Apologie des bancs publics

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les bancs. Baptisés siège Motte, et apparus sur les quais du métro Parisien, « ces coques individuelles orange (..) interdisaient de se coucher et seront parfois disposées dos à dos, comme s’il fallait surtout empêcher les gens de se parler... » . Les décideurs et les concepteurs ont inventé les « bancs égoïstes » , parce que le mobilier urbain peut devenir un « dispositif moral, destinés à contrecarrer les débordements des corps » , une manière péremptoire d’organiser la vie des gens. Pour éviter l’attente qui n’en est plus une, pour rendre impossible l’allongement et contre les utilisations transversales : l’accoudoir, et donc le design, sont devenus deux des outils les plus précieux .

[ ] Prolongeau H. ; 2004 ; Plus dure sera la ville, www.urback.org [ ] Jolé M. , 2003 ; op. cit. , p108 [ ] Jolé M. ibid. 47

Une explication peut s’élaborer autour du rapport qu’entretient l’opinion publique vis à vis de la présence des personnes socialement « en marge », communément appelées SDF. En deux mots, on peut dire qu’il s’agit d’un refus de visibilité, voire une hostilité marquée envers eux-mêmes ou ce qu’ils représentent. Le contrôle s’opère une fois par les bancs, un des lieux adopté par ces pauvres des villes, une autre fois (ou simultanément) par une politique répressive, qui depuis une quinzaine d’années, développe les arrêtés antimendicité, anti-bivouac… Ceci confirme une certaine idée de la logique sécuritaire actuelle. En effet, la demande sociale s’oriente vers une ville plus policée, contrôlée, et se traduit sur le terrain au niveau des bancs. Face à ce constat, quelques chercheurs s’indignent : « sur quoi se base-t-on, s’interroge Djeimila ZeneidiHenry, pour appréhender les contrevenants dans la rue ? Ce sont les postures, l’allure, les stigmates physiques des personnes à la rue qui servent de critères pour écarter ceux qui ne correspondent pas à l’hexis corporelle en vigueur. Les SDF sont interdits de cité, ils n’ont désormais plus le droit d’afficher leur pauvreté » . Et la direction prise par les autorités se confirme avec deux exemples, pris à Paris et à Rennes.

A Paris, les pouvoirs publics de la mairie du 1er arrondissement ont mis en place des mesures préventives contre les ‘‘marginaux’’, en partant d’un premier constat stigmatisant: « les personnes sans domicile fixe sont très présentes dans l’arrondissement (…). Nombre d’entre elles sont sédentarisées et parfois accompagnées de chiens dangereux. Il arrive que ces marginaux se regroupent en bandes agressives mais leurs comportements relèvent davantage d’actes d’incivilités que de réels actes de délinquance ». Ils proposent dans cette fiche-action de « développer la prise en [ ] Zeneidi Djemila ; 2002 ; Le corps des pauvres, in le Passant Ordinaire, n°42 chapitre 2


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