Revue Vie Chrétienne n°14

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Vie chrétienne Nouvelle revue

C h e r c h e u r s

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D i e u

P r é s e n t s

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M o n d e

B I M E S T R I E L D E L A C O M M U N A U T É V I E C H R É T I E N N E E T D E S E S A M I S – N º 1 4 – novembre 2 0 1 1

La conversation spirituelle Au service d’un camp MEJ

Espérer

malgré tout


Sommaire

éditorial l'air du temps ~ Courrier des Lecteurs

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chercher et trouver dieu

Espérer malgré tout NOUVELLE REVUE VIE CHRÉTIENNE Directeur de la publication : Alain Jeunehomme Responsable des éditions : Dominique Hiesse Responsable de la rédaction : Marie-élise Courmont Secrétaire de rédaction : Marie Benêteau Comité de rédaction : Marie Emmanuel Crahay Yves de Gentil-Baichis Dominique Hiesse Paul Legavre sj Barbara Strobel Comité d'orientation : Marie-Agnès Bourdeau Alain Jeunehomme Noëlle Hiesse Michel Le Poulichet Armelle Moulin Trésorière : Martine Louf Fabrication : SER, 14 rue d’Assas, 75006 Paris www.ser-sa.com Photo de couverture : © Corinne Simon/CIRIC Impression : Corlet Imprimeur, Condé-sur-Noireau ISSN : 2104-550X 47 rue de la Roquette 75011 Paris

Témoignages Le pessimisme, un mal bien français Olivier de Fontmagne sj En exil espérer : Jérémie Marie Emmanuel Crahay Espérer, avec Ignace et Teilhard de Chardin Martin Pochon sj le babillard se former Notre Dame du Web Sr Vanessa Micoulaud Au service d’un camp MEJ Laetitia Pichon Les Actes des Apôtres. 4 – Evaluer Odile Flichy La conversation spirituelle Paul Legavre sj Prendre des notes Hélène Castaing ensemble faire communauté Avec les Exercices, trouver mon chemin ? Jeanne Thouvard La nouvelle Equipe Service Nationale CVX à la Réunion billet Les photos dans nos maisons Corine Robet prier dans l'instant Pour Noël, un repas de famille ? Marie-Claire Berthelin

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Les noms et adresses de nos destinataires sont communiqués à nos services internes et aux organismes liés contractuellement à la CVX sauf opposition. Les informations pourront faire l’objet d’un droit d’accès ou de rectification dans le cadre légal.

La revue n’est pas vendue, elle est servie aux membres de la Communauté Vie Chrétienne et plus largement à ses amis. Chacun peut devenir ami : il suffit de verser un don minimum de 25 euros (35 euros pour ceux hors de France Métropolitaine). Versement en ligne sur http://www.viechretienne.fr/devenirami ; ou bien par chèque libellé à l’ordre de Vie Chrétienne et adresser à SER-Vie Chrétienne 14 rue d’Assas, 75006 PARIS. Virement possible sur RIB 30066 10061 00020045801 60 – IBAN FR76 3006 6100 6100 0200 4580 160 – BIC CMCIFRPP.

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Éditorial

Haute mer

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© Sean Prague / Ciric

Depuis 14 numéros, la nouvelle revue Vie Chrétienne avance au large. 200 auteurs y ont déjà collaboré. Ils nous interpellent, par leur regard aiguisé, leur prière inattendue, nous aident à lire les signes des temps, à être activement des chercheurs de Dieu, présents au monde. Témoignages, récits, éclairages : la revue s’offre, tel un relai, pour tous ceux qui, CVX ou amis, en France et dans le monde, partagent le désir de trouver Dieu en toute chose. Florence Leroy, avec tout son cœur et son talent, a su mettre en œuvre cette nouvelle formule décidée par la CVX et donner un dynamisme nouveau à la collection des suppléments, pour en faire de véritables livres. Nous la remercions vivement pour ses trois années de mandat où elle nous a donné le meilleur d’elle-même. Le bateau a quitté le port. Il faut maintenant aborder le large, avec quelques ajustements dans l’équipage. Marie-Elise Courmont devient responsable de la rédaction, avec Marie Benêteau au secrétariat de rédaction. Dans le n° 12 de juillet 2011, le dossier sur l’aventure conjugale a suscité parmi vous de vives réactions. Nous avons choisi d’y prêter une attention particulière et d’y consacrer ici quelques pages. Permettre le dialogue entre membres de la CVX nous paraît en effet essentiel, d’où le développement cette année du site Web, comme lieu d’échanges. Vous pouvez aussi, en répondant à notre enquête en ligne, donner votre avis sur la revue. Votre implication a toujours été un gage précieux pour la vie de notre communauté. Aussi, nous vous lançons un appel pour renforcer le réseau de bénévoles qui assurent la diffusion de nos livres. Avec vous sur le même bateau… en suivant bien sûr les indications pour naviguer avec Ignace1. Dominique HIESSE Président des Editions Vie Chrétienne

1 Naviguer avec Ignace, Supplément Vie Chrétienne n° 543 de Nathalie Becquart, Xavière, directrice adjointe en charge du pôle Vocation, du Service national pour l’évangélisation des jeunes et responsable de la Pastorale étudiante du pôle Jeunes à la Conférence des évêques de France, responsable de la communication des JMJ France en 2011.

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L'air du temps

Nos lecteurs réagissent Dans ce numéro, « l’air du temps » ne traite pas d’un problème d’actualité nationale ou internationale. Pour la revue, l’actualité de ces derniers mois est riche de mails qui réagissent à notre dossier « l’aventure conjugale ». Nous publions des extraits de ces réactions qui ne sont ni anodines, ni superficielles. Pour une revue inspirée par les valeurs évangéliques, rester attentif aux réactions des lecteurs est indispensable. Même si cela dérange. Impossible pour nous de rester sourds au malaise ressenti par certaines personnes divorcées remariées.

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Je dois chercher ailleurs

« Étant en instance de divorce, le dossier sur “l’aventure conjugale” a retenu mon attention. Il consacre deux pages à la position intransigeante de l’Église catholique, qui, au mépris de l’évangile de la femme adultère, exclut de la communion, c’està-dire du cœur de la liturgie, les divorcés qui n’acceptent pas le dictat du célibat qu’elle entend leur imposer après l’échec d’une aventure (toute) humaine, mais aussi spirituelle. (…) Il manque surtout quelques pages sur les pistes pour se reconstruire après une séparation, après la déliquescence d’un couple qui atteint les deux ex-conjoints dans leur personne. L’Église entend certes les condamner à rester célibataires, mais pour quoi faire ? Pour prononcer quel pardon  ? Pour porter quel fruit ? Pour dire quel message ? Être des membres de seconde zone d’une communauté de bien-pensants  ? (…) Je regrette que l’Église catholique n’ait pas le courage de prendre ce dossier à bras le corps pour en mon-

trer la dimension évangélique. Ne serait-ce pas là sa vocation ? Tant qu’elle ne le fera pas, les tentatives faites ici ou là pour prendre en considération la réalité sociale et les préoccupations de femmes et d’hommes ne sont que du bricolage. Force est de constater qu’il faut que je recherche ailleurs des pistes non pas pour me “justifier” (je ne cherche pas à être un juste), mais pour repartir (c’est-à-dire retrouver des relations faites de dialogue, de respect, voire d’amitié ou de connivence). » (…) P. F.

Fidèle au sacrement de mariage « Je ne fais pas partie de la communauté Vie Chrétienne mais, amie d’un centre spirituel ignatien, je suis abonnée à la revue que je reçois toujours avec plaisir et que je lis avec intérêt. J’ai accueilli le numéro de juillet avec empressement quand j’ai découvert son titre  : l’aventure conjugale.

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Une véritable aventure en effet que mon mariage qui m’a conduit, après quinze années de bonheur, à voir mon conjoint s’éloigner vers d’autres horizons et à demander le divorce. Au cœur de cette épreuve j’ai été accompagnée par la présence discrète de Dieu qui m’a toujours tenu la main et qui a éclairé ma route. L’engagement pris le jour de mon mariage, en présence de tous nos amis, familles et surtout avec Dieu a toujours gardé son sens : je me suis engagée à aimer mon


Un frein à l’évangélisation

© Sylvie Duverneuil / CIRIC

mari pour toujours… La nouvelle façon d’aimer n’a pas toujours été claire mais j’ai compris que je pouvais prier pour lui, respecter sa liberté, donner à nos enfants une vision aussi juste que possible de leur père, essayer de lui pardonner, entretenir des relations de paix au sein de nos familles et belles-familles… Je ne suis pas seule à vivre ainsi le divorce. J’ai beaucoup d’amis qui partagent ce chemin et qui y trouvent paix et joie. Si le sacrement de mariage est valide, Dieu y est engagé avec les époux. Et Dieu est fidèle. (…)

Quand j’ai lu le chapitre intitulé  : “l’accompagnement de l’Église“, j’ai été stupéfaite. Aucune proposition (en dehors de Cana), aucun livre ne témoigne de ce chemin de fidélité au sacrement de mariage (…) Que ceux qui ont le désir de rester fidèles au sacrement, de ne pas contracter une nouvelle union, trouvent du soutien et puissent lire dans votre revue des noms de mouvements ou de livres qui les aident. » (…) C.C.

« Membre de CVX depuis 6 ans, je me suis marié à l’Église, j’ai quatre enfants et mon divorce a été pour le moins conflictuel. L’Église a prononcé la nullité au bout de quatre ans… Après avoir apprivoisé ma solitude, j’ai décidé de ne pas rester seul. Rencontre, Pacs pendant trois ans, marié depuis un an. (…) À l’Eucharistie, le prêtre dit  : “Prenez et mangez en tous”, et il n’ajoute pas “sauf aux divorcés remariés”. Cela devrait suffire à calmer le débat. Le pardon : qu’a-t-on fait de si irréparable pour en être exclu ? La faute serait-elle plus grave que celle de tel tortionnaire qui, lui, est pardonné ? Autre perspective : “il n’est pas bon que l’homme reste seul…”. Difficile de s’y reconnaître. Cela n’empêche pas de prier… (…) En conclusion je pense que la position de notre Église sur les divorcés est un frein à l’évangélisation. La CVX devrait se pencher sur toute cette humanité en panne d’amour, très souvent proche de nous. Car toutes les familles sont touchées. » (…) J.L.B.

être écouté, écouté et encore écouté « Le sujet abordé dans votre dossier est délicat. Je me permets de vous adresser mes réactions toutes personnelles. Au moment de la séparation, le conjoint isolé a besoin : • D’être écouté, écouté et encore écouté, afin qu’il puisse exprimer, qu’il puisse dire et redire, qu’il puisse crier sa souffrance,

formuler ses interrogations. Il ne recherche pas une réponse immédiate à son problème : il n’y en a pas. Il doit prendre le temps, son temps à lui, qui ne sera pas de la même durée que celui du voisin. • D’être accueilli au sein d’une structure chaleureuse. Car la structure chaleureuse qui était la sienne  : son foyer vient de voler en éclat  : ce pourra être un groupe d’amis, un groupe de prière, une fraternité spirituelle ou tout simplement un groupe où il pourra évacuer le trop plein d’anxiété qui est le sien : sport, chorale… • D’entendre une parole de soutien, de compassion. Il ne cherche pas à gommer tout ce qu’il vient de vivre, souvent il n’a qu’un seul désir le retour de celui qui est parti. Il ne cherche pas, comme l’opinion courante tend à le faire croire, à « refaire sa vie ». Expression horrible, y at-il quelque chose dans notre vie que nous pouvons refaire ? Non ce qu’il cherche c’est à poursuivre sa vie, à ne pas s’effondrer. • D’entendre quelqu’un qui ne craigne pas de lui parler en vérité, même si à cet instant cette vérité est impossible à accepter. Il est seul, mais plus que jamais il a besoin d’une parole vraie, de la Parole de Dieu. (…) La parole de Dieu est sûre, la fidélité de Dieu certaine. Le Seigneur avec les époux s’est engagé à l’instant de leur union, Il ne va pas les abandonner au moment de la crise la plus sévère que le couple rencontre. Il est là à leur côté, certes souvent dans la nuit mais Il est présent. » (…) P.B.

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Pages réalisées par Yves de Gentil-Baichis Retrouvez l’intégralité du courrier des lecteurs sur www.viechretienne.fr

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Chercher et trouver et trouver Dieu Dieu

Espérer

malgré tout

© iStock

« L’espérance n’est pas la conviction que quelque chose finira bien ; c’est la certitude que quelque chose a un sens quelle que soit la façon dont ça finit. » Acteur engagé, Vaclav Havel ne fait pas de l’espérance une ligne de démarcation entre optimistes et pessimistes, naïfs et réalistes, idéalistes et cyniques. Avec lui, l’espérance est combat. Elle ouvre une voie et fait vérité, donne force et persévérance, résiste au plus facile et au clinquant, s’engage pour la libération et la dignité, rassemble. L’enfant de Noël redonne le sens oublié ou perdu. Il invite à l’intériorité de la prière et du silence, à l’accueil de la paix dans l’inattendu, à la rencontre de ceux qui comptent peu (sauf pour un recensement), au partage dans l’action fraternelle dépouillée de tout calcul. De quoi espérer encore, en ce temps d’Avent. Dominique Hiesse Témoignages J’ai osé changer de travail. . . . . . . . . . 8 Avec des jeunes en rupture scolaire. . . 9 Les catéchumènes me font espérer . . 10 De la maladie à l’espérance. . . . . . . . 11

éclairage biblique En exil espérer . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

Contrechamp Le pessimisme, un mal bien français. . . . . . . . . . . . . 13

Pour continuer en réunion . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

Repères ignatiens Espérer avec Ignace et Teilhard de Chardin. . . . . . . . . . . . 16

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Chercher et trouver Dieu

J’ai osé changer de travail En accompagnant des salariés en phase de changement, Jacques a trouvé la force d’entreprendre.

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Dans mon entourage, je connaissais peu d’entrepreneurs ou de personnes ayant eu le courage d’oser se lancer dans une aventure. Cela concernait les personnes auxquelles je ne ressemblais pas.

je fus un révélateur pour eux, puis cela a transformé ma vision de ce qu’il était possible d’entreprendre. S’ils le pouvaient, pourquoi pas moi ?

Et puis, mon parcours professionnel fut jalonné de rencontres avec des salariés en phase de repositionnement. Les aider à réfléchir puis à bâtir leur futur, fut l’occasion pour moi de les croiser au cœur de leur questionnement.

J’avais un métier qui me plaisait, des responsabilités, mais aussi des questions sur le sens de ce que je faisais. Ma décision était en gestation, lorsqu’un tsunami intervint dans ma vie, avec la perte d’un enfant.

Plusieurs d’entre eux prirent des décisions importantes qui allaient changer leur vie. Ce partage avec eux m’a ouvert les yeux. Souvent

Paradoxalement, cet événement majeur m’a poussé à puiser au fond de moi l’énergie et la confiance pour entreprendre.

C’est l’élément indispensable pour se lancer dans l’aventure : se faire confiance, se dire que tous ceux qui entreprennent ont pris des risques et ont réussi parce qu’ils y croyaient !

Une petite voix me guidait m’incitant à me faire confiance.

Prendre cette décision l’an dernier et mener à bien le projet depuis six mois, furent salvateurs pour moi. Concrétiser des projets, c’est une façon de vivre, d’avancer, d’oser l’inconnu et de croire en lui. Aujourd’hui je suis confiant sur mon avenir, sans être naïf sur les obstacles à surmonter. C’est une croyance dans mon potentiel, et je la ressens fortement.

© Dominique Hiesse

Oser changer de travail c’est aussi prendre la décision de se libérer d’entraves que l’on ne voit plus : la sécurité d’être salarié, ses avantages, le statut, la reconnaissance, la croyance que tout est éternel.

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Autre élément qui me semble tout aussi essentiel, se lancer dans une aventure qui change notre vie, doit être motivé par une envie, une aspiration positive et surtout ne pas être une fuite. Jacques


Avec des jeunes en rupture scolaire Daniel dirige une École de Production. Un grand nombre de ses élèves sont des ados en décrochage scolaire. Il les accueille dès l’âge de 15 ans.

Il y a des moments de découragement, la réussite n’est pas garantie. Certains jeunes mettent

du temps à s’affranchir de leur passé et de leurs échecs, alors je doute : est ce que je sers vraiment à quelque chose ? Le métier de mécanicien que je leur propose est-il le bon pour eux ? J’aime particulièrement les nouveaux qu’on accueille en première année. Bien sûr, on leur fait découvrir un métier, c’est le prétexte et la raison de leur présence ici, mais l’essentiel, c’est de leur redonner du goût, de l’importance, de la motivation. D’abord, les écouter, car l’échec scolaire les dévalue, ils sont pris pour des bons à rien et ils finissent par le croire. Ensuite, repérer leurs talents et changer leur regard sur ce qu’ils considèrent comme leur point faible, parce qu’on leur a répété, « tu n’es bon que pour le travail manuel ». Les persuader que c’est au contraire un point fort qu’il leur faut travailler, qui les rend respectables et dont ils peuvent être fiers. Enfin, dialoguer avec eux dans leur confrontation au

© Robert Kluba / Ciric

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Ce qui me motive aujourd’hui à accompagner des jeunes rejetés par le système scolaire traditionnel, c’est à la fois la simplicité de la démarche et la difficulté de la mise en œuvre. J’ai été sauvé moi-même par cette pédagogie et par l’espérance patiente que mettaient en moi mes moniteurs d’ateliers. En seconde, j’en avais assez de rester assis à écouter les profs. L’école de production, qui m’a alors accueilli, m’a remis en selle, au point qu’après quatre ans, j’ai retrouvé le goût de poursuivre mes études, en cours du soir après la journée de travail. Aujourd’hui, pour moi, c’est un cadeau d’accueillir un jeune rejeté, sans espoir ; d’arriver à en faire quelqu’un de parfaitement intégré dans le monde du travail, après l’avoir vu prendre progressivement confiance en lui et de le voir s’épanouir. Je me sens comme un jardinier avec ses fleurs.

« réel ». Les plus fragiles sont plus ouverts au progrès que ceux d’un milieu plus protégé, avec lesquels c’est plus difficile. Mais dans tout gamin, il y a du bon. Même si avec moi il échoue, j’espère qu’ailleurs, quelqu’un saura mieux que moi le faire grandir dans ce qu’il est. Espérer et croire en un jeune, c’est essentiel, c’est l’avenir. Daniel www.ecoles-de-production.com

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Chercher et trouver Dieu

Les catéchumènes me font espérer Hélène accompagne des catéchumènes dans des parcours sur 2 ou 3 ans qui les conduisent au baptême et à la confirmation. Une expérience qui l’interroge et la renouvelle.

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leur irrégularité peut conduire à leur refuser les sacrements auxquels ils se sont préparés pendant deux à trois ans. Il y aurait là de quoi désespérer de cette rigidité, du contre-témoignage produit. C’est pourtant bien mon Église qui les a fait cheminer (sur le terrain pastoral on trouve des solutions) et les catéchumènes soutiennent mon espérance en elle.

Assez souvent, les catéchumènes que j’accompagne sont des personnes qui ont vécu une expérience de « mort résurrection » : la perte d’un être cher, une épreuve de santé, un échec… Parmi elles, des divorcés, dont l’épreuve de la rupture est l’occasion d’une vie spirituelle plus profonde quand ils découvrent une vie redonnée avec un nouveau conjoint. Leur situation matrimoniale fait difficulté pour l’institution ecclésiale. Difficile de leur expliquer que

© Corinne Mercier / CIRIC

Au cours du parcours de « l’initiation chrétienne », le catéchumène découvre la Parole de Dieu avec goût et la présence du Christ dans sa vie pour se laisser transformer, jour après jour ! Pour eux, l’Évangile est neuf et permet un chemin de croissance. Julie s’est réconciliée avec ellemême, son histoire et sa famille. Marie s’est engagée dans une psychothérapie pour plus de liberté intérieure. Le catéchuménat devient un lieu communautaire où aînés dans la foi et chercheurs de Dieu s’écoutent et dialoguent dans la confiance. Une fraternité se tisse ; à l’entrée en catéchuménat de David par exemple, des

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paroissiens lui ont trouvé logement et travail plus stables. Leurs traversées me soutiennent : passer d’un désir personnel à la conviction d’être appelé par le Christ, d’une demande de sacrement à un devenir chrétien, quitter des habitudes de vie, s’ouvrir aux autres… Je les vois découvrir le combat du disciple. « L’été a été un temps de désert, j’ai perdu mes repères », dit Paul. Ils sont soucieux de leur avenir chrétien. Ma foi me fait partager leurs questions : dans quel lieu d’Église continuer à partager la Parole de Dieu et relire sa vie ? De toute condition sociale, ils me rappellent que malgré nos institutions vieillissantes, l’Esprit est toujours à l’œuvre. Comment accueillir et se laisser enrichir par ces nouveaux venus à la foi, se laisser renouveler par les recommençants ? Avec eux, je vois bien ce qui germe aujourd’hui. Hélène


De la maladie à l’espérance

Quand la maladie fait irruption, la vie bascule. Chaque année, le pèlerinage « Lourdes Cancer Espérance » permet à de nombreux malades de se retrouver dans la confiance.

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Et de quoi ai-je besoin d’autre que du bonheur, de la guérison, guérison de mon corps mais aussi la guérison de tout mon être, besoin d’ancrer ma vie sur le roc, sur la source de tout bien ? Et cette confiance m’a conduit à l’espérance qui, toutes deux, se nourrissent l’une de l’autre. Je ne puis espérer que si j’ai confiance. Marie m’a conduit sur ce chemin à Jésus qui nous donne tout et ne nous prend rien. Aujourd’hui, chaque jour est un cadeau, chaque jour est une nouvelle étape, et chaque jour je vis une profonde joie, une grande espérance dans un Magnificat que je chante chaque soir avec mon épouse.

© Barbara Strobel

L’expérience de la fragilité dans la maladie, dans la souffrance m’a plongé au cœur de la fragilité de toute vie, de ma vie, de tout mon être. Cette fragilité m’a conduit à la confiance, la confiance en quelqu’un qui puisse me donner tout ce dont j’ai besoin comme l’enfant totalement fragile et dépendant, attendant tout de son papa ou de sa maman en qui il voue une confiance sans limite.

Les délégations sur le parvis du rosaire - Pèlerinage LCE 2011

Le pèlerinage « Lourdes Cancer Espérance » (LCE) nous a permis, à mon épouse et à moi-même, d’entrer dans cette grande famille de souffrance, de joie et d’espérance dans la confiance. Ce fut pour nous une immense grâce du ciel et une immense bénédiction que de vivre ce grand temps de rencontres et de partages très profonds au cœur de la vie de chacun, temps d’amitiés nouvelles créées par la communion au même mystère de la souffrance et de la joie de la croix

glorieuse, vainqueur de tout mal, immense joie de recevoir au milieu de cette immense assemblée joyeuse de LCE les sacrements du pardon, de l’Eucharistie et de l’Onction sainte des malades, immense paix de ce plongeon dans la piscine de Lourdes reçue comme une immersion dans la miséricorde, l’amour et la tendresse du Père accompagné par Marie ! Norbert www.lourdescanceresperance.fr

Créée en 1985 pour rompre l’isolement face à la maladie, l’association « Lourdes Cancer Espérance » est aujourd’hui représentée dans toute la France, ainsi qu’en Belgique, à Monaco et au Luxembourg. Actuellement, elle compte près de 9 000 adhérents.

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Chercher et trouver Dieu

Le pessimisme, un mal bien français Faire le panorama des tendances au pessimisme ou à l’optimisme des Français selon l’âge et la culture est impossible. Cependant certains traits, en particulier chez les jeunes, ressortent du paysage.

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Le pessimisme face à l’avenir personnel ou national est un trait général des Européens. Campés sur leur héritage, la supériorité de leur culture, de leur protection sociale, ils voient le socle de leur patrimoine vaciller, leur système de valeur déstabilisé par la pénétration du multiculturalisme. D’autre part, le déclin du christianisme et la montée de l’islam perturbent leur identité. La crise financière, le vieillissement démographique – avec son corollaire : la baisse des facultés innovantes, la crainte du changement – menacent la survie de leur modèle social et sapent leur dynamisme au moment même où la globalisation défie leur position hégémonique. Mais, les sondages le répètent : le pessimisme est une caractéristique des Français. Depuis 1973, le pourcentage des personnes satisfaites de leur vie n’a jamais

dépassé chez nous les 15 % alors qu’il a toujours dépassé 50 % au Danemark. L’une des causes qui peut expliquer cette particularité française réside sans doute, dans le rôle particulier de « l’État providence », dans la forte centralisation du pouvoir et le manque de démocratie participative. La dette des États et le doute sur leur capacité à assurer le bienêtre social sont donc ressentis plus fortement en France qu’ailleurs.

L’inquiétude des jeunes La particularité des particularités tient au fait que les jeunes Français sont parmi les plus pessimistes des jeunes Européens (enquête Fondapol1) et les plus pessimistes de nos concitoyens. La France est le pays d’Europe où l’écart de satisfaction entre jeunes et adultes est le plus fort. Tout

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aussi grave la mauvaise image que 65 % des Français ont des 1425 ans. Les jeunes semblent bien leur renvoyer la monnaie de leur pièce : ils sont seulement 11 % à se dire prêts à payer pour les retraites des seniors contre 21 % en Espagne et 35 % au Danemark. Cette inquiétude de la jeunesse est liée au sentiment que la société française est bloquée : 82 % des jeunes français estiment que la société a besoin de se transformer profondément et, en même temps, ils sont sceptiques sur la capacité de la société à évoluer dans le bon sens (enquête Credoc 2007). Le taux de chômage élevé des jeunes (23 % en 2010) explique ce sentiment d’impuissance, mais aussi la précarité des premiers emplois (80 % en CDD). Seuls 40 % des jeunes d’une classe d’âge sortent diplômés des universités françaises, contre 80 % au Japon, 60 % en Corée du


© Jean Matthieu Gautier / CIRIC

sud ou 55 % aux USA (INSEE). Le système éducatif, promoteur des valeurs républicaines, leur apparaît élitiste, figé, étranger à leur culture et à leurs préoccupations. Il est clair que les enfants issus des catégories sociales les plus élevées n’ont pas la même perception de leur avenir personnel et de celui de leur pays. Cela ressort encore plus nettement chez les jeunes qui se sont rendus aux JMJ de Madrid. Selon une enquête de La Vie : 77 % d’entre eux ont une vision très bonne ou bonne de leur avenir. Cela s’explique par la surreprésentation aux JMJ des enfants de père cadre et de profession libérale (1 sur 2), et des filles, plus confiantes en l’avenir que les garçons, ainsi que par leur engagement dans la foi et la militance ecclésiale.

Un fort taux de fécondité Si un tel pessimisme a des motifs spécifiques à la France, il n’en exprime pas moins certaines contradictions flagrantes. En ef-

fet, la France a l’un des taux de fécondité d’enfants par femme le plus élevé d’Europe et même en augmentation : il est passé de 1,8 en 2005 à 2,01 en 2010 malgré l’apparition de la crise. Or ce taux est un indicateur de la confiance non seulement pour soi-même mais aussi pour son pays ou pour l’Europe. Quant à la jeunesse, une enquête du Livre Blanc de la Commission Européenne relève que la volonté de participation et désir d’engagement dans des secteurs comme l’environnement, le développement durable, la lutte contre les discriminations restent forts. De même que l’aide aux personnes en situation d’exclusion en France ainsi que le désir d’aider au développement à l’étranger. L’engagement bénévole rassemble aujourd’hui 36 % de la population totale et 29 % chez les 15-24 ans. Chez ces derniers, l’intérêt et la confiance se situent essentiellement après ceux donnés à la famille : 66 % des jeunes de 18-25 ans envisagent le bénévo-

lat au sein d’une association de solidarité (enquête OpinionWay, 2010). En 2008, une enquête de l’AVE2 auprès de candidats au service civil indiquait qu’ils étaient 80 %, prioritairement attirés par le fait de vivre une expérience « humaine et personnelle » et à 70 % attirés par une expérience « valorisante et valorisée ». Ces traits se retrouvent globalement chez les jeunes cathos : primat de l’expérience personnelle, de la vérification du bon et du vrai par l’authenticité du témoignage et l’efficacité ou utilité des projets et organismes.

1 Fondation pour l’innovation politique. 2 Agence pour le Volontariat et la Valorisation de l’Engagement. 3 On pourra se reporter à la riche analyse de J.M.Donegani : « Quelques réflexions sociologiques pour une pastorale des jeunes », parue dans Vocations, mai 2011, qui développe des aspects qu’on n’a pas la place d’aborder ici.

Pessimistes, optimistes les Français, les jeunes en particulier ? Certainement les deux, tels qu’ils se perçoivent ou se disent ! Méfions-nous d’un jugement décisif quant à la traduction de ces sentiments dans leur vie et dans leur agir en société, tant leurs contradictions sont fortes, signes d’ambivalences : de craintes et de confiance, de replis et d’ouvertures, de doute et de capacités3. Olivier de Fontmagne sj Novembre 2011 13


Chercher et trouver Dieu

En exil

espérer

1 Voici les termes de la lettre que le prophète Jérémie envoya de Jérusalem à tous les anciens parmi les exilés, aux prêtres, aux prophètes et au peuple tout entier que Nabuchodonosor avait déportés de Jérusalem à Babylone. 4 Ainsi parle le Seigneur le tout-puissant, le Dieu d’Israël, à tous les exilés que j’ai fait déporter de Jérusalem à Babylone. 5 Construisez des maisons et habitez-les, plantez des jardins et mangez-en les fruits, 6 prenez femme, ayez des garçons et des filles, occupez-vous de marier vos fils et donnez vos filles en mariage pour qu’elles aient des garçons et des filles : là-bas soyez prolifiques, ne déclinez point ! 7 Soyez soucieux de la prospérité de la ville où je vous ai déportés et intercédez pour elle auprès du Seigneur : sa prospérité est la condition de la vôtre. 8 Oui, ainsi parle le Seigneur, le tout puissant, le Dieu d’Israël : Ne vous laissez pas abuser par les prophètes qui sont parmi vous, ni par vos devins, et ne faites pas attention aux songes que vous avez ; 9 c’est faux ce qu’ils prophétisent en mon nom ; je ne les ai pas envoyés – oracle du Seigneur. 10 Ainsi parle le Seigneur : Quand soixante-dix ans seront écoulés pour Babylone, je m’occuperai de vous et j’accomplirai pour vous mes promesses concernant votre retour en ce lieu. 11 Moi, je sais les projets que j’ai formés à votre sujet – oracle du Seigneur -, projets de prospérité et non de malheur : je vais vous donner un avenir et une espérance. 12 Vous m’invoquerez, vous marcherez, vous m’adresserez vos prières et moi, je vous exaucerai. 13 Vous me rechercherez et vous me trouverez : vous me chercherez du fond de vous-mêmes, 14 et je me laisserai trouver par vous – oracle du Seigneur, je vous restaurerai, je vous rassemblerai de toutes les nations et de tous les lieux où je vous ai dispersés – oracle du Seigneur -, et je vous ramènerai à l’endroit d’où je vous ai déportés.

JéRéMIE, 29, 1, 4-14 (Traduction TOB 1995)

© Pascal Deloche / GODONG

▼ L’exil à Babylone

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« Au bord des fleuves de Babylone nous étions assis et nous pleurions, nous souvenant de Sion… » Nous imaginons bien la tristesse des exilés : transplantés dans un pays ennemi, ils ont perdu patrie, familles et biens, et plus encore leur honneur et la confiance en leur destin. Leur désarroi est total. Où donc est Dieu maintenant ? L’invitation de Jérémie à s’installer dans le pays les surprend, les prend à contre-courant de leur certitude de retour au pays bientôt. « Construisez… plantez… prenez femme… » Le message est politiquement incorrect. Va-t-on collaborer avec l’ennemi exploiteur ? Pire : « Soyez soucieux de la prospérité de la ville où je vous ai déportés et intercédez pour elle » ! Où Dieu veut-il en venir ? Certains pensent : Jérémie est à côté de la plaque, bientôt nous reviendrons, Dieu ne peut pas nous abandonner à un tel sort… Les faux prophètes annoncent un retour prochain, d’autres voient dans l’exil un châtiment voulu par Dieu et appellent à la conversion. L’idolâtrie du peuple, la cupidité des grands, les fraudes des


gouvernants sont réelles, que Dieu punisse, ce n’est que justice. Mais ici il s’agit d’autre chose. Jérémie annonce que l’exil durera, qu’il est nécessaire d’envisager du long terme. Cela ne sert à rien de pleurer, il faut vivre, bâtir, planter. Le retour aura lieu mais dans soixante-dix ans – la durée d’une vie d’homme. Comment alors être fidèle à Dieu, durer loin de Jérusalem, au milieu des païens, sans sacrifices ni prières organisées ? Vient alors la pointe du message : « Je vais vous donner un avenir et une espérance… vous me chercherez du fond de vous-mêmes ». Le prophète sait d’expérience que la parole est en lui comme un feu dévorant (Jérémie 20,9), il invite ses compatriotes à chercher Dieu à l’intime même de leur être, au cœur de leur dure expérience, et assure que Dieu se laissera trouver. Non, il n’est pas étranger aux malheurs des siens, on peut le prier dans la détresse, loin du temple et des fêtes. Il faut le chercher du fond de soi, alors il se laisse trouver. L’exil va permettre à Israël une découverte inouïe : le Seigneur rejoint l’homme dans son malheur, du cœur brisé et broyé il n’a pas de mépris (Psaume 50). Le chercher alors qu’il semble loin, espérer contre toute espérance, donnera au peuple une nouvelle connaissance de Dieu. « Je ne te connaissais que par ouï-dire » dira Job (Job 42,5). Sans temple ni sacrifices, un culte peut être rendu à Dieu, celui de la vie humblement offerte. La lettre aux exilés annonce l’alliance renouvelée que Jérémie explicitera (Jérémie 31-34) : Dieu se laisse trouver quand l’homme va vers lui-même, intériorise sa situation et la reçoit, imposée ou choisie, des mains de son Créateur et Seigneur. Etre attentif au présent, y travailler avec intelligence et réalisme, l’inscrire dans une perspective d’avenir et compter que Dieu réalisera ses promesses, Jérémie dit déjà ce qui caractérisera plus tard la manière de faire d’Ignace de Loyola.

POUR PRIER... +M e mettre en présence du Seigneur, Créateur et Sauveur qui désire se communiquer aux hommes et à moi. Venir à lui avec ce qui me tient à cœur, ce qui me fait souffrir ou me fait peur. Demander la grâce de la lucidité et de la confiance.

+ R elire le texte. M’évoque-t-il des souvenirs ? M’arrive-t-il de regretter le passé ? de rêver y revenir? Dans ma situation, qu’est-ce que je subis ?

+M ’étonner du message de Jérémie, admirer son intelligence de la situation, son courage, son audace d’aller à contre-courant. Où trouve-til une telle énergie ? Autour de moi, est-ce que je connais des gens qui montrent un amour de la vie malgré leurs épreuves ?

+M e présenter humblement au Seigneur, lui demander espérance et force.

+ « Prends Seigneur et reçois toute ma liberté… »

Marie Emmanuel Crahay Auxilliaire du sacerdoce

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Chercher et trouver Dieu

espérer

avec ignace et teilhard de chardin

D 1 Pierre Teilhard de Chardin, le Phénomène Humain, Le Seuil, Œuvres Complètes, Tome 1, pages 258-259.

De manière très ignatienne, Teilhard pense que l’homme est placé devant un choix, un dilemme : soit il croit en un avenir possible pour lui dans l’univers et alors il aura le goût de construire aujourd’hui pour demain et il mènera l’évolution jusqu’à son accomplissement en Christ, l’alpha et l’oméga ; soit il pense que l’univers n’a pas d’avenir et il n’aura pas la force d’assumer sa tâche, « il fera grève », et l’évolution avortera avant son terme, gâchant ainsi les milliards d’années de travail de l’univers.

Teilhard et sa confiance en l’évolution Mais qu’est-ce qui peut donner à l’homme de croire en un avenir possible de l’humanité alors que les menaces écologiques et les puissances de destruction de tous ordres se multiplient ? Qu’est-ce

qui peut donner à l’homme « le goût de vivre » et d’espérer1 ? Teilhard invite à contempler le passé de l’univers pour trouver confiance dans l’avenir. « En vérité, le Monde est une trop grande affaire. Il a depuis les origines, pour nous enfanter, miraculeusement joué avec trop d’improbables, pour que nous risquions quoi que ce soit à nous engager plus loin, jusqu’au bout à sa suite. S’il a entrepris l’œuvre, c’est qu’il peut l’achever, suivant les mêmes méthodes, et avec la même infaillibilité, qu’il l’a commencée. » Aujourd’hui, ce point de vue de Teilhard sur l’évolution détonne pour le moins : n’est-il pas de bon ton de souligner que tout advient par hasard et qu’aucun dessein n’est inscrit dans la nature  ? Mais Teilhard a choisi un mode d’observation qui n’est pas celui des biologistes. Il ne cherche pas à expliquer les transformations, il les met en perspective. Pour Teilhard le hasard est bien pré-

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sent, mais c’est un outil de tâtonnement au service de l’émergence des potentialités de la matière. L’évolution nous révèle ainsi sa logique interne : tout advient par assemblage d’assemblages. Selon ce principe de construction du complexe, l’avenir de l’homme n’est pas dans la fabrication d’un superman bionique, il est dans l’union des hommes pour tisser une humanité où chacun aura sa place singulière, organique. La liberté marque le sommet de cette maturation psychique et l’avenir de l’homme dépend désormais des décisions de l’homme lui-même. Et l’homme ne choisira de s’investir dans la construction de son avenir que s’il a le goût de vivre. L’univers ayant toujours manifesté jusque-là qu’il recelait ce qui était nécessaire à la poursuite de l’évolution, Teilhard pense qu’il recèle de quoi donner à l’homme le goût de vivre. Et il relève deux éléments vitalement nécessaires pour cela :


© Patrice Thebault / CIRIC

• L’irréversibilité qu’il associe à l’immortalité : « L’Homme, plus il est homme, ne saurait se donner qu’à ce qu’il aime. Et il n’aime finalement que l’indestructible. /…/ La ‘Vie réfléchie’ ne peut se mouvoir que vers de l’immortel /…/ Donc l’Immortel existe. » Teilhard pense que le nouvel assemblage que constituera l’humanité aura des propriétés nouvelles par rapport à l’espace et au temps car chaque palier de complexité manifeste des propriétés nouvelles. • Un point d’attraction personnalisant (= le Christ) permettant différenciation et complexification de chacun. Teilhard rejette les totalitarismes (communisme, national-socialisme,

fascisme), au nom d’une humanité à venir dans laquelle chacun aura une place singulière et irremplaçable. C’est donc la relecture de ce qui ne cesse d’émerger dans le passé qui permet à Teilhard de Chardin d’avoir une foi raisonnée en l’avenir.

Ignace et la relecture du passé pour construire l’avenir Ignace quant à lui n’a pas parlé de l’espérance comme telle. Il nous a mis en Exercices, de manière à ce

que nous puissions expérimenter, éprouver intérieurement, la vie qui nous est donnée dans l’Esprit et que nous apprenions à la différencier de celle qui n’engendre que défiance, inquiétude et repli sur soi. Comme moyen privilégié, il nous propose d’examiner et de relire nos journées, nos semaines, notre histoire afin de découvrir peu à peu « Dieu en toute chose » et de ne plus aimer les choses pour elles-mêmes mais seulement en Dieu. Il affirme même que si un compagnon n’a pas le temps de faire oraison, il ne doit pas manquer l’Examen, ce que nous appelons encore aujourd’hui, la prière d’Alliance. Il nous invite à entrer dans l’intelligence du passé, mais plus encore dans la

,

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Chercher et trouver Dieu

reconnaissance. Pour lui, il n’y a pas de plus grand péché que l’ingratitude. C’est donc bien à partir d’une relecture du passé qu’il fonde les choix que nous devons faire pour construire notre avenir.

2 En 1917, Teilhard était dans les tranchées, aumônier du 4ème RMZT.

Martin Pochon, jésuite, est actuellement responsable de l’apostolat social. Il a publié aux Editions Vie Chrétienne, Adam et Ève, la mémoire d’un avenir, n° 413 (nouvelle édition en préparation) et L’offrande de Dieu, n° 552.

regard cosmique ou intérieur Ignace et Teilhard s’appuient tous les deux sur une reconnaissance et une intelligence du passé pour inviter chacun à se risquer de manière cohérente dans le futur en croyant en l’avenir. Seulement, Teilhard part de la vision globale de l’évolution de l’univers pour fonder une espérance personnelle, et croire que l’univers recèle ce qui est nécessaire pour

maintenir le goût de vivre chez l’homme ; alors qu’Ignace part de l’expérience personnelle du don de Dieu dans l’Esprit pour inviter chacun à ordonner sa vie et la construire en cohérence avec ce qu’il a éprouvé dans le passé comme porteur d’allégresse, de paix et d’espérance. Cette différence de point de vue a des incidences concrètes  : la blessure de Pampelune a été pour Ignace l’occasion de découvrir la vanité de ce genre d’existence guerrière, alors que Teilhard intégrait le front du Chemin de Dames2 dans une vision mystique des forces de l’univers, rendant secondes les souffrances présentes. Ignace n’avait de cesse de se rapprocher des événements sensibles qui composaient la vie de Jésus de Nazareth (les différentes oraisons des journées se

terminent par une application des sens), alors que Teilhard, lorsqu’il faisait les Exercices, s’échappait sans tarder de Palestine pour contempler le Christ cosmique, le point focal personnalisant de l’Univers. Les deux démarches sont sans doute nécessaires aujourd’hui. Plus qu’en d’autres époques, face à la multiplicité des discours, il importe de rendre l’homme attentif à ce qu’il éprouve en son intériorité, mais en ces temps où le sens de l’univers semble perdu dans la poussière des galaxies, la perspective teilhardienne d’un infini de complexité et de conscience vient redonner quelque crédit à la raison pour fonder l’espérance. Martin POCHON sj

Pour continuer... Personnellement avec des livres « En toi, ils ont espéré » Raymond Pautrel sj « La décision de vivre » Marie-Claire Berthelin « La traversée de la nuit », « Le secret de l’espérance » Geneviève de Gaulle-Anthonioz « L’Esprit, espérance d’une Église en crise » Michel Rondet sj

En réunion de communauté locale

• D ans le temps d’Avent, se dire tout ce que l’on voit naître, émerger de bon autour de nous et qui nourrit notre espérance.

• C hoisir un livre ou un texte à lire ensemble, puis échanger sur ce qui nous touche et à quoi cela nous invite concrètement.

18 Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 14


Le Babillard

Retrouvez

d’Été

WELCOME

l’Université

rencontre Vous sentez-vous prêt à aller à la sensibilité ? d’une autre culture, d’une autre

de CVX Août 2011

e à quelqu’un qui pourrait Consentiriez-vous à ouvrir votre port rent sur le monde et sur vous amener à porter un regard diffé tion à l’étranger ? rela vous-même, à dialoguer sur votre

« Apprendre à discer ner les appels de Dieu dans le monde »

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Retraite de l’Avent avec Notre Dame du Web

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Se former

des retraites virtuelles pour

une spiritualité incarnée

Premier centre spirituel ignatien sur le Web, le site « Notre-Dame du Web » déploie largement ses ailes dans le cyberespace. Ses contenus multimédias ont fait sa réputation de site pionnier en matière de spiritualité sur Internet.

P

Plusieurs types de retraite en ligne sont proposées : celles qui visent à une première expérience spirituelle (« Premiers pas », « Venez et voyez », de trois semaines) et celles qui visent à accompagner des temps liturgiques (Carême, Avent) ou des temps de vacances (comme celles pour l’été où nous invitons les internautes à prier sous un mode plus détendu avec les couleurs ou avec les jardins, etc.). D’autres retraites sont créées par des équipes proches de la famille ignatienne. Par exemple, celles conçues pour des jeunes (pour les volontaires de la DCC ou pour se préparer à vivre les JMJ de Madrid)… En mai dernier, la retraite NDWebécologie a connu un beau succès pour sa première mise en ligne, les membres de l’Atelier CVX « chrétiens coresponsables de

la création » en savent quelque chose !

Cybercompagnons dans la prière L’inscription à une retraite est toujours gratuite. Il suffit de donner son adresse électronique. Ils sont ainsi 500 à se retrouver pour la retraite « Premiers pas » qui est donnée 4 fois par an, et 3 000 ou 4 000 pour vivre ensemble le Carême. Les gens viennent de partout : de France (presque la moitié) mais aussi de toute la francophonie (Belgique, Suisse, Canada, Haïti et de plus en plus de pays africains à mesure que leur équipement informatique augmente) et même au-delà. Souvent, tous repartent

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avec la sensation d’avoir appartenu à une communauté mondiale, certes virtuelle, mais qui a eu des accents bien réels pendant plusieurs semaines. Ainsi, l’expérience du forum où chaque retraitant peut exprimer brièvement ce qu’il vit durant la retraite est très éclairante : une personne débutante, croyant ne pas savoir prier, écrit ce qui l’a frappé dans le passage évangélique proposé à la méditation et aussitôt une autre personne, du bout du monde, lui répond en la remerciant car ce qu’elle vient d’écrire débloque sa prière ! Ainsi, petit à petit, les uns et les autres s’entraident, se découvrent compagnons dans la prière. Paradoxalement, l’anonymat libère une « vraie » parole chez plusieurs et pour la première fois.


Une parole à goûter Le principe de chaque retraite est simple. Pour la retraite d’initiation des « Premiers pas » par exemple, un courrier électronique est envoyé les lundis et jeudis. Chaque courriel renvoie à des pages Internet qui ne sont accessibles qu’aux retraitants inscrits. Ces pages offrent : un enseignement (très court, avec des mots simples et rejoignant la vie de tous les jours ; par exemple : « le corps et la prière »), un passage biblique à méditer (avec des brèves indications pour se mettre à l’écoute de la Parole de Dieu), et une lecture spirituelle (un auteur contemporain qui parle de son expérience de Dieu avec des mots d’aujourd’hui). Ce sont des éléments très sobres, qui suscitent l’expérience vitale que représente la découverte de la Bible, non pas comme texte mais comme parole qui s’écoute et qui donne envie de répondre à Celui qui parle. Combien ont été mis debout par cette expérience fondatrice effectuée grâce au Web ! Pour les retraites de Carême ou du temps de l’Avent, le contenu est un peu plus diversifié (il n’y a qu’un seul courrier électronique envoyé chaque semaine) : œuvres d’art, musiques, fonds d’écran à télécharger et exercices spirituels pratiques à vivre au quotidien impliquant le corps. L’objectif est d’enrichir ce qui est proposé dans les retraites décrites précédemment pour aider à mieux entendre ce Dieu qui désire tant entrer en relation avec nous.

Dans la rubrique « Prier avec une œuvre d’art » Volet central d’un retable devant lequel a prié St Ignace de Loyola lors de son séjour à Manrèse (Retable du Saint Esprit, fin XIVe siècle, basilique de Santa Maria de la Seu).

Mettre en perspective l’intuition spirituelle En plus des retraites, le site Notre-Dame du Web propose diverses animations multimédias qui donne une belle place aux couleurs, aux sons et à l’interactivité. Mais toujours avec la même visée de rendre Dieu, sa présence et son amour, « expérimentable », concrètement. Ainsi des récits évangéliques sont-ils « enluminés » : il s’agit d’inventer pour Internet ce que les enluminures furent au parchemin. Mettre en relief des mots et des attitudes, expliquer des mots compliqués pour mieux écouter, faire voir, entendre et goûter, comme le propose Ignace : tout est bon pour rendre l’Évangile audible à des oreilles de surfers sur Internet. Les animations sont bien évidemment plus faciles avec des œuvres d’art : Internet se révèle alors un formidable passeur d’Évangile pour faire sai-

sir l’intuition spirituelle qu’un artiste a voulu traduire avec des couleurs et des formes. Le multimédia fait entrer l’internaute dans une expérience unique, surtout si ce dernier doit deviner où cliquer pour faire avancer l’animation ! Car dans l’univers virtuel, comme dans le monde réel, rien ne se passe si nous n’osons pas nous aventurer. Une autre trace de cette réalité spirituelle se trouve dans la rubrique du site qui s’intitule « La prière continue ». C’est très simple  : grâce au moyen technique d’un livre d’or, chacun peut déposer sa prière ou confier une intention à la prière des autres. Sa lecture est toujours émouvante : c’est le monde entier qui fait monter vers le Seigneur une prière dont l’intensité et la véracité ne peuvent laisser personne insensible. Sr Vanessa Micoulaud Religieuse du Cénacle pour l’équipe NDWeb www.ndweb.org

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Se former

Au service d’un camp MEJ 70 œufs à écaler pour le pique-nique des enfants, 16 ou 20 pains pour le petitdéjeuner, un pot de Nutella de 5 kilos pour l’équipe d’animation… voici les réalités pragmatiques auxquelles la CVX m’a invitée en me demandant de faire la cuisine durant un camp Mej, l’été dernier. Le Christ, qui choisit de préférence les temps de repas pour délivrer son message, s’est rendu présent de bien des façons dans cette expérience !

L

pas en avoir jusqu’à… ne plus être seule dans la cuisine ! Nous étions quatre cuisiniers-intendants. Autant de façons d’envisager la préparation des repas (équi-li-brés !… « mais il faut que les enfants aiment ! »), les quantités (trop, trop peu ?), la gestion

© Gilles Rigoulet / CIRIC

La cuisine, comme chacun sait, est le lieu de la vaisselle, de l’épluchage, du mijotage… pour chacune de ces simples actions, nous avons (j’ai) une « façon de faire », pour ne pas dire des manies. Chacun en a. Plus ou moins. Pour être honnête, je ne pensais

22 Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 14

des restes (on jette ?), les courses (« trop chères », « le bio c’est mieux », « achetons local » !). Plus on met de cœur à l’ouvrage, plus il est difficile d’accepter qu’il y ait plusieurs façons de le faire ! Reconnaître que notre rapport à l’alimentation est finalement une illustration de notre rapport à nous-même et aux autres… voilà une des découvertes de ce camp ! En équipe cuisine, nous avons pris le temps de l’ajustement. Nous nous sommes rappelés que nous étions là dans un but commun  : servir. En cela, l’équipe d’animation (directeur, animateur principal et spirituel) a été une aide précieuse ; nous intégrant à la vie du camp, invitant au dialogue entre nous et avec le reste de l’équipe d’animation. Petit à petit nous avons découvert comment faire véritablement équipe, plutôt que simplement se « répartir des tâches ». Au fil des jours, nous sommes devenus un équipage, conscients de nos


richesses et de nos différences. Avec beaucoup d’humour nous avons appris à en rire ! Étrangement, je pense que nos tâches n’en n’ont été que mieux accomplies !

Contemplation dans l’action Chercher et trouver Dieu en toute chose… cette phrase m’a réellement taraudée durant les premiers jours  ! Récurant mes marmites, épluchant mes kilos de carottes, je trouvais cette sentence déplacée, frisant l’angélisme ! Un service oui, un temps de bénévolat, voilà tout… mais Dieu  ? Non, il me faudrait du calme, pour le trouver, une oraison bien posée comme lors de cette récente retraite, au Cénacle, oui, Dieu était bien là. Devant moi, comme en tête à tête. Mais dans cette cuisine, je n’ai tout simplement pas la « tête à ça ». Je trouverais bien, après le temps de service, un moment pour aller à l’oratoire. Pour prier « pour de vrai ». La vérité sort de la bouche des enfants dit-on, en l’occurrence c’est l’un de leurs chants qui me l’a révélée : « Dieu est là comme un grain de sel, qu’on ne voit pas. N’oublie pas de goûter en toi, la saveur de la foi ! » Ce grain de sel qui change tout : Dieu est tellement là, que je ne le sens pas si je n’y prends pas garde. Sentir, goûter, savourer… Dieu parle à mes sens, à mon être entier, que je sois à l’oratoire ou en cuisine ! Trouver Dieu dans ce service, en ces enfants et ceux qui les accompagnent, c’est choisir d’ouvrir les

yeux ! Ce changement de regard s’est imposé doucement, comme une évidence.

Le choix Ce camp a été lieu de rencontres… c’est l’une de ses principales richesses. Mais les fruits de cette expérience sont à cueillir en amont ! L’étape de la décision en est une illustration : Je suis engagée au Mej. Et à CVX. Je me réjouis et travaille, à ma mesure, à encourager les liens de ces deux mouvements. Spiritualité commune, rencontre des générations… je suis convaincue de tout cela. Mais de là à faire la cuisine dans un camp Mej, il y a un pas que je n’envisageais pas de franchir ! J’ai pour cela beaucoup de bonnes et mauvaises raisons ; à commencer par l’âge de nos enfants (la dernière vient de souffler ses deux bougies), la reprise du travail pour moi en septembre et un emploi du temps familial en perpétuel ajustement. Lorsque la question m’a été posée, nous avons décidé, en couple, d’y réfléchir sans présumer de la réponse. Grâce à Thierry, mon mari, j’ai accepté d’envisager comme possible ce qui ne me semblait tout simplement « pas pour moi » ! C’est vrai que ce service est aussi (d’abord ?) affaire d’organisation ! Nos quatre enfants ont trouvé leur place, en camp, ou avec leur papa durant ce temps. Familialement, ce service est devenu notre affaire à tous ! Laetitia Pichon

Pour l’été prochain, posez-vous la question ! Un camp Mej se déroule en été. Il dure de 7 à 16 jours et concerne des enfants et des jeunes de 7 à 25 ans, répartis par tranches d’âge. Il peut se dérouler dans toute la France et même à l’étranger. On peut s’impliquer de façons multiples : en couple (monsieur à la cuisine, madame accompagnateur spi…). En invitant son filleul, ses petits enfants, ou ses propres enfants et en s’impliquant soi-même dans l’animation (connivence et bons souvenirs assurés !). On peut même le faire en famille, en s’assurant que chacun trouve sa place (à ajuster avec le Mej au cas par cas !)… et pourquoi pas, en équipe CVX ! Renseignements : Françoise Busnel : 02 41 87 64 52 ; Agnès Delepine : 01 34 84 00 91 ; Laetitia Pichon : 02 18 02 51 54 animcvx.campmej@ cvxfrance.com Novembre 2011 23


Se former

Les Actes des Apôtres

4. Évaluer

« Rendre grâces, voir les manques, réorienter … » Après le temps du discernement, celui de l’envoi et du soutien, vient le temps pour la mission d’être évaluée. À travers l’expérience de Pierre et de Paul relatée dans les Actes des Apôtres, se dessine une manière de faire.

S

Si, d’une manière générale, raconter ne va pas sans évaluer – tout récit étant dépendant de la manière dont le narrateur relit et relie entre eux les faits qu’il désire rapporter – cette évaluation peut se faire sous différents modes. Or, choisir de la décliner selon ces trois axes de l’action de grâces, de la relecture et de l’ouverture sur l’avenir convient particulièrement à l’histoire des débuts du christianisme telle que Luc nous la raconte. En effet, le « récit des événements accomplis parmi nous » qu’il entreprend à l’intention de Théophile n’est-il pas, avant tout, une invitation à ce que tout chrétien reconnaisse, avec lui, l’œuvre de salut de Dieu au sein de l’histoire humaine et l’accueille dans le présent de la vie de l’Église ? De ce moment essentiel de l’itinéraire missionnaire, il fait de

Pierre et Paul des témoins privilégiés.

Pierre et le centurion Corneille (Actes 10,1-11,18) Grâce à Pierre, capable de discerner peu à peu la volonté de Dieu dans l’événement de sa rencontre avec le centurion romain Corneille, l’Église de Jérusalem accepte de se laisser radicalement convertir en accueillant des nonjuifs en son sein et en rend gloire à Dieu : « Voilà que Dieu a donné aussi aux nations païennes la conversion qui mène à la vie » (11,18). Dans une séquence admirablement composée à cet effet (10,1-11,18), Luc s’attache à nous retracer le long chemin de relecture et de discernement qui a permis à Pierre et à toute la communauté de Jérusalem de

24 Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 14

décider d’une telle réorientation. Ainsi, Pierre commence par ne rien comprendre à l’ordre de la voix divine qu’il entend dans une vision, lui enjoignant de manger des animaux impurs (10,10-16). Alors qu’il s’interroge encore sur le sens de cette vision, il accepte d’accueillir chez lui les envoyés de Corneille puis de les suivre jusqu’à Joppé (10,17-23). Pourtant, une fois entré dans la maison de cet officier romain, comme si le temps du voyage lui avait permis de réfléchir, il peut donner la raison de sa présence : « C’est un crime pour un juif d’avoir des relations suivies ou même quelque contact avec un étranger. Mais à moi, Dieu vient de me faire comprendre qu’il ne fallait déclarer immonde et impur aucun homme » (10,28). Peu après, prenant la parole, à l’invitation de Corneille, devant toute la maisonnée, il en révèle le sens véritable, qu’il vient de découvrir : « Je me


L’effet rhétorique de la question est à la hauteur du regard clairvoyant et assuré que Pierre peut porter sur lui-même et sur les faits qu’il vient de rapporter : l’action de grâces qui jaillit du calme retrouvé des auditeurs le confirme aussitôt.

Paul et les anciens de la ville d’Éphèse (Actes 20,1-38) Dans le long discours d’adieu qu’il adresse aux anciens de la ville d’Éphèse réunis, à sa demande, à Milet, alors qu’il est sur la route du retour à Jérusalem, Paul évoque successivement son passé de missionnaire au service de Christ, les difficultés présentes dans laquelle il se trouve, et l’avenir de persécution auquel les chrétiens doivent se préparer. Témoignant de ce qui a fondé sa vie en vérité et en a fait la cohérence, il inscrit l’ensemble de

son itinéraire personnel dans le dynamisme, plus large, de la vie de l’Église, remettant entre les mains de Dieu ceux qui, après lui, dans un même engagement sans réserve, continueront d’en prendre soin. Ainsi, souligne-t-il, les épreuves qu’il a traversées ne l’ont pas empêché de se dépenser sans compter dans sa mission : « Je n’ai rien négligé de ce qui pouvait vous être utile ; au contraire, j’ai prêché, je vous ai instruits, en public comme en privé ; mon témoignage appelait et les Juifs et les Grecs à se convertir et à croire en notre Seigneur Jésus » (20,20-21). Rien ne pourra donc l’en détourner, pas même la menace présente du procès qui l’attend à Jérusalem et mettra sa vie en danger : « Je n’attache d’ailleurs vraiment aucun prix à ma propre vie ; mon but, c’est de mener à bien ma course et le service que le Seigneur Jésus m’a confié : rendre témoignage à l’Évangile de la grâce de Dieu » (20,24). Son départ, il le sait, fragilise la situation des responsables des communautés. Il les invite donc à la vigilance du berger envers son troupeau, les confiant, dans une prière commune à la grâce de Dieu (20,36). Malgré l’émotion du moment, c’est en paix et déterminé que Paul choisit d’aller vers une nouvelle étape de sa mission : « Qu’avez-vous à pleurer et à me briser le cœur ? Je suis prêt, moi, non seulement à être lié mais à mourir à Jérusalem pour le nom du Seigneur Jésus », dira-t-il aux frères qui le supplient de ne pas monter à Jérusalem (21,13).

© Lionel Amans / CIRIC

rends compte en vérité que Dieu est impartial et qu’en toute nation quiconque le craint et pratique la justice trouve accueil auprès de lui » (10,34-35). Enfin, devant ses frères de Jérusalem qui lui demandent des comptes pour ce qui, à leurs yeux, était une transgression de la Loi, il retrace encore une fois les événements en soulignant avec force la signification que revêt, à ses yeux, la venue de l’Esprit Saint sur la maison de Corneille : « Si Dieu a fait à ces gens le même don gracieux qu’à nous autres pour avoir cru au Seigneur, étais-je quelqu’un, moi, qui pouvait empêcher Dieu d’agir ? ».

Ephèse : ville rayonnante de l'Antiquité. Saint Paul y fit d'importantes prédications et y rédigea ses épîtres.

Paul et la communauté juive de Rome (Actes 28,16-31) À l’issue du procès qui lui a été intenté à Jérusalem, bien que reconnu innocent par la justice romaine, Paul n’a pas été libéré (21–26). En faisant appel à la justice de l’empereur, il cherche moins à obtenir gain de cause qu’à se donner la possibilité de continuer sa tâche, conformément à la parole reçue du Seigneur lors d’une vision nocturne : « Courage ! Tu viens de rendre témoignage à ma cause à Jérusalem. Il faut qu’à Rome aussi tu témoignes de même » (23,11).

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Le statut particulier d’« assignation à résidence » dont il bénéficie à Rome lui permet un ultime témoignage devant les notables juifs de la ville : « Dans sa présen-

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Détail de la Basilique St Paul à Rome Odile Flichy, spécialiste de l’œuvre de Luc, enseigne au Centre Sèvres – Facultés Jésuites de Paris. Cet article fait partie d’une série de quatre volets qui nous invite à lire le livre des Actes des Apôtres à la lumière du « DESE » de la CVX : discerner, envoyer, soutenir et évaluer, une dynamique née lors de l’Assemblée mondiale de la CVX à Nairobi : « Les rencontres des communautés locales doivent permettre à chacun en communauté de discerner, d’être envoyé, d’être soutenu et d’évaluer sa mission, ce qui fera grandir la responsabilité partagée, clé de voûte de la Communauté Apostolique. » Recommandations de l’Assemblée Générale de Nairobi 2003 à la Communauté de Vie Chrétienne (voir le lien avec ce document sur www.viechretienne.fr).

© Sylvie Duverneuil / CIRIC

Se former

tation, Paul rendait témoignage au Règne et, du matin au soir, il s’efforça de les convaincre, en parlant de Jésus à partir de la Loi de Moïse et des prophètes » (28,23). Le rejet de son message par une partie de ses auditeurs le conduit alors à un douloureux constat d’échec, dressé à la lumière de l’Écriture : l’incrédulité d’une partie du judaïsme relève, à ses yeux, de l’endurcissement d’Israël que le prophète Isaïe avait vocation de dénoncer de la part de Dieu (cf. l’encadré). Conformément au genre littéraire de l’oracle de jugement auquel Paul recourt, derrière les termes

sans appel et la menace de voir les seuls païens bénéficier du salut de Dieu, il faut entendre l’appel pressant à la conversion lancé par la bouche du prophète, pour que le peuple, enfin, entende, voie, comprenne et se laisse guérir par Dieu. En attendant, la mission continue  : Paul vécut ainsi deux années entières à ses frais et il recevait tous ceux qui venaient le trouver, proclamant le Règne de Dieu et enseignant ce qui concerne le Seigneur Jésus Christ avec une entière assurance et sans entraves (28,30-31). Odile Flichy

la citation d’Isaie 6,9-10 Il dit alors : Va, et dis à ce peuple : Vous entendrez, et vous ne comprendrez point. Vous verrez, et vous ne saisirez point. Rends insensible le cœur de ce peuple, Endurcis ses oreilles, et bouche-lui les yeux, Pour qu’il ne voie point de ses yeux, n’entende point de ses oreilles, Ne comprenne point de son cœur, Ne se convertisse point et ne soit point guéri. Le contexte de ces versets difficiles est celui de la « vocation » d’Isaïe (Is 6,1-13). Dieu a appelé le prophète au cours d’une vision dans le Temple et lui donne cet ordre surprenant. Comment comprendre que Dieu lui-même va condamner son peuple à ne pas accueillir la parole du prophète ? Effectivement difficile à comprendre, si on le considère isolément, le motif de l’endurcissement des cœurs, de l’aveuglement des yeux et de la surdité des oreilles (que l’on trouve à plusieurs reprises dans l’ensemble du livre d’Isaïe) s’éclaire, néanmoins, quelque peu lorsqu’on prend en compte son renversement au sein de la séquence narrative dans laquelle il s’insère. On découvre alors que si Dieu endurcit le cœur de son peuple infidèle et rebelle, ferme ses yeux et ses oreilles, c’est pour lui faire prendre conscience de son péché et le ramener à lui. Il lui dit ainsi sa colère et lui annonce un châtiment terrible. Mais, si Israël se repent et revient vers lui, alors, comme l’annonce le prophète : « Les yeux de ceux qui voient ne seront plus fermés, les oreilles de ceux qui entendent seront attentives, les cœurs pressés réfléchiront pour comprendre. » (Is 32,3-4a).

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« La conversation spirituelle » Comment cette expression, profondément ignatienne, peut-elle éclairer ce que nous vivons et nous encourager sur le chemin de l’écoute et de la parole ? Pour en approfondir le sens et réfléchir fraternellement sur nos pratiques, environ cinq cents membres de la famille ignatienne se sont rassemblés à Lourdes fin septembre pour trois jours de rencontres, de partage, de célébration.

A

Assis tout simplement, tel quel, au bord du puits, Jésus amène la Samaritaine, venue chercher de l’eau à l’heure la plus chaude, à reconnaître sa véritable soif… « Il m’a dit tout ce que j’ai fait », dira-t-elle. La honte n’a plus de prise sur elle, une fois reconnue l’impasse dans laquelle son itinérance affective l’avait menée. La voilà libérée par cette conversation. Ce récit est une parabole de nos soifs et de la façon dont le Messie vient les étancher.

Donne-moi à boire « Si tu savais le don de Dieu, et qui est celui qui te parle, c’est toi qui lui aurais demandé, et il te donnerait de l’eau vive ! » Et le Christ ajoute : « Quiconque boit de cette eau aura soif de nouveau ; or qui boira de l’eau que je

lui donnerai n’aura plus soif pour l’éternité, mais l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source d’eau jaillissant en vie éternelle ». Il est profond, le puits de nos soifs, mais comment oublier la saveur de cette eau jaillissante pour celui qui, une fois, s’y est étanché ? Et nous pourrions lire de la même façon la rencontre de nuit entre Jésus et Nicodème. Jésus, maître de vie, excelle dans l’art de la conversation.

frères conversent entre eux selon la grâce du Saint-Esprit, c’est le Christ lui-même qui, pour leur plus grande joie, leur apparaît : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux », avait annoncé le Seigneur.

Lorsqu’Ignace présente la mission de la Compagnie naissante, il regroupe les activités des compagnons en ministères de la Parole et œuvres de charité. Toute tâche pastorale n’est-elle pas le La conversation spirituelle  : lieu d’une rencontre ? Mais qu’on Saviez-vous que cette belle ex- ne s’y trompe pas, c’est la propression est profondément igna- fondeur de la conversation intétienne  ? Saint Ignace l’emploie rieure avec Dieu qui sous-tend et volontiers pour caractériser la rend féconde la conversation exmanière d’être et de procéder térieure ; de même, cette dernière des jésuites. À vrai dire, pour le reconduit à Dieu : comment, les P. Michel Fédou, dès les premiers uns et les autres, parlons-nous au temps de l’Église, la conversation Seigneur des rencontres qui ont spirituelle a droit de cité, à côté coloré, marqué nos journées ? Un d’autres tendances qui valorisent rapport étroit, quoiqu’invisible, la solitude. Et dans les Fioretti relie nos manières de prier et de de François d’Assise, quand les converser. Au Père Jean Pelletier,

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et à plusieurs autres supérieurs, Ignace recommande que les jésuites pratiquent la conversation spirituelle, elle sera comme une porte d’entrée dans les Exercices. « La conversation spirituelle permet à tous d’aider ceux avec qui ils traitent, surtout s’ils trouvent en eux des dispositions qui font espérer du fruit. »

don de la parole

Pourtant l’attention aux mouvements intérieurs nous alerte : ce n’est pas d’abord l’objet de la conversation qui permet de qualifier celle-ci de « spirituelle », mais plutôt les effets qu’elle produit. On peut parler de Dieu de façon stérile, tandis que des rencontres inattendues deviennent lieu de révélation de la bonté de la vie, alors même que le nom de Dieu n’est pas prononcé. C’est sur le terrain de ses effets que le P. Christoph Theobald situe la conversation spirituelle  : quand elle touche à la foi en la vie, pour y découvrir une bonté inépuisable à l’œuvre, en dépit de tout ce qui dans notre monde annonce le contraire. L’Église nait en ce lieu-là. Car cette ouverture, cette

© Thomas Louapre / CIRIC

Prendre le temps de converser, d’écouter ce qui anime autrui, dans une conversation familière et à partir de ce qui l’habite, peut permettre d’en venir à parler avec lui de Dieu. Cela sera d’autant

plus fructueux que la modestie, l’amour du prochain, la patience et le contrôle de soi seront au rendez-vous  ! Ignace rend ainsi attentif au « don de la parole » : comment un jésuite pourraitil annoncer l’Évangile du Christ sans cultiver cette qualité ? De l’exposé lumineux du P. Antoine Paumard, je retiens le grand désir qu’avait Ignace de converser avec d’autres : aller jusqu’au bout de nos conversations, désirer rencontrer autrui au niveau le plus profond, ne pas se satisfaire de tant de conversations oiseuses, ou vaines. Oui, une question de désir qui nous fait nous interroger : qui voulons-nous privilégier dans nos rencontres ?

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© Alain Pinoges / CIRIC

écoute intérieure permettent, contre toutes les formes subtiles ou grossières de mélancolie pastorale, de laisser advenir l’Église à partir de ce que Dieu réalise. Un sain réalisme naît en ce lieu de naissance, et ce réalisme spirituel s’oppose aussi bien aux illusions de qui s’aveugle sur la situation actuelle, qu’au désespoir secret qui naît de l’impuissance. Nos vies, un « jardin en mouvement », selon la belle métaphore du paysagiste Gilles Clément. Ce qui se joue alors, en toute conversation spirituelle, c’est « une qualité d’existence que tous cherchent et trouvent parfois ». Dans les situations d’ouverture, de passage de notre existence « nous sommes en quelque sorte acculés ou provoqués à laisser renouveler en nous l’acte de “foi” élémentaire en la vie, à la fois nécessaire pour vivre et jamais d’emblée garantie ; acte sans lequel il nous est impossible d’aller jusqu’au bout de notre existence » (Christoph Theobald). L’Église, appelée par le pape Paul VI à se faire conversation pour le monde.

Un appel à converser en tous lieux

De nous retrouver en famille ignatienne pour converser sur une telle question était une vraie joie, dans l’évidence désormais affermie de nos liens. Le fondement ultime de la conver- Alain Jeunehomme, le nouveau sation spirituelle se découvre en responsable de la CVX, l’a rapDieu : plusieurs sont revenus sur pelé avec force dans l’envoi final : ce point. Au commencement, « Membres d’un corps apostolique Dieu ne dit- il pas « Faisons qui vivent de la parole pour la misl’homme à notre image, à notre sion, selon nos nouvelles Normes ressemblance » (Genèse 1,26) ? particulières, nous découvrons Les Pères de l’Église ont souvent que la conversation spirituelle médité sur ce pluriel, ce dialogue est au centre de nos existences ». en Dieu, que saint Ignace reprend Pour des laïcs, c’est dans tous les dans la contemplation de l’incar- lieux de vie que la conversation nation, faisant considérer ce que peut se déployer : famille, travail, disent les Personnes divines  : engagements. J’aime dire que « Faisons la rédemption du genre toute rencontre de communauté humain ». locale est une forme d’exercice

spirituel, mais l’on pourrait tout aussi bien dire qu’il s’agit d’une conversation spirituelle. La dimension d’exercice nous met dans l’apprentissage d’une façon d’écouter et de parler, appelée à s’étendre à toute rencontre, au fil des jours. Une façon de s’écouter et de s’interroger qui nous permet de mieux entendre ce que Dieu veut, pour soi et pour les compagnons. La récente université d’été, pour apprendre à discerner les signes des temps, c’està-dire comment Dieu travaille dans notre monde, permet à nos conversations spirituelles de ne pas se cantonner au registre de la relation personnelle avec Dieu : c’est bien le tout de la vie qui est concerné et appelé à être pris en charge dans des conversations spirituelles. Paul Legavre sj Novembre 2011 29


Se former

Prendre des notes Notre responsable de communauté locale nous encourage à prendre des notes pendant les réunions. Je trouve qu’il n’est pas toujours évident de savoir quoi noter, et au fond, est-ce bien utile ?

T

Tout d’abord, nommer les objectifs peut aider à choisir ce que l’on va noter. Prendre des notes peut être une façon de fixer notre attention. Certains se sentent plus présents quand ils n’écrivent pas, d’autres sont plus attentifs crayon en main. C’est une façon de mémoriser une parole à garder pour soi comme un trésor ou pour une méditation…

Noter pour échanger, relire, soutenir l’autre

* Voir « Question de communauté », revue n° 5 de mai 2010.

Ce peut être pour ne pas couper la parole à l’autre si l’on n’a pas compris son propos. On note alors ses mots à lui, sans les changer pour pouvoir l’interroger : « Tu as dit ceci, peux-tu préciser ta pensée ? » Les notes servent pour l’ « échange » car pour parler à un compagnon, il est bon d’avoir noté précisément ses mots par respect pour sa parole et parce qu’elle va servir de base pour la mienne. Il est important aussi d’avoir noté ce qui m’a traversé quand il s’exprimait (motions intérieures) pour décider de « me taire ou parler »*. Le fait de noter avec soin les projets, désirs, décisions des compa-

gnons peut participer du soutien mutuel : lors d’une réunion plus tard, on pourra s’enquérir : « Où en es-tu de … ? » Un enjeu notable enfin pour notre prière de relecture d’année en préparation de la dernière réunion : il est souvent profitable de reprendre nos notes avec le Seigneur, lui demandant d’attirer notre attention où Il veut ! Pour cela, avoir bien noté nos propres évaluations est très utile !

Méthodes pour prendre des notes Une fois repérées nos raisons de prendre des notes, nous pouvons organiser notre façon de le faire. Le plus souvent, nous notons de façon linéaire mais il existe d’autres méthodes. On peut prendre sa page horizontalement et délimiter plusieurs secteurs auxquels on attribue des titres : « Je n’ai pas compris », « Trésors à garder », « Pour le deuxième tour », « Ce qui m’agace… (je regarde pourquoi) », « Ce qui me réjouit… (où Dieu parle peutêtre) », « Désirs, décisions » ou autres… à définir par chacun. Il est parfois intéressant de tracer une flèche pour grouper deux élé-

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ments. Les secteurs s’emplissent plus ou moins selon les réunions. Autre idée : le codage couleur : une couleur par « genre » dans une prise de notes linéaire produit un beau cahier arc-en-ciel ! À la relecture d’année sautent aux yeux les couleurs qui dominent, et qui sait si le Seigneur ne s’en saisira pas pour nous parler ?

Trier pour respecter la parole de l’autre Dernier point  : en fin d’année, nous possédons un plein cahier de notes qui nous racontent mais racontent aussi nos compagnons. En relisant notre année avec le Seigneur, nous pourrions trier ce que nous allons conserver (il peut s’agir de recopier ce qui m’a fait grandir, des paroles « trésor », des décisions à soutenir, etc.) et détruire le reste qui ne servira plus : les confidences de nos compagnons notamment. Nous protégeons ainsi définitivement ce qui nous a été dit dans la confidentialité des réunions, pour le respect de chacun. Hélène Castaing


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Statue en terre des Ateliers de l’Abbaye de Tamié.


Ensemble faire Communauté

Avec les Exercices,

trouver mon chemin ? Pour l’été 2012, La Communauté invite une fois de plus à « oser l’aventure des Exercices »1. Comment entendre cette nouvelle invitation ? Comment y répondre ? Jeanne Thouvard répond à nos questions.

P

Peut-on rencontrer le Christ sans passer par les Exercices ?

1 Voir Nouvelle Revue Vie Chrétienne n° 11 de mai 2011 p. 34 article de Paul Legavre et Michel Le Poulichet

Bien sûr, beaucoup de chrétiens ne connaissent, ni ne pratiquent les Exercices. Les chemins de sainteté sont divers et c’est une chance ! Dans l’accompagnement de retraites, combien d’expériences ont conduit à ne pas entrer dans la rigueur de cette démarche pour telle ou telle personne dont je sentais que ce chemin ne lui convenait pas… Les Exercices sont un moyen parmi d’autres. Ils conviennent aux uns et sont déconseillés à d’autres. C’est la richesse de la diversité des spiritualités dans l’Église.

Alors, comment savoir si les Exercices sont bons pour moi ? 2 Exercices spirituels, Cinquième annotation ES 5 3 Exercices Spirituels pour se vaincre soi-même et ordonner sa vie sans se décider en raison de quelque affection qui serait désordonnée.

Se mettre en route dans une telle démarche demande d’en éprouver le désir, ceci « avec un cœur large et une grande générosité envers son créateur et Seigneur », dit Ignace2. Quel est mon désir par rapport à ce projet ? C’est ce désir-là qu’il convient de scruter quand on cherche à se mettre en route. Il ne s’agit pas de faire les

Exercices pour les Exercices. Ils ne sont pas un examen de passage, dont le succès nous ferait assurément atteindre un haut niveau de spiritualité ou de sainteté… Une telle attitude serait un piège dans lequel il serait assez facile de tomber et qui utiliserait les Exercices dans le sens opposé de ce qu’ils se proposent : la suite du Christ humble et pauvre pour Le servir dans son Église, amie des pauvres et des petits.

C’est-à-dire ? Il ne faudrait pas instrumentaliser les Exercices. Il y a une manière de parler des « Exercices » ou des « moyens ignatiens » qui peut faire fuir tant elle apparaît suffisante, empreinte de vaine gloire « spirituelle », comme réservée à une « élite » qui en ferait l’escabeau de son succès spirituel et finalement social dans certains contextes. C’est une vigilance à garder, mais qui ne remet pas en cause le fait majeur que « la spiritualité de notre communauté est centrée sur le Christ et sur la participation au mystère pascal… Nous considérons les Exercices Spirituels de St Ignace comme la source spécifique et l’instrument

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caractéristique de notre spiritualité ». L’esprit de ce n° 5 des Principes Généraux invite particulièrement les membres de la CVX à vivre les Exercices pour entrer dans une relation vivante et personnelle avec le Christ, pour le suivre dans sa mission au cœur du monde d’aujourd’hui, comme laïcs, pour apprendre à chercher et trouver Dieu en toutes choses. La pédagogie des Exercices inspire toute la vie de la communauté et dès l’accueil, les membres de la CVX sont invités à entrer progressivement sur ce chemin.

Revenons à mon désir. Comment le scruter et le vérifier avant de commencer ? Selon le titre que donne Ignace à son livre3, il s’agit de vouloir mettre de l’ordre dans sa vie et cela demande de vaincre ce qui en soi est désordonné pour prendre une décision dans des conditions d’aussi grande liberté intérieure que possible. Selon les étapes de notre existence, des questions peuvent se poser. Quel désir m’habite pour l’orientation de ma vie  ? Dans


Et quel lien avec la foi ? Si je vais un peu plus loin, effectivement, je peux me demander quelle cohérence y a-t-il entre cette nouvelle orientation et ma foi ? Ai-je conscience qu’un chemin de conversion s’impose à moi afin de m’engager davantage dans l’amour de mes frères ? La démarche de la retraite me proposera d’entrer dans une plus grande intimité avec le Seigneur, et dans le même mouvement m’invitera à me mettre davantage à son service dans l’Église et dans le monde. Ce double dynamisme n’en fait qu’un  : c’est dans le monde, dans la rencontre de nos

frères et sœurs que le visage du Christ se fait vivant et appelant pour nous : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde… » et « tout ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt, 25).

© Corinne Simon / CIRIC

quelle direction ai-je envie de me lancer ? La Communauté est-elle bien le lieu de ma vocation ? Nous avons des « passages » à vivre : une première orientation de vie, un changement d’orientation professionnelle, le départ des enfants de notre foyer, l’entrée dans la retraite professionnelle et l’ouverture à une nouvelle tranche de vie. Que vais-je faire de cette nouveauté ? Comment vais-je la mettre au service du Seigneur et de son Royaume ? Ou bien encore le désir d’y voir clair sur l’appel à m’engager dans la Communauté, ou le désir d’un renouvellement au cœur même de la durée d’un engagement déjà pris de longue date. Comment me renouveler pour poursuivre ma route d’un cœur rajeuni dans l’amour du Père ? Comment sortir aussi de l’insatisfaction, d’un manque de désir, d’un mal-être languissant, d’un deuil, d’une épreuve à traverser ?

Et pourquoi Ignace dès le titre parle de « se vaincre soi-même » ? L’expression laisse pressentir un combat comme celui de Jésus au désert à l’orée de sa vie publique, comme celui qu’a vécu Ignace. Dans l’écoute approfondie de la Parole de Dieu, le combat se déclenche inévitablement de façon plus claire et précise que dans nos vies quotidiennes, et ceci dans la forme propre qu’il prend pour chacun selon son histoire, sa personnalité, ses talents, ses limites. Il est précieux de se livrer à ce combat et la retraite donne des clés pour le continuer dans la vie quotidienne : des priorités apparaissent, des illusions se décryptent, le désir profond se creuse et se purifie… Le visage du Seigneur se dessine et prend des traits personnels, la manière

de le suivre s’éclaire. Et ainsi, au fil des contemplations et de l’expérience de la prière pendant la retraite, la réponse attendue est donnée : déménager, changer de métier, accepter une séparation… Cela s’opère discrètement dans un cœur qui s’est laissé labourer pour accueillir la semence du désir du Seigneur rejoignant le sien. Une vie nouvelle peut alors commencer, enracinée dans la liberté que donne le Seigneur à celui ou celle qui l’a cherchée et demandée tout au long du cheminement des Exercices. Une vie unifiée dans la foi de Celui qui ne nous veut que du bien. C’est bien ce que nous propose le charisme de la CVX4.

4 P.G. n° 4

Alors si le désir est là, quand se lancer ? Quelle formule choisir ? Pour quelle durée ? Dans quel lieu ? Bien sûr, ces questions et d’autres plus personnelles se posent à chacun. L’invitation de la CVX est faite pour stimuler chacun(e) dans sa démarche de foi et dans son intégration à la Communauté. Mais il n’y a pas de réponse toute faite. Les propositions d’Exercices sont nombreuses et variées (voir l’encadré p. 35). Les réponses sont à trouver avec l’aide de sa communauté locale, de son accompagnateur personnel, de ses proches… C’est dans des échanges avec eux, des conversations, des recueils de témoignages que chacun peut recevoir des conseils appropriés et l’audace d’oser l’aventure. Jeanne Thouvard

Jeanne Thouvard, religieuse auxiliatrice, animatrice de retraites, est membre de l’équipe « Formation » de CVX. Elle travaille aujourd’hui pour la formation spirituelle des laïcs en mission du diocèse de Lille.

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Ensemble faire Communauté

Témoignages Vivre les 30 jours en 3 fois « Quand j’ai lu l’encart du CVX info de l’époque proposant de « vivre les 30 jours en 3 fois », j’ai « sauté » sur la proposition avec la bénédiction de mon accompagnatrice personnelle. Mon désir de faire les Exercices s’était creusé au fil des années : retraites de 8 jours qui me lais-

saient un goût d’inachevé, formations diverses à l’accompagnement qui m’enflammaient le cœur, mais qui se heurtaient à une expérience personnelle de rencontre du Christ encore sommaire, divers services dans la CVX qui au bout de quelques années m’épuisaient intérieurement, sans compter nos charges familiales lourdes à l’époque (grands enfants, arrivée des premiers petits enfants, mère très âgée à l’autre bout de la France) et vie professionnelle

aux horaires bien chargés. Et puis ce cap de la cinquantaine, avec l’envie de me ressourcer à la vraie Source, de vivre de façon plus intériorisée les années qui s’annonçaient… Je ne savais pas en démarrant les « 30 jours en 3 fois » que c’était la modalité dans laquelle le Seigneur m’attendait pour m’apprendre à prier (et à prendre le temps pour Le rencontrer) et pour ré-orienter fondamentalement ma vie, suite au départ de mon entreprise (licenciée brutalement la veille du début de la seconde période de retraite). » Monique

© Corinne Mercier / CIRIC

Vivre les 30 jours dans la vie

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« “Lui, il faut qu’il grandisse ; et moi, que je diminue.”, Jn, 3. Il m’aura fallu deux ans pour entendre cette Parole. Au départ, gâtée par la vie, je n’avais pas de question à proprement parler, je désirais exposer ma vie à la Parole de Dieu. Je craignais quand même la longueur de la proposition et mon incapacité à la tenir fidèlement. Mais je suis entrée avec le désir d’un cœur “large et généreux”. Très vite, après mon éton-


nement de constater combien la prière prenait facilement sa place dans ma vie encore bien chargée, j’ai également été surprise d’abandonner peu à peu chacune de mes certitudes et, paradoxalement, de ne pas avoir d’autre volonté que de me fier à un plus grand que moi. De plus en plus libérée, j’ai pu faire l’expérience d’une rencontre personnelle avec le Christ. Avec Lui, j’ai gagné un combat contre un Dieu pervers auquel je croyais depuis des années et sans même m’en rendre compte. Aujourd’hui, tant aimée, je découvre combien je trouve ma joie lorsque je me donne avec Lui : faisant tout ce qui est en mon pouvoir, je contemple l’action de

Sa grâce qui continue d’accomplir de grandes œuvres dans notre monde. J’en suis comblée. Et demain, vers quelles terres promises serais-je à nouveau « déroutée » ? Je ne sais pas mais ce dont je suis sûre désormais c’est qu’Il est un ami avec moi ; cela seul me suffit. Lui, il faut qu’il grandisse ; et moi, que je diminue. » Laure

Vivre les 30 jours en continu « Retraitée, j’étais habitée par le désir de donner 30 jours à Celui qui m’a aimée le premier et qui

m’attend… Mais j’ai pris le risque de cette retraite sans savoir ce qui m’attendait. Au fur et à mesure que les jours s’écoulent, se succèdent, je me libère de tout encombrement qui m’empêchait d’aimer Dieu, d’adhérer aux trois personnes divines. Mon cœur s’ouvre à la vie de l’Esprit. Trente jours pour agir avec prudence, aimer avec patience et persévérance. Dans le quotidien, j’essaie de vivre toutes les découvertes faites, respecter mon emploi du temps fait avec les conseils du Dieu trinité. Pour la communauté et les autres, j’éprouve le désir d’aller au service : ménage, cuisine… à St Hugues… ». Marie

L’expérience intégrale des Exercices

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En centre spirituel : soit en continu sur 30 jours, soit fractionnés en 3 fois 10 jours. Exercices dans la Vie : étalés alors sur 6 à 15 mois. La CVX propose dans l’été 2012 à Biviers les 30 jours en continu (7/07 au 7/08)

Les retraites selon les Exercices. Entre 2 et 10 jours Elles permettent de faire une expérience selon le point où chacun en est. En centre spirituel : diverses formules (avec ou sans prédicateur) précisées dans les programmes des centres ou sur Internet avec www.jesuites.com/actu/retraites/index. html Retraites dans la Vie : avec CVX, les Chemins Ignatiens, Notre Dame du Web et certaines paroisses ou diocèses. En famille avec enfants : propositions entre 3 et 7 jours.

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La CVX propose pendant l’été 2012 à Biviers et au Hautmont des retraites de 5 jours (« Entrée dans les Exercices »), des retraites de 10 jours (« Avance en eau profonde ») et des retraites familles (à Biviers, à Penboc’h et avec le MEJ). Voir dans le Babillard p. 19, les propositions pour l’été 2012. Novembre 2011 35


Ensemble faire Communauté

L’équipe nationale se renouvelle L’équipe service nationale en cette rentrée 2011. De gauche à droite, Alain Jeunehomme (Drôme-Ardèche) responsable national – Véronique Angevain (Golfe du Lion), conseillère – Paul Legavre sj, assistant national – Anne de Lamotte (Arras-Lille), conseillère.

▲ Frédéric Hamot, trésorier national.

L

La Communauté de Vie Chrétienne est engagée dans un renouveau communautaire en vue de la mission. Les élections et la mise en place des équipes service se poursuivent à travers toute la Communauté. Pour les nouvelles Communautés régionales, d’abord, bien sûr ! Et il est beau de voir débuter ces équipes, composées de tous ces hommes et femmes qui se mettent au service ! Mais élections aussi bientôt au printemps, pour les équipes service des grandes régions, et d’une nouvelle équipe service nationale : ce sera à l’Ascension, en mai 2012, lors de l’assemblée de notre première Assemblée de

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« MERCI, DOMINIQUE »

Communauté. Elle aura de plus à orienter la Communauté tout entière, lancer la préparation de l’Assemblée mondiale de l’été 2013. Après le départ de la secrétaire nationale Isabelle Robinne en juin 2008, c’est au tour de Dominique Léonard d’achever son service, après quatre années comme responsable national. En cette cinquième année, supplémentaire, Alain Jeunehomme, jusqu’alors, trésorier national, est devenu responsable national. Fréderic Hamot (Paris Etoile) trésorier national, en proximité avec l’ESN mais sans la rejoindre (il ne reste que quelques mois avant les élections). Bonne route à eux !

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Lorsqu’en septembre 2007 le Comité national t’a appelé à endosser les habits de responsable national, ta réponse n’a pas été une « réponse de Normand » (la Normandie est la région de Dominique). Elle a été un vrai « oui » qui ne s’est pas démenti tout au long de ces quatre années de service durant lesquelles tu as connu joies et quelques « cactus ». Un service que tu concevais essentiellement autour de la rencontre et des liens interpersonnels. Liens tissés dans les régions, avec les équipes au service de la Communauté ou celles des œuvres et notamment des Centres spirituels. Merci à toi au nom de toute la Communauté et particulièrement de ceux qui ont travaillé avec toi pour les services innombrables rendus. Merci à Marie Jeanne, ton épouse, de t’avoir soutenu malgré toutes les absences que ce service demande. Bonne route à Rouen dans tes nouvelles activités et au sein de ta famille qui compte tant pour toi. Alain Jeunehomme À NOTER ÉGALEMENT : Bienvenue à Sophie Divry qui a rejoint le 17 octobre le secrétariat de la Roquette en tant que « Secrétaire générale »


CVX à LA RéUNION

“SE LAISSER FAÇONNER PAR LA PAROLE” La Réunion se situe dans l’Océan Indien, tout près de l’Ile Maurice et de Madagascar, à mi-chemin entre l’Afrique, l’Inde et l’Australie. C’est un petit caillou, département français (97-4) de l’Outre-mer, de 2 552 km2 de surface avec plus de 800 000 habitants. Le plus haut sommet, le Piton des Neiges culmine à 3 070 m et le piton de la Fournaise, son volcan, est toujours en activité. Comme son nom l’indique, se trouvent réunis dans l’île un peuple métissé aux religions et croyances diverses vivant en harmonie.

CVX à la Réunion a démarré timidement dans les années 97/98. Jusqu’en 2006, notre Communauté ne comptait qu’une seule équipe. Le congrès CVX qui s’est déroulé à Lourdes a été pour nous l’occasion d’un nouveau départ, avec notre affiliation à CVX Nationale. Tous nos membres y ont participé et sont revenus dynamisés, ce déplacement nous a apporté beaucoup de fruits. Nous avons fait connaissance avec la Communauté de Normandie qui nous avait parrainés et qui comptait un réunionnais dans ses membres. L’expérience de la rencontre avec la CVX nationale nous a ouvert la porte sur une autre dimension de cette grande famille à laquelle nous appartenons tous. En 2007, la Normandie cesse son parrainage. Au cours de cette même année, notre Communau-

té se structure et met en place l’élection du responsable.

a été d’un grand réconfort et riche en grâces : rencontre avec CVX Maurice, formation, écoute, partage, points communs entre toutes communautés CVX, reconnaissance. Le week-end s’est terminé par une messe concélébrée avec six prêtres jésuites, dans la chapelle du Sacré Cœur de Jésus

En 2008, fin d’accueil pour une équipe qui avait commencé son parcours en 2006, nous passons à deux équipes. D’autre part deux nouvelles équipes « parcours accueil » se mettent en place.

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En 2009, nous arrivons à quatre équipes. Plusieurs rencontres avec des compagnons de passage sont d’une grande richesse, elles nous permettent de mieux comprendre et sentir la manière de vivre en CVX. Elles nous fortifient et nous dynamisent : en 2008, Christine Regaud de l’équipe nationale ; en 2009, Jean-Yves et Monique Pasquier, de l’équipe service formation ; en 2011, Blandine Somot, l’assistante de la région Alsace. La venue de Paul Legavre, pour le week-end des 14 et 15 mai, nous

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H Hier

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Ensemble faire Communauté

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à la Résidence et par un repas pique-nique convivial à SainteMarie.

Aujourd’hui : • Quatre petites équipes rassemblent une vingtaine de membres. • Une équipe en parcours accueil a démarré en juin. • Trois responsables de communautés locales élus. Nos points forts c’est d’avoir trois pères jésuites accompagnateurs, de bénéficier du programme que propose le centre spirituel de Saint-Ignace et des locaux.

et la société, d’avancer en se soutenant dans nos engagements en Eglise, ou auprès des sans-domicile fixe ou encore dans la vie associative de l’île. Par exemple, dans l’accompagnement des catéchumènes adultes, la manière d’écouter que développe la CVX est très précieuse. Discerner ce que Dieu attend de chacun de nous en partageant nos expériences, laisser la place aux autres, faire des choix, se laisser façonner par la Parole et la manière de faire du Christ contemplé dans l’Évangile, tout

L’ambition de nous faire connaître davantage et d’étoffer nos équipes nécessite des ressources humaines appropriées. Notre Communauté continue donc sa route avec ses lacunes : la distance, le manque d’interlocuteur et les formations propres à CVX.

Alors demain, la nécessité est d’avoir un référent en métropole, un interlocuteur pour : • Nous rendre visite et établir un programme de formation. • Voir, situer nos problèmes par rapport à l’éloignement et trouver des solutions. • Nous représenter (être notre porte parole) lors des rassemblements en métropole. La participation à la CVX nous apprend à écouter l’évangile d’une autre façon que dans les paroisses, de relire notre vie, notamment de service dans l’Église 38 Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 14

cela nous transforme au quotidien et concourt à unifier nos vies. Conscients des pas à faire et à inventer localement pour grandir en maturité et en nombre, nous comptons néanmoins sur votre soutien, votre aide et votre prière pour que la CVX Réunion soit rayonnante et apostolique. Fraternellement, amitiés en Christ, Ginette et Joëlle de CVX RéUNION

La CVX à l’Ile Maurice Les 14 et 15 mai, la rencontre entre une trentaine de CVX de La Réunion et de Maurice, pour une formation communautaire, a permis aux deux communautés de mesurer leurs forces et les défis auxquels elles sont confrontées. La Communauté à Maurice, aujourd’hui, regroupe environ quatre-vingt dix membres. Son originalité provient de ce que la plupart des membres ont fait les Exercices Spirituels dans la vie, dans une démarche exigeante de groupe : les jésuites ont développé en effet des parcours de formation spirituelle qui ont pris une réelle ampleur dans l’Ile. Après avoir goûté à la spiritualité ignatienne, beaucoup, tout naturellement se tournent vers la CVX. Le défi est alors d’intégrer une dimension communautaire et apostolique, pour aller au-delà d’un simple groupe ignatien de soutien à sa vie spirituelle. Autre défi : l’intégration à la Communauté mondiale. La CVX s’est en effet développée avec le soutien des jésuites de la Province de France, présents dans l’Ile. Maintenant, il s’agit pour la CVX Maurice d’engager les démarches de reconnaissance par la CVX mondiale : à venir, une belle aventure de croissance et de maturation de la vocation et de la mission de la Communauté ! Paul Legavre, assistant national


Billet

Les photos dans nos maisons Aux murs de nos maisons, sur les portes des frigos, sur nos bureaux parfois il y a ces saisissements d’images : photos encadrées ou posées et celles plus aléatoires, prises au vol dans le mouvement. Morceaux de nos vies, concentrés d’émotion et de temps uniques, souvenirs de vacances et des gens que nous aimons. Les photos au mur n’ont rien en partage avec les albums, elles ne sont pas classées par époque, les lieux et les dates se mélangent dans un tourbillon anarchique.

Sur le mur de notre escalier :

Dans notre entrée : Photos comme autant de visions concentrées, qui ont leur propre tension, mais ne sont nullement coupées de l’espace dans lequel nous sommes à présent. Les photos sur les Enfants et nouveaux nés Dans ces traits chavirés, frigos, les murs Ceux des adolescents et les bureaux d’aujourd’hui. n’ont peut-être pas le pincement de la nostalgie. Elles vieillissent dans le même air que nous, parfois disparaissent, remplacées par de nouvelles et c’est tant mieux.

Août 1992 Parvis de Saint Jean de Malte Désordre joyeux, du blanc et des fleurs, Notre oui il y a vingt ans.

Sur le frigo :

1998 Minuscule petite fille Dans les bras de son Papa Polo rayé sur le ponton

Instants privilégiés, dans la lumière du temps, en éveil, les J’en ignore la date. Ils se tiennent la main, visages et les liens. L’oncle et la tante aimés. Photos sur les murs, anamnèses qui nous dévoilent à qui entre chez nous, passe par la cuisine ou lit derrière notre épaule et découvre notre univers.

Quelle différence entre les photos de nos maisons et celles aujourd’hui sur Facebook ? Peut-être justeTirage d’imprimante ment cette jubilaTiphaine, Bénédicte et tion du désordre Marianne Quel anniversaire déjà ? qui fait la mosaïque de nos vies. Ces photos-là ouvrent sur un temps immobilisé mais communautaire. Elles ne sont pas la contemplation narcissique de ce que je suis, de ma famille, mais elles disent la profondeur des relations humaines qui nous lient aux autres et que nous offrons au regard en action de grâces.

La mer et Rome Pêle-mêle 2002 JMJ

Corine Robet Novembre 2011 39


Prier dans l'instant © Corinne Simon / CIRIC

Pour Noël, un repas de famille ? Dans la fratrie, les choses se mettent en place : le jour, le lieu, le nombre, le menu. Petits et grands seront réunis. La cause ? Une fête : Noël. Et si Tu m’appelais à vivre ce repas de Noël en FÊTE DE L’ÉCOUTE ? Il y aura ceux qui parleront beaucoup. Ceux qui interrompront. Ceux qui n’oseront pas parler, habitués peut-être à n’être pas entendus… Au milieu du bruit humain, Toi, la Parole éternelle, Tu as voulu naître. Tu T’es fait Parole de vie et, tout autant, ECOUTE VIVANTE. Comme tu as su offrir à chacun, à chacune, un respect de ses mots ou de ses silences ! Comme Tu as su accueillir, au-delà de leur être de surface, leur être caché ! Tous, se sentant vraiment écoutés par Toi, pouvaient se décharger un peu de leur fardeau social, familial, et grandir, étonnés, en liberté heureuse. « Donne-moi un cœur qui écoute… » 1Rois 3,9. Et puis un jour, Tu as prononcé ces mots étranges : « Ceux qui ÉCOUTENT la Parole de Dieu, ils sont… ma mère, mes frères », Luc 8, 21. Autour de notre table, nous serons « la famille un tel ». Et, bien plus véritablement, nous serons membres de ta famille divine. Ouvre mon cœur à cette profondeur-là. Donne-moi, et à chacun de nous, un CŒUR ÉCOUTANT. TON ÉCOUTE DIVINE en notre humanité. Marie-Claire Berthelin

Nouvelle revue Vie Chrétienne – novembre 2011


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