E69-EBOOK

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le magazine du design graphique et de la communication visuelle/numĂŠro 69/janvier 2001/70 francs


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Michel Chanaud Patrick Morin

15, rue de turbigo, 75002 paris Tél. : 33 – 01 40 26 00 99 Fax : 33 – 01 40 26 00 79 Rédaction en chef - Direction artistique Michel Chanaud mchanaud@pyramyd.fr Patrick Morin pmorin@pyramyd.fr Maquette Alice Andersen, Camille Baladi. Création graphique et maquette © PYRAMYD Création, A leur avis, Livres, Expos, Images… Guillaume Frauly gfrauly@pyramyd.fr Léonor de Bailliencourt ldb@pyramyd.fr Ont participé à ce numéro Ulf Andersen, Lewis Blackwell, Nicolas Charavet, Isabelle Durand, Éric Fossoul, Marie-Pierre Guiard, Philippe Quinton, Isabelle Souveton, Maylis de Vivies. événements et relations extérieures Véronique Marrier (00 54) vmarrier@pyramyd.fr Publicité au journal Nadia Zanoun (03 51) nzanoun@pyramyd.fr Emploi, produits, services : Dulce Joao (02 77) djoao@pyramyd.fr Abonnements Tél. : 33 – 01 40 26 02 65 Fax : 33 – 01 40 26 07 03 lrobic@pyramyd.fr Prix pour 10 numéros : 680 FF France 850 FF CEE, DOM TOM – 980 FF autres pays Flashé par Transparence Imprimé par Imprimerie Saint-Paul • Bar-le-Duc sur Hello Silk 135 g/m2 couverture sur Hello Gloss 250 g/m2

Il était une fois…

Productions SAPPI Fine Paper Europe, distribuées par Libert. Directeur de la publication Michel Chanaud (mchanaud@pyramyd.fr) N° de commission paritaire : 75280 Dépôt légal à parution – ISSN 1254-7298 © ADAGP Paris 1999 pour les œuvres des membres. Cette publication peut être utilisée dans le cadre de la formation permanente.

hors-série Émergence, la jeune création graphique française est paru. Lire pages 10/11, 66.

Ce numéro contient 3 encarts brochés : 2 pages Fedrigoni entre les pages 56/57, 2 pages Dalum entre les pages 64/65, 4 pages Libert entre les pages 72/73. étapes Graphiques est éditée par PYRAMYD NTCV Société Anonyme au capital de 500 000 F dont les principaux actionnaires sont M. Chanaud & P. Morin. 15, rue de Turbigo, 75002 Paris. Tél. : 01 40 26 00 99 R.C.S. Paris B 351 996 509 Pyramyd édite également Bloc Notes Publishing, le mensuel du savoir-faire en multimédia, Internet, création et prépresse, la lettre d’information et le site de la librairie Artdesign sélection et le catalogue de Pyramyd formation.

Le coupon d’abonnement est en pages 57/58 proFessioNNelle

“Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages ou images publiées dans la présente publication, faite sans l’autorisation écrite de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon”. (Loi du 11 mars 1957, art 40 et 41 et Code pénal art 425) • Le magazine n’est pas responsable des textes, photos, illustrations qui lui sont adressés • L’éditeur s’autorise à refuser toute insertion qui semblerait contraire aux intérêts moraux ou matériels de la publication. Toutes les marques citées dans étapes graphiques sont des marques déposées ainsi que le logo “Étapes graphiques” et sa marque .

ulf andersen

É d i t o r i a l

en couverture Ce Super Discount en provenance direct du Japon, généralement imprimé en sérigraphie sur papier fluo jaune, est ici imprimé en Pantone fluo avec deux passages pour le rouge et quelques mélanges pour le jaune sur fond argent.

Il pleuvait. Ambiance humide dans le bus, tassée aussi. Elle lisait, enroulée autour de la barre. Presque de dos, elle plongeait régulièrement son visage dans une revue qu’elle paraissait décortiquer. Elle l’ouvrait par le début puis par la fin, s’arrêtait, lisait probablement, puis recommençait. Approche instinctive, que cherchait-elle ? De temps en temps, elle semblait passer sa main sur le papier, le caresser et le sentir encore. Intrigué par ses gestes connus et reconnus, je devenais curieux, mais la foule endormie faisait barrage. Que lisait-elle? Vint l’arrêt. Décompression, passage en force. Plutôt petite, c’était aisé de regarder par dessus son épaule. Enfin, et pour la première fois, je croisais un de nos lecteurs ou plutôt une lectrice attentive dans un lieu public. Étrange sensation que de partager les mêmes sentiments, presque physiques, face à ce premier hors-série encore “frais”. Non seulement regarder les pages, les lire à demi-mots – à demi-images – mais aussi peser le papier, respirer l’encre, appréhender l’ouvrage. En l’observant, je m’observais. Soudain, de peur qu’elle disparaisse, je lui ai parlé. Un peu crâne, je lui ai révélé que ce numéro d’Émergence qu’elle s’appropriait, était né de nos envies. Étudiante en graphisme, elle l’avait acheté le matin même. Nous avons un peu discuté et puis elle a dû descendre. Je lui ai souhaité une belle nouvelle année, et le bus est reparti. Les premières fois sont émouvantes. Il y a comme ça des histoires vraies qui ressemblent à des contes et qui arrivent au bon moment. Toute l’équipe d’Étapes Graphiques et de ce hors-série vous souhaite une belle entrée dans le siècle !  1.2001

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C R É A T I O N par GUILLAUME FRAULY

Le son est image Depuis 1970, sous la direction de Pierre Boulez, l’Ircam (Institut de recherche et coordination acoustique/Musique) s’attache à promouvoir une interaction féconde entre recherche scientifique, développement technologique et création musicale contemporaine. Il y a deux ans, l’institution fait appel à JeanFrançois Rey, jeune étudiant autodidacte de l’Esad Amiens, pour travailler sur un projet de “mise en scène” du son, destiné aux différents ateliers pour enfants du Centre Pompidou. Ce projet deviendra un produit pédagogique, aujourd’hui diffusé auprès des passionnés du son. C’est ainsi que naît le cédérom 10 jeux d’écoute, édité par la société Hyptique.net, nouvel éditeur multimédia, qui a lancé la collection “Musiques tangibles”. Le projet nécessite une approche visuelle particulière, car le son n’a pas encore trouvé de représentation universelle pour les néophytes. Fruit d’une recherche scientifique et d’un travail pédagogique, comment faire en sorte qu’il soit ludique pour les enfants ? Sous la direction de Marie-Hélène Serra, le jeune graphiste collabore avec un compositeur italien, Jacopo Baboni Schilingi, conçoit le produit et s’occupe de sa représentation graphique, inspirée de celle de son mentor, Jean-Luc Boissier. L’univers visuel est celui du jeu. Il rappelle celui du modélisme. Le graphiste ne souhaitait pas dupliquer les univers communs à la plupart des titres du marché, mais créer une architecture spécifique et détonnante. L’aspect construction, comme un Meccano, donne toute sa valeur au titre, réellement interactif. Il s’agissait d’osciller entre l’univers du jeu et celui de l’exercice. L’aspect minimaliste est renforcé par l’utilisation de filets sur fond noir (une évocation de l’ardoise scolaire). La navigation est intuitive, tout comme les nombreux exercices. L’interface reste simple, rationnelle, justifiée. Elle représente un lieu imaginaire mais accessible, du moins pour la jeune génération ! Le système tient compte du côté aléatoire des réponses des utilisateurs. Pour ceux qui connaissent l’Ircam, où chaque porte dissimule des trésors, l’arborescence est à l’image du lieu. Représenter le son, son identité, son enveloppe est une nouveauté pour beaucoup. L’ordinateur rend le projet possible. Cette approche préfigure peut-être une nouvelle représentation des éléments.


création

Édition

Votera ?

Tout est là !

Comment convaincre les jeunes de voter ? Avec des codes qui leur parlent. L’agence publicitaire Reflexadvertising, commissionnée par le collectif Cidem (Civisme et démocratie), utilise le procédé Flash à la télévision. Un recours surprenant, et surtout une première. Le discours est provocateur : le téléchargement est interrompu faute de carte d’électeur. Autre procédé, même combat : l’atelier de création Vendredi14 a réalisé la campagne pour la ville des Mureaux. Cette fois, le traité est photographique. Plus sobre, le discours n’en est pas moins fort : le parti pris va à l’encontre de la figuration illustrative classique. Ces 2 campagnes rebondissent sur la représentation de l’électeur pour le suggérer sans le montrer. On peut aussi imaginer que ce choix (ne pas faire appel à des modèles) représente une économie de moyens, tout en personnalisant le discours et en responsabilisant le citoyen. Mission accomplie !

Les clips deviennent un marché tenu par les jeunes talents ! La plupart des vidéos récentes ont été réalisées par des inconnus de la profession. L'exemple de François Vogel, infographiste chez Mikros Image, est typique de cette tendance : à 25 ans, ce jeune infographiste diplômé des Arts Déco, signe son premier clip pour Kent (production Entropie/Barclay). Une création haute en couleurs et en mouvements, un univers décalé d'une ville miniature dans lequel le chanteur déambule. Toujours obsédé par le relief et la perspective (voir Faux Plafond ou Riante Contrée, 2 de ses courts-métrages), le réalisateur nous livre un regard décalé sur Bruxelles, le lieu de tournage. La post-production est signée de François Colou (Mikros Image). Les trucages ont été effectués à partir d'un plan-séquence et de rushes qui ne se suivent pas : chaque image a été retravaillée, mise en place et refilmée par le réalisateur, plan par plan ! Le résultat surréaliste est complètement chimérique.

Julie Joliat Dans l’édition touristique, il faut désormais compter avec le livre Destination Amsterdam de Julie Joliat. Certes ce n’est ni le premier ni le dernier, mais l’approche graphique non conventionnelle, très brute, le différencie des autres. En 4 chapitres, la graphiste suisse nous montre et nous explique Amsterdam, le jour, la nuit, ses gens, ses caractéristiques… Les prises de vue sont toujours présentées sur des doubles pages en faisant en sorte de plonger le lecteur dans le visuel. L’utilisation de la typographie rythme cet appel à l’évasion. Pour être présent dans cette rubrique, contactez Guillaume Frauly.

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création

Frais Le rapport annuel continue de muter. L’image est plus présente; l’ouvrage devient magazine. C’est aussi le constat de l’agence britannique Navy Blue, l’une des spécialistes du support Outre-Manche. L’agence écossaise vient en effet de remporter le trophée 2000 du meilleur rapport annuel bri-tannique avec cette création pour le grossiste en produits frais, Geest : un rapport qui met en scène les ustensiles de cuisine en pleine page vantant, par là même, la fraîcheur de ses produits. L’agence a fait appel au photographe David Loftus qui signe ces superbes clichés.

Érotique

A contre-courant

Le premier Lisbon Erotic Adverstising Festival s’est tenu en novembre dernier à Lisbonne. Ces 3 jours d’érotisme publicitaire ont rassemblé des créations sexy de 39 pays. La condition pour participer : envoyer une création à caractère érotique ou sensuel déjà vendue et diffusée pour un commanditaire depuis 1996. Organisée par James Lanham, éditeur de Prisma Magazine, la manifestation a primé l’agence McCann Erickson Portugal et son directeur de création, Joao Taveira, pour la campagne Coffee Bean. Un numéro spécial de Prisma a été édité à cette occasion.

Harvey & Hibby sont les 2 anti-héros, incarnés en fashion victims, du second film publicitaire que l’agence londonienne Mother a réalisé pour l’enseigne Harvey Nichols. L’humour fin et décalé fonctionne pour le prêt-à-porter OutreManche. Tout repose sur la personnalité précieuse et le ton suranné que véhiculent les deux peluches, en autodérision du milieu de la mode. Le spot, réalisé par Acne International et post-produit par The Moving Picture Company, met en scène les personnages à partir de clichés du photographe Johan Fowelin. Leurs mouvements mécaniques, copiés sur ceux des jouets, sont simples et efficaces pour une cible d’éternels adolescents.

Le Club des directeurs artistiques britanniques lance son appel à participation. La date limite des envois, quelle que soit la catégorie, est fixée au 19 janvier 2001. renseignements : http://www.adcny.org.

Loi des séries A l’exemple du jeune duo Jacob & Jannelle, nombreux sont les studios, agences ou marques qui éditent des calendriers pour se promouvoir. L’idée n’est pas nouvelle, mais offre une relative communication – par ailleurs inexistante – et permet aux créatifs de travailler sans contraintes. Il s’agit, en fait, d’état d’humeur et cela permet de travailler sur une série, ajoute Maroussia Jannelle.

Pour être présent dans cette rubrique, contactez Guillaume Frauly.

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création

Identité

Mets de l’huile La nouvelle huile d’olive haute gamme s’appelle Belazu. Sa bouteille est ronde à base carrée, contre tout monolithisme. Le logo minimaliste forme un olivier de loin, et devient de près une main tenant une olive. Janice Davison de Turner & Dukworth s’est inspirée du verre fumé des bouteilles de vinaigre balsamique pour assaisonner son concept en surfant sur la tendance luxe qui touche toutes les huiles.

Huuue

Pro-filer

G&M Compagnie a renouvelé l’identité de France Galop, l’institution qui organise, promeut l’élevage et assure le bon fonctionnement des paris. L’agence s’appuie sur les codes du luxe et revient à l’image des courses d’autrefois. Le prestige, l’excellence devraient permettre de sauver une activité en pleine expansion, dont l’image est tirée vers le bas. Une création signée de MarieClaude Morrazzani et Sylvie Legay-Galard. G&M s’occupe aujourd’hui de la signalétique des hippodromes.

Air France affine l’identité visuelle de ses classes en donnant plus de lisibilité au “sens du recevoir”. d*/g est intervenue à tous les niveaux de la création pour fédérer des identités trop distinctes par des filets, un code couleur et un choix typographique fort. Deux classes sont rebaptisées (l’”espace” Affaires et l’”espace” Première). Le directeur artistique, Alain Doré; l’architecte, Éric Girard; et le graphiste, Élie Hasbani, font le pari inédit de la personnalisation de l’espace individuel pour le passager. L’habillage des 150 avions de la flotte sera effectué d'ici à juillet 2001.

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Chaud etc C’est en jouant sur le confort et par l’ajout de visuels sur ses gobelets en carton que ce cafélibrairie londonien a réussi à séduire une nouvelle clientèle. L’environnement et les petits gestes sont devenus primordiaux. Devant le succès de l’expérience, Books etc compte ouvrir de nouveaux magasins dans le monde. Une création de Simon John et Stuart Mackay de l’agence Ergo.

• La date limite d’envoi des projets de webfiction pour le prochain FIFI, le Festival international du film de l’Internet, est fixée au 31 janvier 2001. Renseignements : http://www.internet-film.org • L’oscar de l’emballage IFEC 2000 a été attribué au nouveau bidon Teisseire • A Valenciennes, 3 000 personnes ont assisté aux 2e Rencontres européennes de la jeune création numérique • Sophie Level devient directrice pédagogique de Strate College • Philip Dubois quitte Carré Noir pour Lux Modernis, et devient responsable de l’activité nouveaux médias • Wolff Olins signera l’identité visuelle du portail OTPL (Online Travel Portal Limited) • La publicité progresse plus vite en Europe qu’aux États-Unis, le phénomène “dot.com” qui touche le vieux continent y est pour beaucoup ! • Le syndicat des producteurs de beurre AOC, qui a lancé un concours de design de beurriers, vient de remettre ses prix : Aline Pelanne, Jérémie du Chaffaut, Alice Feffer de l’Esag et Estelle Barreau, Nicolas Dunglas, Laurence Fleury de l’Ensad ont été primés par le commanditaire • Textuel a été élue meilleure agence d’édition de l’année 2000 pour la deuxième fois consécutive par le Grand Prix de l’information décerné par l’Ujjef • Les Anglos-Saxons possèdent un nouveau billet : à quelques jours de l’euro, ce petit nouveau voit le jour ! Une création de l’équipe interne de la Banque de Grande-Bretagne • Temps Réel Productions & Mille et Un ont remporté, jeudi 7 décembre lors des Narrowcast Content Awards, Pour être présent dans cette rubrique, contactez Guillaume Frauly.

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création

Artsworld L’homme est le seul lien entre les arts : c’est ce qu’ont déduit les créatifs de Hobbins Side en travaillant sur l’habillage d’Arts World, la nouvelle chaîne britannique qui couvre toutes les disciplines artistiques. L’agence de design audiovisuel a raflé le concours non rémunéré (assez rare pour le souligner) et très convoité pour la conception des éléments on air et off air. Andrew Sides, directeur de création de l’agence ne pouvait pas trouver un sigle fédérateur de tous les arts. L’identité repose donc sur la texture et le mouvement, l’idée du “lien” abstrait que représente l’ellipse dessinée par l’homme.

Soleil vert Après avoir actualisé l’identité visuelle de Marks & Spencer (EG 64), Newell & Sorell se penche sur les conditionnements de la marque propre, en rationalisant l’ensemble des gammes alimentaires. Le système très souple et déclinable séduit les britanniques, grands consommateurs de sandwiches. Une création signée de Rodney Mylius.

Divorce Andersen Consulting devient Accenture et se sépare d’Arthur Andersen, à l’issue d’un imbroglio juridique. Le nouveau nom reflète plus concrètement l’activité de l’entreprise : le conseil en management et en développement des nouvelles technologies. Le sigle illustre une organisation tournée vers le futur, pour reprendre les termes du président directeur général Joe Forehand. L’ancien logo, signé Landor Associates, est aujourd’hui la propriété juridique et commerciale d’Arthur Andersen.

Eve, Guillaume et Isaac Quetzal crée une marque pour imposer, en CHR (café hôtels restaurants), Pulpom, un jus de pomme traditionnel des Vergers du Tronquoy. Pourquoi changer de marque et d’identité pour vendre un même produit ? Le CHR nécessite une autre séduction, commente Ludovic Bigo, directeur de l’agence. La clientèle est plutôt féminine, et plus jeune qu’en grande distribution. Les nouveaux atouts du produit : il est ludique et collectionnable.

ancien logo

nouveau logo

le Grand Prix du meilleur programme publicitaire de la Web TV pour les aventures de Mimi la souris, une étonnante bannière interactive • Le Lab production, qui fête ses 5 ans d’existence, ouvre un bureau à New York • La photographe autrichienne Eva-Maria Riegel a été primée, lors des 4e London Photographic Awards, pour ses clichés sur le thème de “la Mémoire“ • Mazars mise sur les talents de demain en organisant son premier concours européen pour la création de sa carte de vœux. Le groupe d’audit et de conseil a fait appel aux étudiants de 3 écoles d’arts graphiques : Olivier de Serres, à Paris; Massana, à Barcelonne; et le Royal College of Art, à Londres. Le projet de 2 élèves d’Olivier de Serres, Pierre Volto et Eri Vongara, a été retenu. Les deux jeunes créatifs en herbe ont reçu un chèque de 10 000 F • Streampower.net remporte deux 1er prix aux Narrowcast Content Awards, les trophées de la Web TV. Le 1er prix récompense la visite virtuelle de l’Hôtel Matignon et, le 2e prix le programme d’information de TransfertTV • The Brand Company (agence du groupe TBWA) propose un “pack de lancement” aux sociétés Internet. L’offre va de la création du nom à la conception graphique du site, sans oublier l’identité visuelle et la charte graphique sur cédérom • Fernando Gutièrrez, le dernier associé de Pentagram, vient d’être choisi pour s’occuper de la direction artistique du magazine Colors • Pour être présent dans cette rubrique, contactez Guillaume Frauly.

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p r é s e n c e par marie-pierre guiard

Isabelle Tisserand anthropologue numérique

Chez Isabelle Tisserand, plusieurs strates cohabitent. La strate anthropologue, élaborée sous l’égide de Lévi-Strauss et de Soustelle, la strate psychanalytique et psychiatrique, indispensable outil pour l’étude des groupes humains, la strate pédagogue, pour convaincre et sensibiliser ses pairs et enfin la strate médicale, nouvelle formation alimentant un terrain déjà fertile. Jeune anthropologue médicale de 37 ans, Isabelle a décidé de délaisser le passé au profit du futur. De la prévention sanitaire pour l’OMS à la prévention sécuritaire pour des entreprises utilisatrices des réseaux : un pas qu’elle n’a pas eu peur de franchir. Cette exploratrice des sciences sociales part toujours en mission, mais la jungle informatique s’est substituée aux forêts subéquatoriales. Pour XP Conseil, entreprise spécialisée dans la sécurisation des systèmes d’information, elle étudie les us et coutumes des hackers, des pirates et des nouveaux cybercriminels pour former les hommes à la pratique sécuritaire, et à leur propre protection.

Pourquoi vous êtes-vous intéressée à la communauté cyber ?

Je me suis définitivement écartée de l’anthropologie exotique tandis que je me trouvais en Colombie, en train de finir ma thèse de doctorat. Ce que j’y ai vu m’a profondément choquée ; des enfants sniffaient de la colle et tuaient des hommes pour se faire accepter dans des communautés délinquantes. J’ai ressenti une vraie rupture entre le système d’analyse anthropologique, qui consiste à consigner et publier des informations sans se soucier de ce qu’elles deviennent dans le futur, et les problématiques contemporaines. J’ai compris qu’une culture est un corps élastique, qui est tout sauf fossilisée et figée. Une culture est une chose qui grossit, qui maigrit, qui se mixe, qui rejette des éléments. En terminant ma thèse, j’avais davantage envie de demander aux Indiens comment eux nous percevaient que l’inverse. Les sciences sociales se sont construites, il ne faut pas l’oublier, sur un théorème d’Hérodote, cinq siècles avant Jésus-Christ, qui proclamait que seul l’homme blanc était apte à analyser l’étranger… L’émergence des nouvelles technologies constitue aujourd’hui un mouvement planétaire. Si l’on étudiait l’archéologie de l’ordinateur dans deux cent cinquante ans, on découvrirait, recouvrant 22   1.2001

la planète, une strate de matériaux informatiques mêlée à une autre de capsules de Coca-Cola… Alors que je me trouvais sur le continent même où l’anthropologie est née, j’ai éprouvé le besoin de m’interroger sur les conséquences sociales et tribales de ces nouvelles technologies. Vont-elles introduire une notion d’équité, de réel partage des connaissances et des compétences ou bien va-t-il y avoir des pare-feu, des firewalls qui empêcheront les nouvelles technologies d’atteindre ces Indiens ? C’est à ce moment-là, peut-être par intuition, que j’ai senti que l’anthropologie devait évoluer vers ce que l’on appelle aujourd’hui l’“anthropologie numérique”. En quoi consiste l’anthropologie numérique ?

Il s’agit d’étudier les sociétés artificielles. Alors que par le passé les groupements humains ont émergé parce qu’il existait une mythologie, une tradition, un choix de bienfait géoclimatique naturel, des sociétés aujourd’hui apparaissent artificiellement pour répondre essentiellement à des enjeux économiques. Les nouvelles technologies constituent un matériel culturel très important puisqu’elles sont à l’origine de la création de sociétés artificielles. Il y a société artificielle lorsqu’il y a apparition de référents, de langages codés, de rythmes, de rituels, d’habitudes vestimentaires, alimentaires… Nous sommes donc bien aujourd’hui en face d’une société artificielle, dont les manifestations concrètes sont l’entreprise, le bureau, l’informatique. Et, chose fascinante, cette société artificielle est connexe à des sociétés cette fois virtuelles, qui se créent et se développent à l’infini, échappant à toute les lois de la statistique, à travers des cyberespaces qui composent le cybermonde. Cette lecture anthropologique a donné naissance à une nouvelle discipline que j’ai eu la chance d’étudier et d’enseigner par la suite, l’anthropologie médicale. Elle consiste à analyser ce qui, dans une société traditionnelle ou artificielle, va contribuer à l’équilibre des personnes ou à l’inverse, faire l’inventaire de tous les éléments qui vont contribuer à leur déséquilibre. On obtient ainsi tout un stock d’informations qui nous permet de construire de la prévention et des méthodes pour gérer les crises. Quels sont les risques de cette société artificielle ?

L’absence de sécurité constitue un des risques majeurs de cette société. Pour bien en prendre conscience et construire de la prévention, il a d’abord fallu décortiquer la bête, l’ordinateur, cette boîte qui nous contraint à une relation totalement isolante, l’IHM,


– l’interface homme machine – et en étudier les impacts. Il s’agit à la fois de trouver une façon d’aider les utilisateurs connectés à protéger leur patrimoine, et d’étudier les raisons pour lesquelles, malgré les parades techniques, on n’est plus en mesure de sécuriser suffisamment les environnements virtuels contre les piratages d’informations et les attaques virales… Il y a en fait trois patrimoines à protéger dans une entreprise : le patrimoine matériel, bâtiments, meubles ; le patrimoine immatériel, les informations professionnelles et nominatives ; et le patrimoine humain, qui est fondamental. Concernant l’homme justement, quels sont les risques auxquels il est exposé ?

On a longtemps cru qu’en informatique, on était maître de la machine mais ce n’est pas vrai, cette machine aussi émet des radiations. Sur le plan physique, on voit apparaître des migraines provenant de troubles oculaires, un certain nombre de maladies de peau faciales, des dermites relativement pénibles à soigner liées au stress et à cet isolement devant l’écran. On voit également apparaître des troubles alimentaires, des troubles du sommeil avec une hyperactivité nocturne et la sensation en rêve que l’on est encore en train de travailler, connecté à l’ordinateur. Ces rêves numériques sont totalement en prise avec la réalité et peuvent parfois produire des informations utilisables dans la vie réelle. Nous continuons de les étudier pour en comprendre le mécanisme et trouver des antidotes. Sur le plan psychique, il existe des risques liés à l’utilisation isolante homme/machine qui peuvent avoir des impacts dans le relationnel d’une équipe. Enfin, dernier risque et non des moindres, la cyberdépendance qui pousse à plus ou moins longue échéance à avoir recours à des soutiens dopants du type café, Coca, cigarette à haute dose. Vous êtes aujourd’hui responsable de la gestion des risques sociotechniques en entreprise, comment se déroulent vos missions sur le terrain ?

Mon travail consiste, avant tout, à convaincre les acteurs de la politique de sécurité d’entreprise qu’il faut d’abord commencer par protéger les personnes et les équipes. Si une équipe ne se sent pas protégée, considérée, je ne vois pas comment elle pourrait entrer dans une dynamique de responsabilité partagée sur le patrimoine et sa sécurité. Il faut en finir avec les tabous de l’homme bioïonique, qui n’a ni peur ni émotion, ou du facteur humain perçu comme quelque chose d’irrationnel que l’on ne peut

pas quantifier… Les sciences sociales apportent, avec un maximum d’éthique, une méthodologie qui vise à rationaliser toutes les problématiques relevant du comportement professionnel de la personne. On ne peut pas atteindre un excellent niveau de professionnalisme en sécurité sans formation. Il peut s’agir d’apprendre aux personnes chargées de protéger un site à se débarrasser d’un certain nombre d’angoisses, ou d’expliquer aux salariés pourquoi, par exemple, il faut éviter d’ouvrir des mails inconnus contenant des pièces attachées. Faire comprendre les dommages encourus pour l’entreprise mais également pour les personnes elles-mêmes. Lorsqu’une attaque virale parvient à briser la totalité d’un réseau, des emplois disparaissent, des vies privées sont détruites et des qualités de vie sont perdues… Le risque est une réaction en chaîne, et l’on est tous concernés. Est-ce pour ces raisons sécuritaires que vous avez fait une étude sur les hackers ?

Je trouvais le discours sur les hackers très injuste, il ne faut pas faire d’amalgame entre hackers, pirates et cybercriminels. Le mouvement Hack est né dans les années 70, au Massachusetts Institute of Technology, il a tout de même donné naissance au premier système informatique. Les hackers sont donc des chercheurs en intelligence artificielle qui possèdent un code d’éthique, des normes, des référents culturels, plusieurs langages cryptés oraux, graphiques et écrits… Il s’agit d’une société extrêmement élaborée. Lorsque la pratique de l’informatique est arrivée dans la sphère du privé sont apparus des pirates, copiant ou cassant des logiciels, se communiquant des outils pour créer de nouvelles attaques virales. On recense par exemple aujourd’hui pas moins de vingthuit versions différentes de scripts du virus “I love you”. Nous sommes donc bien face à l’émergence d’une population qui s’approprie des programmes de façon illégale. Il existe enfin une troisième et dernière population apparue récemment et sur laquelle je travaille, les cybercriminels, qui pratiquent l’espionnage industriel. Le réseau des réseaux étant international, la difficulté est de parvenir, aujourd’hui, à une analyse et à une prévention des risques qui puissent mettre tous les pays d’accord. Pourtant, plus nos recherches avancent et plus elles confirment la nécessité de travailler sur le plan comportemental pour lutter contre ces piratages. La plus grande vulnérabilité informatique n’est pas technique, elle est et elle demeure humaine. ■

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s t u d i o par guillaume frauly

Bienvenue dans le monde réel “Tout est possible à Kesselskramer” : le site donne un avant-goût de l’esprit de cette jeune agence de communication hollandaise. Les 1 500 autocollants aux couleurs de l’Ajax collés en quelques heures dans Amsterdam pour promouvoir un événement du club, c’est elle ! Des campagnes qui ventent les points... négatifs d’un petit hôtel hollandais, c’est encore elle ! Le duo fondateur de Kesselskramer n’en est qu’à ses débuts. Voilà six ans que cette agence sévit, dérange, amuse, choque, interpelle sur fond d’exubérance post-kitch et parle de l’habitude comme d’un ennemi. 1.2001

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4 En ouverture : Quelques mois après la création de l’agence, Kesselskramer investit les locaux d’une vieille église désaffectée, située dans le centre historique d’Amsterdam. Cette incursion particulière lui vaut un certain nombre d’articles de la part des revues d’art contemporain ou d’architecture. Un collectif d’architectes, d’artistes et de graphistes, intitulé FAT (Fashion Architecture Taste) a même été créé pour entretenir le lieu et répéter l’opération ailleurs, dans d’autres villes, d’autres pays.. 1 à 6 : “Do” est l’un des premiers projets de l’agence, toujours d’actualité. En 1996, Kesselskramer est contactée par l’équipe d’un nouveau musée à Amsterdam, conçu par l’architecte Enzo Piano. Sa mission : trouver un nom et concevoir une identité pour ce musée de “gadgets interactifs”. Or, Kesselskramer se brouille avec les commanditaires, abandonne la commande mais garde l’identité créée : une empreinte de doigt 6. Nous voulions garder l’idée d’une diversité de création et trouver d’autres applications au concept, explique Erik. La marque est née, sans produits ni

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services. Ils suivront au gré des idées. Do est une marque propre, expérimentale qui permet à l’agence de renverser les vieilles approches marketing obsolètes. Do TV 45 par exemple, a vécu 24 heures; elle a rassemblé des intervenants et des mordus du petit écran sur le site do-tv.com : journalistes, gourous de la culture, enseignants… pour débattre ensemble de l’avenir de la télévision. Le site accueillait 9 chaînes (sociale, adulte, information, cinéma…) avec ses invités spéciaux de… 39 pays différents. Un ouvrage 123 qui rassemble les différents propos traités a d’ailleurs été édité par l’agence (http://www.dosurf. com). Mais Do peut donner naissance à toute sorte de produits, des parapluies à des logiciels informatiques. Do est avant tout une histoire de communication.

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Kesselskramer préfère mettre en scène ses réalisations plutôt que de les rassembler au sein d’une plaquette. Elles sont régulièrement utilisées sur les cartes de visites.

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7 à 0 Il y a 6 mois, Kesselskramer éditait un nouvel ouvrage ou plutôt un catalogue présentant ses travaux (une cinquantaine d’entre eux a déjà été publiée en 5 ans). Les passionnés pourront y découvrir sa collection d’affiches, des points de vue sur l’avenir de la télévision, ou encore une réflexion sur la publicité au sein d’une société multiculturelle. Ce catalogue fait aussi office de plaquette de présentation de l’agence.

maginez ce qui n’existe pas encore : c’est autour de cette idée qu’Erik Kessels et Johan Kramer fondent Kesselskramer en 1996. Après quelques années passées au sein d’agences “traditionnelles” (Ogilvy & Mather, Loewe, BDDO...), Erik et Johan se retrouvent à Londres. Le jeune duo, épris de liberté, ne supportera qu’un temps les interminables réunions et les sempiternels intermédiaires qui “flouent le brief et les relations créatif-client” en “terrassant la créativité”. De retour aux Pays-Bas, ils créent l’agence autour d'un concept très simple : travailler directement avec leurs clients. On gagne en vitesse et en créativité. Le processus de production n'est pas plus compliqué : la marque, la stratégie, la création. L’agence est donc divisée en trois parties. Le premier client, le Brinker Budget Hotel, leur restera fidèle. Le deuxième les convaincra qu’il faut être critique dans le choix des clients et s’en séparer si besoin est. Ni concession ni travail bâclé. Un mois après la naissance de l’agence, Nike et Heineken frappaient aux portes de l’église qu’elle avait investie. Levi’s ou l’Ajax Amsterdam suivront. Tous viennent chercher cet humour corrosif et ce style décapant qu’offrent les deux créatifs, mais qui émerge après une étude sérieuse de la marque et de ses besoins. Le public apprécie. Il n’est pas considéré comme un débile ! L’approche sociale est toujours présente dans nos créations. Communiquer avec des handicapés pour la marque de chaussures Shoebaloo, c'est aussi générer un débat. Nous ne jouons pas sur la provocation. Nous plaçons les gens dans une situation positive. Partant du principe que les consommateurs baignent dans la pub depuis leur petite enfance et qu’ils connaissent le langage des publicitaires souvent bien mieux que les annonceurs eux-mêmes, l’agence joue la carte de la franchise sans pour autant manquer d’humour. Il faut personnaliser une marque, l’engager, faire en sorte qu’elle devienne un interlocuteur. Alors les personnes voudront lui répondre, surtout si elle prend position en se démarquant. Mais Kesselskramer, c’est aussi des courts-métrages, des documentaires, des projets éditoriaux, des ouvrages... Tous sont disponibles sur Internet, tout comme les produits de la marque Do, une marque expérimentale initiée par l’agence. L’occasion de travailler autrement et de tourner la page avec l’ancien procédé marketing. L’équipe s’attache aujourd’hui à trouver d’autres applications du concept, comme la télévision, Do TV, qui a vécu quelques heures. Certains produits Do seront disponibles dès le printemps. Croyez-vous en la réincarnation des marques ?... ■

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a à t La première chose que vous voyez en prenant un exemplaire des Visages du siècle est vousmême. Cela est dû à la couverture-miroir de cet ouvrage édité par l’agence. Il présente 101 portraits et noms de personnes nées entre 1899 et 1999. Chaque année montre un nouveau visage, de plus en plus jeune, au fil des pages. L’ouvrage ne se veut pas exhaustif, mais plutôt une réflexion sur les différences et les générations.

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y à p Avez vous entendu parler de Ben ? Le nom est aujourd’hui l’un des plus populaires de Hollande, grâce à la dernière campagne de Kesselskramer, consultée en 1998 par cet opérateur de téléphone portable. Quatre grands groupes se partageaient le marché hollandais jusqu’à l’arrivée de Ben. Cinquième et petit dernier, il souhaitait être le plus simple et le plus proche de ses clients. Kesselskramer a joué sur le

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double sens du mot “Ben” qui, en néerlandais, signifie également “Je suis”, en personnalisant la marque à chaque apparition. Les créatifs ont également veillé à ne pas utiliser de mannequins professionnels pour leurs campagnes d’affichage. Dernière astuce : il vaut mieux passer moins de spots TV, mais d’une durée plus longue (3 minutes), en prenant le temps de se présenter au public, comme le ferait une personne. Par ailleurs, la marque se différencie de ses concurrents en prônant une utilisation “responsable” du portable.

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h q à g Le Hans Brinker Budget Hotel est et restera sûrement le premier client de Kesselskramer. En 1996, le petit hôtel sans budget fait appel à l’agence pour se promouvoir à peu de frais. Les créatifs ont une idée : Qu’est ce qui fait la particularité de cet hôtel si ce n’est son nom ? Le fait qu’il y ait l’eau courante à tous les étages ? Des moustiques dans toutes les chambres ? Des lits ? Des portes qui ferment à clef ? L’humour, l’autodérision seront les bases de cette campagne internationale. Les slogans sont imprimés sur des couleurs très vives ou des flyers collés ou distribués dans les grandes capitales européennes. Un petit budget, une idée et beaucoup de provocation lui assureront une renommée elle aussi internationale puisqu’elle sera primée plusieurs fois ! En clair : Pourquoi consacrer un gros budget et mentir, alors que la seule assurance que vous aurez dans cet hôtel sera d’avoir une chambre avec un lit !, ajoute le créatif. Un spot, représentant un garage à vélo bondé avec en signature Notre parking privé, suivi d’un second spot avec le même garage…vide et une seconde signature Notre système de sécurité, tous deux diffusés sur MTV, fera entrer l’hôtel dans le cœur des ados, sa principale cible ! Check-in / Check-out En 4 ans, les réservations sont

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passées de 70 000 à 145 000 nuits par an. En 1998, l’agence se penche cette fois sur la “satisfaction des clients”, toujours sur le ton de l’autodérision, en présentant les jeunes visiteurs à leur entrée et à leur sortie de l’hôtel. h à k En juin 1999, Levi’s lance une campagne qui joue sur l’ego avec une question : Avez vous de quoi être une rock star ?, suivie de plusieurs visuels postichant quelques grandes stars de l’époque. La réponse de la marque est claire : Si vous ne pouvez pas être une pop-star, soyez un mordu des festivals. Cette campagne a été affichée en Allemagne (le Bizarre Festival) et en Belgique (le Pukkelpop Festival).

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l l Het Parool, le quotidien national hollandais fait appel à l’agence pour promouvoir certains de ses numéros spéciaux. Au moment de l’Euro 2000, le journal met en scène 16 portraits de lecteurs qui soutiennent – même s’ils aiment la Hollande – une autre équipe. Le quotidien a consacré ses derniers numéros de 1999 au thème “Le Futur”. Le titre voulait se pencher sur le siècle passé. Erik Kessels et son équipe ont opéré de la même manière en dressant le portrait de 5 centenaires, toujours lecteurs, du moins à en croire les annonces… mù La poste hollandaise voulait redorer son blason et redonner une valeur au courrier traditionnel par opposition aux e-mails. Une nouvelle collection de 10 timbres, soutenue par une campagne nationale de promotion ventant la proximité et la chaleur inhérentes à la rédaction d’un courrier affranchi d’un timbre approprié, que ce soit à une idylle, à un ami, ou aux impôts.

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wx En 1998, la marque automobile Audi fait appel à l’agence afin de concevoir une campagne teasing pour lancer la nouvelle Audi TT. Les créatifs sont partis sur l’idée du puzzle en prenant le cercle comme éléments récurrent. La troisième et dernière campagne dévoile le produit.

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t y p o g r a p h i s m e par nicolas charavet

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“L’œil japonais est ainsi contenu entre les parallèles de ses bords et la double courbure inversée de ses extrémités : on dirait l’empreinte découpée d’une feuille, la trace couchée d'une lente virgule peinte. L’œil est plat (c’est là son miracle), ni exorbité ni renfoncé, sans bourrelet, sans peau, il est la fente lisse d’une surface lisse… L’œil est libre dans sa fente, et c’est bien à tort (par un ethnocentrisme évident) que nous le déclarons bridé : rien ne le retient, car inscrit à même la peau, et non sculpté dans l'ossature. L'œil occidental est soumis à toute une mythologie de l'âme, centrale et secrète, dont le feu, abrité dans la cavité orbitaire, irradierait vers un extérieur charnel, sensuel, passionnel ; mais le visage japonais est sans hiérarchie morale… son modèle n’est pas sculptural, mais scriptural.” Roland Barthes, L’Empire des signes, 1970.


Idéographismes

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a complexité de la langue japonaise,

de part l’utilisation de différents alphabets, en fait toute sa difficulté, mais surtout sa richesse. Pour nous autres Occidentaux, la compréhension orale s’avère relativement facile, alors que la lecture et l’écriture prendront des années d’apprentissage. La langue japonaise dispose de trois alphabets majeurs : • Les kanji : une liste de 1 945 idéogrammes chinois de base auxquels sont ajoutés 166 idéogrammes supplémentaires liés aux noms et prénoms. Ces caractères devant permettre au lecteur moderne de lire la plupart des écrits actuels. Cependant la connaissance de plusieurs milliers de caractères supplémentaires est nécessaire à la lecture et à la compréhension d’œuvres antérieures à la Seconde Guerre mondiale. • Les hiragana : ils sont employés pour écrire les mots d’origine japonaise et ceux d’origine sino-japonaise. Les mots japonais sont ceux qui existaient avant l’introduction des caractères chinois (kanji) et ceux qui ont été créés ultérieurement, à partir de racines japonaises anciennes. • Les katakana : ils sont employés pour retranscrire les mots d’origine étrangère (occidentaux pour la plupart) et les onomatopées. Ils sont parfois aussi utilisés pour écrire les mots japonais et sino-japonais, mais pour des raisons stylistiques. Ils permettent de transcrire facilement les syllabes des langues occidentales. Toute phrase japonaise peut être transcrite en

hiragana ou en katakana, mais les caractères chinois doivent être utilisés pour diverses raisons. Avant tout parce qu’ils font appel à l’aspect visuel pour distinguer les nombreux homophones : les aspects phoniques et visuels renvoient ensemble au sens. Enfin, on peut considérer nos caractères latins, appelés “romaji”. Il faudra donc garder à l’esprit que tout Japonais passe la majeure partie de sa scolarité, tout du moins jusqu’à l’âge de 16-17 ans, à apprendre les fameux kanji, et qu’avant cela il est dans l’incapacité de lire un quotidien. On comprendra aussi pourquoi il est aisé pour un jeune Japonais de lire assez facilement les 26 signes de notre alphabet. Ces alphabets, ou plutôt ces signes, sont omniprésents dans la vie quotidienne au Japon. Outre le choc visuel que l’on éprouve dans un environnement urbain comme Tokyo, où se juxtaposent et s’enchevêtrent enseignes, billboards et panneaux, on ressent ce besoin d’écrire à d’autres échelles. L’art de la calligraphie fait partie intégrante de l’univers japonais. Il est lié à une culture ancestrale, symbiose entre nature et religion, et très caractéristique de la pensée japonaise. Dans son Éloge de l’ombre, publié en 1933, Junichirô Tanizaki compare le stylo et le pinceau : […] supposons que l’inventeur du stylo ait été un Japonais ou un Chinois d’autrefois, il est bien évident qu’il l’aurait muni, non point d’une plume métallique, mais d’un pinceau. Et ce serait non point une 1.2001

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1 1 Mur à Shibuya (Tokyo), 2000. 2 “Hey ! Hey ! Hey !” (Fuji TV), 2000. 3 “Numéro 1 des ventes” et “Nouveau!” (stickers provenant de “Tokyu Hands”). 4 Alphabet “Astro 2.0”, 2000. 567890 Alphabets de Maniackers Design, 2000.

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encre bleue, mais quelque liquide analogue à l’encre de Chine […]. Par voie de conséquence, les papiers de type occidental ne conviennent pas à l’usage du pinceau. Il est d’ailleurs rejoint dans son discours par Roland Barthes, pour qui […] le pinceau peut glisser, se tordre, s’enlever, la trace s’accomplissant pour ainsi dire dans le volume de l’air, il a la flexibilité charnelle, lubrifiée de la main (extrait de L’Empire des signes, 1970). A l’aube de notre xxie siècle, quelques “dessinateurs de signes” perpétuent cette tradition de recherche typographique. Et même s’il s’agit davantage de calligaphie numérique, sa coexistance avec l’écriture manuelle se fait d’une manière naturelle, sur n’importe quel support. Maniackers Design a ses bureaux dans la province de Gunma, à environ deux heures de route de Tokyo ; Masayuki Sato, le fondateur, a seulement vingt-six ans. Il y a deux ans, il crée Maniackers, associé avec Mayucco, une jeune designer. Leur spécialité : la création d’alphabets de tous types (européens, katakana, hiragana, kanji, thaï…). Les influences de Masayuki sont diverses : Tycoon Graphics, Savignac, Gilbert & George, Moebius, Tomato,… mais aussi les packagings de snacks et autres friandises. Très vite il va collaborer avec d’autres studios graphiques (Machs, à New York, Bionic Systems, en Allemagne) et d’autres designers, pour développer des alphabets. Ceux de Maniackers Design sont maintenant des références. Vous allez 40   1.2001


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les retrouver partout : du jeu vidéo au magazine, en passant par le manga ou la pub TV. En l’espace de trois ans, Maniackers a créé des typographies pour Sony PlayStation, Sega Dreamcast, Konami, Toshiba,… S’il vous arrive d’aller dans des cabines Pure Shot (les Photomatons numériques japonais, créés par Omeron), vos photos seront imprimées avec les typographies de Maniackers. Si vous achetez le dernier manga de Hisashi Eguchi, vous trouverez des créations d’alphabet de Maniackers. La liste d’exemples n’est pas exhaustive. Qui plus est, la dernière création en date de Masayuki et Mayucco est assez remarquable : il s’agit du design du logo I-Mode et de l’intervention graphique sur le design du réseau, au niveau de l’affichage digital. Un nouveau marché s’est ouvert au Japon avec l’arrivée des téléphones portables de la troisième génération, celui du design de sites pour mobiles ; un design où il faut faire preuve d’ingéniosité et de créativité graphique pour faire face aux contraintes techniques liées le plus souvent à la taille des écrans. C’est pourquoi Maniackers ainsi que d’autres groupes de design au Japon développent des alphabets spécifiques pour ce genre de produit, et sont passés maîtres dans l’art de “calligraphie bitmappée”. Mais ce qui se dégage dans le travail de Masayuki et Mayucco, c’est leur amour des signes. Pour preuve, la création, l’année dernière, de la typographie “TypefaceKanji 36”. Maniackers, à la manière

de Carlos Segura et T-26 à Chicago, a demandé à des designers de créer des kanji. Le résultat est jubilatoire. L’écriture – cette fois numérique – gagne une autre dimension. Chaque signe prend des allures de petites pièces d’orfèvrerie. Le souci quasi obsessionnel du détail, et en particulier du détail graphique, prend toute son ampleur dans la ville. Ce qui frappe, c’est l’abondance d’informations qu’il vous est donné d’emmagasiner ; abondance exacerbée par le fait que tous les systèmes de signes et de codes sont incompréhensibles si vous ne pouvez pas lire la langue. Certains quartiers de Tokyo, comme Shibuya, vous font penser à des décors de Blade Runner. Même une simple borne d’arrêt de bus s’apparente à un décor de PlayStation. Il est d’ailleurs intéressant de constater à quel point les mangas et les jeux vidéo ont influencé les médias et le mode de vie des Japonais de la nouvelle génération. Si les grandes campagnes de publicité, que ce soit en print ou en télévision, sont très “américanisées” dans leur esthétique, il n’en n’est pas de même pour les programmes produits par les chaînes. “Hey ! Hey ! Hey !”, l’une des émissions phares de Fuji TV depuis dix ans, se déroule à un rythme effréné. Ce talk-show est animé par deux présentateurs à la répartie acérée. Chacune de leur interjection ou phrase-clef est habillée par des typographies (voire logotypes) disproportionnées, qui plongent le télespectateur dans un univers proche de

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a Taxi, à Tokyo. z Temple bouddhiste de Daizenji (Katsunuma). e Temple bouddhiste de Ryunji (Ashikaga). r Enseigne d’un restaurant spécialisé dans la cuisine aux œufs. t Enseigne d’un théâtre de comédie, à Shibuya (Tokyo). y “Parking”… accompagné d’un tag occidental ! (Tokyo). uio Téléphones mobiles nouvelle génération à 450 F. p Shibuya (Tokyo).

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q Shinjuku (Tokyo).

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celui de Dragon Ball, créé par Akira Toriyama, et de Tekken (célèbre trilogie de jeu créée par Namco). D’ici, nous ne percevons qu’une infime partie de la réalité de l’importance du manga au Japon. Il s’agit d’une culture très ancrée dans le quotidien des Japonais. Il y a en fait différents types de mangas, et le lectorat se répartit sur plusieurs tranches d’âge. Cela dit, la perception du graphisme au Japon, ou plutôt de la création graphique, reste, pour nous Occidentaux, incomplète. Outre la barrière de la langue et le manque de connaissance culturelle, nous avons souvent tendance à assimiler et à accepter l’univers visuel qui nous est proposé. Vraisemblablement, nous connaissons mieux les créations de Designers Republic ou de Büro Destruct (et leur univers japonisant), que celles de Tycoon Graphics. Miyashi Yuichi et Suzuki Naoyuki ont fondé Tycoon Graphics en 1991. Ils sont incontournables et font déjà figure de référence, au même titre que Tomato ou Fuel. Leurs chemins se sont croisés d’abord à New York, à la fin des années 80, où ils avaient tous deux émigré après leurs études au Japon. Ils baignent rapidement dans le monde du graphisme, de la publicité et surtout de la musique. C’est à New York qu’ils feront la connaissance de Towa Tei (DJ de Dee-Lite, alors groupe phare de la scène techno-pop), avec qui ils entameront une étroite collaboration artistique, ainsi qu’avec leur label Toy’s Factory (multitude de créa-


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l sdf Extraits de G-Men, Design or Die, Cash or Charge…, réalisé par Tycoon Graphics, 1996. gh Extraits de l’alphabet Kanji 36, 2000. jklmùwxcb Alphabets de Maniackers Design, 2000.

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tions de pochettes de disques, vidéoclips,…). Leurs travaux s’étendent aussi à l’univers de la mode : ils seront responsables de toute la création et la communication graphique et audiovisuelle du label d’Atsuro Tayama : “Boycott”. Ils sont également passés maîtres dans l’art de l’autopromotion et surtout de l’autodérision. G-Men (dont le sous-titre est : Design or die ! Cash or charge ! Graphic-Men is coming !), publié en 1996, est la parfaite illustration du savoir-faire de Tycoon Graphics dans ce domaine. Typographie, photographie, illustration, animation,… tout y passe, dans un style inimitable et, d’une certaine manière, inclassable. Si les travaux des studios graphiques japonais sont méconnus ici, il en va tout autrement du monde du cinéma et de l’animation. De Kurosawa à Miyazaki, de Go Nagai à Kitano, l’univers du cinéma japonais est aussi emprunt de cette constante et si particulière ambivalence entre tradition et modernité. La photographie y joue un rôle prépondérant, comme le souligne Junichirô Tanizaki : […] notre cinéma diffère de l’américain aussi bien que du français ou de l’allemand par des jeux d’ombres, par la valeur des contrastes. […] Or, nous nous servons en l’occurence des mêmes appareils, des mêmes révélateurs chimiques, des mêmes films ; à supposer donc que nous ayons mis au point une technique photographique qui nous fût propre, il est permis de

se demander si elle n’eût pas été mieux adaptée à notre couleur de peau, à notre apparence, à notre climat et à nos usages. La lecture visuelle d’une œuvre cinématographique (ou d’un film d'animation) japonaise nous paraît relativement aisée. Elle l’est forcément davantage que d’autres créations graphiques faisant appel à l’utilisation d’alphabets, même si les suggestions artistiques de ces dernières nous attirent. Attirés, nous pouvons l’être également par l’inconnu. Au fond, le graphisme japonais ne nous captive-t-il pas parce qu’il nous reste mystérieux, particulier, indéchiffrable ? Qu’est-il de plus intrigant qu’une langue composée de sons qui nous sont inconnus ? Pour Roland Barthes, la masse bruissante d’une langue inconnue constitue une protection délicieuse, enveloppe l’étranger […] d’une pelliculle sonore qui arrête à ses oreilles toutes les aliénations de la langue maternelle. La nature reste l’élément incontournable du processus de création au Japon. Au moment de choisir son existence, l’homme pourra toujours retrouver ses racines dans la nature. Hayao Miyazaki, par ces mots, emblématiques de son œuvre, résume le mode de pensée du Japonais. Miyazaki s’attache à révéler les différents aspects religieux du Japon (bouddhisme et shintô) en intégrant des symboles dans le décor de ses films. Dans Princesse Mononoke ou Mon Voisin Totoro, il met en scène des représentations

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, “Sumoset”, par Extra Designs, 2000. ;: Alphabets de Maniackers Design, 2000. = Alphabet créé par les Maniackers Design, appliqué sur un pack de jus d’orange, 2000.

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de divinités bouddhiques, constamment présentes au bord des chemins. Il nous plonge dans des univers mythologiques et adopte une démarche naturaliste en décrivant avec beaucoup de précision les relations sociales et les rapports entre les personnages, ainsi que leur environnement naturel et socio-économique. Des détails, comme l’eau par exemple, sont animés d’une manière originale. Manifestement, on devine un constant souci de transposer les observations de la réalité à l’écran. Toutefois, ce souci du réalisme n’empêche pas de donner libre cours à l’imagination. L’harmonie entre réalité et imaginaire est ainsi naturellement créée. C’est sans doute la base de l’inspiration artistique au Japon, au même titre que la présence permanente de cette symbiose entre tradition ancestrale et ultramodernité. Ce phénomène est présent à toutes les échelles de la vie socio-économico-culturelle. Le graphisme japonais réinvente son propre langage, qu’il soit typographique, illustratif et pictural – les œuvres de Yoshitomo Nara, et en particulier son Slash with a Knife, que l’on n’hésite pas à qualifier de nouveau manga –, photographique, cinématographique, ou lié à la mode (on pensera au travail de Nigo et de son label “A bathing Ape”). Nous sommes en permanence séduits par ce raffinement visuel, ce langage graphique qui nous reste mystérieux et surprenant, car n’obéissant pas à nos “codes” occidentaux. Les Japonais se sont également enrichis de notre culture, surtout au cours de ces cinquante dernières années (de l’american way of life, à la Nouvelle Vague française, en passant par les Sixties anglaises), et l’ont digérée en l’adaptant à la leur. Le résultat est aujourd’hui devant nos yeux, pour notre plus grand plaisir. ■


g r a p h i s m e par guillaume Frauly

Invloedszone

Le Québec à la recherche d’une identité graphique

La deuxième biennale internationale du graphisme du Québec s’est tenue fin octobre à Montréal. Étapes Graphiques, seul mensuel français invité, avec Items (D), Eyes (GB) et Critiques (US), ne pouvait pas manquer de revenir sur une semaine passée à Montréal, capitale du graphisme local. Les onze conférences, les deux expositions et les visites de studio étaient l’occasion de prendre le pouls d’une communauté qui ne demande qu’à prendre un virage international. 1.2001

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a première vision de Montréal

est celle d’une métropole américaine : on arrive par un pont suspendu dans une structure d’avenues perpendiculaires identiques. Les codes signalétiques sont américains, les voitures sont américaines. Mais le choc culturel n’est pas violent. Car la ville est européenne, en un sens, et présente tous les avantages d’une grande ville : calme, espace, parcs et jardins à chaque coin de rues… Ce contraste n’est pas anodin. Il est le reflet du Québécois, avide de se démarquer de l’influence américaine. Le fait de parler français – le VRAI, il faut le souligner – en présence d’anglophones ne choque plus, comme il y a vingt ans! En terme de graphisme, la différence n’est pas forcément visible. Les clients sont souvent les mêmes, proximité oblige. Peut-on parler d’un graphisme québécois ? Comment faire en sorte qu’il s’affirme et soit lui aussi reconnu comme une particularité ? C’est la question à laquelle Carole Charrette, présidente de la SDGQ*, a tenté de répondre en invitant quelques maîtres du graphisme hollandais, connu pour résister aux influences, garder son identité et bénéficier d’un rayonnement international.

Entre bière et vin La biennale fut riche en images. Sur le thème d’Invloedszone (“zone d’influence”), les conférences et les tables rondes, entrecoupées par la visite de quelques studios, ont elles aussi été agitées. Le choc des cultures était évident, éclatant. Toute la semaine, les conférenciers hollandais et québécois ont tenté d’expliquer leur démarche, de dévoiler leurs influences ou mieux, leurs recherches. A ce jeu-là, les Hollandais sont doués. Ils s’en sont donné à cœur joie, oscillant

1 entre pédagogie et engagement, sur fond d’humour et de provocation, laissant une empreinte, un style. L’audience, composée de professionnels et d’étudiants, n’oubliera pas Gerard Unger (EG 33) justifiant la différence des styles par l’existence d’une frontière graphique imaginaire entre les pays consommateurs de bierre et les pays consommateurs de vin. Il nous a ensuite donné une leçon de typographie passionnante, un subtil mélange d’analyse, d’histoire de la lettre, de souvenirs et de critiques, le tout sur fond d’images et de prises de vue personnelles. Unger a conclu par la présentation de ses travaux, l’exposé de ses influences, plutôt latines, et l’explication d’une recherche de caractère pour la signalétique du Vatican. Le dessinateur de caractères n’était pas seul. Les trois cents professionnels et étudiants de l’audience ont pu découvrir Mieke Gerritzen et Annelys de Vet, deux représentantes féminines de la tradition hollandaise, “provocantes et subversives”, qui jouent autour de l’idée de la répétition, principalement à l’écran. Autre graphiste, autre approche : Armand Mevis a choisi d’insister sur le contexte de ses créations, et sur ses propres règles de travail. Avant de nous convier à l’exposition “Dutch Posters, 19601996”, dont il est le commissaire, Anthon Beeke, grand sage de la profession a, lui, mené sa critique en revenant plusieurs siècles en arrière, cartes à l’appui, expliquant le besoin qu’ont les Hollandais de diffuser leur culture pour survivre. Une leçon historique passionnante et très riche. Pour conclure, Gert Dumbar (EG 53), également gratifié d’une superbe rétrospective, n’a pas manqué de revenir sur son opéra de mouches vivantes, annonçant au passage à l’assemblée ravie une deuxième édition !

Un style québécois ? *Société des designers graphiques du Québec. 48   1.2001

Si les Hollandais ont fait l’objet d’une telle attention, c’est pour l’unité de leurs travaux. Malgré la

124 Série d’autopromotion de l’agence Republik, fondée par Daniel Fortin, jouant du “coitus interruptus” et d’un humour acide et décalé. 3 Visuel publié au sein d’un ouvrage personnel, “laboratoire de design graphique” autopromotionnel intitulé Forge G. Une création de l’agence Virage. 5 Recherche de conditionnement de l’agence IO pour des crèmes glacées. 6Affiche pour une exposition “Contemporary Graphic Design in China”, conçue par des membres de la Purdue University. Cette affiche a remporté une nomination aux “Prix de la créativité Dimbar”, en 2000. 7 Affiche de promotion d’une tournée des Grands Ballets canadiens, réalisée par KO Création. 8 Image d’autopromotion du studio IO.

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multiplicité des supports ou des générations, le style transparaît. Pour leur part, contrairement à leurs invités, très séducteurs et peut-être plus habitués à présenter leurs travaux, les quatre conférenciers québécois n’ont pas réussi à mettre en évidence ce style graphique qu’étaient venus chercher les Européens. Difficile de se faire une opinion exhaustive du niveau de création en une semaine, quatre conférences, la visite très organisée de quelques structures et quelques brèves rencontres lors des deux expositions présentées par la SDGQ. Un seul constat possible : les clivages entre publicité et graphisme sont peu visibles, voire inexistants. Les commandes, du moins la plupart des travaux, sont très commerciaux et peu engagés, si ce n’est pour l’autopromotion provocante de quelques-uns. Tiraillés entre la partie anglophone du Canada et les ÉtatsUnis, les créatifs québécois sont évidemment à la recherche d’une identité, si ce n’est visuelle, pour le moins culturelle. Il suffit de voir les travaux présentés par Matt Warbuton – fondateur de l’agence de design institutionnel, Emoubleyu Design –, pour déceler l’influence américaine et l’universalité de ses créations. Quelques graphistes, comme Daniel Fortin de l’agence Époxy, Denis Dulude – du studio KO Créations et de la fonderie 2 Rebels –, sans oublier Stéphane Huot, tentent aujourd’hui de s’affirmer en trouvant leur propre approche. Lors de sa conférence, ce dernier est revenu sur la diversité de ses influences, plutôt dans l’approche que dans le style ou le traité. Mais aucun de ces trois créatifs ne semble être un représentant d’un style spécifique québécois. Le devraientils pour autant ? La profession, comme la culture du pays, est jeune, précise Bernard Houde, l’un des organisateurs et lui-même graphiste. Avant d’ajouter : Les créatifs mènent une quête d’identité, tout en s’adaptant aux comman50   1.2001

des de plus en plus internationales. Cette confrontation des cultures met en lumière deux approches opposées. D’un côté, l’audience aura découvert la symbiose caractéristique qui existe entre créatifs et commanditaires en Hollande depuis des siècles. Si le graphisme est un business, c’est aussi une manière d’influencer la culture, la société. La création reste un choix. Les affiches présentées dans l’exposition montée par Anthon Beeke étaient là pour le rappeler. De l’autre, l’opulence de moyens mis à la disposition de la communauté graphique québécoise surprend réellement. Car les graphistes québécois sont reconnus, mais surtout soutenus : pas moins de 50 000 dollars canadiens ont été octroyés par le ministère des Affaires municipales et de la Métropole pour organiser cette deuxième biennale ! L’un des quotidiens locaux, Le devoir, a consacré une pleine page à la manifestation. Montréal compte à elle seule plusieurs lieux dédiés au graphisme, dont le Centre de design de l’Uqam, équipé des technologies dernier cri. La communauté est soudée. La profession jouit d’une situation stable. Pourtant, le doute persiste en ce qui concerne la place du graphisme dans la société ainsi que son rayonnement international. En une semaine, les graphistes québécois ont découvert que l’esprit critique hollandais n’était pas seulement une figure de style. La confrontation aura sans doute offert aux Canadiens de mieux cerner le rôle d’un graphiste, ou une attitude face à un client. Il manque aujourd’hui de prise de risques, d’implication, de conviction. Quelques-uns, comme Fortin ou Huot, ont commencé cette réflexion. La prochaine biennale sera dédiée au graphisme américain. Gageons que d’ici deux ans, les graphistes de Montréal pourront s’affirmer et mettre en avant leur spécificité. ■

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9 Affiche réalisée par le studio québécois Paquebot, pour promouvoir une exposition de plusieurs artistes. 0az Série d’identités visuelles pour des institutions canadiennes, signée de l’agence Virage, Montréal. e Conditionnement pour la marque Fireball, agence Republik.





a f f i c h e s par maylis de vivies

Alea jacta Après les années lumières de l’affiche polonaise et tchèque, l’heure est aux surprises (EG 43 et 66). Depuis les années 70, cette expression plastique a connu les strass et paillettes de la gloire et s’épuise aujourd’hui, faute de renouveau. Absence de budget, crise économique oblige, Karel Misek persévère pourtant dans l’univers du théâtre, de la danse et de la musique grâce à ses affiches, mais au prix de nombreux sacrifices. Un métier de passion plus qu’autre chose. Élevé aux principes de l’ancienne école, cet homme est à la fois designer et graphiste. Ses premiers pas effectués aux beaux-arts de Prague, il rejoint très vite l’académie de Warsaw, où son maître, Henryk Tomaszewski, enseigne les prémices de ce que l’on nommera, par la suite, l’École polonaise. Reconnu par la profession, il s’acharne, à 55 ans, à promouvoir la nouvelle création de son pays avec l’aide de ses étudiants, graphistes de demain. Malgré la césure de l’Est et de l’Ouest européen, Misek a franchi, ces vingt dernières années, nombre de frontières. Des États-Unis au Japon, en passant par l’Allemagne et la France : avec plus d’une quarantaine d’expositions à son actif (cf : p.72), il signe aujourd’hui les affiches du théâtre d’Ústí nad Labem. Du baume au cœur pour un courant créatif qu’il serait dommage de classer. 54   1.2001

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1 Till Eulenspiegel, 1988, pièce de Grigory Gorin. 2 Clowns, 1986, pièce d’Ivan Bednàr. 3 Le château, 1989, pièce de Franz Kafka. 4 Le Diable et Catherine, 1994, pièce d’Antonín Dvorak.

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5 Richard III , 1990, pièce de William Shakespeare. 6 Représentation de Hamlet dans le village de Dolni Mrdusa, 1988, d’Ivo Bresan. 7 Délicate Balance, 1999, pièce d’Edward Albee.

56   1.2001







l é g i s l a t i o n par isabelle durand Avocat au barreau de Paris

La diffamation

sur Internet

Le droit de la presse et le droit d’auteur ont des protagonistes identiques (journalistes, caricaturistes, éditeurs, directeurs de publication…), et donc des priorités communes dont, celle de préserver leur liberté d’expression. La loi française sur la presse date du 29 juillet 1881. On peut s’interroger sur la compatibilité d’une loi ancienne avec les nouvelles technologies, et en particulier Internet. Les apparences sont parfois trompeuses car le souci majeur qui a animé les rédacteurs de cette loi est celui de la préservation simultanée des personnes et de la libre diffusion des informations, et cela est intemporel. Afin de concilier l’inconciliable, la loi a mis en place un délai, spécifique et abrégé, de prescription de trois mois. L’article 65 de la loi énonce pour les publications de presse (en sont exclus les e-mails), une prescription de trois mois rendant toute poursuite pour diffamation, injure, etc., irrecevable à l’issu de ce délai. Comme point de départ de cette prescription, la loi a prévu que ce délai courait à compter du premier acte de publication, et non de la date à laquelle le plaignant avait eu connaissance de l’écrit le mettant en cause. Cette prescription courte permet, d’une part, de limiter le nombre des procédures et, d’autre part, d’éviter aux organes de presse que les procédures n’interviennent trop longtemps après une publication.

Les autres supports en bénéficient-ils ? L’évolution des médias a été suivie d’une adaptation de l’article 65, tant à la télévision qu’à la radio, le premier acte de publication étant alors la première diffusion des propos considérés comme fautifs. Qu’en est-il sur Internet ? La question est d’importance car de nombreux titres de presse ont leur site, et y reproduisent tout ou partie des informations publiées sur le support papier ; tandis que des journaux spécifiquement numériques ont été créés. On aurait pu penser que la règle appliquée à la télévision et à la radio serait automatiquement transposée à Internet. Comme si certains souhaitaient alimenter la grande théorie du vide juridique et de l’impuissance des juristes face à Internet ; deux théories divergentes 64   1.2001

s’affrontent, alors qu’aucune décision de la Cour de cassation n’est encore intervenue pour tenter de parvenir à une harmonisation.

Les classiques et les modernes Pour les premiers, Internet doit être soumis au même régime juridique que les autres médias, et le point de départ de la prescription doit être le premier jour de la mise en ligne, qui est l’équivalent de ce que la loi désigne comme le premier acte de publication. La cour d’appel de Papeete a rendu une décision en ce sens, le 9 mars 2000, en prenant soin de préciser, pour contrer l’arrêt rendu le 15 décembre 1999 par la cour d’appel de Paris, que …les dispositions impératives de la loi du 29 juillet 1881 sont d’interprétation particulièrement stricte ; il n’appartient pas au juge de se substituer au législateur en se livrant à une interprétation large de ces dispositions pour tenir compte des nouvelles techniques de communication, telles que le réseau mondial Internet. Le 23 juin dernier la chambre d’accusation de Paris a rejoint cette analyse en énonçant : Considérant que la prescription de l’action en diffamation – fixée à trois mois par l’article 65 de la loi… avec pour point de départ, non le jour où les faits ont été constatés, mais le jour du premier acte de publication – est en l’espèce acquise, dès lors que les pièces du dossier établissent que l’information en cause a été diffusée sur Internet le 22 septembre 1997 et que le premier acte de poursuite… n’est intervenu que le 12 janvier 1999. Selon cette analyse, le support n’a pas d’incidence sur les conditions d’application de la loi. Pour les seconds, une publication sur Internet est de nature à justifier un changement des dispositions légales. La première décision rendue en ce sens par la cour d’appel de Paris, le 15 décembre 1999, (arrêt Costes) a été fort remarquée. Lorsqu’il y a publication sur Internet, la cour a stigmatisé la volonté renouvelée de l’émetteur, qui place le message sur un site et choisit de l’y maintenir ou de l’en retirer quand bon lui semble. Dans de telles conditions, l’acte de publication devient continu et la prescription ne peut priver le plaignant de poursuivre à tout moment. Très récemment, la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, spécialisée dans les affaires de presse, a rendu un jugement, se fondant sur une


r é a c t i o n par philippe quinton Graphiste-enseignant Chercheur en communication

Affichage libre interprétation proche de l’arrêt Costes. (cf. Libération des 9.11.00 et 7.12.00). Elle a jugé que la mise en ligne d’écrits déjà publiés sur un support papier constitue une nouvelle publication en raison du changement de support, et, se fondant sur la notion de délit continu, a analysé la mise en ligne comme permettant une accessibilité permanente aux informations et assurant ainsi la continuité de l’infraction (diffamation, injure…), si elle existe. On suppose alors que la prescription ne pourra commencer à courir que lorsque la mise en ligne aura définiti­ vement cessé. Cette seconde théorie apparaît contraire à l’esprit même de la loi sur la presse et à son souci de préserver la liberté d’expression. Internet devient, en conséquence, un support inadapté et à tout le moins risqué pour les entreprises de presse qui pourront être poursuivies longtemps après une parution, ce qui peut poser des problèmes, notamment en matière de preuves par la citation de témoins ou de production de pièces établissant la véracité des faits relatés.

Tous les grands journaux ont des sites Internet Cette jurisprudence constitue donc une menace pour l’ensemble de la presse. Une prescription prolongée sans limites est incompatible avec les nécessités de l’information. De façon illogique, on ne sera pas exposé à des poursuites après la consultation par un éventuel plaignant d’un article paru depuis plus de trois mois et archivé, alors que celui-là conservera la faculté de poursuivre, si le même article est encore en ligne sur le site Internet de l’organe de presse. L’information nécessite bien évidemment rigueur et sérieux, mais paradoxalement il nous semble qu’une telle jurisprudence risque de faire disparaître les plus rigoureux au profit des plus intrépides. Nous attendons donc avec impatience l’avis de la Cour de cassation, qui a été saisie de deux pourvois sur cette question, l’un à propos de l’arrêt Costes, l’autre de la décision de la cour de Papeete. La liberté de la presse est entre les mains de la Cour de cassation, à moins que rapidement la loi de 1881 ne fasse l’objet d’une refonte totale, aménageant des dispositions spécifiques pour les nouveaux supports, comme certains le souhaitent. ■

On change de millénaire or l’affichage n’est toujours pas “libre” en France, ou si peu que c’en est une honte pour la démocratie. L’espace public s’achète, mais la parole n’est pas à vendre, elle a juste besoin de surfaces où se coller librement, à l’écoute de la cité et au regard des citoyens. En période électorale, poussons nos élus à développer dans la loi ce qui est bon pour l’image.

Voilà un problème récurrent, déjà abordé en ces lieux mais toujours non résolu (EG 38). A l’orée d’une période électorale qui ouvre généralement les oreilles et les porte-monnaie des élus, c’est peut-être le moment de leur rafraîchir les yeux sur les réalités de l’expression démocratique par voie d’affiche dans leurs villes et villages… Il y a une inégalité manifeste d’accès des citoyens à la visibilité publique de leurs idées, actions, opinions ou créations sur la voie publique, on ne peut y afficher ce que l’on veut où l’on veut ; et là où c’est (rarement) permis, la place manque. On sait que les lois françaises de 1979 et 1992, concernant l’affichage urbain, laissent l’instauration de panneaux d’expression et d’opinion à la bonne volonté des maires qui peuvent aménager un ou plusieurs emplacements destinés à l’affichage d’opinion ainsi qu’à la publicité relative aux activités des associations sans but lucratif. Résultat : la république affiche très mal. Actuellement, tout “annonceur” territorialement ambitieux doit passer par les réseaux d’affichage normalisés. Pour afficher il faut payer, et ce qui s’affiche doit rapporter. La surface de parole se négocie durement dans un marché visuel qui ne voit que par l’image publicitaire au détriment des autres. Pourtant, la démocratie c’est autre chose qu’une seule et même pub sur tous les trottoirs. Les versos des “sucettes Decaux” mis à la disposition des municipalités pour leurs propres campagnes ne suffisent pas à satisfaire les demandes locales pour l’affichage culturel en particulier. L’accès y est contrôlé, sinon réglementé tacitement par les services municipaux, ce qui exige d’être du bon côté du manche de pinceau. Heureux celui qui a la chance de gagner son tour, comme une quinzaine offerte royalement sur quelques panneaux en plein mois d’août… Cette diversité des régimes d’affichage n’est pas digne d’une société qui se réclame de l’image ; ou d’hommes politiques qui profèrent de belles incantations sur la société de l’information mais qui, chez eux, n’affichent pas la démocratie vivante.

Libérer l’espace public L’espace public (au sens matériel et symbolique) appartient théoriquement à tous, ce n’est pas une marchandise. Or dans la pratique, les élus-gestionnaires publics et les propriétaires privés de cet espace ne se gênent pas pour le vendre au plus offrant. Tout le monde n’a pas les moyens financiers, ou le profil commercial, pour se conformer à la loi d’un marché qui fait 1.2001

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… Rib Pyramyd ntcv S.A. Fortis Banque, Monge – Banque 30488 – Guichet 00077 – N°compte 00027755171 – clé rib 21

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payer au consommateur-citoyen l’annexion de la chose publique par des intérêts privés. Cette appropriation est choquante dans la mesure où il n’y a pas d’alternative significative. Ce n’est pas le seul cas d’abus de bien visuel (social), mais on s’y résigne, cela est désolant. Les citoyens ont aussi le droit à la parole graphique, pour peu qu’on leur permette de la prendre et qu’on leur facilite l’accès aux supports qui conviennent à cet effet. Qu’en dites-vous messieurs nos maires ? Les sociétés d’affichage optimisent leurs plans-médias dans un espace-temps rationalisé, c’est normal, et disent par ailleurs réfléchir à l’impact environnemental (et mental ?) de leurs mobiliers. Bien. Le problème c’est qu’il n’y a rien d’autre de vraiment convaincant ; il est temps de remédier à cela.

Panneaux, ô panneaux… D’autres espaces d’expression et de communication locale mériteraient d’être créés dans les communes, pour satisfaire les besoins des citoyens et de leurs organisations. Mais : qui peut afficher, et selon quelles règles ? (pas de vie collective sans règles, et il ne s’agit pas d’institutionnaliser un “affichage sauvage” de seconde zone) ; comment gérer ces espaces communs sans aboutir encore à la loi du plus collant ? Disons qu’il y aurait trois grandes catégories à distinguer : l’affichage associatif (des associations font connaître leurs activités) ; l’affichage culturel (ce sont aussi des associations mais qui “vendent” leurs productions culturelles) ; et l’affichage d’opinion (partis, syndicats, associations politiques). Les uns ne pourraient envahir les espaces des autres. Les formules de répartition d’espace, les règles d’utilisation et de gestion (et donc des sanctions en cas de non-respect) restent à trouver ou à définir localement par divers moyens à débattre. L’essentiel serait d’abord d’implanter des panneaux là où cela serait utile et que ces mobiliers ne soient pas des ersatz de panneaux électoraux, comme on peut le constater souvent, placés de plus dans des lieux paumés sans intérêt communicationnel. Même dans la formule dite “affichage libre” les annexions rampantes et les abus de collage existent. On a notamment vu des sociétés d’affichage accaparer la gestion du collage des affiches sur ces panneaux et recouvrir les messages de ceux qui ne voulaient pas se soumettre à leur intermédiaire lucratif, ce qui recréait un réseau parallèle contraire à l’esprit de la loi. Ce n’est pas dit comme cela, mais le résultat est le même. Comme le pinceau et la colle semblent rebuter la jeunesse surfeuse rivée à l’écran (depuis 1979 on n’apprend plus à coller dans les écoles comme dans le “bon vieux temps”), il faut bien que quelqu’un s’occupe de ces trivialités d’un autre âge. Voilà le problème. Si personne ne se bouge les stylos, souris et pinceaux, nos paysages et nos pratiques urbaines ne regagneront pas cette dynamique expressive qui manque cruellement à la cité moderne. Mais peut-être que tout le monde s’en fout de la dynamique des autres à l’heure de “www.moi-ma-page.ducon” ? Il ne s’agit pas de contester ce qui existe - même si des allégements de panneaux publicitaires s’imposent, conformément aux demandes de qualité du public - mais de créer ce qui n’existe pas dans un espace public équilibré. Il n’y a pas que le réseau Internet qui ait droit à cette profusion, à cette vitalité des interactions. L’affiche est toujours un très bon écran de communication, faites-la donc vivre dans la rue, son domaine par excellence, bien loin des festivals et des musées. Collez-vous y, mêlez-vous à votre monsieur-le-maire@affichez.liberté.égalité.fr… ■


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M ANI F ESTATIONS

Du 10 au 13 janvier 2001

Mondial des métiers Les feux du réveillon tout juste éteints, rendez-vous avec le monde du travail, de la formation et de l’orientation. Le Mondial des métiers rassemble pour la nouvelle année de nombreuses branches professionnelles, afin d’aider les jeunes à choisir un secteur, et d’éclairer et de conseiller les demandeurs d’emploi. Plus de 22 secteurs sont en démonstration “non stop”. Des graphistes, illustrateurs, infographistes et photographes expliqueront leur travail et présenteront leurs outils. Pour éveiller les vocations, un certain nombre de conférences et de tables rondes seront proposées : les métiers peu connus, mais aussi la création d’entreprise, sujet sensible pour des jeunes se lançant sur le marché. Contact : www.mondial-metiers.com, Organisation : Arom, 04 72 59 44 66.

Du 25 au 28 janvier 2001

Festival de la bande dessinée

Avis aux accros de l’image, le 28e festival d’Angoulême ouvre ses portes à de nouvelles découvertes. Témoin de toutes les évolutions culturelles et politiques, la bande dessinée séduit petits et grands depuis des générations. Avec une attention particulière portée aux jeunes, le festival met le Japon à l’honneur cette année. Grand consommateur de BD, ce pays a su imposer un style, maintenant incontournable en Europe : l’univers des mangas. Auteurs, éditeurs, distribu-

Du 17 janvier au 19 mars 2001

Signes, traces, écritures Très développés dans les années d’après guerre et jusqu’aux “seventies”, les signes, les traces et les écritures sont aujourd’hui réunis dans une collection originale d’une centaine de dessins, dans le Cabinet graphique de Beaubourg. Les approches sont variées et chacun interprète le sujet suivant son goût et son travail graphique. Ainsi, Masson, Miró, Brauner ou Alechinsky restent très proches de l’image, alors que Hartung, Michaux, Tàpies ne se fient qu’au geste et à sa trace. L’écriture et la calligraphie ont aussi leur point d’orgue. Degottex et Zao Wou-Ki animent en effet ces textes avec une certaine touche orientale et beaucoup de créativité. Centre Pompidou, Place Georges-Pompidou, Paris 4e .

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c o n c o u r s

teurs, mais aussi passionnés, sont invités durant ces 4 jours à des rencontres. Pendant que les professionnels apprécient le marché international des droits de l’image, les enfants découvrent une exposition africaine, “A l’ombre des baobabs”. Comment se cultiver et se détendre en images. Contact : Fibd, Tél. : 05 45 97 86 50. www.bdangouleme.bd, Réservations billetterie : 0 820 07 20 20.

Du 29 au 31 janvier 2001

Top Com 2001 La communication est aujourd’hui un mot à la mode et chacun met tout en place pour qu’elle soit la plus percutante et directe possible. Tous les outils médias sont utilisés : de l’interprétation de l’image à l’usage très actif des signes, les entreprises ont actuellement un grand souci d’éthique. Le IVe Congrès de la communication, Corporate Business, prévoit un grand nombre de conférences et de débats, avec pour fil conducteur “l’entreprise responsable”. Ces nouvelles sociétés réfléchiront sur l’éthique à adopter face aux investisseurs. Les nouvelles technologies de communication ont-elles un rôle à jouer dans cette course au perfectionnisme ? Si oui, elles sont un outil indispensable dans la responsablité de l’entreprise face au crible de l’opinion.

r a p p e l Jusqu’au 17 janvier 2001

Club des DA Le Club des directeurs artistiques procède de nouveau à la sélection des meilleurs travaux publicitaires de l’année 2000 : print et films. Spécialisé dans la publicité, le Club des DA reste dans la dynamique d’ouverture de l’année précédente, où le grand prix était un clip musical, “The child”, d’Alex Gopher, par Antoine Bardou-Jacquet. Les œuvres sélectionnées cette année seront exposées au musée de la publicité, à Paris. Partenaire privilégié du Club des DA, Étapes Graphiques s’associe à ce concours. Renseignements : 01 42 93 40 01, www.leclubdesad.org/club/inscrire.html.

Jusqu’au 17 mars 2001

Étudiants, tous à Chaumont

Institut Pasteur, 25-28, rue du Docteur-Roux, Paris 15e .

Ce VIIIe concours d’affiches aura lieu du 18 mai au 15 juillet 2001 dans le cadre des 12e Rencontres internationales des arts graphiques. Il s’adresse à des étudiants en graphisme, et “Le travail” est le thème de l’année. Les participants ne doivent pas l’entendre dans le cadre strict de lutte politique ou syndicale, mais plutôt en tant que valeur. Le lauréat, doté de 15 000 F, concevra la prochaine affiche du concours, en solo ou parrainé par un atelier de graphisme.

Du 29 janvier au 28 février 2001

Renseignements : 03 25 03 86 80, artsgraphiques.affiches@wanadoo.fr.

XIVe Salon international de l’affiche culturelle De la mode à l’industrie du luxe, en passant par l’automobile et l’alimentaire, l’affiche séduit ceux qui la croisent, et interpelle les plus jeunes. André Parinaud, directeur de l’Académie des arts dans la rue, s’associe cette année avec Marilys de la Morandière dans cette entreprise. Plus de 150 affiches de tous horizons mêlent graphisme, textes, jeux de mots et visuels, avec ou sans humour à la clef. Quelle que soit la langue, les traditions et les mœurs des 14 pays représentés, le citoyen moderne et la stratégie de l’affiche seront le point de débat d’une conférence prévue le 5 février. Le prix Savignac et le Prix national de l’affiche culturelle française seront remis à l’occasion de ce tour du monde de l’illustration. Le spectateur n’est pas épargné : il est invité à élire son affiche favorite tout au long de l’exposition. Centre culturel, 22, rue de la Belle-Feuille, Boulogne-Billancourt (92).

e x p o s i t i o n s

Les 23 et 30 janvier 2001

Design Pour réussir, toute entreprise doit connaître ses clients et leur plaire sans cesse. Arriver au bout de ce challenge engendre plusieurs pistes à exploiter. Il s’agit de tirer parti d’une meilleure connaissance de chaque client pour mieux le satisfaire individuellement. L’ANVIE et l’APCI organisent, dans cette optique, un atelier interentreprises sur le thème “Design : analyse des besoins et satisfactions des clients”. Comment enrichir le design de produits par le design de services, voilà le grand sujet de cette session. Destinée aux directeurs marketing, design, et aux responsables chargés de la conception des nouveaux produits, cette nouvelle matière joue un rôle qu’il faut mieux définir. A ces acteurs de s’assurer que toutes les innovations du design répondent à de vraies demandes des clients. LaeCoupole, 102, bd du Montparnasse, Paris 14 .

Jusqu’au 27 janvier 2001

Groovisions Avec pour personnage favori “Chapi”, le collectif japonais Groovisions assure sa griffe dans le monde du graphisme. Depuis 7 ans, il crée des visuels dans nombre de domaines. Mode, cinéma, audiovisuel, rien ne lui échappe, rien ne le laisse indifférent. Groovisions a décroché, en 1993, le prix de design du personnage original avec sa fameuse mascotte. Son univers, sa chambre, ses objets et ses manies sont aujourd’hui à découvrir. En exclusivité, son nouvel ouvrage, GRV2000, sera mis en vente. Plus de secret sur l’ensemble des produits Groovisions ! Galerie Colette, 213, rue Saint-Honoré, Paris 1 er.

Jusqu’au 2 février 2001

Affiches de théâtre Comme un vent venu de l’Est, Karel Mísek vient à Paris pour repartir aussitôt pour Prague. Le temps d’une exposition, il retrace son travail graphique grâce à quelques affiches sur des sujets qui lui sont chers. Théâtre, musique, danse : les images se marient dans des couleurs et des styles bien distincts. Cet affichiste n’en est pas à son coup d’essai. Depuis maintenant 5 ans, il est titulaire d’une chaire à l’institut de culture graphique, à Ustinad Labem, en Pologne. Il compte déjà de nombreuses expositions à son actif, notamment au Japon, en France et aux États-Unis. Association Le Pont Neuf, er 31, rue du Pont-Neuf, Paris 1 .


Jusqu’au 7 février 2001

Du 20 janvier au 11 février 2001

Sabrinah

Du sang neuf

Cette infographiste, adepte du portrait n’a pas froid aux yeux. Fraîchement diplômée en arts graphiques, Sabrinah, 25 ans, a déjà décroché des prix et cumule les expositions avec, dernièrement, le marché d’art contemporain de la Bastille. Dans un nouvel espace de rencontre et de création, elle présente son travail tout juste bouclé. Mêlant visuel classique et traitement contemporain, elle surprend. Chaque tableau est une histoire à conter : photographie numérique, peinture, vernis sont les grands chapitres de ces “romans”, qui se lisent et se relisent rien que pour le plaisir des yeux. Distilled Art et Café, 113, rue de Turenne, Paris 3e.

Du 12 janvier au 10 février 2001

Stéphanie Nava

Pionniers d’une évolution du graff, 9 e Concept et Mambo (EG 63) proposent une exposition itinérante et collective. En proie à toute provocation, ils combattent l’hypocrisie et l’indifférence d’une société, avec leur leitmotiv de création : le sang. La petite recette des créateurs reste osée : 1- utiliser une feuille de soins de la Sécurité sociale comme support ; 2- la détourner selon son goût et 3- la ponctuer par un titre sanglant : “Sang ou sans”, “Sans domicile fisc”, “Sang toi ni loi”… L’expo traversera une dizaine de villes françaises et, parallèlement, le collectif continuera d’afficher dans la rue, la plus grande galerie de la planète. La laiterie, Centre européen de la jeune création, 11, rue du Hohwald, Strasbourg (67).

r a p p e l Jusqu’au 28 février 2001

Robial, rétrospectives

Stéphanie Nava travaille à partir de mots. Une idée, une expression : elle court vers son atelier et crée, suivant son envol, un meuble, un objet, un dessin ou même un lieu. Sa recherche, elle la réalise de différentes manières, le but étant de construire des liens dans chaque œuvre. “La Redoute de redoutable”, “Les tables et leur lien aux tablettes”, telles sont les conjonctions qu’elle s’efforce de respecter. Galerie des grands bains douches de la Plaine, 35, rue de la Bibliothèque, Marseille 1er.

La galerie Anatome présente un flash-back sur le travail considérable du graphiste Étienne Robial. En tout, 30 ans de créations graphiques : des éditions Filipacchi à Futuropolis, en passant par Gallimard, sans oublier les identités visuelles de M6 et de La Sept. Directeur de la communication visuelle de Canal + et enseignant à l’ESAG, ce passionné de typographie désire mettre en valeur le fond, et non la forme, dans toute création. L’exposition s’établira en deux temps : l’édition (identités visuelles), où de nombreux ouvrages pourront être consultés, et l’habillage d’antenne télévisuelle (travaux sur Canal +), mis en images grâce à la diffusion d’un film descriptif. Galerie Anatome, 38, rue Sedaine, Paris 11e.

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