contribution au repérage des aires de faulde en forêt.

Crédits photos. Toutes les photos sont de B. Hardy, J. Dufey et G. Rousseau . Les cartes MNT sont la propriété du SPW.

Bibliographie 1

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Brieuc Hardy brieuc.hardy@uclouvain.be Joseph Dufey joseph.dufey@uclouvain.be UCL, Earth & Life Institute, Environmental Sciences Croix du Sud 2, L7.05.10 | B-1348 Louvain-la-Neuve


La typologie des peuplements : un outil pour mieux connaître l’état des chênaies à l’échelle régionale Sylvain Gaudin CRPF de Champagne-Ardenne

En caractérisant la structure et le capital sur pied d’un peuplement, et en croisant ces deux informations, les inventaires typologiques offrent un outil pour décrire l’état des peuplements (ici des chênaies) et leur devenir sylvicole.


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Dans

le cadre d’une étude inter-régionale sur l’avenir des chênes, il a été nécessaire de mieux caractériser la structure des chênaies à l’échelle de la région Champagne-Ardenne. Les principaux résultats de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) ont d’abord été consultés, mais il est rapidement apparu que les données fournies étaient malheureusement souvent inadaptées ou difficilement valorisables (informations manquantes, manque de précision statistique…). Comme le Centre Régional de la Propriété Forestière (CRPF) avait réalisé par le passé un certain nombre d’inventaires typologiques, il a été décidé de valoriser ces données pour tenter d’apporter des éléments de réponse sur l’état des chênaies et sur leur devenir sylvicole potentiel.

La typologie des peuplements utilisée La typologie des peuplements existe depuis quelques dizaines d’années en France4 et plusieurs approches et méthodes ont été développées5. Des essais de mise en œuvre ont également été réalisés en Wallonie13. La typologie utilisée en Champagne-Ardenne est un outil à vaste validité géographique qui a été construit pour les chênaies du Nord de la France7. Elle repose sur l’analyse du capital sur pied, en surface terrière, des feuillus nobles (chêne, hêtre, frêne, feuillus précieux, châtaignier, tilleul, orme…) et sur la structure des peuplements traduite par les proportions des petits bois (PB), bois moyens (BM), gros bois (GB) et très gros bois (TGB) (tableau 1 et figure 1). La composition en essence est le plus souvent décrite par la répartition en surface terrière11, 12. Plusieurs méthodes complémentaires sont disponibles pour décrire le renou-

30’

Chêne

Sylviculture

Inventaire

vellement (semis et perches d’avenir) ainsi que pour quantifier le taillis et les essences non nobles (bouleau, tremble, saules…). Sur chaque point de description typologique, différentes mesures ou estimations sont effectuées. La surface terrière est mesurée à l’aide d’une jauge d’angle (relascope) au facteur 1. Les effectifs de PB, BM, GB et TGB sont estimés depuis le centre de la placette sur un rayon défini en fonction de la densité du peuplement (le plus souvent entre 12 et 20 mètres). Afin de garantir une certaine qualité des estimations, des mesures de contrôle du diamètre sont effectuées régulièrement. Le plus souvent, les points de sondage sont répartis selon une grille régulière (tous les 50 mètres, soit un point au quart d’hectare, ou tous les 71 mètres, c’està-dire deux points à l’hectare, en fonction de l’hétérogénéité des peuplements). Le cheminement entre les points se fait avec un mesureur à fil perdu et une boussole ou, de plus en plus souvent, avec un GPS8. Cet inventaire typologique défini initialement par Aubry et al.2 permet la réalisation de nombreuses cartes thématiques3, 12. Ainsi la valorisation des données se fait le plus souvent à l’échelle de la parcelle, voire plus rarement, à celle de la forêt11.

Les forêts étudiées Plusieurs forêts privées à chêne dominant ayant été inventoriées par le passé en ChampagneArdenne avec la typologie des peuplements présentée ci-dessus, il a été décidé de valoriser ces données pour essayer de mieux caractériser les chênaies de la région. Ces inventaires typologiques sont issus le plus souvent de travaux conduits par le CRPF de

RÉSUMÉ La typologie des peuplements est une méthode de description se fondant sur le capital sur pied (quantifié par la surface terrière) et la structure (répartition en petits bois, bois moyens et gros bois) des peuplements. Cet outil s’utilise d’ordinaire à l’échelle de parcelles ou de forêts. Une analyse globale a été conduite sur vingt et une forêts de Champagne-Ardenne pour mieux connaître l’état des chênaies de cette région. Elle précise la diversité des peuplements et permet d’établir des types synthétiques, combinant structure et capital. Il ressort

de cette étude que les chênaies privées de la région sont globalement dominées par les bois moyens et les gros bois. Les peuplements pour lesquels une récolte rapide est souhaitée sont minoritaires. Le parcours de nombreux peuplements a montré que les petits bois de chêne sont rares ou absents dans la majeure partie des peuplements. Il en est de même pour les perches et les semis. Ainsi, le maintien d’une proportion conséquente de chêne dans les peuplements ne pourra se faire qu’à l’aide d’interventions sylvicoles.


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Surface terrière

Type

< 2 m2/ha

00

2-5 m /ha

0*

2

5-10 m /ha

1*

10-15 m2/ha

2*

15-20 m2/ha

3*

20-25 m /ha

4*

25-30 m /ha

5*

≥ 30 m /ha

6*

2

2 2 2

Tableau 1. Définition des classes de capital sur pied en fonction de la surface terrière des feuillus nobles. L’astérisque signifie que le chiffre codant le capital doit être suivi de celui codant la structure. Le code 00 correspond aux peuplements pour lesquels la surface terrière est particulièrement faible. Dans ce cas, la notion de structure n’a pas de sens (d’où le code 0). Les classes de capital sont également notées C0, C1, C2…

Figure 1. Triangle des structures. Chaque type de peuplement peut être positionné dans ce triangle selon les proportions en nombre de tiges des petits bois (classes de diamètre 20 et 25), des bois moyens (classes 30 à 45) et des gros bois (classe 50 et suivantes). Par exemple, le type 7 correspond à des peuplements dominés par les bois moyens et les gros bois, le type 5 à un peuplement déficitaire en bois moyens et le type 1 à un peuplement où dominent les petits bois. Quand les gros bois représentent plus de 50 % des tiges, la catégorie des très gros bois est utilisée (classe 60 et suivantes). Le type de structure 8 correspond à GB > TGB, le type 9 à GB ≤ TGB. Les types de structure sont notés de S1 à S9. S0 ne correspond pas à une structure, mais à une impossibilité de la définir (capital sur pied très faible, moins de 2 m2/ha, taillis simple ou avec des réserves très éparses).

Champagne-Ardenne, dans le cadre de démarches de tests et de développement11, 12.

taies, voire futaies adultes) ou quelques taillis simples ont également été pris en compte.

La figure 2 situe les forêts inventoriées par rapport aux régions naturelles. Seules ont été retenues des forêts dans lesquelles le chêne est dominant, ou fait au moins partie des essences principales. La plupart des forêts étudiées ont des réserves composées de plusieurs essences. Ce caractère mélangé des chênaies du domaine continental semble caractéristique car il est également signalé dans les forêts publiques14. Les mélanges chêne-résineux, rares dans la région, ont été exclus. La plupart des régions naturelles où le chêne est bien représenté ont été parcourues. Les peuplements inventoriés sont majoritairement issus d’une gestion passée ancienne en taillis sous futaie, même si quelques vraies futaies (perchis, jeunes fu-

En ce qui concerne les stations, il s’agit uniquement de forêts de plaine, de plateau ou plus rarement de versant (aucune forêt alluviale n’a été parcourue) qui poussent sur des sols dont le pH est variable (depuis des sols très riches chimiquement jusqu’à des sols acides). La plupart des sols sont marqués à des degrés divers par l’hydromorphie. Même si le climat est variable sur la zone d’étude, les sites sont caractérisés par des précipitations bien réparties sur l’année et assez conséquentes (de 700 à 950 mm/an). La surface cumulée couverte par les inventaires typologiques analysés est supérieure à 1 250 hectares. 4 250 relevés typologiques ont été compilés sur les

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les peuplements mélangés semble se réduire. Le programme sur l’avenir des chênes conduit en France a notamment pour but de produire un état des lieux des chênaies pour quantifier leur niveau de vieillissement et de capitalisation et préciser leur manque de renouvellement. En ce qui concerne le déficit de renouvellement, la typologie des peuplements n’étant pas adaptée à la description des jeunes peuplements réguliers non précomptables (jeunes plantations, gaulis…), il n’est pas possible d’apporter de conclusions exhaustives. En revanche, cet outil produit une description fine des peuplements précomptables qu’ils soient réguliers ou irréguliers. Ainsi, il apporte des réponses sur la structure et le capital sur pied des peuplements. Capital et structure Les figures 3 et 4 montrent comment se ventilent les types de capital et de structure sur l’ensemble des forêts inventoriées. En ce qui concerne le capital sur pied, il est distribué de manière normale, la classe la plus représentée étant la 2 (surface terrière variant de 10 à 15 m2/ha). Ce type de distribution se retrouve sur la plupart des forêts parcourues, certaines étant globalement plus riches ou plus pauvres.

Figure 2. Localisation des forêts retenues pour l’étude. Les principales essences de la réserve sont les chênes sessile et pédonculé (non différenciés), le hêtre, le frêne, l’aulne, le merisier, l’érable sycomore, le tilleul, le châtaignier et d’autres feuillus précieux. Elles sont souvent présentes en mélange.

Dans le cadre de la gestion forestière, il est usuel en Champagne-Ardenne d’utiliser les seuils de 10 et 20 m2/ha pour délimiter les peuplements pauvres, moyens et riches9. Ainsi, les peuplements pauvres (classes de capital 0 et 1) représentent 37 % des placettes mesurées, les peuplements moyens (classes 2 et 3) 53 % et les peuplements riches (classes 4, 5 et 6) 10 %. Les inventaires typologiques réalisés nous indiquent donc que le capital sur pied des chênaies, même s’il est variable, peut être qualifié de moyen à faible.

Les résultats obtenus

Le classement typologique des placettes de l’Inventaire forestier national mesurées dans les mélanges futaie-taillis du département de la Nièvre a été réalisé en 19967. Il nous permet de réaliser une comparaison. Dans la Nièvre, la distribution des classes de capital est sensiblement normale et la classe de capital la plus représentée est la 3. Ainsi, le niveau moyen de richesse des peuplements dans la Nièvre est sensiblement plus élevé que dans les forêts échantillonnées en Champagne-Ardenne (17 contre 12,5 m2/ha).

Les questions à étudier Le souci de la pérennité des chênaies est présent chez de nombreux gestionnaires forestiers, que ce soit en France ou en Wallonie1. En effet, le renouvellement des chênaies pose question et la place du chêne dans

Un tel écart peut être expliqué par une différence intrinsèque entre les deux zones étudiées. Il peut également provenir des dégâts liés à la tempête de 1999. En effet, les données de la Nièvre résultent de relevés datant de 1996, celles de Champagne-

vingt et une forêts retenues. Les forêts inventoriées ont des superficies variables, allant de 11,5 à 173 hectares. Elles sont à ce titre assez représentatives des forêts privées de la région.


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Figure 3. Fréquence des types de capital sur pied pour les 4 250 placettes décrites. La classe C2 (10-15 m2/ha) est la plus représentée.

Figure 4. Fréquence des types de structure sur les 4 250 placettes décrites. Les types de structure les plus fréquents sont S7 (peuplement régularisé dans les BM et les GB) et S4 (peuplement rugularisé dans les BM).

Ardenne ont pour une majorité d’entre elles été obtenues après 1999. Une telle hypothèse semble se vérifier lors de l’analyse au cas par cas des forêts inventoriées. Les forêts situées dans des secteurs impactés par la tempête ont généralement un capital sur pied faible. La distribution des types de structure est représentée sur la figure 4. Les types les plus fréquents sont le 7 (peuplement régularisé dans les BM et les GB) et le 4 (peuplement régularisé dans les BM). La dominance des types 4 et 7 est retrouvée dans d’autres régions et notamment sur les données issues de la Nièvre7. Ainsi, même s’il existe des peuplements relativement mûrs (type 9, et dans une moindre mesure types 8, 6 et 5) comportant une certaine proportion de gros bois, voire de très gros bois, les forêts parcourues sont plutôt des forêts d’âge moyen en croissance et non des forêts sénescentes arrivées à maturité.

En complément de l’histogramme présenté en figure 4, le parcours des forêts pour la réalisation des inventaires a montré que, très souvent, les petits bois et une partie des bois moyens comptabilisés ne sont pas du chêne, mais d’autres essences (hêtre, frêne, érables, châtaignier, tilleul, aulne…). Les chênes sont surtout fréquents dans les gros bois et très gros bois et dans une moindre mesure, les bois moyens. Cette constatation est d’autant plus marquée que les stations sont riches chimiquement. La même remarque peut être formulée en ce qui concerne les perches et les semis présents dans les peuplements. Les jeunes chênes sont particulièrement rares, sauf sur les stations acides. L’explication se situe sans doute sur le manque de pouvoir compétitif des jeunes chênes par rapport aux autres essences, sur les stations qui ne sont pas très acides et très hydromorphes6. De manière globale, le manque de travaux de dégagement depuis de nombreuses années est une cause principale du manque de jeunes bois de chêne aujourd’hui.

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L’état actuel des peuplements et leur avenir potentiel L’analyse séparée de la structure et du capital fournit une première compréhension de l’état des chênaies. Leur analyse conjointe permet d’approfondir les connaissances et d’imaginer quelques itinéraires sylvicoles qui pourraient être appliqués, en fonction des peuplements présents. Le tableau 2 présente les résultats obtenus sur le capital et la structure à l’issue des inventaires typologiques réalisés sur les vingt et une forêts analysées. Toutes les combinaisons de capital et de structure ne sont pas équiprobables. Une analyse factorielle des correspondances suivie d’une classification ascendante hiérarchique a permis de mettre en évidence les combinaisons plus cohérentes, notées A, B et C. Elles sont présentes dans presque les deux tiers (65,3 %) des peuplements inventoriés. Trois autres combinaisons, notées D, E et F, ont ensuite été définies pour compléter les trois noyaux durs révélés par l’analyse. Les six peuplements types correspondant sont représentés schématiquement en figure 5. La combinaison A, peu fréquente (4 % des relevés), regroupe de jeunes peuplements souvent pauvres, où dominent les petits bois et les arbres non précomptables. La plupart du temps, les opérations sylvicoles conduites seront des balivages, des éclaircies, voire un renouvellement anticipé quand le peuplement n’est constitué que d’un taillis sans arbres valorisables. Les peuplements de type B, assez présents dans les forêts décrites (16 % des relevés), sont le plus souvent constitués de quelques grosses réserves éparses. Ils correspondent à une fin de cycle sylvicole. Ils devront à court ou moyen terme être renouvelés, soit de manière globale par régénération naturelle progressive

ou par coupe rase suivie de plantation, soit de manière ponctuelle (régénération naturelle localisée, plantation d’enrichissement). Les peuplements de type C sont fréquents (45 % des relevés) et sont assez variables dans leur structure et leur capital sur pied. Il s’agit de peuplements assez riches à riches dans lesquels ni les petits bois, ni les gros bois ne dominent. Ce sont des peuplements qui sont à la croisée des chemins : plusieurs sylvicultures y sont applicables (vieillissement pour une conversion en futaie régulière ou conversion vers une futaie irrégulière, lorsque la qualité potentielle des petits bois est suffisante). Les peuplements de type D sont caractérisés par un capital sur pied faible et par une certaine présence des bois moyens. Ils sont assez fréquents (17 % des relevés). Quelle que soit la gestion future (traitement régulier ou irrégulier), elle doit passer par une augmentation du capital sur pied (récolte inférieure à l’accroissement). Les peuplements de type E sont rares (2 % des relevés). La sylviculture pratiquée passera par des éclaircies, les petits bois, voire les bois moyens y étant dominants. Les peuplements de type F sont caractérisés par une abondance de gros bois et une certaine richesse. Ils sont assez fréquents (15 % des relevés). Certains sont mûrs pour une récolte, mais beaucoup d’autres méritent encore de pousser, étant donné la plus-value qui peut être réalisée sur les très gros bois de chêne de qualité. Il est possible de les convertir en futaie irrégulière, même si cela est assez difficile, en raison du déficit marqué de petits bois et de bois moyens de qualité, notamment de chêne.

Tableau 2. Répartition des 4 250 placettes échantillonnées en fonction des types de structure et de capital. Il y a par exemple 442 relevés pour lesquels il y a à la fois une structure de type 7 et un capital de type 2.


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Figure 5. Représentation schématique des types de peuplements mis en évidence en combinant structure et capital. Les arbres au houppier vert foncé correspondent aux essences nobles, ceux au houppier vert clair au taillis et aux autres essences. La fréquence d’apparition dans nos inventaires est figurée à coté de chaque schéma. Types de peuplement : • A : jeunes peuplements où dominent les petits bois et les arbres non précomptables. • B : souvent constitués de quelques grosses réserves éparses. • C : assez variables dans leur structure et leur capital sur pied. Peuplements assez riches à riches dans lesquels ni les petits bois, ni les gros bois ne dominent. • D : capital sur pied faible et présence des bois moyens. • E : les petits bois, voire les bois moyens y sont dominants. • F : abondance de gros bois.

Pour conclure, l’analyse des données typologiques présentée ci-dessus produit un certain nombre de renseignements permettant de mieux connaître l’état des chênaies de la région. La connaissance des pratiques sylvicoles régionales permet également de présager des sylvicultures qui seront mises en œuvre sur chaque type synthétique.

Les limites de l’étude La représentativité des données récoltées Pour que des données soient représentatives, il est nécessaire qu’elles proviennent d’un échantillonnage au hasard. Au niveau de chaque forêt, les relevés dendrométriques ont été réalisés selon une grille

systématique. Leur caractère aléatoire est donc vérifié. En revanche, le choix des forêts s’est fait en fonction des propriétaires et des gestionnaires qui étaient volontaires pour une démarche typologique. Cela a permis de couvrir une grande diversité de régions naturelles, de peuplements et de modes de gestion, mais sans être exhaustif et sans être aussi rigoureux que lors d’un échantillonnage stratifié. Par exemple, deux régions naturelles riches en chêne en Champagne-Ardenne (l’Argonne et l’Ardenne primaire) ne sont pas représentées dans nos données. Il est donc nécessaire de garder une certaine prudence sur la représentativité des résultats obtenus, même si le grand nombre de forêts et le très grand nombre de relevés, ainsi que le caractère représentatif des forêts parcourues conduisent à

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Les inventaires typologiques indiquent que les chênaies champardennaises sont en pleine croissance. Toutefois, le manque de chêne dans les stades de régénération montre une diminution progressive de cette essence au profit d’autres espèces. Le maintien d’une proportion conséquente de chêne ne pourra se faire qu’avec des actions sylvicoles volontaires et répétées, quel que soit le traitement sylvicole.

considérer que les ordres de grandeur obtenus sont satisfaisants. La plupart des inventaires typologiques utilisés datent de 10 à 15 ans. Ils donnent donc une image un peu ancienne des peuplements. Depuis, les arbres ont poussé et des coupes ont été réalisées. L’état des chênaies est sans doute aujourd’hui différent, même si leur parcours régulier par les personnels du CRPF n’indique pas de changement notable : il n’y a pas eu de vagues importantes de coupes et peu ou pas de renouvellement des peuplements. Les données utilisées résultent de mesures ou d’estimations de terrain. Leur précision influe donc fortement sur la qualité des résultats obtenus10. Des tests de qualité de la mesure de la surface terrière réalisés sur le terrain (1 442 mesures relascopiques réalisées en chênaie par deux cents opérateurs, sur douze placettes, en toute saison) montrent notamment que dans 63 % des cas, les erreurs de mesure se situent dans l’intervalle (-2 m2/ha à 2 m2/ha). Ainsi, il existe des imprécisions liées aux mesures qui ne sont pas

négligeables, mais pas non plus rédhibitoires. Par ailleurs, la diversité des opérateurs, le grand nombre de mesures et la compensation d’une partie des erreurs incitent à accorder un certain crédit aux résultats obtenus. Les informations manquantes Pour estimer le renouvellement des chênaies, il est nécessaire de suivre certains indicateurs. Il peut s’agir : • des surfaces régénérées naturellement ou plantées (en système régulier) ; • du passage à la futaie ou de la part des peuplements possédant suffisamment de semis et de perches (en futaie irrégulière). La typologie ne fournit pas ce genre d’informations ou seulement certaines, mais pas de manière assez précise pour qu’elles soient utilisables. En ce qui concerne les surfaces renouvelées, même si aucune étude spécifique n’a été conduite, il semble à l’échelle des chênaies de la région Champagne-Ardenne qu’il existe un déficit (surface de jeunes peuplements ré-


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guliers inférieure à la surface d’équilibre). Pour les peuplements pouvant être gérés en futaie irrégulière, les jeunes arbres (semis, perches) sont plus ou moins présents, mais il s’agit très rarement de chêne.

POINTS-CLEFS Ñ Les inventaires typologiques apportent des réponses sur la structure et le capital sur pied des peuplements, qu’ils soient réguliers ou irréguliers. Ñ Ils présentent par contre un déficit dans la description des jeunes stades non précomptables (jeunes plantations, gaulis…). Ñ Les informations recueillies et croisées apportent toutefois des éléments d’analyse sur l’état des chênaies et leur potentiel sylvicole.

Une information également manquante est le croisement des informations de structure et de composition (par exemple, en mesurant la répartition en PB, BM et GB essence par essence). Cela permettrait de quantifier de manière claire le manque de petits bois de chêne dans les peuplements mélangés. Si ce manque est clairement perçu sur le terrain, il ne peut pas être pour l’instant étayé. Une amélioration des outils typologiques pourrait être conduite dans ce sens. Pour conclure, la question initiale était de mieux connaître les chênaies de la zone d’étude. Les inventaires typologiques nous indiquent que les peuplements vieillissants nécessitant une récolte rapide et un renouvellement sont minoritaires. Les chênaies champardennaises sont plutôt en pleine croissance. Cependant, le manque de chêne dans les semis, perches et petits bois nous montre que la proportion de cette essence diminue progressivement, au profit des autres espèces présentes dans les peuplements. Le maintien d’une proportion conséquente de chêne ne pourra se faire qu’avec des actions sylvicoles volontaires et répétées, quel que soit le traitement sylvicole.

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L’outil typologique apporte des informations synthétiques intéressantes sur les peuplements et complète d’autres sources de données, avec lesquelles il semble en cohérence. Cette approche serait intéressante à tester dans d’autres régions, dans lesquelles les inventaires typologiques sont nombreux. n

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Bibliographie 1

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Crédits photos. Sylvain Gaudin.

Sylvain Gaudin sylvain.gaudin@crpf.fr CRPF de Champagne-Ardenne Maison régionale de la forêt et du bois Route de Suippes | F-51000 Châlons-en-Champagne

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ForEstimator : un nouvel outil cartographique pour mieux connaître la forêt wallonne Laurent Dedry | Olivier De Thier | Jérôme Perin Adrien Michez | Stéphanie Bonnet | Philippe Lejeune ULg, Gembloux Agro-Bio Tech

Le développement conjoint des SIG et de la technologie LiDAR offre aux gestionnaires des perspectives nouvelles dans le domaine de la caractérisation des ressources forestières. Exemple avec ForEstimator, un nouveau plugin pour QGIS.

RÉSUMÉ Suite à l’acquisition par le Service public de Wallonie d’une couverture LiDAR de l’ensemble du territoire régional, et à l’établissement d’un modèle numérique de hauteur basé sur cette dernière, Gembloux Agro-BioTech (GxABt) a mis au point un plugin QGIS, baptisé « ForEstimator », permettant aux gestionnaires et propriétaires forestiers de calculer facilement la hauteur dominante de leurs peuplements d’épicéas et de douglas équiennes. De plus, pour corriger l’ancienneté des données LiDAR, le plugin est couplé à un modèle de prédiction de la croissance de la hauteur dominante. Cette

originalité permet d’actualiser l’estimation à une date postérieure à l’acquisition des données LiDAR. Parallèlement, l’équipe de GxABT a pu déterminer l’arbre le plus haut de Wallonie. Il s’agit d’un douglas de 61 mètres de haut au sein d’un peuplement mélangé de douglas et tsuga, planté en 1900, situé à Bouillon. ForEstimator permet aux gestionnaires forestiers de produire facilement des cartes de hauteur dominante, de productivité des peuplements, etc.


Télédétection

Dendrométrie

Application

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tion dendrométrique à l’échelle d’une région7, voire d’une entité d’aménagement4, plus rarement d’une parcelle. Les récents progrès réalisés en matière de télédétection, déjà évoqués dans cette revue1, 2, 3, permettent désormais de combiner ces deux approches : réaliser l’estimation de paramètres dendrométriques et présenter ceux-ci sous forme de couches cartographiques continues sur une zone donnée (un massif forestier par exemple). Depuis plusieurs années, le LiDAR est largement étudié pour sa capacité à caractériser la ressource forestière et plus spécifiquement à mesurer la hauteur des arbres ou des peuplements. Le succès de cette technologie s’explique en grande partie par sa capacité à fournir une vision tridimensionnelle du couvert forestier contrairement aux autres techniques de télédétection. Les données brutes se présentent sous la forme d’un nuage de points définis par leurs coordonnés (x, y, z). Chaque point correspond à un impact d’une impulsion laser avec un élément de la zone survolée (arbre, bâtiment, sol, etc.). À partir de ces données, il est possible d’établir des couches cartographiques synthétiques. Les plus communes sont le modèle numérique de terrain (MNT) et le modèle numérique de surface (MNS). La simple soustraction de ces deux couches permet de dériver un modèle numérique de hauteur (MNH = MNS - MNT). En forêt, ce MNH donne une idée assez précise de la hauteur des arbres (encart 1). Ces trois couches sont produites sous format raster (grille formée de pixels) avec une résolution (taille des pixels) d’autant plus fine que la densité de points (et donc d’information) est importante.

La

connaissance précise et actualisée des ressources forestières constitue un préalable indispensable à la mise en place d’une gestion durable et adaptée. La caractérisation de ces ressources peut s’envisager à différentes échelles depuis la parcelle jusqu’à un pays entier. Elle peut prendre la forme d’une cartographie plus ou moins détaillée ou d’un inventaire. Jusqu’à présent ces deux approches étaient mises en œuvre de manière indépendante, la cartographie concernant principalement la création de parcellaires de gestion, alors que les inventaires, réalisés le plus souvent par voie d’échantillonnage, concernent la caractérisa-

Depuis peu, le Service public de Wallonie (SPW) dispose d’une couverture LiDAR complète du territoire régional acquise avec une densité de points au sol de l’ordre de 1 point par mètre carré. Ces données ont permis de produire un MNT et un MNS avec une résolution de 1 mètre. Ces couches cartographiques sont disponibles sur le portail cartographique du SPW (geoportail.wallonie.be). L’équipe de Gembloux Agro-Bio Tech, œuvrant au sein de l’Accord-cadre de recherches et vulgarisation forestières, s’intéresse à la mise au point de modèles permettant d’estimer les principaux paramètres dendrométriques de peuplements à l’aide de ce type de données du Département de la Nature et des Forêts. Une attention particulière est portée à l’intégration de ces modèles dans des outils accessibles et simples à utiliser afin d’assurer un transfert de connaissances entre la recherche et l’opérationnel.

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1. Les données LiDAR aérien En 2011, une première campagne d’acquisition de données LiDAR en Wallonie a été réalisée sur une zone pilote de 200 km2 sur le bassin versant de la Houille, à l’initiative de la DGO3. Ce jeu de données présente une densité élevée : de l’ordre de 13 points/m2 au sol. En 2013 et 2014, une seconde campagne d’acquisition LiDAR a été menée pour le Département de la Géomatique du SPW sur l’ensemble du territoire régional. Les modalités d’acquisition ont été établies de façon à obtenir une densité d’environ 1 point/m2 au sol. Ce jeu de données, beaucoup moins dense en information, présente néanmoins l’énorme avantage de couvrir l’ensemble du territoire wallon. À partir du nuage de points LiDAR brut, il est possible de générer un modèle numérique de terrain (MNT) qui reprend tous les points caractérisant les impacts au sol et un modèle numérique de surface (MNS) qui décrit l’al-

LiDAR haute densité (13 points/m2)

Récemment, nos travaux se sont focalisés sur l’estimation de la hauteur dominante dans le cas de plantations constituées d’épicéa commun ou de douglas. Ces deux essences représentent en effet un tiers de la surface forestière productive de la Wallonie et assurent près de 60 % du volume de la production ligneuse de notre région7. Dans de tels peuplements, la hauteur dominante est une variable intéressante à plus d’un titre : combinée avec l’âge de plantation, elle fournit une très bonne indication de la productivité. Elle peut également intervenir dans l’estimation du volume de bois sur pied.

titude du sommet des éléments présents à la surface du sol (par exemple, les arbres en milieu forestier). Un modèle numérique de hauteur (MNH) peut quant à lui être calculé en soustrayant le MNT du MNS. La résolution (taille des pixels) à laquelle peuvent être produites ces couches cartographiques dépend de la densité du nuage de points (le nombre de points par mètre carré). Dans le cas du vol LiDAR à basse densité couvrant toute la Wallonie, la résolution retenue est de 1 mètre. La figure ci-dessous présente une coupe verticale dans les nuages des points LiDAR « haute densité » et « basse densité ». Cette coupe est réalisée dans un même peuplement d’épicéa situé près de Gedinne. Cette figure illustre la capacité du LiDAR « basse densité » à fournir une information relativement équivalente à celle obtenue avec du LiDAR « haute densité » pour ce qui concerne la détermination de la hauteur de peuplements résineux réguliers.

LiDAR basse densité (1 point/m2)

équiennes d’épicéa et de douglas. Ce modèle fournit des estimations de hauteur dominante avec une marge d’erreur d’environ 1 mètre. Ce niveau de précision est du même ordre de grandeur que celui obtenu lors de l’estimation de la hauteur dominante sur le terrain à l’aide d’un vertex. Une présentation détaillée de la construction et de l’évaluation de la qualité de ce modèle prédictif fait l’objet d’un article scientifique en cours de publication.

Estimation de la hauteur dominante avec le LiDAR aérien

En résumé, le MNH a été utilisé pour détecter des maxima locaux qui sont des pixels situés à une hauteur supérieure à celle de leurs voisins. En forêt, ces maxima sont censés correspondre à la position du sommet des arbres. L’estimation de hauteur dominante est basée sur la hauteur moyenne des cent plus hauts maxima locaux à l’hectare.

Sur base du MNH disponible sur l’entièreté de la Wallonie, un modèle d’estimation de la hauteur dominante a été développé pour les peuplements

Pour rendre le modèle facilement utilisable par les forestiers de terrain, celui-ci a été intégré dans un module directement utilisable dans le logiciel de


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cartographie open source* QGIS. Ce module, baptisé ForEstimator, fonctionne sur la base d’un fichier cartographique (au format shapefile) censé contenir les limites des parcelles dont on souhaite estimer la hauteur dominante. Un simple clic de souris et une connexion internet suffisent pour réaliser cette estimation et stocker le résultat dans la table d’attributs de la couche cartographique (encart 2). Les estimations de hauteur dominante ainsi produites se rapportent aux années 2013 ou 2014 (années d’acquisition des données LiDAR) en fonction de la localisation de la * Les logiciels open source sont gratuits et leur code source est accessible et modifiable par n’importe quel utilisateur, ce qui permet d’y ajouter de nouveaux modules.

parcelle. L’originalité de ForEstimator réside dans le fait que le modèle d’estimation de hauteur dominante a été combiné avec un modèle de prédiction de la croissance de cette hauteur dominante6. Ce dernier peut être utilisé dès que l’on connait l’essence contenue dans le peuplement et sa date de plantation pour actualiser l’estimation de la hauteur dominante à une date postérieure à l’acquisition des données LiDAR. ForEstimator est donc capable de fournir des informations actualisées et correctes, tant que la parcelle n’a pas été exploitée par coupe rase. La définition de l’essence plantée et de l’âge du peuplement permet également de fournir une indication du niveau de productivité de la parcelle sous la forme d’un Site Index (hauteur dominante atteinte à 50 ans).

2. ForEstimator : comment ça marche ? ForEstimator se présente sous la forme d’une extension du logiciel de cartographie QGIS. Il est téléchargeable gratuitement à l’adresse : orbi.ulg.ac.be/handle/2268/181427. Son interface comporte une liste déroulante servant à identifier la couche cartographique (fichier shapefile) contenant les polygones qui décrivent les limites des peuplements à analyser (le shapefile doit être préalablement affiché dans un projet QGIS). Une rubrique optionnelle permet de définir une distance tampon (buffer) qui peut être utilisée pour éliminer, lors de l’estimation de la hauteur dominante, la partie périphérique des polygones représentant les peuplements. Cette option est particulièrement utile lorsque la précision géométrique des polygones laisse à désirer et que des effets de bord sont susceptibles d’altérer la qualité de l’estimation. Deux autres listes déroulantes optionnelles permettent d’identifier au sein de la table d’attributs de la couche de polygones, les champs correspondant à la date de plantation et à l’essence plantée. Ces deux informations sont utilisées par ForEstimator pour actualiser l’estimation de la hauteur dominante au moment de l’exécution de la requête et calculer un Site Index (hauteur dominante atteinte à 50 ans). Lors de l’exécution du calcul (clic sur le bouton OK), ForEstimator envoie, pour chaque polygone, les données relatives à sa géométrie ainsi que les éventuelles informations complémentaires (distance du buffer,

date de plantation, essence) à un serveur informatique. Au niveau de ce dernier, une requête est exécutée dans une base de données qui contient les informations sur l’ensemble des maxima locaux détectés sur le MNH couvrant la Wallonie. Cette requête extrait le nombre de maxima locaux correspondant à la surface du polygone exprimée en are. La hauteur dominante est déduite de la moyenne des hauteurs des maxima locaux et est renvoyée par le serveur vers l’ordinateur de l’utilisateur. Le plugin ForEstimator recopie alors la donnée dans la table d’attributs du shapefile. Si les informations sur l’essence et la date de plantation ont été fournies au serveur, ce dernier renvoie également l’estimation de la hauteur dominante actualisée à la date du jour de la requête, ainsi qu’une estimation du Site Index. Un intervalle de confiance autour de la hauteur dominante, ainsi qu’un coefficient de variation et un indice de qualité de l’estimation sont également calculés par ForEstimator et stockés dans la table d’attributs. Le coefficient de variation renseigne sur l’homogénéité des hauteurs au sein de la parcelle. Il permet d’identifier des parcelles de structure irrégulière où la pertinence de la hauteur dominante comme indicateur de productivité peut être remise en cause. De la même manière, l’indicateur de qualité sert à détecter des peuplements où le nombre de maxima locaux est inférieur à cent par hectare et pour lesquels la notion de hauteur dominante est également à considérer avec prudence.

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Un exemple d’utilisation de ForEstimator Pour illustrer les possibilités offertes par ForEstimator, celui-ci a été utilisé pour caractériser les îlots résineux de la forêt communale de Gedinne (cantonnement de Beauraing). Cette propriété comprend environ 1 166 hectares de plantations d’épicéa, 320 hectares de plantations de douglas et 566 hectares de plantations mélangées de ces deux essences. Ces 2 052 hectares sont répartis en 904 îlots distincts. Les limites de ces derniers ont été extraites du parcellaire produit par le DNF et converties au format shapefile. La date de plantation, ainsi que l’identification des essences plantées sont également issues du parcellaire et renseignées dans la table d’attributs du shapefile. L’estimation des hauteurs dominantes pour les 904 îlots a été réalisée avec le plugin ForEstimator en un peu moins de 2 minutes. Dans le cas présent, l’option « buffer » (encart 2) a été appliquée et fixée à 3 mètres, afin d’atténuer les erreurs liées aux éventuelles imprécisions dans la délimitation des îlots. À titre d’exemple, la figure 1 reprend la distribution des hauteurs dominantes estimées en fonction de l’âge des pessières situées dans la forêt communale de Gedinne (puces vertes). Les courbes correspondent aux cinq classes de productivité définies pour cette essence en Wallonie6. Les données considérées comme potentiellement douteuses en raison d’un trop faible nombre d’arbres dominants détectés (indice

Qual < 1) ou d’une hétérogénéité élevée des hauteurs observées dans le peuplement (coefficient de variation > 15 %) sont représentées par des puces rouges. Ce genre de graphique donne une vue synthétique du niveau de développement et du potentiel de production des peuplements résineux de ce massif forestier.

Un arbre de 61 mètres à Bouillon Les maximas locaux (détectés sur le MNH et censés correspondre au sommet des arbres) présentant une hauteur supérieure à 50 mètres ont été plus particulièrement étudiés. Cela a permis de mettre en évidence des peuplements de hauteur remarquable, des éoliennes, des bâtiments relativement élevés, etc. Si l’on s’intéresse plus particulièrement aux éléments arborés, la palme de l’arbre le plus haut de Wallonie revient à un douglas faisant partie d’un peuplement situé à Bouillon, au lieu-dit la Ramonette. Cet arbre, plus que centenaire (planté en 1900), atteint une hauteur totale de 61 mètres pour une circonférence de 345 cm et un volume bois fort tige de 17,1 m3 (encart 3).

Conclusions Les premiers résultats obtenus dans cette recherche à l’aide de la couche LiDAR acquise sur l’ensemble du territoire régional confirment l’intérêt de ce type

Figure 1. Distribution des hauteurs dominantes estimées en fonction de l’âge depuis la plantation pour les pessières de la forêt communale de Gedinne (puces vertes). Les parcelles caractérisées par un indice de qualité inférieur à 1 ou un coefficient de variation supérieur à 15 % sont représentées par des puces rouges. Les courbes représentent les centres des cinq classes de productivités définies pour l’épicéa en Wallonie6, correspondant à des hauteurs dominantes respectivement de 33 (classe 0), 30 (classe 1), 27 (classe 2), 24 (classe 3) et 21 mètres (classe 4) à 50 ans.


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3. Le plus grand arbre de Wallonie L’arbre identifié comme le plus haut de Wallonie est un douglas aux mensurations impressionnantes : 61 mètres de hauteur totale, 345 cm de circonférence à 1,5 mètre du niveau du sol et un volume bois fort tige de 17,1 m3. La hauteur de 61 mètres provient d’une mesure de terrain réalisée avec un dendromètre de type Vertex IV. La hauteur du maximum local dérivé des données LiDAR pour ce même arbre est de 60,9 mètres. Cet arbre est situé dans un peuplement mélangé de douglas et de tsuga planté en 1900. Une placette de 20 ares, centrée sur l’arbre dominant, a été inventoriée pour estimer les paramètres dendrométriques du peuplement. Cette placette affiche une densité de 121 tiges par hectare (2/3 douglas, 1/3 tsuga), une surface terrière de 77,5 m2/ha et un volume bois fort tige de 1 432 m3/ha. Les tsugas et les douglas y sont caractérisés par des circonférences à hauteur de poitrine atteignant respectivement 300 et 400 cm ! Le volume individuel de ces arbres a été estimé à l’aide du logiciel G-Cube5. Les estimations de volume qui en découlent sont néanmoins à considérer de manière indicative car les dimensions exceptionnelles de ces arbres dépassent la gamme de validité des équations de cubage.

Caractéristiques du peuplement Pente

Valeur 50 %

Hauteur dominante

52,4 mètres

Densité

121 tiges/ha

Surface terrière Volume Volume moyen

77,5 m2/ha 1432,2 m3/ha 11,8 m3

de données pour la caractérisation des ressources forestières. La mise au point de ForEstimator constitue un bel exemple de démarche visant à simplifier l’accès à des bases de données volumineuses (cet outil s’appuie sur une base de données de plus de 60 Go) et des modèles statistiques complexes. L’implémentation de ForEstimator dans un environnement open source (QGIS) confirme également une évolution marquante dans le domaine de la cartogra-

phie informatisée : les outils open source apparaissent désormais comme une alternative plausible, alors qu’ils étaient considérés jusqu’il y a peu comme peu fiables ou non professionnels. La dimension cartographique des résultats fournis par ForEstimator ainsi que l’interactivité et l’accessibilité de ce dernier marquent sans doute un tournant dans la manière d’aborder la caractérisation des ressources forestières pour le gestionnaire de terrain : la dendrométrie n’est plus réservée uniquement aux spécialistes de la question.

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Bibliographie POINTS-CLEFS Ñ Un MNH est à présent disponible à l’échelle de la Wallonie et permet d’identifer les points hauts du territoire. Ñ Sur cette base, GxABT a développé un plugin QGIS permettant de calculer la hauteur dominante des peuplements équiennes d’épicéas et de douglas. Ñ Sur cette base également, l’arbre le plus haut de Wallonie est un douglas de 61 mètres situé à Bouillon.

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Bonnet S., Toromanoff F., Fourneau F., Lejeune P. (2011). Principes de base de la télédétection et ses potentialités comme outil de caractérisation de la ressource forestière. I. Images aérienne et satellitaire. Forêt Wallonne 114 : 45-56. Bonnet S., Toromanoff F., Bauwens S., Michez A., Dedry L., Lejeune P. (2013). Principes de base de la télédétection et ses potentialités comme outil de caractérisation de la ressource forestière. II. LiDAR aérien. Foret Wallonne 124 : 28-41. Bonnet S., Dedry L., Bauwens S., De Jaegere T., Lejeune P. (2014). Quantifier la ressource forestière grâce au LiDAR, quelques applications concrètes. Forêt Wallonne 129 : 42-43. De Thier O., Lisein J., Lejeune P. (2014). IFA : un logiciel simple pour la réalisation et le traitement d’inventaires forestiers d’aménagement. Forêt Wallonne 129 : 44-45. Handerek D., Quevauvillers S., Hébert J., Rondeux J., Lejeune P. (2013). G-CUBE2.0 - Un logiciel de cubage et de constitution de lots de bois. Forêt Wallonne 124 : 20-27. Perin J., De Thier O., Claessens H., Lejeune P., Hébert J. (2014). Nouvelles courbes de productivité harmonisées pour le douglas, l’épicéa et les mélèzes en Wallonie. Forêt Wallonne 129 : 26-41. Rondeux J., Hébert J., Bourland N., Puissant T., Burnay F., Lecomte H. (2005). Production ligneuse de la forêt wallonne, l’apport de l’inventaire permanent régional. Forêt Wallonne 79 : 3-18.

Sur base des résultats fournis par ForEstimator, il est possible pour l’utilisateur de produire facilement des cartes de hauteur dominante, de productivité des peuplements, etc. Il faut cependant garder à l’esprit qu’il est nécessaire de disposer d’une cartographie de base de qualité (délimitation des peuplements, informations sur le type de peuplement, la date de plantation, etc.) pour utiliser au mieux ces nouveaux outils.

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Les travaux concernant la valorisation se poursuivent et concernent actuellement la construction de modèles prédictifs pour d’autres variables dendrométriques : la prédiction « à distance » de la surface terrière ou de volume sur pied intéressent aussi fortement les gestionnaires forestiers (au sens large). La caractérisation de la structure des peuplements feuillus est également un axe d’investigation potentiellement intéressant. L’équipe de GxABT ne manquera pas de revenir dans cette revue pour vous faire part de l’évolution de ses travaux.

Ce travail a été financé par l’Accord-cadre de recherches et vulgarisation forestières (SPW, DGO3). Les auteurs remercient Hugues Lecomte, Matthieu Alderweireld et Mickhail Pitchugin de l’Inventaire permanent des ressources forestières de Wallonie qui ont fourni les données nécessaires à l’élaboration des modèles de hauteur dominante. Merci également aux cantonnements de Beauraing et de Bouillon pour leur collaboration à la réalisation de cette étude.

On ne peut que se féliciter des efforts initiés par le SPW pour l’acquisition de la couche LiDAR aérien qui constitue un jeu de données cartographiques à très haut potentiel d’application et donc à très haute valeur ajoutée. L’utilisation des couches MNT et MNS a démontré tout son intérêt dans le cas de l’estimation de la hauteur dominante pour les plantations résineuses. L’exploitation des données brutes (le nuage de points « x, y, z ») permettrait d’aller beaucoup plus loin dans la caractérisation du couvert forestier (par exemple, pour l’estimation de la surface terrière) et donc dans le développement d’autres outils utiles aux gestionnaires forestiers. n

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Crédits photos. Forêt Wallonne asbl (p. 40) et Gembloux Agro-Bio Tech (p. 45).

Laurent Dedry Olivier De Thier Jérôme Perin Adrien Michez Stéphanie Bonnet Philippe Lejeune p.lejeune@ulg.ac.be Gestion des ressources forestières, GxABT, ULg. Passage des déportés 2 | B-5030 Gembloux


La carte bioclimatique de Wallonie : un nouveau découpage écologique du territoire pour le choix des essences forestières Actualisation et spatialisation des données climatiques et réalisation de la carte bioclimatique dans le cadre de la révision du Fichier écologique des essences et du Guide de boisement

Raphaèle Van der Perre* | Stephen Bythell* | Patrick Bogaert* Hugues Claessens | François Ridremont | Christian Tricot Caroline Vincke* | Quentin Ponette* * UCL, Earth & Life Institute, Environmental Sciences ULg, Gembloux Agro-Bio Tech, Gestion des Ressources Forestières IRM, Service scientifique « Renseignements météorologiques et climatologiques »

La révision du Fichier écologique des essences intègre un nouveau découpage du territoire wallon en dix zones bioclimatiques. Basées sur des données climatiques actualisées et sur les dernières connaissances en autécologie des essences, elles sont la porte d’entrée du Fichier écologique, outil indispensable aux gestionnaires forestiers.


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Le

climat conditionne à la fois la distribution des espèces végétales et leur comportement en termes de croissance et de reproduction11. Les végétaux répondent non seulement aux valeurs annuelles des paramètres climatiques tels que la température moyenne ou les précipitations totales, mais ils sont également largement affectés par la variation temporelle de ces différents paramètres4. Ils sont aussi sensibles à des écarts, excès ou déficits, aux conditions moyennes caractéristiques de la zone de croissance, en particulier si ceux-ci surviennent à certains stades de leur développement ou à des moments clés de leur cycle annuel12. Enfin, les patrons de variation du climat et leurs effets sur les végétaux sont modulés, au sein d’une région donnée, par des facteurs stationnels locaux tels que la topographie et la nature des sols. Dans le cadre de la révision du Fichier écologique des essences24 et du Guide de boisement25, la caractérisation du climat régional, ou macroclimat, a été mise à jour en tirant parti de données climatiques de températures et de précipitations collectées dans un grand nombre de stations météorologiques de l’Institut royal météorologique (IRM) sur une période de 20 ans (1986-2005). Dans une première étape, ces données ont permis de spatialiser une série d’indicateurs climatiques pertinents pour les arbres forestiers sur une maille de 500 x 500 mètres. Dans une seconde étape, elles ont permis de découper le territoire wallon en dix zones bioclimatiques, définies sur la base des caractéristiques climatiques et des sensibilités des essences forestières à celles-ci. Ce nouveau découpage territorial constituera désormais la porte d’entrée du Guide de boisement, à la place des actuels territoires écologiques.

35’

Écologie

Sylviculture

Station

Mise à jour et spatialisation des données climatiques À quelques exceptions près, les données climatiques utilisées proviennent de la base de données bdclim de l’IRM : cent quinze stations wallonnes pour la pluviométrie mensuelle ; quatre-vingt-une stations wallonnes, une station bruxelloise et trois stations limitrophes (Luxembourg, Maestricht et Aix-la-Chapelle) pour les températures journalières minimum et maximum ; douze stations wallonnes pour le rayonnement solaire journalier (figure 1). La température moyenne journalière a été calculée à partir des températures minimum et maximum. Les données utilisées couvrent une période de 20 ans, de janvier 1986 à décembre 2005 inclus. Cette période, postérieure au réchauffement relativement abrupt qu’a connu la Belgique vers le milieu des années ‘80, permet de prendre en compte les modifications du climat. Les données acquises après 2005 n’ont pas été utilisées car certaines n’étaient pas encore entièrement validées. La spatialisation des données a été réalisée sur une maille de 500 mètres de côté recouvrant la Wallonie. En chacun des 67 000 points, les variables climatiques ont été interpolées à partir des stations météorologiques disponibles. Les données de température journalière ont été spatialisées en trois étapes, selon une méthodologie validée8, 9, 18 : 1. Estimation des moyennes mensuelles des températures journalières (minimum, moyenne et maximum) pour chaque année à l’aide d’un modèle de

RÉSUMÉ Dans le cadre de la révision du Fichier écologique des essences et du Guide de boisement, les deux principaux outils à disposition du gestionnaire pour la bonne adéquation essence-station, un nouveau découpage du territoire a été réalisé sur base de données climatiques actualisées et à la lumière des nouvelles connaissances en autécologie des essences. Dans un premier temps, les données de températures, de précipitations et de rayonnement solaire, de 1986 à 2005, ont été rassemblées et spatialisées sur une maille de 500 x 500 mètres.

Le croisement de ces données avec les sensibilités écologiques des essences a permis d’aboutir à un nouveau découpage du territoire en dix zones bioclimatiques. Ces dix zones remplacent les territoires écologiques comme porte d’entrée du Guide de boisement. Elles permettent également de proposer des cartes de zones à risques pour les différentes essences en fonction de paramètres climatiques spécifiques et selon les quatre niveaux d’aptitude définis pour le nouveau Fichier écologique des essences (optimum, tolérance, tolérance élargie et exclusion).


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Figure 1. Localisation des stations météorologiques wallonnes (IRM) et limitrophes concernées dans ce projet, sur fond des régions naturelles de Wallonie.

Figure 2. Relation entre la température moyenne annuelle et les précipitations annuelles totales des vingt-sept territoires écologiques selon les données du Fichier écologique des essences forestières de 1991 (à gauche) et les données actualisées (à droite).

régression linéaire simple impliquant l’altitude pour définir la tendance des données. 2. Krigeage des anomalies quotidiennes (différences entre la température du jour et la moyenne mensuelle estimée par régression). 3. En chaque point de la maille, estimation de la valeur de température en additionnant les valeurs issues respectivement de la régression et du krigeage. Une fois la modélisation réalisée, un travail de validation a été effectué. La modélisation des précipitations a été réalisée selon la même méthode que pour les températures, mais les données à interpoler étaient des données mensuelles. Compte-tenu du nombre très limité de stations enregistrant le rayonnement solaire, les données jour-

nalières de ce paramètre ont été interpolées selon la méthode simple « inverse distance weighting »3, afin de disposer de valeurs spatialisées pour le calcul de l’évapotranspiration potentielle (ETP) grâce à la formule de Turc22. La comparaison des caractéristiques climatiques moyennes des territoires écologiques après actualisation avec les valeurs reprises dans le Fichier écologique de 199124 montre l’intérêt du travail effectué. La figure 2 indique en effet clairement que le nuage de points reflétant la relation entre la température moyenne annuelle et les précipitations annuelles totales s’est déplacé à la hausse. Par exemple, pour le territoire écologique de la Haute Ardenne, la température est passée de 6,8 à 7,6 °C et les précipitations de 1 180 à 1 211 mm. Ces changements traduisent des différences méthodologiques16, 23 ainsi que l’évolution

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du climat sur la période de temps considérée. En effet, les normales thermométriques journalières (maximales et minimales) et les normales pluviométriques mensuelles utilisées pour caractériser les territoires dans le Fichier écologique de 1991, ont été établies sur base de données climatiques précédant 197920, 5.

Spatialisation des indicateurs climatiques et identification des zones à risques climatiques À partir des valeurs de températures journalières (minimum, moyenne et maximum) et de précipitations mensuelles disponibles pour chaque année durant la période considérée (1986-2005), il est possible de dériver des indicateurs climatiques. Ces indicateurs s’appuient sur des variables ou des combinaisons de variables plus ou moins complexes. Spatialisés, ils permettent de caractériser la variabilité spatiale du climat d’une région donnée et d’identifier des zones à risques climatiques pour les essences d’intérêt. Parmi les indicateurs calculés citons l’indice de Lang (rapport entre la pluviométrie annuelle et la température moyenne annuelle) ou encore la température minimale du mois le plus chaud de l’année.

La figure 3 montre, à titre d’exemple, la carte obtenue en spatialisant les températures moyennes du mois le plus chaud de l’année, sur la base des vingt années de mesures. Pour la définition de zones à risques climatiques, le principe consiste à identifier les indicateurs pertinents pour l’espèce en question, et à obtenir pour ceux-ci des valeurs de référence qui caractérisent la tolérance ou, au contraire, la sensibilité climatique. Même si l’interprétation de certains indicateurs est rendue complexe par les interactions avec d’autres facteurs, climatiques ou non, ou par l’influence de facteurs sous-jacents, ces indicateurs sont extrêmement précieux pour définir des risques potentiels encourus par une espèce dans une zone donnée. Les valeurs seuils peuvent être obtenues à l’aide de différents types de modèles (modèles de niche15, par exemple) ou parfois, plus simplement, en s’appuyant sur des observations empiriques. La démarche mise en œuvre est illustrée à la figure 4 dans le cas du hêtre. D’après la littérature7, 21, le développement approprié de cette essence implique une température moyenne journalière supérieure à 10 °C durant un nombre de jours par an compris entre 120 et 180. Sur cette base, la carte présentée à la figure 4 représente les zones de Wallonie où le climat constitue

Figure 3. Carte des températures moyennes du mois le plus chaud de l’année, moyennées sur 20 ans (en degré centigrade), sur fond des régions naturelles de Wallonie.

Figure 4. Carte du nombre annuel de jours durant lesquels la température moyenne journalière est supérieure à 10 °C, sur fond des régions naturelles de Wallonie. Le développement optimal du hêtre nécessite un nombre de jours compris entre 120 et 180.


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une contrainte potentielle pour le hêtre (zones rouge et orange).

est alors progressivement filtrée sur la base d’autres critères, plutôt que de procéder essence par essence.

Certains risques, comme ceux associés aux gelées tardives, n’ont pas pu être pris en compte en raison de leur caractère souvent local et de la distribution spatiale des stations météorologiques qui n’autorisait pas leur évaluation ; dans ce contexte, il reste indispensable d’affiner l’analyse climatique en prenant en compte l’impact de la topographie au niveau local.

Dans ce contexte, un découpage purement climatique du territoire a d’abord été réalisé sur base d’indicateurs climatiques spatialisés. Ce découpage a ensuite été affiné en identifiant les zones de sensibilité climatiques pour une série d’essences clé. Enfin, dans un but opérationnel, les zones « brutes » ainsi obtenues ont été toilettées pour éviter l’inclusion de microzones et faciliter la définition des limites sur le terrain. Cette troisième phase a bénéficié largement de l’expertise des membres du groupe de travail mobilisé dans le cadre de la révision du Guide de boisement.

La suite de l’article indique comment la spatialisation de ces indicateurs climatiques a permis d’obtenir une nouvelle zonation écologique de la Wallonie.

Une nouvelle zonation écologique du territoire wallon Suite aux travaux de Delvaux et Galoux6, complétés par ceux d’Onclincx et al.16, vingt-sept territoires écologiques ont été individualisés à l’échelle de la Wallonie, majoritairement sur la base du climat et de la géomorphologie. Dans le Guide de boisement paru en 199425, chaque territoire écologique est associé à une liste d’essences feuillues et résineuses potentiellement compatibles avec celui-ci dans le cadre d’un objectif de production de bois. Lors de la révision de l’outil, initiée en 2009, cette approche a été adaptée pour plusieurs raisons. Comme indiqué ci-dessus, la délimitation des territoires écologiques reposait sur un ensemble de critères, dont l’importance relative variait d’une zone à l’autre ; dans certains cas, elle incluait aussi des critères topoédaphiques relevant de l’échelle stationnelle pris en compte dans une phase ultérieure du diagnostic de l’aptitude. A contrario, l’impact majeur du climat et de ses changements attendus impliquait de définir la zonation sur des bases climatiques clairement établies et mises à jour. Par ailleurs, la multiplicité des territoires rendait l’utilisation de l’outil complexe et aboutissait à des listes d’essences largement redondantes entre certains territoires. Enfin, en relation avec l’évolution des concepts sylvicoles, la compatibilité d’une essence intègre désormais quatre niveaux d’aptitudes (optimum, tolérance, tolérance élargie et exclusion2), au lieu des trois considérés antérieurement. Même si la spatialisation des facteurs bioclimatiques rend possible la constitution de cartes de risques climatiques pour chaque espèce, comme décrit ci-dessus pour le hêtre (figure 4), le principe d’un découpage a priori du territoire a été maintenu. En effet, dans un guide de boisement, l’approche consiste à identifier une liste d’espèces potentiellement compatibles qui

Dans une première phase (figure 5), cinquante-neuf variables climatiques pertinentes pour l’écologie des essences ont été identifiées et leurs valeurs spatialisées à l’échelle de la Wallonie. La liste des indicateurs est la suivante (le chiffre entre parenthèses précise le nombre de variables obtenues) : • la longueur de la saison de végétation (1). Le début de la saison de végétation est déterminé par le franchissement d’un seuil de degré-jour. Dans le cas présent, ce seuil est fixé à 180 °C-jour, la température de base étant de 5 °C et la somme se faisant à partir du 1er janvier. La fin de la saison de végétation est calculée sur base d’une droite de régression entre la température du mois d’octobre et la date de sénescence pour le hêtre et le chêne13 (paramètres de l’équation aimablement communiqués par les auteurs). Les valeurs de cet indicateur dépendent donc uniquement de la localisation géographique, indépendamment de l’espèce ; • la température moyenne en période de végétation (1) ; • les températures mensuelles moyennes, minimales et maximales (36, soit trois températures multipliées par 12 mois) ; • la fréquence des gelées tardives et précoces (4). Les gelées tardives sont définies comme étant les gelées ayant lieu entre la date de début de la saison de végétation et la moitié de la durée de la saison de végétation. Les gelées hâtives (ou précoces) ont lieu entre le milieu de la période de végétation et la fin de la saison de végétation. La caractérisation du risque de gelée est faite par deux indicateurs : la probabilité d’avoir une gelée une année, et le nombre total de gelées sur la période de mesures disponible (20 ans). Comme indiqué précédemment, la portée écologique de ces indicateurs est limitée par le nombre et la localisation des stations météorologiques disponibles ; • les précipitations annuelles, mensuelles et en période de végétation (14). Dans ce cas précis, la période de végétation est définie comme s’étendant

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Figure 5. Schéma de la démarche mise en œuvre pour délimiter les zones climatiques.

d’avril à septembre inclus, les précipitations n’étant disponibles qu’au pas de temps mensuel ; • l’évapotranspiration potentielle (ETP) cumulée de mai à août (1). L’ETP a été calculée à partir du rayonnement et des températures à l’aide de la formule de Turc22. En effet, sur base des données disponibles, cette formule est celle qui évalue le mieux l’ETP durant la saison de végétation. La formule de référence habituelle17 nécessite des variables climatiques non disponibles dans le cas présent ; • un indice de xéricité (indice de Lang) (1). Il s’agit du rapport entre la pluviométrie annuelle et la température moyenne annuelle ; • le bilan hydrique climatique estival (1). Il s’agit de la différence entre les précipitations et l’évapotranspiration potentielle calculée sur la période d’avril à septembre compris. Une valeur négative indique un déficit hydrique durant la période de végétation. Les cinquante-neuf variables ont été classées en isolant les variables indépendantes par une analyse en composantes principales (ACP) puis par une procédu-

re de regroupement sur ces variables. L’ACP est une analyse statistique multivariée qui permet de synthétiser l’information contenue dans un tableau croisant des individus (par exemple : chaque maille) et des variables quantitatives (par exemple : des données climatiques). Elle permet ensuite par une procédure de regroupement de trouver des ensembles d’individus homogènes et donc de mettre en évidence une typologie d’individus. Après un premier lissage des pixels isolés, il en est ressorti quatre régions climatiques bien définies (figure 6) avec, du nord au sud : 1. Une région à climat atlantique, correspondant étroitement à la région sablo-limoneuse. 2. Une région de transition comprenant la Famenne, le Condroz et une partie de la Lorraine. 3. Une région « Ardenne chaude » comprenant la basse Ardenne, une partie de la moyenne Ardenne et de la Lorraine. 4. Une région « Ardenne froide » comprenant la haute Ardenne et une partie de la moyenne Ardenne.


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Figure 6. Carte climatique synthétique issue d’une ACP et d’un regroupement sur les cinquante-neuf indicateurs climatiques, sur fond des régions naturelles de Wallonie.

Si cette procédure aboutit effectivement à quatre zones homogènes sur le plan climatique, elle ne permet pas de prendre en compte les différences de sensibilités entre espèces. Ces différences peuvent impliquer soit des seuils ou des gammes de valeurs d’un même indicateur, soit des variables ou combinaisons de variables différentes. C’est la raison pour laquelle les zones susceptibles de présenter un risque climatique ont été cartographiées pour chacune des vingt-neuf essences reprises au tableau 1. Selon les essences, les sensibilités climatiques ont été définies à partir de modèles issus de la littérature, comme pour le hêtre par exemple (figure 4), ou en s’appuyant sur les informations issues du Fichier écologique24, comme pour le merisier (figure 7). Dans ce dernier cas, l’analyse conjointe de la carte d’aptitude et des risques repris dans les rubriques « Facteurs climatiques » et « Facteurs climatiques et géomorphologiques », respectivement, a permis de déduire les contraintes climatiques impliquées ; une fois cellesci identifiées, les zones concernées ont été cartographiées à partir de la base de données climatiques mise à jour.

Tableau 1. Liste des essences prises en compte pour la délimitation des zones à risques climatiques. Sapin pectiné | Abies alba Miller Sapin de Vancouver | Abies grandis (D.Don) Lindl. Sapin noble | Abies procera Rehder Érable sycomore | Acer pseudoplatanus L. Aulne glutineux | Alnus glutinosa (L.) Gaerthn. Bouleau verruqueux | Betula pendula Roth Bouleau pubescent | Betula pubescens Ehrh. Charme commun | Carpinus betulus L. Hêtre commun | Fagus sylvatica L. Frêne commun | Fraxinus excelsior L. Mélèze d’Europe | Larix decidua Miller Mélèze du Japon | Larix kaempferi (Lambert) Carr. Épicéa commun | Picea abies (L.) Karst. Épicéa de Sitka | Picea sitchensis (Bong.) Carr. Pin de Koekelare | Pinus nigra Arnold subsp laricio cv. Koekelare Pin laricio | Pinus nigra Arnold subsp laricio Maire Pin noir d’Autriche | Pinus nigra Arnold subsp nigra

Les zones bioclimatiques retenues in fine (figure 8) ont été délimitées en considérant simultanément quatre types de cartes : cartes des variables bioclimatiques individuelles, carte climatique synthétique, cartes des zones à risques par essence, et carte actualisée des territoires écologiques19. Cette phase de synthèse a pu être finalisée en mobilisant l’expertise des membres du groupe de travail associé à la révision de l’outil. Au total, dix zones (figure 8) ont été définies dans lesquelles les aptitudes climatiques de chacune des essences principales sont globalement homogènes. Pour un ensemble de zones, les limites obtenues se sont avérées étroitement liées à l’altitude. Dans ce

Pin sylvestre | Pinus sylvestris L. Peuplier tremble | Populus tremula L. Merisier | Prunus avium L. Douglas | Pseudotsuga menziesii var. Menziesii (Mirb.) Franco Chêne sessile | Quercus petraea (Mattuschka) Lieblein Chêne pédonculé | Quercus robur L. Chêne rouge d’Amérique | Quercus rubra L. Robinier faux-acacia | Robinia pseudoacacia L. Thuya géant | Thuja plicata D.Don Tilleul à petites feuilles | Tilia cordata Mill. Tilleul à grandes feuilles | Tilia platyphyllos Scop. Tsuga hétérophylle | Tsuga heterophylla (Rafin.) Sarg.


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Figure 7. Zone à risques climatiques (en rouge) pour le développement du merisier dans l’ancien Fichier écologique des essences (carte de gauche) et le nouveau (carte de droite), établie en considérant un seuil de température moyenne annuelle de 8 °C. En vert : zones où la température moyenne annuelle est supérieure ou égale à 8°C ; en rouge : zones où la température moyenne annuelle est inférieure à 8°C.

cas, les limites issues de la spatialisation des zones à risques ont été simplifiées en définissant des valeurs seuils d’altitude. La limite entre la zone Plaines et Vallées Scaldisiennes et la zone Hesbino-Brabançon est fixée à une altitude de 130 mètres. La limite entre la zone Haute Ardenne et la zone Ardenne centroorientale est fixée à 500 mètres d’altitude. La limite entre la zone Ardenne centro-orientale et la zone Basse et Moyenne Ardenne, située au sud de Libin, se trouve à une altitude de 470 mètres et la limite nord-ouest à 400 mètres d’altitude. La limite nord entre la zone Basse Lorraine et la zone Haute Lorraine se situe à 300 mètres à l’ouest de Battincourt et à 340 mètres à

l’est de ce lieu. Pour les autres zones, les limites obtenues étaient proches de celles des anciens territoires écologiques. Elles ont donc été conservées après une nécessaire actualisation de leur tracé pour les rendre compatibles avec le niveau de précision de la nouvelle carte bioclimatique19. Le risque lié aux gelées n’ayant pas pu être pris en compte de manière satisfaisante, la zone Fagne, Famenne et Calestienne, connue des praticiens pour ce risque, a été définie en conservant les limites des territoires écologiques correspondants. Enfin, la zone Thiérache a été conservée dans ses limites antérieures en raison de son climat spécifique à la fois chaud et humide (figure 9), en continuité de part

Figure 8. Carte bioclimatique issue de la zonation du territoire sur base des facteurs climatiques et de la sensibilité des essences.


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Figure 9. Relation entre la température moyenne annuelle et les précipitations annuelles totales pour les dix zones bioclimatiques.

et d’autre de la frontière, malgré une altitude comparable à celles de zones adjacentes. Les principales caractéristiques climatiques de chaque zone sont reprises au tableau 2. La projection de ces dix zones sur les axes d’une ACP reprenant les variables du tableau 2 (figure 10) permet de les comparer plus facilement. On observe, par exemple, que les zones Haute et Basse Lorraine se démarquent des autres par une température maximale absolue supérieure. Plus simplement, la figure 9 montre la position des dix zones par rapport aux gradients de température moyenne annuelle et de précipitation annuelle totale observés en Wallonie. Cette discrimination du territoire peut être comparée à la carte climatique synthétique (figure 6). La région à climat atlantique correspond spatialement aux zones Plaines et Vallées Scaldisiennes et Hesbino-Brabançon. La région de transition correspond spatialement aux zones Sambre-et-Meuse et Condroz, Fagne, Famenne et Calestienne et Basse Lorraine. La région « Ardenne chaude » correspond spatialement aux zones Thiérache, Basse et moyenne Ardenne et Haute Lorraine. Enfin, la région « Ardenne froide » correspond spatialement aux zones Ardenne centro-orientale et Haute Ardenne. À ce stade de développement de l’outil, les vallées autrefois identifiées comme territoires écologiques à part entière, seront simplement matérialisées sur la

nouvelle carte et prises en compte pour affiner l’aptitude stationnelle si nécessaire. À terme, une cartographie automatisée de la topographie pourrait être mise en œuvre pour faciliter le diagnostic stationnel.

Conclusion La nouvelle carte bioclimatique permet désormais au gestionnaire d’identifier une liste d’espèces potentiellement adaptées à la station sur la base de leur compatibilité au macroclimat de la zone considérée. Comme dans toute carte de ce type, les limites entre zones doivent être considérées comme une zone « tampon » dont la taille est laissée à l’appréciation du gestionnaire en fonction de son expertise et des différences éventuelles de risque climatique de part et d’autre de celle-ci. La compatibilité climatique de chaque espèce dans chacune des dix zones identifiées est exprimée selon quatre niveaux, dans les fiches essence correspondantes : 1. Optimum. L’essence est en optimum au niveau climatique. Elle peut être utilisée comme essence principale ou en accompagnement. 2. Tolérance. L’essence est plus ou moins en station mais certains facteurs climatiques sont limitants. La production de grumes de qualité est possible en présence de facteurs de compensation. 3. Tolérance élargie. Certains facteurs climatiques sont limitants et il n’existe pas de facteur de compensation. L’essence ne peut être maintenue que si

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Longueur Précipitations de la saison annuelles de végétation (mm) (jours)

Température Indice de Lang Température maximale moyenne (xéricité) absolue annuelle (mm.°C-1) (°C) (°C)

Température minimale absolue (°C)

Plaines et Vallées Scaldisiennes

187

2

859

32

10,4

0,2

83,5

3,5

36,2

0,4

-14,5

0,9

HesbinoBrabançon

182

2

864

32

10,0

0,1

87,6

3,6

35,7

0,3

-16,5

0,8

Sambre-et-Meuse et Condroz

177

5

937

56

9,6

0,3

98,9

8,6

35,8

0,4

-17,8

0,9

Fagne, Famenne et Calestienne

174

3

976

50

9,5

0,2

104,5

6,6

36,2

0,3

-18,3

0,5

Thiérache

170

2

1145

27

9,2

0,1

126,1

4,5

35,9

0,1

-18,5

0,2

Basse et moyenne Ardenne

1163

4

1170

118

8,7

0,3

136,8

17

35,8

0,4

-18,9

0,5

Ardenne centro-orientale

56

2

1136

70

8,1

0,2

141,8

9,2

35,3

0,3

-19,8

0,5

Haute Ardenne

151

2

1219

79

7,7

0,2

161,4

13,1

34,9

0,3

-20,6

0,4

Haute Lorraine

163

1

1179

53

8,9

0,1

135,1

6,5

36,9

0,3

-17,4

0,2

Basse Lorraine

168

2

1119

44

9,3

0,2

122,8

5,3

37,5

0,3

-17

0,3

Tableau 2. Moyenne et écart-type à la moyenne (en italique) des principaux indicateurs climatiques pour les dix zones bioclimatiques.

Figure 10. ACP réalisée en considérant les principaux indicateurs climatiques, et projection sur les axes des dix zones retenues in fine. L’axe 1 explique 84,2 % de la variabilité totale et l’axe 2, 12,7 %.


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Précipitations Température Bilan hydrique durant moyenne duclimatique la saison rant la saison estival* de végétation de végétation (mm) (mm) (°C) 411

12

15

0,1

-76

12,7

419

11

14,9

0,1

-65,8

11,1

450

25

14,7

0,2

-33,2

25,5

457

16

14,6

0,1

-25,2

18,0

505

9

14,4

0

31,8

10,2

509

26

14,2

0,2

37,3

29,4

502

27

13,9

0,1

37,3

25,5

537

35

13,5

0,2

78,6

34,6

483

19

14,5

0,1

10,6

22,8

467

17

14,8

0,1

-13,7

19,0

POINTS-CLEFS Ñ Le climat régional a été caractérisé sur base de données de températures et de précipitations collectées par l’IRM entre 1986 et 2005 (20 ans). Ñ Une série d’indicateurs climatiques liés aux arbres forestiers ont été spatialisés sur une maille de 500 x 500 mètres. Ñ Le croisement de ces caractéristiques climatiques avec les sensibilités de 29 essences, aboutit à un nouveau découpage territorial en 10 zones bioclimatiques. Ñ Ce nouveau découpage remplace les territoires écologiques comme porte d’entrée du nouveau Fichier écologique des essences.

* Une valeur négative indique un déficit hydrique durant la saison de végétation

elle est indigène et a un impact positif sur l’environnement. Elle sera utilisée pour ses rôles d’accompagnement et pour son impact positif sur les écosystèmes (fane, biodiversité, etc.). 4. Exclusion. Soit les contraintes climatiques sont telles que l’essence ne survit pas à long terme dans la station. Soit, pour les essences qui n’ont pas d’impact positif sur l’environnement, certains facteurs climatiques sont limitants et il n’existe pas de facteur de compensation.

L’approche mise en œuvre pour la spatialisation du climat permettra une mise à jour régulière des fiches essence en fonction de l’avancement des connaissances en autécologie. n

Bibliographie 1

Pour les zones dans lesquelles l’espèce n’est pas en optimum d’un point de vue climatique, un tableau situé dans la fiche essence précise les facteurs de risque et indique, le cas échéant, les compensations possibles.

2

Pour résumer, le macroclimat constitue le premier filtre pour la sélection des espèces. La procédure se poursuit en prenant en compte les niveaux hydrique et trophique de la station, de même que son microclimat. La dernière étape considère les caractéristiques écologiques et sylvicoles des essences, en retenant parmi ces dernières celles qui permettent de répondre au mieux aux objectifs de gestion ou d’aménagement.

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5

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Nous remercions vivement les membres du groupe de travail formé pour la révision du Fichier écologique des essences forestières24 et du Guide de boisement25, dont l’expertise fut primordiale pour la finalisation de la carte bioclimatique. Ces recherches ont été financées par l’Accord-cadre de recherches et vulgarisation forestières (Département de la Nature et des Forêts (DGO3SPW), Département de l’Étude du Milieu naturel et agricole (DGO3-SPW), ELIe-UCL, GxABT-ULg, Forêt Wallonne asbl).

Crédits photos. M. Dellicour (p. 47).

Raphaèle Van der Perre* Stephen Bythell* Patrick Bogaert* Hugues Claessens François Ridremont Christian Tricot Caroline Vincke* Quentin Ponette* Quentin.Ponette@uclouvain.be * UCL, Earth & Life Institute, Environmental Sciences Croix du Sud 2, L7.05.09 | B-1348 Louvain-la-Neuve ULg, Gembloux Agro-Bio Tech, Gestion des Ressources Forestières Passage des Déportés 2 | B-5030 Gembloux IRM, Service scientifique « Renseignements météorologiques et climatologiques » Avenue Circulaire 3 | B-1180 Bruxelles


LIFE Elia : analyse coûts-bénéfices d’une gestion au profit de la biodiversité sous les lignes à haute-tension Simon de Voghel | Sébastien Pirot | Christophe Bauffe LIFE Elia

Depuis 4 ans, le LIFE Elia a mis en place des gestions alternatives des dessous de lignes à haute tension situés en forêt. Un premier bilan montre l’intérêt économique des actions qui viennent s’ajouter aux bénéfices environnementaux.


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15’

Souvent

considérées comme la colonne vertébrale du transport d’électricité, les lignes à haute tension jouent un rôle capital pour l’économie du pays. En Belgique, c’est la société Elia qui est gestionnaire du réseau à haute tension. Cette société a pour mission d’organiser le transport de l’électricité en toute sécurité des lieux de production (centrales nucléaires, gaz, parcs éoliens…) au réseau secondaire de distribution ou aux grands consommateurs comme les industries. En termes de sécurité d’approvisionnement, Elia a pour objectif le « zéro accident ». Lorsque le réseau électrique à haute tension surplombe les champs et prairies, ce sont les exploitants agricoles qui, d’une certaine façon, contribuent à l’entretien de la végétation sous les lignes. En forêt, c’est tout autre chose… De la contrainte naît l’opportunité Environ 685 km de lignes à haute tension traversent nos forêts wallonnes. L’enjeu de sécurité est ici bien plus complexe puisque la végétation doit être « gérée » pour éviter tout contact ou rapprochement des arbres ou branches avec les câbles. Une sylviculture classique de futaie est donc le plus souvent impossible sous les câbles électriques et de part et d’autre de la ligne. La mise en sécurité crée alors des couloirs pouvant atteindre des largeurs jusqu’à 80 mètres. Dans la majorité des cas, cette végétation sous les lignes est gyrobroyée. Pas d’arbres, pas de risque… Une contrainte de taille à l’échelle du réseau, qui se révèle en fait être une réelle opportunité en termes de biodiversité. En partenariat avec les propriétaires publics et privés, ainsi que de nombreux autres acteurs de terrain, le projet LIFE Elia s’attèle à tester des méthodes alternatives de gestion de la végétation sous 213 km

Économie

Biodiversité

Restauration

de lignes à haute tension en Wallonie. Ces méthodes ont toutes en commun la recherche d’une conciliation entre sécurité électrique et biodiversité. La Commission européenne, la Wallonie, Elia et aussi RTE* financent une équipe de sept personnes qui développent le projet sur le terrain. Le projet plaît aussi à l’étranger, puisque des rencontres ont eu lieu avec des gestionnaires du réseau de transport d’électricité de dix-sept pays d’Europe. La connectivité, enjeu clé pour l’électricité… mais aussi pour la biodiversité Par sa structure linéaire, l’atout majeur du réseau électrique est qu’il permet de connecter entre eux des sites naturels. Il sert ainsi de vecteur de biodiversité comme peuvent l’être les cours d’eau, les bords de chemins, les coupe-feux**… Ce sont donc de véritables couloirs de biodiversité qui sont créés sous les lignes avec un souci omniprésent d’intégrer les aménagements dans un cadre socio-économique local. Favoriser la biodiversité… mais à quel prix ? Une des conditions du financement octroyé par la Commission européenne est d’établir un bilan économique des aménagements proposés dans le cadre du projet avec d’une part les coûts (d’installation et de gestion récurrente) et d’autre part les bénéfices par rapport à la gestion « classique » par gyrobroyage et élagage. Le présent article résume cette analyse coûtsbénéfices menée conjointement par Elia et l’équipe du LIFE Elia. Pour comparer la gestion « classique » de la végétation par Elia et les méthodes alternatives * Gestionnaire du réseau de transport d’électricité français (des actions pilotes sont réalisées sur le territoire français). ** Principe de la trame verte et bleue en forêt.

RÉSUMÉ Le LIFE Elia vise à tester des modes de gestions alternatives sous les lignes à haute tension en forêt. Profitant des opportunités socio-économiques, il propose de la restauration ou de la création de lisières, du pâturage bovin, équin ou ovin, de la fauche avec exportation de la matière végétale, de la création de mares ou encore de la restauration d’habitats naturels comme des landes ou des tourbières. Après 4 ans, un premier bilan économique a été effectué sur base des coûts réellement engagés par le LIFE. La comparaison avec la gestion classique menée

jusqu’ici montre que le seuil de rentabilité des actions du LIFE est atteint entre 3 et 9 ans selon les actions. La comparaison sur 30 ans indique que la gestion mise en place par le LIFE est entre 2 et 5 fois moins coûteuse. Fort de ces constats, Elia réfléchit aujourd’hui à la possibilité d’étendre à ses 685 km de dessous de lignes à haute tension situés en forêt ces modes de gestion moins onéreux et bénéfiques à la biodiversité. Elia profitera et fera profiter également des autres retombées difficilement chiffrables.


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U

V

Figure 1. Corridors en U et en V des dessous de ligne à haute tension.

proposées par le LIFE, trois aspects ont été étudiés : les coûts d’assistance extérieure, le temps pris pour réaliser et gérer les aménagements, et pour finir les autres retombées plus difficiles à chiffrer (impacts sur l’image de la société, amélioration du paysage, limitation des risques d’accident, amélioration de la recevabilité des demandes de permis de par l’intégration de la biodiversité dès les premières étapes, services écosystémiques rendus par les milieux naturels, création de sites pédagogiques, accords avec des associations de protection de la nature et administrations…). Bien que ce dernier point soit indéniablement à l’avantage de la méthode LIFE, c’est l’aspect coûts d’assistance extérieure qui sera développé dans cet article.

Méthodes de gestion du couloir du LIFE Pour pouvoir comparer les différentes méthodes de gestion de la végétation, il convient tout d’abord de les décrire et ensuite de les quantifier.

Gestion classique Les coûts de gestion classique de la végétation effectuée par Elia dans les corridors forestiers sont générés par : • des gyrobroyages de la végétation dans le couloir, • des abattages manuels de la végétation dans le couloir, • des étêtages d’arbres, • des élagages de branches latérales. Les gyrobroyages, qui représentent la majorité des entretiens en forêt, consistent à broyer la végétation lorsqu’elle est au stade de fourré. Cette opération est réalisée par un tracteur puissant équipé d’un engin permettant de déchiqueter la végétation avant que cette dernière ne devienne trop haute. La fréquence de passage est fixée par le lignard responsable de la ligne, elle est suffisamment courte pour n’avoir à broyer que des jeunes arbres de faible diamètre. Une gestion qui tranquillise le responsable de la ligne… mais qui montre ses limites car les inconvé-

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nients sont multiples. D’une part, la matière organique générée par le gyrobroyage enrichit le sol et d’autre part l’apport de lumière au sol est maximal après l’opération. Ces deux facteurs créent ainsi un terreau idéal pour les semis naturels d’arbres de bordure de couloir… dont la croissance est justement à éviter sous la ligne. De plus, l’opération n’ayant d’effet que sur la partie aérienne de la plante, de nombreux rejets très vigoureux sont produits par la plante. L’impact paysager n’est pas non plus toujours optimal, et les effets sur la stabilité des peuplements en bordure de couloir en cas de tempêtes sont plutôt négatifs. Pour la biodiversité, c’est une grosse perturbation à chaque passage… Les abattages manuels sont réalisés pour entretenir les couloirs là où les machines utilisées pour le gyrobroyage ne peuvent pas se rendre, principalement à cause du relief (forte pente ou relief très accidenté) ou de la nature du sol (roches affleurantes). Ces abattages sont réalisés dans des conditions souvent difficiles par des hommes équipés de tronçonneuses. Plutôt concentrés en zone péri-urbaine, les étêtages et élagages sont plus rares en forêt, mais restent pratiqués dans certains cas. Gestion de type « LIFE Elia » Les différentes actions du LIFE Elia ont été regroupées en plusieurs ensembles. Pour chaque ensemble, le coût des postes à prévoir par action a été calculé sur base des factures honorées depuis le début du projet LIFE. Sur le terrain, le choix de réalisation d’une action est opéré sur base de plusieurs critères : végétation en place sur le site, conditions stationnelles, contexte biologique du site, présence d’espèces ou d’habitat

rares, opportunités socio-économiques locales ou encore utilisation du corridor forestier par des tiers. La gestion en lisières Cette action est applicable classiquement en bordure des couloirs forestiers (entre 10 et 25 mètres par rapport à l’axe de la ligne) et doit être complétée par une autre action visant à maintenir le milieu ouvert dans le corridor central (figure 1). Lorsqu’une situation de terrain se prête à l’action « lisières », deux choix sont possibles : • la restauration : action privilégiée du point de vue budgétaire qui consiste à couper uniquement les arbres dont la hauteur à l’âge adulte pourrait poser problème pour la sécurité des câbles (bouleaux, peupliers, hêtres, frênes, chênes…) (figure 2) ; • la plantation : permet l’implantation d’espèces naturellement buissonnantes, de faible hauteur, intéressantes pour la biodiversité (essences à fleurs, à baies…). Cette action est nécessaire dans les zones où les forêts avoisinantes (souvent monospécifiques) sont pauvres voire dépourvues d’espèces végétales intéressantes et où une installation spontanée d’espèces arbustives est donc peu envisageable. Pour exemple, les coûts unitaires d’intervention de chaque poste à prévoir par hectare de couloir et la fréquence d’intervention pour cette action sont repris dans le tableau 1. La gestion par pâturage Dans la majorité des cas, le pâturage utilisé est un pâturage bovin ou équin. Dans les situations de forte pente ou de milieux rocheux, le pâturage ovin est plus adapté car les moutons sont plus aptes à évoluer dans ces milieux. Les clôtures pour moutons peuvent être fixes ou mobiles. Dans le cas où elles

Figure 2. Action de restauration d’une lisière. Après un marquage ciblé, seuls les arbres dont la hauteur finale de croissance pourrait poser problème pour la sécurité des câbles sont abattus. Mars 2012

Avril 2013


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Dans les terrains en pente, peu adaptés au passage des machines, c’est le pâturage ovin qui est privilégié comme méthode de gestion.

Tableau 1. Coûts unitaires et fréquence d’intervention pour l’installation et l’entretien de lisières étagées à planter ou à restaurer (sur base des factures réelles honorées depuis le début du projet LIFE). Pour consulter l’ensemble des données des autres actions, découvrez le rapport LIFE Elia a l’adresse www.life-elia.eu, onglet « nos publications ». Lisières étagées à planter

Coût (€/ha)

Coût (€/ha de couloir)

Fréquence

Plants et main-d’œuvre pour plantation

1 949

1170

1 fois

Clôtures éventuelles pour protection gibier 2 m

3 794

3 794

1 fois (dans 10 % des cas)

Dégagement initial des plantations

360

216

1 fois/an pendant 2 ans

Coupes sélectives des essences problématiques

400

320

1 fois tous les 15 ans après 15 ans

Gyrobroyage de minimum 10 m du couloir central

1 500

300

Tous les 3 ans

1 155

924

3 fois sur les 15 ans

Coupes sélectives des essences problématiques

400

320

1 fois tous les 15 ans après 15 ans

Gyrobroyage de minimum 10 m du couloir central

1 500

300

Tous les 3 ans

Installation

Entretien

Lisières étagées à restaurer Restauration Coupes sélectives initiales des essences problématiques Entretien

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sont fixes, elles sont plus coûteuses, d’une part car elles doivent être à maillage fin, de type Ursus, et d’autre part car elles sont installées dans des sols souvent plus difficiles. La gestion du pâturage est réalisée par un exploitant agricole local qui y trouve un intérêt pour de multiples raisons, comme l’accès à des nouvelles parcelles ou encore l’octroi des primes MAE. La gestion par fauche Cette action nécessite une superficie suffisamment grande d’un seul tenant pour intéresser soit un agriculteur pour la fauche et l’exportation, soit un chasseur pour un gagnage herbeux. Plusieurs postes sont à prévoir pour cette action : récolte de semences sur des prairies riches en diversité floristique, travail du sol et semis. La fauche en elle-même est confiée soit à l’exploitant agricole soit au chasseur, les coûts d’entretien pour Elia étant nuls dans ce cas. La gestion des habitats naturels Cette action est privilégiée lorsque la cartographie initiale des portées couvertes par le LIFE montre la présence ou la restauration possible d’habitats naturels protégés par la Directive européenne « Habitats » 92/43/CEE (une des deux Directives Natura 2000). Les habitats visés sont les tourbières, les landes, les pelouses calcaires ou encore les prairies maigres de fauche.

La principale opération à réaliser pour les landes et les tourbières est l’étrépage : action qui consiste à retirer la couche superficielle du sol sur une profondeur de maximum 10 cm. Cette opération permet à la banque de graines de germer et de retrouver ainsi le cortège végétal lié à l’habitat naturel, ou encore de permettre à la sphaigne des tourbières de recoloniser l’espace étrépé. Pour les tourbières, des travaux hydriques sont parfois nécessaires afin de restaurer un niveau d’eau dans le sol adéquat. Ces travaux consistent à boucher un éventuel réseau de drains ou à ériger des diguettes permettant de retenir l’eau. Les landes et les tourbières sont des habitats naturels dits « stables ». On peut clairement considérer que la croissance des arbres posant problème pour les lignes y sera plus lente, voire absente.

Analyse comparative Les coûts liés aux deux méthodes ont donc été comparés sur une période de 30 ans. Souvent, les coûts des actions LIFE sont plus élevés à l’installation dans les premières années (clôtures, plantations…) mais la gestion s’avère ensuite nettement moins onéreuse. Cette analyse a été élaborée conjointement par Elia et l’équipe du LIFE Elia.

Figure 3. Comparaison des coûts entre gestion classique et par lisières étagées (plantées ou restaurées). Les résultats montrent que le seuil de rentabilité est atteint après 3 ans pour la restauration et après 9 ans pour la plantation de lisières. Cette comparaison ne tient pas compte du fait que, souvent, la gestion de la lisière pourrait être prise en charge localement par des tiers (DNF, propriétaires, exploitants…).


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Comparaison des actions LIFE Elia avec une gestion classique Seuil de rentabilité

Comparaison après 30 ans

Comparaison après 30 ans (valeurs actualisées et prise en compte de l’inflation)

Lisières étagées plantées

9 ans

1,9 fois moins coûteux

1,4 fois moins coûteux

Lisières étagées restaurées

3 ans

2,1 fois moins coûteux

1,8 fois moins coûteux

Pâturage

6 ans

2 fois moins coûteux

1,8 fois moins coûteux

Actions

Pâturage en zone difficile

5 ans

4,7 fois moins coûteux

3,9 fois moins coûteux

Fauche

6 ans

4,9 fois moins coûteux

2,5 fois moins coûteux

Habitats naturels (landes)

3 ans

5,3 fois moins coûteux

3,9 fois moins coûteux

Habitats naturels (tourbières)

9 ans

3 fois moins coûteux

1,8 fois moins coûteux

Tableau 2. Comparaison des actions de gestion développée par le LIFE Elia avec une gestion classique. Le seuil de rentabilité indique à partir de quel moment l’action LIFE devient moins coûteuse que la gestion classique. La partie de droite reprend les valeurs actualisées et prend également en compte un taux d’inflation de 2 %.

Hypothèses de travail Plusieurs hypothèses de travail ont été faites pour la comparaison : 1. Les couloirs forestiers sont « en sécurité », c’est à dire qu’ils ont une largeur de minimum 50 mètres pour une ligne à haute tension. 2. Les travaux du LIFE sont réalisés après une préparation du terrain. 3. Les coûts sont considérés dans un scénario « worst case » pour Elia, c’est à dire qu’on ne tient pas compte des économies éventuelles réalisées par l’entretien des couloirs par des tiers (chasseurs pour le couloir central, DNF ou exploitants locaux pour les essences problématiques en lisières…). Exemple de comparaison À titre d’exemple, les résultats obtenus pour les lisières sont repris dans la figure 3. Les coûts de plantation (rouge) sont élevés la première année puisqu’il faut payer les plants, la main d’œuvre et parfois la protection des plants là où la pression du gibier en forêt ne permet pas de faire autrement. Dans les années qui suivent, après les dégagements initiaux des plantations, les coûts sont directement liés à des coupes sélectives des essences dont la hauteur finale pose problème pour la sécurité électrique des câbles. De son côté, la gestion classique par gyrobroyage génère des coûts réguliers tous les 3 ans en moyenne, ce qui explique les pas réguliers de la courbe bleue sur le graphique. On constate qu’après 9 ans pour les lisières plantées, et après 3 ans pour les lisières restaurées, les coûts sont déjà plus intéressants pour la méthode LIFE. Au bout de 30 ans, la différence montre une économie possible de moitié.

Résultats Le tableau 2 reprend les résultats obtenus pour les actions du LIFE. La partie de droite reprend les valeurs actualisées et prend également en compte un taux d’inflation de 2 %, valeurs prises en compte pour le commentaire des résultats ci-dessous. Le seuil de rentabilité indique, lui, à partir de quel moment l’action LIFE devient moins coûteuse que la gestion classique. Lisières étagées plantées Cette action est presque une fois et demi moins coûteuse après 30 ans. Nous pouvons expliquer sa « lente » rentabilité par les coûts consentis à la plantation (voir plus haut). Par contre, on ne compte pas ici la valorisation possible en bois de chauffage par le DNF ou par des particuliers qui diminuerait encore les coûts. Même remarque dans le cas où la bande centrale du couloir est entretenue comme gagnage par un chasseur. Lisières étagées restaurées Cette action est presque deux fois moins coûteuse après 30 ans. Cette méthode est préférée à la plantation lorsque le cortège d’essences secondaires et indigènes est présent en bordure ou dans le couloir. Pâturage Le pâturage classique bovin ou équin se révèle être presque deux fois moins coûteux pour Elia après 30 ans. Et ce avec une hypothèse de grande sécurité puisque nous comptabilisons un remplacement total de la clôture après 15 ans. En pratique, si les clôtures restent en bon état plus longtemps, cette rentabilité sera plus importante.

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Pâturage en zone difficile Certainement une des actions les plus rentables, le pâturage ovin dans les zones de forte pente ou rocheuses, zones où le gyrobroyage sur tracteur ne peut pas se faire, est quasi quatre fois plus rentable sur 30 ans. Ceci s’explique par le coût élevé de l’entretien de la végétation lorsqu’il est réalisé dans ces zones par abattage manuel. L’exploitant agricole peut bénéficier de certaines mesures agro-environnementales, ce qui complètera la moins bonne qualité du fourrage de ce genre de milieu. Fauche Après 30 ans, cette action est deux fois et demi moins coûteuse qu’un gyrobroyage classique. Mises à part les premières opérations de récolte, de préparation du sol et de semis, la gestion récurrente est assurée par un exploitant local par la suite. Dans ce mode de gestion, les ligneux n’ont clairement pas le temps de pousser dans le couloir forestier. Habitats naturels Ces actions sont, respectivement pour les tourbières et les landes, presque deux et quatre fois fois moins coûteuses après 30 ans. Les travaux hydriques liés à la restauration de tourbières étant plus délicats à mettre en œuvre, le montant est plus élevé l’année de la réalisation des travaux. Pour les landes comme les tourbières restaurées, nous pouvons escompter une densité de ligneux beaucoup moins importante

et une croissance plus lente, ce qui rend la gestion de ces habitats naturels moins coûteuse que le gyrobroyage.

Conclusions Pendant une période de 5 ans, le projet LIFE Elia a pour objectif de tester sept actions relatives à la gestion de la végétation sous les lignes à haute tension, et ce sur une partie du réseau d’Elia en forêt. Aujourd’hui, presque 4 ans après le début du projet, les résultats sont là. Autant en termes d’objectifs réalisés que de satisfaction de nos partenaires sur le terrain. Les signes de la bonne intégration des méthodes LIFE sont encourageants. Le bilan de l’analyse comparative consolide encore ce constat, en prouvant qu’à moyen terme les entreprises de transport d’électricité peuvent diminuer leurs coûts, de deux à cinq fois sur une échelle de 30 ans, tout en favorisant la biodiversité. Même si, pour des raisons opérationnelles, il ne sera pas possible d’appliquer les méthodes LIFE sur l’entièreté du réseau, les économies potentielles sont importantes. Cela prouve que l’on peut faire mieux pour moins cher. Le présent article ne développe pas toutes les autres retombées positives des actions mises en place. Comment quantifier la valeur économique de l’améliora-

Sur 30 ans, la restauration des landes par étrépage se révèle quatre fois moins coûteuse qu’un gyrobroyage classique des dessous de lignes.


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tion du paysage ? De la prise en compte de la biodiversité ou encore de l’amélioration de la qualité de l’eau dans les zones de tourbières restaurées ? S’il existe des modèles permettant d’estimer ces services rendus, ils sont relativement complexes à utiliser et seront probablement valorisés ultérieurement. Ce que tout le monde s’accorde à dire, c’est que l’impact du LIFE est loin d’être nul sur tous ces aspects plus difficilement chiffrables. En juin 2015, ce sont plus de quarante personnes travaillant dans les entreprises de transport d’électricité de seize pays d’Europe qui nous rendront visite en Belgique. Ils ont répondu positivement à notre invitation à découvrir durant deux jours le LIFE en Région wallonne. Il faut dire que les solutions développées sont pour eux des réponses adaptées aux grands défis européens d’aujourd’hui : la production d’énergie verte, avec comme corollaire la rénovation ou la création de réseau électrique pour l’acheminer vers son lieu de consommation ; et la biodiversité, largement encadrée par des politiques européennes comme Natura 2000 par exemple. De quoi être fier de ce qui se fait dans nos forêts ! Au vu de la multiplicité de nos partenaires, il ne faut sans doute pas perdre de vue que le LIFE Elia est aussi une aventure humaine. Propriétaires publics ou privés, administrations, fédération de propriétaires ou de chasseurs, partenaires chez Elia à Bruxelles comme sur le terrain, exploitants agricoles locaux, naturalistes, parcs naturels, gestionnaires de réserves, et nombreux partenaires en France : tous peuvent trouver un intérêt dans le projet et tous participent de près ou de loin à la mise en place des actions. Là où hier les couloirs forestiers pouvaient être perçus comme des no man’s land réservés aux gyrobroyages répétés ou aux rares utilisateurs, c’est aujourd’hui un énorme réseau pour la biodiversité qui se met progressivement en place en Belgique et en Europe. Ou comment faire de la contrainte une opportunité pour de nombreux acteurs de nos forêts et de notre ruralité. n Crédits photos. LIFE Elia

Simon de Voghel Sébastien Pirot Christophe Bauffe devoghel.simon@gmail.com Life Elia www.life-elia.eu

POINTS-CLEFS Ñ Elia gère 685 km de lignes à haute tension situées en zone forestière en Wallonie. Le gyrobroyage est le principal mode d’entretien des dessous de ligne. Ñ Le LIFE Elia propose une gestion alternative basée sur la restauration de lisières ou d’habitats naturels, le pâturage ou la fauche. Ñ La comparaison des coûts entre types de gestion montre un avantage pour les actions du LIFE Elia sur le long terme. Ñ Le LIFE Elia est en contact avec 17 pays d’Europe pour diffuser les pratiques réalisées dans les forêts wallonnes.

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Outil

5’

Météo

Web

Outils de prévision météo pour les gestionnaires de terrain Marc Bussers Forêt Wallonne asbl

Forestiers, agriculteurs, hommes de terrain : planifier son travail et son équipement ne s’improvise pas. Parmi la pléthore de sources d’informations disponibles, nous vous proposons une petite sélection d’outils météo glanés auprès d’une quinzaine d’hommes de terrain*. weatherspark.com | Prévision valable à 7/8 j mais sans aucun commentaire. Fiabilité à 90 % au moins à 24 h. Représentation graphique claire et informations très précises au niveau horaire (prévisions données par tranche de 2 h) et au niveau localisation (référencement jusqu’aux petits villages). Annonce des volumes de précipitations (pluie/neige). Éphéméride soleil et lune. Prévisions du Norvegian Metereological Institute (en collaboration avec les USA). Archives disponibles jusqu’aux années ‘50.

meteo.be | Prévision à 14 j avec commentaires (utiles pour les brumes ou gelées en fonds de vallée, par exemple). Prévision par jour ou demi-journée sans plus. Modélisation « Alaro » de grande qualité de 12 à 36 h sur carte nationale pour les prévisions de précipitation (bon), de température (bon) et de vent (moyen, sauf vent tournant qui est rarement indiqué ailleurs et fiable à 90 %). Indicateur d’allergie. Prévisions de l’IRM à Bruxelles.

weerslag.be | Radar de précipitation qui permet de suivre en temps réel (par tranche de 5 à 10 minutes) l’avancée des zones de pluie sur la carte avec indicateurs d’intensité. Modélisation de prévision évolutive à 3 h et jusqu’à 7 j.

meteobelgique.be Prévision à 11 j avec commentaires mais pas de localisation. Prévision par jour ou demi-journée. On y trouve les tendances saisonnières. Modélisation d’une carte des précipitations pour le jour même. Site belge avec une délicieuse application BBQ.

* Cette sélection n’engage en rien la rédaction. Ces outils n’ont pas été testés selon un protocole défini et ont été évalués sur le retour empirique d’hommes de terrain.


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Autres outils informatiques Les applications météo de Google ou autres sur smartphone sont peu précises et fiables, malgré un lien avec votre localisation.

windguru.cz | Pour le vent, en complément de l’IRM car plus de précision ici, mise à jour quatre fois par jour et 180 prochaines heures disponibles. Localisation intéressante. Modélisation de Global Forecast System sur prévisions du National Centers for Environmental Prediction (USA).

Les sites des principaux médias (RTBF, RTL, Le Soir, La Libre…) diffusent des infos météo mais peu précises ou localisées.

, “ Quand vole bas l’aronde e“ attends que la pluie tomb

Baromètre, montre-baromètre ou station météo individuelle Ces trois outils utilisent la même méthode : la mesure de la pression atmosphérique, indicateur de base pour les prévisions météo mais aujourd’hui dépassé car peu précis et faiblement prédictif. La tendance est donnée pour les 12 h à venir mais sans savoir si le couvert nuageux annoncé amènera des précipitations (quel type ? quelle intensité ?) ou une forte fluctuation des températures, par exemple.

Conclusion Les atouts respectifs des versions gratuites sont mise en gras. La plupart de ces outils proposent une version « pro », payante mais à un coût relatif (10 à 50 €/an), qui donne accès à plus de services, de précisions ou de personnalisation. Disposer d’une prévision météo complète et précise demande donc de « picorer » pour répondre à vos besoins. Toutefois, si il ne faut retenir qu’un seul outil, weatherspark.com s’impose. Vos commentaires et propositions sont les bienvenus et viendront enrichir la page dédiée à l’article sur le site foretwallonne.be. n

Rhumatisme et dictons Basés sur un grincement ou sur l’expérience des hommes de métiers qui l’ont validé. Ces informations constituent souvent une « tendance saisonnière ».

Weatherspark.com : températures et précipitations par tranche de 2 h.

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Animés d’une passion commune pour la forêt et le cerf, Philippe Moës et Gérard Jadoul ont consacré à cet animal une énergie considérable depuis plusieurs dizaines d’années. Leur goût de la photographie et de l’écriture aboutit aujourd’hui à un regard croisé novateur, ancré dans la réalité de terrain.

Philippe Moës Agronome de formation, Philippe Moës est photographe naturaliste autodidacte. Passionné par le cerf, il est avant tout fasciné, depuis toujours, par les grands espaces et la vie sauvage au sens large.

Gérard Jadoul Avec « Au nom du cerf », ils nous font découvrir l’animal sous trois angles distincts qui s’enrichissent l’un l’autre. Le premier, esthétique et contemplatif, nous permet d’apprécier quelques-unes de leurs images favorites. Le second, naturaliste, nous raconte le suivi photographique d’une douzaine de cerfs durant leur vie, jusqu’à dix années consécutives pour plusieurs d’entre eux. Le dernier volet enfin, plus philosophique, témoigne de la longue et permanente évolution du regard qu’ils portent tous deux sur le cerf et les relations qui le lient à l’homme. « Déposer les images qui nous ont fait vibrer, des récits pour mieux les comprendre et enfin, des témoignages marqués par ce long et perpétuel questionnement, qui fait que plus on croit comprendre les cerfs, plus ils nous échappent. Telle a été notre quête, en espérant que notre vision ici partagée servira la cause du cerf et des hommes de bonne volonté qui s’y intéressent. Un jour, ici ou ailleurs, peut-être... »

Diplômé de Philosophie et Lettres, Gérard Jadoul est naturaliste et photographe autodidacte : il pratique la photographie animalière depuis plus de quarante ans. Passionné de forêt, il a consacré plusieurs ouvrages au cerf et à la cigogne noire. Il a été à l’origine, avec plusieurs amis, de la création de l’asbl Solon (www.solon.be) qui regroupe des forestiers, naturalistes, gardes et chasseurs autour de la passion commune de la forêt.

Au nom du cerf Éditions du Perron – avril 2015 Format : 29 x 29 cm ; 180 p. ; prix : 40 euros hors port ISBN : 978-2-87114-256-0 Où se le procurer : • En Belgique : en librairie ou directement chez l’éditeur sur www.perron.be/livre • En France : via Image et nature sur www.image-nature.com/boutique


© G. Jadoul

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© P. Moës

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La forêt en Belgique O. Baudry, F. Demeuse La forêt fascine, force le respect, offre la tranquillité et se trouve, en ce 21e siècle, au cœur des enjeux de durabilité et des attentes sociétales. Au moyen d’une sélection d’une quinzaine de forêts, réalisée de manière à couvrir l’ensemble du territoire belge, Olivier Baudry, Ingénieur des bois et forêts et expert forestier, guide le lecteur parmi les grandes questions et thématiques forestières. L’auteur y aborde, entre autres, les cycles de la forêt et de l’arbre, la situation des forêts en Belgique, les principales espèces forestières, la gestion durable des forêts, les traces du passé en forêt, le travail de l’homme, la faune, la flore, la protection de l’eau et des sols, le lien entre la forêt et l’agriculture. Éd. Racine, 200 p., 39,95 €.

Fourmis de Wallonie P. Wegnez, D. Ignace, V. Fichefet, M. Hardy, T. Plume, M. Timmermann Connues de tous, les fourmis sont pourtant peu étudiées comparativement à d’autres groupes biologiques. Cet ouvrage offre une synthèse unique et richement illustrée sur les fourmis de Wallonie en se basant sur de nombreuses observations de terrain. Il offre, grâce à une importante révision bibliographique, une idée précise de la complexité de leur organisation sociale tout en détaillant l’écologie de chacune des espèces présentes en Wallonie (description, habitat, carte de répartition etc.). Éd. SPW, 272 p., 20 €. Disponible sur commande : com.dgarne@spw.wallonie.be

Inventaire forestier wallon. Résultats 1994-2012

Les résineux. Tome III. Bois, utilisations, économie

M. Alderweireld, F. Burnay, M. Pitchugin, H. Lecomte

P. Riou-Nivert

Depuis 1994, l’Inventaire Permanent des Ressources forestières de Wallonie assure le monitoring de l’ensemble des forêts du territoire. Source importante d’informations objectives pour une gestion forestière raisonnée et durable, l’inventaire constitue un outil précieux pour la politique forestière régionale, la recherche, l’industrie du bois et pour tout ceux qui désirent simplement en savoir plus sur la forêt wallonne. Dans cet ouvrage, il trouveront un état des lieux de nos forêts wallonnes suivi de leur évolution récente. Éd. SPW, 236 p., gratuit. Disponible sur commande : hugues.lecomte @spw.wallonie.be

Ce troisième tome consacré aux résineux par l’IDF aborde le bois, son utilisation et son économie. Les deux premiers étaient consacrés à la connaissance et reconnaissance, et à l’écologie et pathologie. Un quatrième tome reste à paraître sur la sylviculture et le reboisement. Cet ouvrage détaille les caractéristiques du bois résineux. Il passe en revue l’ensemble des utilisations, extrêmement variées et en pleine évolution. Et enfin, il décrypte les divers pans de l’économie du bois : ressource, prélèvement, renouvellement, importations de sciages résineux, scierie en difficulté… Éd. IDF, 344 p., 39 €. Disponible sur www.cnpf.fr

Ouvrages ou synthèses à télécharger Protéger et valoriser l’eau forestière. Guide pratique national, réalisé dans le cadre du programme « EAU + FOR » - 2014. A. Bansept, J. Fiquepron. Éd. CNPF, 164 p. Sylviculture & cours d’eau. Guide des bonnes pratiques. S. Ecuvillon, V. Mennessier (coord.). Éd. BoisLim, 60 p. VTT en forêt. Éd. Office des forêts du canton de Berne, 13 p. Promotion des systèmes agroforestiers. Propositions pour un plan d’actions en faveur de l’arbre et de la haie associés aux productions agricoles. P. Balny, D. Domallain, M. de Galbert. Éd. CGAAER, 79 p. Retrouvez les liens de téléchargement sur la page dédiée au n° 135 de Forêt.Nature sur www.foretwallonne.be

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Demo Forest Les 28 et 29 juillet 2015 à Bertrix Pascal Balleux | CDAF, Président de la Commision forestière de Libramont

La

16e édition forestière de la foire de Libramont aura pour thème : « La forêt prend soin de Nous… Prenons soins d’Elle ! ». Vitrine exceptionnelle de la ruralité et de la gestion durable en forêt et en champ, la foire de Libramont relaye les enjeux liés à la forêt et à son avenir : exposition thématique, animations interactives, tables rondes, parcours animés en forêt, autant de moyens mis en œuvre pour mieux faire connaître la filière forêt-bois.

Le point fort de Demo Forest sont les démonstrations en conditions réelles. Plus de 150 exposants sur 150 hectares de sites forestiers : administrations et organismes de la filière forêt-bois, exploitation forestière (tronçonneuse, abatteuse, treuil…), sylviculture (élagueuse, planteuse, débroussailleuse…), pépinière (plants forestiers…), transport et chargement, petit matériel forestier, matériau bois (construction, charpente, clôtures…), bois énergie… plus de 500 machines en conditions réelles de travail et en exposition.

Le site Demo Forest 2015 à Bertrix regorge d’atouts remarquables pour vous accueillir les 28 et 29 juillet prochains : chemins empierrés et stabilisés, aire d’accueil en forêt, variété d’essences, peuplements de structures variables, arbres remarquables, recrûs naturels ligneux, sources, mares et fonds humides, plantations diverses et parcelles à reboiser, sites d’intérêts biologiques et surtout démonstrations in situ…

Pour compléter ces journées, huit conférences-débats auront lieu à Libramont et sur le site de Demo Forest (programme page suivante). Deux championnats : le concours européen de bûcheronnage et le concours de débardage. Quatre concours : attelage, opérateur grumier, débardage d’adresse, grand public (prix des parcs d’attraction Nature).

S’appuyant sur un réseau de partenaires, de professionnels et d’experts de chaque secteur, huit vitrines proposeront des stands d’information et de documentation et surtout, des démonstrations commentées par des spécialistes et opérateurs expérimentés : gestion forestière, travaux, exploitation, formation, faune et chasse, eau et pêche, énergies renouvelables, atouts socio-économiques.

Pratiquement Quand ? Les 28 et 29 juillet 2015, de 9 à 18 heures. Où ? À proximité de Jehonville. Coordonnées GPS : 49.823942, 5.235734 Comment ? Le long d’un circuit aménagé de 5 km. Combien ? 15 € par jour, parking compris (25 € pour les 2 jours). Plus de renseignements sur www.demoforest.be n

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LIBRAMONT, Hall 3 du 24 au 27 juillet 2015 Ressentis des professionnels de la filière forêt-bois Vendredi 24 juillet 2015, 14h | Libramont

• Connaître mieux sa forêt pour mieux la gérer et la valoriser • Panorabois 2014-2015 : principales tendances et évolutions de la filière forêt-bois • Propriétaires et gestionnaires publics : orientations et outils pour la gestion de forêts multifonctionnelles • Propriétaires et gestionnaires privés : prix des forêts, marchés des bois et perspectives d’avenir • Échos de la filière économique du bois : positionnement de l’industrie lourde dans la filière bois • Échos de la construction bois : état de la construction bois en Belgique et perspectives • Édition forestière 2015 : « La Forêt prend soin de nous… Prenons soin d’elle ! »

Risques et sécurité en forêt Samedi 25 juillet 2015, 10h | Libramont

• Cadre juridique et obligations générales : responsabilités et obligations des employeurs, droits et responsabilités des travailleurs • Sécurité des chantiers, des opérateurs, des tiers et du matériel lors des opérations de tronçonnage : vêtements de travail, équipements individuels de sécurité, formations • Tiques et maladie de Lyme : danger ? Agent pathogène, transmission, symptômes, recommandations, traitements • Fréquentation des forêts et risques avec l’infection par Hantavirus : agent pathogène, transmission, symptômes, recommandations, traitements

Pistes agroforestières à la ferme Samedi 25 juillet 2015, 14h | Libramont

• Articulation du verdissement de la Nouvelle PAC : l’arbre dans la réforme de la PAC • L’arbre à la ferme : modèles traditionnels et novateurs. Pertinence, types, fonctions et productions • Avantages agronomiques de l’agroforesterie : outils liés au remembrement rural

• Bonnes pratiques agroforestières à la ferme : itinéraires, site Web docu, formations AGROFE, vitrines

Regards croisés sur les services écosystémiques des forêts. Colloque Grande Région transfrontalier Lundi 27 juillet 2015, 14h-18h | Libramont

• Concilier économie avec les fonctions sociale et environnementale de la forêt • Importance et évolution des services écosystémiques rendus par les forêts • Services écosystémiques forestiers : concepts et typologie, évaluation et indicateurs, pistes de valorisation et de paiement • « Terres de Hêtres » : une nouvelle marque française pour le bois • Valorisation transfrontalière des bois feuillus précieux • L’opportunité d’une marque collective en Wallonie • La gestion forestière face aux changements climatiques : comment anticiper, s’adapter et agir ? • Recommandations pour la conservation du sol et la protection de l’eau • La valorisation touristique des massifs forestiers en Wallonie : les forêts d’Ardenne

BERTRIX DEMO FOREST les 28 et 29 juillet 2015 au Meeting point Intégration du bois-énergie dans la filière du bois Mardi 28 juillet 2015, 10h | Demo Forest

• Le développement de la filière bois énergie et son intégration dans l’ensemble de la filière bois. • Le bois-énergie dans la filière bois en chiffres • En quoi les pellets sont-ils bien intégrés dans la filière bois? • Plaquettes forestières : un nouveau débouché pour les bois de faible valeur

Initiatives en faveur des débouchés du bois Mardi 28 juillet 2015, 14h | Demo Forest

• Débouchés des bois d’œuvre feuillus nobles et précieux : marchés actuels

et perspectives de développement locales et internationales • Les circuits courts et la diversification, nouvel eldorado pour la filière du bois ? Promotion du local, valorisation des savoir-faire de proximité, exemples étrangers • Qualité, déploiement et démocratisation de la maison bois : innovations, formation des prescripteurs, industrialisation des processus • Appuis aux entreprises de la transformation du bois : modernisation des outils, marchés de gré à gré, circuits courts en Wallonie

Outils pour une sylviculture durable plus performante Mercredi 29 juillet 2015, 10h | Demo Forest

• Révision du fichier écologique des essences : exemple commenté de la fiche du hêtre • Bilans de 20 années d’activités du Comptoir à graines : valoriser et améliorer le potentiel économique de la forêt wallonne • Circulaire DNF sur la sylviculture Pro Silva : mesures et recommandations • Appui à la petite forêt privée : aider le propriétaire à mieux connaître et mieux valoriser ses ressources forestières • Certification 2013-2018, une nouvelle charte de gestion durable en Wallonie : atouts, règles, document simple de gestion, procédure, coûts

Bonnes pratiques sylvicoles et agroforestières Mercredi 29 juillet 2015, 15h | Demo Forest

• Maîtrise raisonnée de la végétation pour réussir ses régénérations : outils de gestion de la végétation concurrente et de préparation du sol • Diagnostic et sylviculture de recrûs naturels mélangés : essences objectifs, associées et d’accompagnements, concepts d’enrichissement • Développement de l’agroforesterie en Europe : guide de bonnes pratiques agroforestières : quoi, pourquoi, comment ? • Promotion des fruitiers forestiers indigènes : sauvegarde et valorisation des pommiers et poiriers sauvages en forêt




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