Nos années récré A2

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1, rue Sésame

L’Île aux enfants

1978

Venez tous nous retrouver…

C’est le pays joyeux des enfants heureux…

Gribouille © 2013 D. DUGAS / Osibo Productions.

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L

’Île aux enfants fête ses quatre ans en cette rentrée. Certains diront que nous sommes en plein « bel âge », malgré l’alternance de diffusion avec 1, rue Sésame. Cela fait deux ans que l’émission a trouvé une formule qui fait sa renommée : elle ne partage plus la vedette avec Bonjour Sésame, qui a laissé la place à des séquences donnant un rythme et une identité propre à l’île de Casimir et de ses amis. Pour fêter dignement cette sorte d’anniversaire, le premier épisode de la rentrée est par conséquent… une rediffusion de celui de la rentrée 1976. Peu importe, tout est excellent dans L’Île aux enfants ! Le concept est né de l’esprit de Christophe Izard, au départ pour compléter quelques minutes de l’adaptation française de Bonjour Sésame. En collaboration avec Yves Brunier (l’âme qui habite le costume), Casimir et son univers sont nés, à l’origine pour faciliter la transition des tout-petits de la maternelle vers le primaire. Le gentil monstre orange, un peu naïf comme les enfants auxquels il s’adresse, apprend donc la vie auprès des gens qui l’entourent : Julie, avec son merveilleux kiosque plein de bonbons et de jouets. François, l’étudiant vendeur de ballons. Émile, le gentil facteur. M. du Snob, parfois un peu précieux mais toujours sympathique. Mlle Futaie, la botaniste à la poignée de main redoutée. Léonard, marionnette qui a élu domicile dans la malle de Casimir. Et bien sûr, Hippolyte, le cousin vert de Casimir. Leurs petites aventures sont entrecoupées de séquences qui ne cessent de s’enrichir avec les années. Parmi les plus cultes, La Noiraude évidemment, avec Gribouille, La Linéa et Antivol (« l’oiseau qui reste au sol »). Début 1978, c’est Le Cramti qui a été la nouveauté. Cet acronyme de Conservatoire de recherche et d’application musicale des techniques instrumentales a pour objectif de faire découvrir les instruments de musique aux enfants, à travers les facéties de cinq nouvelles marionnettes. La première moitié de l’année suivante nous propose de faire la connaissance de deux nouveaux invités : Philyvert le Globur, gros volatile vert qui, du haut de son nid tout confort, philosophe à tout va avec un accent qui

rappelle les origines provençales de l’émission (station régionale marseillaise de la troisième chaîne) ; Le Jardinier Antoine, qui sous prétexte de papoter avec sa poule, aborde avec nous les bases du jardinage. Les tout derniers jours de cette même année, place à la magie « image par image » avec Pinkie Pou et sa moustache ! Début 1980, La Noiraude, avec ses états d’âme, est la star des séquences, mais la découverte des jeux de société est aussi de mise avec Ludo, Filo et Robo. Cependant, le changement important de cette année a lieu pour la millième émission, en mai : de nouveaux décors sont créés et des personnages font leur entrée (M. Beauchêne, le Capitaine, la marionnette Gnassou, etc.). Une séquence inédite avec de facétieux bonshommes en pâte à modeler, Les Musus, rejoint les autres. L’année qui suit est marquée par une séquence avec un hôte pour le moins inattendu : Pierre Desproges, avec Les Bons Conseils du professeur Corbiniou. Le caustique humoriste nous dévoile sa part d’enfant en parvenant à s’adresser à nous, comme Cabu dans Récré A2. L’île et ses habitants cessent de nous accueillir le 18 juin 1982, mais pas avant que Casimir ait chanté une dernière fois sa chanson…

Léonard et Toba ; le jardinier Antoine ; les Kanapoutz.

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, rue Sésame partage donc la vedette avec l’île de Casimir depuis avril de cette année. Si le choix avait été laissé à Christophe Izard, cela n’aurait pas été le cas. Mais la chaîne a préféré faire l’acquisition de cette nouvelle adaptation de Sesame Street plutôt que de la voir aller ailleurs. Tant mieux pour nous, nous avons encore plus d’amis dans le poste ! L’émission est donc une adaptation. Les Américains sont très soucieux du respect des obligations contractuelles que cela suppose. Ainsi, la diffusion de séquences issues du programme original doit être supérieure de deux minutes aux séquences françaises. À cette époque, les responsables américains admettent aussi plus volontiers que le show trouve ses origines, entre autres, dans la volonté de faciliter l’apprentissage de la lecture aux « minorités ethniques » des États-Unis. Dans cet état d’esprit, la présence de Roger Elcourt, métis, parmi les comédiens, est par exemple très appréciée. En revanche, pour les séquences propres à la France, l’équipe a carte blanche. Toccata et Mordicus sont donc de véritables créations, s’inspirant certes des modèles originaux. Ils cohabitent avec les hommes, femmes et enfants de la rue Sésame (dont le numéro vient du fait que la diffusion est sur la première chaîne) : pour la première année, Roger bien sûr, le bricoleur, Clémence et Odile, les enfants Fabienne et Rodrigue, et l’épicier Maxime. Au printemps de l’année suivante, nous ne croisons plus les deux enfants, et Maxime cède son commerce au père Dominé. Le duo de marionnettes devient trio, avec l’arrivée de l’escargot Trepido (Catherine Coste pour la voix), à la rentrée. Le gastéropode devait s’installer plus tôt et s’appeler Subito, mais en chemin, les choses ont changé. Entre-temps, la rue s’est dotée de trois nouveaux habitants : Marie-Lise, Catherine et Vendredi. Il faut croire que 1979 est l’année des trios, puisque Roger, Dominé et Toccato forment un groupe, nous régalant de leurs compositions… c’est le Trio Sésame ! À la rentrée 1980, l’émission s’offre un nouveau générique… avec des « cartons »

De gauche à droite : Catherine (Diane Dalby) ; Roger (Roger Elcourt) ; Dominé (Réné Lafleur) ; Trepido (Catherine Coste) ; Odile (Édith Garnier) ; Marie-Lise (Nicole Evans) ; Mordicus (Georges Mosca) et Toccata (Lucien Morisse).

fixes. Fort heureusement, la chanson de Claude Routhiau est toujours là. Le générique de fin est composé de dessins envoyés par les jeunes téléspectateurs. On peut retenir deux évolutions notables : des séquences instructives sont filmées en extérieur et désormais, celles issues de la version originale sont annoncées par une sorte de générique, où l’on voit deux mains ouvrir une carte « pop-up » à l’effigie d’Ernest et Bart, montrant la scène d’un théâtre faisant apparaître le titre « Au théâtre Sésame ». Les séquences américaines de l’émission sont extrêmement variées : marionnettes, animations, reportages, etc. Elles ont quand même leurs stars. Kermit en fait partie, même s’il n’a pas ici la voix de Roger Carel (on note du coup que la grenouille officie à la même période sur deux chaînes ) ; Ernest (le naïf) et Bart (le grognon) bien sûr ; Grover dans son restaurant ; Vampirouette, l’obsédé des chiffres ; Hyacinthe, le gentil bourru ; et évidemment, Macaron l’affamé ! En dessin animé, on aime bien suivre les courtes enquêtes de Billy Jo et Suzette Soleil… La dernière habitante notable à rejoindre la plus célèbre rue de la première chaîne est Augustine (et son petit accent chantant), en 1981. Malheureusement, tout le monde est contraint de déménager le 24 juin 1982. On murmure que l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir l’année précédente a influencé la décision de ne pas reconduire cette émission, trop marquée par son origine américaine. Ironiquement, la dernière s’appelle Voyage aux Amériques… et pour cause : tous sont invités en vacances au pays de l’oncle Sam, à Sesame Street, par le cousin américain Johnny Mordicus !

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